jeudi, 09 juillet 2020
Lucky Strike
Le titre de ce film noir sud-coréen fait bien entendu référence à une marque de cigarettes (que l'un des personnages considère comme son porte-bonheur). C'est aussi une allusion aux "coups du sort" qui surviennent à plusieurs reprises, bouleversant l'intrigue.
A première vue, rien ne semble relier l'employé du sauna, la prostituée, le fonctionnaire des douanes, le prêteur sur gages crapuleux et la femme de ménage de l'aéroport. En fait, si : un sac de pognon, qui doit contenir l'équivalent de 500 000 dollars. De quoi refaire sa vie... à condition d'être prêt à tuer ?
A partir de là, le puzzle se met en place. Dans un premier temps, on ne comprend pas tout. Il faut un peu se triturer les méninges, tout en profitant des scènes, qui ont souvent un arrière-plan comique. On est dans la caricature, façon Pulp Fiction. Un spectateur français y percevra aussi des références aux vieux polars de l'après-guerre, style Les Tontons flingueurs et Touchez pas au grisbi.
A qui appartient réellement ce sac de voyage griffé ? Quel est le corps découvert en morceaux ? Qui est l'homme écrasé par un bus ? Et cet autre, renversé par une voiture ?
Aux personnages du début vont s'ajouter une gérante de bordel, un flic très intrusif, le cousin du fonctionnaire, un tueur au couteau (anthropophage), une petite frappe chinoise et le patron du sauna. Tout ce joli monde joue sa partition, dans une ambiance souvent nocturne, propice à tous les crimes et toutes les trahisons.
Notons que quand ils ne sont pas horriblement cruels, les personnages masculins sont principalement lâches. Les personnages féminins sont (pour moi) plus intenses, en particulier celui de la gérante du bordel, qui se révèle très tenace et pleine de surprises.
Cela ne va pas révolutionner le cinéma, mais j'ai passé un très bon moment.
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mardi, 07 juillet 2020
Irresistible
Cette comédie satirique est concentrée sur le rôle des spin doctors, ces conseillers en communication qui, outre-Atlantique (et ailleurs), ont contribué à faire de la vie politique un spectacle permanent de superficialité et de faux-semblants. On va en suivre deux, un démocrate (qui vient d'échouer à faire élire Hillary Clinton), l'autre républicaine, qui a plutôt le vent en poupe.
Attention, le trait est appuyé, parfois gras... mais j'ai apprécié, notamment la scène de réveil avec les assistants vocaux. J'ai aussi goûté la caricature du bobo de la côte Est (qui correspond au Parisien, chez nous les Frenchies), qui cherche à ne pas être trop voyant quand il se rend en province chez les ploucs du Wisconsin (un Etat rural du nord des Etats-Unis). Dans le rôle du conseiller démocrate en quête de rebond, Steve Carell est excellent.
Non moins excellents sont Chris Cooper (le vétéran populaire, aux valeurs compatibles avec les grands bourgeois des mégapoles), Rose Byrne (la salope républicaine prête à tout), Mackenzie Davis (la fille modèle, qui va se révéler particulièrement roublarde) et la brochette de seconds rôles plus vrais que nature en rednecks aux moeurs simples et rugueuses.
Nous voilà embarqués dans une improbable campagne municipale, dans une ville de 5 000 habitants qui a perdu les deux tiers de sa population depuis la fermeture de la base militaire, où la majorité des commerces ont fermé, en attendant le tour du lycée.
Dans cette campagne, tous les coups sont permis et, comme chacun des deux grands partis considère cette élection locale comme un test d'envergure nationale, ce sont des dizaines de millions de dollars qui vont être investis. (Il vaut mieux d'ailleurs connaître un peu le système politique états-unien pour savourer tous les détails de l'intrigue.)
Et puis vient le coup de théâtre, totalement inattendu, même si, après réflexion, quelques signes avant-coureurs avaient été distillés. Le réalisateur a même le culot de nous proposer trois fins alternatives.
J'ai adoré.
23:03 Publié dans Cinéma, Politique étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 06 juillet 2020
Mosquito
Ce moustique est Zacarias, 17 ans, portugais, engagé volontaire (en 1917) dans l'armée de son pays qui a rejoint l'Entente, contre les empires centraux, en particulier l'Allemagne. Le jeune homme a saisi l'occasion de fuir la vie morne et sans espoir que lui offre sa province. Il veut défendre sa patrie et les valeurs démocratiques. On comprend aussi qu'il espère être envoyé en France... et il se retrouve en partance pour l'Afrique, où se concentre ce qui reste de l'empire colonial portugais. L'une de ses possessions, le Mozambique, est d'ailleurs voisine du Tanganyika allemand :
Sur la carte des empires coloniaux ci-dessus, je n'ai fait figurer que les possessions allemandes (en rouge) et portugaises (en vert).
On découvre d'abord la troupe de bras cassés que le gouvernement portugais envoie outremer. Ils sont sous les ordres d'un vieux de la vieille, un sergent qui a fait les campagnes coloniales, du genre paternaliste et truculent (en plus d'être alcoolique et bedonnant). Celui-ci se désole de n'avoir pour renfort que des "joueurs de fado". Il tient en plus haute estime ses supplétifs africains, ses "nègres" comme il dit.
Ce film est donc une plongée dans l'univers colonial du début du XXe siècle. On est immédiatement saisi par la scène du débarquement des troupes, les soldats étant portés par des serviteurs noirs. En plus d'être signifiant, c'est superbement filmé, le réalisateur João Nuno Pinto affectionnant les plans nocturnes ou crépusculaires, en lumière naturelle. C'est souvent d'une beauté à couper le souffle.
Le plus intéressant survient quand le héros (incarné par João Nunes Monteiro, qui a beaucoup payé de sa personne) plonge au coeur du Mozambique, d'abord avec deux serviteurs africains, puis un, puis tout seul. A partir de ce moment-là, les temporalités s'entrecroisent... ainsi que les réalités alternatives. A plusieurs reprises (parce qu'il est malade ou parce qu'il a consommé des substances psychotropes), le héros a des hallucinations. Comme le réalisateur nous place dans la tête du soldat, c'est à nous de déterminer si ce que l'on voit à l'écran est la réalité ou bien la déformation de celle-ci... voire un délire complet.
Zacarias finit par atterrir dans un village gouverné par les femmes, où il va faire office d'esclave, avant d'être intégré à la communauté. Le retournement de situation est piquant, bien mis en scène, d'autant plus que seuls les dialogues en portugais sont sous-titrés. Lorsque les Africains parlent en makonde ou makua, c'est par leur gestuelle qu'on peut arriver à les comprendre. Là, le film se fait quasiment ethnographique.
Notre petit soldat va finir par rencontrer un Allemand. Les pérégrinations de ces deux Robinson de l'Afrique ne manquent pas de saveur, avant que le drame contemporain ne les rattrape. En quelques mois, Zacarias aura mûri de dix ans. Notons que le réalisateur a voulu une fin morale à son histoire. Je n'en dirai pas plus, mais sachez qu'il est question d'un lion.
Pour qui s'intéresse à la représentation de la colonisation, cette oeuvre de plasticien ne manque pas d'envergure.
22:41 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
dimanche, 05 juillet 2020
Be natural
C'est ce que lançait Alice Guy-Blaché à ses acteurs, il y a plus de cent ans de cela... et c'est le titre du documentaire consacré à la première femme cinéaste, injustement oubliée. L'an dernier, j'avais consacré un billet à cette réalisatrice dont j'ignorais jusqu'alors l'existence.
Alors que cette pionnière est française, il a fallu attendre qu'une Américaine s'intéresse à son cas pour que ce film soit tourné. L'histoire d'Alice Guy se mêle aux débuts du cinéma. A l'origine, c'est une simple secrétaire de Léon Gaumont. Mais elle est curieuse de tout et plutôt entreprenante. Comme le cinématographe naissant n'est pas perçu comme un genre majeur, en France, on pouvait laisser une femme s'y adonner... à condition que son travail de secrétaire n'en pâtisse pas !
Ce film est aussi l'occasion de voir et d'entendre la pionnière. La réalisatrice Pamela Green a beaucoup utilisé un entretien télévisuel datant de 1957, un autre du début des années 1960, ainsi qu'une émission radiophonique de la même époque. (On peut entendre un extrait ici.)
Le documentaire est aussi intéressant pour ce qu'il dit de l'occultation des femmes de l'histoire du cinéma. Du côté français comme du côté états-unien, les anthologistes semblent avoir été longtemps saisis de la même fièvre sélective... misogyne. Alice Guy a même été doublement victime, puisque non seulement on a attribué nombre de ses oeuvres à des hommes, mais qu'en plus on lui a dénié la place de première femme réalisatrice, la remplaçant souvent par une comédienne qu'elle avait lancée.
C'est toutefois aux Etats-Unis qu'Alice Guy-Blaché a connu la prospérité. Avec son mari, elle a monté un studio de production (Solax) qui rencontra le succès. On nous en décrit le fonctionnement en détail. Cette partie américaine fera découvrir à certains spectateurs qu'avant Hollywood, il y eut le New Jersey. Le film raconte dans quelles circonstances les producteurs et les cinéastes ont fini par partir s'installer en Californie.
Le documentaire est aussi une enquête généalogique. Alice Guy-Blaché a une descendance aux Etats-Unis. Grâce à des animations (notamment cartographiques), on suit le film en construction, à travers les déplacements et les échanges téléphoniques de Pamela Green. Elle nous fait partager son enthousiasme pour ses découvertes. Elle finit par mettre la main sur quantité de documents, se trouvant aux Etats-Unis mais aussi dans le reste du monde (jusqu'en Australie !). Il existait donc bien de nombreuses sources sur la vie et le travail d'Alice Guy. La longue occultation de son oeuvre n'en est que plus scandaleuse.
C'est d'ailleurs une limite de ce film : la profusion de documents mis à l'écran, parfois pendant à peine une ou deux secondes. On sent que la réalisatrice a voulu éviter que ses spectateurs ne s'ennuient. C'est réussi, mais au prix d'un défilement parfois trop rapide. J'aurais aimé pouvoir m'attarder sur certaines photographies ou certains extraits de films.
Ce documentaire n'en reste pas moins passionnant et nécessaire.
P.S.
Dans la salle où je l'ai vu (dans un cinéma lotois reconstruit), j'étais seul !
samedi, 04 juillet 2020
Jumbo
Le titre de cette inclassable coproduction franco-belgo-luxembourgeoise reprend le surnom d'un des personnages, qui s'appelle en réalité... "Move it". C'est un... manège, dont l'héroïne Jeanne (Noémie Merlant, très bien) tombe amoureuse.
Cette jeune femme vit avec sa mère, si différente d'elle. Autant l'une est réservée, pudique, peu soucieuse de son apparence, autant l'autre (incarnée par une Emmanuelle Bercot en pleine forme) est rock'n'roll, avec maquillage, décolletés pigeonnants et verbe haut en couleur.
Jeanne est "technicienne de surface" dans un parc d'attractions. Elle travaille le soir, après la fermeture, quand il n'y a plus personne... et ça lui plaît. Au boulot, elle écoute la musique qu'elle veut et, surtout, elle a le parc pour elle seule.
Sa vie connaît un tournant quand est installé un nouveau manège. Doté de grands pistons et de grosses boules, il est impressionnant... et il commence à interagir avec Jeanne. Cela nous vaut une scène qui n'est pas sans rappeler Rencontres du troisième type.
A partir de là, soit on adhère, soit on rejette l'argument du film. J'ai adhéré. Je trouve que la mise en scène parvient à faire "vivre" le manège, avec lequel Jeanne communique grâce à un code de couleurs. Une improbable relation amoureuse naît entre la femme de ménage et cette machine qu'elle frotte, qu'elle caresse, qu'elle bichonne... et qui expulse des jets d'huile ! Dit ainsi, cela pourrait sembler graveleux, mais c'est mis en scène de manière poétique... et avec un incontestable savoir-faire. (Soyez attentifs aux reflets qui apparaissent au détour de certaines scènes.)
On s'y attendait : l'héroïne suscite l'incompréhension de son entourage, en particulier de sa mère. Ce film est aussi une histoire de tolérance (le manège se substituant à un amoureux que la famille -ou le voisinage- juge inconvenant). Noémie Merlant fait pleinement croire à son personnage, une jeune femme qui préfère passer ses journées à bricoler des attractions miniatures dans sa chambre plutôt que d'étaler sa vacuité sur les réseaux sociaux.
Une difficulté majeure était de conclure cette histoire. La réalisatrice le fait avec poésie et loufoquerie.
Un peu comme Le Secret des banquises il y a quatre ans, ce petit film francophone est un ovni cinématographique auquel il faut donner sa chance.
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jeudi, 02 juillet 2020
Nous, les chiens
Cette animation sud-coréenne place les canidés au centre de l'intrigue. Ils aboient, bien sûr, mais ils parlent aussi, une licence poétique qui facilite l'identification. Car, si les auteurs ont pris soin de faire adopter aux héros des comportements authentiquement "animaux", il est non moins vrai que les caractères des personnages principaux sont inspirés de ceux des humains. Cela donne un mélange étrange, parfois naïf, mais d'une incontestable force.
Deux groupes vont entrer en contact : les "chiens des villes" et les "chiens des champs". Les premiers ont été récemment abandonnés par leur maître, mais sont restés au contact des humains, dont ils tentent de tirer leur pitance. Les seconds sont carrément retournés à l'état sauvage... et méprisent les premiers.
Voici le héros, Moong-chi (on a laissé aux personnages canins leur nom coréen), bel animal docile, dont on suit l'abandon et la progressive découverte de l'égoïsme de certains humains. Cette histoire est aussi celle de l'acquisition de l'autonomie et de la maturité, un peu à l'image d'un enfant qui grandit.
Sa rencontre avec les autres chiens abandonnés des villes est souvent émaillée d'humour. La troupe est dirigée par un petit vieux grincheux, entouré d'un grand costaud pas super-intelligent, de deux miniatures assez agitées et d'un terrier très indépendant.
Dans les rôle des méchants, on a les molosses dressés par un horrible personnage, à la fois éleveur de chiens et gérant d'une fourrière. C'est clairement une brute, capable de tout.
C'est le moment de dire que le fond de l'histoire est parfois dur (la mort et la violence sont présentes), mais qu'à l'écran, on a évité de représenter les scènes les plus choquantes. On en voit plutôt les conséquences. Les auteurs ont su pratiquer les ellipses nécessaires sans affadir leur propos.
La rencontre puis la collaboration avec les chiens de la forêt redonne du tonus à l'intrigue... et introduit un biais sentimental. Il va être davantage question d'amours canines dans la seconde partie, qui voit la petite troupe rencontrer de gentils humains.
La quête de la Terre promise, ce paradis réputé à l'abri des violences humaines ménage quelques surprises. Mais, à qui connaît un peu l'histoire coréenne, la localisation de cet endroit sauvage semblera logique. Les adultes trouveront sans doute la fin un peu trop mélodramatique, avec plus d'invraisemblances que dans le reste du film, mais l'ensemble n'en constitue pas moins un divertissement agréable... et civique.
P.S.
En voyant ce film, les cinéphiles purs et durs penseront peut-être à une autre animation, The Plague Dogs, qui date des années 1980 mais était ressortie sur nos écrans il y a quelques années de cela.
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mardi, 30 juin 2020
L'Ombre de Staline
Cette ombre s'étend sur l'Europe de l'Est et au-delà, puisque, à cette époque (le début des années 1930), le régime soviétique suscite l'admiration de milliers d'idiots utiles occidentaux, en particulier du correspondant du New York Times (très bien interprété par Peter Sarsgaard). C'est pour éclaircir le mystère des étourdissants succès économiques de l'URSS (alors que l'Occident s'enfonce dans la crise des années 1930) que le journaliste britannique Gareth Jones part pour Moscou, espérant au passage réussir la "passe de deux", à savoir obtenir une entrevue avec Staline, après celle décrochée avec Hitler.
Le jeune homme est incarné par James Norton, que les téléspectateurs connaissent pour ses rôles (très différents) dans les séries Happy Valley et Grantchester. Au cinéma, on l'a aperçu dans Mr Turner et Les Filles du docteur March. Dans la version originale, on entend le personnage principal s'exprimer en gallois, anglais et russe : c'est une coproduction britannico-polono-ukrainienne, très soucieuse de reconstituer le contexte de l'époque. (En tendant un peu l'oreille, au cours d'une séquence de partouze à Moscou, on entendra même un peu parler français, par une "participante" peu farouche...)
Au niveau de la distribution, je signale aussi la présence de Vanessa Kirby (vue récemment dans Fast & Furious : Hobbes & Shaw et Mission impossible - Fallout), dans un rôle marquant.
Ce film vaut le détour en raison de la peinture de l'aveuglement des Occidentaux (vis-à-vis de Staline comme d'Hitler, dont le pouvoir de nuisance est terriblement sous-estimé) et de la reconstitution d'un régime totalitaire encore un peu "artisanal".
Le plat de résistance est bien entendu le séjour que le héros effectue clandestinement en Ukraine (alors intégrée à l'URSS). Par étapes, il y découvre les conséquences d'une des plus terribles famines que le monde ait connue, une famine que les historiens accusent le régime stalinien d'avoir volontairement accentuée, voire créée (notamment pour briser le peuple ukrainien, rebelle à l'autorité russe). Pour moi, la séquence la plus poignante est sans conteste celle des enfants abandonnés, qui parviennent à survivre dans des conditions que je ne révèlerai pas.
Le paradoxe est que ces horreurs côtoient de la beauté, celle de la campagne ukrainienne enneigée et celle des chants tragiques des enfants, dont le héros va finir par comprendre le sens.
J'ai entendu des commentaires désobligeants de certains critiques à propos de la mise en scène d'Agneszka Holland (connue pour avoir réalisé des épisodes des séries Cold Case et House of Cards, ainsi que le long-métrage Europa Europa). Je ne partage pas ces points de vue négatifs. Les épisodes caméra à l'épaule ont leur sens : ils transmettent la vision d'un drogué, la peur d'un homme traqué ou le désarroi du héros tenaillé par la faim. Le reste du temps, c'est classique et plutôt bien fichu.
A une époque où le pouvoir poutinien remet Staline à l'honneur et où, en Allemagne, une poignée d'inconscients en appelle à Lénine, la sortie de ce film est un acte d'éducation civique.
14:56 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 27 juin 2020
La Communion
Je viens de découvrir ce film polonais, sorti avant le confinement et, fort heureusement, de retour dans les salles obscures. Le héros se prénomme Daniel. Ce n'est pas un enfant de choeur... même s'il sert la messe aux côtés du prêtre du centre éducatif fermé, où il purge une peine pour meurtre. Il y côtoie d'autres petites racailles jeunes en recherche qui ont suivi le mauvais chemin. Dans le rôle, Bartosz Bielenia est une révélation.
Grâce à son zèle, il réussit à sortir précocement du centre, avec une promesse d'embauche dans une scierie, dans un coin paumé de la Pologne. Mais il a d'autres projets. Cependant, rien ne va se passer comme prévu.
Je ne vais pas raconter ici l'enchaînement des circonstances qui conduisent le héros à se faire passer pour un prêtre. Le délinquant, amateur d'alcool, de cigarettes en tout genre et de musique techno, se révèle assez habile dans la gestion d'une communauté paroissiale, peut-être parce qu'il a pleinement conscience de ce qu'est le péché. La fonction fait l'homme, qui, au contact de personnes souffrantes, s'humanise.
De surcroît, il arrive dans le village alors qu'un drame empoisonne l'atmosphère. Il va aussi découvrir qu'un secret est lié à ce drame. Le condamné pour meurtre se découvre une âme de justicier. Dit comme cela, cela a l'air d'un simplisme outrancier, mais c'est mis en scène avec grâce. Jan Komasa construit des plans qui peuvent être d'une stupéfiante beauté (une danse en boîte de nuit, l'incendie nocturne d'un atelier, une descente de bus en pleine campagne...) ou d'une limpidité glaçante, comme ceux confrontant certains des protagonistes, au centre fermé comme dans le village.
J'ajoute que les seconds rôles sont eux aussi excellents, les acteurs donnant de l'épaisseur à des personnages construits de manière assez subtile. Parmi eux, les spectateurs des Innocentes reconnaîtront Eliza Rycembel.
Le scénario est suffisamment bien ficelé pour ménager le suspens jusqu'à la fin. C'est incontestablement l'un des films à voir en ce moment.
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vendredi, 26 juin 2020
Woman
J'ai enfin pu voir ce documentaire, réalisé par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand. Il compile plusieurs dizaines d'entretiens, parmi les deux mille réalisés dans une cinquantaine de pays (identifiables sur une carte interactive disponible sur le site dédié au film).
En guise d'introduction, on nous propose des déclarations de fierté (d'être une femme), auxquelles succèdent quelques exemples de ce qu'elles ont à subir : harcèlement, inceste, excision (une séquence très pénible).
La thématique suivante est le sexe, dont les femmes parlent soit avec des mots choisis (de manière plutôt allusive), soit de manière très crue. La majorité des témoignages sont hétérosexuels, mais il est aussi question d'homosexualité, voire de bisexualité. Notons que les propos sont diffusés en langue originale et sous-titrés en français.
Vient ensuite la séquence "maternité", désirée, imposée... ou (rarement) refusée. On parle aussi de mariage, dans ce qu'il peut avoir de beau ou d'abominable. (Certaines des intervenantes ont été défigurées, dans des circonstances que je vous laisse découvrir.)
Le documentaire n'élude pas la question de l'apparence physique. Les témoins sont d'âge et de condition physique différents. On parle donc de vieillissement, de maladie, mais aussi de chirurgie esthétique.
Curieusement, alors que le film est assez long (1h40), il est assez peu question de l'emploi des femmes. On nous parle bien de la surcharge de travail qui pèse sur celles qui vivent dans les pays les plus ruraux. Du côté des pays développés, c'est le Canada qui est pris pour exemple, avec une cadre supérieure qui est parvenue à briser le "plafond de verre".
L'avant-dernière séquence est l'une des plus dures. Il y est question de viols de guerre, d'esclavage. Certains des témoins sont des Yézidies, l'une d'entre elles livrant une histoire particulièrement atroce (sur une gamine de neuf ans).
Pour éviter que cela ne se termine sur une note sombre, une séquence plus optimiste a été ajoutée en guise de conclusion.
J'ajoute qu'entre deux séquences, on nous propose un interlude. Parfois, c'est une création artistique, un peu snob à mon goût. Sinon, on nous offre quelques vues de villages et de femmes qu'on n'entendra pas dans le film.
L'ensemble est très fort (bien qu'un peu long). Je trouve que c'est un film qu'on pourrait passer dans les collèges et les lycées, tant il embrasse de thèmes "civiques".
jeudi, 25 juin 2020
The Hunt
Ce petit thriller met en scène une chasse à l'homme joyeusement gore. Cela commence par un dérapage dans un avion, où, apparemment, tout n'est que luxe, calme et volupté... C'est fou ce qu'on peut faire avec un talon-aiguille !
Après une ellipse, on se retrouve en pleine forêt, loin de tout, avec un groupe de personnes bâillonnées. Il ne faut pas se relâcher, parce que les éclaboussures sont vite de retour... et à haute dose. Deux jeunes femmes (une blonde puis une brune... un partout, la balle au centre) subissent un sort horrible, mis en scène avec une dérision morbide.
L'une des meilleures séquences voit un duo de survivants débarquer dans une station-service typiquement américaine. Je ne peux évidemment pas raconter ce qu'il s'y passe, mais sachez que, pour les spectateurs, c'est l'occasion de faire la rencontre d'une jeune femme au physique très avantageux... et surtout experte en maniement des armes :
Elle est incarnée par Betty Gilpin, une comédienne que les fans de la série Elementary connaissent : dans la saison 4, elle a interprété la nouvelle petite amie de Sherlock, aussi sexy que décalée sur le plan intellectuel... et amatrice de chats.
Mais revenons à nos moutons... et au petit cochon, nommé Orwell. Le gibier rescapé va se muer en traqueur, pour notre plus grand plaisir. Même s'il manque de réalisme, le petit massacre mis en scène dans la tanière des chasseurs est du plus bel effet.
C'est le moment choisi par le réalisateur pour opérer un retour en arrière. On y découvre les motifs de l'organisation de cette chasse et les raisons qui ont poussé au choix des proies. Sans rien révéler d'essentiel, je peux quand même dire qu'il est question d'une vengeance. L'action culmine lors d'un face-à-face entre une belle blonde et une belle brune, qui s'envoient de gros pruneaux dans la tronche. Là encore, cela manque de réalisme, mais, quand on est pris dans le rythme, c'est assez jouissif.
ATTENTION : LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS, QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM !
C'est une oeuvre politique, trumpiste même. Bigre !
On s'en rend compte en découvrant qui sont les proies et les chasseurs. Ceux-ci sont désignés comme des "progressistes mondialistes" (en clair, pour un public américain : des démocrates), adeptes du politiquement correct. Ils sont tournés en dérision à l'occasion des scènes de dialogues. Ainsi, lorsque l'un d'entre eux s'adresse au groupe (composé d'une femme et d'une demi-douzaine d'hommes) en disant "les mecs" (guys dans la V.O.), il se fait vertement reprendre... et finit par s'excuser ("Désolé, j'ai genré."), comme s'il venait de péter ! Peu après, c'est un autre membre de l'équipe (blanc) qui est accusé "d'appropriation culturelle"... parce qu'il porte un kimono. Le trait est encore plus gras quand, au moment du choix des victimes, un grand débat oppose les futurs chasseurs lorsqu'il est question d'inclure une proie "africaine-américaine".
Du côté du gibier, on n'a que des Blancs, supposés républicains, électeurs de Donald Trump. Certains sont racistes, homophobes, d'autres simplement fana-mili ou conspirationnistes façon "vérité alternative". Dans un premier temps, ils sont tous présentés de manière sympathique. Un peu plus tard, à l'occasion du retour en arrière, on découvre que la plupart sont des gros cons. Le film nuance donc un petit peu son propos, surtout quand on apprend les circonstances réelles de la création de cette chasse à l'homme.
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mercredi, 24 juin 2020
En avant
Je n'avais pas vu le dernier Disney-Pixar à sa sortie, en mars dernier. La réouverture des cinémas m'a permis de de combler cette lacune.
La scénario est assez original : il place des personnages légendaires (elfes, licornes, cyclopes, lutins, gnomes...) dans un contexte "banlieusard", au sens états-unien du terme. Après une belle introduction humoristique, on les retrouve donc comme substituts d'Américains moyens, habitant un quartier résidentiel. Le contraste est assez réjouissant, avec quelques belles trouvailles : le chien domestique qui est une dragonne (nommée Fournaise !) facétieuse et gourmande, le policier-centaure moustachu et bedonnant...
Le premier tournant de l'histoire est la résurrection partielle du père disparu. Cette "moitié de père" va suivre le duo de héros dans leurs aventures. Ce sont deux frères très dissemblables. L'aîné est un gros balourd fan de fantasy, le cadet est introverti, mais plus futé. Il finit par comprendre qu'il a un don.
Les voilà partis à la recherche d'une pierre magique, susceptible de ressusciter complètement le père décédé. Sur leur chemin, ils vont croiser la célèbre Manticore (qui, dans la VF, a la voix de Maïk Darah, qui double -entre autres- Whoopi Goldberg) et un improbable gang de hells angels. Cette quête n'est pas sans rappeler celle du Seigneur des anneaux, auquel il est (me semble-t-il) plusieurs fois fait référence (sur le plan visuel). On note aussi un clin d'oeil à Toy Story.
Au cours de ces aventures, les deux adolescents mûrissent. Le cadet prend confiance en lui. L'aîné prend conscience du regard que les autres portent sur lui. Il doit sortir de sa "zone de confort" pour jouer son rôle de grand frère. Même la mère est de la partie. Pour protéger ses enfants, cette "maman grizzli" n'hésite pas à s'attaquer à un dragon ! Cela se conclut dans l'émotion, les garçons apprenant à faire leur deuil du père.
Franchement, c'est beau, sur la forme comme sur le fond.
16:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 22 juin 2020
Trois étés
Voilà un film qui n'était pas encore arrivé à Rodez au moment du confinement. Je n'en connaissais pas la réalisatrice, mais l'actrice principale, Regina Casé, remarquée il y a quelques années dans Une Seconde Mère.
L'intrigue se déroule toujours en décembre-janvier (période d'été dans l'hémisphère Sud), au moment des fêtes, sur trois années : 2015, 2016 et 2017. Le théâtre principal de l'action est une splendide villa, à proximité de l'océan Atlantique.
La première année voit la fête de Noël coïncider avec les 25 ans de mariage du couple de grands bourgeois. L'argent coule à flots pour ces privilégiés qui, s'ils traitent avec bienveillance le petit personnel, veillent à le remettre à sa place quand il se permet quelques libertés. Cette première demi-heure met en scène avec brio le gigantesque écart social séparant des individus qui pourtant se côtoient. L'héroïne est Mada, la majordome, la seule qui s'autorise quelques privautés avec les puissants, mais qui se dévoue corps et âme pour eux.
Incidemment, on remarque que, dans tous les groupes de "dominants" (les propriétaires de la villa, leurs amis, l'équipe de télévision, les riches touristes), les personnes à la peau claire sont les plus nombreuses, tandis que chez les employés de maison (les habituels comme les occasionnels), on est beaucoup plus "basané".
Un an plus tard, la situation a changé. La villa ne va pas recevoir la famille des propriétaires pour Noël. Dans un premier temps, on ne sait pas où ils sont. Ils semblent avoir coupé les ponts... et n'alimentent même plus leurs comptes sur les réseaux sociaux où, d'habitude, ils dégueulent leur joie de vivre dans un luxe effréné. Ce sont donc les employés qui vont faire la fête dans la villa !... Mais, attention, la police est sur le point de débarquer.
La dernière demi-heure montre l'équipe restreinte des employés un an plus tard, toujours dans la villa désertée par ses propriétaires (on sait désormais pourquoi). Seul le grand-père gâteux, ancien prof intègre, reste sur place. Une nouvelle famille s'est formée, autour de la débrouille (les salaires ne sont plus versés). Mada découvre les joies de "Harry bnb" et propose aux touristes des visites nautiques de la côte friquée, avec quelques commentaires bien sentis sur les propriétaires des villas plus ou moins occupées.
Mais c'est l'arrivée d'une équipe de télévision qui redonne du tonus à l'intrigue (qui avait un peu molli dans la deuxième partie). Cela nous vaut un véritable morceau de bravoure, avec Mada en vedette. On comprend pourquoi cette femme plus toute jeune ne semble pas avoir de vie de famille. C'est poignant.
Cerise sur le gâteau : la conclusion est belle.
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dimanche, 21 juin 2020
La réouverture des salles de cinéma
A Rodez, c'est dès lundi que le public va enfin pouvoir retrouver les salles obscures. Au programme figurent des longs-métrages déjà à l'affiche en mars dernier (avant le début du confinement), ainsi que quelques nouveautés.
Parmi les ressorties françaises à l'affiche du CGR de Rodez, il n'y a (pour moi) rien d'exceptionnel, mais quelques productions honnêtes. Les amateurs d'histoire se tourneront vers De Gaulle, de facture très classique. Plus piquant est La Bonne Epouse (dont l'action se déroule juste avant Mai 68), qui fut pour moi une agréable surprise. Celles et ceux que l'humour facile ne rebutent pas se risqueront à 10 jours sans maman, une comédie basique, moins calamiteuse que ce que je redoutais. Enfin, les amateurs d'univers poétique goûteront Une Sirène à Paris, une réussite surtout sur le plan visuel.
A ce florilège j'aurais pu ajouter Radioactive, le biopic de Marie Curie réalisé par Marjane Satrapi... en anglais, le film étant l'adaptation d'un roman graphique britannique. Il a été boudé par les critiques français... mais il vaut bien mieux que ce qu'ils en ont dit.
C'est sans surprise du côté anglo-saxon qu'il faut chercher les meilleures ressorties. Dark Waters est un excellent film militant, fouillé, très bien interprété. A l'opposé du spectre politique, Le Cas Richard Jewell est un très bon film "de droite". J'ai gardé pour la fin une petite perle, The Gentlemen, que j'ai bien envie d'aller revoir en version originale sous-titrée.
Cela nous mène tout naturellement aux oeuvres de pur divertissement. C'est aussi à cela que sert le cinéma : oublier ses soucis, se vider la tête et plonger pendant 1h30 à 2h dans un univers totalement étranger. Le Voyage du Dr Dolittle est à classer dans la catégorie "tout public", avec de superbes trucages numériques. L'Appel de la forêt joue sur le même registre, avec Harrison Ford à la place de Robert Downey Jr, les chiens et les loups remplaçant la ménagerie fantastique de Dolittle.
Aux amateurs de sensations fortes, je recommande plutôt Invisible Man, avec Elisabeth Moss. C'est aussi en raison de la présence d'une actrice au générique que je suis allé voir Birds of Prey. Margot Robbie s'est éclatée dans le rôle d'Harley Quinn, une vilaine exubérante que je me contenterai de qualifier de "chipie"...
Je ne voudrais pas terminer ce billet sans conseiller un "film de mecs" : Bad Boys for life. C'est pas subtil, bruyant, clinquant, mais assez bien foutu. Pour digérer, en attendant mieux.
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samedi, 02 mai 2020
Miss Meadows (VOD)
L'héroïne est une institutrice itinérante. Elle effectue des remplacements, dans différents Etats des Etats-Unis. Elle aime les animaux, la nature, les enfants et lit de la poésie. Elle s'habille de manière traditionnelle, portant une robe, des souliers à boucle et des soquettes blanches. On lui donnerait le bon Dieu sans confession.
...sauf que Miss Meadows (Katie Holmes, formidable) est une justicière dans l'âme. Cela fait d'elle une sorte de mélange entre Mary Poppins et... l'inspecteur Harry ! Elle va successivement se retrouver confrontée à un harceleur-violeur, un braqueur-assassin et des pédophiles. Ne vous inquiétez pas trop : la jeune femme a de la ressource et, quelle que soit la situation, elle reste polie.
Ce film baigne dans une ambiance surréaliste. On est dans une banlieue tranquille, une sorte d'isolat temporel où vont s'entrechoquer les valeurs du passé et le pire du monde contemporain. Ce "cloaque contaminé de haine et de médiocrité", comme le déclare la mère de l'héroïne, a besoin de citoyens vertueux... et engagés. Autant dire que le propos n'est pas "politiquement correct".
Le constat de départ est susceptible d'évoluer. Miss Meadows rencontre un shérif doux et prévenant. Parviendra-t-il à l'aider à surmonter le traumatisme qui a marqué son enfance ? Lui qui est chargé de débusquer le "justicier" qui sévit dans le comté, va-t-il mener son enquête jusqu'à son terme ? Suspens...
J'ai beaucoup aimé ce film décalé, servi par une petite musique au diapason de l'ambiance de fausse innocence dans laquelle baigne cette histoire très originale.
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LBJ (VOD)
Ces initiales (au sens évident pour un spectateur américain) masquent (pour les autres) l'identité du 36e président des Etats-Unis, Lyndon Baines Johnson, qui a eu droit a un mini-biopic, il y a deux ans. En France, il est sorti directement en vidéo, sous le titre L.B. Johnson, après Kennedy. Je n'en avais même jamais entendu parler.
Et pourtant, la distribution est prestigieuse. Le couple (pas encore présidentiel au moment où démarre l'histoire) est incarné par Jennifer Jason Leigh (méconnaissable) et Woody Harrelson (excellent). Je signale aussi la très bonne composition de Jeffrey Donovan en John Kennedy. (Le même acteur avait interprété Robert, le frère de John, dans le J. Edgar de Clint Eastwood !). Parmi la pléiade de seconds rôles, on remarque aussi Bill Pullman (en sénateur démocrate très progressiste), Thomas Howell ou encore Wallace Langham, un ancien des Experts incarnant ici l'un des conseillers du jeune président, un certain Arthur Schlesinger :
La première partie est conçue comme une série d'allers-retours entre la journée du 22 novembre 1963 et les années précédentes, de la campagne présidentielle de 1960 aux premières réalisations de l'administration Kennedy. Johnson n'y paraît pas particulièrement à son avantage. Certes, il dirige la majorité démocrate au Sénat (sous le républicain Eisenhower), mais les élites de son parti le snobent. C'est un gars du Sud, pas très cultivé, un Texan avec un drôle d'accent et des manières jugées parfois un peu frustres.
Dans la version originale, cela donne lieu à quelques quiproquos savoureux, comme lorsque Johnson dit à un conseiller démocrate : "Call my taylor !" (Appelle mon tailleur !)... son interlocuteur se demandant quel "Mac Taylor" il doit joindre. Plus drôle encore est cet échange téléphonique rageur, au cours duquel Johnson essaie de faire comprendre à son correspondant qui il est : "I'm fucking him !" (Mais, putain, je suis lui !)... l'interlocuteur semblant comprendre qu'il "baise" Johnson... Le film ne cache pas que le futur président était un peu brut de décoffrage, continuant de régler ses affaires aux toilettes, porte ouverte :
Quoi qu'il en soit, dans la course à l'investiture démocrate, l'homme le plus influent du Sénat des Etats-Unis se fait damner le pion par le fils de bourges de la côte Est. Dans la foulée, il accepte de devenir le numéro 2 du ticket démocrate, seule solution pour rassembler un électorat hétéroclite et ainsi parvenir à battre le principal adversaire, le vice-président sortant, un certain Richard Nixon.
Les acteurs et le metteur en scène montrent très bien les ambiguïtés du ticket Kennedy-Johnson. Le premier veut neutraliser celui qui pourrait contrecarrer ses projets au Congrès... et peut-être aussi avoir à proximité de lui un autre son de cloche que celui des intellos progressistes qui l'entourent. De son côté, Johnson pense que sa connaissance du monde parlementaire, de ses coutumes et son habileté à créer des compromis feront de lui l'homme indispensable. Il surestime sa marge de manoeuvre en tant que vice-président. A l'un de ses proches qui lui affirme que c'est une tâche ingrate, il répond que cela ne peut pas être pire que d'enseigner à des gamins du comté de Blanco. C'est une allusion aux débuts de Johnson dans la vie active. Avant de se consacrer pleinement à la politique, il a été quelques temps instituteur au Texas (dans de petites villes comme Cotulla et Pearsall, mais aussi brièvement à Houston).
A la fin de 1963, alors que Kennedy s'est déjà lancé dans la campagne pour sa réélection, Johnson semble sur le déclin. Il est de moins en moins écouté en haut lieu et, du côté des démocrates texans, on le considère de plus en plus comme un traître. L'assassinat de JFK rebat les cartes. A la stupeur de certains de ses amis politiques, Johnson a non seulement endossé le programme de son prédécesseur, mais il l'a amplifié, lui donnant une coloration plus sociale. Ce film vise donc à réhabiliter ce président méconnu (souvent calomnié dans les productions hollywoodiennes).
Hélas, ce fut un cuisant échec commercial. Sa production coûta 20 millions de dollars et il en rapporta moins de trois.
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dimanche, 26 avril 2020
Léon (VOD)
Je n'ai pas en mémoire d'avoir vu ce film de Luc Besson au cinéma, contrairement au Grand Bleu et au Cinquième Élément. Je pense que j'ai déjà dû le regarder à la télévision, mais j'en avais gardé un souvenir très flou. J'ai trouvé intéressant de me replonger dans cette histoire avec le regard d'un spectateur de 2020, qui connaît la suite de la carrière et (d'une partie) de la vie de L. Besson.
Jean Reno est vraiment bon en tueur méthodique et mutique. L'ensemble des seconds rôles est au diapason, avec notamment un excellent Gary Oldman. La réalisation est assez fouillée. On sent le metteur en scène soucieux de trouver des angles d'attaque un poil inventifs. C'est d'un meilleur niveau que le récent Anna. De surcroît, les scènes d'action ou de tension (très bien foutues) sont souvent émaillées d'humour. On ne s'ennuie pas une seconde.
Il reste la grosse ambiguïté du film, qui ressort davantage de nos jours qu'à l'époque : la relation entre le tueur et Mathilda, l'orpheline qu'il recueille, incarnée avec talent par Natalie Portman alors toute jeune :
D'un côté, j'ai aimé le lien qui se noue entre le tueur solitaire et celle qui fait tout pour devenir son apprentie. Il commence à lui enseigner les bases du "métier", tandis qu'elle lui apprend à lire et écrire correctement. L'attachement aurait pu se limiter à une relation de type père-fille (avec l'aspect transmission professionnelle en plus), mais plusieurs scènes l'orientent dans une direction plus ambiguë. Je pense en particulier à celle du jeu de devinette, qui voit la jeune comédienne (12-13 ans à l'époque) mimer successivement Madonna et Marilyn Monroe, prenant des poses suggestives. Il y a aussi certaines scènes coupées (pas disponibles dans la VF), où la naissance d'une relation sentimentale est envisagée. Fort heureusement, le film ne va pas trop loin.
A la décharge de Luc Besson, je me dois d'ajouter que l'hypersexualisation du personnage de Mathilda est cohérente avec le reste du film. Quant on voit de quelle manière s'habillent sa belle-mère et sa demi-sœur (dont on se demande si elles ne font pas le trottoir...), il n'est pas étonnant que la gamine soit vêtue de manière aguicheuse. Par contre, elle n'est pas vulgaire, elle.
En 2024, le film aura trente ans... et l'on attend toujours sa suite (centrée sur le personnage de Mathilda, devenue adulte), souvent évoquée, toujours repoussée jusqu'à présent. Je crois qu'il y a un problème de droits, qui date de l'époque où Luc Besson a quitté la Gaumont pour fonder sa propre maison de production. Le projet dépend aussi beaucoup des intentions de Natalie Portman, dont l'agenda est désormais très chargé... et qui n'a peut-être plus envie de voir son nom associé, d'une manière ou d'une autre, à celui de Luc Besson.
PS
Vers la fin du film, dont l'action se déroule à New York, on aperçoit un équipement urbain étonnant... un téléphérique, appelé outre-Atlantique le Roosevelt Island Tramway.
J'ajoute qu'au XXIe siècle, quand il a fallu moderniser l'équipement, c'est l'entreprise française Pomagalski qui a été retenue.
13:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 25 avril 2020
Jumanji : Bienvenue dans la jungle (VOD)
Comme vous pouvez le constater, je profite de la période de confinement pour accroître ma consommation d’œuvres cinématographiques ambitieuses. J'ai choisi ce film-ci parce qu'en décembre dernier, j'ai beaucoup apprécié celui qui en constitue la suite (Jumanji : Next Level). La présence de Dwayne Johnson, Jack Black et Karen Gillan au générique n'est pas non plus étrangère à mon choix.
Les deux premières parties sont les moins intéressantes. Après nous avoir présenté la première victime du jeu surnaturel, on nous fait découvrir les quatre adolescents qui vont, à leur tour, être pris au piège... et c'est gratiné. Entre le sportif égocentrique et ingrat, l'intello coincée, le gamer et la pétasse narcissique, on nous livre une horrible brochette de têtes à claques caricaturales :
Pour diverses raisons, ils se retrouvent ensemble, en retenue (collés, si vous préférez). Dans la langue de Donald Trump, cela se dit "detention". Comme c'est poétique ! On est content quand ces figures pathétiques disparaissent de l'écran pour céder la place aux véritables héros de l'histoire, les personnages du jeu dans lesquels ils vont s'incarner :
Il sont tout aussi caricaturaux, mais plus réjouissants, avec pas mal d'autodérision. Ainsi, le gamer maigrichon se retrouve avec le corps de Dwayne Johnson (et son regard qui tue), l'intello coincée hérite de la plastique et de la maîtrise des arts martiaux de la bombasse, le sportif noir se retrouve en... Noir (mais scientifique... ça lui apprendra !). C'est avec la pétasse narcissique que les scénaristes ont été les plus imaginatifs : ils lui ont attribué le corps de Jack Black. C'est une source quasi inépuisable de gags, rarement d'une grande finesse...
Bref, on est dans le divertissement grand public, pas subtil en apparence, les effets spéciaux venant apporter un côté spectaculaire pas dégueulasse. Et puis, au fur et à mesure que l'intrigue progresse, les égoïstes découvrent les vertus de l'entraide et les coincés s'ouvrent au monde. On est en plein Bildungsroman ("roman de formation" ou "roman d'apprentissage"). Les épreuves font mûrir le groupe. Quand on retrouve les ados, à la fin, ils sont nettement moins exaspérants. Cela confirme que le genre de ce film est bien la science-fiction !
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vendredi, 24 avril 2020
The Watcher (VOD)
Attention, il ne va pas être question ici du film avec Keanu Reeves et James Spader (datant de 2000), mais d'un autre, sorti en 2018 directement en DVD. En général, ce n'est pas bon signe... et les critiques ont été plutôt sévères avec ce petit thriller.
Le "voyeur" en question est Ray, un électricien qui vient de reprendre avec son épouse un Motel longeant une autoroute, quelque part entre Los Angeles et Las Vegas. Le couple compte sur cette activité (et le déménagement qu'elle a impliqué) pour repartir de zéro, après une expérience traumatisante (le décès accidentel de leur fille unique). Ce couple est incarné par deux vedettes, Nicolas Cage et Robin Tunney, la Teresa Lisbon du Mentalist.
Mais le personnage le plus travaillé est incontestablement celui du mari. Un certain nombre de spectateurs ont regretté la longueur de la première partie (35-40 minutes), durant laquelle il ne se passe(rait) pas grand chose. Erreur grave. Elle nous offre un portrait pathétique de quadragénaire mâle en plein doute. Alors que son épouse ne songe qu'à remplacer l'enfant disparu par un autre, adopté, Ray est travaillé par ses pulsions sexuelles. Il faut dire que son épouse est très appétissante, mais peu portée sur la chose, ces derniers temps. Elle semble aussi un peu se négliger, sur le plan vestimentaire.
Mais que dire de l'époux ! Barbu, bedonnant, commençant à se dégarnir sur le front, portant des lunettes et dormant à moitié habillé (ce qui permet d'éviter à Cage d'exposer à la caméra ses bourrelets disgracieux), Ray n'est pas vraiment un sex-symbol. Mais le démon de midi le travaille, surtout quand il voit cette superbe cliente blonde débarquer dans son hôtel. Sa concupiscence s'accroît après qu'il a découvert un mystérieux passage secret, dans une dépendance servant d'entrepôt.
Ce qu'il découvre alors va lui filer une trique du diable. Je rassure les âmes vertueuses, à l'écran, tout cela est suggéré (grâce notamment à un Nicolas Cage meilleur que d'habitude... ce qui n'est pas difficile). Mais, à plusieurs moments, on comprend très clairement qu'une partie de son sang a quitté le cerveau pour rejoindre une autre partie de son anatomie...
Au bout de trois quarts d'heure, l'intrigue se corse avec le meurtre d'une femme, suivi de l'apparition d'un second corps dans une piscine, en liaison semble-t-il avec la mort suspecte d'une adolescente quelques mois plus tôt.
L'ambiance, pas très gaie au départ, devient franchement glauque. Le patelin regorge de types louches, à commencer par Ray, dont on se demande ce qu'il va faire les nuits où il sort avec son pick-up. Mais l'ancien proprio, qui a soudainement disparu sans laisser d'adresse, ne semble pas très net non plus. Il y a aussi ce shérif un peu trop zélé, qui enquête sans enquêter. Il y a encore ce client fidèle, amateur de prostituées, qui finit par reconnaître une forte dépendance au sexe. Il y a enfin cette famille de garagistes, un père et trois fils qu'on imagine à peine sortis de taule.
La tension monte jusqu'à une fin assez bien amenée, je trouve. Voilà, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais ça meuble plus agréablement une soirée que la vision de la plupart des programmes de télé.
00:42 Publié dans Cinéma, Web | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 23 avril 2020
Pressure (VOD)
Cette "pression" est celle des fonds marins, plus précisément ceux de l'océan Indien. Au large des côtes de l'Afrique orientale, en pleine zone de piraterie, un oléoduc a subi une grave avarie (peut-être à cause de l'ancre d'un bateau de pêche). Une équipe de plongeurs-soudeurs est envoyée effectuer les réparations d'urgence, alors qu'une tempête approche.
Je n'avais jamais entendu parler de ce film, sorti directement en VOD à la fin de 2016. J'ai eu récemment l'occasion de le visionner gratuitement (et légalement). Cela m'a changé de la télévision de rattrapage, dont je commence à me lasser.
J'ai choisi ce film parce qu'il parle d'un confinement, celui de quatre grosses paires de couilles qui se retrouvent coincées dans 10 m², à plusieurs centaines de mètres de profondeur.
Mitchell le beau gosse est le chef d'équipe. C'est le plus posé de la bande, celui auquel le patron confie les missions délicates. Il suit attentivement le règlement et ne prise guère les initiatives aventureuses.
Engel est le plus expérimenté du groupe. Il est un peu revenu de tout... et cache un traumatisme profond. Il est incarné par Danny Huston, un vieux routier du cinéma. On a pu le voir dans 21 grammes, Aviator, Les Fils de l'homme, Le Royaume, Le Nombre 23, X-Men origins : Wolverine, Robin des Bois, Big Eyes, Wonder Woman... souvent dans le rôle d'un "méchant".
Hurts est alcoolique, tatoué... et pas du genre obéissant. C'est l'une des têtes à claques de l'équipée. Il est interprété par Alan Mckenna, un habitué des séries policières britanniques (Happy Valley, DCI Banks...)... et coscénariste du film !
On termine par la super tête à claques, Jones, un jeune con, mâcheur de chewing-gums et dont les goûts capillaires ne révèlent pas une grande intelligence...
Bien évidemment, le confinement forcé de l'équipage va faire remonter les traumas et les névroses. Il va aussi inciter chacun à se dépasser pour surmonter les difficultés auxquelles ces hommes sont confrontés. Qu'y a-t-il au fond de l'océan ? Un requin préhistorique ? Un extraterrestre effrayant ? Une sirène ? Le labo secret dont sortirait le covid-19 ? Des hallucinations ?
C'est hyper-balisé, mais bien réalisé et correctement interprété. On passe un moment divertissant, durant un peu moins d'1h30.
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dimanche, 19 avril 2020
Mort de Philippe Nahon
Le covid-19 n'en finit pas de faire des victimes, dans toutes les catégories de la société. Cet après-midi, on a appris le décès d'un membre de la grande famille du cinéma, le comédien Philippe Nahon, qui a débuté dans des oeuvres assez ambitieuses, avant de devenir l'un des excellents seconds rôles des productions du petit et du grand écran.
Je suppose qu'au moins une des chaînes de la TNT va avoir la bonne idée de bientôt reprogrammer l'une des oeuvres dans lesquelles il s'est illustré. En attendant, on peut retrouver sa trogne (et sa voie rocailleuse) dans Meurtres à Carcassonne, l'un des épisodes de la collection policière du samedi soir de France 3. Il y incarne un prêtre érudit, qui a quelques secrets. Cet opus n'est pas l'un des meilleurs de la série, mais on y croise d'autres bons comédiens, comme Bruno Wolkowitch et Bernard Blancan.
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dimanche, 29 mars 2020
Du cinoche gratos
Après la mort de (trop) nombreuses victimes et la crise économique qu'on sent poindre cachée derrière l'épidémie, la fermeture des salles obscures est le troisième grand drame de ces dernières semaines.
Comme dit le proverbe, "faute de grives, on mange des merles". Or, la Toile regorge de ressources (plus ou moins) palliatives... et légales. Cette période de confinement est d'abord l'occasion d'explorer les sites de replay des chaînes. Que ce soit sur, MyTF1, France.tv ou 6play, il y a de quoi s'occuper (même si la quantité l'emporte nettement sur la qualité...).
Se pose alors le problème de la date limite de consultation. La règle générale veut que les programmes soient visionnables pendant environ une semaine après leur diffusion. L'usage d'une box internet permet d'augmenter cette durée, pour bon nombre de programmes. On n'a pas forcément ce réflexe, mais, un soir, en quête de fiction distrayante, je me suis aperçu des possibilités offertes par ma Livebox.
Malheureusement, ces pis-aller ne proposent que très peu de cinéma pur et dur. C'est là qu'entre en jeu Le Canard enchaîné, dont le numéro de mercredi dernier (en réalité un demi-numéro de quatre pages, exceptionnellement achetable aussi par voie numérique) contient quelques liens fort utiles.
Les amateurs de vieux films muets peuvent se ruer sur la vidéothèque de la cinémathèque de Milan, qui propose notamment une très ancienne version de Pinocchio. Côté français, c'est le site Madelen (dépendant de l'INA) qui offre trois mois d'accès gratuit à une pléiade de films du répertoire. Dans un genre approchant, il y a, de l'autre côté de l'Atlantique, la plateforme archive.org, qui propose une foultitude de vieux films d'horreur, de science-fiction, des comédies de Chaplin, de Keaton, une "Georges Méliès Collection" et même une catégorie "Film noir" (en français dans le texte !).
Rien qu'avec ces sources, il y a de quoi occuper agréablement quelques soirées. Mais ce n'est pas tout. David Fontaine (auteur de l'article du Canard) recommande aussi openculture.com, qui propose l'accès gratuit à plus de 1000 films (plutôt anciens) ! Il y a même de quoi se perdre.
Bref, même si c'est sur petit écran (d'ordinateur, de tablette ou de "téléphone intelligent"), il y a matière à étancher (un peu) la soif des cinéphiles en manque... en attendant des jours meilleurs.
00:40 Publié dans Cinéma, Economie, Presse, Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, confinement
samedi, 21 mars 2020
Kenny Rogers est mort
Il avait 81 ans. Il a popularisé la "country music" (certains diront qu'il l'a aseptisée), notamment auprès des dames (ah, Lady...), a joué au cinéma, à la télévision. Ses chansons ont été maintes et maintes fois reprises.
Pour moi comme pour beaucoup de monde je présume, Kenny Rogers est d'abord l'interprète de The Gambler, une chanson qu'il n'a pas composée... et qui d'ailleurs, à l'origine, n'a pas été créée pour lui ! C'est dingue, quand on pense qu'ensuite, on l'a identifié à ce titre !... à tel point que, lorsqu'il fut l'invité du Muppet Show (au cours de la saison 4), il en a livré une version "spéciale". Il fut aussi parodié par Benny Hill. (Aux jeunes qui liraient ce billet, je signale que Benny Hill fut pendant des années l'empereur du bon goût britannique à la télévision...)
Pour les cinéphiles, la voix de Kenny Rogers n'est pas inconnue. Le titre Just Dropped In fait partie de la bande originale du cultissime The Big Lebowski, de Joel et Ethan Coen. Très récemment, on a pu entendre à nouveau The Gambler, dans le dernier film de Clint Eastwwood, Le Cas Richard Jewell.
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Dark Waters
Todd Haynes, réalisateur (entre autres) de I'm not there et du Musée des merveilles, a été embarqué par Mark Ruffalo dans l'adaptation cinématographique d'un article-enquête publié en 2016 dans The New York Times. C'est le dernier film que j'ai vu au cinéma, samedi dernier, à la séance de 22h30. Cela fait juste une semaine...
Paradoxalement, alors que T. Haynes est un cinéaste assez inventif, il s'est contraint ici à un style très classique, dans le ton de ce "film-dossier", très fouillé. Il prend le temps de dénouer toutes les ramifications du scandale industriel dévoilé par un paysan de Virginie occidentale, pour lequel va se battre, pendant des années, un avocat certes promis à un brillant avenir, mais qui a risqué sa carrière pour faire triompher la Justice.
Ah, c'est beau comme le Rêve américain ! C'est la deuxième fois, en quelques semaines, que l'on nous propose le combat du pot de terre contre le pot de fer. Le mois dernier, avec Le Cas Richard Jewell (de Clint Eastwood), on a eu droit à la version de droite libertarienne. Ici, c'est la vision "de gauche" (plutôt social-démocrate) qui nous est proposée. Ce n'est pas tant l'État-Moloch qui écrase l'individu que la grande firme transnationale.
Son influence nous est concrètement montrée assez vite, quand l'avocat déambule en voiture dans les rues d'une ville où tout a été payé par DuPont de Nemours (une entreprise fondée par des Français). C'est le paternalisme à l'américaine... ou, plus prosaïquement, un moyen relativement peu coûteux (pour une grosse boîte) d'acheter le silence de tout une population.
Ici, le Rêve américain se transforme en cauchemar, ce qui est suggéré par la première séquence (si ma mémoire est bonne), tournée quasiment dans le style d'un film d'épouvante : que va-t-il bien arriver à ce groupe de jeunes qui va se baigner, la nuit, dans une zone interdite ?
La suite prend une forme plus classique. On sent la volonté de démontrer l'horreur des faits, mais aussi le travail titanesque réalisé par l'avocat, incarné par Mark Ruffalo. (Signalons que le "vrai" Robert Bilott -et son épouse- font de la figuration au cours d'une réception.) Le processus fut long et pénible. L'habileté du film consiste à montrer comment le système américain permet à la fois à des citoyens engagés courageux et pugnaces de faire émerger la vérité et à de grands groupes industriels d'utiliser toutes les ficelles juridiques pour tenter d'éviter une condamnation.
On notera que Ruffalo n'a pas cherché à embellir physiquement ou moralement le personnage principal. Il est avide de justice, mais c'est un mari et un père absent. De plus, il n'est pas vraiment charismatique. C'est un besogneux. Autour de Ruffalo gravitent quelques têtes d'affiche (comme Anne Hathaway et Tim Robbins)... et d'illustres inconnus, recrutés sur place. On apprend même à la fin que le couple Kiger a joué son propre rôle et que l'un des enfants nés jadis avec des malformations (à cause du Téflon), dont il est question dans le film, apparaît furtivement à l'écran, à l'âge adulte, au cours d'une scène de station-service.
C'est vraiment un film prenant, à la fois réjouissant et terrifiant, et qui nécessite, de la part des spectateurs, une attention soutenue. Mais il mérite cet effort.
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dimanche, 15 mars 2020
La Bonne Epouse
Cette comédie évoque une époque que les moins de vingt ans ne peuuuuvent pas connaîtreuuuu. En ce temps-là, en France, les femmes n'étaient pas les égales des hommes. Une partie d'entre elles achevaient leur scolarité dans des "écoles ménagères", où on leur apprenait à bien tenir un ménage... et à rester soumises à leur (futur) mari.
Le pari de Martin Provost et de sa coscénariste Séverine Werba est de traiter ce sujet grave sur un ton léger. Cela fonctionne parce que le trio d'actrices principales est formidable. Le directrice, classe et coincée, est incarnée par Juliette Binoche, qui, dès le début, donne le ton en énonçant les sept règles de la bonne ménagère.
Sa belle-soeur est jouée par Yolande Moreau. Une fois de plus, celle-ci interprète un personnage un peu pataud, mais elle s'en sort très bien. L'interaction avec la brochette de jeunes comédiennes incarnant les pensionnaires fonctionne à merveille. Je recommande tout particulièrement la scène de confection des crêpes, de toute beauté !
A ce duo s'ajoute Noémie Lvovsky, méconnaissable en bonne-sœur acariâtre. J'ai adoré ! On sent que les comédiennes ont eu plaisir à endosser ces rôles certes un peu caricaturaux, mais hauts en couleur.
Du côté des messieurs, c'est un binôme qui s'impose. François Berléand incarne avec son savoir-faire habituel l'époux vieillissant libidineux, "à l'ancienne", tandis qu'Edouard Baer est chargé de représenter la version moderne de l'idéal masculin des femmes adultes : cet ancien résistant (l'action se déroule dans les années 1960) ne manque pas de charme et a une bonne situation professionnelle. De surcroît, il repasse ses chemises, reprise ses chaussettes... et fait la cuisine ! On finit aussi par comprendre qu'il n'est pas maladroit au lit... N'en jetez plus ! Toutefois, comme on ne le voit déshabillé que de dos, on ne saura pas si son abdomen est aussi irréprochable que ceux de Brad Pitt et Harrison Ford...
Le début du film montre le fonctionnement de l'école ménagère, avec ses rigueurs et plusieurs anicroches. Le décès accidentel d'un des personnages vient corser l'affaire, libérant quelques énergies. L'arrivée de Mai 68 va définitivement changer la donne, pour les enseignantes comme pour les élèves. Cela se termine en comédie musicale militante (une référence à Hair ?), correctement chorégraphiée, mais pas trop dans mon goût.
Cela n'enlève rien aux (nombreux) mérites de ce film, qui relève le niveau de la comédie française contemporaine.
Invisible Man
L'intrigue de ce film marie le fantastique et le sociétal, la possibilité de se rendre invisible et le harcèlement dont souffre une femme. L'histoire débute d'ailleurs par la fuite de l'héroïne Cecilia, au cours d'une séquence représentative de l'ensemble du film : c'est à la fois brillant et non exempt de facilités (on sent venir le coup du chien à des kilomètres). Un oeil exercé remarquera le soin avec lequel certains plans sont construits, en particulier comment le personnage principal (incarné par Elisabeth Moss, toujours aussi impressionnante) est placé et comment il évolue dans le cadre.
Au niveau du scénario, on semble avoir voulu maintenir une part d'incertitude le plus longtemps possible. Ainsi, durant presque la moitié du film, on hésite entre trois solutions au mystère qui nous est proposé. La jeune femme est-elle réellement harcelée par son ex, qui ne serait pas décédé ? Son harceleur n'est-il pas une autre personne, qui tente de se faire passer pour son ex ? Ou bien tout ceci n'est-il pas plutôt le produit de l'imagination débridée de l'héroïne, dont l'esprit a basculé sous l'effet du stress énorme qu'elle a subi et des médicaments qu'elle prend ? Petit à petit, on comprend que la solution mêle peut-être deux de ces théories.
C'est globalement bien filmé (par le réalisateur de Upgrade), avec de bons effets spéciaux, utilisés quand il faut. Néanmoins, je trouve que l'intérêt repose surtout sur les épaules de l'actrice principale, qui fournit une sacrée performance. Cela rend indulgent pour certaines facilités scénaristiques (il faut bien que l'intrigue déploie toutes ses circonvolutions....), avant une fin que l'on sent venir dès que l'on voit Cecilia cacher un objet.
Cela reste un bon film de genre, qui évoque un phénomène de société qu'il est urgent de dénoncer.
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samedi, 14 mars 2020
Un Divan à Tunis
C'est l'histoire d'une psychanalyste française (parisienne) qui part s'installer dans le pays d'origine de ses parents, après la chute du régime de Ben Ali. Elle y découvre une société fragmentée, pétrie de non-dits. Elle va aussi devoir s'adapter aux usages locaux, sans rien renier sur le fond.
Comme cette psychanalyste a les traits de Golshifteh Farahani, on a évidemment les yeux de Chimène pour l'héroïne, belle, intelligente et audacieuse. Dans la première partie, on sourit aux rencontres qu'elle fait, dans le cadre professionnel comme dans le cadre personnel.
Du boulanger homosexuel à la patronne expansive d'un salon d'épilation, en passant par l'ancien prisonnier politique complotiste, le policier dragueur et la jeune fille voilée, on a droit à un échantillon extrêmement diversifié de la société tunisienne. S'y ajoutent un imam dépressif (et non barbu), une cousine adepte de l'islamiquement correct et des fonctionnaires ministériels paresseux, incompétents et/ou malhonnêtes.
C'est d'ailleurs un peu trop "chargé" à mon goût, en particulier quand il est question de l'obtention de l'autorisation d'exercer. La fonctionnaire que rencontre l'héroïne mange comme une malpropre et fait preuve d'un esprit commercial assez agressif. Cela nuit à l'ambiance du film, plus réussi quand il reste sur le cocasse, la légèreté que quand il appuie le trait.
Au sens métaphorique, pour la réalisatrice, c'est la société tunisienne en son entier qui a besoin d'une psychanalyse. Sa schizophrénie se manifeste à travers plusieurs personnages, comme l'oncle qui dissimule sa consommation d'alcool dans une canette de soda, la fille voilée qui tient surtout à ce qu'on ne remarque pas sa coupe de cheveux ratée ou l'imam délaissé qui tente maladroitement de s'implanter une marque de piété sur le front.
Tout cela est bien vu et certains moments sont vraiment drôles. Hélas, le personnage principal n'est pas assez fouillé. On n'en apprendra guère sur l'héroïne Selma et les raisons qui l'ont réellement poussée à quitter Paris pour la Tunisie. Même la séquence du stop avec un célèbre psy (défunt) ne marche qu'à moitié. C'est dommage, parce qu'avec l'actrice dont elle disposait, Manele Labidi avait les moyens de creuser davantage son sujet.
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De Gaulle
2020 est un peu l'année de Gaulle. Dans quelques mois, on célèbrera le 80e anniversaire de son célèbre Appel. En novembre prochain, on commémorera successivement le 50e anniversaire de sa mort et les 130 ans de sa naissance.
Se pose alors une question de taille. Laquelle ? Ben, une question de taille. Toutes les photographies présentant Charles de Gaulle en compagnie d'autres hommes le montrent les dépassant presque d'une tête. A Saint-Cyr, l'apprenti-officier avait hérité de surnoms en rapport avec sa taille : "grande asperge", "double mètre". En réalité, il ne mesurait "que" 1m93 - 1m94, ce qui, pour l'époque (le début du XXe siècle) était gigantesque, ses camarades de promotion à Saint-Cyr culminant en moyenne à 1m64 ! Se posait quand même la question du choix de l'acteur pour incarner de Gaulle. Lambert Wilson n'est-il pas un peu petit ? En réalité, non. J'ai appris à cette occasion qu'il mesure 1m90. Mais, à notre époque, les hommes (tout comme les femmes) sont plus grands. L'écart (en taille) qui sépare l'acteur de ses contemporains est moins élevé que celui qui séparait de Gaulle des siens.
Quoi qu'il en soit, on a veillé à ce que le comédien ressemble à son modèle. Il porte plusieurs prothèses au visage (au nez, aux lèvres, aux oreilles et peut-être au cou). Sa coupe de cheveux reproduit scrupuleusement celle du Général et il a même acquis quelques tics de comportement propres à son modèle (notamment sa manière de fumer). L Wilson a fait du bon travail.
Le film démarre de manière originale, par un de Gaulle en famille. Cette séquence introduit deux personnages qui vont jouer un rôle important dans la suite de l'histoire (et dans la vie du héros) : son épouse et leur fille benjamine, Anne, handicapée mentale. Pour celles et ceux qui ne connaissaient pas bien la biographie du couple, ce sera une révélation, tout comme l'attachement du futur chef de la Résistance à sa famille. C'est l'un des apports de ce film, qui ensuite alterne les scènes d'action politique et les scènes de famille, celle-ci devant se débrouiller en Métropole loin de Charles. Dans le rôle de l'épouse, Isabelle Carré est formidable... peut-être même un peu trop : la véritable Yvonne de Gaulle n'était sans doute pas aussi sympathique.
Par contraste, les premières scènes "historiques", qui voient de Gaulle rencontrer des ministres, des généraux et un président du Conseil, sont moins réussies. Je trouve quand même qu'Olivier Gourmet (chargé d'incarner Paul Reynaud) s'en sort assez bien dans le rôle de cet homme politique très influent à l'époque, mélange de courage et de veulerie... et qui, au moment crucial, a fini par oublier où il avait rangé sa paire de couilles. (Pour la petite histoire, je signale que la femme qui partage ses journées à Matignon est sa maîtresse "officielle", un personnage qu'on a pu apercevoir -comme celui de Georges Mandel- dans le récent Je ne rêve que de vous.)
Si ces séquences sont utiles aux spectateurs profanes (pour comprendre les ressorts de l'intrigue, en particulier les oppositions sur la conduite de la guerre), elles ne sont pas d'une folle inventivité au niveau de la mise en scène. Le pire est atteint au cours d'une "scène d'urinoir", qui voit Pétain et Weygand comploter en soulageant leur vessie puis en se lavant les mains. Peut-être cette scène est-elle authentique, en tout cas, à l'écran, elle n'est pas très vraisemblable. (Sur le fond, elle est l'occasion de découvrir l'antisémitisme d'une partie du haut commandement militaire français, qui n'a jamais encaissé la manière dont s'est conclue l'Affaire Dreyfus.)
Dans la deuxième partie du film, tout cela s'améliore. Gabriel Le Bomin (qui jadis réalisa Les Fragments d'Antonin) réussit à créer un véritable suspens historico-politique. On s'attache évidemment aux actes du héros, mais l'on se passionne aussi pour les pérégrinations de sa famille, dont j'ai découvert certains détails.
Evidemment, l'action débouche sur l'écriture et la lecture (l'enregistrement) du fameux Appel. La séquence fait écho à une scène du début, durant laquelle de Gaulle, colonel dirigeant (avec des blindés) une contre-offensive en mai 1940, découvre l'outil radiophonique. Notons que la naissance du texte fut encore plus chaotique que ce qui nous est raconté, les Britanniques étant sans doute parvenus à imposer au général d'adoucir la première version de son Appel, différente de celle qui a ensuite été diffusée. Mais l'ensemble n'en constitue pas moins une belle leçon d'histoire et de courage.
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vendredi, 13 mars 2020
Radioactive
Sous ce titre choc se cache une biographie de Marie Curie adulte (de son arrivée en France à son décès). Derrière la caméra officie Marjane Satrapi, auteure de The Voices et surtout de Persepolis. Elle nous offre un mélange de fresque historique et de film militant (féministe), avec un arrière-plan scientifique.
Dans le rôle de Marie Curie, Rosamund Pike est é-blou-i-ssante. Elle est crédible aussi bien en jeune femme craintive qu'en épouse mûre et en vieillarde certes affaiblie, mais diablement intelligente et lucide. La comédienne, remarquée jadis dans Gone Girl (et qui était aussi très bien dans HHhH et Hostiles) y fait montre de son talent pour ressusciter une scientifique incomparable et entêtée, une femme farouchement indépendante... et une amoureuse qui n'hésite pas à écrire qu'elle aime le sexe (avec son compagnon).
C'est dire si le film embrasse une matière riche. L'une des premières séquences est particulièrement réussie. Il s'agit d'un spectacle de danse (celui de Loïe Fuller), auquel assistent (entre autres) la jeune Maria Sklodowska et un homme qu'elle a croisé peu de temps auparavant dans la rue : Pierre Curie. Le dialogue entre les deux héros est savoureux.
La suite montre la progression des recherches du duo, qui finit par devenir un couple. La réalisatrice prend bien soin de montrer qu'au sein de celui-ci, la plus douée est Marie. C'était aussi une travailleuse acharnée. D'un point de vue scientifique, le film tente de rendre accessibles des notions de physique comme la radioactivité ou la réaction en chaîne. Pour le profane que je suis, c'est convaincant.
Le plus étonnant, pour le public du XXIe siècle, est la fascination naïve que les découvertes du couple Curie vont exercer. Des commerçants se mettent à sortir des tas de produits au radium, du dentifrice à la crème pour visage... Marie elle-même n'échappe pas au fétichisme imprudent : la fiole dans laquelle elle a placé un échantillon de l'élément qu'elle a isolé pour la première fois lui sert de "doudou", accompagnant et éclairant ses nuits. A l'écran, c'est superbe...ment dangereux !
Cela m'amène à l'autre propos du film : la mise en perspective des recherches de l'époque (Pierre et Marie n'étant pas les seuls à travailler sur l'atome). Si les apports ne sont pas cachés (en radiographie et lutte contre le cancer), il est quand même surtout question des conséquences négatives, d'Hiroshima à Tchernobyl. Même si le propos est louable, ce n'est pas (à mon avis) la partie du film la plus réussie.
Marjane Satrapi excelle dans les portraits de femmes, ceux de Marie, de sa soeur, de sa fille aînée Irène (qui a marché sur ses traces) et de sa cadette Eve (qui s'engagea des années plus tard dans la France Libre). D'ailleurs, c'est poussée par sa fille aînée que la scientifique a fini par s'engager durant la Première Guerre mondiale. C'est un aspect moins connu de sa vie que le film a le mérite d'aborder.
Celle qui fut détestée comme Polonaise et femme libre finit par être reconnue pour son apport à la science, au point de figurer (seule femme !) parmi l'équipe de chercheurs réunie aux conférences de Solvay. Le film nous propose une photographie datant de 1927. En voici une autre de 1911, sur laquelle figure aussi un certain Albert Einstein (avant-dernier, à droite):
P.S.
Cerise sur le gâteau : ce film féministe, à l'image de son héroïne, ne reste pas dans les clous. Ainsi, lorsque Marie Curie se rend en Suède (avec Irène) pour recevoir son second prix Nobel (celui de chimie), elle déclare, dans la salle d'attente, qu'une partie du public n'a pas su séparer en elle la femme de la scientifique... une autre manière de dire qu'elle pensait qu'il fallait séparer l'homme de l'oeuvre... Bravo au dialoguiste !
jeudi, 12 mars 2020
Des Hommes
Je suis tombé par hasard sur ce documentaire, consacré à l'ancienne prison des Baumettes, à Marseille (la nouvelle étant déjà entrée en service). En 1h20, le film ne vise pas l'exhaustivité. On nous propose de suivre principalement des détenus du bâtiment central, ainsi que quelques-uns (fragiles psychologiquement) placés à l'écart des autres. Plusieurs membres du personnel ont aussi droit aux honneurs de la caméra.
Tourné en immersion, ce documentaire ne s'appuie sur aucun commentaire, ni le moindre dialogue entre les journalistes et les personnes filmées. Il s'agit d'un montage, celui de "scènes de vie", la parole étant longuement laissée aux détenus. Ces derniers ont été choisis parmi les "petits délinquants". On ne suit aucun criminel sexuel, aucun tueur ni aucun caïd de la drogue.
Ce sont des hommes jeunes, pour la plupart d'origine modeste, certains n'ayant pas connu leurs parents. L'un d'entre eux est dans la situation inverse : c'est son père qui semble l'avoir entraîné dans une combine... et sa réinsertion dépend d'une initiative prise par sa soeur !
On découvre des cellules assez petites, où logent un ou deux détenus. C'est assez vieillot, sans tomber en ruine. Aux Ruthénois cela rappellera peut-être l'ancienne prison du Piton (située dans le quartier Combarel), qu'il était à l'époque impossible de visiter. Depuis, comme à Marseille, les détenus ont été envoyés dans une structure plus moderne, mais en périphérie de Rodez (à Druelle).
Notons que toutes les cellules visibles à l'écran sont dotées d'une télévision, certaines même d'un petit frigo. Par contre, l'isolation phonique est visiblement déplorable (tout comme sans doute l'isolation thermique... mais c'est moins crucial à Marseille qu'à Rodez).
Je pense que le but des journalistes est de montrer que la plupart des détenus sont des hommes comme les autres, qui n'ont pas eu la chance de naître dans la "bonne" famille ou le "bon" quartier. En fonction de la personne qui se trouve à l'écran, on est plus ou moins d'accord. Mais l'ensemble n'en constitue pas moins une formidable tranche de vie. On ne s'ennuie pas un instant.
19:21 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, france, société
mercredi, 11 mars 2020
Une Sirène à Paris
Six ans après Jack et la mécanique du coeur, Mathias Malzieu s'est relancé dans la réalisation d'un long-métrage, centré sur une histoire d'amour impossible, dans un monde plein de surprises. Deux couples sont au coeur de l'intrigue, un majeur, l'autre secondaire. Celui-ci est composé de deux membres de l'équipe médicale des urgences d'un hôpital parisien. Ce couple connaît une évolution bien différente de celle du duo qui se forme entre les deux héros, Gaspard l'artiste et Lula la sirène.
Alors que cette dernière n'a jamais connu l'amour, son sauveur des quais a lui eu le coeur brisé par plusieurs échecs sentimentaux... et c'est tant mieux pour lui, parce que cela lui sauve la vie. Derrière la métaphore se cache une référence à la vie privée du cinéaste-chanteur, qui a eu beaucoup de mal à surmonter sa rupture avec Olivia Ruiz, la sirène étant ici un décalque de la chanteuse qui envoûte.
Evidemment, dès le début, on comprend que l'amour impossible va quand même se développer et que le cynisme de façade du héros va petit à petit céder la place à de l'attachement, tandis que l'objet du désir commence à découvrir ce "sentiment qui pique".
L'intrigue est donc sentimentale, poétique... même si le drame n'est pas loin, avec cette doctoresse qui devient obnubilée par la sirène. (Dans le rôle, Romane Bohringer est très bien.) Les interprètes principaux sont eux aussi convaincants, qu'il s'agisse de Nicolas Duvauchelle ou de Marilyn Lima, inconnue à mes yeux, mais qui réussit là une assez jolie composition. Elle arrive à donner de l'épaisseur à son personnage, d'abord uniquement fascinant. Elle y insuffle de la drôlerie, quand la sirène découvre certains usages du monde des humains. Elle y ajoute de la profondeur quand elle nous fait comprendre qu'elle est la dernière de son espèce et qu'elle a déjà vu pas mal de choses tristes dans sa vie. Dans un second rôle marquant , je signale aussi Rossy de Palma, connue de tous les fans d'Almodovar (le premier, celui qui tournait des films déjantés).
Cependant, pour moi, le principal intérêt réside dans la mise en scène et l'habillage visuel. C'est souvent superbe, imaginatif. Les styles sont variés, allant du papier carton au numérique. J'ai particulièrement aimé le petit film "à l'ancienne", que Gaspard fait regarder à la sirène sur un minuscule écran de télé. A l'image du réalisateur, le héros aime la fantaisie. Le chant comme les trouvailles visuelles ont pour objectif de réenchanter le monde. On est un peu dans la situation de l'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, qui découvre dans une petite boîte cachée les trésors d'enfance d'un garçon devenu grand.
Le film n'est toutefois pas un chef-d'oeuvre, en raison d'un manque de rigueur dans la conduite de l'intrigue. De surcroît, il m'a fallu plusieurs minutes pour bien rentrer dans l'univers du cinéaste. Mais, si l'on se laisse porter par la fantaisie, on passe un agréable moment.
21:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films