jeudi, 16 juillet 2015
Terminator Genisys
Le premier mystère posé par ce cinquième épisode de la franchise est son titre. Pourquoi avoir écrit "genisys" et pas "genesis" (genèse) ? Sans doute parce qu'il n'est pas question que d'une création, mais aussi d'un programme informatique (en gestation), dont le nom est précisément "Genisys". C'est l'ancêtre de Skynet, le réseau qui, dans les épisodes précédents, a provoqué une guerre nucléaire et la révolution des machines. (A ceux qui ne sont pas familiers de l'univers terminatoresque, je conseille de se pencher sur les articles Wikipedia consacrés aux différents films - en évitant, bien entendu, de lire le dernier).
Dans cet opus, on retrouve Arnold Schwarzenegger en Terminator "Papy", une excellente trouvaille. Ce robot-tueur adouci par des années de fréquentation des humains est assez attachant et, surtout, il est source de nombreux gags. Je fais d'ailleurs partie de ceux qui trouvent Schwarzenegger meilleur au second degré que dans les rôles de brute épaisse.
L'une des bonnes scènes met le Terminator vieux-mais-pas-obsolète en contact avec une version beaucoup plus jeune de lui-même. Les autres machines, plus sophistiquées, sont incarnées de manière plus classique. Seul Jason Clarke (vu notamment dans Zero Dark Thirty et La Planète des singes : l'affrontement) tire un peu son épingle du jeu. Notons qu'au niveau de la distribution, on a essentiellement choisi des gars musclés, pas très brillants (à moins que ce ne soit lié à la version doublée).
Face à cette bande mecs gavés de stéroïdes se détache incontestablement Emilia Clarke, qui incarne Sarah Connor. Le scénario lui donne une place considérable, modernisant l'intrigue traditionnelle de cette catégorie de films. (Est-il nécessaire de préciser qu'en plus d'être talentueuse, l'actrice est dotée d'une plastique irréprochable ?) On peut d'ailleurs s'amuser à relever les éléments qui rendent hommage aux œuvres de James Cameron et ceux qui s'en détachent. (Il y a aussi des références à L'Armée des douze singes, de Terry Gilliam.) Entre temps, Schwarzy a vieilli, ce qui nous vaut quelques répliques à double-sens. On lui laisse quand même dire une fois I'll be back ("Je reviendrai").
Il faut dire quelques mots du scénario, qui mêle habilement plusieurs époques : les années 2029, 1984 (modifiée par rapport à la version traditionnelle), 1997 et 2017. Le principe est l'envoi de personnes dans le passé. Le spectateur moyen doit être un peu attentif mais, franchement, alors que je n'ai pas vu tous les films de la série, je n'ai pas du tout été perturbé.
Les effets spéciaux sont excellents. La caméra s'attarde peut-être un peu trop sur certains d'entre eux, histoire de nous montrer à quel point on est virtuose. Mais bon, ça passe. En ce qui me concerne, à part les pointes d'humour, ce sont les scènes d'action qui m'ont marqué. La destruction de bâtiments et de morceaux de villes est impressionnante, comme dans beaucoup de films contemporains. Cet aspect grandiloquent est souligné par la musique dirigée par Hans Zimmer. Mais les meilleures séquences sont sans nul doute celles de poursuite, en hélicoptère comme en bus, cette dernière s'achevant sur un célèbre pont états-unien (qui a récemment servi de cadre à plusieurs scènes de La Planète des singes : les origines, de Godzilla et de San Andreas).
Les défauts sont ceux des films du même genre, mais en moins pire, je trouve. On n'abuse pas trop du juste-à-temps ni de l'émotion à deux balles. On s'évertue quand même à éviter de faire mourir ceux qu'on veut garder jusqu'au bout... voire au-delà : ne partez pas au début du générique, du moins pas avant d'avoir une idée de la suite qu'on nous prépare.
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mardi, 14 juillet 2015
Les Minions
Cette animation franco-américaine met à l'honneur les petits personnages jaunes apparus il y a quelques années dans Moi, moche et méchant. Ceci dit, leur (futur) maître Gru n'est pas absent de cet opus. Les spectateurs attentifs remarqueront sa présence au "congrès des vilains" (en compagnie de sa mère) ; les autres se contenteront de noter son apparition à la toute fin de l'histoire.
D'ici là, on nous aura raconté une série d'aventures des Minions, en particulier dans les âges anciens. La longue bande-annonce qui a été abondamment diffusée nous prive hélas de l'effet de surprise. Ces scènes sont pour moi les plus hilarantes du film. Il est dommage qu'elles interviennent aussi tôt. Ceci dit, elles sont un peu plus développées que dans les extraits qui ont été offerts au public en avant-première... et attention à ne pas arriver en retard : les petits bonshommes commencent leur spectacle dès le pré-générique ! Au passage, on peut relever un hommage à Hergé, dans la séquence en mer. Stuart se comporte avec ses compagnons comme le capitaine Haddock avec Tintin dans Le Crabe aux pinces d'or (la banane ayant remplacé la bouteille de champagne !) :
La suite est quand même entraînante, avec une excellente séquence en automobile, qui garde un peu de l'irrévérence des précédents films (ce qui manque par contre souvent au reste de l'histoire).
Paradoxalement, c'est quand les héros se retrouvent dans l'assemblée de "méchants" que l'intrigue devient plan-plan. Certes, on sourit, mais il n'y a plus ce petit coup de folie perceptible dans Moi, moche et méchant 2. D'un point de vue sonore, l'arrivée aux États-Unis se traduit par un déluge de chansons (anglo-saxonnes) des années 1960-1970. Au début, ça passe. A la longue, ça saoule.
Le départ pour le Royaume-Uni relance un peu l'action. Certains clins d’œil sont réussis. Mais le personnage de la reine Elizabeth II est un peu raté... et pas du tout conforme au modèle. J'ai tout de même bien aimé les gardes qui se transforment en rockeurs chevelus et la poursuite endiablée dans les rues de Londres. Cette partie est marquée par des hommages à James Bond et à certains films à grand spectacle. L'humour est plutôt destiné aux enfants (pas trop jeunes toutefois).
L'intrigue en devient secondaire. On se fiche un peu du devenir de la couronne britannique et la référence à Chaplin (lorsque l'un des Minions prononce un discours du haut d'un balcon) tombe à plat. Heureusement, Gru se décide à débarquer...
Évidemment, il ne faut pas quitter la salle trop tôt, le générique de fin réservant quelques surprises... et quand on croit que c'est terminé, il y en a encore, au bout du bout !
C'est un agréable divertissement, mais qui, pour des adultes, ne tient pas tout à fait la route. J'ai été un peu déçu et j'espère qu'avant de sortir le suivant, les auteurs vont prendre le temps de bien préparer la chose.
PS
Entre deux facéties terminales, j'ai eu le temps de lire le générique de fin. J'ai remarqué que, parmi les personnes remerciées, on avait clairement distingué Frédérique Bredin, une ancienne élue socialiste aujourd'hui... présidente du CNC (Centre National de la Cinématographie et de l'image animée). Précisons qu'elle a été nommée en 2013 par François Hollande, son ancien condisciple de la promotion Voltaire de l'ENA.
Mais revenons à nos Minions. La production du film avait de bonnes raisons de remercier (à travers Frédérique Bredin) le CNC : celui-ci a attribué un crédit d'impôt international à ce long-métrage, comme aux précédents, d'ailleurs. Et là, j'ai tiqué. Autant cela se comprenait pour soutenir l'équipe à ses débuts, autant ici, c'est de l'argent trop généreusement distribué, à ce qui est devenu une grosse production, de surcroît accompagnée d'un merchandising particulièrement envahissant.
21:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 13 juillet 2015
Self Made
Le titre de ce passionnant film israélien est difficile à traduire. Il peut signifier "fait tout seul" ou "monté soi-même". Dans ce cas, c'est une allusion aux meubles en kit Eteca (une sorte d'Ikea proche-oriental), qui jouent un rôle important dans l'intrigue.
Ce mobilier de qualité approximative est la cause des tourments des deux héroïnes. L'Israélienne Michal voit son sommeil écourté par la chute du lit conjugal et elle va avoir toutes les peines du monde à monter le nouveau, acheté (laborieusement) par correspondance. De son côté, la Palestinienne Nadine effectue un travail abrutissant dans un entrepôt d'Eteca, d'où elle va d'ailleurs être licenciée.
A priori, c'est la seule chose qui rapproche les deux femmes. Michal est une artiste renommée, qui rejette la maternité. Nadine est la cinquième roue du carrosse familial, qui elle aimerait bien avoir un enfant. Le contraste est aussi grand entre les deux milieux sociaux : l'Israélienne est une "bobo", la Palestinienne une prolétaire. Leurs destins vont pourtant se croiser... et s'échanger, comme on nous l'annonce dans le résumé du film.
Pourtant, cette permutation intervient assez tard dans l'histoire. De surcroît, à l'écran, chaque personnage garde le physique qu'il avait dans sa précédente vie, alors que les proches ne se rendent pas compte de la substitution. A cela s'ajoutent ce qui semble être des incohérences et des choses inexplicables, qu'on a tendance à mettre au compte de l'aspect surréaliste d'une partie du film. Comme l'histoire tourne en eau en boudin, certains spectateurs sont sortis de là furieux.
C'est parce qu'ils n'ont pas compris qu'il y a un "twist"...
ATTENTION, LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX SANS DOUTE NE PAS CONNAITRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.
L'intrigue s'inspire visiblement de Muholland Drive (de David Lynch) et un peu d'un autre film israélien, 7 minutes au paradis. Il y a bien eu échange des rôles, mais plutôt des personnalités, pas des corps... et cela s'est produit avant que ne démarre l'histoire telle qu'elle nous est montrée.
Un attentat-suicide a bien eu lieu. Peut-être a-t-il été déclenché par le garçon que l'on voit accompagner Michal devenue Nadine. En tout cas, les deux femmes étaient sans doute présentes au moment de l'explosion, qui a provoqué l'échange de personnalités. Une fois ce principe posé, on peut mieux comprendre certaines scènes et le comportement des personnages principaux.
Commençons par Michal. Elle souffre d'amnésie et a visiblement été blessée à la tête. Son compagnon fait allusion à une opération et à un événement traumatique, qu'il vaut mieux ne pas ressasser. Je pense qu'il ne parle pas uniquement de l'hystérectomie qu'a subie l'artiste. Son corps a bien été touché dans l'attentat-suicide mais, comme désormais c'est l'esprit de Nadine qui l'occupe, elle ne se souvient de rien, en particulier des rendez-vous pris par Michal pour ce jour-là. On comprend aussi pourquoi son compagnon la trouve (encore plus) différente depuis "l'accident".
Quant à la Nadine qui nous est montrée, elle a l'esprit de Michal en elle. Cela explique qu'elle ait besoin des vis pour marquer son chemin. Le fait qu'elle ne le marque que dans un sens tendrait à prouver que l'attentat a eu lieu au checkpoint, où les Palestiniens subissent parfois tant de vexations. De plus, le désir soudain de maternité de Nadine, qui brise les tabous et couche avec le premier venu (le recruteur de terroristes, sans doute lié au Hamas ou au Djihad islamique), tient à son impossibilité d'avoir des enfants avec son précédent corps et à ses regrets d'avoir pratiqué une hystérectomie.
On pourrait continuer encore et analyser finement chaque séquence, pour tenter d'y distinguer ce qui est issu de la première vie des deux jeunes femmes de ce qui appartient au fantasme de la seconde. Le bouquet de fleurs est un indice.
Sinon, on peut se contenter de se laisser porter une œuvre pleine de style, qui aborde de manière originale le conflit israélo-palestinien. Shira Geffen est vraiment une réalisatrice à suivre.
22:55 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 11 juillet 2015
Le Souffle
Ce souffle est d'abord (à l'écran), celui du vent qui secoue la steppe kazakhe (superbement filmée). C'est aussi celui qui émane des humains. Au sens symbolique, c'est la vie et l'amour qui vont traverser cette histoire. C'est aussi hélas parfois le vent de la mort.
Le réalisateur Alexander Kott réussit le tour de force de mener son intrigue sans le moindre dialogue, pendant 1h25. Les paroles sont remplacées par les expressions des visages, les attitudes des corps, mais aussi les sons, qu'ils soient d'origine naturelle (le vent, le chant des animaux, le bruit de l'eau qui coule) ou humaine (produits par les véhicules et les objets qu'on manipule). S'y ajoutent quelques cris, quelques pleurs et la musique d'accompagnement, parfois rehaussée de chants féminins.
Le début du film nous fait découvrir la vie quotidienne d'un père et de sa fille. Tous deux sont mutiques mais pas inexpressifs. A travers quelques situations bien choisies et une économie de mouvements, le réalisateur nous fait comprendre toute l'affection qui lie l'un à l'autre. Le papa ne manque pas d'imagination, lui qui fait semblant de gober le soleil couchant sous les yeux de son adorable progéniture. Il est aussi conscient des nécessités de la vie : il lui a appris à conduire... et à se servir d'un fusil.
La demoiselle, qui garde par devers elle des traces de son passage à l'école, sait presque tout faire. Comme, de surcroît, elle est plutôt canon, elle est convoitée par l'héritier d'une grosse propriété des alentours, un type sympathique mais un peu lourdaud. Il aime à jouer au cowboy devant la donzelle, qui n'est toutefois pas très impressionnée.
La donne change lorsqu'un jour, un jeune homme est envoyé chercher de l'eau par le propriétaire d'une voiture en panne. Le garçon est charmant, poli, bricoleur... Désormais, la vie ne sera plus comme avant.
Très longtemps, le film nous maintient dans l'ignorance ou l'incertitude. Où le père part-il travailler tous les matins ? Pourquoi est-il tombé subitement malade ? Que viennent faire ces militaires autoritaires dans la région ? (L'action se déroule en URSS, peu après la Seconde guerre mondiale.) Dina va-t-elle choisir l'aventure avec le photographe imprévisible ou la sécurité avec le paysan fidèle ?
Avant d'obtenir les réponses à toutes ces questions, on aura eu droit à une série de tableaux éblouissants. Chaque plan contient au moins une idée marquante de mise en scène. J'ai encore en mémoire l'eau du puits, agitée par le prélèvement qu'on vient d'y opérer et qui, en redevenant plane, révèle le face-à-face énamouré entre deux personnages. Ou encore cette corde à linge, sur laquelle sont pendus leurs vêtements, les bras de la chemise de l'un enlaçant la robe de l'autre, sous l'effet du vent. Magnifique !
PS
Derrière l'oeuvre de recherche, aux grandes qualités esthétiques, se cache un propos politique que je ne peux pas dévoiler ici. Cette année, c'est au moins la deuxième fois (après Crosswind) qu'un film très ambitieux tente d'allier la forme et le fond. Je trouve néanmoins que Le Souffle est un ton au-dessus. Ce sera sans doute un de mes films de l'année 2015.
22:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 10 juillet 2015
Dior et moi
A priori, rien n'aurait dû me pousser à aller voir ce documentaire de Frédéric Tcheng, consacré à la première collection mise au point (dans l'urgence) par Raf Simons pour la célèbre maison de couture. Mais il m'a semblé que je pourrais y trouver un intérêt semblable à celui que j'avais éprouvé en regardant The September Issue. On finit d'ailleurs par croiser Anna Wintour, dans la dernière partie du film.
Le réalisateur a eu l'intelligence d'insérer des images d'archives dans celles qu'il a tournées à Paris. On (re)découvre d'anciennes collections et, surtout, on a un aperçu de la vie de Christian Dior, au tout début du film puis, à petites doses, à intervalle régulier. C'est particulièrement intéressant pour ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas grand chose du bonhomme. Par contre, l'espèce de dialogue (fictif) engagé entre le fondateur (décédé) et le nouveau directeur de collection m'a paru artificiel et la voix off m'a parfois agacé.
En revanche, la description du travail des "petites mains" (les couturières et les -rares- couturiers) est passionnante. On nous présente davantage certaines d'entre elles. On comprend qu'au sein de cette ruche, il existe une hiérarchie. Toutefois, tout le monde semble travailler en harmonie. A-t-on gommé les tensions, dans le souci de plaire à Dior ? Pas forcément, puisque lorsque Raf Simons exprime son mécontentement vis-à-vis des délais non tenus, la scène n'est pas censurée.
Du créateur belge on retiendra une indéniable audace et de l'imagination. Cela le conduit à tenter de créer des robes à partir de l'impression de toiles contemporaines. Pour que le rendu final soit meilleur, il exige l'impression, non pas sur un tissu déjà assemblé, mais sur chaque fil, séparément, à charge ensuite pour les couturières de faire les robes. Le film ne nous montre pas le détail du travail artisanal (il y a peut-être quelques secrets de fabrication à préserver...), mais on a quand même une idée de la complexité de la chose. Le résultat est surprenant... et finalement assez joli, alors que les toiles d'origine ne sont vraiment pas emballantes.
Mais la collection que Simons est chargé de présenter ne se limite pas à ces quelques robes. C'est tout un ensemble qu'il s'agit de concevoir, dans la tradition Dior. Pour ce faire, on n'a pas manqué d'énergie ni de créativité.... mais de temps ! Dans sa seconde partie, le film restitue bien la tension qui monte, surtout quand le créateur exprime son mécontentement, ou réclame des retouches de dernière minute, certaines nécessitant de revoir presque entièrement l'une des créations.
A l'écran, le bonhomme est calme, amical en dépit du barrage de la langue (il parle anglais, mais assez mal le français). Ce n'est qu'à la toute fin du film qu'on le voit craquer, sous l'effet de la tension produite par la présentation de la collection complète.
Celle-ci va bénéficier d'un écrin magnifique : une maison particulière, à Paris, qui était à louer et qu'on va réaménager pour le défilé. Raf Simons a l'idée de décorer les pièces avec des tapisseries de fleurs (naturelles). Au vu du coût, on va jusqu'à consulter le patron de LVMH et propriétaire de Dior, Bernard Arnault (dont on se garde bien de préciser à quel point il aime la Belgique). Il donne son accord et, franchement, le résultat est splendide.
On termine par l'organisation et le déroulement du défilé. On recrute les mannequins, on décide du parcours... et on invite des "pipoles". Ce n'est pas la partie la plus intéressante, même si (peut-être involontairement) le film met à jour une sorte de mécanique, les modèles ressemblant davantage à des robots qu'à des humains.
L'ensemble forme un documentaire indéniablement original, parfois passionnant.
PS
Incidemment, le film évoque les relations de la maison de couture avec ses clientes. Les exigences de l'une d'entre elles (américaine) ont compromis l'achèvement de la collection dans les délais. Mais, comme le déclare la gestionnaire, quand une personne qui vous commande chaque année pour 350 000 euros de vêtements demande que la "Première" (couturière) vienne effectuer des retouches, on ne dit pas non.
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mardi, 07 juillet 2015
Tale of Tales
C'est une adaptation du Conte des contes (dit aussi le Pentamerone), de l'Italien Giambattista Basile, datant du premier tiers du XVIIe siècle, avant donc les œuvres de Charles Perrault. Trois des histoires du recueil ont été choisies. Indépendantes les unes des autres, elles finissent toutefois par se croiser.
Dans La Reine, Salma Hayek incarne une souveraine belle mais infertile, malédiction qu'elle va tenter de rompre à l'aide de son royal époux... et d'un conseiller un peu spécial. Cela nous vaut la première scène du film faisant intervenir un monstre et, un peu plus tard, la première scène un peu "crade". Chaque histoire comporte sa part de merveilleux et de sordide (et même d'horreur), une caractéristique propre aux contes traditionnels, écrits pour émerveiller et effrayer à la fois... ce que les critiques qui ont "descendu" le film ont semble-t-il oublié.
Contrairement à ce que certains ont affirmé (notamment au Masque et la Plume diffusé dimanche 5 juillet), Salma Hayek joue bien... mais, pour certaines personnes, il était impensable de faire l'éloge de l'épouse de François-Henri Pinault. Par souci de réalisme, on peut quand même regretter que la reine ne vieillisse quasiment pas, alors que l'histoire s'étend sur près de vingt ans. Au niveau de la distribution, l'actrice franco-mexicaine est épaulée par John C. Reilly (vu notamment dans Carnage) et un excellent duo de jumeaux (les frères Lees).
Dans La Puce, un roi veuf (interprété par Toby Jones, abonné aux seconds rôles dans les grosses productions) se prend d'affection pour un insecte, qu'il va abondamment nourrir... Dans le même temps, sa fille est devenue une belle jeune femme, qui rêve d'amour et de vaillant chevalier. La réalité va quelque peu la décevoir... C'est la plus violente des trois histoires. Notons qu'elle fait intervenir un ogre, auquel le Français Guillaume Delaunay prête ses traits. (On a pu le voir récemment dans Michael Kohlhaas.) Celui-ci se lie (d'une manière que je me garderai bien de révéler) à la princesse, incarnée avec talent par la jeune Bebe Cave. Dans ce conte, les rebondissements sont particulièrement nombreux. Le réalisateur Matteo Garrone y fait aussi montre d'un grand savoir-faire.
Mais la plus "glauque" des histoires est sans conteste celle des Deux Vieilles, qui met en scène un roi libidineux, auquel Vincent Cassel donne toute sa fougue et toute sa verve. On y voit beaucoup de chair étalée, de la jeune douce et lisse et de la moins jeune, plus fripée. Un quiproquo sert de base au conte. Le roi veut à tout prix rencontrer la femme dont le chant l'a captivé. Cela va conduire deux sœurs inséparables à organiser des stratagèmes pour le duper... et se sauver. C'est excellent, avec des pointes d'humour.
L'ensemble bénéficie d'un très bel "emballage", avec des costumes superbes et des décors somptueux. Il convient aussi de souligner l'excellent travail réalisé par l'équipe de maquillage. Le tout est accompagné d'une musique envoûtante, signée Alexandre Desplat. Seul bémol à mon enthousiasme : c'est long (2h15) et ça se sent. Il aurait fallu pratiquer quelques coupes. Sinon, c'est une magnifique œuvre d'imagination, pour grands enfants.
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dimanche, 05 juillet 2015
Vice Versa
La dernière production Disney-Pixar joue sur une intrigue dédoublée, une se déroulant dans le monde réel, l'autre dans la tête de l'héroïne Riley. La première partie du film montre les premiers pas de l'enfant et la formation des émotions, de la mémoire et de la personnalité dans son cerveau. C'est d'une indéniable originalité... et cela témoigne d'un grand amour de l'enfance, sans que ce soit cucul-la-praline. Je crois que je n'ai jamais vu de séquence qui rende aussi bien hommage aux débuts d'un bout-de-femme.
Notons que la (très belle) musique est signée Michael Giacchino, qui œuvre aussi bien pour la télévision (Alcatraz, Fringe) que pour le cinéma (La Planète des singes : l'affrontement et, très récemment, Jurassic World).
Les jeunes spectateurs ont sans doute été plus sensibles à l'apparition des personnages incarnant les émotions. Joie est une sorte de Fée Clochette, archétype de la grande sœur responsable et pleine d'entrain. Tristesse est une gamine boulotte et dépressive. Peur est un grand échalas pas sûr de lui. Dégoût est une djeunse en pleine crise d'adolescence et Colère une petite boule de nerf (mon préféré). Ce second degré est une des bonnes trouvailles des scénaristes. Il s'ajoute à leur représentation visuelle : ce sont bien évidemment des "émoticônes". Cette animation donne vie à des symboles qui pullulent sur la Toile.
La bonne surprise suivante est de découvrir que l'on a eu l'idée d'adapter le procédé à d'autres personnages. On apprend ainsi ce qui se passe dans la tête de chacun des parents. C'est hilarant. Le comble est atteint en fin d'histoire, où l'on nous livre une série d'impressions en rafale. J'ai particulièrement aimé celles du chauffeur de bus... et celle du "guique" complexé qui se retrouve face à cet être étrange et inquiétant... UNE FILLE ! Alerte !!!
Un déménagement vient rompre la mécanique mise en place. De plus, Riley a grandi. La pré-adolescente ne réagit plus tout à fait comme l'enfant que ses parents ont connue. Le récit se fait plus sombre. Ici Pixar se montre fidèle à la tradition des contes adaptés jadis par Disney : à l'arrière-plan d'une histoire féérique se trouve parfois un fond macabre. Que les parents se rassurent : le film n'en devient pas effrayant pour autant. Néanmoins, il suscite une certaine inquiétude... et permet à l'intrigue de "tenir" la durée (1h40).
C'est désormais dans la tête de Riley que les événements se précipitent. Joie et Tristesse se lancent dans une quête périlleuse au sein de la mémoire profonde et des "îles de la personnalité". Elles vont y faire plusieurs curieuses rencontres et en apprendre plus sur elles-mêmes et leurs missions.
Sans être aussi drôle que d'autres productions Pixar, Vice Versa n'en est pas moins un excellent divertissement, avec un contenu élaboré.
P.S.
A Rodez, on n'a pas eu droit au court-métrage Lava qui passe en première partie, dans certaines salles...
11:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 02 juillet 2015
Jurassic World
Voici les dinosaures de retour, avec un petit nouveau... ou plutôt, une petite nouvelle, résultat de bidouillages génétiques pour le moins téméraires. C'est la seule création (de taille, parce que la petite nouvelle grandit vite... et plus qu'attendu) de ce film qui recycle quantité d'éléments vus ailleurs... notamment dans le premier opus de la série, auquel il est lourdement fait référence à plusieurs reprises. On s'attend donc à voir surgir à un moment ou à un autre un tyrannosaure... Il convient d'être patient.
Comme la dinosaurette devient une tueuse en série et que l'action se déroule dans une zone touristique, on pense évidemment aux Dents de la mer, volume 3, à cause du sexe féminin de l'animal et du cadre (un parc d'attractions).
Notons que les effets spéciaux sont très réussis. Ils rendent vivants aussi bien les velociraptors que les diplodocus (la mort de l'un d'entre eux étant particulièrement émouvante). Ils culminent dans un affrontement que rien ne laisse prévoir... mais qui ne surprendra pas ceux qui ont vu le dernier Godzilla.
Quant aux acteurs, ils font ce qu'ils peuvent... et ils se débrouillent assez bien, ma foi. On a recruté du lourd, avec, dans le premier rôle féminin, Bryce Dallas Howard (la fille de Ron), dont on a déjà pu apprécier le talent dans Au-delà et La Couleur des sentiments. Lorsque l'actrice est filmée en gros plan, les spectateurs attentifs remarqueront qu'en dépit de son incontestable beauté, la jeune femme a visiblement cru avoir besoin de recourir à quelques retouches chirurgicales. Triste époque... A son actif, on peut lui reconnaître une belle énergie, qu'elle met à profit pour piquer plusieurs sprints salvateurs, à des moments-clés de l'intrigue. Les spectateurs sont priés de croire que, dans la jungle comme sur le bitume, l'héroïne "performe" en talons hauts... Les voyeurs apprécieront néanmoins de constater que sa tenue impeccable du début se dégrade progressivement... Elle finit par ressembler à certaines compagnes de King Kong, à ceci près qu'ici c'est une executive woman qui ne s'en laisse pas compter.
A ses côtés, ce sont les seconds rôles masculins que l'on remarque, même si Chris Pratt se débrouille correctement. (Dans la version française, il a la voix de David Krüger, qui double notamment Shemar Moore -alias Derek Morgan- dans la série Esprits criminels.) Vincent d'Onofrio (inspecteur Goren pour les intimes), que l'on a vu récemment dans Night Run, incarne un méchant au bide proéminent. Chez lui aussi une partie de l'anatomie a été "améliorée" : les dents.
Chez les scientifiques, c'est le personnage interprété par B.D. Wong qui ressort. Rappelons que cet habitué de New York Unité Spéciale était présent dans le premier Jurassic Park. Se distinguent aussi Irrfan Khan, qui nous avait ravi en 2013 dans The Lunchbox... et Omar Sy, impeccable dans la petite part qui lui est réservée.
Les dialogues ne se signalent ni par leur brio ni par leur platitude, contrairement à ce que l'on peut voir dans nombre de superproductions. De plus, le film n'est pas exempt d'humour. A plusieurs reprises, il se moque (gentiment) des ados et, assez tard dans l'histoire, on nous propose la mise en scène du "râteau du siècle" ! Même la dinosaure mutante sait se montrer vicieuse espiègle... à sa manière. Ce personnage de prisonnier aux super-pouvoirs, qui, échappé de son univers carcéral, devient un danger pour toute la société, est très réussi, au premier comme au second degré. Il compense les invraisemblances dont l'intrigue est parsemée : on sent bien quand les scénaristes ont décidé de ne pas faire mourir tel ou tel personnage.
Le fond n'est pas idiot. On perçoit la dénonciation des apprentis-sorciers de la science, ainsi que le rejet des militaristes sans scrupules. Après, comme c'est une production Spielberg, il ne faut pas s'étonner d'y retrouver un éloge appuyé des "valeurs familiales".
Le résultat est plaisant, sans être enthousiasmant. Et, attention, on nous prépare une suite...
23:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 28 juin 2015
Cavanna, jusqu'à l'ultime seconde, j'écrirai
C'est le titre du documentaire que le journaliste Denis Robert (dont le travail d'investigation a été récemment l'objet d'une fiction, L'Enquête) et sa fille ont consacré à feu François Cavanna, l'un des "historiques" de Charlie Hebdo. C'est une oeuvre au goût d'inachevé, parce que l'écrivain est mort en janvier 2014... et parce que les journalistes n'ont pas eu le temps d'interroger en profondeur tous ceux qui l'ont connu, les frères Kouachi s'étant chargés (en janvier 2015) de réduire d'un coup la liste des interviouvables.
Ce sont d'abord les images qui marquent. Il y a celles du Cavanna plus jeune. Je n'ose pas dire jeune, parce qu'il avait déjà la quarantaine quand Hara-Kiri a rencontré le succès. Les gens de ma génération ne l'ont connu que grisonnant, voire blanchi sous le harnais, les moustaches bien pendantes. Le choc principal vient des entretiens filmés peu avant sa mort. Lui qui débordait d'énergie était visiblement très diminué, quoique globalement lucide.
Le documentaire se concentre sur deux points : les années de gloire (autour de Hara-Kiri et du premier Charlie Hebdo) et le travail de l'écrivain. A ceux qui sont familiers de l'histoire de ces journaux, le film n'apprendra rien, sauf peut-être par la voix de Sylvie Caster (qui a longtemps tenu une rubrique dans Le Canard enchaîné), qui fut très proche de lui, à une époque.
Quant au travail de l'écrivain, il est abordé essentiellement à partir de la réception de quelques oeuvres emblématiques. Les séquences sont d'ailleurs rythmées par des extraits de sa prose. Toutefois, j'ai trouvé cela un peu convenu. Pourtant, on a essayé d'introduire un peu d'inventivité visuelle dans le documentaire (avec notamment l'incrustation du bonhomme préhistorique), mais il manque la truculence de l'écrivain, que Denis Robert n'est pas parvenu à restituer. Quant aux extraits de la cérémonie d'hommages qui avait été organisée en son honneur, ils n'ont d'intérêt que par leur côté inédit et parce qu'on y retrouve des personnes aujourd'hui disparues.
Un problème se pose au niveau de la dernière "carrière" de Cavanna : celle de simple chroniqueur dans le Charlie deuxième mouture (sous la houlette de Philippe Val), alors qu'il était devenu officiellement propriétaire du titre. Les productions de cette époque sont totalement absentes du documentaire, alors que l'écrivain s'y est révélé excellent pamphlétaire, s'attaquant aux intégristes de tout bord, à la corrida, à l'inculture...bref à la connerie.
Denis Robert a choisi une assez grande diversité de témoins. Parmi ceux-ci, il donne beaucoup la parole à Siné. C'est évidemment voulu ainsi. Lorsqu'il est question de la période Val, il tente d'en faire dire le plus de mal possible par Cavanna. Il ne tient pas du tout compte de l'évolution qu'a connue l'hebdomadaire satirique entre sa renaissance, en 1992, et le départ de Philippe Val, en 2009. Les années 1992-2004 ont été pleines de vigueur et de diversité. Ce parti-pris est regrettable, parce que l'on sent bien qu'il manque quelque chose à ce documentaire.
21:07 Publié dans Cinéma, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 21 juin 2015
Goshu le violoncelliste
Cette animation japonaise d'Isao Takahata (dont on a récemment pu voir Le Conte de la princesse Kaguya) date du début des années 1980. Elle a révélé un réalisateur de grand talent. Elle est aussi connue pour marier le dessin et la musique, celle de Ludwig van Beethoven, dont la Symphonie pastorale traverse l'histoire.
Goshu est un jeune musicien maladroit, "gauche", mais désireux de s'améliorer. Il appartient à un petit orchestre, qui ambitionne de remporter une compétition régionale. Pour cela, il faudrait que tout le monde joue à son meilleur niveau. Goshu, qui vit à l'écart de la ville et mange les produits de son jardin, va être aidé par des animaux, en lesquels il voit d'abord une gêne. Leurs relations vont être plus ou moins conflictuelles.
Le premier visiteur est un chat facétieux, qui vit un peu aux crochets de Goshu, tout en en étant indépendant :
Je n'ai pas du tout aimé le traitement que Goshu fait subir au sac-à-puces (j'aime pô qu'on s'en prenne aux chats !), mais je reconnais que c'est le prétexte à une belle séquence, qui allie musique contemporaine et torture ! Lui répond l'une des dernières scènes du film, dans un contexte très différent.
Le deuxième visiteur est un coucou, virevoltant et exigeant :
Il va faire répéter ses gammes au jeune violoncelliste, avant de le quitter, de manière incongrue.
Le troisième "invité" est un jeune blaireau (une espèce qu'il vaut mieux éviter de côtoyer dans une salle de cinéma... et dans la vie, en général), adepte lui aussi de la musique classique. Les spectateurs attentifs reconnaîtront le petit personnage qui a salué l'assistance juste avant le début du film.
Pour terminer, c'est un duo qui rend visite au héros : une maman souris et son fils, en mauvaise santé. Comment le jeune violoncelliste pourrait-il guérir le souriceau ? Je vous laisse le découvrir.
Quand il se rend dans la salle de répétition, Goshu retrouve les autres membres de l'orchestre. Il est le plus jeune ou l'un des plus jeunes de la bande... qui comprend des adultes de tous âges et même quelques personnes dont l'acuité auditive doit être singulièrement détériorée ! En fait aussi partie une demoiselle qui semble "en pincer" pour le héros. Mais il n'a pas trop le temps de songer à la bagatelle, vu que le chef d'orchestre ne laisse rien passer à ses musiciens. C'est un personnage haut en couleurs, à l'image de ce que l'on trouve dans d'autres mangas.
L'animation a un peu vieilli. Les décors ont visiblement été réalisés à la gouache. C'est tout de même parfois superbe. On y a superposé des éléments animés qui témoignent d'un indéniable savoir-faire. L'ensemble dure à peine plus d'une heure et l'on passe un bon moment.
13:44 Publié dans Cinéma, Japon, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ciinéma, cinema, film, films
mercredi, 17 juin 2015
La Belle Promise
Cette "promise" est Badia, une adolescente orpheline, obligée de quitter l'institution où elle avait été placée à la mort de ses parents. Elle part s'installer chez ses trois tantes, à Ramallah, en Cisjordanie. Entre la jeune femme et les trois soeurs, c'est le choc.
La première, toute timide, aspire à vivre comme une ado de son époque, alors qu'elle a face à elle trois femmes que la vie a blessées. L'aînée, Juliette (interprétée par Nisreen Faour, remarquée il y a quelques années dans Amerrika), a dû renoncer à son amoureux pour élever ses soeurs cadettes. La deuxième a été brièvement mariée, à un homme âgé qui a succombé peu après la nuit de noces. La troisième, encore jeune et belle, n'a pas osé partir avec son chéri en Amérique. (Elle est jouée par Cherien Dabis, la réalisatrice d'Amerrika).
Ces femmes sont victimes d'un quadruple enfermement. Ce sont d'abord des Palestiniennes, qui subissent les incursions de l'armée israélienne, que l'on entend de temps à autre. De surcroît, à la suite de la guerre des Six-Jours, elles ont perdu la plupart de leurs propriétés. Ce sont aussi des chrétiennes, minoritaires dans une communauté massivement musulmane. Qui plus est, en dépit de leur appauvrissement récent, elles ont un niveau de vie plus élevé que celui de la moyenne de leurs concitoyens. Dès qu'elles sortent dans l'espace public, les tantes tiennent à marquer leur statut. Enfin, ce sont des femmes indépendantes, dans un monde où le pouvoir et la parole ont tendance à être monopolisés par les hommes.
Très vite, elles se mettent en tête d'éduquer leur nièce (certes ravissante, mais au comportement jugé inconvenant), dans l'espoir de rapidement la marier à un bon parti. Cela donne de jolis moments de comédie, les actrices ayant visiblement pris leur rôle très à coeur. (Soyez particulièrement attentifs aux expressions des visages.) Quant à Badia, elle reçoit tout ce qui lui arrive, le bon comme le mauvais... et elle va peut-être se montrer plus habile que ses tantes dans la quête de l'âme soeur. Mais, attention, sur cette terre chargée de sang, la politique finit par se mêler aux affaires de coeur.
Ce n'est pas un grand film, mais un nouveau petit bijou proche-oriental, entre chaleur, humour et désespoir.
20:40 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 16 juin 2015
Un Français
Voilà un film qui a fait beaucoup de bruit dès avant sa sortie. Le Français dont il est question est Marco. Au début, on le voit s'amuser avec ses potes, écouter très fort de la musique peu raffinée, insulter les gens dans la rue, dans le bus et même s'en prendre physiquement à des passants ou aux clients d'un bar. Ce pourrait être une "racaille" de banlieue... sauf que Marco est un nostalgique du IIIe Reich, adepte de la suprématie blanche.
Le scénario nous fait suivre les "héros" (Marco et ses proches) sur plus d'une vingtaine d'années. On les découvre en 1988, colleurs d'affiches pour le FN. On les retrouve à la présidentielle suivante. Marco a intégré le service d'ordre du parti d'extrême-droite. Plus tard, il est en Guadeloupe, employé dans un bar, à l'été 1998. La quatrième époque nous le montre, de retour en Métropole, au moment des manifestations contre "le mariage pour tous". Entre chaque, des ellipses ont été ménagées.
On perçoit le changement à travers l'évolution de l'apparence physique des principaux personnages. Ainsi Marco (Alban Lenoir, formidable) est d'abord un skinhead très mince et musclé, avant de devenir un gorille baraqué aux cheveux courts (et non plus rasés), enfin un quadra barbu avec des poignées d'amour. D'après les secrets de tournage d'Allociné, le réalisateur a tourné les séquences à rebours, demandant aux acteurs de perdre du poids et de raccourcir progressivement leur coupe de cheveux, un peu de maquillage faisant le reste.
Du côté de l'interprétation, outre Alban Lenoir, il faut citer Samuel Jouy (dont le personnage semble inspiré d'une personne réelle), Jeanne Rosa et Lucie Debay, une brochette de jeunes acteurs peu connus du grand public et pourtant très talentueux.
C'est donc du cinéma de bonne facture, mais dont le fond a parfois suscité le malaise. C'est d'abord assez violent, comme la vie des personnages qui nous est racontée. C'est aussi très cru au niveau des dialogues, avec de nombreux propos orduriers et racistes, surtout dans la première partie. Des spectateurs "de gauche" ont été dérangés par cette présentation très réaliste et sans jugement moral. Les skinheads sont dépeints, dans leur majorité, comme des jeunes en perte de repères, un peu cons, mais pas si mauvais que cela, au bout du compte.
A droite, c'est la seconde partie du film qui est restée en travers de la gorge. Elle montre que les anciens voyous se sont parfois bien intégrés au parti de la famille Le Pen. (On en retrouve aussi dans les partis de la droite "classique".) Elle met en scène les fractures de classes qui traversent la droite nationaliste, entre les prolos bas-du-plafond et la bourgeoisie "prout-prout", qui salive en songeant à une alliance avec la droite de l'UMP.
Marco va connaître un parcours atypique, grâce principalement à deux rencontres, déterminantes dans des genres différents. Il y a d'abord ce pharmacien humaniste, très bien interprété par Patrick Pineau. Il y a aussi son amoureuse, avec laquelle il va connaître une relation tumultueuse.
Cela donne un film fort, remuant, pour moi plus réussi dans la première partie que dans la seconde, qui tombe parfois dans le simplisme.
23:50 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, politique
mercredi, 10 juin 2015
San Andreas
Cela commence par une scène assez jouissive : une jeune automobiliste, qui écoute une daube pop au volant de sa voiture, répond au téléphone, sans cesser de conduire... et commence à moins regarder la route. On se dit qu'un accident va lui arriver... sauf que c'est un séisme qui va le provoquer. A l'image d'autres épisodes du film, c'est spectaculaire... mais l'on se dit que la donzelle met quand même un peu de temps à défunter... C'est parce qu'il fallait permettre au héros de débarquer.
Voilà donc une équipe de secouristes qui déboule en hélicoptère. A l'intérieur, que du lourd : des anciens d'Afghanistan et surtout Ray, pilote sans peur et sans reproche, incarné par Dwayne Jonhson, musclé comme un déménageur qui aurait dévoré deux culturistes au petit-déjeuner. On nous fait comprendre qu'en plus d'être hyper-compétents, ces mecs en ont dans le pantalon.
Après ça, on nous plonge dans un amphi universitaire californien, dans lequel on ne peut pas ne pas remarquer que presque tous les étudiants sont équipés d'un ordinateur portable d'une marque fruitière. Les dialogues sont là pour donner une caution scientifique à l'intrigue. On en découvre une application pratique dans la séquence suivante, autour du barrage Hoover, dans le Nevada. Là encore, les effets spéciaux sont bluffants, mais le côté humain est très convenu.
La pause suivante nous présente la fille du héros, Blake, incarnée par un petit canon auquel le scénario prévoit de donner une place importante dans l'action. Sans trop en dire, je peux révéler que son personnage n'est pas sans ressembler, par certains aspects, à celui des héroïnes de la série Révolution et du long-métrage Divergente. Ici, les auteurs ont tenté de donner une épaisseur familiale à l'histoire. Les parents sont séparés, la mère (interprétée par une ancienne beauté dont le visage a subi les ravages du bistouri) s'étant même installée chez son nouveau petit copain, un architecte millionnaire dans lequel les amateurs de la série Forever (actuellement diffusée sur TF1) reconnaîtront sans peine l'immortel Henry, alias Ioan Gruffudd.
Hélas, ici, on lui a attribué un rôle assez antipathique. De surcroît, il n'est pas doublé par la même voix que dans la série, ce qui est fort dommageable. Ce n'est par contre pas le cas de Hugo Johnstone-Burt, dont on reconnaît bien la voix française. Ici, il est un charmant garçon, un peu maladroit, mais qui va se révéler d'un précieux secours dans les moments difficiles, un peu à l'image du brigadier Collins, qu'il incarne dans l'excellente série policière (historico-féministo-humoristique) Miss Fisher enquête.
On a à peine le temps de se réjouir de retrouver ces vieilles connaissances que de nouvelles secousses se produisent. Cette fois-ci, Los Angeles est touchée. Pour moi, c'est à ce moment-là que le film atteint son apogée. Entre le sol qui se soulève, se craquelle, et les immeubles qui s'effondrent de différentes manières, on est servi, question effets spéciaux. Quand, un peu plus tard, vient le tour de San Francisco, on est presque déçu. La séquence de L.A. est aussi marquante par ce qu'elle évoque. Dans la manière de filmer, dans le choix des plans, on perçoit clairement des références au 11 septembre 2001.
A San Francisco toutefois, on nous a préparé une belle surprise : un tsunami, mis en scène avec brio. (Il tient la comparaison avec ce que l'on a pu voir dans Au-delà, de Clint Eastwood.) Le problème est que, depuis que certains personnages sont montrés évoluant dans ce qui est censé être San Francisco, on voit clairement à l'écran qu'ils ne se trouvent pas sur le même plan que les décors. J'ai du mal à comprendre que, dans une production à gros budget comme celle-ci, on n'ait pas prêté plus d'attention à "l'effet fond vert". (Remarque : j'ai vu le film en 2D.)
S'ajoute à cela une fin très convenue, avec un ultime sauvetage qui n'est pas le moins invraisemblable de tous. C'est dommage, parce que le spectacle de la première moitié du film m'avait beaucoup plu.
23:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 07 juin 2015
Citizenfour
C'est l'un des noms de code d'Edward Snowden, cet ingénieur informaticien américain qui a dénoncé l'espionnage industriel pratiqué par la NSA par l'intermédiaire des moyens de communication numériques. Ce documentaire de Laura Poitras montre comment le scandale a éclaté. Il a été tourné de l'intérieur, au fur et à mesure que les premières révélations ont été publiées par la presse, en particulier The Guardian.
Le début n'est pas des plus passionnants, d'un point de vue filmique. On entend la réalisatrice, en voix off, sur des images sans grand intérêt. Elle raconte comment elle a été amenée à rencontrer Snowden.
Cela s'anime à partir du moment où l'on se trouve dans la chambre d'un hôtel de Hong Kong. Le "lanceur d'alerte" y dialogue avec la réalisatrice, mais surtout Glenn Greenwald et Ewen MacAskill, un de ses collègues chevronnés du Guardian.
On se retrouve dans un film d'espionnage, avec un personnage principal calme, mais complètement paranoïaque, allant jusqu'à débrancher le téléphone filaire de la chambre. Il prend aussi d'infinies précautions pour qu'on ne puisse pas utiliser le film en cours de tournage contre lui et ses alliés. Pendant huit jours, d'un lundi à l'autre, l'action va être rythmée par les entretiens entre les membres du petit groupe et l'intervention progressive des médias de masse.
Les péripéties sont plus nombreuses sur la fin, quand Snowden est identifié par les services états-uniens. Il arrive quelques bricoles à Greenwald et Laura Poitras est contrainte de s'installer à Berlin, pour éviter les tracasseries de son pays d'origine.
A ceux qui ont suivi l'affaire, le film n'apprendra pas grand chose (sauf, à la fin, mais j'y reviens). Aux profanes, je conseille de lire un peu avant d'aller en salle. Même si Snowden se veut pédagogue quand il explique le système de captation des communications aux journalistes, il vaut mieux en savoir un peu au départ.
Edward Snowden ne vient pas de nulle part. Bien entendu, on pense à Julian Assange (et à Bradley Manning, sans lequel il n'y aurait sans doute pas eu WikiLeaks). Des années auparavant, Gorge profonde avait joué un rôle semblable... et il semblerait que l'informaticien ait suscité des vocations. Après avoir quitté Hong Kong, il rencontre à nouveau Greenwald. Celui-ci lui apporte une nouvelle "matière", qu'il lui communique avec du bon vieux papier et un stylo, histoire d'échapper à une caméra certes amie mais trop invasive.
On finit par comprendre que l'Allemagne (dont les services se sont montrés extrêmement coopératifs avec la NSA) serait le centre névralgique des frappes de drones. Il est aussi question d'un pays dont la population entière serait l'objet d'une surveillance des communications. D'après Rue89, ce seraient les Bahamas... mais le système s'est déjà étendu à d'autres.
Je suis sorti de là partagé. D'abord ravi de l'ingéniosité et du civisme des lanceurs d'alerte. Ensuite consterné par cette épidémie d'espionnite qui touche beaucoup trop de gouvernements.
11:40 Publié dans Cinéma, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, films, société
vendredi, 05 juin 2015
Les Terrasses
Merzak Allouache est l'un des cinéastes les plus intéressants du monde arabe. Après Le Repenti, il nous livre une photographie d'Alger vue des toits, plus précisément des toits-terrasses, caractéristiques de la région et de la ville. Il en a choisi cinq (situés à Bab El Oued, la Casbah, Notre-Dame d'Afrique, Belcourt, Telemly) où se déroulent cinq histoires en apparence indépendantes les unes des autres, mais toutes le même jour, d'une aube à l'autre.
L'habileté du scénario est de ne pas tout nous dire dès le début. On se pose des questions sur les différents usagers des terrasses. C'est aussi l'occasion d'apprécier la beauté de certains plans. La lumière est superbe et les vues d'Alger souvent étonnantes.
A Bab El Oued, quartier populaire, une mère occupe illégalement avec ses deux enfants adultes une partie du toit. La fille semble un peu dérangée et le fils est sur le point de mal tourner. Par dessus le marché, le propriétaire de l'immeuble s'est mis en tête de les expulser. Police et justice finissent par intervenir dans cette histoire sociale.
Dans la Casbah, on découvre un groupe de jeunes musiciens. A première vue, ils pourraient nous faire penser à ceux qu'on rencontre en France (et ailleurs). Mais le contexte algérien pèse sur les relations entre les personnages... sans compter qu'une autre terrasse, proche, va jouer un rôle dans leur histoire. Ici, c'est de la situation des femmes qu'il est surtout question.
La violence est immédiatement plus grande à Notre-Dame d'Afrique, ancien quartier colonial où se développe la spéculation immobilière. Deux groupes qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont se télescoper. L'un d'entre eux est composé d'une équipe de télévision. La "patronne" a l'air moderne mais l'on comprend assez vite qu'elle a un projet derrière la tête : montrer qu'Alger est la perle du monde arabo-musulman... à tel point qu'elle en nie sa part d'identité chrétienne et juive. Notons que les vues de la baie d'Alger sont superbes.
A Belcourt et Telemly, on retombe dans le drame social, avec des nuances. L'une des terrasses est occupée par un vieil homme enfermé dans une cabane. Il semble avoir perdu la tête mais l'on finit par comprendre qu'il sait sans doute des choses qui dérangent. Seule une petite fille vient lui rendre visite. Mais le propriétaire des lieux ne tolère la présence du vieillard que parce qu'elle lui permet d'utiliser le toit à d'autres activités...
Enfin, pas très loin de là, c'est la grande affluence sur la dernière terrasse. L'occupant permanent est aussi un squatteur, du genre à mener ses petits trafics au vu et au su de tous. C'est aussi le lieu qu'a choisi un boxeur pour s'entraîner... et un imam pour "conseiller" (à sa manière) une épouse intégralement voilée. C'est enfin l'endroit où va se dérouler une fête de mariage bourgeois, signe que les toits sont désormais extrêmement convoités. Cela se termine en nocturne, sur une très belle musique.
On peut y ajouter les chants religieux. L'action du film est rythmée par les appels à la prière. Il n'est pas nécessaire d'être un pieux musulman pour être touché par leur beauté.
11:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 03 juin 2015
Histoire de Judas
Rabah Ameur-Zaïmeche aime les sujets borderline. Après la bande de Mandrin, voici qu'il s'attaque au duo formé selon lui par Jésus et Judas Iscariote (qu'il incarne d'ailleurs dans le film). Il s'inspire bien entendu des évangiles canoniques, qu'il interprète à sa façon, mais aussi d'un texte non reconnu par l'Eglise catholique, l'Evangile de Judas, qui semble avoir connu un certain succès dans les premiers siècles du christianisme, bien que rejeté par l'Eglise officielle.
Autre particularité de ce film : il a été tourné avec des acteurs musulmans, en Algérie, mais en pays berbère, qui fut longtemps marqué par la culture juive (un aspect aujourd'hui méconnu dans le monde arabo-musulman).
A l'écran, lorsque l'action se déroule en pleine campagne, on est porté par la beauté des paysages. Les scènes d'intérieur, durant lesquelles le réalisateur s'est plu à jouer sur les ombres et lumières, sont de beaux moments de théâtre. Néanmoins, parfois, on sent que le film a été tourné avec des bouts de ficelle, notamment lors de l'épisode des marchands du Temple. Ameur-Zaïmeche a beau placer habilement sa caméra, on se rend parfaitement compte que les personnages se trouvent plutôt devant une bicoque qu'à l'entrée d'un important lieu de culte.
D'autres "passages obligés" sont portés à l'écran, comme l'onction de Béthanie (décrite dans trois des quatre évangiles), la "trahison" de Judas ou encore la rencontre de la femme adultère, une anecdote qui, par contre, ne figure que dans le plus récent des évangiles, celui selon Jean. (Dans deux des synoptiques, on peut reconnaître la tradition qui a donné naissance à l'histoire racontée par Jean : il y est question de la répudiation d'une épouse.)
Le réalisateur se lance aussi dans une tentative d'explication des similitudes des évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion qu'il a sans doute existé une source primitive, dit source Q, qui pourrait être un proto-évangile, écrit du vivant même de Jésus ou juste après sa mort (soit bien avant les évangiles canoniques, qui datent des années 60-90). Le scénario fait donc intervenir un mystérieux scribe, qui va susciter la curiosité de Judas, présenté comme un disciple particulièrement vigilant.
C'est là que le film choisit le texte gnostique (l'Evangile de Judas) plutôt que la "version officielle", qui fait de Judas un traître aux motivations louches. Marc et Matthieu évoquent l'appât du gain, tandis que Luc fait intervenir Satan, qui se serait emparé du bon disciple. Jean marie les deux thèses, Judas étant décrit comme un voleur dans l'épisode de l'onction de Béthanie, tandis qu'au moment de sa trahison (ici, lors de la Cène), l'intervention satanique est introduite. Pour l'Eglise catholique primitive, il fallait trouver une explication plausible à la trahison, qui avait mené à l'arrestation puis l'exécution de Jésus.
L'Evangile de Judas (et le film de Rabah Ameur-Zaïmeche) va plus loin, faisant du supposé traître le meilleur disciple de Jésus, celui par lequel la volonté divine va le mieux se réaliser.
Cela donne un film inclassable, qui invite à (re)lire les textes fondateurs du christianisme.
19:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 28 mai 2015
Mad Max : Fury Road
George Miller relance le film post-apocalyptique, avec en têtes d'affiche Tom Hardy (vu récemment dans Enfant 44 et Quand vient la nuit) et Charlize Theron (qui m'avait jadis agréablement surpris dans Dans la vallée d'Elah). Le premier nous livre une nouvelle variante du beau ténébreux au regard de braise... va falloir changer un peu de registre, mon gars ! La seconde étonne (et séduit) dans un rôle qui aurait pu convenir à la jeune Sigourney Weaver.
De toute façon, même si les acteurs sont bons, c'est d'abord un film de mise en scène. L'histoire est construite autour de séquences d'action très spectaculaires, qu'il a fallu relier entre elles. Mission accomplie pour les scénaristes : à l'écran, l'intrigue tient la route et l'on n'a pas l'impression qu'on déroule la pellicule entre deux moments marquants.
Ceux-ci sont vraiment très bien réalisés. C'est du film d'action haut-de-gamme, qui allie la rigueur de la construction des plans à des cascades véritablement chorégraphiées, le tout parachevé par des effets spéciaux qui déchirent sans être ostentatoires.
On est pris à la gorge avec la seconde séquence, celle de la tentative de fuite du héros. Mais c'est la première attaque du camion-forteresse qui est à couper le souffle. Cerise sur le gâteau : on a soigné la photographie. Sans surprise, on se retrouve avec de beaux plans jaunes-ocres du désert (namibien, sud-africain ou australien)... mais aussi avec d'inattendues scènes crépusculaires ou nocturnes, bleutées, magnifiques. Et que dire de la séquence dans la tempête !
La première heure passe donc comme un rêve. La seconde réserve quelques surprises. On en apprend davantage sur les principaux personnages... et l'on fait la rencontre d'un étrange groupe d'amazones. Suite à cela, l'action-adrénaline est de retour, pour ne plus nous lâcher presque jusqu'à la fin.
C'est donc pour moi un très bon divertissement qui, accessoirement, dit quelques petites choses sur le comportement humain... et qui accorde aux femmes une place inhabituellement importante dans les films de ce genre.
PS
Ceux qui tendent l'oreille reconnaîtront le thème principal, qui ressemble beaucoup à l'un des airs de la bande originale de 300 - La Naissance d'un empire... et pour cause : Junkie XL a œuvré pour les deux films.
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dimanche, 24 mai 2015
La Loi du marché
Vincent Lindon vient de remporter (à raison) le prix d'interprétation au Festival de Cannes, pour son rôle dans ce film très dur, mais en prise sur notre époque. En le voyant, on ne peut pas ne pas penser au très récent Jamais de la vie, de Pierre Jolivet, où se distingue un autre acteur formidable, Olivier Gourmet.
Les deux longs-métrages se ressemblent pour leur aspect sociétal et le tournage en zone commerciale. Mais le film de Jolivet est d'abord un polar, assez stylisé dans la forme, alors que le film de Stéphane Brizé est une œuvre militante, à caractère documentaire, qui louche du côté des frères Dardenne.
Ceux qui ne connaissent pas découvriront l'ambiance de réunions de chômeurs demandeurs d'emploi, l'organisation interne d'une grande surface, les rendez-vous avec la conseillère financière ou encore le directeur d'un centre éducatif spécialisé. Voilà pour le cadre.
Autant le dire tout de suite : voir La loi du marché n'est pas de tout repos... alors qu'il n'y a aucune scène d'agression physique. C'est la grande force de la mise en scène que de suggérer la violence sociale à partir de scènes en apparence anodines. (L'une des plus marquantes ne joue qu'un rôle annexe dans l'intrigue : il s'agit de la négociation autour de la vente d'un mobile home. On y sent une énorme tension, entre le premier couple, qui doit vendre mais ne veut pas se faire arnaquer, et les acheteurs, en meilleure situation financière... mais qui n'ont pas l'intention de faire le moindre cadeau aux vendeurs.)
Je trouve quand même qu'on a un peu chargé la barque au niveau du duo de héros : Karine de Mirbeck et Vincent Lindon (qu'on a vu récemment dans Le Journal d'une femme de chambre) incarnent un couple de la petite classe moyenne, dont l'époux se retrouve au chômage et qui élève un garçon handicapé. Celui-ci souffre de troubles moteurs : il est intelligent mais, au quotidien, il faut l'aider à se laver, s'habiller, se nourrir... et sans doute aussi à faire ses besoins. (Seules les trois premières activités sont montrées à l'écran.)
Je pense avoir compris pourquoi le scénario est aussi appuyé. Cela sert la démonstration. Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, on se rend compte que ce n'est pas le handicap physique qui est le plus pénible dans la vie quotidienne, mais le handicap social. La perte de l'emploi, le déclassement, la peur du lendemain, le stress intense dans le nouvel emploi sont bien plus difficiles à supporter que la situation du gamin. Dans son cas, l'attention et l'amour aident beaucoup. Dans le monde du travail, c'est de plus en plus chacun pour soi.
Les scènes en rapport avec celui-ci sont de deux types. Soit ce sont des dialogues extrêmement bien écrits, qui mettent à jour en général une situation de crise, soit ce sont des déambulations ou des visions, qui montrent (indirectement) les sentiments des personnages. (A ceux qui détestent la caméra à l'épaule, je recommande de ne pas trop manger avant la séance.)
Vincent Lindon est épatant en ancien ouvrier pas content de Pôle Emploi, ou en désaccord avec l'ancien délégué syndical. Dans d'autres scènes, il n'a pas besoin de mots pour faire passer le message. C'est notamment le cas lorsqu'il est filmé de dos, à l'hypermarché. La caméra, mouvante, aide beaucoup, tout comme les acteurs dans les rôles secondaires. On a choisi des personnes aux physiques assez ordinaires pour incarner des caissières, des vigiles, des clients (jeunes ou vieux).
Cela m'a fait aussi penser à Discount, sauf qu'ici, il n'y a guère d'espoir, pas d'utopie et qu'on se dirige droit vers un drame, mais qui ne sera pas celui qu'on croit. Le réalisateur nous prend au ventre sans nous avoir rien montré. C'est très fort, mais d'un pessimisme total sur la société française actuelle.
20:23 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 21 mai 2015
Good Kill
L'expression, que l'on peut traduire par "Bon boulot", est utilisée quand le pilote d'un drone parvient à mettre hors d'état de nuire la cible qui lui a été désignée. Encore que... les spectateurs attentifs noteront que la formule n'est pas utilisée à la fin de chaque "mission"... parce qu'il en est certaines dont les protagonistes ne sont pas très fiers.
C'est l'un des intérêts de ce film : nous montrer les questionnements des militaires qui participent aux assassinats (plus ou moins) ciblés, confortablement installés dans un conteneur climatisé en plein Nevada, loin, très loin de leurs cibles. Andrew Niccol (auteur, il y a quelques années, de Time Out) réussit une nouvelle fois son coup : susciter l'étrangeté en faisant se télescoper vie quotidienne et technologie (ici militaire).
Il met pourtant en scène une véritable coupure entre le monde de l'armée et la vie civile. Du côté des militaires, une grande variété de tempéraments et d'opinions est représentée. Les acteurs sont bons... mais je trouve que la tête d'affiche Ethan Hawke en fait un peu trop dans le genre mec-travaillé-par-sa-conscience-qui-picole-pour-oublier-sans-pouvoir-en-parler-à-personne.
Je dois reconnaître qu'il est très bien entouré : sa compagne est incarnée par January Jones (qu'on a pu voir récemment dans l'excellent Sherif Jackson), qui fait ce qu'elle peut, mais on se demande vraiment à quoi son personnage occupe ses journées et pourquoi elle s'est entichée de l'abruti d'aviateur qui fait office de mari. Bref, la crise de couple ne m'a pas convaincu.
Comme les scénaristes ont l'esprit foncièrement malsain, ils balancent entre les pattes du héros une nouvelle collègue, jeune bien roulée et pleine d'illusions. Au départ, on ne se méfie pas (en fait, moi si, parce que j'avais reconnu la donzelle). Mais, bon, sanglée dans son sac à patates magnifique uniforme, Zoë Kravitz ne semblait pas de prime abord particulièrement impressionnante :
Le regard de ses collègues va changer au cours d'une soirée, où elle se rend dans une tenue beaucoup moins protocolaire, à tel point que l'on pourrait avoir l'impression qu'il ne s'agit pas de la même personne. Je laisse aux mâles hétérosexuels le plaisir de découvrir la scène... mais voici de quoi les appâter :
Quand le regard se fait moins libidineux, on peut s'intéresser à la réalisation. Franchement, elle est brillante. Tout d'abord, on a vraiment l'impression que les personnages principaux pilotent des drones à distance. En réalité, les scènes se déroulant au sol (et vues du ciel) ont sans doute été tournées avant celles du conteneur, selon un plan précis. A charge ensuite aux acteurs assis dans la grosse boîte de faire comme s'ils étaient la cause des événements visibles sur leurs écrans.
L'autre univers autour duquel tourne l'histoire est aussi méthodiquement mis en scène. Il est même parfois lui aussi filmé du dessus. Il s'agit d'une cité-dortoir de banlieue, bon chic bon genre. Derrière la façade rutilante se cachent des existences vides, où un sinistre barbecue entre voisins constitue l'événement du siècle.
Il y a paradoxalement plus de vie dans ces contrées d'Afghanistan, du Yémen ou de Somalie, pourtant durement frappées par la misère, la guerre voire tout simplement la violence machiste. Ce n'est pas dans les scènes de potes ou de famille que l'on vibre le plus, mais lors des missions, pourtant parfois anecdotiques : il peut ne s'agir que d'observer la vie quotidienne de gens sans histoire ou bien d'assurer une veille protectrice pour des troupes au sol au repos.
D'un point de vue idéologique, le film se veut critique du recours de plus en plus fréquent aux drones : aux dégâts "collatéraux" subis par les populations du Moyen-Orient s'ajoute la déstabilisation de la vie affective des "opérateurs". On n'est toutefois pas obligé d'adhérer à la façon manichéenne dont les agences sont représentées : le Pentagone apparaît comme un modèle de rigueur et de vertu, face à la CIA, chargée de tous les maux.
PS
Pas besoin de chercher très loin pour trouver un exemple de "bavure" américaine : le mois dernier, c'est un tir de drone qui a provoqué la mort de deux otages occidentaux, au Pakistan.
23:17 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 14 mai 2015
Les 101 Dalmatiens
Ce classique du film d'animation bénéficie actuellement d'une ressortie en salles, dans le cadre du programme "Disney Heritage". En province, récemment, on a ainsi pu (re)voir Pinocchio et Le Roi Lion. Le truc est d'avoir un bambin sous la main qui n'ait pas déjà maté trois fois le film en DVD.
Dès le départ, on est cueilli par un superbe générique, une animation en construction, sur fond de musique jazzy. L'histoire commence ensuite à nous être contée, par un narrateur dont on va assez rapidement découvrir la véritable identité.
C'est souvent drôle, en particulier quand le héros, Pongo, se met en quête d'une compagne pour son maître... et pour lui. Plusieurs candidates s'offrent à ses yeux... et c'est fou comme chaque chienne ressemble à sa maîtresse ! (A moins que ce ne soit l'inverse...) La naissance et les premiers pas des chiots sont d'autres sources de gag, même si c'est d'abord sur le mode tendresse qu'ont été écrites ces séquences.
Si l'animation a un peu vieilli au niveau des décors, elle reste en revanche impressionnante de fluidité au niveau des personnages canins. Leurs évolutions sont l'un des principaux intérêts de l'histoire. Notons que les défauts de certains d'entre eux font rebondir l'histoire : le gourmand comme le fan de télévision vont mettre en péril toute la portée... et même au-delà, puisque les quinze petits de Perdita et Pongo vont rencontrer 84 autres dalmatiens ! Les chiots étant un substitut des enfants humains, il convient de saluer la prescience des scénaristes, qui, dès le début des années 1960, avaient compris quels allaient être certains des fléaux de la jeunesse : l'obésité et la fascination pour les écrans.
Les méchants sont bien campés, de manière toutefois très stéréotypée : ils sont laids (y compris dans la fiction télévisée), alors que les gentils sont plutôt beaux. Le personnage le plus gratiné est sans conteste Cruella, ultra-maquillée, fumeuse, criarde, klaxonneuse et surtout amatrice de fourrures authentiques.
L'ensemble est bon enfant, un peu naïf mais, franchement, j'ai passé un bon moment.
19:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 09 mai 2015
Le Labyrinthe du silence
Ce film allemand est consacré à la genèse du procès de Francfort qui, en 1963-1965, a contribué à (r)éveiller en Allemagne la mémoire des crimes nazis, que les dirigeants de l'époque préféraient passer sous silence.
L'intrigue, très documentée, s'inspire de l'action de personnes réelles. Mais le coup de génie est d'avoir créé un personnage principal fictif, dans lequel on a fusionné les trois procureurs qui ont enquêté à l'époque sur les camps d'Auschwitz. Cela a permis aux scénaristes de développer certains aspects "non historiques", qui donnent de l'épaisseur à l'intrigue. Ce procureur est incarné par Alexander Fehling, qu'en France on a pu voir dans Et puis les touristes, La Révélation et Inglourious Basterds.
Il est jeune, beau, brillant, ambitieux et doté d'une grande conscience morale. C'est presque une caricature de "gendre idéal". Mais il est vraiment très bien interprété. A ses côtés, on remarque Friederike Becht (vue dans Hannah Arendt), Johann von Bülow (un habitué des séries policières d'outre-Rhin) et Gert Voss, chargé d'incarner le chef du Parquet qui, dans l'ombre, a œuvré pour faire éclater la vérité.
Ce ne fut pas facile, parce qu'en haut lieu, on ne veut pas remuer la merde... et parce que la grande majorité des anciens nazis (y compris certains des plus dangereux d'entre eux) ont été réintégrés à la société allemande. Le cas de Josef Mengele (dont la vie en Argentine a été récemment évoquée dans Le Médecin de famille) est symptomatique des compromissions de l'époque. L'un des intérêts du film est donc de montrer l'indulgence dont les criminels ont bénéficié... parfois pour de surprenantes raisons. Tous ceux qui ne voulaient pas rouvrir les "plaies du passé" n'étaient pas d'anciens nazis ni même des sympathisants de l'idéologie hitlérienne. Le contexte de Guerre Froide a aussi pesé lourd.
Cela donne un bon polar, filmé de manière très classique. C'est aussi le portrait du début des années 1960, quand la RFA connaissait une période de forte croissance économique, quand les jeunes comme les moins jeunes ne pensaient souvent qu'à s'amuser.
L'autre point fort de l'histoire est de montrer l'évolution des personnages principaux. On a vraiment cherché à produire quelque chose de subtil. Le héros lui-même n'est pas épargné. Ce fils de soldat héroïque, disparu sur le front de l'Est, auquel son père a transmis les "vraies valeurs", se pose de plus en plus de questions, matérialisées à l'écran par des scènes de cauchemar. Petit à petit, son enquête lui fait découvrir certains faits dérangeants, pour lui ou pour des personnes qu'il connaît. L'une des clés de compréhension est la relation qu'il va nouer avec un rescapé des camps, un peintre qui refuse au départ de parler du passé.
C'est vraiment un très beau film, fort et pétri d'humanité.
PS
Sur le site du distributeur, on peut télécharger un dossier de presse très instructif.
PS II
Sur un site consacré aux Sonderkommandos, on peut lire les biographies des accusés de 1963.
15:15 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, histoire, film, films
dimanche, 03 mai 2015
Sea Fog
Cette "brume de mer" est à la fois réelle et symbolique. C'est un brouillard, qui gêne le travail des pêcheurs... et des garde-côtes. C'est aussi un entre-deux, une zone où les règles de la vie en société n'ont plus cours et où les passions peuvent se déchaîner.
Ce film sud-coréen a été réalisé par Sung Bo Shim, qui fut le coscénariste de l'excellent Memories of murder (mis en scène par Bong Joon Ho, auquel on doit récemment Snowpiercer).
C'est d'abord un beau portrait de groupe, ces pêcheurs artisanaux durs à la tâche (à condition que le patron soit sur leur dos...) et gagne-petit. A leur tête se trouve un capitaine soucieux du sort de ses hommes, mais d'abord obsédé par la survie de "son" bateau, que l'on menace d'envoyer à la casse. Il est incarné par Yun-Seok Kim, que l'on a notamment vu dans The Chaser.
La décision de convoyer un groupe de clandestins (des Sino-Coréens), pour le compte d'un trafiquant local, va changer leur destin. Le capitaine pense que c'est le seul moyen de sauver son bateau. L'équipage, réticent au départ, y voit un moyen de gagner rapidement beaucoup d'argent.
Les premiers contretemps surviennent au moment du chargement des clandestins. Cette belle séquence nocturne se conclut de manière positive, mais sur des constatations peu optimistes : les passagers sont plus nombreux que prévu et, dans le groupe, se trouvent deux femmes, une source potentielle de troubles...
L'action se passe majoritairement dans des ambiances sombres, parce que c'est la nuit, ou parce que l'on se trouve dans le brouillard, ou à l'intérieur du bateau, dans des pièces exiguës où néanmoins il est possible de se cacher. Les décors sont réussis, en particulier pour la salle des machines.
Deux scènes nous font comprendre qu'un des personnages est en train de basculer : celle de la venue d'un inspecteur (qu'il faut corrompre) et celle des protestations de celui qui semble être le porte-parole des clandestins. De leur côté, les hommes jeunes de l'équipage ont l'esprit de plus en plus occupé par la présence des femmes...
La suite ? Un mélange de film d'aventures romanesques et de thriller, qui culmine dans une séquence où l'on sent les références aux Dents de la mer, à Titanic, à Moby Dick... et à quelques autres longs-métrages sanguinolents. C'est (très) bien filmé, prenant et, incidemment, cela soulève d'intéressantes questions sur la nature humaine.
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samedi, 02 mai 2015
Night Run
Cette folle course nocturne ressemble étrangement à la série de films Taken, qui a pour héros un (ancien) tueur incarné par le même acteur : Liam Neeson. Les amateurs du genre ont sans doute aussi en tête le récent John Wick, dans lequel Keanu Reeves interprète aussi un ancien tueur, qui va se retrouver face à son ancien patron, à cause du fils de celui-ci. (Les similitudes entre ces deux films vont assez loin, puisqu'ils sont tous les deux construits sur la base d'un grand retour en arrière.)
On se dirige vers un truc assez prévisible. N'oublions pas toutefois qu'à la mise en scène, on a Jaume Collet-Serra, à qui l'on doit notamment Sans Identité et Non Stop (tous deux avec Liam Neeson). C'est un bon professionnel, qui filme remarquablement bien New York la nuit, même si l'on sent qu'il veut parfois nous en mettre plein la vue.
Commençons par le gros point faible de l'histoire : la relation (chaotique) père-fils, très manichéenne... (Ceci dit, dans le rôle du rejeton du tueur, Joel Kinnaman -remarqué aussi dans Enfant 44- fait bien le job.) On a récemment vu plus subtil dans la série Rizzoli et Isles, où la médecin légiste est la fille naturelle d'un caïd de la pègre irlandaise de Boston. L'un des acteurs principaux de cette série est d'ailleurs visible dans Night Run : Bruce McGill a changé d'affectation, puisqu'il est ici un homme de main du parrain.
On appréciera aussi plus ou moins la thématique de la rédemption (on est aux States, hein) : celui qui a jadis été très très méchant va chercher désormais à faire le bien... pour sa famille. Si l'on arrive à supporter un certain nombre de ces stéréotypes, on peut profiter du reste avec gourmandise.
L'action démarre vraiment avec le meurtre de deux mafieux albanais, suivi de celui du fils du caïd. Mais c'est la course-poursuite dans les rues de New York qui m'a "transporté". C'est vraiment très bien réalisé... et même comique, puisque, durant cette scène, c'est le truand devenu clean qui pourchasse des policiers corrompus !
L'intrigue va désormais s'articuler autour de l'affrontement de deux monstres : Liam Neeson (meilleur que dans Taken 3... il a un petit côté Jean-Paul Belmondo) et Ed Harris, qui a vieilli mais tient encore bien la route.
Le face-à-face culmine dans une gare ferroviaire, avec une scène touchante entre les anciens amis, désormais à couteaux tirés. Le problème du héros est qu'il a d'autres adversaires sur le dos, à commencer par un ancien "collègue", un tueur à gages cruel et méthodique... et plus jeune que lui. Par dessus le marché, il doit échapper à un redoutable lieutenant de police, qui cherche à lui mettre la main dessus depuis qu'il a commencé à tuer pour la pègre irlandaise. Là encore on a soigné le casting, puisque c'est Vincent d'Onofrio qui incarne l'enquêteur. Si certains cinéphiles ont peut-être oublié l'un des acteurs les plus doués de sa génération (révélé par Full Metal Jacket), les téléphages reconnaîtront les traits de Robert Goren, l'atypique enquêteur de New York, section criminelle.
On retrouve l'acteur hélas aussi mal en point physiquement que dans les derniers épisodes de la série. (Un autre élément est une source d'irritation : dans la version française, ni lui ni Bruce McGill ne sont doublés par leur voix coutumière.) De surcroît, il est volontairement sous-utilisé dans l'histoire (un peu comme Forest Withaker dans Taken 3), sans doute pour qu'il ne fasse pas d'ombre à la vedette Liam Neeson.
Heureusement, l'intrigue est menée tambour battant, avec notamment une excellente séquence se déroulant dans un immeuble d'appartements bon marché, où vivent majoritairement des locataires noirs. C'est là encore très bien réalisé et, cerise sur le gâteau, cela dit quelques petites choses sur la géographie urbaine de la mégapole de la côte Est. Dans le même genre, on a droit à quelques vignettes sur les petites mains de New York, comme ces ouvriers qui bossent la nuit, en plein centre-ville. L'image a beau être soignée, Jaime Collet-Serra n'est pas tombé dans les clichés habituels. Cette qualité, ajoutée aux précédentes, fait de Night Run un bon divertissement pour amateurs de films d'action.
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jeudi, 30 avril 2015
Connasse !
Que l'on se rassure : je ne vais pas profiter de l'anonymat (relatif) que m'offre ce blog pour déverser ma bile injurieuse sur le dos d'une de nos contemporaines. Ce n'est pas le genre de la maison. Cette note est consacrée au film d'Eloïse Lang et Noémie Saglio, sous-titré "Princesse des cœurs". C'est évidemment une référence à feue Diana Spencer (très présente à l'écran), dont l'héroïne a décidé de conquérir l'un des fils, le prince Harry (le rouquin).
Mais avant cela, on va découvrir la connasse en action, en France, à Paris. Camille Cottin, l'unique actrice de ce film tourné en caméras cachées, a un culot monstre. Elle incarne avec talent cette pétasse égocentrique, superficielle et raciste, dont nous allons suivre les aventures avec un plaisir quelque peu coupable. Je trouve quand même bien qu'on n'ait pas cherché à nous la rendre trop sympathique.
Dès le début, j'ai ri de bon cœur, avec cette séquence de taxi dans Paris, dans laquelle l'héroïne déploie sa verve mais aussi sa bêtise, au détriment de touristes qui n'osent rien dire, tant ils sont tétanisés par l'aplomb de la demoiselle.
Excellente aussi est la partie qui fait intervenir un notaire. (Les "secrets de tournage" d'Allociné nous apprennent qu'il a fallu essayer plusieurs professionnels avant de tomber sur celui qui sait si bien garder son flegme à l'écran.) Hilarantes sont les visions de l'héroïne, qui s'imagine dans presque toutes les situations maritales (pécuniairement avantageuses) possibles.
Vient ensuite le moment de gagner la perfide Albion. On passe en mode bilingue et on est sidéré qu'en dépit du sabir auquel l'héroïne recourt pour s'adresser aux sujets de Sa Majesté, elle arrive à se faire relativement bien comprendre. Ses efforts méritoires pour s'approcher de l'héritier de la couronne lui valent néanmoins plusieurs séjours en cellule... Se détache dans cette partie la rencontre avec un professeur de bonnes manières, dont la patience est mise à rude épreuve ! J'ai aussi beaucoup aimé tout ce qui se passe autour d'un chien, qui va vivre de drôles d'aventures...
Attention : tout n'est pas drôle dans cette courte histoire (1h20), mais le rythme est entraînant... et certains gags sont vraiment "hénaurmes" ! (Et ne partez pas trop tôt : à la fin de l'histoire succède un making-of qui a les allures d'un bêtisier.)
22:34 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 27 avril 2015
Enfant 44
Sous cet énigmatique titre se cache un virulent pamphlet antistalinien, dont l'intrigue baigne dans une atmosphère digne de la série Esprits criminels. Il est question d'un tueur compulsif, qu'on ne nous montre pas, dans un premier temps. Il s'attaque à des proies faciles : des orphelins, de sexe masculin apparemment. Le contexte est celui de la dictature de Joseph Staline, l'essentiel de l'histoire se déroulant l'année précédant sa mort, dans une ambiance de paranoïa quasi généralisée.
Le pamphlet veut prendre à rebours la propagande communiste, qui affirmait qu'au paradis soviétique, il ne pouvait exister de meurtrier. A la rigueur, seuls des individus contaminés par l'Occident ou par l'occupation nazie pouvaient "dévier".
Le scénario veut démontrer exactement le contraire. Le régime stalinien est d'abord présenté comme l'organisateur d'un véritable génocide en Ukraine, auquel des historiens ont donné le nom d'Holodomor. Il est donc responsable des vies brisées de ces millions d'orphelins qui hantent les rues des villes ukrainiennes et russes. Par la terreur qu'il inspire, le régime broie les individus, les couples et même les familles. C'est l'ère de l'hypocrisie et du faux-semblant, tant on doute de ses collègues de travail voire de ses amis proches. Et, même quand on pense ne pas devoir se méfier, on peut être trahi. C'est ce que vont découvrir les deux héros du film, Leo Demidov (Tom Hardy, au jeu parfois trop appuyé) et son épouse Raisa (Noomi Rapace, excellente, même quand on la cantonne à des postures convenues).
Le parcours de Leo, orphelin recueilli par un officier russe et devenu soldat puis enquêteur, est très bien rendu. Mais il est tout d'un bloc, un peu trop prévisible. Le personnage de l'épouse a plus d'épaisseur, même s'il est placé légèrement au second plan. Ceci dit, la séquence du train permet à Raisa/Noomi de montrer qu'elle peut déborder d'énergie ! J'ai par contre peu goûté le combat final, dans la boue. Il est typique d'une des faiblesses du film, qui abuse du "juste à temps" et aime un peu trop les brusques retournements de situation.
Mais c'est quand même globalement bien mis en scène et les seconds rôles (notamment Gary Oldman et Joel Kinnaman) sont talentueux. Le doublage est supportable, même si je pense qu'il ôte de la force aux dialogues.
Il reste cette enquête impossible, dans une URSS dont les dirigeants refusent de regarder la réalité en face. Le polar fonctionne et, sur le fond, rejoint l'argumentation politique : c'est le régime stalinien qui a créé le monstre.
P.S.
L'histoire s'inspire de la traque d'un authentique tueur en série, Andreï Tchikatilo, qui fut surnommé "le monstre de Rostov".
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mercredi, 22 avril 2015
La Promesse d'une vie
Russell Crowe s'est lancé dans la réalisation. L'acteur néo-zélandais (qui s'est quand même attribué le premier rôle) n'a pas choisi n'importe quel sujet : la bataille de Gallipoli et ses suites, qui ont particulièrement meurtri les Turcs et le contingent australo-néo-zélandais, qui a ardemment participé à cette bataille, en 1915.
La première partie de l'histoire se déroule en Australie. Elle nous présente la famille du héros, Joshua Connor (incarné donc par R. Crowe), un fermier qui semble doté d'un don pour trouver les sources d'eau (d'où le titre anglais du film : The Water Diviner). Il est très attaché à ses trois fils, qui vont partir à la guerre, loin, en Europe. Aucun ne revient. L'atmosphère est très bien campée : les images de l'arrière-pays australien sont superbes et l'on est touché par le deuil qui frappe les parents... et révolté par l'attitude du pasteur, qui n'est pas sans rappeler un épisode de Kingdom of Heaven, le chef-d'oeuvre de Ridley Scott.
La deuxième partie nous montre le fermier débarquant en 1919 dans ce qui n'est plus tout à fait l'Empire ottoman et ce qui n'est pas encore la Turquie. Le pays est en pleine guerre civile et doit de plus affronter la Grèce pour le contrôle des côtes de la mer Egée. La population est agitée par un fort courant d'anglophobie. Fort heureusement, le héros n'est agressé par personne et un gamin débrouillard propose de l'aider. Il commence par faire faire un petit jogging dans les rues d'Istanbul à notre Russell, qui s'est empâté ces derniers temps.
Le duo finit sa course devant une pension de famille un peu spéciale. Elle abrite quelques secrets et pas mal de tensions, que le héros va progressivement découvrir. Dès le début, on sent qu'entre la charmante veuve et le père éploré il y a quelque chose de possible. C'est hélas un peu trop souligné. De plus, Olga Kyrulenko ne m'a pas convaincu dans le rôle de l'épouse turque occidentalisée. Je reconnais toutefois que les scènes sont bien filmées. Un peu à l'image de George Clooney (quand il s'était lancé dans la mise en scène avec Good Night and Good Luck), Russell Crowe a voulu éviter qu'on puisse faire le moindre reproche technique à l'ancien acteur devenu réalisateur.
L'intérêt remonte avec les séquences qui se déroulent sur l'ancien champ de bataille. Joshua Connor y fait une rencontre déterminante, celle d'un ancien (?) officier de l'armée ottomane (Yilmaz Erdogan, excellent), dont on devine qu'il a des sympathies kémalistes. Des retours en arrière (notamment sous la forme de rêves) nous font comprendre quelle a été la réalité de la bataille. C'est l'une des grandes qualités du film. Alors que la scène du début avait habilement laissé les spectateurs sur leur faim, la suite ne nous cache rien de la sauvagerie des combats au niveau des tranchées, ni de l'agonie de certains soldats, abandonnés, blessés, dans le no-man's-land.
Le fantastique s'invite dans l'intrigue avec les pouvoirs du sourcier, qu'il met à contribution pour tenter de retrouver les cadavres de ses fils. Sa quête, l'amitié qui va le lier à l'officier turc ainsi que les sentiments qu'il éprouve pour la jeune veuve vont emmener le héros bien plus loin qu'il ne l'avait imaginé. Cela devient un bon film d'aventures, qui a pour cadre la Turquie dévastée, dont la situation ne s'est stabilisée qu'en 1923, avec la signature du traité de Lausanne.
L'un des intérêts de cette partie est la présentation, sous un jour favorable, des nationalistes turcs, montrés comme plus ouverts que les partisans traditionalistes de l'Empire ottoman... et surtout moins sauvages que leurs adversaires grecs. Le film prend soin d'éviter toute référence à ce qui s'est passé juste quelques années auparavant, quand certains de ces soldats ont sans doute participé au génocide arménien. Globalement, le film fait l'éloge de la civilisation turque. Le barbare n'est pas forcément celui que l'on croit. Ici encore, R. Crowe a retenu les leçons de Kingdom of Heaven (dans lequel il n'a pas joué, mais je pense que les cinq films qu'il a tournés sous la direction de Ridley Scott ont laissé des traces).
Au final, cela donne un divertissement grand public de qualité, qui, hélas, a été descendu en flèche par une critique décidément bien peu inspirée.
00:47 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 20 avril 2015
Jamais de la vie
Pour beaucoup de cinéphiles, Pierre Jolivet restera d'abord l'auteur de Ma petite entreprise, un film qui prouve qu'il est possible d'associer ambition cinématographique et représentation du réel. Ici, on est un peu dans la même veine.
Jolivet avait besoin d'un acteur "qui assure". A Vincent Lindon a succédé Olivier Gourmet, qu'on a vu récemment dans Le Temps des aveux, Terre battue et L'Affaire SK1. Cela risque de devenir banal le concernant, mais il est génial. (Le Monde lui a récemment consacré un très joli portrait.) Il s'est parfaitement coulé dans le personnage de cet ancien ouvrier syndicaliste, licencié puis devenu veilleur de nuit en CDD. Il a la cinquantaine, vit seul, est en mauvaise santé et sait qu'il aura une retraite de merde.
Mais la distribution ne se limite pas à Gourmet. Autour de lui évoluent notamment Valérie Bonneton, en conseillère de Pôle Emploi qui a du mal à joindre les deux bouts, et Marc Zinga (remarqué dans Qu'Allah bénisse la France), en collègue immigré qui vit séparé de sa famille. A noter aussi la prestation de Julie Ferrier en sœur casse-couilles.
Vous aurez donc compris que l'intrigue a un fond sociétal important. L'action se déroule dans la banlieue parisienne. On suit la vie de travailleurs pauvres. Pour s'en sortir, il faut savoir ruser, saisir les occasions qui se présentent... et, parfois, contourner la loi. Le propos est engagé, sans que l'on tombe dans la bonne conscience sociologisante. Le scénario n'élude pas la délinquance urbaine, mais il la replace dans un contexte plus large. Exprimé ainsi, ça semble un peu lourdingue mais, dans le film, c'est assez subtilement mis en scène.
L'un des plus beaux moments est la séquence qui voit le héros décider de prendre du bon temps. Un soir, il se rend au centre de Paris et s'offre un dîner dans un restaurant gastronomique. Un de ces restos chics où les clients débarquent en voiture haut-de-gamme. Un de ces endroits fréquentés par la classe moyenne aisée. Les clients sont plutôt jeunes et beaux. Ils semblent heureux, alors qu'à quelques kilomètres de là, certains de leurs concitoyens sont au bord du gouffre.
Compte tenu de la profession du personnage principal, nombre de scènes se déroulent la nuit. C'est joliment filmé. L'atmosphère de mystère contribue à accroître la tension créée par le scénario. Peu à peu, on comprend que quelque chose se trame autour du centre commercial. Beaucoup de personnages vont y être mêlés, à des degrés divers. Le dénouement surprend un peu, mais il est bien amené.
00:58 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
dimanche, 19 avril 2015
Une belle fin
Le distributeur français a choisi de modifier le titre d'origine (Still Life), sans doute parce que, dans l'Hexagone, il fait référence à un excellent film chinois, qui n'a pas grand chose à voir avec celui-ci. Encore que... tous deux mettent à l'honneur des individus d'origine modeste.
Ici, le héros est un employé municipal d'apparence quelconque. Il est scrupuleux à l'extrême, propre sur lui, limite guindé, mais n'a rien d'éclatant. Il est incarné par Eddie Marsan, un abonné des seconds rôles, qui a notamment interprété l'inspecteur Lestrade dans les récentes adaptations cinématographiques des aventures de Sherlock Holmes :
A Londres, John May se dévoue aux morts anonymes, qu'il est chargé de répertorier, d'identifier voire d'enterrer. Il traite chaque cas avec la même humanité et pousse le dévouement jusqu'à mener des investigations approfondies pour découvrir d'éventuels proches ignorés. Ce boulot a phagocyté sa vie : il y consacre aussi ses loisirs et l'objet le plus précieux qu'il possède est un volumineux album de photographies, où sont représentés tous ces morts dont il a tenté de reconstituer la vie.
La plupart du temps, ces personnes ont eu des existences chaotiques. Alcool, drogue, chômage, violence et solitude affective ont été leur lot commun. De la vieille dame qui n'a pour seule compagnie qu'un chat à l'ancien parachutiste qui a coupé les ponts avec toutes ses connaissances passées, le catalogue des vies brisées est édifiant.
L'une d'entre elles va particulièrement toucher John May. Il se lance à corps perdu dans une drôle d'entreprise. Ce qui n'était au départ qu'une recherche d'informations basiques va devenir une véritable enquête policière. C'est à la fois passionnant et touchant, parce que le héros voit sa propre vie changer. Et s'il y avait autre chose à espérer que sa rassurante routine quotidienne ? La dernière partie du film navigue entre comédie sentimentale et drame social. C'est prenant, très fort. Tous les acteurs sont excellents.
21:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 18 avril 2015
En route !
Cette nouvelle production DreamWorks démarre sur les chapeaux de roues, avec l'histoire d'un étrange peuple extraterrestre (les Boovs), qui fuit un ennemi en apparence irréductible et qui finit par s'installer sur notre planète. Assez étonnamment, les scénaristes ont choisi de les montrer en conquérants gentiment impitoyables : ils profitent de leur avance technologique pour organiser ce qu'on pourrait appeler une "épuration ethnique" (sans meurtre). C'est un aspect de l'intrigue qu'il est très surprenant de retrouver dans un film d'animation destiné au jeune public. (Pas trop jeune toutefois : les tout petits ne comprennent pas bien et décrochent vite.)
C'est ensuite que démarre la véritable histoire, celle d'une improbable amitié, qui va naître entre "Tif" l'humaine et "Oh" le Boov (très bien doublé en français par Alex Lutz). Le personnage de la jeune fille est bien campé, je trouve, et l'extraterrestre gaffeur est drôle. La rencontre-choc entre les deux fonctionne donc à merveille.
J'ai failli oublier le troisième membre du trio : Porky, un chat grassouillet et ronronnant, qui va rapidement s'accommoder de la présence de ce petit bonhomme coloré à cinq jambes. Evidemment, au départ, sa maîtresse n'a pas du tout la même attitude envers l'envahisseur. Les aventures qu'ils vont vivre ensemble vont les rapprocher.
Les péripéties s'enchaînent un peu vite au début, au risque de perdre le jeune public. L'action ralentit un peu dans la seconde moitié. C'est bourré d'humour, avec des clins d'oeil pour les adultes et du basique pour les gamins et les grands aussi (je pense notamment à un personnage qui pète par les antennes... et aux trois types de "commission"). J'ai aussi beaucoup aimé le jeu sur les couleurs des Boovs, qui varient en fonction de leurs sentiments.
De surcroît, ce film n'est pas marqué par la francophobie présente dans de précédentes productions DreamWorks (de l'odieuse policière de Madagascar 3 au portrait caricatural d'Alain Prost dans Turbo, en passant par un brin de poujadisme dans Les Pingouins de Madagascar). Paris est au centre d'une partie de l'action, avec la Tour Eiffel en vedette. Même Jeanne d'Arc (la version d'Emmanuel Fremiet) vient mettre son grain de sel ! Et soyez attentifs à ce qui arrive à un objet emblématique de la "culture française"...
Cerise sur le gâteau, le fond de l'histoire est chouette. C'est évidemment un éloge de la famille (même incomplète), de l'amitié et du dialogue entre les peuples : les conflits naissent du manque de communication... et, avec un peu de courage, ils peuvent être résolus. Seul point négatif (pour moi) : il faut se taper les chansons de Rihanna.
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vendredi, 17 avril 2015
L'Antiquaire
Cette fiction est une version romancée d'une histoire vraie, qui est arrivée à la famille de l'une des co-cénaristes, Sophie Seligmann. Son grand-père était un collectionneur d'art juif. Il a été tué par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale et ses biens ont été spoliés.
Cela nous mène au film, qui alterne les images de notre époque avec celles supposées avoir été tournées dans les années 1940. La partie contemporaine de l'histoire met en scène la petite-fille, une jeune journaliste, mariée à un commissaire-priseur, et dotée d'un caractère entier. Elle est interprétée par Anna Sigalevitch, sur les épaules de laquelle repose principalement le film.
Ses partenaires masculins sont qualité inégale. François Berléand, en père qui essaie de ne plus penser au passé, est très bon. Par contre, ses collègues nonagénaires m'ont un peu déçu. Michel Bouquet tient encore la route, mais, par moments, on sent qu'il a du mal. C'est pire pour Robert Hirsch, qui dessert son rôle. Du côté des jeunes, on peut signaler les prestations de Louis-Do de Lencquesaing (l'époux de l'héroïne) et de Niels Schneider, qui incarne un type très louche à deux âges différents... mais en gardant la même apparence physique.
L'autre élément gênant est technique. Rien qu'en regardant les images, on comprend quand on nous projette celles qui sont censées avoir été tournées il y a environ 70 ans. Mais elles font trop "modernes" et le son n'est absolument pas altéré. Cela manque de crédibilité. C'est dommage parce que ces scènes sont bien jouées. Elles introduisent un élément de mystère... et de la nostalgie, celle d'un amour disparu.
Le film n'est donc pas sans qualités. Le scénario est construit comme un polar. L'héroïne Esther mène une véritable enquête, à la fois sur sa famille et sur l'un des aspects les moins reluisants de l'histoire de France. Que sont réellement devenues les œuvres d'art qui appartenaient à sa famille ? Pourquoi son grand-père a-t-il été fusillé ? Le tout baigne dans une musique bien choisie. C'est souvent du classique... et parfois des chants en yiddish, cette langue aujourd'hui quasi disparue et qui était tant parlée jadis en Europe centrale et orientale.
P.S.
L'intrigue n'est pas sans lien avec celle de Monuments Men, qui abordait le sujet sous un angle hollywoodien (et un peu désinvolte).
P.S. II
Ceux qui aimeraient en savoir plus sur le sujet peuvent commencer par une note de synthèse, rédigée par une sénatrice, en 2013. Pour approfondir, on peut se plonger dans un rapport d'information rédigé par plusieurs députés, en 2014. Pour avoir des détails concrets (notamment en lien avec la famille Seligmann), il faut chercher dans la documentation disponible sur le site Rose-Valland (du nom de la résistante qui a permis la récupération de la majorité des œuvres volées ; elle est incarnée par Cate Blanchett dans Monuments Men).
En 2014, un bilan a été effectué des œuvres classées "MNR" qui ont été restituées : 102 sur 2 000, depuis 1951, alors que, globalement, plus des trois-quarts de ce qui a été récupéré des pillages allemands a été restitué à ses propriétaires ou ayants droit. Pages 9-10 se trouvent les objets recouvrés par la famille Seligmann... en 1999-2000.
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