mercredi, 15 avril 2015
Taxi Téhéran
Un jour (pas trop lointain, j'espère), quand nous serons débarrassés de l'impérialisme états-unien et du fondamentalisme musulman, l'Iran apparaîtra pour ce qu'il est : un pays de grande culture. En Occident, les cinéphiles en sont déjà persuadés. Ces dernières années, les œuvres originales et ambitieuses se sont succédé, Une Séparation d'Asghar Farhadi ayant sans conteste eu le plus grand retentissement.
Ici, c'est d'un autre réalisateur dont il va être question. Jafar Panahi est plus caustique que les "grandes signatures" de son pays. C'est un cinéaste du quotidien, très sensible à la cause des femmes, et qui n'hésite pas à confier des rôles importants à des enfants, comme on a pu le voir naguère dans Le Miroir.
Il renouvelle l'expérience dans Taxi Téhéran, tout en s'inspirant d'un illustre prédécesseur : en 2001, Abbas Kiarostami avait proposé, avec Ten, une passionnante fiction, dans laquelle c'était une femme qui conduisait le taxi et nous faisait découvrir la société iranienne.
Panahi a modifié et perfectionné le système. Il s'est mis en scène en tant que chauffeur de taxi et le film est un montage d'images issues de plusieurs supports : les mini-caméras placées dans le véhicule, un smartphone et l'appareil photo numérique de la nièce. Le but est de donner la plus grande impression de réalisme possible... alors que l'une des clés du film est de distinguer ce qui est réel de ce qui ne l'est pas. Le réalisateur joue sur les niveaux de lecture... mais l'on peut profiter du film sans se poser toutes ces questions !
ATTENTION ! LA SUITE ÉVOQUE DES ELEMENTS PRÉCIS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT PEUT-ÊTRE MIEUX NE PAS CONNAITRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM
On commence par un plan fixe, qui montre un carrefour à grande circulation. A cette occasion comme à plusieurs autres reprises, les spectateurs attentifs remarqueront l'impressionnante proportion de voitures de la marque Peugeot (plutôt des modèles anciens... mais certains semblent très récents). Rappelons que l'Iran fut un temps le deuxième marché de la marque au lion (après la France), avant qu'un accord avec General Motors ne vienne tout fiche en l'air.
Arrive la première séquence avec des clients. Se retrouvent à bord (outre le conducteur), à l'arrière une jeune femme (voilée, comme toutes celles que l'on verra dans le film), à l'avant un jeune homme aux opinions très arrêtées. S'engage une discussion animée, qui s'achève par la révélation de leurs professions respectives...
Comme le souligne le client suivant, c'est évidemment une fiction. Les répliques sont trop bien écrites et les acteurs ne se coupent pas la parole ce qui, étant donné la vigueur de leur désaccord, n'est pas plausible.
Débarque ensuite un blessé grave et son épouse, au bord de la crise de nerfs. C'est la moins bonne séquence du film. L'actrice surjoue et pleure sans verser la moindre larme. Quant aux blessures de l'homme, elles ont beau paraître sanguinolentes, elles ne laissent que quelques petites traces à l'arrière de la voiture... traces qui auront miraculeusement disparu dans la séquence suivante. Mais cette partie du film a pour principal objectif de montrer la fragilité du statut de l'épouse, qui se révèle toutefois assez avisée dans le maniement des téléphones...
On reste encore un peu avec le troisième client (le petit futé qui a reconnu le réalisateur... c'est évidemment du second degré), qui se livre, sous nos yeux, à un drôle de trafic. C'est l'occasion pour Panahi d'évoquer la place du cinéma dans son pays, cantonné au marché du DVD (souvent piraté).
C'est la séquence suivante qui semble la plus proche de la réalité, avec deux dames âgées qui veulent relâcher deux poissons rouges dans un lac. Comme elles sont tombées sur un chauffeur maladroit et qui ne connaît qu'imparfaitement les rues de Téhéran, leur projet va être plus difficile à réaliser que prévu !
C'est ensuite que débarque le véritable personnage principal du film : la (supposée) nièce du réalisateur, une charmante gamine à la langue bien pendue, qui ne pense qu'à réaliser un petit film pour l'école... et qui voudrait que le sien soit le meilleur... surtout si son tonton l'aide un peu !
Je dois reconnaître que la nièce (très éveillée) m'a fait craquer. Mais, outre l'apport comique qu'il représente, son personnage est un prétexte pour introduire des éléments de critique sociale. Comme dans la première séquence, il est question d'un délit (dont a été victime un ami du réalisateur). La discussion entre les deux hommes fait émerger la question des inégalités qui traversent la société.
Voilà des aspects "sombres" qu'il ne faudrait surtout pas faire figurer dans un film "islamiquement correct". Très drôle est la scène qui voit la gamine énumérer la liste des interdits. On finit par se rendre compte que Taxi Téhéran les brave presque tous !
C'est toujours en présence de la nièce que la question des inégalités ressurgit. L'enfant filme à peu près tout ce qui lui passe sous le nez, à commencer par un mariage (bourgeois), qui fait lui-même l'objet d'un tournage (sans doute commandé par les tourtereaux). On a juste le temps de constater cette nouvelle mise en abyme que débarque un gamin des rues, qui va se révéler assez hermétique aux aspirations artistiques de la nièce...
Le dernier passager pris en charge est une femme, une avocate persécutée par le régime des ayatollahs. Le propos se fait ici ouvertement politique. N'oublions pas qu'officiellement, le réalisateur J. Panahi n'est plus autorisé ni à filmer ni à sortir de son pays.
L'histoire se termine par une référence à certains clients vus auparavant. Un événement inattendu survient. Là encore, le second (voire le troisième) degré est omniprésent. A l'image de l'ensemble du film, c'est fait avec des bouts de ficelle, mais aussi un paquet d'inventivité.
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mardi, 14 avril 2015
Le Journal d'une femme de chambre
Après The Grand Budapest Hotel, Léa Seydoux renfile le tablier de servante, pour occuper un rôle de premier plan, sous la direction de Benoît Jacquot, qu'elle retrouve quatre ans après Les Adieux à la reine.
Pour nombre de cinéphiles, le titre du film évoque l’œuvre de Luis Bunuel (sortie en 1964), avec Jeanne Moreau, éclatante de talent et de volupté :
La tâche ne s'annonçait donc pas aisée pour Léa Seydoux, qui s'en sort plutôt bien. Il faut reconnaître qu'elle a le "physique" du rôle : c'est une belle plante, qui adopte une attitude plutôt hautaine, en dépit de la modestie de sa condition. Le film fait très bien ressentir les inégalités de classes, tout en montrant que le sexe rebat (très partiellement) les cartes.
Jacquot est plus fidèle au roman d'Octave Mirbeau que Bunuel, qui en avait transposé l'intrigue dans les années 1930, époque de la montée des fascismes. Ici, nous sommes dans la France de l'Affaire Dreyfus, tout autant marquée par l'antisémitisme que celle du Front Populaire. L'ambiguïté du film tient dans le projet du réalisateur : tantôt on a l'impression qu'il est dans la reconstitution méticuleuse (avec quels magnifiques costumes, surtout ceux des dames !), tantôt on sent que son propos vise la France du XXIe siècle, où certaines mentalités archaïques ressurgissent.
Fort heureusement, l'ambiance n'est pas toujours triste. Les discussions des employés de maison nous en apprennent de belles sur la vie de leurs maîtres. Certaines péripéties de l'intrigue en rajoutent, comme ce retour de voyage, qui voit un douanier particulièrement pointilleux demander à l'employeuse de Célestine d'ouvrir sa "boîte à bijoux"... Éclat de rire général dans la salle !
Les acteurs sont tous (très) bons, les connus comme les moins connus (à l'exception de Vincent Lacoste, transparent en fils à maman malade). Jacquot a réussi à pousser un peu Léa Seydoux dans ses retranchements. Elle est très convaincante dans la scène de l'annonce du décès de sa mère et les retours en arrière (pas toujours présentés comme tels) nous donnent une idée de la vie que son personnage a menée, avant. Vincent Lindon incarne un bourru laconique au charme énigmatique, un rôle taillé sur mesure, à ceci près qu'ici il a une face maléfique. Les rapports entre ces deux-là ne sont pas simples, et il faut plus d'une heure pour que d'étranges liens se tissent. La morale de l'histoire ? Pour vivre libre, il faut être malhonnête.
P.S.
Quitte à réadapter le roman d'Octave Mirbeau, je pense qu'il aurait été plus intéressant de le situer à notre époque. Il existe encore des employés de maison, certains exploités comme des esclaves par de riches familles sans scrupules.
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dimanche, 12 avril 2015
Selma
Cette ville du Sud des États-Unis (dans l’État d'Alabama) a été le théâtre d'un épisode de la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther King et ses partisans. Ce film en propose une version centrée sur le pasteur noir américain. (A l'époque -comme on peut l'entendre dans la version originale- on disait couramment "Negro", le terme insultant étant "nigger".)
La réalisation est en général très classique, sans effet marquant, sauf quand certains des personnages principaux apparaissent à l'écran. Ils sont filmés tantôt de biais, tantôt en contreplongée. C'est assez bien vu... et cela met en valeur la performance de certains acteurs. Le premier d'entre eux incarne le héros. On a choisi un quasi-inconnu, David Oyelowo, un Britannique d'origine nigériane, véritablement habité par son rôle :
A ses côtés gravite une troupe de militants et d'admirateurs, qui forme presque une seconde famille, unie par la volonté de faire respecter les droits des Noirs américains. Le portrait de groupe est réussi, même si les figures féminines sont à peine esquissées. On a aussi été très pudique sur les infidélités du pasteur. La séquence de la cassette audio sous-entend que tout est une machination du FBI. Certes, celui-ci a (presque ?) tout fait pour abattre King, mais, concernant sa vie privée, il n'a pas eu besoin d'inventer. Davantage d'honnêteté de la part de la réalisatrice aurait rendu le film encore plus fort : le militant exemplaire n'était pas un saint.
Face à lui, il trouve une ribambelle de gros cons racistes (blancs). Ils sont interprétés avec beaucoup de conviction. La plus brillante composition est sans conteste celle de Tim Roth en George Wallace (le gouverneur de l'Alabama).
On appréciera aussi le portrait nuancé qui est brossé du président Lyndon Johnson, souvent traîné dans la boue par le cinéma d'obédience démocrate. On oublie que c'est à lui, plus qu'à John Kennedy, que l'on doit la plupart des avancées sociales des années 1960... même s'il a fallu parfois lui forcer la main. Il a ici les traits de Tom Wilkinson, habile à restituer l'ambiguïté du personnage :
Le public français sera peut-être surpris de la place qu'occupe la religion dans la lutte politique. Martin Luther King s'appuyait sur la Déclaration d'Indépendance pour affirmer que tous les humains ont été "créés égaux" (une formule moins laïque que le "naissent et demeurent libres et égaux en droits" de notre Déclaration, celle de 1789, pourtant inspirée de la précédente). Dans ses discours, le pasteur cite fréquemment la Bible et, quand le besoin s'en fait sentir, il puise dans la prière la motivation de son action.
C'est au niveau du rythme que les faiblesses du film apparaissent. Il ne tient pas la durée (2 heures). Aux scènes militantes, marquantes, s'opposent les scènes intimes, trop longues, trop "léchées". De plus, quand on s'est déjà intéressé au sujet, on n'apprend pas grand chose. Je pense que si quelqu'un comme Spike Lee avait été aux manettes (revoyez Malcolm X), cela aurait pu donner un grand film. C'est juste une honnête fiction à caractère documentaire.
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vendredi, 10 avril 2015
Crosswind
Il n'est pas facile d'entrer dans ce film estonien, inclassable et très rigoureux dans la mise en oeuvre de son dispositif : dans la majorité des scènes, les acteurs sont immobiles et la caméra se déplace entre eux et autour d'eux, dans une sorte de ballet parfois virtuose.
Reconnaissons-le : au début, c'est un peu dur. Il faut être attentif à la fois à la mise en scène, qui est porteuse de sens, et à ce que l'on entend, une voix féminine lisant (en estonien, une langue proche du finnois) les lettres qu'elle écrit à son époux, dont elle a été séparée.
C'est une histoire vraie, celle de centaines de milliers d'Estoniens, qui ont été déportés pendant la Seconde guerre mondiale sur ordre de Staline. (Rappelons que les pays baltes -Estonie, Lettonie et Lituanie- étaient devenus indépendants de la Russie à la fin de la Première guerre mondiale.)
Le début nous dépeint la vie de ces gens ordinaires, puis les conséquences de l'arrivée des Soviétiques. D'un point de vue historique, l'intrigue simplifie à l'extrême, négligeant de parler des Estoniens communistes qui étaient favorables à l'URSS. Surtout, le film passe totalement sous silence l'occupation allemande de 1941-1944.
Une fois ces prolégomènes posés, on peut se plonger dans cette mise en scène particulière, qui nous fait découvrir l'action en un endroit sous toutes ses coutures. Au début, j'ai trouvé cela artificiel. Mais, à partir du milieu du film, cela devient brillant. J'ai en tête une séquence qui part d'une pièce sombre, où l'on est visiblement en train de juger (et de condamner) un pauvre bougre. Après avoir parcouru la salle dans tous les sens, la caméra s'échappe dans un couloir, qui mène à un autre, dont le sommet de l'un des murs est percé d'ouvertures. Par celles-ci, on découvre progressivement ce qui se passe à l'extérieur. A l'écran, on sent que l'auteur a voulu faire allusion à la déportation dans les camps de travail forcé. Il m'a aussi semblé percevoir l'influence de Francisco Goya, dont certaines oeuvres évoquent les ravages de l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes.
Plus "charnelle" est la suite, qui dépeint la vie dans un kolkhoze, loin de l'Estonie. Séparées de leur mari, certaines femmes, qui pensent ne jamais le revoir, refont leur vie avec un gars du coin. Ce n'est pas le cas de l'héroïne Erna, qui attend encore et toujours de pouvoir retourner dans son pays, espérant y retrouver son cher et tendre.
Je me garderai bien de révéler comment cela se termine. L'une des dernières scènes montre Erna en gros plan. On voit l'aspect de son visage se modifier progressivement, sous l'effet des sentiments qui l'animent. Crosswind n'est pas qu'un exercice de style, c'est aussi une performance d'acteurs.
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mercredi, 08 avril 2015
Chappie
C'est le titre du nouveau film de Neill Blomkamp. Dès le début, on reconnaît le style "vigoureux" de ce réalisateur talentueux, révélé par District 9 et auteur il y a deux ans d'Elysium. On n'est pas assis depuis très longtemps que l'on nous offre une putain de scène d'action, avec des robots-policiers qui en prennent plein le disque dur. Au risque de décevoir quelques fans, je me dois de dire que c'est peut-être la meilleure du film : les autres pics d'adrénaline m'ont nettement moins emballé. Cela m'a paru ressembler à des extraits de (mauvais) jeu vidéo.
Entre temps, il y a l'histoire de l'apprentissage de Chappie, ce robot à personnalité humaine, qui naît avec une maturité de bébé... mais qui apprend vite. Les relations qu'il entretient avec les différents protagonistes (gentils comme moins gentils) ne sont pas trop stéréotypées. Lui-même est plutôt attendrissant.
Globalement, l'histoire tient la route, mais les dialogues ne brillent pas toujours par leur originalité... A plusieurs reprises, j'ai eu de la peine pour Sigourney Weaver et Hugh Jackman, qui s'est acharné sur le banc de muscu à s'en faire péter les veines.
Si l'on supporte la musique rap et les stéréotypes djeunses, on passe un moment très correct. Mais c'est quand même au-dessous de ce que peut donner ce réalisateur.
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mardi, 07 avril 2015
Shaun le mouton
Derrière ce long-métrage d'animation se cachent les producteurs de Les Pirates, bons à rien, mauvais en tout et les créateurs des inoubliables aventures de Wallace et Gromit. D'ailleurs, deux des personnages principaux rendent hommage au célèbre duo : le fermier et son chien fidèle, qui occupe le poste de régisseur de l'exploitation.
On est tout de suite mis dans l'ambiance avec la succession des "travaux et des jours", une séquence fondée sur un efficace comique de répétition. On a à peine le temps de digérer cette agréable mise en train que survient l'épisode du complot des animaux de la ferme (principalement les moutons), pour mettre un terme à la succession terne et épuisante de leurs journées de servitude. Soyez particulièrement attentifs au rôle du canard...
Evidemment, rien ne va se passer comme prévu... et l'histoire champêtre bascule dans le polar urbain. L'agriculteur va devenir un coiffeur à la mode... dans des circonstances que je vous laisse le plaisir de découvrir.
De leur côté, les moutons se lancent à sa recherche. Ils vont devoir échapper au redoutable employé de la fourrière, un dangereux psychopathe, aux ressources insoupçonnées :
Cela nous vaut de belles scènes carcérales, auxquelles je préfère toutefois la séquence du restaurant, où les moutons débarquent incognito. La situation va rapidement dégénérer, dans une ambiance de folie qui n'est pas sans rappeler certains films des Marx Brothers ou de Charlie Chaplin.
A certains moments, les gags (et les clins d'oeil) fusent en rafale... et il y en a pour tous les publics, les grands et les petits. Bref, j'ai adoré et, si j'ai un conseil à vous donner, c'est de rester pendant le générique de fin, au cours duquel on découvre (entre autres) pourquoi l'un des pensionnaires de la fourrière regarde les autres aussi fixement...
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samedi, 04 avril 2015
Suite française
C'est l'histoire d'une jeune Française mal mariée, qui vit sous la coupe d'une belle-mère acariâtre et que l'arrivée d'un officier allemand mélomane, en 1940, va troubler. Présentée ainsi, l'histoire pourrait sembler un peu "bateau". Encore un film sur la Seconde guerre mondiale ! Et encore un qui tente de montrer une image plus aimable de certains des occupants allemands, à une époque où il est de bon ton de ne pas froisser nos voisins d'outre-Rhin en leur jetant au visage le passé nazi de leur pays. Sauf que... cette histoire a été écrite il y a plus de soixante-dix ans, par Irène Némirovsky, une Française juive, morte à Auschwitz en 1942 avant d'avoir pu achever le roman qui est adapté ici.
Le premier mérite de cette histoire est de présenter un épisode méconnu de la guerre, l'Exode de mai-juin 1940, au moment de l'invasion allemande. Je vous assure que les scènes du début, qui montrent la pagaille sur les routes et un bombardement de la Luftwaffe, sont impressionnantes. Par contre, le contexte de la mise en place du gouvernement de Vichy est bâclé. Ceux qui n'y connaissent rien ne retiendront que la collaboration avec l'occupant.
Le coeur de l'intrigue est consacré aux relations entre Français(es) et Allemands. On a droit à une assez grande diversité de comportements, du pétainisme germanophile aux premiers actes de résistance. Le film a le mérite de montrer que les situations étaient parfois complexes, surtout quand les sentiments se heurtaient à la politique.
C'est dans ce cadre que se situent les rapports entre la timide Lucile Angellier et le séduisant Bruno von Falk. La première est incarnée par Michelle Williams, vraiment très bien, très éloignée du rôle qu'elle a joué dans My Week with Marilyn. Le second a les traits de Matthias Schoenaerts, révélé naguère par Bullhead. Les personnages secondaires sont tout aussi bien campés. Dans le lot, je distingue Madeleine Labarie, Lambert Wilson et Kristin Scott-Thomas, excellente en belle-mère hautaine. Je regrette toutefois qu'on fasse subir à son personnage une évolution aussi radicale en si peu de temps.
C'est peut-être le défaut principal de l'histoire. La période 1940-1941 est décrite avec les yeux de qui sait ce qui s'est passé ensuite. On a peut-être voulu trop en dire sur ces premiers mois d'occupation. Il reste une belle histoire d'amour impossible, au sein d'un tableau où les différences de classes sont très prononcées.
P.S.
Cette histoire si française (jusque dans la découverte du livre, édité des années plus tard... et récompensé par un prix posthume) est une oeuvre anglo-saxonne. Le tournage s'est déroulé en langue anglaise (avec quelques passages en allemand), davantage en Belgique qu'en France... avec TF1 aux manettes. Cela peut expliquer le tir de barrage que le film a subi à sa sortie, de la part de critiques à oeillères. Ce n'est absolument pas le navet décrit par certains. (Au passage, je pense qu'exceptionnellement, il vaut mieux le voir en version doublée en français : les acteurs francophones ont leur propre voix et les accents des Allemands sont sans doute plus réalistes que dans la version originale.)
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jeudi, 02 avril 2015
Voyage en Chine
Le photographe Zoltan Mayer nous livre ici son premier long-métrage de fiction. Le début de l'histoire présente un vieux couple, où le temps semble avoir fait son oeuvre. Le coup de grâce vient de l'annonce du décès de leur fils unique, survenu en Chine. Yolande Moreau est plus convaincante que son partenaire masculin, au jeu plus stéréotypé.
La mère éplorée est de surcroît confrontée à maintes difficultés pour rapatrier le corps du défunt. Aux différences de législation et de culture se superpose le fonctionnement bureaucratique de l'administration française. Du coup, la mère âgée et malade décide de faire le grand saut et de se rendre au "pays du milieu".
Elle débarque à Shanghai, mais sa destination est une province de l'intérieur (célèbre pour ses pandas), le Sichuan.
Ironiquement, Liliane va découvrir qu'obtenir des papiers officiels est au moins aussi compliqué en Chine qu'en France. La barrière de la langue est un obstacle de plus à surmonter, même si parfois quelques bribes d'anglais peuvent s'avérer très utiles. Et puis, soudain, dans la rue, surgit une voix belge identifiable entre toutes... et le film bascule.
Même si le deuil est un élément clé de l'histoire, l'intrigue est davantage tournée vers les rencontres que l'héroïne va faire, en Chine. On nous propose une belle galerie de personnages du quotidien, qui vont aider cette étrangère à moitié brisée par le chagrin. Cela nous vaut même quelques (rares) moments de comédie, comme la scène de la pâte et du vin, entre deux femmes que finalement seule la langue sépare :
Plus inattendue est la découverte par Liliane de la vie que son fils s'était construite, en Extrême-Orient. Les acteurs chinois sont remarquables de subtilité. C'est d'ailleurs la principale qualité de ce film, très délicat. Ce n'est à priori pas un genre qui m'attire mais, allez savoir pourquoi, ici, ça m'a touché.
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dimanche, 29 mars 2015
Birdman
Le film aux quatre Oscar du Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu est enfin arrivé à Rodez, en version originale sous-titrée. C'est l'occasion de vérifier si, notamment, le scénario et la mise en scène ont mérité d'être placés au-dessus de la concurrence en février dernier.
Le scénario repose sur une double mise en abyme. Comme Michael Keaton incarne un acteur sur le retour, autrefois très populaire pour son rôle de Birdman, on comprend qu'il s'agit d'une allusion à son interprétation de Batman, sous la réalisation de Tim Burton. (En dépit du respect que j'éprouve pour le travail de Christopher Nolan et le talent de Christian Bale, les deux longs-métrages de Burton restent pour moi les plus beaux.) Mais, comme, en plus, Thomson/Keaton joue dans une pièce qui évoque la vie ratée d'un homme qui ne s'estime pas assez aimé, on comprend qu'il y a de fortes résonances avec l'existence du personnage principal.
Toutefois, le principal intérêt du film réside dans la description du milieu new-yorkais, où se croisent artistes plus ou moins en vue et ce que nous (Français de province) appellerions des "bobos parisiens". Les relations entre les membres de la troupe sont aussi particulièrement remuantes. Les répliques fusent... et c'est fort réjouissant ! Dans la version originale, on remarque la récurrence du mot "balls" (les boules... c'est-à-dire les couilles). Elles donnent le ton dès le début, où il est fait mention de l'odeur (un peu renfermée) qui règne dans la loge du héros. Plus loin, il est question du courage dont un acteur doit faire preuve. Au sens propre, les boules en question sont bien visibles sous le slip de deux des personnages principaux. Lorsque deux-ci entrent en contact des actrices, la conversation prend souvent un tour sexuel, même si les dialogues ne sont pas exempts d'émotion.
C'est le moment de souligner la qualité de l'interprétation, même si aucun des acteurs n'a été primé en février dernier. Du côté des messieurs, Michael Keaton est épatant... dans un rôle il est vrai taillé sur mesure. A un poste plus ingrat, Edward Norton (aussi visible dans The Grand Budapest Hotel) est tout simplement formidable, tantôt odieux tantôt émouvant. A ces deux "cadors" j'ajouterais Zach Galifianakis (rendu célèbre par Very Bad Trip), très bon en agent-avocat aux petits soins.
Du côté des dames se distinguent particulièrement deux personnes. Sans surprise, Naomi Watts est excellente (et toujours pleine de charme), dans un rôle de composition, celui d'une actrice qui n'arrive pas à percer ! Elle est aussi la compagne "officielle" de Shiner/Norton, une tâche qui consomme pas mal d'énergie...
Mais la grande révélation de Birdman est Emma Stone, récemment remarquée dans Magic in the Moonlight. Elle incarne la fille du héros... et les relations avec son géniteur sont tout sauf apaisées. Cela nous vaut une scène de dispute absolument sensationnelle, au cours de laquelle la fille se lâche complètement. Plus loin, c'est dans le registre de l'émotion qu'elle nous "cueille", en compagnie d'Edward Norton. Une relation complexe va se nouer entre ces deux-là, sur le toit du théâtre.
A ce brillant duo, on pourrait ajouter Lindsay Duncan, pour sa performance en critique vacharde du New York Times.
Les toits sont aussi de bons endroits pour prendre son envol. C'est le désir qui sommeille en Riggan Thomson, de surcroît travaillé au corps par une petite grosse voix intérieure. Ici, Inarritu introduit un peu de fantastique. Cela passe très bien, y compris au niveau des "super-pouvoirs" de son héros. Je n'ai par contre pas été particulièrement emballé par la réalisation. On a un peu abusé du plan-séquence, qui oblige parfois les caméramans à voltiger autour des acteurs. OK pour la virtuosité, mais le rendu à l'écran n'est pas toujours convaincant. En revanche, j'ai beaucoup aimé la musique d'accompagnement (du batteur mexicain Antonio Sanchez), très jazzy. Elle se marie vraiment bien avec l'action.
Cela donne au final un film inclassable, très nombriliste, mais infiniment plus réussi que Babel, par exemple.
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samedi, 28 mars 2015
Big Eyes
Le nouveau film de Tim Burton est une sorte de biopic, consacré à Margaret Keane, une peintre que je ne connaissais pas, et qui a marqué son époque grâce principalement à des toiles représentant des enfants dotés d'énormes yeux.
Ce n'est pas un biopic intégral, parce que l'action commence lorsque l'héroïne quitte son premier mari avec sa fille. Et l'histoire se conclut (de manière très américaine) par un procès. Le scénario s'est concentré sur la période au cours de laquelle Margaret Doris Hawkins va côtoyer Walter Keane, un autre peintre, plus classique... et surtout un bonimenteur de première. Alors que celle qui va devenir sa compagne est plutôt introvertie, lui a un don pour attirer le chaland et lui "vendre" la peinture. Le film montre comment, petit à petit, il étend son emprise sur son épouse... et comment il en tire gloire et profit.
Le paradoxe du casting est que cette horrible fripouille est incarnée par Christopher Waltz, qui a un talent fou (dans Zero Theorem, Django unchained ou encore Carnage), mais qui tendrait parfois à nous rendre Keane un peu trop sympathique. Dans le rôle de l'héroïne, Amy Adams est formidable. L'actrice hollywoodienne s'est fondue dans le personnage, d'abord de femme au foyer complexée, puis d'artiste cachée et enfin de bigote sûre de son art.
Si l'interprétation est de qualité, la mise en scène ne se signale pas par un brio particulier. Difficile de retrouver le réalisateur de Beetlejuice, d'Edward aux mains d'argent, de Batman (avant Christopher Nolan), de Mars Attacks !, de Sleepy Hollow ou, plus récemment, de Dark Shadows et de Frankenweenie. Il y a juste un moment, lorsque Margaret va faire quelques courses dans une supérette, où l'on reconnaît la "patte" de Tim Burton. Mais c'est à peu près tout.
Le film n'en est pas moins très intéressant, mais il ne faut pas aller le voir en pensant y retrouver l'univers si particulier du réalisateur le plus inventif de sa génération.
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samedi, 21 mars 2015
Réalité
Cette fiction est le nouveau bébé de Quentin Dupieux, réalisateur auquel on doit l'inventif Rubber et le très poussif Wrong Cops. Du coup, la question que l'on se pose en allant voir ce film est la suivante : s'agit-il d'une œuvre originale et bien construite, ou bien Dupieux nous livre-t-il une nouvelle production paresseuse ?
Le début de l'histoire laisse un peu perplexe. Deux intrigues, en apparence disjointes, nous sont présentées. D'un côté, on a l'histoire de cette gamine (prénommée Réalité) qui trouve, dans les entrailles d'un sanglier tué par son père, une cassette vidéo intacte. De l'autre, on a ce jeune présentateur d'émission débile, qui se croit victime d'un eczéma aussi foudroyant... qu'invisible.
C'est la caméra qui relie les deux histoires. On apprend vite que la fillette est l'héroïne du nouveau long-métrage d'un énigmatique réalisateur, nommé Zorg. Quant au présentateur, il est l'objet de l'attention d'un cadreur incarné par Alain Chabat. Celui-ci veut mettre en scène son premier film. Pour cela, il s'adresse à un producteur un peu perturbé, interprété par un Jonathan Lambert pas toujours convaincant. Or, il se trouve que ce même producteur est celui du vieux Zorg.
De son côté, Alain Chabat est marié à une charmante psychanalyste, personnage auquel Élodie Bouchez prête sa plastique avantageuse et son indéniable talent. Parmi les clients de la psychanalyste se trouve un homme qui (rêve qu'il) s'habille en femme. Cet homme n'est autre que le directeur de l'école où étudie la gamine du début.
Une fois que l'on a assemblé le puzzle, on pense avoir fait une bonne partie du boulot. Que nenni ! Les apparences sont trompeuses. Ce qui semble rêve peut être réalité et ce qui semble réel peut n'être qu'une scène de fiction. On tombe dans la mise en abyme dans la mise en abyme et même, à un moment, l'histoire part complètement en vrille. Si l'on accepte cela, on passe un délicieux moment... mais il faut se taper les vingt premières minutes, pas les plus réussies du film.
21:34 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 20 mars 2015
The Voices
Ces voix sont celles qu'entend le héros Jerry, interprété de manière faussement ingénue par Ryan Reynolds (remarqué dans l'excellent Buried). En réalité, il ne les entend pas tout le temps... juste quand il arrête de prendre ses cachets. Ce n'est que très tard dans le film que l'on apprend pourquoi il est suivi par un médecin (Jacki Weaver, vue récemment dans Magic in the Moonlight) et pourquoi on lui a prescrit ces médicaments.
Quelles voix entend-il ? Surtout celles de ses deux animaux domestiques, un chien fidèle (et un peu balourd) et un chat vicieux. A l'occasion, il peut aussi communiquer avec un élan mourant. (Je vous laisse découvrir dans quelles circonstances...)
Concernant les "mouvements des lèvres" des personnages animaliers, un gros travail a réalisé au niveau des effets spéciaux. Et, comme les dialogues sont assez incisifs (à savourer en version originale sous-titrée, de préférence), les scènes de discussion entre le grand benêt et les deux sacs-à-puces sont délicieuses.
Tout le film n'est cependant pas du même acabit. Il y a des longueurs, des ruptures de rythme pas toujours maîtrisées. C'est le cas en particulier des scènes entre le héros et ses collègues féminines. Avec la bimbo de l'entreprise où il travaille, c'est très convenu... jusqu'au moment où il réussit à lui faire perdre la tête ! La suite, entre le réfrigérateur et la table du salon, est nettement plus réjouissante, en partie grâce à au talent de Gemma Arterton.
J'ai toutefois trouvé plus subtile et touchante Anna Kendrick (que j'avais déjà appréciée dans Into the Woods). Elle donne de l'épaisseur à son personnage qui, au départ, paraît un peu "nunuche". Cela nous mène à une très belle séquence sur les lieux où Jerry a passé son enfance.
Il faut aussi être attentif aux couleurs et à la manière dont les scènes sont filmées. Lorsque l'on voit beaucoup de rose à l'écran (notamment sur le lieu de travail de Jerry), il faut se dire que l'on est sous l'emprise de la vision du personnage principal, qui survalorise un emploi peu gratifiant, mais qui lui permet de rompre sa solitude... et de côtoyer de charmantes jeunes femmes.
Chez lui, dans l'appartement situé au-dessus d'un bowling désaffecté, le héros voit encore la vie en rose, du moins quand l'effet des médicaments ne se fait plus sentir. Le paradoxe est que, lorsqu'il suit son traitement, c'est la triste et sordide réalité qui s'offre à ses yeux. A l'écran, les tons se font plus sombres, tout comme lorsqu'un intrus pénètre chez lui.
A mi-chemin de la comédie de moeurs et du thriller, ce petit film se suit sans déplaisir, mais ce n'est pas l'événement de l'année : on nous l'a un peu survendu. (De Marjane Satrapi, j'ai préféré Persepolis.)
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lundi, 16 mars 2015
Phoenix
Berlin, année zéro (1945). Une déportée juive a miraculeusement survécu à Auschwitz et aux ultimes fusillades. On la suit d'abord dans un hôpital, où elle va pouvoir un peu se requinquer... et se faire reconstruire le visage (elle a été défigurée). Dans le rôle de Nelly, Nina Hoss est excellente. Très maigre, introvertie et pas très belle, elle rend son personnage très crédible.
Ce film est un peu l'histoire de sa résurrection. La chanteuse de cabaret qu'elle fut va progressivement renaître de ses cendres. Pourtant, au départ, on a peine à y croire, tant elle a le profil d'une victime. Elle se fait dépouiller dans la rue et croit contre toute évidence que son pianiste de mari (non juif) ne l'a pas trahie. On sent qu'elle veut retrouver sa vie d'avant-guerre à Berlin, alors que son amie Lene (Nina Kunzendorf, formidable), en apparence plus forte, l'incite à partir s'installer en Palestine.
S'engage alors, dans la seconde partie de l'histoire, un drôle de jeu du chat et de la souris entre le mari, qui n'a pas reconnu son épouse (mais voit en l'inconnue un moyen de récupérer les biens de celle-ci), et Nelly, docile en apparence, ravie de côtoyer à nouveau son homme, mais aussi curieuse de le percer à jour.
L'intrigue suit son bonhomme de chemin, dans le quotidien sordide des Allemands de 1945. La photographie est de qualité mais sèche, sans l'artifice dans lequel baignait The Good German (de Soderbergh). Il me semble que le scénario a été écrit de manière à culminer dans la dernière scène, celle de la chanson, que je me garderai bien de raconter. Mais, rien que pour elle, ce film un peu laborieux mérite le détour.
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samedi, 14 mars 2015
Le Dernier Loup
Pour son nouveau film, Jean-Jacques Annaud revient à un genre qu'il affectionne (et qui lui a valu le succès par le passé) : la fiction animalière. En fait, il réalise un film chinois, en adaptant un roman autobiographique qui a connu un immense succès, Le Totem du loup.
L'action se déroule pendant la Révolution culturelle (dans la seconde moitié des années 1960), au cours de laquelle des jeunes instruits des villes ont été envoyés dans les campagnes chinoises. L'intrigue présente leur venue dans le cadre d'une politique de sinisation et de modernisation. C'est à prendre avec recul...
Pour ces Pékinois, c'est un peu le choc des cultures, puisqu'ils se retrouvent en Mongolie intérieure, une région autonome de la Chine, peuplée non pas de Hans (l'ethnie majoritaire) mais de nomades mongols, survivance d'un peuple qui domina jadis une grande partie de l'Eurasie.
Pour les spectateurs, c'est un choc visuel : les paysages sont souvent grandioses et les animaux filmés avec un soin particulier. Dans une grande salle, c'est un réel plaisir. Attention toutefois : l'histoire racontée est cruelle. Plusieurs scènes très violentes (simulées) émaillent l'intrigue. Un peu à l'image du récent White God, Le Dernier Loup montre les mauvais traitements pour mieux les dénoncer.
A ma grande surprise, j'ai découvert un propos quasi écologiste. La protection du milieu naturel est au coeur du discours de certains des protagonistes et la notion de chaîne alimentaire est illustrée à plusieurs reprises. Ainsi, le vieux sage du village évoque la nécessité de laisser une partie des gazelles mortes à disposition des loups, qui ne viendront donc pas s'attaquer aux troupeaux de moutons des Mongols. Ces mêmes loups permettent de réguler la population de gazelles, sans quoi elle dévorerait tous les pâturages. Les loups sont aussi très utiles pour se débarrasser des nuisibles (notamment les rats)... Ces considérations sont bienvenues dans un film aussi grand public.
Autre bonne surprise du scénario : la dénonciation de l'appât du gain (très en vogue actuellement à Pékin). Les personnages qui pensent prioritairement à l'argent sont les responsables des catastrophes. Ils contribuent aussi à détruire le lien social. Cet aspect révèle le recul qu'aujourd'hui en Chine on a pris sur la période de la Révolution culturelle. Cela ne va pas jusqu'à remettre en cause le rôle du Parti communiste. Le cadre local est un personnage plutôt positif, plus ouvert que la population locale (parfois représentée comme un peu arriérée).
Quant à la mise en scène, si elle est globalement académique, elle nous réserve plusieurs moments de bravoure. La plus belle séquence est sans doute celle de l'attaque des loups, avec les chevaux, en pleine tempête de neige. Elle dure peut-être un quart-d'heure (voire plus). Quelle maîtrise !
Cela fait oublier les dialogues, assez convenus. On remarque aussi que le choix des acteurs semble avoir suivi des critères très précis. C'est un peu "Hollywood en Asie", avec (au niveau des personnages principaux) ces jeunes hommes et ces jeunes femmes à la dentition parfaite.
Concernant les loups (vraiment superbes, grands comme petits), je me pose quelques questions. L'histoire nous les présente tantôt agissant comme de véritables loups, tantôt adoptant un comportement quasi humain. C'est particulièrement visible dans l'attaque de la bergerie, mise en scène comme un cambriolage. La manière dont les loups s'enfuient est-elle plausible ? Enfin, un loup peut-il se suicider pour éviter de tomber entre les mains de l'homme ?
Hormis ces réserves, le film constitue un bon divertissement grand public, mais pas pour les âmes sensibles.
11:19 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 13 mars 2015
Imitation Game
Le titre du film fait référence à une partie des travaux du mathématicien Alan Turing, connu pour être l'inventeur de l'ordinateur. Passionné par l'intelligence artificielle, il avait imaginé un test pour évaluer celle-ci. Il en explique le principe au cours d'un interrogatoire que lui fait subir la police britannique, qui va le poursuivre pour "perversion sexuelle" (il était homosexuel).
Cette partie de l'histoire se déroule au début des années 1950. Dans le film, elle est croisée avec la jeunesse du héros (et son amitié intense avec un camarade doué comme lui pour les maths) et avec une autre période cruciale, celle de la Seconde guerre mondiale, à la conclusion de laquelle Turing apporta une contribution décisive, en "craquant" le code des machines Enigma utilisées par les sous-marins allemands.
Il faut donc être attentif dès le début, où il est question d'un cambriolage dont on ne comprend pas de prime abord tous les tenants et aboutissants. On est toutefois vite pris par l'intrigue, tant les acteurs sont bons, à commencer par Benedict Cumberbatch :
Le concernant, ma grande crainte était qu'on lui fasse interpréter un clone de Sherlock, tant les points communs entre le détective de fiction et le mathématicien sont nombreux. Heureusement, ce n'est pas le cas. L'acteur s'est fondu dans le rôle. Certes, il interprète un as du raisonnement déductif, conscient de sa grande intelligence, assez méprisant vis-à-vis des autres, y compris des mathématiciens un peu moins doués que lui. Mais, physiquement, le personnage est clairement inspiré d'Alan Turing. On notera un gros travail sur les expressions du visage.
Le héros est épaulé par une jeune femme, dont on sous-entend qu'elle serait peut-être encore plus brillante que lui. Elle a les traits (ravissants) de Keira Knightley (meilleure encore que dans Anna Karenine), dont la seule présence suffit à illuminer certaines scènes :
Mine de rien, le film dit quelques petites choses sur les populations victimes d'une oppression discrète en Occident, mais qui ont joué un rôle décisif dans la guerre. C'est plus marqué concernant Turing : rappelons qu'il fut contraint de subir une castration chimique, au Royaume-Uni, pays qui a mené le combat contre le régime nazi... qui persécuta les homosexuels.
A travers Joan-Keira, c'est de la place des femmes qu'il est question. Cela nous vaut d'abord un beau moment de comédie, quand la jeune femme débarque le jour d'un test, dans une salle d'examen exclusivement masculine. Plus loin, on apprend (si on l'ignorait) à quel point les conventions sociales de l'époque pèsent sur le destin d'une personne qui voudrait vivre pleinement, en toute indépendance, mais qui doit d'abord tenir compte de la volonté de ses parents et du qu'en-dira-t-on.
Parmi les rôles secondaires, je distingue celui de l'agent du MI6 Stewart Menzies. Mark Strong (vu récemment dans Kingsman) prête ses traits à cet espion très habile, souvent vêtu d'un costume à rayures...
A ceux qui en ont la possibilité, je conseille de voir la version originale sous-titrée, pour mieux profiter des dialogues, parfois savoureux.
12:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 12 mars 2015
La dernière de Jim Brass
Mercredi, TF1 a diffusé les derniers épisodes de la saison 14 des Experts Las Vegas. Le vingt-deuxième fut l'occasion de voir l'ultime prestation de l'acteur Paul Guilfoyle, les producteurs ayant soudainement décidé de supprimer le personnage du capitaine Jim Brass, l'un des piliers de la série.
Incarnant un flic bougon au grand coeur, pas très subtil mais la chasse aux criminels chevillée au corps, il avait introduit un peu de diversité dans la petite famille surdiplômée des enquêteurs de la police scientifique. Peu à peu, son personnage, au départ secondaire, avait pris de l'épaisseur. On peut penser que la qualité de l'interprétation de Guilfoyle n'était pas pour rien dans le développement (et le succès public) du personnage.
On oublie toutefois que ce "monsieur-tout-le-monde" a une carrière cinématographique bien remplie derrière lui, dans des seconds rôles certes, mais souvent dans de bons films. On avait ainsi pu le voir dans le Wall Street d'Oliver Stone. Récemment, à l'occasion du décès de Robin Williams, j'ai revu Mrs Doubtfire, dans lequel il incarne un cuistot travaillant dans le restaurant où se déroule l'une des plus mémorables séquences du film.
Par contre, dans Little Odessa, on le découvre en gros dur. Quel contraste avec Primary Colors, où il interprète un membre de l'équipe soutenant le candidat (libidineux) joué par John Travolta :
Sur le petit écran (avant de devenir l'incontournable Jim Brass), il avait aussi multiplié les apparitions. Je me souviens notamment d'un épisode de la première saison d'Ally McBeal, où le futur flic du Nevada avait endossé le costume d'un... avocat :
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vendredi, 06 mars 2015
American Sniper
Clint Eastwood adapte, à sa manière, l'autobiographie de l'ancien tireur d'élite Chris Kyle (décédé en 2013), dont les "exploits" lui ont valu d'être surnommé "The Legend" par ses camarades de combat. Le film démarre directement par une scène sous haute tension, qui a servi de bande-annonce. Avant de nous en montrer la conclusion, on nous projette plusieurs années en arrière.
Cela nous vaut certains des meilleurs moments de l'histoire. On découvre le futur héros au Texas, sous l'influence d'un père autoritaire, à la morale lapidaire. Grand amateur de chasse, il y initie son fils aîné, qui se révèle incontestablement doué pour le tir. Toutefois, le destin va tarder à frapper à sa porte : devenu adulte, Chris ne pense qu'au rodéo et à boire des bières avec son meilleur pote. Il envisage aussi de se caser avec un joli brin de fille... mais pas la plus recommandable de la contrée.
Le scénario a l'honnêteté de nous présenter l'engagement militaire de Kyle comme la résultante de plusieurs facteurs : l'ennui d'une vie trop balisée, l'échec de la relation sentimentale (et sexuelle...)... et le choc des attentats anti-américains.
On bascule alors dans une thématique qu'Eastwood connaît comme sa poche : la formation des soldats, ici destinés à appartenir à une élite, les Navy Seals. C'est correctement filmé, mais les vieux cinéphiles auront une impression de "déjà vu". Ce qui est par contre inédit, c'est l'épaisseur physique de Bradley Cooper, qui a sans doute dû changer toute sa garde-robe, tant il a "gonflé". Ceci dit, il joue très bien (en tout cas mieux que dans Serena).
Dernier point positif de cette seconde-première partie : la naissance de l'amour entre le héros et Taya, une femme indépendante remarquablement interprétée par Sienna Miller. La relation tient la durée du film, même si ce sont les débuts qui m'ont paru les plus réussis.
De retour en Irak, on rentre dans le dur avec la conclusion de la fameuse scène du gamin et de la femme voilée. Cela devient rapidement très violent, tant du côté américain (dont les troupes spéciales dézinguent à tout va... en ne touchant qu'exceptionnellement des civils innocents...) que du côté insurgé. Les effets spéciaux sont au service de la représentation des tueries.
Notons qu'aux scènes de combat sont ajoutées quelques vignettes particulièrement horribles, pour décrire l'extrême violence dont sont capables les plus irréductibles adversaires des Américains. Le pire est atteint avec le personnage du "Boucher" (un des seconds de Zarkaoui), un spécialiste de la perceuse...
Vous aurez compris qu'Eastwood n'a pas endossé le costume du réalisateur impartial. Le républicain qui sommeille (rarement) en lui a pris la direction des opérations. Aucune allusion n'est faite aux mensonges et manipulations de l'administration Bush (fils) qui ont mené à la guerre d'Irak, une agression totalement injustifiée. C'est à partir de celle-ci qu'une partie de la population va basculer dans le djihadisme. Pourtant, le film aurait considérablement gagné en force s'il avait montré que le sacrifice de ces hommes jeunes et patriotes était fondé sur la tromperie.
Au lieu de cela, Eastwood nous sert un discours néo-conservateur, teinté de religion... et de mépris. Combien de fois les adversaires des soldats yankees sont-ils qualifiés de "sauvages"... Le film est toutefois sauvé parce qu'il montre que cette guerre abîme les combattants, qu'elle brise leurs vies et celles de leurs proches. Ce n'est déjà pas si mal mais, de ce point de vue, certains épisodes de la série NCIS en disent plus (et mieux). Ici, le scénario passe trop vite sur les séquelles psychologiques des combats. La caméra se contente de s'arrêter, un peu complaisamment, sur les corps amputés ou déformés. Eastwood n'est pas très à l'aise avec la notion de stress post-traumatique, tout comme son personnage principal d'ailleurs.
Il sait heureusement encore bien se servir d'une caméra. Les scènes de guérilla urbaine alternent habilement les vues au sol et celles prises des toits. On nous mène tout doucement vers l'un des morceaux de bravoure de l'histoire, qui se termine en pleine tempête de sable, avec un brio qui n'est pas sans rappeler la séquence du tsunami dans Au-delà.
Je me dois toutefois de signaler que l'un des fondements scénaristiques de l'intrigue est biaisé : la rivalité entre le héros et le meilleur tireur d'élite du camp d'en face, appelé Mustafa. Eastwood nous le présente comme un pendant de Chris Kyle : lui aussi est marié et a un enfant ; lui aussi semble plutôt asocial. Mais, alors que dans son autobiographie (d'après un article de Slate), Kyle parle d'un Irakien, dans le film, c'est un Syrien, un choix de nationalité qui est tout sauf innocent de la part des scénaristes. De surcroît, il est censé être un ancien champion olympique de tir. Or, après une recherche minutieuse sur le site du C.I.O., je n'ai trouvé aucune trace d'un tel personnage. La Syrie n'a gagné que trois médailles aux Jeux Olympiques, aucune en tir :
Pour l'Irak, c'est encore pire : une seule médaille a été gagnée, en 1960... en haltérophilie :
J'ai quand même trouvé un ressortissant d'un pays arabe, médaillé à une épreuve de tir, le Koweïtien Fehaid Al-Deehani, qui a décroché le bronze, à Sidney, en 2000 :
Ce n'est pas notre homme. Il n'a pas le profil du sniper d'Irak et, de surcroît, il a participé aux JO de Londres en 2012.
Je suis donc sorti d'American Sniper assez mitigé. D'un point de vue cinématographique, c'est meilleur que le récent et médiocre Jersey Boys. Mais c'est limite puant sur le fond et, dans un genre approchant, pas aussi brillant que Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow.
22:19 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 04 mars 2015
Les Chevaliers du Zodiaque
Diffusée en France dans les années 1980, la série ne m'avait pas particulièrement emballé. Intéressé au départ par les références mythologiques, j'avais laissé tomber, lassé par les scènes de combat à rallonge, qui voyaient d'abord les héros se faire briser les os et perdre plusieurs litres de sang, avant qu'ils ne décochent soudainement le coup surpuissant qui envoyait le redoutable adversaire au tapis.
Je suis allé voir l'adaptation, parce que, d'un point de vue graphique, ça avait l'air d'être plus léché que dans la série du temps jadis... et je n'ai pas été déçu. La production a mis le paquet sur l'aspect visuel : les couleurs sont splendides et les effets de transparence rendent certains plans quasi grandioses. La musique d'accompagnement, parfois inutilement clinquante, est dans le ton.
D'où vient alors que j'aie regardé aussi souvent le cadran de ma montre ? Peut-être des dialogues, au ras des pâquerettes. Peut-être du scénario, pâle copie de la trame du premier "arc narratif", condensée en à peine 1h30. Peut-être aussi des caractères trop stéréotypés des principaux personnages. Ainsi, la jeune réincarnation d'Athéna nous est d'abord présentée comme un modèle d'écolière introvertie, avec ses longs cheveux et ses grandes soquettes. Ajoutez à cela qu'elle prend peur facilement (au début de l'histoire) et vous aurez une idée de l'agacement qu'un spectateur pas trop stupide peut parfois ressentir.
Menée tambour-battant (avec, paradoxalement, plusieurs temps morts malvenus), l'intrigue ne nous permet pas de nous attacher aux personnages. Les rares pincées d'humour ne suffisent pas à faire de ce film autre chose qu'un petit divertissement digestif.
P.S.
En un peu plus d'un an, c'est la deuxième série animée des années 1980 (après Albator, corsaire de l'espace) que l'on adapte maladroitement au cinéma.
22:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 01 mars 2015
Kingsman
Ces "hommes du roi" sont des espions britanniques, membres d'une agence privée. On en découvre quelques-uns dès le générique de début, qui tente de nous en mettre plein la vue, à coups d'explosions virtuelles. C'est une agréable mise en train.
Comme l'intrigue fait référence aux films d'espionnage, on attend évidemment avec impatience de voir les gadgets et les scènes d'action. On n'est pas déçu, avec quatre séquences particulièrement réussies : une en zone montagneuse (qui s'achève par un beau retournement), une dans un bar (qui joue aussi un peu sur l'effet de surprise), une dans un temple (une tuerie, au propre comme au figuré) et, enfin, celle de l'affrontement entre le jeune héros et la "méchante", la redoutable et excitante Gazelle, incarnée (avec brio) par Sofia Boutella.
La mise en scène est brillante. Le réalisateur (Matthew Vaughn) sait vraiment y faire (il était déjà aux manettes de X-Men - Le Commencement). Il s'appuie sur une distribution haut-de-gamme, avec Colin Firth (en pleine forme), Mark Strong et le jeune Taron Eggerton qui, au début de l'histoire, a un accent "prolo", qui contraste fortement avec celui du britishissime Harry Hart. C'est donc à savourer, de préférence, en version originale sous-titrée. Du côté féminin, outre l'actrice franco-algérienne, on peut signaler Samantha Womack, qui incarne la mère du héros, sous deux apparences très différentes.
Le film n'en comporte pas moins quelques points faibles. Le scénario abuse du "juste à temps" et certaines péripéties ne sont pas vraisemblables. (Je pense notamment à une idée qui vient à l'esprit du héros et qui contribue à brusquement retourner la situation, dans le bunker du bioterroriste). J'ai aussi un problème avec le personnage interprété par Samuel L Jackson (pourtant très bon il y a deux ans dans Django unchained). Il ne m'a pas paru très crédible... et l'entendre parler avec un cheveu sur la langue m'a franchement agacé !
Cela reste un bon divertissement, spectaculaire et bourré d'humour.
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vendredi, 27 février 2015
Rendez-vous à Atlit
En 1995, trois sœurs se retrouvent en Israël, dans la maison de leurs parents décédés. Il est question de la vendre, chacune ayant fait sa vie ailleurs : l'aînée au Canada, la cadette en France, la benjamine ayant plus un esprit de routarde. Dans des rôles très contrastés, les trois actrices s'en sortent très bien :
Yaël Abecassis (vue récemment dans Canailles Connection) incarne la grande sœur, femme mûre, jadis mère de substitution pour ses cadettes. Au début, elle seule est attachée à la maison. Les deux autres ont plutôt envie de vendre. Asia (la benjamine) compte sur sa part pour financer un voyage en Inde. Elle est interprétée par Judith Chemla, qui était à mon avis meilleure dans Camille redouble.
La révélation du film est Géraldine Nakache (plus convaincante que dans Je fais le mort). C'est la cadette, celle dont les parents se sont le moins occupés, celle qui a le plus coupé avec ses racines. C'est finalement elle qui va le plus s'attacher à la vieille baraque et à son jardin en friche qui, sous l'action des trois sœurs, va retrouver sa splendeur.
A cette chronique familiale se superpose un peu de merveilleux. Chaque sœur va, au départ sans rien en dire aux autres, avoir de surprenantes visions. Cela donne des ruptures de ton que l'on appréciera ou pas. Moi, j'ai adhéré, d'autant plus que certaines des "apparitions" sont assez comiques.
On perçoit la part d'autobiographie qui a nourri cette histoire, dont l'intrigue se déroule en 1995, juste avant l'assassinat du Premier ministre Itzhak Rabin par un extrémiste israélien.
12:28 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 25 février 2015
Les Nouveaux Héros
C'est le dernier Disney en date, à la destinée duquel a veillé John Lasseter (ancien pilier de Pixar). La première partie de l'histoire nous fait découvrir un héros pas forcément toujours sympathique : Hiro Hamada est un geek en pleine crise d'adolescence, élevé par une mère-courage très travailleuse et un grand frère lui aussi surdoué, mais plus mûr et pondéré que son cadet.
Ce début nous propose quand même une séquence particulièrement réussie, celle du combat clandestin de robots. Elle est drôle... et indispensable à l'intrigue, puisqu'elle introduit une invention qui va devenir centrale.
Le deuxième moment clé est la découverte par le héros du labo dans lequel travaille son frère. Il y fait la connaissance d'une bande de (jeunes) scientifiques plus déjantés les uns que les autres. Un événement traumatique va rapidement faire basculer l'histoire.
A partir de là, l'intrigue tourne autour de deux éléments importants : la relation Baymax-Hiro et la menace représentée par un dangereux individu masqué, dont on va mettre un bon moment à découvrir la véritable identité.
Les passages qui mettent en scène le héros et le robot infirmier sont pétris de drôlerie. (On en voit quelques-uns dans la bande-annonce.) Le comique de situation s'appuie principalement sur le physique particulier du compagnon du héros. S'ajoutent des répliques décalées, le robot persistant à vouloir remplir sa mission médicale, quelle que soit la situation. Les circonstances parfois exceptionnelles le conduisent à adapter son attitude, un peu à l'image de ce qui se passait dans Robot and Frank.
L'histoire devient plus animée quand l'affrontement avec le méchant se précise. Cela tourne au film de super-héros, sauf qu'ici les sauveurs de l'humanité sont les scientifiques farfelus, dotés désormais d'équipements de haute technologie.
Sur le fond, l'histoire n'est pas bête. Le jeune héros va devoir choisir entre la vengeance et la poursuite de l'oeuvre de son frère. Un autre personnage est amené à se poser des questions semblables.
A l'écran, c'est joli à regarder et, comme c'est assez trépidant (sans fonctionner sur un rythme effréné), on passe un bon moment. Vers la fin, j'ai même eu les yeux qui piquent, preuve que j'étais pris par cette histoire en apparence anodine, mais qui convient à la fois aux (pas trop) petits et aux grands. L'Oscar 2015 du film d'animation est amplement mérité, même si je suis un peu déçu pour Les Boxtrolls (trop noir pour le jury hollywoodien).
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mercredi, 18 février 2015
Hard Day
Cette "journée de merde" est celle du héros, un policier véreux qui, en moins de 24 heures, va perdre sa mère, renverser un piéton, subir un chantage, se faire casser la figure et même déterrer un cadavre.
Autant dire qu'on ne s'ennuie pas dans ce polar sud-coréen, qui est bien fichu sans être un chef-d'oeuvre. C'est la peinture du monde policier qui est la plus "corsée". On a l'impression que c'est à qui sera le plus tordu ou le plus corrompu. C'est évidemment excessif, mais c'est une convention du genre. A la longue, c'est toutefois un peu lassant.
Le jeu des acteurs est parfois aussi un peu outré. On a visiblement cherché à nous faire plaindre le héros (qui est tout de même un bel enfoiré). S'ajoute à cela la tentation du "juste à temps", perceptible dès la séquence de l'accident, et qui atteint le summum à la morgue. Les scènes d'action sont prenantes, sans être omniprésentes. Avis aux amateurs : l'une d'entre elles frise la sauvagerie. Comme c'est plutôt bien filmé et rehaussé d'une pointe d'humour noir, ça passe.
Néanmoins, les spectateurs attentifs remarqueront quelques incohérences, notamment au niveau des phares et du pare-brise de la voiture du héros. Tout ça pour dire qu'un soir, si on aime les films de genre, cela peut constituer un agréable divertissement. Sans plus.
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dimanche, 15 février 2015
L'Enquête
Quatre ans après l'excellent Présumé coupable, Vincent Garenq s'est à nouveau emparé d'une histoire qui a défrayé la chronique judiciaire : l'affaire Clearstream. Voilà un sujet en or, servi par une distribution haut de gamme : principalement Gilles Lellouche (qui vient de s'illustrer dans La French) et Charles Berling (qui s'est fait la tête du juge Van Ruymbeke), ainsi qu'une pléiade de brillants seconds rôles, qu'on s'est évertué à rendre aussi ressemblants que possible aux modèles. Et pourtant... le film, en sortie nationale, est programmé dans moins de 200 salles... aucune en Aveyron. Il faut donc se rendre chez le voisin tarnais pour le voir.
Trois histoires s'entremêlent. L'affaire des frégates de Taïwan baigne dans un climat plus que trouble, avec une série de morts suspectes. La corruption semble mener en France, en passant par des paradis fiscaux. Les services secrets ne sont de plus jamais bien loin. Se greffent là-dessus les dessous (!) de deux campagnes présidentielles : celle de 1995 (pour le financement) et celle de 2007 (pour la rivalité Sarkozy-Villepin). L'enquête de Denis Robert sur la société Clearstream va être instrumentalisée dans ce contexte.
La première qualité du film est de rendre assez aisée la compréhension des principaux enjeux. Je conseille toutefois de prendre quelques renseignements avant de se rendre en salle. (Sur le sujet, je recommande le documentaire Manipulations, qui s'appuie sur le travail de Pierre Péan et Vanessa Ratignier.) On reste néanmoins un peu sur notre faim, à propos de Clearstream et sur les rôles respectifs de Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Concernant ce dernier, je suis persuadé que, soit il a poussé à la création de la liste trafiquée, soit il l'a fait circuler en sachant qu'elle était fausse. Concernant Nicolas Sarkozy, plutôt une victime dans cette affaire, il semble qu'il était mieux informé qu'on ne l'a dit de ce qui se machinait contre lui.
Il reste les activités de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream. La partie légale est déjà révélatrice de l'opacité du système financier international. La partie illégale (secrète, avec les comptes non déclarés) est le coeur du scandale, qui concerne essentiellement l'évasion fiscale. La partie (peut-être) franchement criminelle serait le blanchiment d'argent de différents trafics. Le film ne démontre pas l'existence de cette activité, mais la suspicion est forte. On (re)découvre surtout la force de frappe des banquiers (luxembourgeois, russes et autres...), qui savent comment utiliser les rouages de la démocratie libérale pour faire taire les impudents. De ce point de vue, L'Enquête est un très bon polar.
Il s'appuie sur d'excellents seconds rôles et une grande minutie dans la construction des plans. La réalisation est efficace, sans être virtuose. Garenq utilise bien les plongées et les contre-plongées. Il s'appuie aussi sur une bonne photographie pour les scènes de nuit, très jolies. L'ensemble forme un film "propre" (sur l'argent sale !), avec une tension sous-jacente, sans que ce soit trépidant.
23:55 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 14 février 2015
Une merveilleuse histoire du temps
Inspiré du best-seller de Stephen Hawking, le titre français indique que ce biopic va d'abord nous entretenir de la vie privée du célèbre physicien, même si son activité de chercheur n'est pas totalement laissée de côté.
Cela commence comme une bluette sentimentale. Dans les années 1960, à l'université de Cambridge, un jeune homme un peu spécial et une demoiselle bien sous tout rapport vont s'éprendre l'un de l'autre. Cette histoire d'amour est torpillée par les premiers symptômes de la terrible maladie qui frappe Hawking, la sclérose latérale amyotrophique. Dans le rôle du scientifique, Eddie Redmayne (remarqué dans la mini-série Les Piliers de la Terre... moins bon dans le film My Week with Marilyn) réalise une véritable performance, qui lui a d'ailleurs valu une nomination aux Oscar 2015.
Le film est aussi un superbe hommage à celle qui partagea sa vie pendant des années. Quand on découvre de l'intérieur le fonctionnement de ce qui est devenu un couple improbable, on est sidéré par le dévouement de cette femme, très bien incarnée par Felicity Jones (vue il y a trois ans dans une savoureuse comédie : Oh My God !).
Au départ, le "sacrifice" de cette bonne chrétienne n'était pas censé durer très longtemps : les médecins donnaient au maximum deux ans à vivre au jeune Hawking. Il est aujourd'hui grand-père... C'est donc sur la durée que l'on voit évoluer le couple. C'est représenté avec nuance et beaucoup de tact. On mesure la volonté qu'il a fallu à l'épouse pour être à la fois la mère au foyer, l'infirmière, l'amante... et l'intellectuelle qu'elle a tenté de rester. L'usure du temps finit par faire son oeuvre. Jane se sent attirée par l'organiste de la paroisse et Stephen renaît entre les mains d'une nouvelle accompagnatrice...
Notons que les débats scientifiques sont à peine esquissés. On nous dépeint juste l'ambiance de la fac de l'époque et le rôle particulier joué par l'un des enseignants, qui a les traits de David Thewlis (qu'on peut voir encore dans Queen and country). A de rares reprises, le réalisateur tente d'introduire quelques notions scientifiques (au cours d'une soirée ou dans la mise en scène d'une des dernières séquences, par exemple), mais cela reste limité. Quant aux controverses nées des travaux d'Hawking, elles ne transpercent quasiment pas. On reste au niveau de la polémique sur la (non) existence de Dieu.
Au final, même si la réalisation est très académique, cela reste une belle histoire, qui véhicule un message de courage et d'espoir (certes un peu simpliste) : dans la vie, rien n'est jamais perdu.
P.S.
A la vision du film, je n'avais pas fait le rapprochement, même si son visage me disait quelque chose. C'est en écoutant l'émission Si tu écoutes, j'annule tout de jeudi dernier que j'ai réalisé que l'ancien footballeur Frank Leboeuf fait une courte apparition, dans le rôle d'un médecin d'un hôpital bordelais, où le scientifique s'est retrouvé après qu'il a eu un malaise à l'opéra.
15:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 13 février 2015
Les Nouveaux Sauvages
Cette comédie satirique hispano-argentine s'inspire des œuvres du regretté Dino Risi, Les Monstres (1963) et Les Nouveaux Monstres (1977). Le principe est de montrer l'absurdité ou la cruauté de l'existence à partir de situations de la vie quotidienne. Les six courts-métrages qui composent ce film montrent aussi comment un événement en apparence anodin peut avoir des conséquences insoupçonnées.
La première histoire a pour cadre un avion, dans lequel s'installent des passagers très divers. Deux d'entre eux engagent la conversation. On pense assister à une classique scène de drague (lourde) entre un quinquagénaire libidineux et une jeune femme séduisante lorsque l'on découvre que ces deux personnes sont liées... entre elles, mais aussi aux autres passagers. Je vous laisse découvrir le fin mot de l'histoire.
L'action du deuxième petit film se déroule dans un restoroute plutôt bas-de-gamme, où travaillent une robuste cuisinière et une serveuse pas très sûre d'elle. Arrive un client assez odieux, qui n'a pas reconnu la serveuse avec laquelle il est pourtant lié. Un cruel dilemme se pose en cuisine, où l'une des deux femmes aimerait bien changer l'assaisonnement du plat servi au client...
Les voitures sont au cœur des trois histoires suivantes. La première met en scène un cadre supérieur un peu trop sûr de lui, habitué à ce qu'on se plie à ses volontés, et pour qui tout va déraper après un rapide passage dans une pâtisserie de luxe, située en centre-ville. Le réalisateur réussit à représenter la dégradation de la vie familiale, de la vie professionnelle et de la vie sociale à l'aide de quelques saynètes fort bien senties. Même si j'ai trouvé le fond un brin poujadiste, c'est à mon avis globalement bien vu.
La vignette suivante est peut-être celle qui va le plus loin. Assez classiquement, elle montre la rivalité de deux "coqs" en voiture, aucun ne voulant céder à l'autre. Ce n'est pas nouveau nouveau, mais j'attendais avec impatience de voir jusqu'où les scénaristes allaient pousser le bouchon. Je n'ai pas été déçu...
L'avant-dernière histoire est une critique sociale. Il est question d'un accident de la circulation, provoqué par un fils à papa. Les conséquences sont abordées au niveau de la famille de la victime, mais surtout du point de vue de la famille du chauffard, avec intervention du papa, de la maman, de l'employé de maison, de l'avocat... et du procureur. C'est de l'humour très noir, un peu amer (le plus savoureux).
On termine avec un mariage bourgeois, plus précisément le repas festif qui succède aux cérémonies et au vin d'honneur. Le début est chic et clinquant, plein de faux-semblants. Un geste anodin va déclencher la tempête, qui va (presque) tout emporter sur son passage. (Mention spéciale à l'actrice principale Erica Rivas.)
L'ensemble est à réserver aux amateurs d'humour "vache". On ne pouffe pas à chaque instant, mais l'on ricane quand même souvent.
23:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 12 février 2015
Discount
Cette comédie sociale bien de chez nous regarde du côté de Ken Loach et d'une brochette de films au casting pas forcément très glamour, mais à l'histoire prenante. C'est une plongée dans la "France d'en-bas", celle qui se trouve à la lisière du chômage et ne parvient pas à joindre les deux bouts. Elle est incarnée ici par les employés d'un "maxi-discompte", qui pourrait être Leader Price ou Lidl.
Les "prolos" sont confrontés à la modernité : celle du discours du "management", celle du chronométrage en caisse, celle de la vidéo-surveillance et celle des futures caisses automatiques.
De la demi-douzaine de rebelles se détache Christiane, très soupe-au-lait, à la gouaille parfois joyeuse. Elle est incarnée par Corinne Masiero, une habituée des productions télévisuelles qu'on a pu voir aussi au cinéma, par exemple récemment dans La Marche. Elle y avait déjà croisé M'Barek Belkouk, doté d'un bon potentiel comique.
Tous les autres acteurs sont bons. On les sent très impliqués dans ce film, qui a bénéficié d'un financement participatif. Parmi les figures connues, on trouve Pascal Demolon, vu naguère dans Radiostars. Cela pourrait donner un film "de gauche" très "politiquement correct". C'est mieux que cela.
L'histoire est tout sauf angélique. L'image de prolos solidaires alterne avec celle de personnes finalement très individualistes, un peu paumées certes, mais pas forcément altruistes. Le lien qui se noue entre les membres de la bande est d'abord forgé par l'appât du gain. Habilement, l'intrigue suggère (à travers l'exemple des vigiles) que le système dans lequel ils évoluent a tendance à les monter les uns contre les autres. Mais, bien sûr, il y a autre chose, d'autant plus que la population de la région va soutenir ces Robins des bois des temps modernes. On reste toutefois dans le cadre de la société de consommation et dans la recherche des produits les moins chers possibles. Il n'y a aucune réflexion sur la manière dont ils sont fabriqués.
L'autre angle intéressant de l'histoire est constitué par tout ce qui touche au personnage de la patronne, très bien interprétée par Zabou Breitman (vue récemment dans 24 jours). Bien qu'étant officiellement la responsable des malheurs des héros, elle est présentée comme quelqu'un de complexe. C'est une ancienne chômeuse, de surcroît mère célibataire... et musulmane. Elle s'en est sortie à la force du poignet, mais elle est soumise à de fortes pressions, n'étant que la directrice d'un établissement franchisé.
Cela donne une comédie savoureuse, qui tente d'introduire un peu de fantaisie dans un monde de plus en plus sérieux, où les êtres humains sont réduits à des chiffres dans des colonnes.
22:50 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 11 février 2015
Papa ou maman
Cela démarre par un plan-séquence assez culotté, un soir de nouvel an, dans les locaux d'un campus universitaire. Alors que j'étais venu voir seulement une petite comédie pour me changer les idées, j'ai été agréablement surpris par cette mise en train, où l'on découvre les deux personnages principaux et certains de leurs traits de caractère, dans une ambiance un peu foutraque.
On les retrouve quinze ans plus tard. Autant le dire tout de suite : Laurent Lafitte et Marina Foïs sont excellents. Le premier campe avec assurance un médecin obstétricien sympa et impliqué dans son travail. La seconde incarne de manière très vraisemblable une battante, ingénieure devenue chef de chantier, qui "porte un peu la culotte" dans le ménage. Ils sont sur le point de divorcer, mais restent bons copains (pour l'instant). La séquence du repas avec les amis est délicieuse, avec, face aux héros, deux habitués des séries télévisées dans le rôle du couple de façade, usé par la routine.
Les relations avec les (trois) enfants constituent un autre aspect de la situation de départ. N'hésitons pas à le dire (et à l'écrire) : c'est un trio de têtes à claques. L'aîné est l'archétype du fils de bourge gâté et immature, qui se prend pour un rebelle. La cadette ne pense qu'à sa poitrine (pas assez développée à son goût) et à son téléphone portable, avec lequel elle entretient une relation fusionnelle. (Si j'avais un marteau...) Le benjamin, plus sympathique, est quand même un peu capricieux et il a un côté monsieur-je-sais-tout assez insupportable.
Les spectateurs adultes attendent avec impatience le moment où les parents décident de se comporter en sales cons pour inciter leurs enfants à choisir d'aller vivre avec l'autre. Et là, je peux vous dire que ça devient jouissif. On commence doucement et subrepticement, par des allusions. Une étape est franchie quand papa et maman passent sérieusement à l'action. Florence invite un autre homme à la maison et agit, devant ses enfants, comme une personne qui ferait le trottoir. L'aboutissement est la boum à laquelle sa fille est invitée et où c'est la mère qui se montre la plus "ouverte"... De son côté, Vincent participe à une séance de krav-maga de son aîné... et la fait dégénérer d'une manière que je vous laisse découvrir. Il réussit aussi à foutre la honte au benjamin, à l'occasion d'un tournoi d'échecs.
La seconde partie du film regorge d'autres moments savoureux, certains d'entre eux faisant intervenir un hamster... auquel il arrive quelques bricoles. Dans la salle, les adultes rigolent... et les ados sont interloqués.
Même si la fin m'a un peu déçu, je recommande vivement cette comédie. J'ai ri à en avoir mal au ventre, ce qui ne m'arrive pas souvent au cinéma.
23:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Eau argentée
Ce documentaire d'Ossama Mohammed (présenté à Cannes en mai dernier) est consacré à la guerre civile syrienne. Dans sa première partie, il est composé d'un montage d'extraits vidéo postés par des Syriens sur internet. On y découvre la révolte d'un peuple (essentiellement masculin, ceci dit) avide de liberté et la férocité de la répression par le gouvernement de Bachar el-Assad.
C'est donc un film difficile à regarder, d'abord en raison de la dureté de certaines images (qui montrent les victimes de la répression) et aussi parce qu'il s'agit de vidéo numérique de qualité très moyenne (voire mauvaise).
Je ne m'étendrai pas sur les cadavres de jeunes hommes (voire d'enfants, victimes de bombardements), ni sur les têtes éclatées, les blessures sanguinolentes. Le plus étonnant est que certaines de ces images ont été tournées par des bourreaux, des militaires syriens qui ont torturé ces jeunes hommes. Le réalisateur insiste particulièrement sur l'un d'entre eux, dont les ongles des mains ont été arrachés et qui a été bastonné et, sans doute, violé.
Dans les scènes d'extérieur, on ne voit pratiquement jamais les actes de violence, juste leurs dramatiques conséquences. Même si des indications de date et de lieu dont données, cela pose quand même la question de la source, pour certains extraits. On est prié de faire confiance au coréalisateur...
... parce qu'il y a une coréalisatrice, qu'il a d'abord rencontrée sur la Toile. A l'époque, elle habite la Syrie, plus précisément la ville d'Homs. C'est une Kurde, sans doute issue de la classe moyenne et d'esprit très indépendant. (Elle ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée de combattants islamistes dans sa ville... et c'est réciproque.) Elle se prénomme Simav, qui signifie "eau argentée". Elle va prendre des risques fous pour témoigner de l'atrocité de la guerre.
On retrouve donc dans cette partie des images horribles, en général de meilleure qualité que ce que l'on nous a montré auparavant. La jeune femme filme avec une caméra numérique, alors que les "youtubeurs" ont souvent posté des vidéos prises à l'aide de téléphones portables.
L'originalité des séquences fournies par Simav est qu'elle suit des enfants (un en particulier) et qu'elle tente de leur faire classe. Elle est aussi attentive à tout ce qui vit, végétal comme animal. Au détour d'une rue, ce ne sont pas seulement des cadavres d'humains que l'on croise, mais aussi ceux de chevaux, d'ânes, d'animaux domestiques... Cela nous vaut quelques scènes très émouvantes avec des chats. On en voit de faméliques, qui mendient un peu de nourriture en miaulant. On en voit d'autres blessés, soit qu'ils ont été touchés par une explosion, soit qu'il ont été la cible de snipers particulièrement abrutis.
Aux images sont ajoutés un commentaire sobre et une musique en général émouvante. Cela donne un ensemble hétéroclite, un peu long, parfois trop répétitif, mais qu'il faut avoir vu pour connaître un peu mieux les conséquences de ce conflit qui n'en finit pas.
13:49 Publié dans Cinéma, Politique étrangère, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, politique internationale, actualité, femme, syrie, monde arabe, proche orient, moyen orient, levant
mardi, 10 février 2015
Loin des hommes
David Oelhoffen (coscénariste de L'Affaire SK1) a adapté une nouvelle d'Albert Camus, L'Hôte, dont l'action se déroule au début de la guerre d'Algérie, fin 1954. L'intrigue tourne autour de deux personnages, incarnés par deux acteurs formidables.
Viggo Mortensen s'est complètement approprié le rôle de l'instituteur humaniste, un des ces "hussards de la République" qui ont fait la grandeur de notre pays. Il vit et travaille dans un coin reculé de l'Algérie, l'Atlas saharien, situé dans le nord-ouest du territoire, mais complètement isolé des villes de la côte. Ses élèves sont des Arabes.
Sa petite vie tranquille est bouleversée par l'arrivée d'un gendarme, qui lui amène un prisonnier. Ce dernier est interprété par Reda Kateb (dont j'espère qu'il recevra le César du second rôle pour sa prestation dans Hippocrate).
Une étrange relation va naître entre l'assassin présumé et l'instituteur, ancien combattant. Tous deux vont se retrouver confrontés à la famille de la victime, qui veut se venger, à des pieds noirs du cru, qui voient en tous les Arabes des menaces potentielles, aux fellaghas, qui se méfient de cet improbable duo, et aux soldats français, qui ont ordre de "nettoyer" la région.
Dans son scénario, David Oelhoffen a quelque peu étoffé l'histoire qu'avait écrite Albert Camus. C'était sans doute d'abord une nécessité pour en faire un long-métrage. C'était aussi un moyen de faire saisir toute la complexité de la situation en 1954. On comprend ainsi la diversité du monde des pieds noirs, l'archaïsme de la société algérienne, sa misère aussi, ainsi que la brutalité de l'armée française... à laquelle ont appartenu nombre de meneurs indépendantistes algériens.
Il faut ajouter que les paysages sont superbes. Le film a été tourné en zone montagneuse, dans un désert rocheux (au Maroc), où l'on peut successivement souffrir du froid comme du chaud. (La neige, omniprésente dans la nouvelle de Camus, est toutefois absente ici.)
Des films (de fiction) récents consacrés à la guerre d'Algérie que j'ai vus, c'est sans doute le meilleur. Il ne souffre pas des (petits ou grands) défauts de Cartouches gauloises, de L'Ennemi intime ou de Hors-la-loi, œuvres estimables au demeurant.
12:53 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
dimanche, 08 février 2015
Bébé Tigre
Dans ce billet, il ne va pas être question d'un pays en développement d'Asie du Sud-Est, mais d'immigrés indiens en France. Ces jeunes hommes sont des sikhs, adeptes d'une religion minoritaire, qui s'est développée entre l'hindouisme et l'islam. Voilà pourquoi on aperçoit de nombreux turbans dans ce film, en particulier quand les hommes se rendent au temple.
Le "bébé tigre" est Many (Harmandeep Palminder, une révélation), un adolescent à statut particulier : il est mineur isolé étranger, entré clandestinement, mais sans adulte référent, puisque c'est sa famille qui l'a envoyé en France. Or, à 15 ans, âge auquel il arrive dans notre pays, un enfant doit être scolarisé. C'est la source du premier conflit, le garçon voulant surtout gagner de l'argent pour l'envoyer à sa famille.
Les choses ne se passent pas comme prévu parce que Many se révèle doué à l'école... et aussi en affaires. Il travaille au noir, pour le compte d'un compatriote qui gère aussi une filière d'immigration clandestine... et qui est pour Many une sorte de père de substitution. (Vikram Sharma est excellent dans le rôle). Le second conflit tourne autour de la légalité. Jusqu'où le garçon est-il prêt à aller ?
Dans le même temps, il s'intègre à son environnement scolaire. Il peut même envisager de nouer une relation avec une ravissante Black, Elisabeth. Mais il risque de ne pas pouvoir tout gérer... surtout s'il doit mentir à sa famille d'accueil.
Dit comme ça, cela donne peut-être l'impression d'être un film sociologique à thèse, pesant. Ce n'est pas le cas. Les acteurs, pour la plupart non professionnels, sont très bien dirigés et criants de vérité. Une réjouissante fraîcheur émane des scènes entre adolescents. Le travail de documentation du réalisateur a nourri l'ensemble de l'histoire, d'un grand réalisme, avec quelques moments de poésie, comme lors de cette journée en costumes traditionnels.
Par certains côtés, cette oeuvre m'a rappelé L'Esquive, d'Abdellatif Kechiche (en moins violent, sur le plan verbal) ou encore La Désintégration, de Philippe Faucon (en moins désespéré).
P.S.
Sur le site du distributeur, on peut télécharger un dossier de presse très bien fichu.
23:00 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société