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samedi, 21 décembre 2024

Hospital

   Ce documentaire de Frederick Wiseman constitue le deuxième volet  de la trilogie Il était une fois l'Amérique. Il y a deux semaines, j'ai déjà vu Law and order. J'espère que je pourrais attraper le dernier volet à l'occasion des fêtes de fin d'année.

   Un an après le premier volet (en 1969 donc), Wiseman se trouve à New York, dans un grand hôpital public. C'est le début de la présidence du républicain Nixon... et l'occasion de faire un état des lieux du système de santé, après les réformes sociales lancées par John Kennedy et son successeur Lyndon Johnson (sa Great Society, parfois éclipsée par l'aura de son prédécesseur).

   Avis aux âmes sensibles : on démarre dans le dur, avec le début d'une opération. Les médecins se préparent avec minutie, avant qu'une femme ne se fasse ouvrir le ventre... On passe ensuite à une séquence poignante. On y découvre une jeune femme noire, qui n'est pas une patiente, mais sa fille. Filmée en gros plan, elle est vraiment touchante. J'ai aussi été littéralement frappé aux tripes par le cas de cet homme âgé, travailleur modeste, souffrant du diabète, dont on découvre la dentition pourrie, lui-même finissant par comprendre qu'il a sans doute un cancer de la prostate.

   Dans ce service d'urgences, les médecins et infirmières sont très majoritairement blancs. (On aperçoit à deux-trois reprises un médecin noir et, furtivement, un interne sans doute sikh.) En revanche, la majorité des patients sont afro-américains... et pauvres. Faute d'argent et d'accès à un médecin traitant, ils utilisent les urgences comme certains patients d'aujourd'hui, en France (mais eux trop souvent par convenance personnelle).

   Comme dans Law and order, j'ai été impressionné par le calme et le professionnalisme des personnes agissant sous l'oeil de la caméra de Wiseman. Même si celui-ci ne s'autorise aucun commentaire ni même aucune  intervention dans le déroulement de l'action, on sent, par son montage, qu'il a voulu rendre hommage aux agents de ce service public.

   Cela ne l'empêche pas d'en pointer certains dysfonctionnements. Ainsi, quand on voit un jeune médecin s'entretenir au téléphone avec l'administration d'un autre hôpital new-yorkais, on comprend que l'une des patientes que l'on vient de nous montrer, arrivée dans un état grave (souffrant d'hémorragie) a été refusée par l'autre établissement. La raison avancée est le manque de place... mais ce n'est pas la première fois qu'elle est invoquée. Comme ladite patiente est afro-américaine, on se demande s'il n'y a pas autre chose derrière cela. (A l'époque, le pays est en pleine déségrégation, avec, ici et là, des réticences à peine masquées...)

   Un autre épisode marquant concerne un patient schizophrène, que le psychiatre de l'hôpital voudrait éviter de faire interner : il est capable de se débrouiller au quotidien, chez sa mère... à condition que quelqu'un l'y ramène. Le psychiatre essaie de convaincre une employée des services sociaux de résoudre ce petit problème. Au bout du fil, la personne semble traîner des pieds... pas emballée à l'idée de changer ses habitudes.

   Enfin, je ne peux pas ne pas parler du cas de cet enfant en bas âge, tombé du balcon de l'appartement de sa grand-mère, celle-ci incapable de s'occuper de lui. Les parents semblent être aux abonnés absents. Un examen médical confirme que le gamin, tombé d'une hauteur de cinq mètres (!), n'a aucune blessure décelable. Mais les infirmières se sont prises d'affection pour le garçon, calme et un peu éberlué. On sent de leur part un véritable élan du cœur. Ne serait-il pas possible de lui faire passer la nuit, en sécurité, dans le service pédiatrie ? Consultée par téléphone, la responsable de cette unité apparaît très procédurière... et pas très appréciée de ses collègues (qui la qualifient de « vieille bique »).

   D'autres enfants, non visibles à l'écran, se trouvent en situation délicate. Âgés de sept, neuf et dix ans, ils ont été laissés seuls au domicile d'un employé de bar, qui semble en très mauvais état mais voudrait quitter l'hôpital, même non soigné, pour retourner chez lui. La mère s'est barrée et lui (comme tant d'autres) ne semble pas avoir les moyens de payer son traitement.

   Certaines séquences sont plus attendues : l'hôpital accueille de jeunes drogués (dont un que je qualifierais de "roi du vomi"), une femme sans doute victime de violences conjugales et un délinquant qui a été "planté" par un concurrent. Tout cela est filmé de manière neutre, parfois frontale.

   Au-delà des souffrances physiques et des accidents de la vie, Frederick Wiseman a réussi à saisir la détresse morale de ces éclopés de la société. Pour certains, le seul réconfort vient de la salle de prière, où se retrouvent patients, proches et membres du personnel. Aide-toi et le ciel t'aidera...

samedi, 14 décembre 2024

Conclave

   A Rome, le Pape meurt soudainement, mais il était malade depuis plusieurs mois. L'élection de son successeur doit être rapidement organisée, sous la supervision du Doyen du Vatican (impeccablement interprété par Ralph Fiennes).

   Deux camps principaux semblent devoir s'affronter : les "libéraux", héritiers d'un souverain pontife progressiste (mais divisés entre plusieurs candidats possibles) et les "conservateurs", nombreux chez les cardinaux italiens, dont une frange envisage de revenir sur le concile de Vatican II. Un candidat africain vient perturber le jeu : sa désignation symboliserait le renouveau, mais il affiche des positions traditionalistes sur le plan des mœurs. D'autres personnages vont entrer dans la danse, jamais -bien sûr- par ambition personnelle, mais pour servir au mieux la Très Sainte Église.

   C'est donc un énorme panier de crabes en soutane qui va se retrouver confiné pendant plusieurs jours, croisant de temps à autre les petites mains du Vatican, si croyantes, si discrètes et si serviables : les religieuses.

   L'intrigue, qui prend la forme d'un polar politico-sociétal, mêle donc plusieurs thématiques : ambition personnelle, corruption, sexisme, homophobie, dialogue inter-religieux, tension entre tradition et modernité ...

   L'histoire est nourrie de rebondissements, mais feutrés. Ici, on ne s'affronte pas à coups de hallebarde sur le crâne, mais par la parole (l'argumentation comme les insinuations), l'influence voire l'intimidation (confraternelle, bien entendu). Parfois, on est proche du billard à trois bandes (au niveau de certaines manipulations).

   C'est passionnant à suivre. Les acteurs sont bons, les dialogues bien écrits et la mise en scène assez inventive. Edward Berger multiplie sans ostentation les angles de prise de vue, toujours justifiés pour mettre en valeur tel détail (une bague, un bulletin de vote) ou telle organisation générale (les cardinaux en promenade durant une pause ou statiques dans la salle de vote). Les plans sont construits avec minutie.

   Le suspens n'est toutefois pas insoutenable. Avant la fin du premier quart d'heure, j'étais quasiment certain de la personne qui allait remporter le scrutin et j'avais misé sur une salle en particulier pour un rebondissement tardif. Mais l'intrigue est suffisamment riche en surprises pour contenter tout le monde... avec un ultime coup de théâtre (inspiré d'une légende médiévale), qui m'a bien fait rigoler, mais qui n'est guère crédible.

23:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Il était une fois Michel Legrand

   Ce documentaire tente, en un peu moins de deux heures, de rendre compte de la vie artistique du compositeur franco-américain, décédé en 2019. Grosso modo, le plan est chronologique : l'enfance est (brièvement) abordée au début, la vieillesse et la mort à la fin. La première partie du film n'en montre pas moins le musicien âgé, encore excellent pianiste à quatre-vingts ans passés.

   Même si j'ai trouvé l'ensemble un peu long (surtout sur la fin), le film regorge de bons moments, mis en valeur par un montage efficace, qui croise de nombreuses images d'archives avec des entretiens réalisés plus récemment... et, surtout, des extraits des compositions de Legrand. Ce bain musical, à la fois classique et jazz, est réjouissant, d'autant que la plupart des airs sont connus : même sans le savoir, nous avons vécu dans un environnement musical en partie créé par Michel Legrand.

   J'ai bien aimé la séquence qui évoque ses années de formation, notamment auprès de la redoutable Nadia Boulanger. Assez jeune, celui qui pouvait envisager une brillante carrière dans la musique classique s'est tourné vers la chanson populaire (pour laquelle il fut arrangeur), le jazz (qui lui ouvrit des perspectives) et le cinéma  (son second coup de cœur, après la musique). L'homme était éclectique, puisqu'il a travaillé aussi bien pour la Nouvelle Vague que pour les comédies musicales et des films plus commerciaux... pas toujours de grandes réussites selon son propre aveu.

   L'un des intérêts de ce documentaire est de proposer (hélas à de rares reprises) une analyse de l'artiste créateur, grâce notamment à des enregistrements (audio) précieux et quelques extraits de reportages.

   Notons que, si le film est globalement à la gloire du musicien (le chanteur m'intéressant nettement moins), il ne masque pas le caractère exigeant et ombrageux du personnage. Il est à l'image d'autres "Géants", sans doute doués à la naissance, mais qui ont développé ce don grâce à un travail acharné. Le degré d'excellence atteint les rend peu tolérants à l'égard de la médiocrité ou de "l'assez bon".

   Toutefois, le film passe pudiquement sur les raisons qui ont poussé Legrand d'abord à demander la naturalisation américaine, puis à renoncer volontairement à toute allégeance française. Le sous-entendu est que c'était cohérent avec le tour pris par sa deuxième vie, outre-Atlantique (où il est devenu une référence pour de nombreux artistes américains)... mais je me demande s'il n'y a pas aussi des raisons fiscales là-dessous.

   Le plus important reste la musique, dont le documentaire nous propose de beaux extraits (avec un son de qualité). Croisés avec des passages de films plus ou moins restés dans les mémoires, cela donne un divertissement assez emballant, qui retrace indirectement un pan de l'histoire culturelle française.

mercredi, 11 décembre 2024

En fanfare

   Je me suis décidé à voir ce film sur la foi notamment du bouche-à-oreille, très favorable. Quelque part entre La Vie est un long fleuve tranquille et The Full Monty, Emmanuel Courcol propose une comédie dramatique organisée autour d'une relation fraternelle, dans un univers musical assez varié.

   Au début, deux scènes m'ont fait un peu peur : celle au cours de laquelle l'un des héros annonce sa maladie à sa sœur, et celle où il s'emporte contre celle qu'il hésite désormais à appeler maman. Dans la première scène, c'est la comédienne qui interprète la sœur dont je trouve le jeu approximatif. Dans la seconde scène, l'emportement de Thibaut (Benjamin Lavernhe, pourtant excellent dans le reste du film) m'est apparu un peu factice. Peut-être est-ce un problème de montage. (On a peut-être coupé un morceau de la scène qui aurait rendu l'emportement plus logique.)

   Fort heureusement, la suite est de bien meilleure facture. Pour moi, le film devient passionnant à partir du moment où le frère (Jimmy) apparaît à l'écran. Il est incarné par Pierre Lottin, qui nous prouve une nouvelle fois qu'il a du talent. (Il faudrait toutefois veiller à ne pas le cantonner dans les rôles de "cassos" ou de quasi-délinquant.)

   Les interactions entre les deux comédiens interprétant les frangins sont excellentes, bien complétées par les seconds rôles nordistes. On dit les choses sans fard, parfois de manière très crue... et c'est très bien. C'est à la fois réaliste et drôle.

   L'intrigue évite ensuite un autre piège : le conte de fées. Bien des embûches sont placées sur le chemin de Jimmy et Thibaut. Tout cela est traité avec délicatesse et dans un réjouissant bain musical, qu'il soit classique avec Beethoven, Verdi, Ravel ou populaire avec Aznavour, Sardou ou Johnny.

   Comme beaucoup de spectateurs, j'ai eu les yeux qui piquent à la fin. C'est une belle histoire, pleine d'humanité (un poil caricaturale toutefois sur le devenir industriel de la région).

16:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 08 décembre 2024

Vaiana 2

   Disney pioche dans ses vieux pots pour nous sortir de (prétendues) nouvelles sauces. L'été dernier, cela a marché (au niveau des entrées) avec le décevant Vice Versa 2. Du coup, huit ans pile après les premières aventures de la plus charmante des Polynésiennes, la voilà de retour, avec (presque) les mêmes acolytes et de nouveaux méchants.

   La première partie de l'histoire fait alterner deux intrigues en apparence séparées. D'un côté, le demi-dieu musclé-obèse vit des aventures extraordinaires, où la magie est omniprésente. De l'autre, Vaiana et sa famille sont confrontées à des problèmes plus matériels, dont la solution ne peut venir que de l'organisation d'une nouvelle expédition, en groupe cette fois. L'adolescente constitue une équipe de choc : son amie architecte fantasque, un jeune mec baraqué (bientôt obèse) pas très fut-fut, un vieil agriculteur râleur... sans oublier, bien sûr, le petit cochon et le coq, dont la présence semble destinée à faire rire les plus jeunes des spectateurs, qui risquent de ne pas comprendre grand chose à l'intrigue.

   Visuellement, c'est du beau boulot, avec du mouvement, des couleurs et, parfois, du brio, comme lorsqu'apparaît la baleine mystique. C'est hélas assez rare. (De manière générale, la quasi-absence de la grand-mère nuit à la qualité de l'histoire.) J'ai trouvé l'ensemble un peu tapageur, le mouvement presque perpétuel tentant de masquer le creux des dialogues. Mais, bon, on ne s'ennuie pas...

   ... si l'on supporte les chansons. Je crois qu'elles occupent entre 15 et 20 minutes au total. La majorité sont chantées par Vaiana (Cerise Calixte dans la version française). C'est tout aussi pénible que dans le premier épisode, quelque chose entre le Aller plus haut de Tina Arena et le Libérée, délivrée de La Reine des neiges. (Encore aujourd'hui, on ne mesure pas à quel point cette chanson, écoutée à l'infini, à pleins tubes, par quantité de gamines, a traumatisé des millions d'adultes...)

   Fort heureusement, l'humour est là. Il passe notamment par Anthony Kavanagh, qui double Maui. J'ai aussi aimé certains détails croquignolesques, comme la "vague de cheveux"... et la présence ponctuelle de vomissures et muculences, produites par d'étranges créatures.

   A part cela, le scénario est assez convenu. Sur le fond, un esprit pointilleux pourrait trouver à redire à la représentation des différents peuples du Pacifique (à la fin). Alors que le peuplement de la région s'est effectué à partir de l'Asie du Sud-Est, les illustrateurs semblent avoir voulu insister sur la parenté entre Polynésiens et Afro-américains. Des considérations commerciales et, peut-être, une certaine vision américaine du monde, ont pesé sur l'animation.

21:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Law and order

   Il y a cinq ans était sorti en France Monrovia, Indiana, un passionnant documentaire de Frederick Wiseman, tourné dans l'Amérique profonde, celle qui votait (et qui vote toujours) massivement Trump. Cette fin d'année voit la reprise de trois de ses plus anciens films, celui-ci ainsi que Hospital (datant de 1970) et Juvenile Court (1973). Law and Order a été tourné en 1968 à Kansas City, dans l'extrême-ouest du Missouri.

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   C'était une année électorale, celle qui a vu la victoire de Richard Nixon, dont on nous propose un extrait d'un discours de campagne, à la fin. Dans cette partie, Nixon s'en prend sans le nommer directement à Robert Kennedy, le frère de JFK, en qui il voit son principal adversaire. Comme celui-ci a été assassiné en juin 1968, on en déduit que la scène est antérieure. (Ironie de l'histoire : l'un des fils du très progressiste "Bobby", Robert Francis Kennedy, devrait devenir secrétaire à la santé dans le nouveau gouvernement Trump...)

   Dans son discours électoral, Nixon pointe l'insécurité dont souffriraient les États-Unis. On ne s'étonnera donc pas que l'essentiel du film montre les forces de l'ordre en action. Comme Kansas City est une ville à forte population afro-américaine, on s'attend à ce que les relations entre les policiers, majoritairement blancs, et cette minorité soient l'objet de la plupart des scènes. Wiseman surprend un peu son public en choisissant de commencer par des scènes où les personnes interpellées sont souvent blanches. On nous y montre des policiers à la fois fermes et courtois, face à des personnes qui semblent souvent être des "cas sociaux".

   Les scènes d'intervention (pour lesquelles Wiseman semble avoir obtenu l'autorisation de tout filmer) alternent avec des entretiens avec des policiers. Wiseman a particulièrement suivi un jeune récemment  intégré aux forces de l'ordre. Il montre aussi deux policiers, chacun dans sa voiture, comparant les situations dans différentes brigades. On parle notamment de salaire. Beaucoup sont payés 500-600 dollars par mois (800 étant considéré comme une somme incroyable... à comparer toutefois au coût de la vie, en particulier en Californie, où les policiers semblent mieux payés qu'ailleurs). Ces 600 dollars correspondent à 3 700 francs de l'époque, le SMIG français étant compris entre 500 et 600 francs.

   La majorité des scènes montrent les policiers (blancs, mais aussi, surtout dans la seconde partie, noirs) au contact des populations afro-américaines. Dans les conversations de l'époque, celles-ci sont nommées Negro, un terme qui, aujourd'hui, est banni du discours public (considéré comme offensant, bien que moins que nigger)... mais qui, à l'époque, est d'usage courant (avant qu'il ne soit d'abord remplacé par Black). Les rares fois où l'on entend le mot nigger, c'est dans la bouche d'un délinquant... noir, qui insulte les policiers (blancs !) qui l'arrêtent. Cette séquence est l'une des plus marquantes du film. On y voit deux gars en uniforme, assez costauds, tentant de maîtriser un jeune homme (musclé) qui s'est embrouillé avec d'autres habitants (noirs) du quartier, qu'il menace. On sent que tout le monde essaie de faire bonne figure devant la caméra de Wiseman : les policiers n'exercent pas la plus grande force dont ils sont capables et le délinquant cherche à se présenter sous un jour favorable... quand il se contrôle.

   Auparavant, on a assisté à une scène plus gênante, pleine de sous-entendus : l'interpellation d'une jeune prostituée (noire). L'immeuble où elle "officie" héberge d'autres péripatéticiennes. Il est connu des services de police. L'intervention a été provoquée par la plainte d'un voisin. La jeune femme s'est barricadée, mais n'oppose pas de résistance physique. Au cours de l'interrogatoire qui suit, on comprend qu'elle a peut-être dénoncé auparavant le comportement inapproprié d'un policier (qui risque des sanctions). Il me semble avoir aussi déduit de certains échanges qu'il arrive qu'un policier "s'isole" dans une pièce avec une prostituée... Comme il n'y a aucun commentaire et que cela date de plus de cinquante ans, la scène n'est pas complètement limpide.

   Ailleurs, les policiers sont plus affables, serviables même. Ils prennent en charge un gamin perdu dans la rue, aident une dame âgée aux prises avec un chauffeur de taxi malhonnête et protègent une épouse en fuite d'un mari jaloux (et peut-être violent). Tout ce petit monde est afro-américain. J'ai été marqué par la courtoisie et le calme des policiers, qui ont visiblement été bien formés. A ce sujet, Wiseman a été autorisé à filmer une scène de briefing, au cours de laquelle les officiers rappellent à leurs troupes ce qu'il convient de faire et de dire et ce qu'il faut éviter à tout prix. On sent que la vague de "politiquement correct" ne s'était pas encore enclenchée outre-Atlantique !

   Je pourrais continuer comme cela longtemps, tant ce documentaire (pourtant court : 1h20) est riche. (Une séquence forte implique trois jeunes hommes noirs, dont deux armés, dans un magasin de vêtements. Une autre a pour "vedette" une prostituée âgée, au commissariat...)

   Je le recommande vivement.

samedi, 07 décembre 2024

La plus précieuse des marchandises

   Deux ans et demi après le foutraque Coupez !, Michel Hazanavicius revient sur les écrans avec un genre totalement différent de film. Il s'agit de l'adaptation d'une sorte de conte, écrit par Jean-Claude Grumberg, dont l'action a pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale.

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   Mais, quand on n'a rien lu sur le sujet auparavant et qu'on s'est contenté de la bande-annonce, le début paraît mystérieux. Un couple de bûcherons vit chichement dans une forêt isolée, il y a des dizaines d'années, semble-t-il. La région est traversée par une unique voie ferrée, sur laquelle circulent des trains à vapeur, dans un sens comme dans l'autre.

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   Les couleurs et la texture de l'animation contribuent à accentuer l'ambiance à la fois de menace et d'étrangeté. Hazanavicius a choisi de ne pas tout dire dès le début, laissant la possibilité aux spectateurs qui ne connaîtraient pas cette histoire de la découvrir de manière cinématographique, par petites touches suggestives.

   Le peuple de bûcherons laborieux qui parcourt cette gigantesque forêt doit respecter les consignes des militaires présents dans les environs. Tous (ou presque) partagent la haine des « sans cœur » le surnom donné à la peuplade de « tueurs du Christ » qu'il ne faut surtout pas aider.

   C'est pourtant ce que va faire l'épouse du bûcheron, qui se désole de n'avoir pas d'enfant (ou d'avoir perdu le seul dont elle ait accouché). Un jour, de l'un des wagons de marchandises tractés par la locomotive fumante tombe un étrange petit paquet, enveloppé dans un châle blanc et bleu. La femme décide de s'occuper du petit être, à la fureur de son mari.

   La suite est à la fois une histoire de sentiments forts, d'amour, d'entraide, mais aussi de mort et de haine, parce que l'époque était terrible, et pas uniquement pour les familles qu'on envoyait dans ces camps installés en Europe de l'Est. J'ai apprécié que, tout en recourant à la douceur du conte, Hazanavicius ne cherche pas à dissimuler l'horreur de l'époque.

   L'intrigue familiale est ensuite complétée par une sorte de périple. Le film rebondit habilement, alors que l'histoire reste belle et terrible. Je suis resté scotché à mon siège du début à la fin, tout comme les autres spectateurs de la séance, adultes comme enfants. C'est peut-être aussi dû au talent des interprètes : Jean-Louis Trintignant avait prêté sa voix au conteur, tandis que les bûcherons sont interprétés par Dominique Blanc et Grégory Gadebois.

   Cette fin d'année 2024 aura décidément été riche en films d'animation de qualité, celui-ci formant avec Flow et Le Robot sauvage un remarquable triplé.

dimanche, 01 décembre 2024

Flow

   J'ai enfin vu ce film réalisé en images de synthèse, dont le héros est un chat, errant dans un monde post-apocalyptique, où les humains ont disparu, et où ne subsistent que des animaux, sauvages comme domestiques.

   La catastrophe (peut-être d'origine climatique) ne doit pas être très ancienne, puisque la tanière de Flow est sans doute l'ancienne demeure de son maître, abandonnée... et parsemée de productions artistiques faisant référence aux félins. C'est ma fois assez original.

   La montée des eaux se poursuivant, Flow et d'autres animaux rencontrés en cours de chemin partent en quête d'un nouveau refuge. Le matou doit notamment s'accommoder de la présence de chiens, l'un d'entre eux, un labrador un peu stupide (mais gentil), étant particulièrement réussi.

   Concernant l'animation, je peux dire que c'est superbe sans être totalement réaliste. Le réalisateur, Gints Zilbalodis, assume le côté factice de ses personnages, même si, par leurs mouvements et leurs cris, il a essayé de les rendre les plus vraisemblables possibles. Ainsi, le plus souvent, Flow se déplace et se comporte comme un vrai chat, même si ses yeux ne ressemblent pas beaucoup à ceux de nos compagnons à quatre pattes.

   Une grande partie de l'intrigue se déroule sur un bateau, sorte de nouvelle Arche de Noé. Flow y côtoie notamment un chien, un lémurien, un gros rongeur (un capybara paraît-il) et un oiseau échassier, qui a rompu avec sa tribu d'origine.

   Vous l'aurez compris : les animaux sont des substituts d'humains, chacun étant doté d'un trait de caractère dominant. Le film véhicule un message d'entraide. Ceux qui, dans une vie "normale" se seraient soit entredévorés, soit battus pour l'accès à la subsistance, doivent collaborer pour survivre.

   C'est habilement mis en scène, parce que le film... ne comporte aucun dialogue. Le son y occupe donc une place très importante, entre les bruits d'ambiance et les différents cris des animaux. C'est l'une des grandes réussites du film, avec la beauté des images. Tout ce qui touche à l'eau est splendide et, globalement, on éprouve un plaisir contemplatif (qui pallie largement l'absence de dialogue). Dans la salle où je l'ai vu, les enfants n'ont pas moufté, captivés par l'histoire.

14:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 23 novembre 2024

Gladiatornado

   Le fantôme de Russell Crowe / Maximus plane au-dessus de cette  (lointaine) suite tournée par Ridley Scott. L'acteur comme le personnage sont physiquement absents du film (pour une raison que celles et ceux qui ont vu Gladiator I connaissent), mais ils sont omniprésents dans l'ambiance et l'intrigue.

   On ne met pas longtemps à comprendre qu'Hanno le Nord-Africain, taiseux comme Maximus, doué pour le combat comme Maximus, blessé au bras comme Maximus, ayant perdu sa femme comme Maximus, n'est pas que le remplaçant du héros du premier opus : il est aussi son fils biologique, celui qui a échappé aux griffes de l'empereur Commode (qui ne l'était guère, comme me le souffle un collègue de travail espiègle).

   Le problème est que Paul Mescal, chargé de succéder à R. Crowe, n'a guère de charisme et peine à exprimer la moindre émotion authentique. Les heures passées sur le banc de muscu ne suffisent pas. C'est, pour moi, clairement une erreur de casting.

   Il se fait d'ailleurs voler la vedette par Denzel Washington, dans un rôle qui ne ressemble guère à ceux qu'on l'a vu récemment incarner... et ça fait du bien. L'un des rares intérêts de l'histoire est la narration de l'ascension de cet habile magouilleur, dont on ne sait jamais trop ce qu'il a réellement en tête. Par son action et son ambition, le personnage n'est pas si éloigné de ce que fut le véritable Macrinus, alors que la vie et le comportement des autres personnages historiques de l'intrigue sont la plupart du temps farfelus.

   Dans le premier Gladiator, Scott et ses scénaristes avait déjà tordu la vérité historique, pour en faire un levier de tension dramatique. Ainsi, Claudius Pompeianus, qui a sans doute inspiré le personnage de Maximus, était bien un glorieux général romain et il a bien eu un enfant avec Lucilla, fille de Marc-Aurèle... qu'il avait épousée. Il ne fut pas gladiateur.

   Dans cette suite abracadabrantesque, Lucilla est toujours en vie vers 200, alors que son frère Commode l'a fait assassiner des années auparavant. On n'est pas plus proche de la vérité historique avec les deux co-empereurs, deux frères, Geta et Caracalla. La première erreur est de présenter le premier aîné du second (alors que c'était l'inverse). La deuxième est de les montrer gouverner en accord, alors que ce ne fut pas le cas.

   Et puis il y a cette tendance sous-jacente, à systématiquement présenter les personnages homosexuels ou bisexuels comme des dépravés sans foi ni loi, ennemis du genre humain. Cela contraste vivement avec le camp du Bien, incarné par d'incontestables hétéros, mus par de beaux sentiments. (Je suis étonné que les professionnels de l'indignation sélective, si prompts à dénigrer le moindre supposé travers des hommes blancs, ne se soient pas insurgés contre la vision véhiculée par ce film.) Soit les auteurs (scénariste et réalisateur) sont pétris de préjugés, soit ils ont été trop dépendants de sources douteuses, qui caricaturent cette période de l'Empire romain.

   Ceci dit, même si le scénario et la caractérisation des personnages ne sont pas terribles, les scènes d'action, les décors et les effets spéciaux sont réussis. On comprend où sont passés les 250 (300 ?) millions de dollars de la production.

   J'ai aimé tout ce qui se passe au niveau du Colisée et des autres enceintes de combat, à la surface comme en sous-sol. Là, il y a du souffle, du rythme... même si, une fois de plus, les invraisemblances gâchent certaines scènes. Ainsi, l'introduction d'un rhinocéros, spectaculaire, n'est pas réaliste. C'est encore pire lors de la séquence de la naumachie. Il y en a bien eu quelques unes organisées au Colisée, mais pas avec des requins (qui auraient été bien en peine de nager dans une aussi faible profondeur d'eau). Les squales sont, comme les singes visibles au début de l'histoire, des créatures numériques, dont les évolution comme le comportement n'ont pas grand chose de naturel.

   Je ne voudrais pas avoir l'air de m'acharner, mais je dois signaler une autre énormité, entendue lors de l'introduction de la naumachie. Le présentateur affirme qu'elle commémore la bataille de Salamine (en 480 avant JC), qui aurait vu s'affronter Troyens et Perses. Or, ce sont les Grecs, notamment athéniens, qui ont vaincu les Perses à cette occasion ! Qu'une telle boulette ait pu passer le filtre des vérifications/relectures est la preuve d'une grande négligence.

   Bref, c'est techniquement réussi, mais, globalement, c'est du foutage de gueule.

14:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 20 novembre 2024

Le Choix

   C'est l'histoire d'un homme, un soir, pendant (environ) une heure, dans une voiture, dotée d'un téléphone, avec une destination précise (qu'on ne connaît pas au départ). Ce dispositif simple (simpliste diront certains) réunit (presque), de manière moderne, unité de temps, de lieu et d'action. Mais ce n'est pas une tragédie classique...

   ... et c'est la transposition en France, dans l'agglomération parisienne, de l'intrigue d'un film britannique, Locke (sorti en 2014), se déroulant principalement dans le Grand Londres. Parfois, la version française est un copié-collé, parfois un décalque intelligent : une entreprise allemande remplace une américaine, et Berlin, Chicago ; une Renault remplace une BMW, des ouvriers roumains des Hongrois...

   A quelques (rares) reprises, la version hexagonale s'écarte légèrement du modèle anglais. Ainsi, on nous a épargné le rhume qui frappe le héros de la version britannique. Surtout, dans la VF, l'écart d'âge qui sépare deux des protagonistes n'est pas du tout le même, pour la simple raison que, dans le film d'origine, le conducteur est incarné par Tom Hardy (à une époque où celui-ci faisait d'autres choix artistiques... et gagnait beaucoup moins d'argent), alors que l'adaptation française est portée par l'interprétation de Vincent Lindon (Joseph Cross).

   Si l'on met de côté quelques silhouettes entraperçues au tout début, c'est le seul acteur que l'on voit à l'écran. Il interagit avec les autres protagonistes uniquement par la voix. D'ailleurs, ce fut un plaisir d'entendre celles d'Emmanuelle Devos (l'épouse du héros) et de Grégory Gadebois (le supérieur hiérarchique de Joseph). En revanche, je trouve que Pascale Arbillot en fait trop dans le rôle de Béatrice.

   Au final, l'exercice de style tient la route, dans un bel emballage (les vues nocturnes d'une autoroute puis de la périphérie de Paris). Mais cela ne va pas plus loin.

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dimanche, 17 novembre 2024

Venom - The Last Dance

   Ce troisième volet vient clore une série commencée en 2018. La scénariste des premiers épisodes se trouve désormais aux manettes. Comme le film repose essentiellement sur des effets spéciaux et des scènes de dialogue parfois comiques, visuellement, on ne voit pas la différence avec les précédents.

   La première partie est engageante. On retrouve l'étrange couple formé par Eddie et son symbiote à grosse voix. C'est toujours aussi cocasse. En parallèle, ce début introduit de nouveaux méchants, qui ont l'air extrêmement redoutables. On en apprend plus sur l'origine du symbiote.

   La meilleure trouvaille scénaristique est de situer une partie de l'action dans la célèbre Zone 51. C'est vers elle que se dirige une famille de beatniks complotistes (dont le père est incarné par Rhys Ifans), que va rencontrer notre double héros.

   Après, cela se gâte. On a visiblement voulu introduire plus d'émotion dans ce prétendu dernier épisode. (C'est donc moins violent que dans le deuxième volet.) Pour moi, cela fonctionne à moitié. Il y a aussi trop de clichés dans la représentation des scientifiques et des militaires, avec une opposition très schématique entre celle qui veut à tout prix préserver la vie extraterrestre et celui qui n'hésite pas à (faire) tuer quand il estime que la menace est trop importante. (Juno Temple et Chiwetel Ejiofor ont du mal à faire vivre leurs personnages.)

   Cela nous amène à cette menace, d'origine extraterrestre. Au départ, elle constitue une nouvelle source de péripéties. Mais, très vite, on nous fait comprendre qu'elle est quasi invulnérable. (Je vous rassure : les héros vont finir par en venir à bout.) On comprend bien avant les dernières scènes comment tout cela va se terminer.

   Je suis sorti de là assez mitigé.

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dimanche, 10 novembre 2024

Transformers : le commencement

   Ce film d'animation est une préquelle de la série de films sortie jadis et naguère (le dernier en 2023) sous la houlette de Michael Bay, qui demeure présent en tant que producteur. Le mélange d'acteurs réels et d'effets spéciaux numériques a donc laissé la place à un visuel entièrement composé d'images de synthèse, en général très réussies d'un point de vue formel. (Le réalisateur, Josh Cooley, est l'auteur de l'excellent Toy Story IV.)

   L'objectif de cet épisode est de montrer comment quatre des protagonistes de la série ont acquis leurs pouvoirs et d'où ils sont partis. Deux d'entre eux sont à l'origine de super-potes. (C'est très surprenant quand on connaît la suite !) On a donc droit d'abord à une sorte de buddy movie, avec un duo a priori mal assorti : Orion Pax est un jeune foufou, un casse-cou ne rêvant que de gloire, tandis que D-16 est un robot studieux, respectueux des règles, plutôt introverti. J'ai trouvé malicieuse cette caractérisation, parce qu'elle implique que rien n'est écrit d'avance. Celles et ceux qui connaissent la série savent qu'Orion est destiné à devenir un leader charismatique, pondéré, tandis que D-16 va bigrement bifurquer...

   Il y a aussi un arrière-plan social à cette histoire, puisque les héros sont issus de la classe inférieure des robots, celle qui n'est pas dotée d'un cog, une source d'énergie qui confère aux machines "supérieures" le pouvoir de se transformer... et une plus grande force. Les robots bas-de-gamme eux sont voués aux tâches ingrates : dans la mine ou au traitement des déchets. Nous voici donc face à une histoire très américaine, avec un p'tit gars de la base qui va faire son trou dans le monde des puissants.

   Cette première partie est assez drôle, en raison des aventures rocambolesques que connaît le duo. On n'est pas loin de Rush Hour ou de L'Arme fatale... même si le déroulé de l'intrigue rappelle plutôt La Guerre des étoiles (en particulier les épisodes I et IV : La Menace fantôme et Un Nouvel espoir) : le futur élu est un outsider, qui va s'illustrer dans une course dans laquelle en théorie il n'a aucune chance et son monde bascule en raison d'une haute trahison, que personne n'a vu venir ; le tout est placé dans le cadre d'une histoire quasi mythologique, avec de prestigieux anciens, aux pouvoirs fabuleux. Cela rappelle évidemment l'univers des Jedi.

   Le duo devient assez rapidement un quatuor, avec l'ajout d'un jeune crétin (l'usine à blagues du groupe, celles-ci pas toujours du meilleur goût) et d'un personnage féminin badass, Elita (doublée par Scarlett Johansson dans la VO, Audrey Fleurot dans la VF). Comme le chanterait Michel, elle a « réussi l'amalgame de l'autorité et du charme ». J'ai particulièrement aimé la scène où l'on voit cette pugnace combattante mater une bande de gros durs, façon maîtresse d'école. (Cela m'a rappelé un passage du récent A toute allure, avec Eye Haïdera "officiant" dans la seconde classe d'un avion long-courrier.)

   Une fois le complot démasqué, les héros vont tenter de retourner la situation, qui semble pourtant désespérée. Comme c'est une préquelle, et que les quatre zigotos sont visibles dans les épisodes suivants, on se doute que la fin n'est pas tragique. La dernière partie est donc très prévisible et, selon moi, moins réussie sur le plan visuel : j'ai parfois eu l'impression de me retrouver devant un jeu vidéo.

   Mais, comme c'est globalement bien foutu, avec une belle morale, je suis sorti de là très satisfait... en ayant attendu jusqu'au bout, l'ultime scène post-générique, qui voit naître les Decepticons.

   PS

   Actualité oblige, on pourrait aussi faire une lecture politique de l'intrigue et de l'utilisation des couleurs. Certes, traditionnellement, les gentils Autobots ont les yeux bleus, tandis que les méchants Decepticons ont les yeux rouges. Mais, comme le film est sorti en pleine année électorale, il m'a semblé que certains éléments n'avaient peut-être pas été choisis au hasard...

 

ATTENTION :

 

DIVULGÂCHAGES

 

!!!

 

   En effet, au départ, Sentinelle, figure tutélaire des machines, est présenté comme un personnage positif, charismatique et bienveillant. C'est un progressiste, qui joue le rôle d'un guide : il définit ce qui est bien pour la communauté. On l'identifie à la couleur bleue.

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   Hélas, les héros finissent par découvrir que c'est un traître. Celui qui joue un rôle majeur dans cette découverte (et sa révélation ultérieure aux autres robots) est Orion Pax, un gars du peuple, pas très cultivé et du genre franc-tireur. Il est identifié à la couleur rouge.

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   Vous voyez où je veux en venir ? Peut-être que je surinterprète, mais je pense que des spectateurs états-uniens (en particulier républicains) de ce film pourraient y lire une métaphore de la (supposée) trahison des élites démocrates (les Bleus), accusées d'avoir abandonné le peuple, qui du coup a tendance à se tourner vers les Rouges, à savoir les républicains. Josh Cooley et ses co-scénaristes ont-ils voté Trump ?... à moins que ce ne soit plutôt Michael Bay, très anti-Biden. En tout cas, à la fin du film, le nouveau guide des Autobots, Optimus Prime, concilie les deux couleurs.

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A toute allure

   Cette comédie romantique a notamment pour cadre un sous-marin tactique (nucléaire) de la marine française, dans lequel Marco, un chef de cabine (steward) impulsif s'est infiltré pour... retrouver l'élue de son cœur, Marianne, une lieutenante caractérielle et farouchement célibataire.

   Au départ, rien ne destinait les deux tourtereaux à se revoir. Lui (Pio Marmaï, délicieusement farfelu) est un coureur de jupons, fêtard, entre deux ruptures avec son hôtesse de l'air préférée. Elle (Eye Haïdera, vue récemment dans Barbès, little Algérie, percutante) n'est pas du genre à s'amouracher et se complait dans l'accumulation des "coups d'un soir", lors des escales du sous-marin.

   Le scénario renverse un peu les rôles traditionnels. En effet, même si c'est l'homme qui part à la poursuite de la femme, au départ, c'est lui le romantique qui doit convaincre celle qui se refuse à l'amour.

   ... et c'est d'autant plus difficile qu'il faut échapper à la vigilance du commandant du sous-marin, un psycho-rigide traditionaliste interprété avec charisme par José Garcia. Dans un premier temps, Marco se fait passer pour un cuistot de secours... et il s'évertue à se rendre sympathique à tout l'équipage (de manière assez savoureuse, ma foi). Évidemment, tout cela manque de réalisme... et c'est assumé.

   Bien que pris par l'ambiance du film, je me demandais comment le cinéaste allait pouvoir tenir 1h25 en milieu confiné. Le scénario bascule dans la seconde partie, puisque l'intrigue sort un peu du sous-marin, avec une kyrielle de scènes roboratives. La troisième partie nous propose un nouveau basculement : la sous-marinière va, en quelque sorte, rendre la monnaie de sa pièce au steward.

   C'est une petite comédie, sans prétention, qui m'a fait passer un très bon moment.

   P.S.

   En fond sonore, on entend la reprise d'un "tube" des années 1980, interprété (à l'époque) par Richard Cocciante.

08:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 09 novembre 2024

Croquette, le chat merveilleux

   C'est une animation britannique (regardez où se trouve le volant, dans les véhicules), destinée davantage aux enfants qu'aux parents. Le héros est, au départ, un chaton abandonné, qui est recueilli par Rose, une jeune chercheuse spécialisée dans les abeilles. Malheureusement pour Croquette, qui pense avoir trouvé le foyer idéal, il épuise très vite les dernières de ses neuf vies.

   Coup de bol pour lui : au paradis des chats, on lui donne une seconde chance. Il va donc retourner sur Terre, pour neuf vies supplémentaires... mais pas sous la même forme. Il sera successivement :

un blaireau

un rat

un cafard

un perroquet

un chien

un poisson

un cheval

une abeille

   Si vous avez bien compté, cela fait huit réincarnations. Je laisse aux spectateurs le plaisir de découvrir la neuvième.

   C'est souvent drôle, soit au détriment de Croquette (auquel il arrive de cocasses aventures), soit au détriment de l'un des humains qu'il croise : le directeur de recherches de Rose ou le compagnon de celle-ci, un djeunse prénommé Larry, très satisfait de lui mais pas très porté sur l'hygiène corporelle. (J'ai trouvé ce personnage particulièrement agaçant, même s'il s'améliore au cours de l'histoire.)

   Ces réincarnations sont aussi pour Croquette l'occasion de changer sur le plan moral. Le matou gâté pourri par sa maîtresse, très égoïste, doit faire preuve d'altruisme. Le message à destination de la jeunesse est donc positif, puisqu'on peut légitimement penser que c'est au chat que les enfants vont s'identifier.

   Sur le fond, le propos est teinté d'écologie. La chercheuse veut lutter contre l'effondrement des colonies d'insectes, alors qu'un autre protagoniste souhaite son échec pour promouvoir sa solution biotechnologique... bien plus rémunératrice.

   Toutefois, au niveau de la caractérisation des personnages, deux éléments m'ont gêné. Le premier concerne Larry. Je pense qu'il correspond à l'image du jeune homme moderne "cool" dans la tête des animateurs (sans doute majoritairement de sexe masculin). On présume que la jolie, gentille et travailleuse chercheuse doit s'accommoder des défauts de Larry pour en faire son compagnon. Même si celui-ci évolue dans le bon sens (et accepte son chat), c'est surtout la jeune femme qui s'adapte à lui.

   L'autre élément gênant concerne le méchant de l'histoire, qui avance masqué... mais que les adultes n'auront aucune peine à repérer. On finit par découvrir qu'il fut un élève victime de moqueries, voire de harcèlement. Il a jadis été mis à l'écart et veut prendre une revanche sur la vie. Je ne suis pas certain que ce portrait psychologique corresponde au profil des prédateurs de la planète.

17:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 08 novembre 2024

The Substance

   Prix du scénario au dernier Festival de Cannes, ce film états-unien a été réalisé par une Française, Coralie Fargeat, qui en est aussi la scénariste. L'intrigue mêle la science-fiction à l'étude sociétale et au gore.

   Dans un avenir proche, il devient possible de vivre en symbiose avec un clone de soi, plus jeune, en alternance une semaine sur deux. Cette possibilité semble être proposée à des personnes vieillissantes, ou qui se considèrent comme telles. Pour que l'alternance fonctionne, il faut suivre des règles draconiennes... que bien évidemment les clients finissent par ne plus respecter.

   Un questionnement féminin (mais qui peut aussi concerner les hommes) est au cœur de l'histoire : passé un certain âge, est-on encore "bonne" à quelque chose ? Doit-on se résigner à vieillir ? Fargeat prend pour exemple le monde du spectacle, à travers l'animatrice d'une émission télévisée dédiée au bien-être, mais, au cours du film, d'autres personnages, annexes, sont montrés comme étant eux aussi victimes d'une sorte de dictature de l'apparence.

   Dans le rôle d'Elisabeth Sparkle, Demi Moore est excellente. D'abord présentée comme une quinqua sexy, elle apparaît très vite (filmée en très gros plan) comme une femme certes séduisante, mais sur le corps de laquelle les effets de l'âge se font cruellement sentir. De la part d'une comédienne qui a longtemps été une icône de beauté (et qui a eu -discrètement- recours à la chirurgie esthétique), c'est assez courageux.

   Son clone jeune (Sue) est incarné par Margareth Qualley, qu'on a beaucoup vue ces derniers temps, dans Drive-away Dolls (pas son meilleur rôle), Pauvres Créatures et Kinds of kindness. Ce personnage est filmé de manière extrêmement suggestive. Si cela avait été fait par un homme, je pense que la vision transmise aurait suscité des remarques critiques. En effet, si le projet est de dénoncer l'exploitation du corps des femmes, le résultat est très complaisant avec leur représentation hypersexualisée. La cinéaste semble, comme son personnage principal, fascinée par les corps féminins voluptueux, minces et fermes. Sa mise en scène, loin de susciter un regard critique, à mon avis, conforte l'idée qu'être jeune et bien gaulée est ce qu'il y a de mieux pour une femme. C'est tout de même gênant, vu le projet de départ.

   Le même regard complaisant est à l’œuvre dans la partie gore de l'intrigue. Cela se sent dès la "naissance" du clone, qui n'est pas créé en laboratoire, mais à l'issue d'une sorte de mue... totalement invraisemblable : l'enveloppe d'origine (humaine) libère un nouvel être... et conserve toute sa capacité à faire revivre l'individu d'origine !

   D'autres péripéties me sont apparues tout aussi farfelues. Ainsi, le personnage d'Elisabeth, qu'on voit à un moment dans la quasi-impossibilité de marcher, retrouve soudainement toute sa vigueur pour transporter un corps. De la même manière, Sue, à qui l'on a inséré les trois quarts d'une dose de potion létale, parvient à se réveiller pour, quasi immédiatement, se lancer dans une bagarre démentielle... Je pourrais aussi ajouter l'absence d'allusion au moindre paiement (pour la procédure de clonage), tout comme la disparition de la femme de ménage d'Elisabeth, dès que celle-ci s'engage dans sa dangereuse démarche. Cette absence sert (miraculeusement) le déroulement de l'intrigue, mais elle n'est pas expliquée.

   ... et pourtant, concernant cette femme de ménage, il y a une scène très signifiante, quand on la voit travailler dans le superbe appartement de la vedette de télévision, tandis que celle-ci découvre dans le journal qu'on cherche à la remplacer. Alors que la riche quinquagénaire, encore sexy, se désole de sa situation, elle ne voit pas la femme plus grosse, au visage mois attirant, effectuer un travail beaucoup moins rémunéré que le sien, auquel elle se consacre sans doute depuis des années. Je m'attendais à ce que le film explore cette inégalité de classe... eh ben non. On reste au niveau de ce qu'on appelle parfois le "féminisme à paillettes".

   S'ajoute à cela le fait que, pour développer son histoire, la scénariste a besoin que ses personnages principaux se comportent comme des imbéciles. C'est une faiblesse que l'on trouve dans nombre de films d'horreur, qui ont visiblement inspiré Coralie Fargeat. Ceci dit, je dois reconnaître que certaines scènes gores sont bien conçues, notamment celles situées vers la fin. Mais cet incontestable savoir-faire, qui s'appuie sur un montage efficace et des décors bien choisis, ne suffit pas, pour moi, à sauver un film un peu trop cliché et un peu trop "clipesque".

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vendredi, 01 novembre 2024

Bambi

   Il s'agit d'un film en prises de vue réelles... mais ce n'est pas Disney qui en est à l'origine, malgré la tendance, ces dernières années, à retourner les classiques de l'animation avec de véritables acteurs (par exemple, Dumbo, ou Le Livre de la Jungle).

   En France, le lancement de ce faux documentaire a beaucoup misé sur la présence de Mylène Farmer (au commentaire). Les cinéphiles seront peut-être plus intéressés d'apprendre que le réalisateur, Michel Fessler, s'est d'abord fait connaître en tant que scénariste, sur des documentaires-fictions comme L'Odyssée de l'espèce, Le Sacre de l'Homme, AO. Il a aussi participé à l'aventure de La Marche de l'empereur et du Chêne (deux œuvres remarquables).

   Ici, l'histoire du roman de Felix Salten est traitée sous la forme documentaire. On y voit bien l'enfance de Bambi, la découverte de son environnement, la rencontre d'un lapin, d'oiseaux divers, d'un raton laveur (un sacré numéro, celui-là)... et les conséquences de la présence humaine (systématiquement négatives).

   Outre le remplacement de l'animation par des images réelles, la principale différence est qu'ici les animaux ne parlent pas. Le commentaire, la mise en scène (les animaux ayant été soit filmés dans leur milieu naturel, soit "guidés"... ce qui n'a pas plu à tout le monde) et le montage construisent l'histoire, celle de la naissance, des apprentissages et des débuts de la vie d'adulte du faon.

   Comme chez Disney, on a un peu édulcoré ce qui est montré à l'écran : on ne voit pas la mise-bas (juste la biche avant et le faon à peine né), pas plus que la mort de la mère (suggérée par les sons et la réaction des autres personnages). Comme chez Disney, la représentation des comportements animaux est anthropomorphisée, même si le procédé de filmage renforce l'impression de réalisme.

   Du coup, je suis sorti de là partagé : la qualité des images est indéniable, mais l'histoire (trop soulignée par la musique) est clairement destinée aux enfants.

   P.S.

   A l'occasion de cette sortie, j'ai appris que le roman d'origine a été censuré par les nazis, qui y ont vu une dénonciation déguisée de l'antisémitisme.

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jeudi, 31 octobre 2024

Juré n°2

   Quatre ans après un excellent "film de droite" (Le Cas Richard Jewell), Clint Eastwood est de retour en Géorgie (État qui a mis en place une avantageuse politique d'incitations financières en faveur du cinéma).

   Ici encore, il va être question d'un individu lambda, un petit Blanc de la classe moyenne, qui risque d'être "broyé par le Système". On a donc droit à une sorte de variation sur le même thème, incluant un dilemme moral, le genre de question délicate que notre bon vieux Clint aime se coltiner.

   A la base, on nous propose un nouveau film de procès, de la constitution du jury au verdict final, en passant par les à-côtés (en particulier les débats au sein du jury). Les cinéphiles penseront inévitablement à Douze Hommes en colère, de Sidney Lumet. Cette impression sera accentuée par le résultat du premier vote au sein du groupe de jurés : 2 contre 10, le héros étant évidemment l'un des deux "moutons noirs", qui va tenter de convaincre les autres...

   ... sauf qu'ici il n'est pas motivé par le seul souci de justice. Il est directement concerné par cette affaire, sans que quiconque le sache au sein du tribunal. Eastwood pimente donc le polar judiciaire et s'éloigne ensuite de son auguste aîné pour traiter l'intrigue à sa manière.

   Au cœur de celle-ci se trouve un dilemme moral : le juré n°2 (Nicholas Hoult, ma foi plutôt bon) doit-il révéler ce qu'il sait, même si cela doit l'incriminer ? Est-il certain de ce qu'il a vu le soir de la mort de Kendall Carter (interprétée par une certaine Francesca Eastwood... eh oui, Fifille !) ?

   En attendant de résoudre ce problème éthique, Eastwood nous fait découvrir une galerie de personnages assez bien caractérisés. Le jury est multiethnique et le réalisateur joue avec les préjugés que les spectateurs pourraient avoir sur certains personnages. Par exemple, que cache l'acrimonie visible entre un juré noir et un juré blanc ? Pourquoi le retraité de la bande semble-t-il en savoir plus que les autres ? Les jeunes et certaines femmes très apprêtées sont-ils aussi superficiels qu'on pourrait le croire ?

   Le procès est aussi le lieu de l'affrontement entre deux anciens camarades d'études (qui furent peut-être un peu plus que cela...) : l'avocat commis d'office et la procureure. Le premier (Chris Messina)  apparaît comme un juriste compatissant, la seconde (Toni Collette, formidable malgré ses tailleurs pantalons portés avec des talons hauts) nous est présentée comme une ambitieuse, très rigide. A travers elle, Eastwood règle-t-il quelques comptes personnels ? La vision est cependant plus nuancée que ce qui transparaissait dans Le Cas Richard Jewell. Certes, la procureure est en campagne (peut-être pour devenir State Attorney, en gros la cheffe du Parquet de l’État de Géorgie), mais son ambition doit tout de même se plier aux impératifs de sa fonction. Elle fait passer le procès avant sa campagne et, quand un doute émerge, elle est prête à se remettre en question et à relancer l'enquête. Loin de la caricature, Eastwood réussit son principal personnage féminin, d'une épaisseur inattendue.

   C'est le cas aussi de l'épouse du héros, une professeure des écoles en congé maternité (elle est sur le point d'accoucher). Au cours du film, on apprend que l'histoire de ce couple est plus complexe que ce qu'il semble de prime abord. Le héros lui-même a un passé (que l'on ne tarde pas à découvrir), les révélations concernant le couple étant distillées au cours de l'intrigue.

   Les interactions entre les membres du jury révèlent aussi certains présupposés eastwoodiens. Des citoyens ordinaires, avec leurs compétences respectives et leur intégrité, font mieux le job que les professionnels impliqués dans l'affaire : des policiers pressés d'arrêter le premier suspect venu, une procureure incitée à rapidement conclure un procès qui peut lui servir personnellement et un médecin légiste qui enchaîne les autopsies, quitte à relâcher sa vigilance.

   Le dilemme moral est particulièrement crucial à la fin, y compris après l'énoncé du verdict. Une scène montre deux personnages assis côte à côté, sur un banc. La question à propos de laquelle leurs avis divergent est la suivante : la justice est-elle la vérité ? Derrière ce questionnement se trouve évidemment Eastwood le libertarien, pour lequel la défense des droits individuels doit primer sur l'application stricte de la loi, pourtant censée protéger ces mêmes droits. Néanmoins, le film ne se conclut pas de manière tranchée, puisque la toute dernière scène laisse la porte ouverte à (au moins) deux interprétations.

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mercredi, 30 octobre 2024

Monsieur Aznavour

   Et c'est parti pour un biopic à la française, consacré à celui qu'on a parfois considéré comme "le Sinatra français". L'hommage est rendu par deux personnes qu'on pourrait penser plus proches des "musiques urbaines" que de la variété traditionnelle : Mehdi Idir et Grand Corps Malade. Ce serait méconnaître les points communs entre le crooner français et certains rappeurs contemporains : une ascendance immigrée, une jeunesse modeste voire pauvre, des débuts artistiques critiqués, une forte envie de reconnaissance et un certain goût pour les achats dispendieux, voire clinquants. Concernant Grand Corps Malade, il faudrait ajouter l'amour de la langue française et un talent indéniable pour la manier.

   Pour incarner celui qui fut une star internationale, Tahar Rahim a cherché le plus possible à se faire oublier derrière le personnage. On peut admirer les efforts... tout en constatant que cela se voit trop. Quasiment à chaque scène, on a l'impression que l'acteur nous dit : « Admirez ma performance. » Du coup, cet aspect-là m'a laissé plutôt froid, d'autant plus que, durant la première heure, Tahar Rahim se fait voler la vedette par... elle

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   Marie-Julie Baup (vue ces dernières années dans Délicieux et L'Esprit de famille) étincelle en Édith Piaf... et la production s'en est peut-être rendu compte, puisque ce personnage est totalement passé sous silence à partir du moment où Aznavour tente de prendre seul son envol.

   C'est pourtant cette première heure qui m'a le plus intéressé. Grâce à des retours en arrière, on revit l'enfance pauvre (mais pleine de chaleur humaine) de la famille (arménienne) Aznavourian. On suit plus tard le jeune Charles pendant l'Occupation, pendant qu'un autre génocide est à l’œuvre. Ce n'est pas toujours très bien joué, la mise en scène est parfois plan-plan mais, grosso modo, jusqu'à l'épisode québécois (inclus), il se passe quelque chose.

   Après, le film s'enlise. Pourtant, il est servi par les chansons les plus connues de l'artiste, mais le déroulé de sa vie, pourtant riche en péripéties, manque de saveur. Rahim cabotine toujours autant et, autour de lui, l'ambiance a comme un air de déjà-vu.

   Du coup, on sent bien les 2h15. Pour moi, l'émotion a du mal à passer, sauf quand les succès d'Aznavour sont intégrés à l'intrigue.

   P.S.

   J'ai au moins appris un truc pendant la vision de ce film : la reprise (en sample) du titre Parce que tu crois par un certain... Dr Dre. D'autres artistes a priori éloignés de l'univers d'Aznavour se sont inspirés de ses chansons, comme on a pu l'entendre récemment sur France Inter.

mardi, 29 octobre 2024

Challenger

   Ce film de boxe est une comédie douce-amère, au centre de laquelle se trouve une sorte de Rocky Balboa picard, un boxeur amateur qui n'a jamais perdu un combat... sans en avoir gagné aucun ! En effet, dans la vie comme sur un ring, Luka Sanchez (Alban Ivanov, épatant) a la faculté de savoir encaisser un max, la plupart du temps sans rendre de coup... et pourtant, il a une sacrée gauche (une "fausse patte" qui n'est pas sans rappeler celle de Rocky, dans le premier film de la franchise).

   Cela commence comme le portrait d'un loser sympathique, commis de cuisine dans un restaurant quelconque, moqué par ses collègues, méprisé par sa patronne. Il n'y a guère que son amie Stéphanie (Audrey Pirault, extra !) pour le supporter... dans tous les sens du terme : opératrice de centre d'appel, fan de boxe et gameuse de choc, elle joue le rôle de manageuse pour un pugiliste que (presque) personne ne cherche à affronter. Le premier combat organisé se révèle une belle surprise !

   Mais, heureusement pour Luka, le destin va (enfin) croiser sa route. Dans sa région évolue un pro qui ambitionne un jour de défier le champion d'Europe. Ce pro est un gros blaireau (façon footeux arrogant ou rappeur bling bling), coaché par un duo de pieds-nickelés qui mérite le détour : Soso Maness et David Salles. Le trio qu'ils forment est joyeusement pathétique.

   Dans des circonstances que je me garderai de révéler, Luka se retrouve propulsé au premier plan de l'actualité, défiant le champion d'Europe qui, jusqu'à présent, a remporté tous ses combats par KO.

   La célébrité toute neuve de notre héros est l'occasion pour le réalisateur (Varante Soudjian) de brocarder certains des travers contemporains : la quête effrénée de vedettariat, le rôle des influenceuses, l'appât du gain... et un certain goût pour les fringues moches et voyantes.

   Cette seconde partie n'est pas traitée que sur le mode de la dérision. Luka va vraiment s'entraîner pour le match, sous la houlette de l'ancien adversaire de son père, un ex-champion complètement psychopathe, incarné avec une évidente gourmandise par Moussa Maaskri. Dans le même temps, on se pose des questions sur la relation entre Luka et sa manageuse.

   L'apogée est atteint lors du combat final, filmé avec un incontestable savoir-faire et un grand souci de réalisme. Face à Luka/Alban se trouve le redoutable Joshua, incarné par Jonas Dinal, à l'impressionnante musculature. Certains spectateurs seront surpris d'apprendre qu'il n'est pas un boxeur recruté spécialement pour ce rôle, mais un authentique acteur, qui a suivi un entraînement draconien (tout comme Ivanov, d'ailleurs).

   Cette "petite" comédie est une excellente surprise.

22:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 27 octobre 2024

Barbès, little Algérie

   Cette fiction à caractère autobiographique a pour cadre un quartier du nord de Paris (essentiellement  dans le XVIIIe arrondissement), quartier qui porte le nom d'un militant républicain du XIXe siècle, Armand Barbès. Pour les touristes et les Provinciaux de passage, le nom Barbès évoque surtout une station de métro : Barbès-Rochechouart. Le quartier est réputé multi-ethnique, à tel point que, lorsque, comme l'auteur de ces lignes, il vous est arrivé, il y a des années de cela, de vous balader dans les rues proches de la station de métro, il a fallu attendre longtemps avant de croiser une autre personne "blanche" !

   Dans la première partie, le réalisateur veut mettre en valeur cette diversité (de moins en moins maghrébine, de plus en plus subsaharienne, à ce qu'on m'a dit). Il le fait de manière très maladroite, avec des acteurs visiblement souvent non-professionnels... et ça se sent (en particulier au niveau de l'interprète principal). De ce naufrage je sauverai toutefois Adila Bendimerad (qui incarne une commerçante au caractère affirmé), Eye Haïdara (dans le rôle d'une mère de famille indépendante) et Khaled Benaissa (qui interprète Préfecture, sorte de Huggy-les-bons-tuyaux franco-algérien).

   Sur le fond, je suis aussi très partagé. La première demi-heure est clairement marquée par une ambiance anti-flics. Français d'ascendance africaine, étrangers en situation régulière et immigrés clandestins sont (presque) tous montrés comme victimes de violences policières. Il est vrai que les forces de l'ordre n'ont pas la tâche facile : poursuivre les auteurs de vol, lutter contre le trafic de drogues... et faire respecter horaires de confinement et port du masque (ambiance covid).

   C'est dans ce domaine que la mise en scène est particulièrement farfelue : les personnages portent ou pas de masque, pratiquent ou pas les fameux gestes barrières, parfois lors de la même scène, sans que leur comportement obéisse à la moindre logique. Il  y a clairement défaillance au niveau de la direction d'acteurs.

   Toutefois, je trouve qu'au fur et à mesure que le film avance, le propos s'affine. Le héros, qui, au début, cherche à se procurer rapidement de quoi s'adonner à la fumette, finit par éviter le petit monde des trafiquants. Il est montré par le réalisateur comme un homme cherchant à faire le bien, un "bon musulman". Je commençais à redouter que cela ne tourne au conte de fées... lorsqu'une rupture de ton est intervenue. Elle a beau être assez mal jouée, elle redonne du tonus à l'intrigue et de la profondeur à ce portrait de quartier.

   Au final, c'est tout de même décevant. Les belles idées ont besoin de qualités professionnelles pour donner de bons films.

dimanche, 20 octobre 2024

The Apprentice

   Le titre de ce demi-biopic de Donald Trump fait allusion à quelque chose qu'on ne verra pas dans ce film : la période (2004-2015) durant laquelle il a animé une émission de télé-réalité, au cours de laquelle il s'est rendu célèbre par la formule : « You're fired ! »  (Vous êtes viré !).

   En revanche, on suit bien les débuts du fils d'un magnat de l'immobilier, dans les années 1970-1980. C'est une sorte de roman de formation, qui voit un gosse de riche, au départ timide et plutôt respectueux des règles, devenir un requin des affaires. Dans le rôle de Trump, Sebastian Stan (le Soldat de l'hiver chez Captain America) est assez convaincant... moins toutefois que le vrai Trump, qui est lui-même acteur de sa vie. Pas facile d'imiter le modèle sans le caricaturer.

   La véritable révélation (dans tous les sens du terme) de ce long-métrage est Jeremy Strong, qui incarne Roy Cohn, considéré comme le mentor -je dirais même le Pygmalion- de Trump : il l'a façonné, avec un mélange de rudesse et de tendresse (une tendresse plus sentimentale que paternelle, Cohn étant homosexuel).

   La première partie est pour moi la plus intéressante, bien que la moins spectaculaire : on y découvre un Donald Trump Jr emprunté, cherchant à se faire un prénom. Son père avait d'abord misé sur son frère aîné, qui l'a déçu. Lui-même n'avait au départ rien d'un entrepreneur charismatique. Ne se droguant pas, ne buvant pas d'alcool, croyant au grand amour, respectant la loi, le jeune homme ne ressemble guère moralement à celui qui est devenu, des années plus tard, président des États-Unis. La manière dont l'avocat véreux, ami de la Mafia, à l'occasion maître-chanteur, va lancer la carrière de Trump est fort bien mise en scène (par l'auteur des Nuits de Mashhad)... et ruine la légende que ce dernier a tenté d'imposer. Si le gosse de riche est devenu multi-millionnaire, c'est en mentant, en trichant, en corrompant, en trahissant voire en volant.

   L'autre facette intéressante de cette première partie est la formation du couple qu'il forme avec Ivana, très bien interprétée par Maria Bakalova. Elle est certes très belle, mais elle tranche sur le profil classique des chasseuses de mari riche : elle compte mener sa propre carrière et veut conclure un mariage d'amour. Les débuts sont filmés comme une comédie romantique, avant que les choses ne se gâtent.

   C'est d'ailleurs au sein de la relation de couple que le renversement se fait sentir en premier. A la flamme des débuts a succédé une relation de convenance, qui vire au sordide lors de la scène de viol conjugal.

   A partir de ce moment, on comprend que, non seulement l'élève n'a plus besoin du maître, mais qu'il l'a dépassé, tout comme il avait auparavant pris le dessus sur son frère aîné puis sur son propre père, dont il estime avoir éclipsé le succès.

   Je trouve néanmoins que la peinture du Trump triomphant est moins novatrice que celle du débutant. J'aurais aimé quelque chose de plus cinglant : je pense que des partisans de Trump pourraient apprécier ce film, qui retrace la success story d'un winner sans scrupule, qui obtient l'argent, les jolies femmes et la célébrité, en attendant le pouvoir.

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samedi, 19 octobre 2024

Megalopolis

   Le titre est un peu ambigu. De prime abord, il désigne New Rome, le projet ambitieux (démesuré ?) d'un architecte démiurge... mais il s'applique tout aussi bien à l'actuelle ville de New York et, par métonymie, à l'ensemble des États-Unis. Francis Ford Coppola se demande si son pays, celui de la liberté et de la créativité, n'est pas sur le point de sombrer sous le poids des manigances politiques et de l'appât du gain.

   Pour sa démonstration, il compare New York à la Rome antique, pas celle du Bas Empire, réputé décadent, mais celle de la République finissante, qui vit se côtoyer Jules César, Crassus, Cicéron, Catilina ou encore Clodius Pulcher. Négligeant toute vraisemblance historique, Coppola réattribue les noms à sa guise, allant jusqu'à fusionner César et Catilina (pour en faire son héros).

   En outre, le cinéaste cède à son péché mignon : faire de belles images. Du coup, l'aspect dénonciateur passe au second plan, enseveli sous les paillettes et les évolutions de personnages féminins à la cuisse légère...ment vêtue. (L'hyper-sexualisation de ces charmantes jeunes femmes n'a visiblement posé aucun problème à la critique bien-pensante.)

   En gros, voici le tableau : un conflit éclate entre le maire de New York et l'architecte visionnaire. Le premier (incarné par Giancarlo Esposito, sorte de Morgan Freeman d'occasion) est un politique à l'ancienne, qui compose avec le système, accepte la corruption, tout en cherchant à améliorer la vie quotidienne de ses concitoyens. Le second (interprété par Adam Driver, qui semble parfois se demander ce qu'il est venu faire ici) veut renverser la table et créer une ville totalement nouvelle, futuriste, quitte à déloger les habitants modestes. Il est soutenu par un banquier philanthrope (Jon Voight, qui fait peine à voir).

   A la fois dans l'ombre et sous les projecteurs (côté paillettes), Clodio Pulcher profite de la life et attend son tour. Shia LaBeouf fait bien le job, je trouve.

   Les personnages féminins ont davantage retenu mon attention. La plus intéressante est sans conteste Wow Platinum, une vipère arriviste, prête à vraiment tout pour arriver à ses fins. (Très bonne prestation d'Aubrey Plaza qui, de surcroît, n'est pas désagréable à regarder.) Elle croise la route de la fille du maire, Julia, qui se cherche, tant sexuellement que politiquement. Dans la première moitié du film, ce personnage est vraiment intéressant (parce qu'il fait preuve d'indépendance) ; par la suite, Julia passe au second plan, s'affadit.

   Je trouve que globalement, la caractérisation des personnages ne permet pas de réellement s'attacher à eux. Leurs interactions manquent de naturel, les dialogues étant de surcroît trop explicatifs ou démonstratifs. Résultat : on s'ennuie devant ce qui est censé être un tableau de maître, mais ressemble à de l'art pompier.

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vendredi, 18 octobre 2024

Le Robot sauvage

   Ce robot est en fait une robote (Rose), échouée sur une île peuplée d'animaux sauvages, avec lesquels elle va s'évertuer à sympathiser. Pas facile quand (au début du moins) on ne comprend pas leur langage et quand on est considérée comme un monstre menaçant.

   Cette amorce est particulièrement emballante, avec beaucoup de traits d'humour, destinés à la fois aux adultes et aux enfants. C'est l'une des grandes réussites de ce film d'animation que d'avoir construit une histoire à la fois limpide et complexe, accessible à différents publics.

   Techniquement, c'est d'une qualité impressionnante... et c'est encore plus apparent quand, comme moi, on a vu le film sur un très grand écran. Les mouvements des animaux sauvages sont d'une incroyable fluidité, alors que ceux que la robote, moins  naturels, plus élaborés, sont parfois sources de gags. (Le réalisateur, Chris Sanders,  est l'auteur des Croods et de L'Appel de la forêt.) J'ai aussi été très sensible aux couleurs, à la luminosité. Le film sollicite chez son public sa capacité d'émerveillement. Ce n'est pas si fréquent.

   De plus, l'histoire n'est pas cucul-la-praline. Il est certes question d'amour, d'amitié, d'entraide, d'inadaptation, de parentalité, des éléments basiques mais intégrés de manière habile à l'intrigue. Cerise sur le gâteau : si la nature est magnifiée par les images, elle est bien représentée comme cruelle. Le souci d'un certain réalisme l'a emporté sur le politiquement correct à la Disney. (Ça tombe bien : on est chez DreamWorks.)

   On rit (surtout dans la première partie), on profite des péripéties... et l'on s'émeut aussi (plutôt dans la seconde partie). Je n'ai pas la larme facile, mais, franchement, ce film m'a pris aux tripes. C'est un formidable vent de fraîcheur dans un océan de productions trop aseptisées. De surcroît, la version française est excellente, avec notamment Sara Martins dans le rôle de la robote.

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dimanche, 13 octobre 2024

L'Heureuse Elue

   Cette comédie sociétale est signée Frank Bellocq, le Franki Ki de Groland, connu pour être le créateur de la série Soda. On sait donc dès le départ que le raffinement ne risque pas d'être la qualité majeure de ce film.

   On semble avoir beaucoup misé sur l'interprète principale, Camille Lellouche, qui incarne une sorte de virago qui jure comme un charretier. Fiona est d'origine populaire, ex-apprentie coiffeuse devenue chauffeuse VTC. Sa rencontre avec un beau gosse de riches va produire des étincelles.

   Celui-ci est incarné par Lionel Erdogan, sorte d'Ashton Kutcher à la française. Benoît s'est mis dans une situation inextricable, dont il pense pouvoir se sortir en dupant ses parents ; il fait passer Fiona pour sa fiancée, espérant ainsi récupérer au passage le financement du mariage.

   L'histoire est bien lancée, avec les (gros) problèmes de Benoît et sa quête de fiancée de location (Fiona n'étant pas son premier choix). Le réalisateur mise sur l'effet de contraste : entre la prolo cash, qui jure, qui rote, qui pète (et qui vomit), et la famille de Benoît, des grands bourgeois coincés en vacances à Marrakech, cela ne peut que mal se passer.

   Mais la petite Cendrillon des cités réserve quelques surprises. Elle semble (presque) capable de se faire passer pour un mannequin, à tout le moins pour une personne distinguée. Son tempérament pourrait aussi se révéler utile pour résoudre certains problèmes familiaux.

   En face, la distribution est de qualité : Michèle Laroque, Gérard Darmon, Clémence Bretécher et Amaury de Crayencour ont parfaitement endossé leur costume. La première incarne une cheffe d'entreprise qui mène sa famille à la baguette. Le second est un époux et père aimant, pas emballé par le régime qu'on lui fait subir. La troisième est une petite vipère et le quatrième un connard de première. On est dans la caricature, mais bien faite, je trouve.

   Sans surprise, le séjour à Marrakech ne va pas se passer comme prévu. A plusieurs reprises, cela dérape... et l'on rit.

   Comme cette comédie se veut familiale, la peinture ironique des protagonistes se teinte de tendresse. Au cours de ce week-end, ils vont tous (plus ou moins) s'amender, grâce notamment à Fiona, qui, sous ses airs de poissonnière, est une jeune femme honnête au grand cœur.

   Cela dure à peine 1h30 et l'on passe un bon moment.

15:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 12 octobre 2024

Quand vient l'automne

   Un an et demi après le pétillant Mon Crime, François Ozon revient avec une chronique sociale provinciale, qui vire au thriller.

   On nous présente d'abord la vie quotidienne de deux mamies d'une petite ville de Bourgogne, Michelle et Marie-Claude, chacune mère d'un enfant, la première ayant un petit-fils qu'elle adore et qu'elle accueille pour les vacances scolaires. Le début a un petit côté téléfilm policier du samedi soir sur France 3... mais, comme on est chez Ozon, on se doute bien que la surface, lisse en apparence, masque des mouvements de fond. (La scène introductive est un indice.)

   Un premier pic de tension surgit à cause d'une histoire de champignons, mais c'est un événement parisien qui, apparemment, fait déraper l'histoire. Il est l'occasion pour les spectateurs de découvrir le passé de deux des personnages. Cela donne une profondeur supplémentaire au début et permet de mieux comprendre les relations entre une mère et sa fille.

   Mais, attention... celles et ceux qui croiront avoir tout saisi risquent d'être surpris par la suite. Les circonstances dans lesquelles un bar est ouvert et la manière dont un problème de harcèlement scolaire est géré nous invitent à nous poser des questions sur ce que nous avons vu depuis une bonne heure. Les choses s'arrangent-elles par accident ? Le personnage de Michelle (Hélène Vincent, césarisable) est-il aussi cristallin qu'il le semble ? Aux eaux faussement calmes du début a succédé une nouvelle surface lisse, peut-être aussi trompeuse. Ozon a la malice de ne pas trancher, nous laissant sur notre faim... ou libres de nos interprétations.

   Les comédiens sont très bons. Aux côtés d'Hélène Vincent, on trouve notamment Josiane Balasko, Pierre Lottin et Sophie Guillemin, celle-ci incarnant une policière à qui on ne la fait pas.

   Je pourrais m'arrêter là et laisser un billet quasi dithyrambique, mais je dois quand même signaler quelques défauts. Le premier est l'introduction de visons (celle de Michelle), que j'ai trouvées totalement déplacées. Officiellement, elles sont justifiées par les prémices de la maladie qui touche le personnage principal. Officieusement, elle font sans doute écho à un sentiment de culpabilité. Mais je n'ai pas du tout été convaincu. Il me semble avoir aussi repéré une incohérente scénaristique. Dans l'un des dialogues du début, Valérie (la fille de Michelle, qui a fui la région des années auparavant pour une raison au départ inconnue) reproche à sa mère l'indulgence dont elle fait preuve vis-à-vis de Vincent (le fils de Marie-Claude, emprisonné) et d'avoir oublié ce qu'il lui aurait fait, des années auparavant. Or, plus tard dans l'intrigue, le jeune homme se rend chez Valérie qui, dans un premier temps, ne le reconnaît pas, avant de le laisser entrer chez elle, en dépit de ce qu'elle a auparavant déclaré penser de lui. Cette séquence est capitale pour le film, mais je pense qu'il aurait fallu revoir les dialogues d'une des scènes du début. Cela ne me paraît pas cohérent.

   Ces réserves mises à part, on passe un très bon moment, en compagnie d'acteurs de talent, baignés dans une intrigue faussement banale, qui n'a toutefois pas le mordant de certains des précédents films d'Ozon.

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vendredi, 11 octobre 2024

Les Graines du figuier sauvage

   Le nouveau film de Mohammad Rasoulov commence par deux scènes qui donnent le ton de son histoire. La première montre principalement des mains, avec une arme et des munitions. Il s'agit du pistolet remis au magistrat nouvellement promu à une fonction qui risque de lui valoir l'animosité de nombre de ses concitoyens. La seconde scène est un plan large d'une zone rurale, montagneuse, la nuit, avec un véhicule en mouvement. Il ne se passe pratiquement rien, mais c'est superbe. J'ai donc retrouvé avec plaisir le réalisateur d'Un Homme intègre, dont le talent transpire du début à la fin, dans le village troglodyte abandonné.

   La première partie (qui dure, en gros, 1h20) est pour moi la plus forte. Elle montre l'émergence du conflit de générations, entre le père et ses filles. Le premier est rigoriste, rouage du régime des mollahs, tout en étant très amoureux de son épouse et attaché à sa progéniture. Il perçoit les manifestant(e)s comme des extrémistes, des dépravé(e)s. Ses filles, d'apparence plutôt sage, prennent fait et cause pour celles et ceux qui considèrent Mahsa Amini comme leur étendard.

   Cette partie culmine lorsque la meilleure amie de la fille aînée, étudiante, revient se réfugier dans l'appartement occupé par la famille des deux sœurs. Pendant quelques minutes, quelque chose est filmé en gros plan. C'est à la limite du soutenable, mais c'est à mon avis parfaitement justifié... et nécessaire.

   Entre le père et les deux filles, la mère se retrouve coincée. Aussi pieuse que son époux, elle comprend néanmoins les aspirations de ses filles. Concilier les deux devient de plus en plus difficile, ce que réussit parfaitement à faire passer Soheila Golestani, l'interprète tout en subtilité de cette mère conservatrice. Je suis moins convaincu par les actrices qui incarnent les deux filles, non pas parce qu'elles seraient sans talent, mais parce qu'elles m'ont semblé un peu vieilles pour leurs rôles. En dépit du maquillage et de la manière dont elle est coiffée, dans certains plans, l'aînée paraît à peine moins âgée que sa mère. Quant à la seconde, du début à la fin, elle fait nettement plus vieille qu'une collégienne de 14-15 ans.

   Dans la deuxième partie, le film bascule à la fois dans le polar et le thriller. Le polar naît de la disparition de l'arme du père, à son domicile. C'est clairement l'aspect le moins réussi du film. Quand on a compris quel était le projet du réalisateur et qu'on a éliminé l'impossible, il n'est guère difficile de comprendre qui a volé l'arme. En revanche, il n'est pas vraisemblable qu'elle n'ait pas été retrouvée... d'autant qu'elle ressurgit, de manière tout aussi rocambolesque, à la fin de l'histoire.

   On finit par comprendre que le cinéaste a laissé tomber la veine réaliste du début (appuyée par des extraits d'authentiques vidéos tournées par des manifestants) pour plonger dans la métaphore, pas forcément légère.

   Cela donne un thriller plus ou moins convaincant. A l'image du régime des mollahs, le mari devient de plus en plus paranoïaque, de plus en plus inquiétant, tandis qu'en face, la révolte sourd au sein de sa propre famille, devenue symbole du pays opprimé. J'ai trouvé cet aspect trop surligné et pas toujours vraisemblable. Dans la vraie vie, quelques discussions auraient sans doute permis d'aplanir bien des difficultés, évitant que la situation ne dégénère...

   ... mais cela nous aurait privé de ce final impressionnant, dans l'Iran rural, où se trouve la maison familiale du juge. L'un des personnages découvre que, par le passé, on faisait preuve de moins de piété démonstrative dans la famille. (On écoutait de la "musique impie", dans une propriété où les symboles religieux semblent étrangement absents.)

   L'ultime séquence, dans les méandres d'une cité abandonnée, est un véritable cadeau offert aux cinéphiles, malgré sa conclusion outrageusement symbolique. Le film n'en reste pas moins hautement recommandable, même si, au bout de trois heures de projection (bandes-annonces, publicités et film inclus), on a un peu mal aux fesses.

dimanche, 06 octobre 2024

Le Fil

   Ce fil est peut-être de tissu (bleu) et pourrait jouer un rôle dans la (non)condamnation de Nicolas Milik (Grégory Gadebois, formidable), accusé d'avoir tué sa femme alcoolique, mère négligente. C'est aussi le fil du rasoir, celui sur lequel se trouve l'accusé, dont l'avocat (Daniel Auteuil, sobre et plutôt bien) doit persuader un jury d'assises qu'il est innocent. L'intime conviction des jurés tient à un fil, tout comme la vie de certains protagonistes.

   Cette intrigue judiciaire est donc nourrie de symboles, l'un des premiers étant le fossé socio-économique (visible à l’œil nu) qui sépare les suspects et les témoins du procès (tous issus de catégories populaires) des professionnels de la justice (avocats, juges), appartenant à la bonne bourgeoisie.

   J'ai aimé à la fois la dichotomie de classes et l'énigme judiciaire, les gendarmes, les magistrats comme les avocats peinant à établir les faits survenus la nuit du meurtre de Cécile, l'épouse de Nicolas. Les comédiens sont suffisamment bons pour que chaque spectateur puisse se faire sa propre opinion, un peu comme dans Les Choses humaines, d'Yvan Attal.

   Je trouve toutefois ce dernier film plus réussi. Il y a des maladresses dans la mise en scène, les dialogues et le montage du Fil. Ainsi, l'arrestation du début est inutilement mélodramatique (avec, pour la énième fois, une caméra placée dans un véhicule emmenant une personne et filmant, de l'arrière, un membre de la famille qui court après). De plus, cette arrestation me paraît un peu trop brusque et spectaculaire. L'époux suspecté aurait auparavant dû être entendu comme témoin assisté et j'ai noté l'absence des services sociaux, alors qu'il était sans doute question de placer les cinq enfants, le temps de la procédure.

   J'ai aussi tiqué à une scène entre l'avocat et sa compagne (pourtant très bien incarnée par Sidse Babett Knudsen qui, neuf ans après L'Hermine, joue de nouveau les utilités dans un film de procès). Leur (brève) dispute m'est apparue un peu exagérée, manquant de naturel. Je pourrais aussi parler de l'attitude de l'avocate générale, durant le procès (pourtant correctement mis en scène). Alice Belaïdi joue bien, mais ce qu'on lui fait dire me semble manquer de vraisemblance. Par exemple, dans son réquisitoire (dont on est sans doute prié de croire qu'il ne nous en est offert qu'un extrait), elle ne s'appuie quasiment pas sur les données matérielles de l'enquête, alors que l'avocat de la défense lui répond ensuite sur ces points.

   Mais, comme j'ai été pris par cette histoire, par l'interprétation... et comme j'ai aussi été stupéfait par le coup de théâtre final, je recommande ce film "de qualité française", comme on dit.

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jeudi, 03 octobre 2024

Joker : Folie à deux

   Assez impressionné par le premier volet, sorti il y a cinq ans, je me suis précipité pour voir le nouvel opus, sans avoir quasiment rien lu ou vu à son sujet. Je voulais profiter du plaisir de la découverte, en version originale sous-titrée, dans une (très) grande salle.

   Les 20-25 premières minutes sont épatantes. On retrouve Arthur Fleck en prison, le corps osseux à moitié cassé, lui brisé à l'intérieur (et sous cachetons). Toutefois, il émane de l'ancien Joker une sorte de magnétisme qui, presque malgré lui, a des effets sur son entourage. A plusieurs reprises, on se dit qu'il ne faudrait pas grand chose pour que redémarre la sarabande de violence. Cette impression est renforcée par le jeu de Joaquin Phoenix, une fois de plus admirable. Il donne à son personnage un tour puissamment pathétique.

   L'arrivée de sa fan déjantée (Lady Gaga, crédible quand elle est sobre) dans l'histoire ne fait pas tomber le rythme. Entre ces deux-là, il se passe quelque chose. La nouvelle Harley Quinn ne se contente pas d'être une faire-valoir. Elle nous réserve quelques surprises et manipule un peu son idole, tombé amoureux d'elle.

   Le problème est que cette histoire d'amour criminel est traitée sous forme de... comédie musicale. Quelle horreur ! La plupart des chansons sont à chier et il ne s'en dégage guère d'émotion (à l'exception notable de la reprise en anglais de Ne me quitte pas). On aurait sans problème pu en jeter la moitié à la poubelle, l'autre moitié, moins inintéressante, se déroulant dans la tête du Joker.

   C'est là que l'intrigue gagne en épaisseur. Les chansons fantasmées révèlent ce qu'aurait pu être le film... et comment pourrait tourner la "carrière" d'Arthur Fleck. Par un curieux (et involontaire ?)  effet de mise en abyme, celui-ci déçoit ses fans de la même manière que Todd Phillips risque de décevoir celles et ceux qui s'attendaient à voir le Joker foutre à nouveau le bordel dans Gotham City.

   Phillips a l'intelligence de continuer à présenter son anti-héros à la fois comme un bourreau et une victime. Il est bien aidé par l'interprétation de Joaquin Phoenix, aussi convaincant en pauvre type qu'en rusé dissimulateur, amoureux transi, danseur à claquettes ou avocat de la défense. Quel talent !

   ... Mais, hélas, cela ne suffit pas à sauver complètement le film, embourbé dans son procédé narratif.

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lundi, 30 septembre 2024

L'ultime aventure de Scrat

   Je n'ai appris cette double nouvelle que récemment. Mon écureuil préhistorique préféré avait eu droit, en 2022, à une dernière petite aventure... et il ne serait désormais plus présent dans d'éventuelles nouvelles pérégrinations de la troupe de L'Âge de glace, pour une question de droits.

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   D'après Blue Sky (à l'époque filiale animation de la Twentieth Century Fox, avant son rachat par Disney), ce sont des animateurs maison (Chris Wedge et Peter de Sève) qui ont créé le personnage. Plusieurs personnes ont contesté cette version, dont l'illustratrice et influenceuse Ivy Silberstein. Après une série de procès, celle-ci a obtenu le codétention des droits puis la reconnaissance de l'originalité de sa création : un personnage appelé à l'origine Sqrat, mélange de squirrel (écureuil) et de rat (ben... rat), qu'elle aurait jadis proposé à Blue Sky. Malgré la grosse somme (300 000 dollars) offerte par Disney (après le rachat de la Fox), la créatrice s'est entêtée.

   Sentant le vent du boulet, certains animateurs de Blue Sky ont créé, juste avant le passage de la Fox à Disney, un ultime court-métrage, sobrement intitulé The End...

ATTENTION : CE QUI SUIT EST UN IGNOBLE, UN SCANDALEUX, UN INADMISSIBLE DIVULGÂCHAGE !!

 

   ... dans lequel on voit Scrat... dévorer son gland (non, ce n'est pas un porno !) ... et passer à autre chose.

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samedi, 28 septembre 2024

Week-end à Taipei

   La bande-annonce présente un film d'action mâtiné de comédie... et elle n'est pas mensongère. Mais le début nous propose un peu plus, puisqu'on y découvre l'héroïne dans un décalque de l'introduction de Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany's). Gwei Lun Mei fait une Audrey Hepburn contemporaine très convaincante. Elle porte à merveille une robe de soirée qui ne permet pas d'ignorer combien elle est bien gaulée... et elle se révèle redoutable au volant d'un bolide. Comme la Holly de Blake Edwards, Joey a dû faire des concessions pour survivre dans un monde de brutes... et pour protéger son fils.

   Celui-ci a été élevé (en partie) par un truand, le redoutable Kwang, devenu milliardaire par des moyens que la décence m'interdit de détailler. Il est (très bien) interprété par Sung Kang, dans lequel nombre de spectateurs des salles obscures reconnaîtront l'un des protagonistes de la franchise Fast & Furious. (Mais, ici, ce n'est pas lui le prodige du pilotage, c'est sa meuf.)

   Toutefois, l'enfant n'est pas de lui, mais d'un ancien policier infiltré, retourné aux États-Unis. On découvre très rapidement Luke Evans dans ses œuvres, dans un restaurant où, à l'aide de divers instruments de cuisine, il fait feu de tout bois lorsque débarque une bande de trafiquants. Cela donne une séquence virtuose, avec des combats chorégraphiés avec soin... et une bonne dose d'humour. (Aux manettes se trouve George Huang, révélé jadis par Swimming with sharks.)

   Les deux anciens tourtereaux ne le savent pas mais, sans le vouloir, un troisième protagoniste va provoquer leur rapprochement. John Lawlor est donc de retour à Taïwan, où il se découvre un fils. A partir de ce moment-là, même si l'action et les cascades restent de mise, le vaudeville prend parfois le dessus. C'est plus ou moins réussi. Gwen Lun Mei est très bien en mère à la fois aimante et autoritaire, mais Evans est moins convaincant en apprenti papounet. Je note que le gamin est un adolescent moins caricatural que ce que l'on trouve dans quantité de fictions aussi bien françaises qu'américaines : on n'a pas systématiquement envie de lui coller une paire de gifles.

   Le reste de l'histoire est enlevé, avec des poursuites en bagnole, des bastons, des cascades. La musique est chouette, avec notamment une réorchestration du Paint it Black des Stones. (Il me semble avoir aussi reconnu l'air de Moon River, issu de Diamants sur canapé.) J'ai passé un agréable moment... et le film ne dure qu'1h35. C'est un bon divertissement de début de soirée.

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