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vendredi, 28 juillet 2023

Parle à ma main...

   C'est le titre qu'aurait pu porter ce petit film d'épouvante australien, intitulé La Main dans la version française, mais Talk to me en version originale. Cette formule joue un rôle clé dans l'intrigue, puisque, pour entrer en contact avec un esprit, il faut serrer la fameuse main et lui demander de parler (puis d'entrer en soi).

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   Vous aurez remarqué qu'il s'agit d'une main gauche, la main déviante, pas celle de Dieu, plutôt celle des esprits malins... On n'en saura guère plus sur elle, ni sur la signification des inscriptions qui la recouvrent. (Peut-être dans un opus n°2 ?)

   Mais, avant d'en arriver là, on est saisi par une fort belle ouverture, sous la forme d'un plan-séquence de deux-trois minutes, qui se conclut de manière doublement frappante...

   Une ellipse nous transporte du côté d'une banlieue de classe moyenne, où des jeunes de 16-20 ans (un peu à l'image du public de la salle, moi excepté) se réunissent pour participer à des expériences "limites"... hors de portée du regard des parents, bien entendu. Ces derniers semblent peu présents dans la vie de leurs enfants. Ce sont globalement des emmerdeurs... et des pourvoyeurs d'argent, qui permettront à leur progéniture ingrate de se procurer smartphone, habits moches (et chers)... et de quoi se défoncer la gueule. Dans cette perspective, les expériences avec la main apparaissent comme un substitut à la consommation de drogue.

   Sans surprise, une grande partie de ces ados est assez antipathique. Tous les personnages (sauf un) sont taillés  la hache. On ressent rapidement l'envie qu'il leur arrive des choses tristes... ce qui ne va pas manquer, grâce à la main.

   Du côté des effets spéciaux, c'est réussi, sans esbroufe. J'y vois un peu de numérique mais, assez traditionnellement, beaucoup de maquillage et de prothèses. Le résultat est convaincant, sans que cela soit réellement effrayant. C'est plutôt gore... de plus en plus même au fur et à mesure que l'histoire progresse (à mon grand plaisir). Les djeunses qui peuplaient la salle où je me trouvais ont été scotchés sur leur siège. (Le film étant interdit aux moins de seize ans, j'ai aussi pu échapper aux hordes de collégiens mal élevés.)

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   Une comédienne sort du lot : Sophie Wilde, qui incarne Mia. Ce n'est pas le personnage principal au départ, mais elle va le devenir. Quand on fait le bilan de tous les états par lesquels passe ce personnage, on ne peut que saluer la performance d'actrice.

   L'intrigue allie l'hyper-classique et des efforts d'originalité (assez modestes toutefois). Du côté du classique, il y a la croyance en un au-delà dangereux, le conflit / l'incompréhension entre parents et enfants, le désir de transgression des jeunes. Ceux-ci vont bien évidemment faire de grosses bêtises et ne pas accomplir les gestes qu'il faut pour se sortir du pétrin.

   Dans ce collier de perles de pacotille, l'attitude d'une mère tranche agréablement. Elle a tendance à parler vertement, signalant à sa fille aînée qu'elle voit d'un mauvais œil qu'elle sorte le soir avec ce Daniel qui, rappelle-t-elle, « possède une queue ». Plus tard, quand elle trouve celui-ci dans la chambre de sa fille, elle lui signifie que le vagin de celle-ci lui est formellement interdit... J'ai aussi bien aimé son expression, quand elle entre dans une pièce où se trouvent son fils cadet, le meilleur ami de celui-ci et la chienne de la famille, une femelle bouledogue à l'hygiène approximative... la maman se demandant à voix haute si l'odeur pestilentielle dans laquelle baigne la pièce n'émanerait pas plutôt du copain de son fils ! (Je crois que je fus le seul spectateur de la séance à rire à ces moments croustillants...)

   Comme tout bon film d'épouvante, celui-ci contient un message moral. On peut y voir la condamnation d'une manière d'utiliser les réseaux sociaux et du manque d'empathie de certains jeunes envers les autres.

   Les vingt dernières minutes sont les plus rythmées. Au cours de celles-ci, on réalise (plus ou moins tôt selon son degré d'attention) qu'une supercherie est à l’œuvre, depuis un petit moment déjà. L'un des personnages ne le comprend que trop tard, mais parvient tout de même à déjouer l'une des manigances. Le film s'achève sur une très bonne séquence, décalée, qui perturbe celles et ceux qui n'ont pas encore saisi le fond de l'histoire, le dernier plan (joliment fait), sous forme de pied de nez, donnant l'explication.

   Cela ne dure qu'1h30 et c'est le genre de petit plaisir (à l'image de [Rec] ou d'Escape Game) qu'on peut s'offrir l'été.

14:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 25 juillet 2023

Oppenheimer

   Il y a trois ans, en pleine pandémie de covid, Christopher Nolan et ses producteurs avaient fait le choix de sortir Tenet en salles. Le risque avait été (relativement) payant puisqu'avec un peu plus de 2,3 millions d'entrées, le film avait fini en tête du box-office français de l'année (certes un peu sinistré).

   Tout cela pour dire que les œuvres de Nolan, aussi cérébrales soient-elles (parfois), sont faites pour être vues dans une salle obscure. Oppenheimer ne fait pas exception à la règle. C'est d'ailleurs l'une des grandes réussites du cinéaste que d'être parvenu à rendre passionnante une épopée au cœur de laquelle se trouvent les sciences physiques... et d'en avoir fait un polar de trois heures, qui tient amplement ses promesses. Bon d'accord, l'enjeu politique (la rivalité avec les nazis, eux aussi lancés dans la course à l'arme atomique) n'est pas sans pimenter l'intrigue. L'ambiance de pré-Guerre froide (les alliés bolcheviks étant déjà perçus comme les adversaires de demain) ajoute une touche d'espionnage pas déplaisante du tout.

   Deux catégories de scènes nous sont proposées. C'est paradoxalement en noir et blanc que l'on voit les plus récentes (celles qui se déroulent dans les années 1950, en plein maccarthysme), alors que la couleur est réservée aux années 1930-1940... mais c'est la partie la plus vivante, le cœur de l'histoire, avec le plus de chair (et de neurones).

   Les interprètes sont excellents. Cillian Murphy s'est parfaitement coulé dans le personnage, qu'il ne cherche pas à rendre plus sympathique qu'il n'était... et c'est tant mieux. Par moments (l'orientation sexuelle mise à part), j'ai pensé à Benedict Cumberbatch en Alan Turing, dans Imitation Game, film qui n'est pas sans rapport avec celui-ci. On pourrait aussi rapprocher Oppenheimer d'un autre héros américain,  Neil Armstrong, tel qu'il est dépeint dans First Man : lui aussi a pu s'appuyer sur une épouse brillante, qui avait suivi des études universitaires et qui a sacrifié ses aspirations professionnelles pour soutenir la carrière de son mari.

   Ici, c'est à Emily Blunt qu'échoit ce rôle ingrat, celui d'une intellectuelle libre dans sa jeunesse, qui finit par se cloîtrer à Los Alamos avec deux gosses dont elle a du mal à s'occuper. Dommage que le personnage ne soit pas plus creusé.

   Les autres seconds rôles (le film étant tout à la gloire d'Oppenheimer) sont incarnés par une pléiade de talents, de Jason Clarke (excellent dans la peau d'une enflure) à Matt Damon (crédible en ours mal léché), en passant par Florence Pugh (la plus belle communiste que j'aie jamais vue...), Rami Malek (important sur la fin), Josh Hartnett (curieusement bon en scientifique conformiste) et Robert Downey Jr (qui ne pouvait qu'incarner un type un peu magouilleur sur les bords)...

   La mise en scène s'est évertuée à représenter ce qui se passait (parfois) dans la tête du physicien... en liaison avec ce qui passe au niveau atomique, lors d'une réaction. Cela donne des plans très léchés, soutenus par une musique appropriée... mais je ne suis pas sûr que ce dispositif aura permis aux spectateurs lambdas de mieux comprendre le fonctionnement d'une bombe atomique.

   Mis à part ces aspects scientifiques ardus, le film est relativement limpide. On a visiblement voulu éviter de tomber dans les excès de Tenet... mais, du coup, je suis un peu déçu. Nolan nous livre une brillante fresque historique, engagée (à gauche), mais il y perd un petit peu son art de nous transporter dans des univers inédits.

 P.S.

   Pour en savoir plus sur l'histoire de la bombe atomique, je recommande à nouveau la lecture du roman graphique La Bombe, que j'avais chroniqué en août 2020.

vendredi, 21 juillet 2023

Barbie

   C'est dans une salle copieusement garnie (malgré la V.O.) et composée presque exclusivement d'un public féminin (de tout âge) que j'ai vu cet étonnant film, mélange de comédie sirupeuse et de discours féministe.

   Le début est engageant, avec la parodie d'une scène de 2001, L'Odyssée de l'espace. (Je me demande toutefois quel pourcentage des spectateurs a compris l'allusion.) Sur le fond, c'est contestable : présenter l'invention de la poupée Barbie comme une conquête féministe me rappelle le slogan d'une entreprise française d'électroménager, qui prétendait que ses produits libéraient la femme.

   Après ce moment d'audace (limitée), on nous plonge dans le monde merveilleux (et rose, très rose) de Barbie Land, où tout est organisé pour faire de la vie des "poupées" (les jolies jeunes femmes) un rêve éternel. Au second degré, c'est assez savoureux, surtout quand on découvre le rôle attribué aux hommes. Voilà donc Ryan Gosling (après des heures passées sur le banc de muscu) relégué au rang d'objet sexuel (asexué) consentant.

   C'est drôle... et malin. Cela peut aussi bien convenir à celles (et ceux ?) qui trouvent cet univers réjouissant (et regardent donc cela au premier degré) qu'à ceux qui y voient une critique ironique.

   Hélas (ou plutôt heureusement), cette belle mécanique du bonheur factice va s'enrayer. Du coup, Barbie et Ken s'embarquent pour le monde réel, celui des propriétaires de poupées... et des concepteurs de Barbie.

   Le trajet est trop rose et sucré à mon goût... sans parler des chansons. Il y en a bien une ou deux avec des paroles intéressantes (dont une qui détourne celles de la chanson du début) mais, globalement, cela m'a plutôt cassé les tympans.

   L'intérêt remonte dans le monde réel, pour deux raisons. Tout d'abord, il y a la description du fonctionnement de la multinationale Mattel, évidemment exagéré (et laissant de côté certains aspects peu reluisants, ce qui permet à la firme de valider le film et de se donner, en passant, une bonne image)... et la découverte par Ken d'un monde dirigé par les mecs. Gosling excelle à nous faire ressentir à quel point le mâle frustré kiffe la life à ce moment-là. Il a la bonne mauvaise idée de rapporter les préceptes du patriarcat dans Barbie Land... avec des conséquences que je laisse à chacun(e) le plaisir l'horreur de découvrir.

   Ce retournement est une excellente idée scénaristique, puisqu'il va donner lieu à la peinture d'un nouvel univers patriarcal (complémentaire du premier, en fait)... et à l'éclatement d'une véritable guerre civile... mais du genre flashy. La manière dont les "poupées", tombées en servitude, vont redresser la situation, vaut son pesant de paillettes.

   Ce film contient aussi quelques beaux passages, un peu hors du temps, sans tout le tralala qui enrobe l'intrigue. L'un de ces moments voit l'héroïne discuter avec une dame âgée, à un arrêt de bus. Un autre voit l'intervention d'une autre mamie, qui a un lien avec l'univers de Barbie. Il y a aussi tout ce qui touche à la relation entre Barbie et sa véritable propriétaire, qui n'est pas celle que l'on croit. Mais le véritable morceau de bravoure est la diatribe féministe (propre à remobiliser les troupes), qui n'est pas déclamée par Barbie. (Margot Robbie laisse de l'espace à d'autres comédiennes dans ce film.)

   Du coup, je suis sorti de là plutôt content. C'est une bonne comédie et, en dépit de ses limites, le fait que le film serve un discours féministe (les femmes doivent pouvoir être maîtresses de leur destin) au grand public est une bonne chose. De surcroît, à la fin, les personnages ont évolué. Si le patriarcat est définitivement rejeté (dans Barbie Land), il n'est pas remplacé par un matriarcat strict. Le film ne fait pas l'apologie d'un féminisme séparatiste ou exclusif, mais plutôt d'une nouvelle forme de "vivre ensemble" pour les femmes et les hommes.

23:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinema, film, films, cinéma

jeudi, 20 juillet 2023

Les Meutes

   Récompensé cette année au Festival de Cannes, ce film marocain (coproduit par la France et le Qatar) est un nouveau prétendant au titre de « polar de l'été ». Il n'est d'ailleurs pas sans point commun avec son principal concurrent,  Dernière nuit à Milan, dont l'action elle aussi est concentrée entre le crépuscule et l'aube.

   Si le titre fait allusion à des chiens, que l'on voit brièvement impliqués dans des combats illégaux, c'est bien d'humains (et d'humanité) qu'il s'agit dans ce film. Les deux héros sont un père et son fils. Le premier est une petite frappe, récemment sortie de prison. A son visage et à son élocution difficile, on devine qu'il a dû consommer pas mal de substances bizarres dans sa vie. Son épouse semble l'avoir quitté et il vit chez sa mère. Le fils est déterminé à ne pas suivre les traces de son père. Il est honnête et droit, veut gagner sa vie légalement, même si le travail précaire qu'on lui propose est mal payé.

   Un soir, le père embarque le fils pour un « boulot facile », une mission bien payée, censée durer moins d'une heure... mais qui va s'éterniser. Un peu comme la jeune mère iranienne de Juste une nuit, les deux compères vont accumuler les emmerdes et les déconvenues, et ce dès le début de leur mission, qu'il vont accomplir dans une vieille guimbarde rouge vif (une couleur qui porte malheur, nous dit-on), dont le fonctionnement devient de plus en plus aléatoire.

   Nous voilà donc embarqués dans un véritable périple dans et autour de Casablanca... mais pas la ville de carte postale, celle prisée des touristes. Non. En suivant Hassan (le père) et Issam (le fils), on croise une ribambelle de personnages hauts en couleur : un chef de bande aux dents métalliques, un petit propriétaire terrien qui utilise un engrais particulier pour "soigner" ses figuiers, le mystérieux occupant d'une station-service désaffectée, un policier amateur de figues, un vieux pêcheur alcoolique... Toutes ces rencontres sont fort bien mises en scène. On ne sait jamais comment la séquence va se dérouler. C'est d'autant plus remarquable que la majorité des acteurs sont non-professionnels (à commencer par celui qui incarne le père).

   L'intrigue a aussi l'intelligence de faire évoluer les deux personnages principaux, ceux du père et du fils. Au départ, le premier mène la danse et entraîne le second dans ses embrouilles. A partir d'un moment, quand tout part en sucette, le fils prend les choses en mains... et c'est le moment que son choisit le père pour exprimer des réserves. Voilà qu'il aurait des scrupules ! Même si le ton n'est pas à la comédie, certaines situations sont assez savoureuses.

   L'atmosphère est très bien rendue, avec une belle photographie (pas aussi léchée par exemple que dans Limbo, mais elle convient parfaitement à l'intrigue). C'est filmé le plus souvent en plan serré et en gros plan, avec une caméra fixe ou à l'épaule (un peu à la façon des frères Dardenne, mais en moins "épileptique").

   Cela dure 1h30 et j'ai été pris du début à la fin, même si la première scène, autour du combat de chiens, n'est pas la mieux jouée ni la mieux montée. On y découvre le chef de bande (pas totalement convaincant) et, surtout, son rival, interprété par un type qui parle peu mais qui dégage vraiment quelque chose. De surcroît, l'ambiance est déjà très tendue, sans effet sonore ou visuel particulier. On a là un réalisateur et scénariste de talent, Kamal Lazraq, qu'il faudra suivre.

11:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 19 juillet 2023

Sisu - De l'or et du sang

   Sorti il y a un mois, ce film américano-finlandais avait été signalé par une autre blogueuse cinéphile (Pascale). Il a mis du temps à arriver en Aveyron. J'ai pu accéder à une séance en version originale sous-titrée... pour constater que tous les personnages, allemands comme finlandais, parlent anglais (avec divers accents)... sauf à la fin.

   Au départ, il s'agit d'un mélange de film de guerre et de western. Les paysages finlandais sont superbes, le chercheur d'or mutique, rugueux à souhait, entre son cheval et son chien docile.

   Les Finlandais partagent avec les Polonais et les Baltes (Estoniens, Lettons et Lituaniens) le triste privilège d'avoir été successivement envahis par les Soviétiques et les Allemands. En 1944, le héros a perdu toute sa famille, massacrée par les troupes de Staline, mais leurs successeurs nazis n'ont rien à leur envier en matière de cruauté. Pas de bol pour eux, ces SS Totenkopf (ou ce qu'il en reste, vu la troupe débraillée qui sillonne le nord de la Finlande) croisent la route d'un ancien commando, sans peur, sans reproche... et sans pitié.

   Quand on sait que le film va nous offrir de belles scènes d'explosion, d'éviscération et de démembrement, on se dit que cela commence doucement, dans ces terres de solitude, où le ciel semble si bas. Le héros a perdu femme et enfants, ne croit plus guère en la patrie... mais il trouve de l'or ! Un paquet d'or, qui va susciter bien des convoitises.

   J'ai aimé ce démarrage en douceur et la progressive montée en tension,  la première baston n'intervenant pas au moment que l'on pense... mais quand cela surgit, quel régal ! Il y a du Tarantino dans la manière dont ce guerrier dézingue une compagnie de SS : des fantassins, des motards, des aviateurs... jusqu'aux occupants d'un char.

   Au passage, il contribue à libérer une brochette de femmes, butin de guerre des ordures nazies. Les meufs prouvent rapidement qu'elles ont les ovaires solidement arrimés : elles vont participer au massacre.

   On se laisse gentiment porter par cette sauvagerie libératrice jusqu'à la séquence du lac, où, là, l'irrationnel commence à l'emporter. Le héros rebelle se mue en esprit vengeur quasi invulnérable, qui survit à toutes ses blessures et peut même se passer de respirer. La mise en scène est toujours aussi jouissive, mais le film perd en vraisemblance. C'est dommage.

   Du coup, j'ai été un peu déçu par la dernière partie, la séquence en avion cumulant les impossibilités (au niveau du scénario comme de la mise en scène). Cela reste spectaculaire, mais la saveur particulière du début a disparu.

15:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 15 juillet 2023

Limbo

   Dans une métropole d'Asie orientale, des crimes horribles sont commis contre des jeunes femmes. La traque est menée par un duo de policiers mal assortis : un jeune, rigoureux, adepte de méthodes "à l'américaine" et un plus âgé, plus expérimenté, plus tourmenté... et moins scrupuleux vis-à-vis du règlement...

   ... Cela ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr ! Memories of murder, de Joon-Ho Bong (récompensé par la suite pour Parasite). Ce petit bijou de polar en a déjà inspiré d'autres, coréens comme The Strangers, chinois comme Une Pluie sans fin.

   Là aussi on s'en mange, de la pluie. Au début, au milieu, à la fin, par dessus, par dessous, quand y a meurtre, quand y a pas meurtre... ce qui ne facilite pas la tâche des enquêteurs, qui ne pensent jamais à se munir de parapluie (ni à se servir d'un objet de substitution pour se préserver de l'eau). Ils en sont encore à présenter des photographies d'identification sur papier (alors que les spectateurs des scènes de crime filment tout sur smartphone)... Bref, on se fout un peu de notre gueule.

   Je reconnais toutefois que c'est plutôt bien filmé, très bien photographié... mais pas très bien joué/dirigé. Trop d'emphase, de clichés, de cris, de pleurnicheries. La crasse, la dégueulasserie, ça ne me dérange pas... même si personne en Chine, encore moins à Hongkong, n'imagine des quartiers de la ville aussi sales. (Cela a été exagéré pour le film.) Les acteurs ont tendance à en faire des caisses, avec cependant la prestation de Yase Liu à sauver. Vu ce qu'on lui demande de faire, la jeune actrice fournit de louables efforts et contribue à rendre l'intrigue intéressante à suivre.

   Mais, trop souvent, un problème de vraisemblance se pose. Cela commence par ces femmes sans-abri qui toutes ont une dentition exceptionnelle. Cela continue avec des coïncidences qui n'en sont pas (mais dont le réalisateur a besoin pour tenter de mener son histoire à son terme). Il y a surtout ce tueur insubmersible, capable de défoncer deux flics vigoureux, alors qu'il s'est déjà pris un tournevis dans le poumon gauche, un éclat de verre dans le bide et un autre dans le dos. Je ne vous parle même pas des coups qu'il a reçus...

   Cela donne un film pas indigne, pas désagréable à regarder, mais qui a été un poil survendu et finit par devenir agaçant.

21:20 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 14 juillet 2023

King Kong (1933)

   C'est un débat de cinéphiles : quelle version du film King Kong est la meilleure ?... étant entendu que la dernière, le Skull Island de Jordan Vogt-Roberts, pour spectaculaire qu'elle soit, ne figure pas en haut du podium. La discussion oppose généralement les partisans (plus nombreux) de Peter Jackson (auteur de la version de 2005) à ceux de John Guillermin (auteur du film sorti en 1976, avec Jessica Lange). Mais certains puristes estiment que c'est la version d'origine, datant de 1933, qui est la plus belle.

   ... et ça tombe bien, parce que c'est celle que j'ai (re)vue récemment, à la Cinémathèque de Toulouse. La programmation estivale de ce temple de la cinéphilie propose des séances en plein air, à 22 heures, le même film étant rediffusé le lendemain, dans la grande salle, à 19 heures. (Hier soir, il y avait un monde fou pour le Manhattan de Woody, projeté évidement en version originale sous-titrée.)

   En caisse, on prévient le public de ne pas s'inquiéter du début, les premières minutes n'étant constituées que d'une musique de fond, sur un écran noir. (Cela correspond peut-être au générique, qui semble avoir été perdu, tout comme l'une des scènes du film, avec une araignée géante.)

   Le contexte de départ est intéressant. Le film a été tourné en 1932, alors que les États-Unis sont en pleine Dépression. La future héroïne vit seule, sans emploi, affamée. Un réalisateur ambitieux (réputé pour ses "films de jungle"), désirant faire un coup, l'embauche pour une mystérieuse expédition, devant donner naissance à un long-métrage.

   Les spectateurs du XXIe siècle seront peut-être un peu irrités par la caractérisation du principal personnage féminin. Fay Wray incarne une jolie blonde, qui s'amourache facilement d'un officier de marine (qui a un petit côté Harrison Ford) et passe l'essentiel de la seconde partie du film à crier. De surcroît, dans les dialogues, on entend certains personnages masculins dire tout le mal qu'ils pensent des femmes, dans la vie, sur un tournage ou sur un bateau. Au moins l'un d'entre eux va (un peu) changer d'opinion...

   Quand l'équipage débarque sur l'île mystérieuse, marquée par la présence de "la montagne du crâne", on ne s'étonnera pas de la manière dont sont représentés les "sauvages" à la peau sombre et aux cheveux crépus. C'est conforme aux mentalités occidentales de l'époque. Ceci dit, dans le film, l'équipage fait preuve d'un certain respect vis-à-vis des "indigènes". De plus, à un moment, alors que les hommes armés pourraient perpétrer un massacre, ils se contentent d'effrayer les habitants de l'île.

   Je pense que le scénario se veut progressiste. Dans les scènes se situant à New York, il montre notamment les écarts de richesse. Ainsi, quand "la bête" est ramenée aux États-Unis, le billet d'entrée pour le spectacle de son exposition coûte 20 dollars de l'époque, ce qui pourrait correspondre, en terme de pouvoir d'achat, à 350-400 euros d'aujourd'hui ! (Pendant ce temps-là, à deux rues de là, des gens sont au bord de la famine...)

   On peut même y voir une dénonciation indirecte du racisme : quand elle apprend qu'au lieu d'une séance de cinéma, elle va assister à la présentation d'un gigantesque gorille, l'une des spectatrices, en tenue de soirée chic, s'exclame : « Un gorille ! On en a déjà bien assez dans nos rues ! » Vu ce que devait représenter le prix d'une place de cinéma en cette période de crise, les auteurs du film ont pris le risque de prendre une partie de leur public à rebrousse-poil... tout en confortant les clichés sur les "indigènes" des îles. Voilà de quoi gagner sur les deux tableaux.

   Mais revenons à nos moutons monstres. Il n'y en a pas qu'un sur l'île. Une fois la belle et blonde actrice enlevée par le grand singe, les hommes partis à sa recherche vont croiser un stégosaure... et un petit cousin de Nessie. Pendant ce temps-là, King Kong doit défendre sa nouvelle dulcinée contre les appétits d'un tyrannosaure, puis d'un serpent géant, enfin d'un ptérodactyle.

   C'est le moment d'évoquer les effets spéciaux. Ceux du film sont à la pointe de ce qui se faisait à l'époque... même si cela fait sourire une partie du public. Les réalisateurs sont parvenus à insérer des personnages et des objets dans une image déjà tournée et ils ont aussi composé certaines scènes avec deux plans différents, qui ont été juxtaposés. Quant aux grosses bébêtes, ce sont des poupées filmées image par image. (Seuls la tête, une main et un pied de Kong ont été fabriqués en très grand format.) Cela a dû demander un travail de fou. Au début, on trouve évidemment cela maladroit. Mais, quand les scènes de combat surviennent, on se prend à apprécier le soin du détail... et quelques traits d'humour, comme lorsque le gorille, après une lutte acharnée, vérifie (de manière cocasse) que le tyrannosaure est bien mort !

   Plaisante aussi est la séance d'effeuillage pratiquée par Kong sur sa nouvelle "conquête" (passage qui fut jadis censuré, avant d'être réintroduit lors de la réédition du film). Les animateurs parviennent à nous faire comprendre le plaisir qu'éprouve le primate à renifler les vêtements de l'actrice... peut-être parce qu'ils exhalent un parfum délicieux... à moins que ce ne soit la transpiration de la jeune femme (qui s'est beaucoup démenée durant les heures qui ont précédé) qui excite le gorille. (J'ai toutefois préféré les interactions entre le Kong de 1976 et Jessica Lange, à mon avis meilleure actrice que Fay Wray.)

   L'une des meilleures séquences reste la mythique bagarre sur l'Empire State Building (parfois attribuée à tort au remake de 1976, qui s'achève lui au niveau des Twin Towers du World Trade Center, inaugurées trois ans auparavant). J'ai beau avoir vu cette fin sous différentes formes quinze à vingt fois, eh bien, j'ai encore été ému. Le grand singe de la forêt, transporté dans la jungle urbaine new-yorkaise, découvre que les armes des petits hommes peuvent lui faire très mal... et le priver de son amour.

   Ce film-ci, comme les autres, pose une question fondamentale : qui est le plus monstrueux ?

23:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire

mercredi, 12 juillet 2023

Mission : impossible - Dead Reckoning I

   Les diptyques sont de saison. Le dernier Harry Potter avait relancé la mode, il y a une douzaine d'années. Récemment, on a eu droit au premier volet des Trois Mousquetaires, à celui du dernier (?) Fast & Furious et de Spider-Man dans le Multivers. C'est un risque industriel considérable, compte tenu des coûts de production de ces films (200 à 300 millions, pour les blockbusters américains)... mais il y a peut-être un joli pactole à la clé.

   Donc, cinq ans après Fallout (visible pendant encore quelques jours sur le site de M6... mais c'est nettement moins bien qu'au cinéma) débarque la première partie d'un double épisode censé clore la franchise. Je sors d'une avant-première et force est de constater que j'ai eu droit à un feu d'artifice d'action, de cascades et d'humour.

   Cela commence sous la mer, un peu façon 2001, L'Odyssée de l'espace. Je n'en dis pas plus, parce que chaque séquence nous réserve des surprises, en plus d'être souvent fondée sur la mise en œuvre de supercheries. (Au passage, je signale que, dans la version originale, les Russes s'expriment dans leur langue et sont sous-titrés, alors que la version doublée fait parler tout le monde dans la langue de Molière, mais avec des accents. Les spectateurs français ne sont quand même pas plus cons que leurs homologues anglo-saxons !)

   On est ensuite transporté dans la péninsule arabique, du désert à un gigantesque aéroport émirati... Est-il besoin de signaler qu'Abou Dhabi a cofinancé le film ? (Petit clin d’œil à Protocole fantôme.) C'est spectaculaire, drôle, avec une utilisation intelligente de la technologie (qui est d'ailleurs un peu tournée en dérision).

   J'ai aussi beaucoup aimé la scène à huis clos, avec les dirigeants de plusieurs services de renseignement. On se doute bien que cela risque de mal tourner mais, franchement, on est doublement surpris (encore plus par la chute, je trouve).

   La partie italienne est magnifiquement réussie, peut-être encore mieux à Rome qu'à Venise. La poursuite en voitures est une pure merveille, mêlant action et humour. C'est aussi l'occasion de délivrer certains messages, le démarrage du véhicule de secours pouvant passer pour la métaphore d'un premier rapport sexuel décevant (pour un couple en formation).

   Cela m'amène à une autre grande réussite de ce film : la distribution féminine.

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   C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé la délicieuse, la piquante Ilsa, alias Rebecca Ferguson (en haut à gauche), ex-agent du MI6 qui en pince pour le héros... mais n'a (presque) jamais besoin de lui pour survivre. Autre revenante : Vanessa Kirby (en haut à droite), une vilaine fille qui elle aussi trouve Ethan Hunt très à son goût... C'est quand même cool d'être le producteur des films dans lesquels on joue !

   Deux nouvelles viennent pimenter l'intrigue. En bas à droite se trouve la méchante Paris (Pom Klementieff, connue pour sa participation aux Gardiens de la galaxie). J'ai gardé pour la fin la révélation de cet épisode, Hayley Atwell (ex-Peggy Carter chez Marvel, qui avait eu droit à sa série télévisée), qui interprète une voleuse aussi charmante que coquine.

   Toutefois, aussi séduisantes et dynamiques soient ces dames, le patron reste Tom Cruise, dont le personnage domine clairement l'intrigue. Elles succombent toutes plus ou moins à son charme et l'on sent, du côté du scénario comme de la mise en scène, qu'il n'est plus question que l'acteur se fasse voler la vedette comme naguère dans Rogue Nation (par Rebecca Ferguson, déjà) ou Edge of tomorrow (par Emily Blunt). Le choix répété de Christopher McQuarrie (derrière la caméra) rassure l'acteur Tom Cruise, qui a ses habitudes avec lui... et évite de le mettre en concurrence avec un réalisateur plus charismatique (comme l'étaient John Woo ou JJ Abrams).

   Le résultat est assez épatant, notamment sur le plan visuel, avec toujours une chouette musique en soutien. La lutte amorcée contre une diabolique intelligence artificielle se conclut (provisoirement) par une époustouflante séquence en train, qui ferait presque passer celle du dernier Indiana Jones pour de la gnognote, c'est dire.

   Quand je pense qu'il va falloir attendre presque un an pour voir la suite !

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lundi, 10 juillet 2023

Astérix et Obélix - Mission Cléopâtre

   Dans une version restaurée, la ressortie du film d'Alain Chabat est l'une des bonnes nouvelles cinématographiques de l'été. A Rodez, la salle était copieusement garnie et composée à peu près à égalité de spectateurs qui avaient l'âge d'avoir déjà vu le film en salles (en 2002) et d'autres qui n'étaient pas nés (ou en culottes courtes) à l'époque.

   J'ai retrouvé avec plaisir l'humour potache, sous forme atténuée toutefois : plus que celui des Nuls, c'est "l'esprit Canal" (d'avant Bolloré) qui est mis en œuvre dans ce film. L'univers de Goscinny et Uderzo devait passer à la moulinette de Chabat sans perdre le grand public. L'un des plaisirs de cette redécouverte est donc de capter les jeux de mots, les allusions et les anachronismes volontaires. C'était parfois assez gonflé, comme lorsque Numérobis (incarné par Jamel Debbouze) et son interlocuteur évoquent, au cours d'une scène, "le bruit et l'odeur"...

   La distribution est de folie, et hétéroclite. Monica Belluci incarne une Cléopâtre scandaleusement belle, face à un Alain Chabat moyennement convaincant en Jules César. (Il aurait dû laisser la place à un autre acteur.) Du côté des Gaulois, le duo Clavier-Depardieu (incarnant Astérix et Obélix) est en forme (ce qui ne leur est pas souvent arrivé depuis). Claude Rich s'amuse comme un fou en Panoramix. Jamel Debbouzze, Edouard Baer, Gérard Darmon, Dieudonné (capable d'être drôle à l'époque), Isabelle Nanty nous offrent de jolies prestations. Plus furtivement, on aperçoit Joël Cantona, Chantal Lauby, Mathieu Kassovitz, dans de courtes (mais bonnes) interventions.

   La salle s'est régalée, tout le monde ne riant pas forcément aux mêmes passages (certains ayant peut-être un peu vieilli). Je conseille de rester jusqu'au bout du bout, puisqu'une petite surprise nous est réservée.

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mardi, 04 juillet 2023

Rheingold

   Selon l'un des personnages de ce biopic allemand, l'or du Rhin est censé rendre immortel. C'est une allusion à l'opéra de Richard Wagner (qui trouve sa conclusion dans le clin d’œil final). Le sens qui lui est donné est musical. La reconnaissance et la célébrité (versions contemporaines de l'immortalité) sont d'abord acquises par le père du héros, compositeur réputé, qui accède à la fonction de chef d'orchestre. Quant à son fils, Giwar Hajabi, c'est le rap (après bien d'autres choses...) qui permet son élévation, dans tous les sens du terme.

   Cette nouvelle illustration du petit gars d'origine modeste qui va se faire un nom après avoir surmonté d'atroces épreuves ne manque pas d'originalité. L'histoire commence en Iran, au moment où le régime du Shah cède la place à la République islamique. Le père y est déjà un compositeur et chef d'orchestre de renom, sa compagne étant musicienne. Tous deux sont kurdes... et opposés au nouveau régime, contre lequel la mère du héros va jusqu'à prendre les armes. Les parents connaissent les prisons iraniennes, avant de fuir, d'abord en Irak, puis en France, avant de s'installer en Allemagne.

   Le jeune Giwar est programmé pour succéder à son père dans la carrière musicale. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. Le père peine à communiquer sa passion rigoureuse pour la musique... et la vie des réfugiés politiques dans un quartier populaire allemand n'est pas de tout repos. Turcs, Iraniens, Palestiniens, Marocains et Kurdes se croisent, s'entraident ou se bastonnent dans une ambiance de trafic de drogue et de vols de CD. (On est dans les années 1990.) Après l'épisode iranien (vu essentiellement sous la forme de retours en arrière), très réussi, Fatih Akin (auquel on doit, entre autre, In The Fade) accroche les spectateurs avec sa représentation du quartier multiethnique et des tensions qui le traversent.

   La déchéance socio-économique de la famille de Giwar est suivie d'une première élévation, par la force (à coups de poings), puis par les combines (sous la houlette d'un chef de clan kurde). Dans le même temps, Giwar ressent à nouveau de l'attirance pour la musique, mais pas celle prônée par son père. Il croise des rappeurs (et même une prostituée rappeuse) et, surtout, un habile arrangeur. C'est vraiment intéressant... à ceci près que les paroles des "chansons" que l'on entend ne sont pas à l'honneur des apprentis artistes. On y parle beaucoup de « pognon », de « putes » (sauf maman, qui est une sainte) et de « chattes »... Les pseudo-rebelles au micro se proposant de saisir les dames par la même partie de leur anatomie que Donald Trump... (On nage en pleine « masculinité toxique ».) Akin n'a pas beaucoup de recul vis-à-vis du "machisme de banlieue", à part sur la fin, quand il insère une vision de la mère, qui fait modifier les paroles d'une de ses chansons à son délinquant de fils.

   Celui s'est d'abord lancé dans le trafic de drogue, où il rencontre des fortunes diverses. Le fonctionnement du clan kurdo-turc bénéficie d'une réalisation efficace, avec (notamment) une scène de règlement de compte qu'on ne voit absolument pas venir. Giwar finit par se lancer dans le braquage d'un fourgon de transport de fonds, dans une séquence assez emballante. Les braqueurs ont un petit côté pieds nickelés... mais ils réussissent, dans un premier temps, à berner des policiers de fort belle manière.

   Une autre séquence (fractionnée en plusieurs morceaux) est marquante : celle de l'emprisonnement en Syrie, où le trafiquant se croyait à l'abri. Le problème (pour lui et son acolyte) est qu'il y débarque juste avant le printemps arabe. Le temps va se gâter pour lui, d'autant que beaucoup de monde est à la recherche de l'or volé. Cette partie est peut-être la plus atroce, entre cellules surpeuplées (et organisées de manière communautaire) et séances de torture.

   Je laisse à chacun(e) le loisir de découvrir comment tout ceci se termine.

   Si l'on supporte les à-côtés peu reluisants du monde du rap, ce film est à voir. Il est très bien fichu et nous plonge dans l'envers du "miracle allemand". L'acteur principal, Emilio Sakraya, est une révélation. Le paradoxe est que, vu la manière dont il a été mis en scène, le film conviendra aussi bien à celles et ceux qui apprécient de voir représentées les difficultés auxquelles sont confrontés les immigrés dans les sociétés occidentales qu'à celles et ceux qui estiment que ces immigrés (authentiques réfugiés ou pas) sont, en partie, la cause de leurs problèmes et de ceux du pays d'accueil, compte tenu des activités délictuelles dans lesquelles ils sont impliqués.

lundi, 03 juillet 2023

La Maison des égarées

   Le titre français de cette animation japonaise (bien que fort poétique) n'est pas tout à fait adapté. Les « égarées » dont il est question sont des personnes (très majoritairement des femmes) perdues, dans tous les sens du terme. C'est une référence au folklore japonais, dont on a l'explication dans la première légende que raconte une mystérieuse grand-mère.

   Mais, avant cela, on découvre un drôle de trio féminin, dans la région de Fukushima. Les conséquences du tsunami sont vivaces. Il ne semble plus y avoir d'homme dans la famille, sauf, peut-être, le père de l'adolescente, qu'elle a fui (ou qu'elle a pu fuir à l'occasion du tsunami). Au départ, la mise en scène laisse entendre que ce sont les liens du sang qui unissent la petite fille (devenue muette suite à un choc émotionnel), l'adolescente et la grand-mère. La suite va nous révéler une situation plus complexe.

   Ce trio finit par trouver refuge dans une vieille maison isolée, sur un escarpement rocheux proche d'un estuaire, pas très loin d'une forêt. Bien retapée, la bicoque devient coquette... et magique. On y entend de d'étranges sons... et des phénomènes inexpliqués s'y produisent.

   Ce sont les histoires racontées par la grand-mère qui vont nous permettre, petit à petit, de percer le mystère. Dans ces moments-là, le graphisme (très propre) du début cède la place à une animation plus tourmentée, de plusieurs styles différents (celui de la première légende s'apparentant -je trouve- au travail de Bill Plympton).

   Surgissent alors les esprits de la nature, comme d'étranges génies des eaux, qui vont aider les occupantes de la maison à comprendre leur environnement... et à lutter contre une menace grandissante. Certains esprits malfaisants sont de retour dans la région. Ils prospèrent notamment sur les peurs des humains. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment les héroïnes vont les combattre.

   Cette deuxième partie, plus flamboyante au niveau de l'animation, fait immanquablement penser aux œuvres de Hayao Miyazaki, comme Le Voyage de Chihiro et Princesse Mononoké. Shintoïsme et Bouddhisme s'entremêlent dans une histoire qui, au delà d'une apparente simplicité, s'avère plus complexe, plus riche.

   C'est aussi un film qui respire, l'air de la campagne bien sûr, mais aussi le plaisir des choses simples et un certain art de vivre, fait d'une relative lenteur et du sens de l'effort. (On est loin des métropoles occidentales, où sévit la masculinité toxique d'adolescents mal élevés.) Les scènes de cuisine et de repas m'ont terriblement donné faim !

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dimanche, 02 juillet 2023

Indy 5

   Je nourrissais quelques appréhensions en allant voir ce film. Il est censé clôturer une saga qui m'a emballé avec, au centre, un acteur vieillissant qui risquait de faire le film de trop. Disney avait déjà gâché le formidable matériau de Star Wars... mais j'espérais que Spielberg ne laisserait pas saboter une franchise qui lui tient à cœur.

   Le début est, pour l'acteur principal comme pour certains spectateurs, un véritable bain de jouvence. On replonge dans la Seconde Guerre mondiale, en 1944, et notre Indiana Jones est confronté à de méchants nazis, qu'il va bien entendu tous berner. La stupéfaction réside dans le fait que le visage du comédien est numériquement rajeuni (comme celui de Carrie Fisher naguère dans Rogue One). Harrison Ford est censé avoir joué les scènes, retouchées après coup à l'aide d'un programme mais, au vu des efforts physiques exigés, je me demande si l'on n'a tout simplement pas eu recours à une doublure ayant la même corpulence.

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   Je fais mon ronchon mais, franchement, cette première demi-heure est emballante. On retrouve l'ambiance du film d'aventures, avec rebondissements, bagarres, cascades et humour.

   Vingt-cinq ans plus tard, le professeur Jones est sur le point de prendre sa retraite. Il a perdu ses illusions d'enseignant (qui n'étaient déjà plus guère flamboyantes dans le précédent épisode, Le Royaume du crâne de cristal), est divorcé de sa chère Marion... et son fils unique est décédé... ce qui a le grand avantage de nous épargner la présence de Mutt Williams / Shia LeBeouf, l'un des points faibles du précédent opus (dont l'absence est peut-être liée à des considérations autres que cinématographiques).

   Cette deuxième partie, la plus consistante, entraîne l'adhésion grâce à l'apparition d'un improbable duo, composé d'un enfant des rues nord-africain  (interprété par le Français Ethann Isidore) et de la filleule de l'archéologue, incarnée par la Britannique Phoebe Waller-Bridge. Son charme, sa malice et son dynamisme donnent un salutaire coup de fouet à l'intrigue.

   Au niveau de la mise en scène, c'est bien foutu. Dès la première partie, James Mangold montre qu'il connaît ses classiques, dans la séquence du train. Dans la deuxième partie, on retrouve la patte du réalisateur de Le Mans 66 lors de l'extraordinaire poursuite dans les rues de Tanger. Entre hommage aux vieux films d'espionnage et (peut-être) allusion au Tintin de Spielberg, on ne s'ennuie pas une seconde.

   L'intrigue tient la route aussi parce qu'il y a un "bon" méchant. Madds Mikkelsen est de nouveau mis à contribution pour interpréter un antagoniste d'envergure, un scientifique nazi gagné par la démesure.

   La troisième partie nous emmène en Grèce puis en Sicile... à deux époques différentes. Je n'en dirai pas plus, pour laisser le plaisir de la découverte... mais, au niveau du scénario, c'est gonflé !

   L'épilogue est mignon tout plein, très hollywoodien... et contient une tendrissime référence aux Aventuriers de l'arche perdue. Il a beaucoup plu au public féminin autour de moi. Il offre une belle sortie à un personnage et un acteur emblématiques du cinéma populaire occidental.

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vendredi, 30 juin 2023

Ruby, l'ado Kraken

   Sorti quelques semaines à peine après la relecture de La Petite Sirène par Disney, cette production DreamWorks joue sur l'humour et le contrechamp. Il y a bien un personnage de sirène ici, mais il est plutôt antipathique. La belle jeune femme (quelle chevelure !), nouvelle star du lycée dans lequel étudie l'héroïne Ruby, semble assez superficielle... et les autres membres de son espèce sont montrées plutôt comme des menaces.

   Au centre de l'intrigue se trouve celle qui ne sait pas (au début de l'histoire) qu'elle appartient à une lignée royale, celle des reines Kraken. Ce sont donc des monstres marins que Kirk DeMicco (déjà auteur des Croods) est chargé de mettre en valeur... et il y réussit fort bien. Quand l'adolescente se métamorphose, l'animation, plutôt enfantine au départ, devient splendide.

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   En attendant ces moments inspirés, on est plongé dans la vie d'une lycéenne complexée, dont les bras comme les jambes se tortillent autour de son corps quand elle est mal à l'aise, ou angoissée. Elle a du mal à communiquer avec sa mère, dont elle ignore qu'il s'agit d'une princesse Kraken, qui a renoncé à ses pouvoirs (et au monde sous-marin) pour vivre parmi les humains. Ce contexte familial, pour classique qu'il soit, est bien planté. Le film parle aux parents comme aux enfants, qu'il est censé guider vers la résolution des petites tensions familiales.

   Au lycée, la jeune Ruby est un peu à part. Elle n'est pas particulièrement jolie et fréquente un groupe d'ados moins conventionnels que les moutons qui s'extasient devant la nouvelle venue (la sirène). Certains d'entre eux sont clairement des « gothiques ».

   L'héroïne est aussi perturbée parce que son corps change. Je trouve intéressante la mise en parallèle de la découverte de sa nature Kraken avec son passage de l'enfance à l'âge adulte. Ruby est perturbée par les formes que prend son corps et les nouvelles sensations en elle : c'est une métaphore de la puberté.

   Comme beaucoup d'ados en conflit avec leurs parents, c'est auprès d'une grand-mère qu'elle va trouver conseils et réconfort. Ce troisième personnage féminin puissant (avec ceux de la mère et de la fille) est sympathique... et doté d'un tempérament très affirmé. Vous en arrivez donc à la conclusion de cette fiction pour enfants et adolescent(e)s met singulièrement les femmes au premier plan, les personnages masculins n'étant que des faire-valoir.

   J'ai plutôt aimé cela, même si, sur le fond, le discours n'est pas très élaboré. Ruby va résoudre ses problèmes familiaux, assumer sa nouvelle nature et, accessoirement, sauver sa ville. C'est un joli petit film, visible par tout le monde.

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mercredi, 28 juin 2023

Asteroid City

   Moins de deux ans après The French Dispatch, Wes Anderson est de retour sur nos écrans avec un film qui, s'il détonne dans le concert des longs-métrages contemporains, est bien dans la veine de ce que livre ce réalisateur depuis une vingtaine d'années.

   On retrouve donc sans surprise des plans construits de façon géométrique, avec cette obsession pour la symétrie. La surcolorisation, alliée aux décors, donne un effet carton-pâte qui ailleurs semblerait ridicule, mais ici soutient l'impression d'étrangeté (et d'ancienneté) dans laquelle baigne l'intrigue.

   Celle-ci repose sur une mise en abyme. On a l'impression de se trouver face à un vieux programme télévisé (en noir et blanc) présentant le tournage d'une pièce de théâtre. Cela permet quelques effets de mise en scène, parfois cocasses... mais je n'ai pas compris quel était le sens derrière le dispositif. Il s'agit peut-être d'un message en direction du monde du cinéma... ou peut-être, ainsi que le suggère un dialogue (entre l'auteur et l'un des acteurs) n'y a-t-il rien à comprendre et qu'il faille juste se laisser porter.

   Mais là, à mon grand déplaisir, le film pêche un peu. D'habitude, je trouve passionnants les films de Wes, parce qu'il y a tellement de choses à y voir et à y entendre (trop, d'après certains cinéphiles). Dans ce film-ci, je suis passé par des phases d'excitation (intellectuelle) et des phases d'ennui. Il y a beaucoup de déjà-vu... et mieux fait, dans ses précédentes œuvres. J'ai bien aimé la séquence de remise des prix, avec le discours du militaire. Mais, ensuite, cela retombe. Heureusement, Tom Hanks (le grand-père des enfants qui viennent de perdre leur mère) débarque et cela va tout de suite mieux. Mais l'ambiance retombe à nouveau. L'arrivée de l'extra-terrestre permet de sortir de la torpeur. Ensuite, il y a une nouvelle baisse de tension, jusqu'à ce que les gamins décident de jouer les trouble-fête. Quelques numéros d'acteur (notamment celui de Margot Robbie) font agréablement passer le temps, tout comme certains dialogues, à froid, nourris de sous-entendus. Mais, globalement, je suis sorti de là déçu.

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mardi, 27 juin 2023

Zillion

   J'ai failli passer à côté de ce film belge (tourné principalement en flamand), qui raconte une histoire vraie, celle d'un petit génie de l'informatique qui, au tournant des années 1990-2000, s'est lancé dans le monde de la night, en créant une gigantesque boîte de nuit, qui a donné son titre au film.

   Sur la forme d'un long retour en arrière, le début nous conte la double ascension de Frank Verstraeten, jeune homme timide, complexé par sa petite taille (et détestant se faire appeler "le nain" ou "le nabot, ce qui est bien compréhensible), mais technicien de génie, chaperonné par une mère taiseuse, pugnace (elle a survécu à quatre cancers) et un brin castratrice. Tous deux se lancent dans une fructueuse entreprise, sur fond de mondialisation et de fraude fiscale.

   Mais cette réussite, incontestable, ne satisfait pas Frank, qui se fait méchamment refouler à l'entrée du "lieu qui compte", la discothèque Le Carré. Il décide alors de s'associer avec le roi du porno local, Dennis Black Magic (excellent Matteo Simoni),  pourouvrir une boîte concurrente, où l'alcool et la drogue vont couler à flots.

   Cette ascension est assez brève (45 minutes environ) au regard de la durée totale du film (2h20...), mais elle est marquante parce que plutôt bien mise en scène. Certes, il y a un côté clinquant dans la représentation du monde de la nuit et des soirées du Zillion, mais je trouve que l'espace est bien maîtrisé et qu'un beau travail est fait sur la lumière. Même au niveau des scènes intimistes, on constate des efforts d'inventivité.

   Sur le fond, c'est complètement immoral : les spectateurs sont incités à s'identifier au couple de héros (l'informaticien et l'ancienne miss Belgique), des francs-tireurs qui vont profiter de circonstances favorables pour gagner (et claquer) un max de thunes. La double comptabilité voisine la corruption (de policiers, de politiques et de juges) et les groupes mafieux (notamment albanais). Le "héros" profite clairement des gens, même si, dans un premier temps, ce n'est pas montré ainsi. Son principal antagoniste (le type de la police financière) est représenté de manière particulièrement négative (il souffre d'eczéma) et il est souvent tourné en ridicule... mais c'est une tortue, qui n'a aucune envie de lâcher le lièvre qu'elle a levé.

   La chute est longue (1h15 environ), à tel point que je me suis demandé comment le film allait tenir la durée. Il y a bien quelques longueurs mais, au final, cela fonctionne, parce que cette chute est à rebondissements. Après l'ascension, les héros connaissent une période de montagnes russes, avec de multiples coups bas. Mais ils ne manquent pas de ressources.

   La deuxième partie est aussi belle par le rôle qu'y joue la mère, qui est le véritable Pygmalion du héros. Barbara Sarafian est formidable en veuve dévouée à son ingrat de fils, mais toujours très vigilante, pas du genre à se laisser éblouir par les paillettes.

   J'ai trouvé la fin un peu trop moralisante à mon goût, mais le film est globalement très entraînant. La techno qu'on y entend (celles des années 1990) est plutôt bonne.

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lundi, 26 juin 2023

38°5 quai des orfèvres

   Le titre, évidemment parodique, est une allusion au polar 36 Quai des orfèvres, d'Olivier Marchal, qui est passé à la moulinette potache, façon Hot Shots. A plusieurs reprises, on sent  aussi des influences françaises : La Cité de la peur (des Nuls), Le Téléphone sonne toujours deux fois (des Inconnus), voire les films de la "bande à Lacheau" (notamment Super-héros malgré lui).

  Toutes ces références sont cependant écrasantes. Ce film-ci n'arrive pas à la cheville de ses modèles, même si plusieurs gags sont réussis. Ainsi, il est plaisant de voir Artus (le médecin-légiste) dans ses œuvres : il manie le scalpel (et le flingue) à la perfection... et prend toujours soin de préciser, à propos d'un cadavre, « qu'il n'a pas subi d'agression sexuelle... du moins, pas encore ».

   Eh oui, ce grand prix du dernier festival de l'Alpe d'Huez ne fait pas dans la dentelle. Mais je trouve qu'il manque de rythme. De plus, tous les interprètes ne sont pas du même niveau. Caroline Anglade (qui incarne la profileuse) est très professionnelle, de même que Thierry Desroses (le commissaire, dont la voix sera familière aux habitués des fictions américaines doublées en français). J'ai trouvé aussi Pascal Demolon très convaincant en tueur en série manipulateur (façon Hannibal Lecter, dans Le Silence des agneaux).

   Le problème vient du principal interprète. Didier Bourdon en fait des caisses et n'est pas toujours crédible dans le rôle. Il aurait fallu quelqu'un de plus athlétique (ou le même acteur, avec le corps qu'il avait il y a trente ans...). Les autres policiers sont plus que caricaturaux. À ce niveau-là, on est moins proche de la parodie que de l'incompétence.

   Je garde quand même en mémoire les flashs infos, faussement anodins, qui contiennent toujours quelques perles, soit dans le discours officiel (telle journaliste demandant au commissaire combien le double meurtre a fait de victimes...), soit dans ce qui est montré à l'écran (soyez attentifs à l'arrière-plan), soit dans le bandeau défilant au bas de l'écran (l'un d'entre eux signalant le vote d'une loi interdisant l'hiver, destinée à s'appliquer à partir d'août suivant).

   Du coup, en moins d'1h20, je suis régulièrement passé du rire à l'accablement, désolé que les bonnes idées (comme ce que l'on découvre dans les pièces annexes d'un immeuble abandonné) soient gâchées par la paresse de la réalisation et le manque de rigueur dans la direction d'acteurs.

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dimanche, 25 juin 2023

Elémentaire

   Avec ce nouveau film d'animation, on soupçonne bigrement Disney-Pixar de tenter de nous refaire le coup de Vice Versa (un quasi-chef-d’œuvre, bien supérieur à presque tout ce qui lui a succédé, provenant de ce studio). Il faut dire qu'au début du moins, on a comme l'impression que Flam pourrait incarner la colère et Flack la timidité.

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   Mais, avant d'en arriver là (et à condition de ne pas rater le début de la séance), on a droit à un sympathique court-métrage, Le Rendez-vous de Carl, dans lequel on retrouve deux des personnages d'une autre grande réussite "pixarienne", Là-haut.

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   Je signale que j'ai vu l'ensemble en version française. Je pense que cela a son importance. Dans la version originale, la famille "Feu" (Lumen) est doublée par des acteurs d'origine asiatique, la famille "Eau" par des Blancs et des Afroaméricains. Dans la VF, Vincent Lacoste et Adèle Exarchopoulous doublent les deux personnages principaux, celle-ci s'en sortant (à mon avis) mieux que celui-là.

   Fort heureusement, même dans la VF, l'image vient suppléer ce qui ne passe plus par le son : la famille Lumen est issue de l'immigration, comme le fait comprendre la première séquence, qui est une allusion transparente à l'arrivée à Ellis Island, longtemps porte d'entrée sur le territoire états-unien. La construction du film est suffisamment habile pour que des ressortissants de différentes vagues d'immigration (nord-européenne, juive d'Europe centrale et orientale, moyen-orientale, extrême-orientale...) puissent se reconnaître dans cette famille. En face, les "Aquatiques" (catégorie à laquelle appartient la famille Delamare) sont les plus nombreux à New York Element City. Ils représentent les natifs, soit blancs, soit noirs. L'arrière-plan sociétal est donc assez riche, même si l'histoire d'amour naissant entre Flam et Flack apparaîtra à beaucoup comme une resucée de Roméo & Juliette.

   Cette histoire, mêlée à la question du respect des traditions familiales, baigne dans un graphisme splendide. On finit même par oublier la beauté des décors, tant on est captivé par l'inventivité de l'animation au niveau des personnages et de leurs évolutions. (Le réalisateur, Peter Sohn, est aussi l'auteur du Voyage d'Arlo.) Concernant les éléments, je regrette toutefois le peu de place pris par les "Terriens" et leur représentation essentiellement sous la forme d'arbres enracinés. Mais, pour les autres éléments (eau, feu et air), c'est remarquable.

   Le film est emballant aussi parce qu'il est bourré d'humour, un plutôt destiné aux marmots (je pense notamment aux aisselles fleuries d'un petit personnage), un autre parlant davantage aux adultes. (Il convient d'être attentif aux nombreux jeux de mots.)

   C'est peut-être le spectacle familial de l'été (en attendant le dernier Indy), grande réussite visuelle, assez classique sur le fond.

14:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 22 juin 2023

The Flash

   Après Marvel, c'est autour de DC de se plonger dans le multivers, ici par l'intermédiaire d'un super-héros que l'on pourrait trouver secondaire, Barry Allen. On le découvre dans ses œuvres dès la première séquence, assez éblouissante, celle d'un début de matinée agrémenté du sauvetage des occupants d'un immeuble. Les effets spéciaux sont bluffants... et c'est pimenté d'humour, souvent potache. On évite l'héroïsation à l'excès et l'on se permet deux-trois trucs borderline, comme de placer un bébé que l'on veut sauver dans... un four à micro-ondes !

   Cette séquence se conclut de manière encore plus savoureuse grâce à l'intervention de Wonder Woman (aaaaah, Gal Gadot !), dont le lasso fait des ravages... y compris chez ses alliés !

   L'insertion du multivers se fait quand le jeune héros décide de tenter de sauver sa mère (et de faire innocenter son père). Dans des circonstances que je laisse à chacun le plaisir de découvrir, Barry se retrouve projeté dans un monde parallèle, où sa mère est vivante... mais où il doit cohabiter avec une version légèrement plus jeune que lui... et surtout plus immature !

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   Ezra Miller réussit pleinement à incarner les deux... et, même pour moi qui, en général, ne supporte pas les adolescents attardés, c'est très drôle ! Le deuxième Flash n'a pas encore acquis ses pouvoirs mais, quand il en fait l'expérience, il va de surprise en surprise...

   ... et nous aussi... parce que, dans cet univers alternatif, il ne semble pas y avoir autant de super-héros que chez nous. Pas de Wonder Woman ni de Superman à l'horizon... mais peut-être bien une « Supermeuf » ! Ah, mais si, il y en a un qui est présent dans les deux : Batman, sauf que, dans notre univers, il est incarné par Ben Affleck, tandis que dans l'univers parallèle, Flash va rencontrer... le VRAI Batman (pour les cinéphiles) !

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   Concernant le multivers, je trouve le scénario plutôt malin. Ce sont les tentatives de retour en arrière qui créent les univers parallèles, avec le redoutable effet papillon, la moindre modification du passé ayant des conséquences insoupçonnées.

   Clin d’œil de la production, ce qui semble caractériser certains des univers parallèles est qu'on y retrouve les différentes incarnations cinématographiques ou télévisuelles des super-héros DC, notamment Superman (alors que dans le dernier Spider-Man, qui est un film d'animation, ce sont les différentes versions des comics qui colorent les facettes du multivers).

   C'est parfois un peu long, mais je ne me suis pas ennuyé. Les scènes d'action, bourrées d'effets spéciaux, alternent avec les moments familiaux (avec une histoire de passage à l'âge adulte en sous-texte)... et les scènes de déconnade. On a tout de même droit à une version alternative de Flash qui parle de « bite » et de « scrotum » ! (Et pour cause : le costume, hyper-moulant, comprime l'entrecuisse...)

   P.S. I

   Visiblement, le film déçoit les amateurs de grandiloquence et de bastons sous stéroïdes, mais il ravira celles et ceux qui goûtent les plaisirs régressifs, qui ne se prennent pas trop au sérieux.

   P.S. II

   Au bout du bout du générique, on retrouve Barry, en compagnie d'un personnage habitué à manier une grande fourchette...

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La Nuit du verre d'eau

   Liban, 1958. Dans un village de la vallée sainte, une famille est réunie, à l'écart des troubles qui agitent le pays. Les patriarches locaux (chrétiens) sont préoccupés par trois sujets : l'agitation musulmane, qui soutient la toute nouvelle République arabe unie prônée par l’Égyptien Nasser (et qui voudrait voir le Liban la rejoindre), la perspective de nouvelles élections, auxquelles l'un des chefs de famille envisage de se présenter... et l'éventuel mariage de sa deuxième fille, Eva, dont il ignore qu'elle a un amoureux, le fils d'un de ses métayers.

   L'héroïne de cette histoire est une autre fille de Cheikh Daoud, son aînée, Layla. Celle-ci semble être un modèle. Épouse d'un riche entrepreneur local, qui la vénère, elle a un fils adorable. Elle est belle, élégante et relativement indépendante : elle conduit sa propre voiture... mais, voilà, nous sommes en 1958, au Liban, et cette indépendance est toute relative. Layla n'a pas choisi son époux. En bonne fille de Cheikh Daoud, elle a accepté le mariage arrangé qu'il lui a concocté (comptant sans doute sur la fortune de son futur gendre pour financer ses ambitions électorales). Elle n'est pas heureuse en ménage. En public, elle arbore le masque de l'épouse comblée. En privé, le soir, au lit, elle essaie d'échapper au "devoir conjugal", ou bien elle simule, pendant l'acte. Une activité artistique (le dessin) lui permet de sublimer sa frustration.

   Cette partie-là est très bien filmée, je trouve, en tout cas mieux que la période de trouble qui débute avec l'arrivée de deux Français, une veuve (interprétée par Nathalie Baye, impeccable) et son fils... que Leyla trouve très à son goût. La romance furtive qui naît entre ces deux-là est plaisante à voir, mais la mise en scène peine à faire surgir le désir, alors qu'elle peut s'appuyer sur un Roméo bien de sa personne (Pierre Rochefort, pas très expressif toutefois) et une Emma Bovary vraiment très séduisante. (Soyez attentifs aux lectures de ces demoiselles, en particulier la benjamine, Nada.) Dans le rôle, Marilyne Naaman "dégage" quelque chose. En elle se mélangent le charme oriental et une sorte de glamour à l'américaine.

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   Dans son genre, chacune des trois sœurs va mener sa petite révolte : l'aînée infidèle, la cadette qui refuse le mariage et la benjamine qui veut poursuivre ses études pour devenir avocate. L'une des qualités du film est de ne pas réduire les principaux personnages masculins à des caricatures. Le mari de Leyla est un brave type et le père aime ses trois filles. Mais tous deux fonctionnent dans un système patriarcal, qui ne laisse que peu de liberté aux femmes, fussent-elles issues de la classe moyenne aisée.

   Les dialogues oscillent entre l'arabe et le français, de manière naturelle (bien mieux en tout cas que dans le récent Tel Aviv - Beyrouth). Ne vous fiez pas aux dénominations VO ou VF. Il n'y a qu'une version du film, mêlant les deux langues. Quant au titre français, une fois n'est pas coutume, je le trouve meilleur que celui d'origine (Terre d'illusion)... mais je laisse chacun(e) découvrir ce à quoi il fait allusion. Il faut attendre la fin pour comprendre... même si la dernière scène se prête à deux interprétations.

   J'ajoute que les paysages sont magnifiques et la musique bien choisie. Elle tranche avec la douceur apparente et suggère les tourments intérieurs.

   En dépit de quelques imperfections, je recommande donc ce film, qui ne manque pas de style.

mardi, 20 juin 2023

Transformers - Rise of the beasts

   Dans ma jeunesse, je n'avais pas accroché à la série animée consacrée à ces étranges Autobots (des robots qui prennent la forme de véhicules : voitures, camions... voire avions). Des années plus tard, je ne m'étais donc pas précipité au cinéma quand les personnages avaient accédé au grand écran. J'ai tenté l'aventure de ce reboot, à une séance en version originale sous-titrée.

   Ce dernier long-métrage reste dans la tradition de ce qui a fait le succès (de la plupart) des films : de très bons effets spéciaux, de l'aventure et des tranches d'humour d'une finesse contestable. Dans cet opus, c'est le personnage de Mirage qui joue le rôle d' « usine à vannes »... et, ma foi, il le fait bien. (Dans la V.O., il a la voix de Pete Davidson, un humoriste spécialiste du "seul en scène".)

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   Ses interactions avec son « humain de compagnie » (le latino noir Noah Diaz) sont bien mises en scène... et, des deux, c'est le personnage du robot qui est le plus farfelu. Le jeune humain a sans doute dû mûrir précocement, parce qu'il a en charge un frère handicapé. Toutefois, les relations entre les deux frangins, telles qu'elles nous sont montrées, collectionnent les clichés.

   Mais c'est avec deux autres catégories de personnages que le film commence, dans un passé (futur ?) lointain : les Maximals (sorte de version améliorée des Autobots) et les Terrorcons (des robots dévoyés, passés au service d'une entité malfaisante, Unicron). Leur lutte a pour enjeu le contrôle d'un mystérieux objet, conférant de gigantesques pouvoirs... et qui finit caché quelque part, sur Terre.

   C'est là que les humains entrent en jeu. Noah va former un improbable duo avec une jeune archéologue, Elena. Est-il nécessaire de préciser qu'elle est afro-américaine ? Peut-être, si l'on ajoute que les deux héros, issus des minorités visibles, nous sont montrés victimes de discriminations de la part de Blancs : la candidature de Noah à un emploi est rejetée de manière méprisante et Elena la stagiaire sert de faire-valoir à sa patronne. Ce manque de nuance est assez déplaisant, mais je pense qu'il vise à satisfaire le public états-unien visé : les jeunes issus d'au moins une minorité (ainsi aussi, sans doute, que les jeunes Blancs urbains qu'on culpabilise depuis des années avec le discours woke). J'ai tout de même apprécié qu'au début, lors de leur rencontre, les deux héros commencent par se méfier l'un de l'autre, chacun pensant d'abord à sa pomme quand le musée est pris d'assaut.

   Sans surprise, ceux qui au départ ne s'apprécient guère vont finir par coopérer, pour pouvoir vaincre les méchants. Humains, Autobots et Maximals unissent leurs efforts, de manière spectaculaire, face à des ennemis qui paraissent d'abord invincibles. C'est une autre faiblesse du film (commune hélas à beaucoup de grosses productions, comme le dernier Gardiens de la galaxie) que de placer ses héros au bord du gouffre, face à un problème en apparence insoluble, avant de les faire triompher de ceux dont auparavant rien ne laissait supposer qu'ils pouvaient les vaincre.

   La baston finale (presque entièrement numérique) mérite le détour, mais il vaut mieux avoir laissé sa rationalité au vestiaire. Les invincibles du début se font finalement un peu trop rapidement dézinguer, pendant que les humains échappent miraculeusement à la mort... et la Terre à la destruction.

   Ceci dit, c'est bien mené. On ne s'ennuie pas et l'action est bien dosée : cela va moins vite que dans le dernier Spider-Man... mais c'est moins hilarant.

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lundi, 19 juin 2023

Sexygénaires

   Cinq ans après La Finale, Robin Sykes nous propose une nouvelle "comédie sociétale" autour du troisième âge, là encore avec Thierry Lhermitte. L'ancien Popeye du Splendid porte beau et le scénario mise là-dessus pour nous plonger dans les difficultés d'un hôtel-restaurant de luxe (un peu vieillissant lui aussi)... et dans le monde du mannequinat aux tempes argentées.

   Le début plante le décor de manière classique : Michel (T. Lhermitte) dirige son établissement varois avec passion, faisant passer sa vie personnelle au second plan. On est de tout cœur avec cet homme aimable, veuf inconsolable, qui met sa stabilité financière personnelle en jeu pour tenter de sauver son entreprise (et son personnel). On n'est pas vraiment surpris de découvrir que son vieil ami et associé, Denis, installé à Paris, est en fait un combinard de première. Mais c'est de cet ami que va peut-être venir la solution à ses problèmes.

   Dans le rôle du raté sympathique (Denis), Patrick Timsit livre sans doute la prestation que l'on attendait de lui. Son personnage doit inspirer de la pitié... mais, surtout, agacer (objectif plus qu'atteint) et placer Michel dans des situations délicates.

   Le duo fonctionne bien, parce qu'il est particulièrement contrasté... trop même. Michel n'a quasiment que des qualités et Denis en fait vraiment des caisses.

   Heureusement qu'il y a la distribution féminine. Zineb Triki (vue récemment dans Vortex) est parfaite en agente ambitieuse, organisée, séduisante et... sans tabou. Marie Bunel offre un contrepoint intéressant aux deux principaux personnages masculins : elle est de la même génération, a réussi de son côté... et a de beaux restes, comme on dit. Sur le plan comique, il faut signaler la prestation de la toujours piquante Olivia Côte, en photographe allumée, qui n'hésite pas à bousculer ses modèles... et à se montrer délicieusement grossière. D'autres seconds rôles sont aussi bien campés.

   Voilà. Ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais c'est au final assez plaisant et cela dure à peine 1h20.

dimanche, 18 juin 2023

Sick of myself

   Présenté à Cannes l'an dernier, dans la catégorie « Un certain regard », ce film norvégien n'est pas sans rapport avec une autre œuvre scandinave, la Palme d'or 2017, The Square, du Suédois Ruben Östlund (qui, lui, est reparti de l'édition 2022 avec une seconde palme, pour Sans filtre).

   Dans les deux films il est question de l'art contemporain, de posture, de snobisme et de narcissisme. Mais, ici, le réalisateur ne s'intéresse pas tant à l'élite de l'art contemporain qu'à celles et ceux qui essaient de la rejoindre. Le couple de héros est formé d'un créateur qui commence à percer, un jeune homme plutôt bien de sa personne, habile et charmeur, qui a une haute opinion de lui et aime s'écouter parler. Sa compagne, Signe, une ravissante blonde, est... serveuse, mais a des prétentions artistiques. Surtout, elle a désespérément besoin qu'on s'intéresse à elle.

   La première partie du film est un délice de mauvais esprit, à froid (à la scandinave). Les deux "héros" y apparaissent assez pathétiques. Les dialogues, ciselés, nous font vite comprendre à quel point le couple est asymétrique. J'ai particulièrement aimé certaines séquences, celle au cours de laquelle la serveuse sauve la vie d'une femme mordue par un chien et celle du dîner mondain, au cours duquel la jeune femme simule une allergie à la noix.

   Elle est prête à tout pour devenir le centre de l'attention, y compris à devenir malade. Le personnage devient encore plus pathétique et déplaisant... mais c'est compensé par l'ironie qui irrigue la mise en scène des conséquences de son activisme. Là, il convient d'être particulièrement attentif : certaines scènes sont fantasmées, d'autres réelles. A plusieurs reprises, Signe imagine quel degré de célébrité elle pourrait atteindre (et comment).. ou quelles pourraient être les conséquences négatives de ses actes. Je crois ne pas trop en dévoiler en affirmant que la jeune femme arrive plus ou moins à son but. Cela la conduit à une agence "inclusive", dont la patronne promeut une mode et une communication "éthiques". On ne s'étonnera donc pas qu'elle ne travaille quasiment qu'avec des "minorités" dans tous les sens du terme : son assistante est aveugle, une autre employée est noire et sa précédente "pouliche" est un mannequin n'ayant qu'une main... C'est dire le potentiel qu'elle voit dans une jeune femme défigurée, victime supposée d'une maladie inconnue !

   Avis aux âmes sensibles : le réalisateur Kristoffer Borgli pousse le bouchon vraiment très loin. J'ai pensé aux œuvres de David Cronenberg et au Rock'n Roll de Guillaume Canet. C'est donc plutôt à réserver à un public averti... même si je pense que les ados d'aujourd'hui tireraient le plus grand profit de la vision de ce film.

samedi, 17 juin 2023

Le Vrai du faux

   Ce (vrai ? faux ?) documentaire commence par une situation qui hélas apparaîtra familière à certains : une usurpation d'identité, sur un célèbre réseau social. Mais elle se poursuit de manière assez inattendue : le réalisateur Armel Hostiou, victime de l'usurpation, se rend sur les lieux du crime, à Kinshasa (que ses habitants appellent « Kin »), en République Démocratique du Congo.

   Depuis l'époque d'Hergé et de son Tintin au Congo, la ville a bien changé. C'est désormais une mégapole, sans doute plus peuplée que Paris... et donc la première ville francophone du monde, même si tous ses habitants ne maîtrisent pas la langue de Molière. Dans le film, on constate que presque tout le monde est au moins bilingue. Au vu du brassage de populations et de styles de vie, il est probable que des dizaines (centaines ?) de milliers d'habitants soient polyglottes. Le principal moyen de locomotion semble être le deux-roues (de plus en plus à moteur). Kinshasa a un petit air de métropole d'Asie du Sud-Est d'il y a vingt-trente ans.

   Le film est donc autant une enquête sur l'arnaque dont le réalisateur a été victime que le portrait d'une cité. On voit à peine les zones sécurisées où s'entassent les plus riches. L'action se déroule entre la résidence d'artistes, quelques rues commerçantes, un ou deux quartiers précaires... et une périphérie lointaine, rurale, où vit un féticheur réputé.

   La capitale de RDC vit entre tradition et modernité, mais toujours avec un fond d'arnaque. La classe politique vole le peuple, de faux marabouts dupent les esprits crédules... et une kyrielle de filous font miroiter la belle vie aux jolies jeunes femmes.

   J'aime les deux trames de l'histoire (l'enquête et le tableau sociétal), même si tous les intervenants ne sont pas convaincants, Sarah en particulier... sauf quand elle prend les choses en main pour "harponner" l'auteur présumé de l'arnaque. Le réalisateur français n'est pas au bout de ses surprises, qui ne cessent pas quand il découvre qui est derrière l'escroquerie... Mais le film nous réserve d'autres coups de théâtre, puisqu'environ 20 minutes avant la fin, l'une des intervenantes émet une hypothèse, qui nous conduit à regarder la suite (et à repenser à ce qui a précédé) sous un autre jour. Jusqu'où le faux se substitue-t-il au vrai, dans l'histoire de l'arnaque comme dans la mise en scène du film ?

   Notons aussi que, dans cette dernière partie, la vision devient plus africaine. On cherche à nous faire passer un autre type de message... mais, bon, faire porter quasi systématiquement la responsabilité des malheurs de l'Afrique aux méchants Occidentaux finit par lasser. (J'ai quand même apprécié ce jugement indirectement favorable à la démocratie française, quand l'un des arnaqueurs évoque les conséquences -très- différentes pour celui qui agresse un président, selon que celui-ci soit français ou congolais...)

   Le film n'en demeure pas moins fort intéressant à suivre, assez malicieux, plein d'inventivité. Il propose plusieurs niveaux de lecture et dégage une assez belle énergie.

   P.S.

   Les spectateurs français relèveront bien entendu les noms donnés aux chiens : Macron et Trump, le premier étant tout doux, le second plutôt agressif.

   P.S.

   A lire, en plus de l'article du Monde auquel mène le lien situé au début du billet, un très beau photo-reportage publié en 2020 sur le site du quotidien suisse Le Temps.

vendredi, 16 juin 2023

Marcel le coquillage

   Sous ce titre un brin franchouillard se cache un drôle de film américain, mêlant prises de vue réelles et images de synthèse, une animation image par image de coquillages humanoïdes : l'ouverture de la coquille  est occupée par un gros œil unique et, sous celle-là, deux grands pieds munis de baskets permettent aux personnages de se déplacer. J'ajoute qu'ils parlent comme des humains et qu'une bouche est dessinée sur leur coquille.

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   Marcel et sa grand-mère vivent dans une maison à moitié abandonnée. Le couple de propriétaires s'est séparé, mettant ensuite la demeure en location. Les occupants ne se bousculent pas et ne font guère attention à ces étranges coquillages, qui ont développé d'ingénieux stratagèmes pour se déplacer au quotidien dans la bâtisse (et à l'extérieur de celle-ci), sans éveiller les soupçons des humains de passage.

   ... jusqu'à ce que débarque Dean, cinéaste amateur qu'une douloureuse rupture a poussé à changer de domicile. Il s'intéresse à ce qui se trouve autour de lui et découvre les mini-squatteurs. Il décide d'en faire le sujet d'un reportage, et de le mettre en ligne.

   Cela devient particulièrement cocasse, parce qu'à travers cette histoire, l'auteur pointe les travers de la société des médias et des réseaux sociaux, en particulier le culte du paraître et l'activisme faussement compassionnel de nombre d'utilisateurs compulsifs de la Toile.

   L'histoire prend une épaisseur supplémentaire quand Dean se retrouve impliqué. Au départ, il souhaite rester en dehors du film (de l'image), n'étant qu'un témoin (supposé) impartial. Mais cette situation ne peut perdurer, d'abord parce que l'humain est parfois amené à aider les coquillages, ensuite parce qu'il interagit de plus en plus avec Marcel et sa grand-mère, se dévoilant peu à peu. Des deux côtés, les personnages se livrent. C'est assez émouvant.

   L'intrigue ne se limite pas à la maison. Marcel et son humain de compagnie partent à l'aventure, une fois, pour tenter de retrouver la famille coquillages, embarquée par inadvertance par un ancien occupant des lieux. (On ne se méfie jamais assez des tiroirs à chaussettes...)

   Pendant un instant, on pense que la communauté des internautes (plusieurs millions de visiteurs sur le site de Dean !) va permettre de retrouver le couple séparé. La solution viendra plutôt de... journalistes de l'émission 60 minutes, un célèbre magazine de reportages américain (l'équivalent de notre Envoyé spécial)... et, accessoirement, le programme télévisé préféré de Marcel et de sa grand-mère. (Où l'on découvre que les coquillages regardent la télévision !)

   L'histoire n'est pas si originale que cela, mais l'animation est très ingénieuse, la maison regorgeant de recoins où les coquillages ont aménagé ce qui ressemble à de petites maisons de poupées. La réalisation a dû demander un travail de fou !

   Comme c'est un film destiné aux enfants, on se dit que cela ne peut pas mal se terminer... et l'on a raison. En tant qu'adulte, on passe aussi un très bon moment, souvent drôle, parfois émouvant.

   Je recommande plutôt la version originale sous-titrée (qui me semble meilleure, d'après les extraits que j'ai pu comparer), dans laquelle la voix de Marcel est celle de Jenny Slate, la cocréatrice du personnage, avec Dean Fleischer-Camp. (Ils se sont rencontrés sur le tournage du premier court métrage évoquant Marcel... et se sont séparés quelques années plus tard. Il n'est pas impossible que la rupture entre les propriétaires initiaux de la maison, au début de ce film, ne soit une allusion à cet épisode de la vie personnelle du réalisateur.)

   P.S.

   La version originale comporte quelques effets supplémentaires. Le personnage principal est désigné avec une expression comportant une assonance : « Marcel the Shell ». Parmi les jeux de mots, je relève celui en rapport avec la chambre du coquillage : bedroom devient breadroom, Marcel se couchant entre deux tranches de pain de mie...

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lundi, 12 juin 2023

Spider-Man : across the spider-verse

   Quatre ans et demi après New Generation (visible pendant encore quelques jours sur MyTF1), la suite des aventures animées du jeune Spider-Man afro-américain nous est proposée... sauf que l'histoire commence dans l'univers (alternatif) de (la délicieuse) Spider-Gwen... et c'est excellent. (La rencontre avec un drôle de Léonard de Vinci vaut son pesant de plumes de vautour...) Bien évidemment, par la suite, on va retrouver Miles Morales, dans un univers new-yorkais teinté de graff et de rap...

   Visuellement, c'est encore plus impressionnant que dans le premier film. On retrouve, magnifiée, la texture des différentes versions des comics, avec, des incrustations (souvent cocasses), un rythme de fou et des plans très imaginatifs. On retombe aussi sur le même défaut de forme : la représentation un peu brouillée, voire floue, d'une partie des décors situés à l'arrière-plan. Peut-être faut-il y voir le signe que le personnage principal de la scène ne se trouve pas dans son univers.

   Dans ce domaine, scénaristes et réalisateurs ont poussé le bouchon très loin : il est matériellement impossible à un spectateur de compter le nombre de versions différentes de Spider-Man que l'on croise dans ce film. Il y a bien sûr celles qui étaient présentes dans le précédent opus, mais aussi quantité d'autres : le leader du multivers, Miguel, une Spider-Woman motarde et enceinte, un Spider-Punk (anarchiste), un Spider-Papa, un Spider-Robot, un Spider hindou (hallucinante séquence dans Mumbattan, version indienne d'un Manhattan tropical), des Spiders obèses, une autre islamiste... et même un Spider-Cat et un Spider-Dino ! Cela devient parfois complètement dingue... et j'aime ça !

   L'intrigue est pleine de rebondissements, les gags fusent à intervalle régulier. On ne s'ennuie pas un instant, même si le spectacle me semble plutôt destiné à des adolescents. Le jeune héros (15 ans) est particulièrement mis en valeur. Il est désormais capable de battre tout le monde et c'est lui qui semble avoir raison contre tous les adultes. (Là, on sombre dans la démagogie.) De la même manière, les rapports parents-enfants sont quasi systématiquement présentés du point de vue des personnages adolescents.

   C'est l'une des rares limites de ce long-métrage fou fou fou... qui s'achève sur un coup de théâtre... et donc un cliffhanger : à l'image de ce qu'on a pu voir récemment dans Fast & Furious X, Les Trois Mousquetaires... et bientôt dans Mission impossible, l'histoire a été découpée en deux parties. J'ai hâte de voir la suite.

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L'Ile rouge

   Cette île est Madagascar, en 1972. Le rouge y est la couleur d'une partie des terres... mais c'est aussi celle du sang et de la colère, qui couve dans les familles d'expatriés comme chez les Malgaches.

   A partir de ses souvenirs familiaux (il est l'un des fils d'un sous-officier de l'armée française en poste en Afrique du Nord puis à Madagascar), Robin Campillo a tenté de construire une fiction entremêlant l'histoire familiale et celle, politique et sociale, de l'ancienne colonie française (indépendante depuis 1960).

   Par les yeux de Thomas, dernier enfant d'un couple formé d'un adjudant et de son épouse, mère au foyer, nous découvrons les relations entre les adultes, français entre eux ou français et malgaches. L'esprit de l'enfance baigne cette partie de l'histoire : Thomas aime se cacher dans une petite cabane en bois, où personne ne fait attention avec lui. Il aime aussi jouer par terre... et lire les aventures de Fantômette, qu'il partage avec une camarade de classe sans doute d'origine indochinoise. Je me suis (en partie) retrouvé dans ce portrait d'enfant rêveur, qui ne comprend pas comment fonctionne le monde des adultes.

   En sous-texte, on nous suggère que cette période a influé sur l'identité du garçon. La justicière masquée devient son modèle. L'un des moments-clés est celui au cours duquel sa mère (bien interprétée par Nadia Tereszkiewicz) lui remet une paire de collants noirs, pour que son déguisement soit plus conforme au personnage. La musique souligne un peu trop cet épisode, pour qu'on comprenne bien qu'à partir de ce moment-là, Thomas ne sera plus le même petit garçon. La mise en scène insiste aussi lourdement sur le fait que presque tous les couples hétérosexuels que Thomas observe sont des échecs, soit en raison de la mésentente, soit en raison des circonstances, qui finissent par séparer celles et ceux qui se sont aimés ou qui croient s'aimer.

   Ce n'est de plus pas toujours bien joué. Certains dialogues manquent de naturel ou sont trop littéraires (notamment quand les enfants s'expriment). Certaines scènes m'ont paru bancales... peut-être les acteurs ont-ils été mal dirigés. Je pense en particulier à une soirée dansante, au cours de laquelle les messieurs vont se déhancher (voire plus) avec d'autres femmes que leurs épouses. La scène a évidemment pour but d'illustrer le fossé qui se creuse au sein du couple formé par les parents du héros. Mais Dieu que tout cela semble artificiel ! J'ai eu la même impression au cours d'une des scènes de la dernière partie, au mess des officiers, la nuit.

   C'est pourtant au cours de cette même séquence que le film rebondit... et prend une nouvelle direction. Alors que, jusqu'à présent, il était centré sur la base militaire et les tensions familiales, il passe désormais du côté malgache, les comédiens s'exprimant dans leur langue maternelle. Au début, j'ai trouvé cela très bon. Le dialogue entre le soldat responsable du mess et l'employée chargée des parachutes est rafraîchissant, incisif, mais il arrive bien tard. La fin du film verse dans le militantisme sans nuance. Pour bien la comprendre, il faut se rappeler que l'année 1972-1973 fut une période de tension, qui aboutit à un changement de gouvernement et à la renégociation des accords de coopération entre la France et Madagascar. Les troupes françaises perdent la base de Diego-Suarez et sont obligées de quitter le pays. Tout ce contexte ne nous est pas clairement expliqué. On a juste droit au rappel du passé colonial (notamment celui des massacres de 1947), mais cela arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et l'on a clairement l'impression de ne plus être dans le même film.

dimanche, 11 juin 2023

L'Improbable Voyage d'Harold Fry

   Harold Fry est à la retraite, habitant une banlieue de classe moyenne dans le Devon, le sud-ouest de l'Angleterre. Ancien employé modèle d'une brasserie, il s'emmerde, sans trop savoir quoi faire de ses journées, entre son épouse Maureen, obsédée par la propreté, et ses voisins entretenant méticuleusement leur jardin. Un jour, il reçoit une lettre d'une ancienne collègue de travail, Queenie, qu'il n'a pas vue depuis des années. Elle est atteinte d'un cancer, en phase terminale. Elle est seule dans un établissement de soin. Sur un coup de tête, il décide d'aller la voir, à pieds, en le lui faisant savoir, pour qu'elle tienne le coup jusqu'à son arrivée.

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   Le problème est que l'hôpital où Queenie est soignée se trouve à Berwick-upon-Tweed, à la frontière écossaise... C'est donc à un périple de plus de 800 kilomètres qu'Harold se condamne, lui qui, au quotidien, marche très peu. De surcroît, s'il a avec lui ses papiers d'identité et ses cartes de crédit, il n'a pas pensé à se munir de chaussures adéquates. On pense qu'il a voulu éviter de retourner à son domicile et d'y croiser son épouse avant de partir, pensant (à raison) que celle-ci aurait tout fait pour l'en empêcher.

   En voyant ce film, on ne peut pas ne pas penser à Sur les chemins noirs et à cette tout aussi improbable traversée de la France métropolitaine par Sylvain Tesson. Dans les deux cas, c'est un homme diminué qui tente d'accomplir cet exploit pédestre. Dans les deux cas, la démarche individuelle s'accompagne de la (re)découverte de la campagne locale et d'une réflexion philosophique, voire spirituelle. Ce n'est pas pour rien que, dans la version anglaise, le film contient le mot pèlerinage (pilgrimage). Même si Harold se dit non-croyant (surtout au début), la lumière qu'il découvre petit à petit, dans la nature comme chez nombre d'humains, semble le rapprocher d'une forme de mysticisme.

   Mais, au quotidien, ce sont d'abord les difficultés du héros que l'on remarque. Entre les problèmes d'alimentation, d'hygiène, de santé (celle de ses pieds en particulier), la vie n'est pas rose pour notre néo-randonneur. Heureusement pour lui, il tombe régulièrement sur de bons samaritains (une doctoresse slovaque, un jeune en recherche, des jardiniers qui laissent une partie de leur production à disposition des passants...) et même un chien errant.

   Cette marche est aussi l'occasion pour Harold de gamberger. C'est d'abord une méthode pour soutenir et supporter l'effort, sur une longue distance. Dans un premier temps, il essaie des ritournelles, notamment pour garder le rythme. Assez vite, ses pensées intimes l'assaillent. Tout ce qu'il refoulait depuis des années revient à la surface. (C'est d'ailleurs l'un des intérêts d'une marche longue : laisser son esprit dériver et se purger progressivement de tout ce qui nous mine.)

   On découvre que ce qui semblait être au départ une belle histoire, un peu folle, a un arrière-plan moins reluisant. Harold n'a pas été un époux exemplaire et il ne s'est pas bien occupé de son fils. On finit aussi par apprendre quelle était la nature de sa relation avec cette Queenie et pourquoi il s'est vraiment lancé dans cette entreprise.

   Dans le rôle principal, Jim Broadbent (vu l'an dernier dans The Duke) est une fois de plus formidable. Il faut aussi saluer la composition de Penelope Wilton (vue notamment dans Downton Abbey), qui a la rude tâche d'incarner l'épouse, présentée d'abord plutôt comme la gêneuse, l'ennuyeuse, avant que l'on ne voie les choses un peu plus de son point de vue. (Cela donnera peut-être lieu à un autre film, puisque Rachel Joyce, auteure du roman qu'elle a adaptée pour ce long-métrage, a aussi écrit les pérégrinations de Maureen.)

   C'est d'abord drôle, puis rafraîchissant, inspirant, enfin surtout émouvant. Je recommande vivement... et je signale à celles et ceux qui ont lu le roman que, d'après certaines spectatrices de la salle où je me trouvais, la fin  a été modifiée.

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samedi, 10 juin 2023

Les Gardiens de la galaxie 3

   Six ans après la sortie du deuxième volet des aventures de la plus barjot des équipes de super-héros marvelliens, Disney se décide à conclure la franchise, en en gardant toutefois un peu sous le coude. (La seconde scène post-générique, placée au bout du bout, nous informe que l'un des personnages principaux sera de retour sur nos écrans.)

   Les ingrédients sont les mêmes : de la bonne zique, des effets spéciaux bluffants et des traits d'humour qui ne visent pas la plus grande subtilité... pour mon plus grand plaisir. (Outre les querelles de gamins entre les protagonistes, je recommande tout particulièrement la discussion qui porte sur les images, les métaphores... et qui se conclut de manière inattendue.)

   La grande nouveauté de cet opus est l'entremêlement de deux histoires, celle qui se déroule sous nos yeux et celle qui a eu lieu des années auparavant : la jeunesse de Rocket, le putois blaireau supporteur de foot raton-laveur. A l'écran, l'animation est superbe. Mais c'est surtout poignant avec, en sous-texte, la dénonciation de la vivisection.

   L'humour et la gloriole sont plutôt réservés à la trame contemporaine. C'est éblouissant, parfois excessif, avec pas mal d'invraisemblances : certains protagonistes devraient mourir à plusieurs reprises et le super-méchant, invincible au départ, finit quand même par être défait, de manière presque anecdotique. (Les scénaristes ont peut-être voulu suggérer qu'il a surtout été vaincu par sa démesure, son hybris.)

   Sur le fond, il est toujours question de famille, celle que forme une bande de potes (on en voit plusieurs dans ce film-ci)... et celle que des adultes peuvent créer avec des enfants qui ne sont pas les leurs. C'est beau, à ceci près que les gamins qu'on emmène voir ce film (si l'on accepte de les soumettre à quantité d'actes violents et de morts brutales) n'auront aucune idée de la manière dont, dans la vraie vie, les bébés naissent. La plupart des enfants du film sont des créatures de laboratoire (préfiguration de qui attend nos lointains descendants ?). La pudibonderie de Disney (qui bannit, dans ses productions grand public, tout ce qui peut renvoyer au sexe) rencontre ici l'esprit "éveillé" et évite de faire la promotion de la famille traditionnelle, fondée par un couple hétérosexuel : les deux histoires d'amour cisgenre qui pourraient trouver ici leur conclusion heureuse sont détournées de leur trop prévisible destin. (En revanche, j'ai bien aimé la blague que fait la télépathe Mantis à cette grosse brute de Drax.)

   C'est aussi l'occasion de souligner que cette superproduction nous propose de beaux personnages féminins : Mantis bien sûr, mais surtout Gamora et Nebula. J'ajoute que, dans ce volet comme dans les précédents, on  a inséré quelques invités-surprises, comme Nathan Fillion (eh oui, Castle !) et Sylvester Stallone (de retour).

   J'ai passé un très bon moment.

15:23 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Dernière nuit à Milan

   On dirait que la saison des polars estivaux est un peu en avance, cette année... et, cette fois-ci, au lieu de l'Espagne ou du Moyen-Orient, c'est l'Italie qui s'y colle.

   Cela commence par de superbes vues nocturnes de la ville. Milan est dotée d'un beau patrimoine architectural, mais c'est aussi une métropole, avec ses gratte-ciel. Du coup, l'impression est ambiguë : c'est beau et labyrinthique à la fois... et chacun sait qu'au cœur d'un labyrinthe se cache une menace mortelle.

   La musique, un brin glaçante, contribue elle aussi à planter le décor, alors que, pourtant, l'ambiance est plutôt à la fête, ce soir-là : un policier chevronné est sur le point de partir à la retraite (à 53 ans) ; sa jeune épouse et ses amis lui préparent une fête surprise... mais il est en retard. Il convient d'être très attentif à ce début, puisqu'à l'issue d'un petit retour en arrière, on va revoir les principaux plans de cette séquence, mais sous un autre angle. C'est assez brillant.

   La partie "truandesque" est elle aussi bien troussée. Les personnes qui l'ignorent découvriront qu'il existe une mafia chinoise à Milan... et qu'elle a une concurrente philippine ! (Qui osera dire après cela que les immigrés extra-européens rechignent à adopter les coutumes de leur pays d'accueil ?) Quelques-uns des personnages, certes caricaturaux, sont vraiment hauts en couleurs.

   La situation va déraper parce qu'une "commission" sans risque, qui devait ne durer qu'une heure, va évidemment mal tourner. Elle va mal se passer pour les policiers, pour les employés du mafieux... mais aussi pour les auteurs de l'arnaque. La situation devient délicieusement inextricable. On se demande comment le héros va pouvoir s'en sortir. Je laisse à chacun le loisir de découvrir comment l'auteur (scénariste et réalisateur) Andrea di Stefano a bouclé son histoire.

   Je dois toutefois mettre un bémol à mon enthousiasme. Je trouve que l'un des personnages principaux, celui de l'épouse du policier, est caricatural au possible. Le cinéaste prétend avoir choisi Linda Caridi en raison de sa capacité à improviser. A l'écran on remarque surtout son physique impeccable. Elle est chargée d'incarner la seconde épouse du héros (divorcé de la première). Elle semble à peine plus âgée que la fille du policier... et assez superficielle. Elle est attirée par tout ce qui brille (de belles fringues, un bel appartement, un gros diamant...) et est au comble du bonheur quand son compagnon lui dit qu'elle est belle. Pour caractériser une Italienne du XXIe siècle, on pourrait s'attendre à un peu plus de fond... (Mais c'est conforme à une certaine vision traditionnelle -machiste- des polars.)

   Cette (grosse) réserve émise, je recommande le film, tout en tension et émotions, une plongée de deux heures quasiment sans temps mort.

09:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 22 mai 2023

Umami

   Je n'avais jamais entendu parler de cette supposée cinquième saveur (avec le sucré, le salé, l'acide et l'amer), propre à la cuisine nippone. Par curiosité, j'ai donc tenté l'aventure de ce film franco-japonais, servi par une distribution prestigieuse : outre Gérard Depardieu, on croise Sandrine Bonnaire (qui incarne la seconde épouse du chef étoilé), Bastien Bouillon (le fils aîné), Antoine Duléry (l'amant), Zinedine Soualem (le commis de cuisine) et Pierre Richard (le meilleur ami, parrain du deuxième fils).

   Le début n'est pas très engageant. A une brève scène japonaise succède un retour en arrière dans lequel on découvre un chef cuisinier reconnu mais déprimé, qui a perdu goût à la cuisine comme à la vie. Il se montre odieux pour son entourage. Dans le rôle, on se demande si Depardieu n'est pas dirigé de manière à suggérer le décalque autobiographique : derrière le cuisinier se cache le comédien de renom, qui a connu la gloire, l'amour et l'argent, mais a perdu l'entrain de sa jeunesse. Depardieu fait du Depardieu, mais il est mieux dirigé que dans les films de la bande à Groland auxquels il a participé. Néanmoins, on se lasse vite de cette énième représentation de l'acteur massif, grossier personnage, enfant gâté.

   Fort heureusement, cela rebondit avec le séjour au Japon (ou ce que l'on croit être le séjour au Japon... soyez attentif à la toute fin de l'histoire, assez malicieuse). La mise en scène prend une certaine ampleur, que ce soit dans la gare de province, dans l'hôtel-capsule (une particularité locale) ou, plus tard, dans la campagne enneigée.

   Dès que le personnage principal entre dans le modeste restaurant où travaille son concurrent de jadis, cela devient passionnant. Les acteurs japonais sont très bons. On se prend d'intérêt pour cette TPE familiale, où le cuistot de père travaille avec filles et petites-filles, les hommes plus jeunes semblant étrangement absents.

   Cela nous guide vers l'un des thèmes majeurs de ce film : la dislocation des liens familiaux, en France comme au Japon. La préparation et la consommation des repas sont ainsi vus comme des moyens de (re)créer des liens.

   C'est beau et parfois cocasse. Depardieu s'est prêté de bonne grâce au jeu du tricycle sur neige, du bain chaud en zone montagneuse, de peignoir en kimono.

   J'ai trouvé ce film sans prétention assez revigorant.

   P.S.

   Les spectateurs aveyronnais seront sensibles à deux détails. A plusieurs reprises, dans le film, on peut voir un petit tableau dont le style fait bigrement penser à celui de feu le maître de l'outrenoir. Quant à Rufus, le meilleur ami du chef étoilé, il ouvre les huîtres qu'il a pêchées à l'aide d'un couteau laguiole.

   PS. II

   L'une des meilleures séquences fait intervenir une éleveuse de porcs, vraiment atypique. Dans la caractérisation de ce personnage (qui joue du rock pour ses cochons !), je vois comme un clin d’œil à l'image d’Épinal couramment véhiculée à propos des bœufs de Kobé.

22:19 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films