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dimanche, 01 avril 2018

La Prière

   Ces dernières années, le cinéma français s'est emparé de divers thèmes sociétaux, parmi lesquels on trouve la quête religieuse. On pense évidemment à Des Hommes et des dieux, de Xavier Beauvois (auquel ce film ressemble, par certains aspects). On pense aussi à L'Apparition (de Xavier Giannoli), plus récent et tout aussi excellent.

   Ici, on suit le parcours de Thomas (Anthony Bajon, très bien), drogué sujet à des crises de violence, qui atterrit dans un étrange centre de désintoxication, géré par des religieux (catholiques) assistés d'anciens toxicos. Il va être question de rédemption par la foi : les directeurs du centre font le pari que la vie communautaire, le travail et la prière peuvent venir à bout de tous les démons. Ils tentent de remplir le vide des existences de jeunes déboussolés avec la foi plutôt qu'avec un dérivé de l'opium.

   Je n'ai pas trouvé le personnage principal très sympathique... et c'est très bien. Cédric Kahn n'est pas tombé dans l'hagiographie. Au départ, le jeune homme va rejeter la ferme bienveillance dont il est l'objet. De même, on nous suggère que, parmi les repentis, certains sont habités par le doute... et l'on finit par apprendre que le centre a connu quelques graves échecs et des rechutes.

   La sobriété de la mise en scène répond à la frugalité de la vie quotidienne de ces jeunes hommes (et femmes, qui vivent un peu plus loin). La caméra est assez près des corps, pas pour suggérer la sensualité, mais pour saisir le trouble intérieur.

   Tous les acteurs, hommes, femmes, jeunes, adultes, sont bons. (J'ai retrouvé avec plaisir Alex Brendemühl, vu dans Django, Insensibles et Le Médecin de famille.) Je mettrais toutefois deux limites à mon enthousiasme : le rythme est lent, voire très lent, sans que cela se justifie toujours. On sent que le réalisateur a voulu nous montrer que le cheminement spirituel suit des voies parfois détournées, mais, à mon avis, il en fait trop. Et puis, à partir du moment où un personnage féminin apparaît à l'écran, certaines péripéties sont très prévisibles, jusqu'à la conclusion de l'histoire, très belle mais assez attendue.

dimanche, 25 mars 2018

Les sauvageons de Carcassonne... et d'ailleurs

   Les récents actes de barbarie commis autour du chef-lieu de l'Aude ne doivent pas brouiller l'analyse. Commençons par le terroriste Radouane Lakdim. Certes, il était de nationalité française, mais né au Maroc en 1992. C'est à la base un petit délinquant, un de ceux qui pourrissent au quotidien la vie des honnêtes citoyens. Son profil n'est pas sans rappeler celui de plusieurs des protagonistes des attentats de Paris de 2015 (par ses origines marocaines et son parcours délictueux). Vu l'attirail trouvé dans le supermarché, il est évident qu'il a des complices, dont on espère qu'ils/elles seront tou-t-e-s mis-e-s hors d'état de nuire.

   On peut estimer que Daech dispose d'un bon vivier de recrutement, déjà sur place, puisqu'à Carcassonne même, l'horreur des actes commis n'a pas dissuadé des abrutis habitant le quartier du terroriste d'acclamer leur héros. A l'autre bout de la France, un décérébré (ancien candidat) de La France insoumise s'est félicité de la mort du gendarme Arnaud Beltrame... On évitera d'en tirer des conclusions hâtives sur le mouvement de J-L Mélenchon, mais, franchement, vu le parcours du bonhomme, ça interpelle. Dans le cas de Stéphane Poussier, le problème n'est pas seulement qu'il ait pensé ce qu'il a écrit, mais qu'il l'ait publiquement proclamé. C'est une nouvelle preuve que, comme celle de Richter, l'échelle de la connerie est sans limite...

   Du côté de Carcassonne, on tente visiblement d'empêcher les journalistes de faire leur travail. La liberté de publication ne gêne pas que les dictateurs, elle perturbe le fonctionnement clanique des racailles qui mettent la main sur certains territoires.

   Venons-en donc à Ozanam, ce quartier situé au sud-est de Carcassonne, pas très loin de la cité médiévale inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco :

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   Cela fait des années que les incivilités se multiplient dans ce quartier, qui n'est toutefois pas classé en zone urbaine sensible, contrairement à celui de Saint-Jacques (situé à l'ouest) et surtout celui de La Conte (où était installée auparavant la famille Lakdim), pas très éloigné d'Ozanam.  Déjà en 2012, les habitants "normaux" manifestaient leur agacement, la politique de rénovation urbaine n'ayant visiblement pas fonctionné dans leur quartier. Aux incivilités a succédé un climat de peur, perceptible en 2014. Rien ne semblait avoir changé en 2015, les pouvoirs publics semblant impuissants face à la dégradation de la qualité de vie dans ce quartier. Il y a moins de deux mois, une nouvelle étape avait été franchie, avec l'agression de policiers !

   Résultat ? En laissant pourrir une situation de délinquance larvée, on a permis à des monstres de se développer. Puisse ce drame servir de leçon aux médiocres comptables qui nous gouvernent.

lundi, 19 mars 2018

Balance ton porc... quel qu'il soit

   C'est ce matin, sur France Inter, que, dans sa chronique, Claude Askolovitch a jeté un pavé dans la mare. Il a évoqué le quasi-silence médiatique qui a accueilli, en France, la publication, par l'hebdomadaire britannique The Sunday Mirror, d'une enquête accablante sur la prostitution enfantine pratiquée au Royaume-Uni par... des gangs indo-pakistanais. Les victimes sont de jeunes filles "blanches", d'origine ouvrière, dans la région de Telford :

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   C'est sûr qu'il est plus facile de dénoncer le comportement de prédateur de phallocrates chrétiens européens, d'un producteur américain juif ou, à la rigueur, d'un prédicateur intégriste musulman (dont le "gibier" est constitué de ses coreligionnaires).

   Là, c'est un énorme tabou qui est brisé : des individus issus de "minorités visibles", considérés par nombre de penseurs médiatiques comme des "victimes de la société", peuvent se révéler aussi odieux que les pires criminels nés dans la communauté majoritaire.

   C'est une nouvelle leçon pour les adeptes du prêt-à-penser : la barbarie ne connaît pas les barrières culturelles. Elle est de tous les peuples, de toutes les catégories sociales ou culturelles. Pour la combattre efficacement, il convient de ne pas regarder le monde qui nous entoure avec les oeillères  de la bien-pensance.

   P.S.

   Une semaine après l'éclatement du scandale médiatique de l'autre côté de la Manche, 20minutes fait le point, vu de chez nous.

   P.S. II

   Pour la petite histoire, sachez que Telford est une ville qui accueille des séjours linguistiques destinés aux jeunes Français... Je sens que les tarifs risquent de baisser !

samedi, 10 mars 2018

Des nouvelles du gaz de schiste en Aveyron

   C'est au détour d'un article du dernier numéro du Canard enchaîné ("Hulot et la fin du pétrole : des promesses et du bidon !") que j'ai pris connaissance d'une énième péripétie (judiciaire) concernant l'exploitation de gaz de schiste. En Aveyron, c'est au début des années 2010 qu'on s'est beaucoup inquiété, à cause (notamment) du permis de Nant... et de la sortie du film Gasland. Le début du quinquennat de François Hollande avait vu l'abrogation des derniers permis d'exploration, jugés menaçants.

   Cependant, cette affaire ne semblait pas close du fait des démarches engagées par Schuepbach Energy, l'une des entreprises auxquelles des permis avaient été attribués. Le Canard évoque les arrêts rendus en décembre dernier par la Cour administrative d'appel de Versailles. L'un d'entre eux a débouté Total. L'autre (dont le texte intégral est disponible ici) concerne la société Schuepbach Energy.

   L'annulation des permis d'exploration est confirmée. Toutefois, l'entreprise se voit reconnaître un droit à indemnisation, mais pas en raison d'une supposée faute de l'Etat. Cette indemnisation ne couvrira pas les profits qu'envisageait de réaliser Schuepbach. Elle a vocation à rembourser les frais engagés pour obtenir les permis. Cela ne devrait représenter que quelques dizaines de milliers d'euros, à comparer aux sommes que l'entreprise demandait (plus d'un milliard au début, une centaine de millions d'euros par la suite).

   P.S.

   Il est possible qu'un Aveyronnais soit directement concerné par cet arrêt. En effet, parmi les décisions rendues figure le rejet de la demande d'un certain "M. A...", qualifié "d'éleveur de brebis" et, plus loin, de "député européen"... Serait-ce José Bové ?

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lundi, 19 février 2018

Sugarland

   Cet étonnant documentaire australien se place dans la lignée de Supersize me, de Morgan Spurlock, sorti il y a déjà une quinzaine d'années. Ici, au lieu de s'alimenter uniquement dans une chaîne de restauration rapide, l'auteur-interprète (Damon Gameau) choisit de faire l'expérience d'une alimentation sucrée, en excluant toutefois les produits les plus évidents : bonbons, chocolat, gâteaux, glaces... En théorie, il consomme de "bons" aliments, achetés (en général) en grande surface. On se rend rapidement compte qu'ils regorgent de sucres cachés.

   Comme Damon Gameau a le sens de l'humour, il se met en scène de manière comique, comparant le développement de son embonpoint abdominal à la progression de la grossesse de sa compagne. En deux mois, il aura pris plus de huit kilos... sans consommer davantage de calories (autour de 2 300 par jour) ! Il a pourtant pris soin de ne pas changer de rythme de vie, continuant à pratiquer du sport à intervalle régulier. Pour valider son expérience, il se fait suivre par quatre spécialistes, auxquels il donne des surnoms de super-héros.

   Le documentaire se veut pédagogique. Il explique quels sont les différents types de sucre. Il a aussi recours à des experts, dont les interventions apparaissent souvent en incrustation, sur les étiquettes des produits que consomme Gameau. On a même droit à quelques animations anatomiques, notamment pour découvrir le fonctionnement du foie.

   La première partie du film se déroule en Australie. En moyenne, ses habitants consommeraient l'équivalent de quarante cuillerées de sucre par jour ! Le "régime" auquel s'astreint Gameau le conduit à ingurgiter la chose à travers des aliments transformés. Un des exemples marquants est la comparaison entre la consommation de quatre pommes et celle du volume de jus de fruits correspondant. La différence est, qu'au bout de deux voire trois pommes, le sentiment de satiété se fait sentir, alors qu'avoir bu tout le jus ne suffit pas à couper la faim.

   Une des séquences les plus fortes se déroule dans un territoire aborigène. Les jeunes générations ont complètement rompu avec le modèle ancestral, d'où la consommation de sucre était absente. C'est arrivé à un point que les magasins de la région sont considérés par les plus profitables du monde par les vendeurs de sodas. Un homme a essayé de réagir face à cette situation de dépendance et à ses conséquences (en particulier l'obésité). Le film montre comment il est parvenu (avec d'autres), dans sa communauté, à faire en sorte que les gens reprennent goût à une alimentation saine. Hélas, son association a perdu ses subventions...

   La deuxième partie du film se déroule aux Etats-Unis, siège de la plupart des multinationales de l'agroalimentaire qui dominent le secteur. Sans avoir le talent d'un Michael Moore, Gameau dénonce l'influence néfaste de ce lobby et découvre jusqu'où les transformateurs vont fourrer le sucre (par exemple l'équivalent de quatre cuillerées dans un plat cuisiné à base de poulet !). Ne reculant devant aucun sacrifice, il va, sur une journée, jusqu'à remplacer les plats cuisinés par l'équivalent en sucre réel... à vous dégoûter d'en manger ! (C'est le but, d'ailleurs.)

   Ce séjour états-unien est aussi l'occasion de montrer les méfaits d'une consommation intensive et régulière de produits sucrés. Gameau suit un dentiste qui intervient (bénévolement semble-t-il) dans l'est du Kentucky, une région où le taux de pauvreté est élevé. Je pense qu'aucun des spectateurs de la salle n'oubliera le cas de ce jeune homme, dont toutes les dents sont pourries (et rongées), à cause de sa dépendance à un soda particulièrement sucré créé par Pepsi. (Coca n'est pas la seule boîte à vendre de la m...). Le pire est que le jeune homme n'envisage pas de changer de mode alimentaire, tant celui-ci est ancré en lui... peut-être depuis la plus tendre enfance, certaines mères de famille de la région n'hésitant pas à remplir le biberon de soda !

   Il y aurait encore plein de choses à dire à propos de ce documentaire, parfois un peu surjoué par son auteur, mais vraiment passionnant (et drôle). C'est à voir si vous en avez l'occasion.

samedi, 10 février 2018

Le 15h17 pour Paris

   L'ami Clint a décidé de se pencher sur l'attentat du Thalys d'août 2015, en embauchant certains des protagonistes (dont les trois jeunes Américains) pour qu'ils jouent leur propre rôle. Attention toutefois : l'essentiel du film n'est pas consacré au déroulement de l'attentat, mais au passé des trois héros. Même si la première scène nous montre (de dos) l'islamo-fasciste Ayoub El-Khazzani, la suite est constituée de longs retours en arrière.

   Ce n'est pas qu'une coquetterie de cinéaste. C'est lié au propos politique qui constitue l'ossature du film. Eastwood veut montrer deux choses : la première que ces jeunes hommes sont des types ordinaires, plutôt pas gâtés par le destin ; la seconde que, s'ils se sont comportés en héros, c'est en raison de l'éducation religieuse qu'ils ont reçue, de la formation que deux d'entre eux ont suivie et de leur goût pour les armes et le combat.

   C'est clairement un "film de droite", un poil manichéen, sur la lutte du Bien contre le Mal. Le Bien est incarné par les valeurs américaines (même si Eastwood lance quelques piques sur ce qui se passe dans son pays) et le lien avec la France. Au début, celle-ci n'est pourtant pas montrée à son avantage : les trois jeunes hommes en vacances en Europe hésitent à se rendre à Paris, rebutés par les rumeurs concernant le mauvais accueil qu'on y réserve parfois aux touristes. Mais, comme il y a la Tour Eiffel...

   Le Mal n'est que schématiquement représenté, par un homme costaud, surarmé et impitoyable. Il est de surcroît mutique, ce qui lui confère une aura menaçante supplémentaire. Notons qu'Eastwood n'associe aucun symbole religieux au personnage. Ce film n'est pas islamophobe. Il dénonce le terrorisme. C'est délicat de la part d'Eastwood, mais il est quand même culotté de passer sous silence l'idéologie mortifère qui anime le terroriste.

   Ce ne sont néanmoins pas pour moi des éléments rédhibitoires. Le problème vient plutôt de la direction d'acteurs et de l'interprétation. Les premiers retours en arrière nous montrent Spencer, Anthony et Alek jeunes, scolarisés dans une école religieuse. (Cette période de leur vie avait fait l'objet d'un reportage publié dès août 2015 dans Paris Match.) C'est l'occasion pour Clint de dire ce qu'il pense d'une partie du corps enseignant. Au fil des scènes, on découvre trois garçons plutôt complexés, l'un grassouillet, les deux autres petits et maigres. Cerise sur le gâteau : leur situation familiale n'est pas des plus apaisées. Ils sont élevés principalement par leurs mères (toutes ferventes croyantes apparemment). L'absence de la figure du père peut expliquer le parcours ultérieur de ces gars, en quête de reconnaissance virile. Hélas pour les spectateurs, les gamins ne jouent pas très bien et les dialoguistes leur font tenir des propos d'adultes. (J'ai vu le film en version originale sous-titrée.)

   On retrouve le même problème avec les trois jeunes hommes. Les scènes qui les font interagir sont à moitié jouées. C'est souvent maladroit. Il aurait fallu retourner certaines d'entre elles. (Peut-être serait-il préférable de voir le film en version française, si le doublage est de qualité.) J'ai cependant été touché par le parcours de Spencer (le plus charismatique de la bande), qui accumule les guignes mais essaie de garder un esprit positif.

   Le film ne prend vraiment son élan que dans la dernière partie. La séquence du Thalys est très bien filmée. Il y a de l'action et de l'émotion, même si l'on connaît déjà le déroulement des événements. Seul un détail m'a fait tiquer : les vues aériennes du train le montrent se déplaçant à une vitesse assez réduite, alors qu'il est censé aller très vite !

   Ah, et puis, il y a autre chose : Eastwood ne met en valeur que les passagers américains qui ont combattu le terroriste. On ne voit que brièvement le premier à s'opposer à lui, un Français (pas présenté comme tel) qui se trouvait au niveau des toilettes (et qui par la suite a souhaité garder l'anonymat). On distingue à peine le Britannique qui a contribué à maîtriser l'assassin. Il faut attendre la séquence de l'Elysée pour le découvrir vraiment. Pour cette partie, Eastwood a entremêlé les images d'archives et d'autres, retournées ensuite, avec notamment une doublure de François Hollande (incarné par Patrick Braoudé, selon Allociné). Notons que le film nous propose l'intégralité du discours présidentiel, qui est très beau.

   A vous de voir : c'est clairement un Eastwood mineur et surtout un film paresseux au niveau de la direction d'acteurs.

vendredi, 09 février 2018

La Sopave abandonnée

   Depuis fin 2017, il ne se passe pas une semaine sans que l'entreprise de Viviez (connue désormais sous le sigle SRVPA) ne fasse l'actualité, hélas pas pour le meilleur. Toutefois, il a fallu attendre l'annonce officielle de la fermeture prochaine du site pour que les élus locaux semblent sortir de leur torpeur.

   Il faut dire que, dans le Bassin, entre la disparition des commerces de centre-ville et les menaces qui pèsent sur les services publics, il y a de quoi s'occuper. Pourtant, depuis décembre dernier, un petit vent d'optimisme s'était mis à souffler sur le territoire. A Viviez même, c'est une autre entreprise industrielle, la SNAM (Société Nouvelle d'Affinage des Métaux), qui a annoncé un plan de développement. Dans la presse nationale, on a parlé d'environ 600 emplois putatifs (d'ici 2023), alors que Centre Presse a titré sur plus de 700, présentés dans l'article comme certains.

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   Dans le même temps, pas très loin de là, à Decazeville, le sort de SAM technologies suscitait de grandes inquiétudes... que l'intervention d'un groupe chinois est venue (temporairement ?) dissiper. Il reste à espérer que, dans cinq ans, le groupe Jinjiang ne lève pas le camp, emportant dans ses bagages la technologie de SAM, achetée à bon prix.

   Remontons un peu en arrière... toutefois pas jusqu'à 1986 (création de l'entreprise), ni même 2006 (année de la reprise par le groupe Suez). Arrêtons-nous en septembre 2012. Ce n'est pas si lointain. A l'époque, l'ambiance est au beau fixe. Pensez donc : une nouvelle ligne de production est lancée. Tout le gratin politico-administratif est là le jour de l'inauguration. L'entreprise emploie alors 73 salariés (à comparer aux 35 qui restent aujourd'hui...). Durant les années qui suivent, le site semble continuer sur sa lancée. En 2016, la Sopave a même remporté un appel d'offre "lointain" : la fourniture de sacs jaunes (pour les déchets recyclables) à la communauté Angers-Loire-Métropole.

   Cependant, la dynamique n'est plus la même. Ainsi, en janvier 2017, quand le nouveau directeur du site est interrogé, les effectifs ont fondu à 48 salariés, soit une diminution d'un tiers en environ quatre ans. Le chiffre d'affaires a reculé à cause de la baisse des commandes de sacs plastiques. L'article de La Dépêche auquel renvoie le premier lien de ce billet évoque la perte du marché des deux collectivités les plus proches (aujourd'hui fusionnées), celles de Decazeville-Aubin et de la Vallée du Lot, en 2015.

   La collecte et le traitement des déchets sont l'une des compétences de l'ancienne comme de la nouvelle communauté de communes. Celle-ci est toujours présidée par le maire d'Aubin (André Martinez), dont le deuxième vice-président, qui a en charge le développement économique, est François Marty, maire de Decazeville depuis 2014. Le maire de Viviez (Jean-Louis Denoit, en place depuis 2001), troisième vice-président, n'a en charge que l'urbanisme et l'habitat. L'environnement et le cadre de vie sont du ressort de Jean-Pierre Ladrech, premier vice-président et maire de Firmi (depuis 2008). Auparavant, il avait sous sa coupe le développement économique. Voilà plusieurs personnes qu'il serait intéressant d'interroger sur la non-reconduction des marchés avec la Sopave.

   Quant au groupe Suez, il se contente d'affirmer avoir beaucoup investi dans le site. Le choix d'arrêter la production de sacs plastiques a été déterminant pour la suite des opérations. Il est fort possible qu'à partir de ce moment-là, la fermeture du site ait été programmée sans que les employés n'en aient été informés.

   P.S.

   Je ne voudrais pas avoir l'air de lui jeter particulièrement la pierre (il est arrivé trop récemment aux commandes), mais François Marty s'est régulièrement distingué, dans ses déclarations, par sa volonté de réduire les coûts, aussi bien au niveau de la municipalité de Decazeville (récemment dans Centre Presse) que de la communauté de communes (en janvier 2017, par exemple).

   Je me demande si la Sopave n'a pas été considérée comme quantité négligeable, au regard de l'enjeu représenté par le maintien de la SAM et de la SNAM.

mercredi, 07 février 2018

I Am Not a Witch

   "Je ne suis pas une sorcière". C'est sans doute ce que pense en son for intérieur Shula, une gamine zambienne âgée de moins de dix ans qui, à cause de la superstition (et de la bêtise) de certains villageois, se retrouve au coeur d'un improbable procès. Face à une policière "moderne" (en apparence), les habitants du coin semblent sortis du Moyen-Age. Cette séquence, bien que triste sur le fond, ne m'en a pas moins rappelé une autre, beaucoup plus réjouissante, au cours de laquelle une jeune femme déclare "I am not a witch", face à une foule qui hurle "BURN !"

   On comprend donc assez vite que, bien que son style ne soit en rien militant, cette fiction est très engagée. Plutôt que la dénonciation, la réalisatrice (gallo-zambienne) Rungano Nyoni a choisi l'exposition, parfois froide, de situations abracadabrantesques... mais (hélas) fidèles à une réalité africaine : l'exclusion de certaines femmes, qualifiées abusivement de sorcières.

   Dès le début, on nous jette dans le bain, avec cette scène montrant des touristes dans un zoo humain, peuplé de sorcières présumées. On rassure bien vite les visiteurs : compte tenu de la manière dont elles sont attachées, elles sont inoffensives ! C'est d'ailleurs l'une des réussites visuelles de ce film : la mise en scène de ce groupe de femmes, chacune attachée à un gigantesque rouleau dont part une bande de tissu reliée à leur dos. Shula va faire l'expérience de cette privation de liberté.

   Un bon moyen d'y échapper est de se mettre dans les bonnes grâce de l'agent gouvernemental, une caricature de satrape : il est gras dans un pays où presque tous les hommes sont maigres, il porte des vêtements luxueux... et il monnaye la présence de "ses" sorcières, que l'on fait travailler aux champs, dans une émission télévisée... ou dans un tribunal. Cela donne une autre séquence percutante, qui allie de nouveau archaïsme et modernité, à travers la procédure de jugement et l'intervention d'un téléphone portable !

   J'ai gardé en mémoire d'autres scènes marquantes, comme l'initiation nocturne de la future "sorcière officielle" et, plus tard dans l'histoire, une cérémonie funéraire. Attention cependant : ce n'est pas une réussite totale. Le style épuré ne parvient pas à masquer quelques baisses de tension, des "coups de mou" que vient soudain éclairer une scène parfaitement maîtrisée. Je pense malgré tout que cette oeuvre très originale mérite le détour, ne serait-ce que par le propos qu'elle véhicule.

jeudi, 18 janvier 2018

In The Fade

   Au CGR de Rodez, nous avons eu ce film en sortie nationale... et en version originale sous titrée ! Alléluia ! (Il est aussi possible de le voir en version doublée.) C'est quand même l'occasion d'entendre parler la langue d'Angela Merkel, ce qui n'est pas si fréquent dans la province reculée du Rouergue... où le premier employeur privé est la filiale d'une entreprise allemande, Bosch...

   Le début est déroutant. Un homme se trouve en prison, mais il est habillé comme un maquereau futur marié. C'est filmé par un dessous-de-bras. On comprend plus tard pourquoi. Suit la séquence du bonheur. On découvre l'héroïne Katja (Diane Kruger, formidable), une épouse et mère comblée, ancienne étudiante rockeuse tatouée (beurk !). Les dialogues sont souvent cocasses... voire assez crus.

   Evidemment, on attend la rupture de ton. (L'intrigue s'inspire d'une histoire vraie.) Même si c'est un brin mélodramatique, on compatit à la douleur de Katja. Diane Kruger (ai-je dit qu'elle est formidable ?) ne triche pas. Une scène magnifique montre le progressif affaiblissement de tous les sons, face à la douleur muette de la veuve.

   Vient ensuite l'enquête puis le procès. L'enquête est déroutante, parce que les victimes sont, dans un premier temps, presque considérées comme des suspects. Fatih Akin (le réal) nous fait toucher du doigt les différences de point de vue : l'époux étant un ancien délinquant, kurde de Turquie, les policiers soupçonnent un tas de trucs louches. Et comme Katja n'est elle-même pas une sainte, la situation devient étouffante.

   Le procès finit par arriver. C'est mis en scène de manière à montrer la rigueur de l'organisation judiciaire... et la dureté d'une mécanique censée préserver la démocratie, mais qui a tendance à broyer aussi les parties civiles. C'est l'occasion de découvrir deux très bons acteurs : Ulrich Tukur (vu dans Amen, Le Couperet, La Vie des autres, John Rabe) et surtout Johannes Krisch (vu notamment dans Le Labyrinthe du silence), qui incarne l'un des avocats de la défense, un type incontestablement très habile, mais dont on comprend assez vite qu'il ne défend pas les néo-nazis que pour l'argent...

   Une nouvelle rupture de ton intervient dans la dernière partie. Katja (avant que j'oublie : il faut que je vous dise à quel point Diane Kruger est formidable) prend des décisions radicales. On se demande jusqu'où cela va la mener. Cela donne des scènes d'une tension extrême, le film ménageant le suspens jusqu'au bout.

   On prend une sacrée claque... et quelle actrice ! 

   PS

   Bon, allez, je le reconnais : même pas maquillée, même en larmes, même droguée, même mal fringuée, même pas lavée, même tatouée, Diane Kruger reste canon. C'est une énorme injustice de la vie... mais c'est au service d'une excellente histoire.

mardi, 16 janvier 2018

Made In France

   J'ai enfin eu l'occasion de voir ce film (en DVD), dont la sortie en salles, initialement prévue en novembre 2015, a été annulée pour les raisons que l'on sait.

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   Par bien des aspects, il rappelle l'œuvre fulgurante et elle aussi prémonitoire de Philippe Faucon, La Désintégration, sorti en février 2012, juste avant les massacres commis par Mohamed Merah. Le film de Nicolas Boukhrief (dont on a pu voir l'an dernier La Confession) me semble avoir un peu plus d'ampleur.

   On y suit un groupe de jeunes hommes, radicalisés dans une mosquée clandestine, tenue par un prêcheur assez charismatique :

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   Une petite cellule va se former autour d'un converti, de retour du Pakistan et de l'Afghanistan. Il est (formidablement) interprété par Dimitri Storoge, un habitué des seconds rôles vu notamment dans Belle et Sébastien et L'Odeur de la mandarine. L'originalité du scénario est de nous faire toucher du doigt son intimité avec une femme tout aussi intégriste que lui, mais tenue à l'écart de son projet terroriste.

   Le héros de l'histoire est Sam, un journaliste indépendant, d'origine franco-algérienne, qui s'est immiscé dans le groupe, sans imaginer jusqu'où cela allait le mener. Il est incarné par Malik Zidi, un autre visage familier souvent visible au second plan.

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   A leurs côtés, on trouve François Civil (à l'affiche de Ce qui nous lie, l'an dernier) en fils de bourges converti, caricature de djeunse écervelé avide de sensations, en quête de transgression. Et puis il y a Driss, l'ancien délinquant, une boule de violence (plus ou moins) contenue, auquel Nassim Si Ahmed prête ses traits.

   Le premier dérapage survient quand la bande cherche à se procurer des armes. Une étape supplémentaire est franchie au moment du vol de l'engrais. La découverte de leur "mission" va susciter des réactions contrastées chez les jeunes hommes. Dans le même temps, Sam est de plus de plus sur la corde raide, puisqu'il se trouve dans le collimateur de la DGSI.

   C'est donc aussi un bon thriller, qui nous réserve plusieurs coups de théâtre. Il est d'autant plus regrettable qu'il n'ait pas eu sa chance en salles.

   PS

   Le DVD contient trois scènes coupées et un entretien avec Nicolas Boukhrief.

mercredi, 03 janvier 2018

Médiocrité journalistique

   Aujourd'hui, alors que j'étais en voiture, j'écoutais ma radio d'information préférée. Après un flash, un entretien a été diffusé. L'invité représentait la fédération française de golf, me semble-t-il. Sa venue se justifiait par la prochaine tenue en France d'une prestigieuse compétition, la Ryder's Cup.

   Mais voilà-t-y pas que l'invité se permet d'affirmer que le golf est le premier sport individuel de France... et même du monde ! Il a fini par donner des chiffres : 400 000 licenciés (pour la France) et, au total, 800 000 pratiquants. Le problème est que ces données ne font pas du golf le premier sport individuel de notre pays, ce qu'un des journalistes présents aurait dû rappeler aux auditeurs.

   Si l'on se réfère à des statistiques de 2014, le tennis, l'équitation et le judo viennent avant le golf... et encore, on ne compte pas tous ceux qui pratiquent la marche, la natation, le jogging ou le vélo pour le plaisir. Même avec 400 000 licenciés et 800 000 pratiquants, le golf est très loin d'occuper la première place des sports individuels.

   On peut compléter par des statistiques plus récentes, disponibles pour la plupart des sports français. En nombre de licenciés, le tennis est loin devant, avec plus d'un million (contre 400 000 au golf, rappelons-le). L'équitation culmine à presque 700 000 licenciés et le judo à environ 600 000. Cela fait beaucoup de démentis possibles à l'affirmation de l'invité de France Info, qui a pu tranquillement développer sa propagande son discours, les journalistes n'étant visiblement là que pour lui servir les plats.

   De manière générale, je suis agacé par la médiocrité de certains programmes d'information radiophonique. Beaucoup de journalistes ne sont que des animateurs, qui visiblement travaillent peu leurs sujets et ne sont pas dotés d'une grande culture personnelle. Les sujets abordés sont trop souvent survolés.

   PS

   Un peu plus tard dans la journée, une représentante d'ATTAC n'a pas bénéficié du même traitement de faveur. Le journaliste qui l'a interrogée l'a un peu contredite, ce qui l'a obligée à préciser son argumentation... et c'était très bien comme ça. Une bonne radio d'information doit un peu titiller les neurones et non pas se contenter de déverser du liquide vaisselle dans les oreilles de ses auditeurs.

Le Nouveau Magazine Littéraire

   L'ancienne revue consacrée à l'écriture et aux écrivains s'est transformée en magazine sociétal, toujours un brin littéraire. J'ai eu l'occasion de lire le premier numéro de la nouvelle formule, qui ne manque pas d'intérêt :

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   L'article qui a le plus retenu mon attention est celui intitulé "Une famille française". Marc Weitzmann y traite du cas de la famille Merah. Il cite notamment un enregistrement réalisé lorsque la mère de Mohamed est venue rendre visite en prison au frère de celui-ci, Abdelkader.

   Il a été question de ces propos lors du récent procès qui a vu le frère du terroriste se faire condamner à une peine relativement légère. (Il risque de se retrouver dehors dans quelques années...) A ceux qui ignoreraient ces propos, je conseille la lecture de l'article, pour mieux comprendre l'obscurantisme et la haine qui animent certains membres de cette famille.

   Mais, s'il s'arrêtait à cela, l'article n'aurait rien de particulièrement remarquable. Il tente de dresser un profil psychologique des membres de la famille, en se fondant sur ce que les enquêtes ont mis au jour et sur ce que certains ont déclaré (ou écrit, pour le fils aîné, qui s'est éloigné de sa famille d'islamo-fascistes).

   On découvre un père délinquant algérien et polygame, qui cognait allègrement sur ses fils, qui ont ensuite reproduit la violence paternelle. On découvre aussi le fanatisme d'une mère dont on a récemment tenté de nous faire avaler un portrait humaniste. C'est peut-être cette mère qui a encouragé plusieurs de ses enfants à faire du petit dernier (Mohamed) leur souffre-douleur. Le plus acharné fut sans doute Abdelkader, celui qui allait par la suite devenir une sorte de guide spirituel intégriste. Plus intéressant encore, s'appuyant sur une psychanalyste, le journaliste évoque la relation trouble entre les deux frères, relation faite de sado-masochisme... et peut-être d'homosexualité incestueuse refoulée(?).

   En élargissant son propos, l'auteur étonnera peut-être certains lecteurs en affirmant que les familles de djihadistes se ressemblent souvent et que celle de Mohamed et Abdelkader Merah n'est sans doute pas si exceptionnelle que cela. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir...

   Un peu plus loin, c'est Edgar Morin qui est sur la sellette. On a droit à un entretien guère palpitant avec Raphaël Glucksmann. Je conseille plutôt la lecture de la mise au point consacrée à sa relation avec le fourbe Tariq Ramadan.

   La suite du magazine contient quantité de conseils de lecture... et quelques analyses cinématographiques, dont une de l'univers de Star Wars, à l'occasion de la sortie du film Les Derniers Jedi.

mardi, 02 janvier 2018

Tropisme états-unien

   Les séries américaines, en plus d'être souvent (pas toujours) divertissantes, sont un miroir (parfois involontaire) de la société de ce pays ou de la vision du monde qui y prédomine. J'ai pu encore le constater en visionnant les premiers épisodes de Salvation, actuellement diffusée sur M6.

   L'habillage visuel est très réussi, bien qu'un peu tape-à-l'oeil. L'ambiance d'une série d'anticipation est bien campée. Se pose quand même un problème de vraisemblance : presque tous les postes à responsabilité (publics et privés) sont tenus par des trentenaires ou de jeunes quadragénaires... Les personnes âgées de plus de cinquante ans (qui pourtant jouent un rôle déterminant dans notre monde) sont quasiment exclues de cette fiction.

   Mais c'est un autre détail qui a attiré mon attention. Dans le quatrième épisode de la saison 1 (vers la seizième minute), un planisphère apparaît dans un coin de l'écran, quand il est question de la sélection des 160 individus nécessaires à la reconstruction d'une société humaine sur Mars :

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   Zoomons sur la carte :

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   Les pourcentages peuvent correspondre à la part de la population mondiale vivant sur chaque continent, ou à la part de chaque continent dans le groupe des 160 (ce qui revient un peu au même). Le tropisme états-unien apparaît déjà : au lieu de se contenter d'une donnée chiffrée pour tout le continent américain, celui-ci est divisé en deux parties (grosso modo : l'Amérique anglo-saxonne et l'Amérique latine).

   Certains de ces nombres m'ont fait tiquer. Du coup, je suis allé sur le site de l'INED, histoire de vérifier leur validité. Ô surprise ! Certains sont faux. Il s'avère que le poids de la population nord-américaine est considérablement surévalué (estimée à 21 % du total, au lieu de 5 %). C'est aussi le cas de la population européenne (même en y incluant les Russes).  La conséquence est que le poids de la population asiatique est considérablement sous-évalué, puisqu'il est estimé à 29 % du total, contre près de 60 % dans la réalité ! (Sur le trombinoscope qui jouxte la carte, on constate la même surreprésentation de visages "de type européen" et la sous-représentation de faciès "de type asiatique"...) Voici ce à quoi aurait dû ressembler le planisphère :

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    Avis aux amateurs : c'est dans ce quatrième épisode que l'on découvre le sens caché du titre de la série. Sinon, le samedi, à la même heure, je recommande plutôt Agent Carter (sur TMC), une production originale, qui mêle ambiance de Guerre froide, science-fiction et un poil d'univers de super-héros. Si aucune de ces propositions ne vous convient, il reste l'exaltante possibilité de se rendre dans une salle obscure !

   PS

   Un autre détail est l'objet d'un biais de traduction. A deux reprises dans ce quatrième épisode, il est question d'un document exceptionnel, une des versions d'origine d'un texte célèbre, version que l'entrepreneur Darius Tanz acquiert lors d'une vente aux enchères et qu'il destine à être préservée pour les générations futures :

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   Dans la version française, on entend qu'il s'agit de la Déclaration des Droits de l'Homme. Le public hexagonal déduit que c'est celle de 1789... sauf que l'exemplaire qui est montré à l'écran est placé sous l'égide du Congrès des Etats-Unis (souligné en rouge par moi sur la capture d'écran). En réalité, il s'agit du Bill of Rights, les dix premiers amendements à la Constitution des Etats-Unis, adoptés en 1791, et dont la traduction en français donne "Déclaration des droits".

lundi, 01 janvier 2018

Tout l'argent du monde

   Voici donc le premier film tourné avec Kevin Spacey, sans que celui-ci apparaisse à l'écran (sauf dans la bande-annonce d'origine, toujours accessible sur la Toile). Il faut reconnaître que, quelle que soit la performance de l'acteur de Swimming with sharks, Seven, Usual Suspects, American Beauty et (plus récemment) Baby Driver, le vétéran Plummer le remplace avantageusement.

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   Dans le film, s'il est un Plummer qui ne joue pas très bien, c'est le jeune Charlie, qui interprète le petit-fils de l'homme le plus riche du monde, celui qui se fait enlever. C'est peut-être le seul point faible d'une distribution très professionnelle, où l'on retrouve, entre autres, Mark Wahlberg, Romain Duris... et surtout Michelle Williams, presque méconnaissable et qui livre une excellente composition dans le rôle de la belle-fille du milliardaire.

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   Le film vaut d'abord pour le portrait d'un homme d'affaires misanthrope, égoïste, radin... et amateur d'art. Christopher Plummer est vraiment très bon dans ce registre, servi par un scénario aux petits oignons. Je recommande tout particulièrement l'histoire de la statue prétendûment achetée sur un marché d'Héraklion et le coup de la cabine téléphonique payante... dans un hall de la maison du château de campagne de Getty senior.

   La tension vient davantage des scènes italiennes, se déroulant à Rome et en Calabre (la pointe de la botte), celles-ci tournées (au moins en partie)... en Jordanie (la défiscalisation italienne n'ayant sans doute pas été jugée assez alléchante par la production yankee).

   C'est un bon suspens, qui s'accompagne de scènes quasi documentaires sur le fonctionnement traditionnel de la 'Ndrangheta. Il y a bien quelques facilités çà et là mais, comme c'est bien joué (et qu'on a gardé les dialogues en italien dans la version française), on ne voit guère le temps passer.

samedi, 30 décembre 2017

Kedi - Des chats et des hommes

   Le titre est un mot turc désignant les chats, les matous... plutôt des mâles donc (castrés ou pas). Que l'on se rassure : dans ce bref documentaire (1h20), il est aussi amplement question des femelles, parfois très caractérielles !

   Nous voici plongés dans certains quartiers d'Istanbul (à proximité d'une zone portuaire dédiée à la pêche et le long de rues commerçantes traditionnelles), où des chats errants ont élu domicile, nourris, câlinés voire logés par les résidents ou les clients de passage. Ce sont très majoritairement des chats de gouttière, des bâtards, même si l'on voit quelques bêtes racées (dont une abandonnée).

   Les caméras (l'une d'entre elle montée sur une petite voiture télécommandée !) suivent plus particulièrement une dizaine de bêtes à poils. Même si elles ne sont pas toutes belles, la réalisation leur rend hommage, grâce notamment à de superbes (très) gros plans. On a aussi l'occasion d'admirer la souplesse de plusieurs animaux. Mais l'objectif principal du film est de nous faire découvrir leur caractère.

   Il y a la "patronne" du magasin de vêtements, qui sait pouvoir y faire la sieste... et qui n'hésite pas à apostropher les passants pour obtenir de la nourriture, dont elle réserve une partie à sa progéniture.

   Il y a les quatre chatons orphelins, dont s'occupe un père de famille modeste. Il va pouvoir compter sur l'appui d'un matou de passage, un mâle sans attaches qui décide de devenir le papa et la maman de la progéniture !

   Il y a encore ce couple asymétrique, avec la minette en dominante, qui se nourrit en premier et veille à ce que monsieur ne soit pas tenté de culbuter la première chatte de passage ! Elle se laisse toutefois approcher par un artisan, qui apprécie son indépendance.

   On s'attache aussi au "protecteur des terrasses", un matou vigilant qui traque les souris. Il semble plus efficace que la mort-aux-rats et a obtenu le droit de déambuler à sa guise entre les chaises.

   D'autres bêtes ont pris pour cible un appartement situé au premier étage, qui abrite un chat d'intérieur tout timidou, que sa maîtresse fait, de temps en temps, cohabiter avec certaines "racailles" de la rue. C'est entre ces "invités" qu'un conflit va éclater...

   L'exception à la règle est le chat distingué, qui a sa place réservée sur une chaise, à l'entrée d'un restaurant où il veille à ne pas pénétrer pendant le service. Très digne, il toise la clientèle sans émotion apparente... sauf quand, à travers la fenêtre, il voit le cuistot s'approcher des aliments dont il raffole. A ce moment-là, il sait parfaitement se faire comprendre !

   Le film s'attarde aussi sur ceux qui caressent ou qui nourrissent les animaux (souvent des personnes âgées). Cela donne de très belles scènes, pleines de poésie. Cela contrebalance la précarité de la vie des félins urbains. Beaucoup meurent écrasés par une voiture ou... de cancer. Il faut dire qu'ils ont le nez au niveau des pots d'échappement... Leur espace de vie est aussi menacé par la rénovation urbaine, qui supprime nombre d'espaces verts (en particulier les jardins) et remplace les immeubles traditionnels (pleins de recoins) par de gros machins modernes sans âme.

   C'est très correctement filmé, sur une musique bien choisie. Sur grand écran, les chattes et les chats sont vraiment attendrissants.

vendredi, 29 décembre 2017

Le loup au diable Vauvert

   ... mais, hélas, cela ne veut pas dire qu'il s'éloigne de nous, puisque Vauvert est une commune du département du Gard (frontalier de l'Aveyron), où la présence du loup serait en train de se développer, selon un passionnant dossier publié dans le dernier numéro de La Gazette de Montpellier :

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   (Notez que les auteurs ont suivi grosso modo les limites de l'ancienne région Languedoc-Roussillon, preuve que, du côté de Montpellier, on n'a toujours pas digéré la fusion-acquisition avec Midi-Pyrénées...)

   Sur la carte, j'ai entouré (approximativement) les zones aveyronnaises concernées. On peut regretter que les auteurs n'aient pas tenu compte d'un récent rapport de l'INRA (dont il a beaucoup été question le mois dernier), qui confirme le renforcement de la présence lupine aussi bien sur l'Aubrac que sur le Larzac... et même à proximité de Millau.

   D'ailleurs, une partie du dossier va dans ce sens. Un entretien avec José Bové évoque la sous-estimation du nombre de loups... à mon avis volontaire, pour limiter les "tirs de prélèvement". Si l'on tenait compte de la situation réelle dans les zones pastorales, on devrait autoriser l'abattage de davantage de bêtes (des loups, hein, parce que du côté de l'attaque des brebis, aucun véritable frein ne semble devoir être posé aux appétits de canis lupus lupus).

   Les amateurs de curiosité découvriront peut-être dans ce dossier une photographie prise l'an dernier sur l'Aubrac (par Manoel Atman), celle d'une louve "pleine" (c'est-à-dire sur le point de mettre bas) :

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   Et dire qu'officiellement, on continue à affirmer qu'il n'y a qu'un seul loup dans le Nord Aveyron !

   Le dossier comporte aussi deux intéressantes cartes historiques, une présentant le nombre de victimes humaines des attaques de loup, par département, entre 1271 et 1918. La seconde carte répertorie les communes où des loups ont été tués en 1796-1797... Impressionnant ! (Pour les voir, il va falloir acheter le magazine !)

   D'autres articles méritent la lecture dans ce numéro de La Gazette de Montpellier. L'un d'entre eux traite du Cévenol, le train reliant le Languedoc à Clermont-Ferrand. Un autre évoque l'histoire d'un antipoison, dont la conception a nécessité des ingrédients de provenance parfois lointaine...

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dimanche, 24 décembre 2017

Médiocrité enseignementale

   Ce n'est qu'aujourd'hui qu'une anecdote croustillante a été portée à ma connaissance, par un article de La Dépêche du Midi. Les faits se sont déroulés mercredi 13 décembre dernier. Les professeures d'une école (publique ?) de Gironde ont emmené leurs chères têtes blondes (brunes, rousses...) au cinéma, sans doute dans un but hautement éducatif.

   Il est toutefois permis d'en douter quand on sait que le film au programme était L'Etoile de Noël, une animation certes très divertissante, mais dont l'intérêt pédagogique ne saute pas aux yeux. Cela ressemble bigrement à une sortie-prétexte, histoire de ne pas avoir à faire cours une demi-journée par semaine. (Entre le transport aller, l'installation dans la salle, la durée du film, le pipi de la fin et le retour au bercail, on a bien 3 heures - 3 heures 30 d'écoulées...) Nous savons bien combien le retour à la semaine de quatre jours et demi, imposé sous le quinquennat Hollande, a suscité d'oppositions égoïstes parmi certains parents, enseignants et élus locaux...

   Rappelons que, même avec le passage de 4 à 4,5 jours de classe, les petits Français font partie des élèves européens (et même de l'OCDE) à avoir le moins de jours d'école dans l'année. Ailleurs (comme c'était la règle en France il y a quelques générations de cela, à une époque où l'école primaire remplissait mieux sa mission qu'aujourd'hui), les cinq jours complets sont de mise, mais avec un emploi du temps quotidien moins chargé. Voilà qui permet aux élèves plus lents (ou moins doués) d'assimiler les notions que les enfants favorisés arrivent à ingurgiter en quatre jours de scolarité chargés.

   Mais, en Gironde comme parfois dans l'Aveyron, l'élite enseignementale fait de la résistance... en emmenant les gamins au cinéma le mercredi... ou le vendredi, comme j'ai déjà pu le constater à Rodez. Entendons-nous bien : le cinéphile que je suis accepte évidemment que ce genre de sortie fasse partie des activités pédagogiques. C'est de plus enrichissant sur le plan culturel. Encore faut-il au préalable avoir vu le film que l'on destine aux bambins... et préparer une (plusieurs ?) séance(s) de travail en lien avec la sortie. Visiblement, ça n'a pas été le cas de ces profs girondines quelque peu pusillanimes.

   Sur la Toile, la droite identitaire s'est déchaînée, contribuant à orienter le débat sur le thème de la laïcité. Mais le véritable problème est le manque de conscience professionnelle de ces enseignantes.

   PS

   Curieusement, dans les écoles privées (catholiques), la projection de ce film n'a soulevé aucun problème, notamment dans le Morbihan (à Carentoir) et dans le Finistère (à Brest).

lundi, 04 décembre 2017

L'Etoile de Noël

   Cette animation de Sony Pictures suscite des réactions contrastées, notamment en raison du sujet sur lequel s'appuie l'intrigue : les mois qui auraient précédé la naissance de Jésus. Voilà pourquoi, dans un souci d'impartialité, je vais vous proposer non pas une, non pas deux, non pas trois mais quatre critiques différentes de ce film.

   On commence par Jean-Hubert, un identitaire de droite qui a emmené ses sept enfants voir le film.

   En cette approche du temps béni de Noël, il est bon qu'un film d'animation rappelle à notre saine jeunesse les fondements de notre Civilisation. Ainsi, loin du matérialisme putride dans lequel baignent tant de productions destinées au peuple, cette oeuvre spirituelle fait le pari d'élever l'âme des spectateurs. A plusieurs reprises, l'intervention divine est visible à l'écran, rappelant aux fourmis que nous sommes combien nous sommes dépendants du Très-Haut. Celui-ci ne fait pas de distinction entre les créatures vivantes pour indiquer Son dessein. Comment ne pas voir la marque divine dans l'ardeur à faire triompher le bien manifestée par un âne chatouilleux, une colombe bavarde, une brebis bondissante et des dromadaires mal coiffés ? En dépit de l'horrible menace qui pèse sur la Sainte Famille (curieusement représentée sous des traits "orientaux"), le destin de l'humanité était en marche !

   On continue avec la critique de gauche insoumise, par Karl-Georges-Boris ("KGB" pour les intimes).

   Fonctionnant à la marge du système capitaliste hollywoodien, Sony Pictures nous propose une lecture révolutionnaire des textes considérés par certains comme sacrés. Joseph et Marie sont deux prolétaires victimes de l'impérialisme romain, dans lequel tout le monde reconnaîtra son lointain avatar états-unien. Ils forment un couple égalitaire, se partageant les tâches du quotidien. Tous deux appartiennent aux "minorités visibles", ces Français issus de l'immigration africaine spoliés par l'histoire, auxquels un glorieux destin est promis. Pour cela, ils vont devoir s'unir et s'unir avec ceux qui, de prime abord, apparaissent très éloignés d'eux. Cette puissante métaphore appelle les réprouvés de toute origine, humains, dromadaires, colombes, moutons, chèvre, ânes, chevaux, boeufs et chiens, veaux, vaches, cochons, à se fédérer pour renverser l'ordre établi. Cette animation, en dépit de quelques désagréables aspects superstitieux, est un véritable appel à la révolte !

   Je m'en voudrais de ne pas vous communiquer la critique islamo-fasciste, rédigée par Tariq-Alain.

   Le complot américano-sionisto-croisé tente à nouveau de déverser sa propagande infâme dans la tête des enfants d'Allah. (Loué soit Son nom !) Ce film a sans nul doute été produit dans le but de faire croire qu'Issah, ce prophète de deuxième catégorie, était le véritable élu de Dieu, alors que tout le monde sait qu'il s'agit de Muhammad. (Bénie soit son action !) Mais nous avions prévu cette tentative. Nous avons infiltré des frères dans la grande machine hollywoodienne à fabriquer du mensonge. Voilà pourquoi cette oeuvre au départ impure s'est parée des couleurs de l'Islam. Ainsi, le couple de héros, Youssouf et Myriam, forme incontestablement une famille palestinienne qui suit la voie de l'obéissance à Allah. Ils n'élèvent pas de porc, cet animal impur. De plus, lorsqu'elle sort du domicile, Myriam se couvre comme toute bonne musulmane doit le faire (et non comme tant de pécheresses en Occident, ces vipères lubriques qui tentent d'échapper à la saine domination de l'homme). Ce couple est pourchassé par des militaires cruels armés jusqu'aux dents, au service d'un pouvoir oppresseur. Il s'agit bien évidemment de l'occupant sioniste. L'ingéniosité dont font preuve les personnages animaux n'est pas sans rappeler les efforts méritoires et souterrains menés par les combattants d'Allah pour faire triompher la Vraie Foi.

   Je termine par la critique la plus objective, la plus érudite, la plus argumentée, celle de Jérémie, 8 ans (et demi) : "C'est trop rigolo !"

jeudi, 30 novembre 2017

Le Brio

   J'ai un peu tardé à aller voir ce film, qui a bénéficié d'une promotion quasi-hollywoodienne. La vision de la bande-annonce m'avait donné l'impression de connaître déjà toute la trame de l'histoire, ce qui enlève quand même un peu l'envie. Mais, certains éléments laissaient présager une intrigue pas trop "politiquement correcte" et le bouche-à-oreille est très bon. Va donc pour Le Brio.

   La première (agréable) surprise arrive dès le début, avec ces extraits d'émissions télévisées, avec Serge Gainsbourg, Claude Lévi-Strauss, Romain Gary et surtout Jacques Brel, qui parle de la bêtise et du bonheur.

   Très vite, le principal argument de cette comédie sociétale surgit : la confrontation entre l'étudiante beurette banlieusarde pugnace et le prof de fac grand-bourgeois de droite. Les échanges entre les deux personnages sont souvent savoureux, notamment grâce au talent des interprètes, Daniel Auteuil (que je n'ai pas vu aussi  bon depuis longtemps) et la révélation Camélia Jordana (qui n'était jusqu'à présent pour moi qu'une -jolie- voix, celle qui interprète la chanson accompagnant le dernier film de Cédric Klapisch, Ce qui nous lie). On peut aussi signaler la prestation de Yasin Houicha en Mounir, le petit ami de Neïla.

   A ceux qui pensent que le pire (question propos stigmatisants) sort de la bouche de Pierre Mazard, je conseille de tendre l'oreille au début du concours de plaidoiries, lorsque le premier adversaire de l'héroïne Neïla soutient la thèse que "l'habit ne fait pas le moine". (C'est d'autant plus fort que le petit con en costume-cravate est très bien interprété.)

   Il y a toutefois un aspect conte de fées dans l'histoire. L'héroïne habite une cité du Val-de-Marne où il n'y a ni trafic ni agression, où presque aucune femme n'est voilée. Quant aux deux principaux protagonistes qu'au départ tout oppose, ils vont petit à petit surmonter leurs aprioris et changer, intérieurement comme extérieurement. Fort heureusement, le scénario ménage quelques retournements. La vie n'est pas aussi simple et, parfois, on peut tirer grandement profit de situations désagréables.

   Plusieurs scènes m'ont marqué. Il y a celles qui montrent le groupe de potes de banlieue, des jeunes (presque) comme les autres, qui se chambrent et jouent ensemble. J'ai aussi beaucoup aimé le repas de femmes, entre la grand-mère à peine francophone, la fille adolescente attardée et la petite-fille brillante mais habillée comme une souillon. Du point de vue de la mise en scène, c'est une plaidoirie de Neïla qui emporte le morceau, vers la fin. Elle ne survient pas dans le contexte auquel on s'attend, mais c'est quand même un bel hommage à l'enseignement qu'elle a reçu, puisqu'elle y exploite les petits trucs de son agaçant mentor.

   Et puis il y a cet épilogue assez cocasse, qui donne foi en l'avenir.

mardi, 28 novembre 2017

Les Conquérantes

   Ce film suisse évoque le combat des femmes pour l'obtention du droit de vote... et de plus de respect au quotidien de la part des hommes. Le début des années 1970 est une époque de remise en cause, chez nos voisins alpins comme ailleurs. Les spectateurs qui ont un peu de kilomètres au compteur retrouveront dans cette Suisse rurale et patriarcale un peu de la France des années 1970-1980, à ceci près que, dans l'Hexagone, c'est depuis 1944 que les femmes peuvent voter.

   Cela aurait pu donner un film pesant, militant, poussiéreux. Ce n'est heureusement rien de tout cela. C'est évidemment engagé, mais furieusement drôle, malgré la gravité des situations. Il y a d'abord le contraste entre ces femmes de la campagne, soumises bien qu'enragées de leur condition de bonnes à tout faire, et les jeunes qui ne veulent pas de la même vie de leur mère. Il y a aussi la beaufitude ridicule de certains hommes, vraiment pas subtils. Il y a enfin l'irruption de la révolution sexuelle, dans une scène hilarante au cours de laquelle des femmes revendiquent le mot "clitoris" et découvrent, pour certaines d'entre elles, qu'elles ont un tigre dans le moteur...

   On suit plus particulièrement l'évolution de Nora, une timide femme au foyer qui doit se fader un beau-père acariâtre, deux fils égocentriques et un mari gentil mais très sensible au qu'en-dira-t-on. L'une des scènes du début la montre pédalant à vélo, dans l'un des rares moments de totale liberté dont elle jouit. Le déclic est la révolte de sa nièce, dont Nora ne supporte pas la répression. Dans le même temps, elle suit les débats sur le référendum portant sur le droit de vote... et elle se dit qu'elle pourrait reprendre un travail.

   Cela fait beaucoup pour son mari Hans, un beau garçon maladroit qui ne l'a jamais fait jouir. Travailleur consciencieux, il est sur le point de bénéficier d'une promotion dans la scierie dirigée par une vieille bique ultraconservatrice. Son départ pour le service militaire va donner des ailes à Nora... et bouleverser le village.

   L'héroïne va trouver des alliées : une retraitée à moitié sénile mais audacieuse, une restauratrice d'origine italienne de moeurs très libres et même sa belle-soeur, lassée d'un mari décevant.

   Cela donne un ensemble instructif et très plaisant, toujours d'actualité à une époque où l'obscurantisme est loin d'avoir disparu.

   

mercredi, 22 novembre 2017

L'outrage au drapeau

   Cette question est au coeur de l'une des affaires qui sert de support à l'intrigue d'un épisode de la série Blue Bloods. En ce moment, le mardi, la chaîne W9 a cessé de se contenter des resucées pour diffuser la saison 6 (inédite sur la TNT). L'épisode 10 nous fait suivre comme d'habitude plusieurs membres de la famille Reagan (d'ardents patriotes d'origine irlandaise, à l'honnêteté chevillée au corps). Le plus jeune, Jamie, s'attache à une adolescente dont le père a été abattu par un policier. Son frère Danny (policier lui aussi) et sa soeur Erin (assistante du procureur) sont préoccupés par la possible libération d'un tueur condamné sur la base de preuves frauduleuses.

   Mais c'est l'affaire traitée par le père Frank (incarné par Tom Selleck) qui a retenu mon attention. Celui-ci, en tant que chef de la police de New York, est amené à se prononcer sur l'organisation d'une manifestation anti-guerre, au cours de laquelle le drapeau des Etats-Unis pourrait être brûlé en public. A la surprise peut-être de certains spectateurs, aux Etats-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression (pour le meilleur comme pour le pire, d'ailleurs), est invoqué par le "commissioner" pour autoriser la manifestation, en dépit de ses sentiments personnels. C'est parfaitement conforme à la jurisprudence états-unienne, en dépit de récentes velléités d'élus républicains ultra-conservateurs.

   Et en France ? Avant 2003, s'en prendre au drapeau français était mal vu, mais pas réprimé par la loi. Cette année-là a été introduit dans notre code pénal l'article 433-5-1, qui sanctionne l'outrage au drapeau, dans certaines circonstances. Il a été complété en 2010 par un décret, qui a connu sa première application en juillet de la même année.

mercredi, 15 novembre 2017

Cocori... meuh !

   Les spéculations allaient bon train. Depuis que l'on avait su que la figure emblématique du prochain Salon de l'agriculture serait une vache Aubrac, tout le monde se demandait quel élevage allait être distingué par le choix de l'animal (forcément photogénique).

   La logique voulait que la vache soit choisie dans le bassin d'origine de la race, à savoir la région naturelle se trouvant à cheval sur les départements de l'Aveyron, du Cantal et de la Lozère. Certes, depuis une dizaine d'années, on voit ces ravissantes bêtes à cornes dans un nombre croissant de départements français (et même à l'étranger), mais il ne pouvait être question d'ignorer le berceau de la race.

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   En Aveyron, il était non moins évident que c'était une bête locale qui devait être désignée. Même si les liens sont forts avec les voisins cantaliens et lozériens, il apparaissait logique qu'hommage soit rendu au travail de fond fourni d'abord sur le versant rouergat. Un jour, peut-être, on saura quels trésors de lobbying la mafia communauté des Aveyronnais de Paris a déployés pour soutenir une candidate issue de la Mère Patrie.

   Enfin, aujourd'hui, la décision est tombée : l'heureux élu est un GAEC situé sur la commune de Curières, voisine de Laguiole, frontalière du Cantal... et quasi-frontalière de la Lozère !

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   Comme quoi, le hasard fait bien les choses ! Il le fait d'autant mieux que cette exploitation agricole est gérée par un couple de trentenaires, un beau symbole pour une agriculture en quête de renouvellement.

   Quant à la vache, elle s'appelle Haute, un nom tout à fait adapté à cette zone de montagne.

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lundi, 30 octobre 2017

Numéro Une

   Emmanuelle Devos a été longtemps considérée comme "une actrice Desplechin". Heureusement pour elle, elle est bien plus que cela. C'est sous la direction d'autres metteurs en scène qu'elle a joué ses plus beaux rôles, dans Sur mes lèvres (de Jacques Audiard), Ceux qui restent (d'Anne Le Ny), Le Fils de l'autre (de Lorraine Lévy) et, plus récemment Moka (de Frédéric Mermoud).

   Ici, Tonie Marshall lui a confié le personnage d'Emmanuelle Blachey, une cadre supérieure d'une entreprise du secteur de l'énergie (qu'elle contribue à développer dans le secteur des éoliennes), à laquelle on va suggérer de viser plus haut et de briguer le poste de PDG d'une très grosse boîte, Anthéa (un décalque d'Engie ou de Vivendi).

   Son style comme son parcours ne sont pas sans rappeler ceux d'Anne Lauvergeon (ancienne PDG d'Areva), même si le film s'ingénie à brouiller les pistes. L'histoire n'est pas inspirée de la vie d'une seule femme. Les témoignages de plusieurs dirigeantes ont été mis à contribution. L'écriture du scénario a aussi bénéficié du renfort d'une journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué, qui connaît bien les arcanes du pouvoir parisien.

   C'est d'ailleurs à proximité de celui-ci que se déroule la majeure partie de l'action, que ce soit dans de luxueux immeubles de la capitale ou dans l'une des tours du quartier de la Défense, dont la terrasse constitue le dernier refuge des fumeurs (les cadres sup, la valetaille allant s'en griller une sur l'esplanade, en bas)... et un lieu où s'isoler du reste du monde. De temps à autre, on voit qu'Emmanuelle est un peu seule, comme lorsqu'elle attend ses collègues, dans la salle de réunion où elle est arrivée la première (toujours se montrer meilleure que les autres...) et où elle a le temps d'observer la collection de photographies représentant les cadres dirigeants, tous masculins...

   C'est filmé avec soin. L'image est propre, bien léchée, même quand ce qu'elle montre est dégueulasse. C'est un peu à l'image de ce milieu, où les apparences brillantes cachent des appétits sordides... et des manoeuvres plus ou moins légales. C'est que la désignation du nouveau PDG d'Anthéa fait l'objet d'une intense lutte d'influence, dans laquelle (presque) tous les coups sont permis. Les principaux adversaires d'Emmanuelle sont incarnés par Richard Berry et Benjamin Biolay, un beau duo d'enfoirés !

   Le film met aussi en valeur la vie intime de l'héroïne. Elle doit gérer l'éducation des enfants, la maladie de son père (un ancien prof de philo de gauche que le CAC 40 ne fait pas vibrer...), sa relation avec son compagnon avocat d'affaires... et ses propres interrogations, comme celles suscitées par la mort d'une inconnue, sur une plage de Deauville. L'ingénieure férue de mandarin, habituée à évoluer dans un monde d'hommes, n'est au départ pas particulièrement féministe. Une série de rencontres (des femmes de pouvoir aux employées d'un chantier de construction d'éoliennes) va la faire changer d'avis.

samedi, 14 octobre 2017

Mauvaise santé aveyronnaise

   Ce titre pourrait sembler étrange à ceux qui suivent les questions médicales et leurs implications territoriales. En effet, l'Aveyron est plutôt connu comme un département où l'on vit bien et longtemps. C'est d'ailleurs l'un des départements français où l'incidence des cancers est la plus faible, pour les hommes comme pour les femmes :

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   C'est aussi l'un des départements où l'espérance de vie est plus élevée que la moyenne nationale : 80,2 ans pour les hommes (79 en France) et 85,5 pour les femmes (85,1 en France), en 2015. A titre d'anecdote, je précise que la statistique féminine place l'Aveyron en 20e position, alors que la statistique masculine le fait grimper à la... 12e !

   Tout cela pourrait être remis en question, si l'on en croit un intéressant article publié par les "Décodeurs" du Monde. Il est illustré notamment par une carte présentant la qualité de l'offre de santé accessible aux populations, par canton.

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   Presque tout l'Aveyron se trouve en "zone rose" (mais pas rouge), celle attribuée aux cantons où l'offre de soins de proximité est médiocre voire faible. C'est le cas de la majorité de l'espace rural, à l'exception notable d'une partie des Alpes et des Pyrénées. Les agglomérations les plus peuplées semblent concentrer l'offre abondante et de qualité...

    Mais affinons l'analyse. A y regarder de plus près, on remarque d'assez grandes disparités au sein même de l'Aveyron :

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   Certaines zones sont en bleu (clair), signe que l'offre de soins doit y être correcte. Il s'agit des cantons urbains de Rodez, Millau, Decazeville (et sans doute Saint-Affrique), mais aussi des (anciens) cantons ruraux de Saint-Chély-d'Aubrac, Laguiole et Salles-Curan.

   La situation est plus inquiétante pour Estaing et Cornus (en rose foncé)... et guère plus rassurante pour les autres cantons aveyronnais. On notera que la présence d'un hôpital à Villefranche-de-Rouergue ne semble pas avoir un impact aussi positif que dans les autres villes hospitalières rouergates.

   Problème supplémentaire pour l'Aveyron : la région Midi-Languedoc ne fait pas partie des mieux équipées pour traiter certaines pathologies, comme les cancers :

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   A l'échelle nationale, certaines zones semblent plus souffrir encore que l'Aveyron, notamment dans l'Ouest. La carte démontre néanmoins que, pour disposer d'une bonne offre de soins de proximité, il vaut mieux habiter un canton situé dans une grande aire urbaine. Voilà de quoi nourrir la réflexion et l'action des politiques de tout bord.

dimanche, 08 octobre 2017

L'affaire Fualdès, le sang et la rumeur

   Jusqu'au 31 décembre 2017, le musée Fenaille de Rodez propose une passionnante exposition consacrée à un fait divers qui a défrayé la chronique il y a 200 ans, en Aveyron bien sûr, mais aussi au plan national et même international.

   Dès le vestibule, on est accueilli par la reproduction d'une gravure datant sans doute de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle. On y découvre une vue d'un Rodez exigu (peuplé à l'époque de seulement 6 500 habitants), entouré d'espace rural, en particulier sur les pentes aujourd'hui presque intégralement bâties.

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   De là, on pénètre dans la première salle, consacrée au crime en lui-même. On nous présente Antoine-Bernardin Fualdès, ancien révolutionnaire ardent devenu bonapartiste et procureur impérial au criminel. C'est dire qu'il a dû se faire des ennemis dans le passé, d'autant plus qu'il est franc-maçon (de tendance antimonarchique), une étiquette délicate à porter en 1817, au début de la Restauration, juste après la Terreur blanche.

   Le mystère plane toujours sur ce qui s'est passé le soir de ce 19 mars 1817. Vers 20 heures, Fualdès a quitté son domicile ( 1 aujourd'hui situé au début de la rue de Bonald, où l'on peut encore voir la porte d'origine, qui a été légèrement reculée par rapport à la rue, sans doute pour ménager un abri). Il faisait sombre à Rodez, mais le cafetier voisin (2) a reconnu l'ancien procureur parti se promener, une serviette de documents sous le bras, semble-t-il. Au bout de la place de la cité, il a tourné à droite, rue Terral (3). A partir de là, les versions divergent.

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   L'enquête (bâclée) et la rumeur publique ont très tôt désigné la maison Bancal (4) comme étant le lieu du crime. N'a-t-on pas retrouvé à proximité de celle-ci, rue des Hebdomadiers (aujourd'hui rue Séguy) un mouchoir qui ne peut qu'avoir servi de bâillon ? N'a-t-on pas retrouvé la canne de Fualdès à peine plus loin, rue Terral ? Dans la salle du musée sont proposés plusieurs plans d'époque, ainsi qu'une carte postale du tout début du XXe siècle, permettant de localiser les principaux endroits liés (de manière réelle ou supposée) au crime. Notons que la mairie de Rodez avait fait imprimer l'un de ces plans, dont la vente devait servir à soulager les nécessiteux de la commune.

   Le corps de Fualdès ayant été retrouvé en contrebas de la ville, sur les berges de l'Aveyron, à Layoule, aux confins de Rodez et du Monastère, les imaginations se sont déchaînées sur la manière dont le corps y avait été transporté. Contrairement à ce qu'un esprit contemporain pourrait croire, ce n'est pas le chemin le plus court qui a été emprunté. Celui-ci traversait une partie de la cité (la partie Nord), où, le soir, le moindre bruit est susceptible d'éveiller l'attention.

  Les assassins (car ils étaient sans doute plusieurs) ont sans doute transporté Fualdès (vivant ou mort) en longeant les remparts de la cité. Ils seraient sortis par la porte Saint-Martial qui, à l'époque, faisait le lien entre l'évêché et la cathédrale. Une fois à l 'extérieur, il y avait peu de chances qu'ils soient dérangés, la zone étant quasi inhabitée... et peu fréquentée le soir.

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(gravure présentant une vue de la place d'Armes à la fin du XVIIIe siècle)

   La deuxième partie de la première salle propose divers objets en lien avec l'affaire : une reconstitution des vêtements que portait Fualdès ce soir-là, la mise en scène du crime, telle que la version officielle l'a transmise, une vielle comme celle dont devaient jouer les musiciens présents en cette période de foire... et une maquette de la désormais fameuse maison Bancal, réalisée en 1820 par David Niépce. Ce nom ne vous est peut-être pas inconnu : il s'agit du cousin de Nicéphore, l'inventeur de la photographie. Officier des dragons, il s'ennuyait un peu dans le chef-lieu aveyronnais. Et puis cette maison suscitait une telle curiosité... à tel point que les gens y venaient en nombre, prêts à payer pour la visiter. Curiosité supplémentaire : la maquette a été conçue de manière à ce qu'une partie soit amovible, dévoilant l'espace intérieur, minutieusement reconstitué.

   L'engouement pour ce fait divers fait l'objet de la deuxième salle, consacrée aux productions de l'époque, particulièrement des années 1817-1818. Aujourd'hui, on dirait que l'affaire "a fait le buzz"... sauf qu'alors n'existent ni internet, ni la télévision, ni la radio, ni le téléphone... C'est donc par les illustrations et les écrits que les informations (les fausses comme les vraies) ont été véhiculées. C'est l'âge d'or de la lithographie, de nombreuses étant exposées dans le musée. Des peintres se sont même déplacés pour faire le portrait des principaux protagonistes, pour la plupart des gens du peuple, dont la renommée va désormais égaler (temporairement) celle des puissants. L'histoire de ce meurtre a donné lieu à des productions théâtrales... et même à la création d'un "cabinet de cire", où a été reconstitué la scène du crime, telle que la rumeur l'a propagée.

   Au niveau des écrits,il y a profusion d'édition de feuilles volantes. Pour les plus fortunés, on publie les actes des procès. L'essentiel est publié par la presse, locale comme nationale, puisque des journalistes parisiens ont fait le déplacement. L'un d'entre eux, Hyacinthe Thabaud, a visiblement été traumatisé par Rodez, une ville sombre, peuplée de chauve-souris et de porcs en liberté...

   L'une des publications les plus célèbres est les Mémoires de Clarisse Manzon, la fille d'un juge ruthénois, une mythomane qui va précipiter la chute de certains des accusés. Ce livre a été réédité à de nombreuses reprises et même traduit (en anglais, danois...). On a ainsi entendu parler de l'affaire Fualdès dans toute l'Europe, jusqu'aux  États-Unis !

   La troisième salle fait le point sur les suites judiciaires, ainsi que sur les zones d'ombre. Plusieurs hypothèses sont évoquées quant aux véritables causes de la mort de Fualdès. Rappelons tout d'abord qu'il y eut trois procès, le premier (celui de Rodez), ayant été cassé pour un vice de forme. Les deux suivants ont eu lieu à Albi, le troisième étant en quelque sorte la queue de comète du deuxième. Voilà pourquoi les trois condamnés à mort ont été exécutés en terre albigeoise, le 3 juin 1818. D'autres accusés ont été condamnés à la prison à perpétuité, d'autres à des peines plus légères. Quelques-uns ont été acquittés.

   Dans cette salle, il est question des mensonges et omissions dans lesquels l'affaire a été engluée. Aucun meurtre n'a été commis dans la maison Bancal, dont les enfants ont pu imaginer un récit fantasmagorique, sans cesse renouvelé, sans susciter le scepticisme des enquêteurs. C'est à l'image de la majorité des témoins (plus de 300 lors des deux premiers procès), comme ce meunier qui, sur son lit de mort, a fini par reconnaître qu'il avait tout inventé pour pouvoir voir du pays ! Le summum est peut-être atteint avec ces lettres anonymes de menace, reçues par Clarisse Manzon... qui se les était envoyées elle-même !

   Et encore, l'exposition ne dit pas tout. La lecture de l'excellent catalogue (issu notamment d'un gros travail de fond de Jacques Miquel) nous en apprend d'autres. Je pense à ces témoins à décharge qu'on a tenté de faire revenir sur leurs déclarations, où ceux dont on a totalement négligé les paroles. Parmi eux, il y a ce réfugié espagnol, ancien juge, qui logeait juste au-dessus des Bancal (et donc du lieu présumé du crime)... et qui n'a rien entendu d'inhabituel ce soir-là, tout comme le voisin des Bancal, qui était un ami de Fualdès ! On a aussi "perdu" ces pierres tachées de sang, découvertes à Layoule, ce qui tendait à prouver que c'est là que le meurtre avait été perpétré, et non dans la maison Bancal.

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   Et puis, il y a ces "liaisons coupables", ces attaches familiales qui unissent les notables royalistes de Rodez et de ses alentours à de prestigieuses familles françaises (comme celle de Decazes). Une hypothèse tient la corde (sans être la seule envisageable), celle d'une vengeance des Chevaliers de la Foi, cette conjuration qui a tenté de remettre Louis XVIII sur le trône, en 1814, et qui a échoué notamment à cause du procureur impérial Fualdès. La bande de royalistes a commis bien des méfaits, qui n'ont jamais été sanctionnés par une condamnation en justice. Quant au procureur et à l'officier de gendarmerie chargés de l'affaire en 1817, il ont été ensuite rapidement décorés de la légion d'honneur... Ils avaient sans doute bien mérité de la Patrie !

   PS

   Sur le site du musée Fenaille, on peut accéder à un très bon web-documentaire.

   PS II

   On peut aussi, sur la Toile (ré)écouter des émissions radiophoniques (de RTL et France Inter) qui ont été consacrées à l'affaire.

   PS III

   Enfin, ne partez pas du musée sans réclamer la reproduction du plan d'époque de la cité de Rodez. (C'est gratuit.) Il est annoté de manière à faciliter la déambulation dans les rues de la ville, tout en suivant l'affaire Fualdès.

mercredi, 30 août 2017

Petit Paysan

   Cet agriculteur a repris la ferme de ses parents (restés vivre à proximité) et élève une trentaine de vaches laitières (des Prim'Hostein), en Haute-Marne (entre Paris et la Lorraine). On le suit dans le quotidien du travail de paysan, du soin aux bêtes à la gestion du stock fourrager, en passant par la traite. On assiste aussi à une mise-bas, à laquelle le jeune homme (35 ans) doit faire face seul, un peu comme l'héroïne d'Une Hirondelle a fait le printemps avec ses chèvres.

   La comparaison entre les deux films ne s'arrête pas là. Le cheptel de Pierre va être touché par un mal mystérieux, semblant atteindre les animaux au hasard. Il veut protéger son troupeau, menacé d'un abattage total si la maladie (la fièvre FHD dans le film) est détectée. Cette maladie n'existe pas : elle est un substitut de l'encéphalopathie spongiforme bovine (dont les symptômes sont différents), qui  a frappé l'ancien troupeau de Michel Serrault dans Une Hirondelle.

   Cette fiction a donc un caractère documentaire et elle mêle deux époques : celle des années 1990 (pour la crise de la vache folle) et la nôtre, qui voit un agriculteur recourir à des applications professionnelles sur son ordiphone, un autre utiliser quotidiennement internet et un dispositif pour surveiller à distance ce qu'il se passe dans son étable. L'influence du passé se voit à travers l'exploitation du héros, très modeste. De nos jours, on ne laisserait plus s'installer en élevage conventionnel un jeune agriculteur disposant d'un troupeau de seulement 30 vaches, surtout depuis la fin des quotas laitiers.

   Au fur et à mesure que l'intrigue se déploie, l'aspect documentaire cède la place à une sorte de thriller rural. Pierre (formidable Swann Arlaud, déjà vu dans Michael Kohlhaas, Ni le ciel ni la terre et plus récemment Une Vie) va se murer dans le mensonge et le déni. Il veut s'en sortir tout seul, ne comptant à la rigueur que sur l'appui de sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau, très bien). Sans rien révéler, je peux dire que cela va le mener assez loin, à tel point que jusqu'à la fin, on se demande comment le réalisateur va conclure son récit.

   C'est très prenant, très fort, très noir aussi, avec d'excellents interprètes. Outre ceux que j'ai déjà cités, on peut mentionner Isabelle Candelier (la mère), Bouli Lanners (le paysan belge complotiste), Marc Barbé (le responsable DSV) ou encore India Hair en boulangère qui en pince pour le jeune paysan. (On peut la voir occuper un rôle plus important dans Crash Test Aglaé.)

   C'est de surcroît bien filmé, avec une attention toute particulière portée aux vaches (et au veau, qui devient l'animal de compagnie du héros). Dans ma jeunesse, chez mes grands-parents, j'ai côtoyé ce genre de bêtes, dont on a fait des "pisseuses de lait". (J'ai encore des souvenirs des moments où j'allais nourrir les veaux avec ma grand-mère.) Je crois qu'elles n'ont jamais été aussi bien filmées. C'est aussi un hommage au travail du paysan, un besogneux qui aime ses bêtes... peut-être plus que tout.

mardi, 29 août 2017

Une rentrée sans faute ?

  C'est la question que je me suis posée en regardant la page d'accueil de mon "quotidien de référence" :

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   Vous ne remarquez rien  ? Laissez-moi vous aider :

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   Juste au-dessus du crâne du ministre, on peut voir la date de la leçon donnée dans cette école primaire d'outre-mer. Le nom du mois (août) est écrit sans l'accent circonflexe... un comble quand on se rappelle que l'une des principales missions de l'école est d'enseigner la lecture et l'écriture du français !

   J'entends certains mauvais esprits dire que l'enseignant-e ne fait là qu'appliquer les consignes de la prédécessrice de Jean-Michel Blanquer, Najat Vallaud-Belkacem, qui  a voulu remettre au goût du jour la pseudo-réforme de l'orthographe dont presque plus personne ne voulait. L'accent circonflexe fut l'objet de débats particulièrement animés. Contre l'évidence et l'histoire de la langue française, le ministère prône l'abandon dudit accent sur le i et le u (sauf exception).

   Pourtant, cet accent est porteur de sens. Il témoigne (comme nombre d'accents présents en français) de l'origine du mot, comme le précise le Trésor de la langue française (qui ne reconnaît que la graphie "août") : le latin augustus (que l'on retrouve dans l'anglais August), devenu agustus, le premier s finissant par disparaître pour laisser place à l'accent circonflexe.

   Le plus cocasse est que le/la journaliste qui a légendé la photographie (dans la version accessible aux abonnés) a appliqué l'ancienne règle, puisque le nom du mois (encadré en rouge sur la seconde illustration) est écrit avec l'accent ! Jean-Michel Blanquer, qui semble vouloir jeter par la fenêtre l'héritage (très contestable) de sa prédécessrice, ferait bien d'étendre le nettoyage d'été à l'enseignement de l'orthographe.

dimanche, 13 août 2017

Comme c'est Minion !

   Les jeunes agriculteurs aveyronnais ne manquent pas d'imagination (ni d'énergie) pour promouvoir leur activité auprès du grand public. L'an dernier déjà, ils s'étaient associés à l'opération "Rodez plage" et avaient organisé, sur un week-end, l'action "Sous les pavés, les prés". Devant le succès rencontré, il a été décidé de la reconduire cette année (samedi 19 et dimanche 20 août), avec un programme toujours aussi alléchant.

   Mais c'est un autre aspect qui a attiré mon attention, au Faubourg, plus précisément au rond-point de la Croix-Grande :

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   Les agriculteurs se sont inspirés des Minions (que l'on peut voir actuellement au cinéma dans Moi, moche et méchant 3) pour attirer l'attention des passants et des automobilistes. Les ruraux sont accoutumés depuis des années à ces sortes de sculptures de paille, dont les citadins vont pouvoir profiter pendant quelques jours.

vendredi, 14 juillet 2017

Les Hommes du feu

   Ces hommes sont aussi... des femmes. On en voit au moins deux qui ont embrassé la carrière : l'héroïne Bénédicte (incarnée par Emilie Dequenne) et une seconde, travaillant dans une autre caserne, mais qui a épousé le beau gosse Martial, un des nouveaux collègues de "Béné". Les autres femmes de l'histoire sont des épouses trompées, d'anciennes compagnes ou des coups d'un soir. (On aperçoit aussi l'épouse d'un accidenté, une suicidée et une femme battue... pas très positif tout ça.)

   De la filmographie de Pierre Jolivet, je ne connais que Ma Petite Entreprise et Jamais de la vie. Que du bon, donc. Là, je dois avouer que j'ai été un peu déçu. Concernant l'intégration de la nouvelle adjudant-chef, on a droit à tous les passages obligés, du mini-bizutage aux réflexions misogynes, en passant par l'erreur professionnelle et la vie personnelle qui déguste.

   C'est lié à l'aspect documentaire du film, qui veut visiblement rendre hommage aux "soldats du feu". C'est tout à fait louable, mais cela a conduit Pierre Jolivet à limer les aspérités de son récit : le bizutage est vraiment très très gentil, la misogynie est concentrée sur un personnage (qui évolue, bien entendu), le dégoût ressenti face aux agressions des "racailles de banlieue" est certes évoqué, mais très rapidement. De plus, j'ai trouvé que le personnage interprété par Emilie Dequenne manquait un peu de pêche. (Elle était meilleure dans Par accident et Chez nous.)

   A trop vouloir en dire, Jolivet n'a pas suffisamment approfondi son histoire. A part aller chercher un chat sur un toit, on voit les pompiers à peu près tout faire dans cette heure et demie. (Et encore : le sauvetage du chat nous est raconté au cours d'une scène festive.) Par contre, l'histoire du pyromane est assez mal traitée. Elle donne toutefois naissance à une très belle scène, entre Roschdy Zem (quasi irréprochable) et un adolescent mal dans sa peau. C'est bien mené, porteur de sens, mais cela conduit à amputer la dramaturgie du film.

   Du coup, même si c'est du travail bien fait, je suis resté un peu sur ma faim.

lundi, 10 juillet 2017

Cherchez la femme

   Nous devons cette comédie sociale à une jeune femme d'origine iranienne, Sou Abadi. Son originalité est de faire se télescoper deux milieux que des Occidentaux mal informés pourraient penser proches, mais que beaucoup de choses séparent. Le héros Armand est le fils de réfugiés iraniens laïques, vivant dans le XVIe arrondissement de Paris, alors que l'héroïne Leila est issue d'un couple mixte (sans doute franco-algérien) et vit dans une cité de banlieue. C'est à Sciences Po que les amoureux se sont rencontrés, sans que les familles en soient informées. J'ai trouvé les deux acteurs (Félix Moati et Camélia Jordana) très convaincants.

   Les ennuis commencent quand Mahmoud, le frère de Leila, revient du Yémen converti au salafisme. Dans la cité, il fréquente de jeunes barbus qui ont les mêmes idées rétrogrades que lui. Le portrait qu'en fait la réalisatrice est assez nuancé. A l'aide de petites touches, elle montre que chacun des quatre copains a des raisons différentes d'adhérer au fondamentalisme. Mahmoud (William Lebghil, très bon) est un peu perdu ; il semble en quête d'absolu, en tout cas d'un sens à sa vie. C'est pour cela qu'il est tombé sous la coupe du caïd du quartier, pour qui la religion est un moyen de garder le contrôle. Son acolyte l'a sans doute suivi sans réfléchir, lui qui continue à fumer du shit en douce ! Mais le plus beau de la bande est Fabrice, un converti qui voit dans l'islam intégriste un moyen de s'élever socialement (dans le quartier). Il est au coeur d'un running-gag : alors qu'en changeant de religion, il a pris pour prénom Farid, presque toutes ses connaissances continuent à l'appeler Fabrice...

   Du côté des Franco-Iraniens, on a des parents juristes, bourgeois, madame portant la culotte. Elle s'est d'ailleurs mise en tête de marier son fils chéri, qui a jusqu'à présent fait échouer toutes ses tentatives. Cette partie-là de l'histoire fonctionne moins bien, notamment en raison du manque de naturel d'Anne Alvaro, qui incarne la mère. La comparaison de son histoire personnelle (musulmane, elle a fui l'intégrisme) avec celle de jeunes Françaises qui choisissent de porter le voile, ne manque toutefois pas d'intérêt.

   C'est donc un voile intégral qui va faire rebondir l'intrigue. Il est la source de plusieurs quiproquos, sur lesquels repose l'essentiel de l'humour. Il y a bien sûr Mahmoud qui va tomber amoureux de la mystérieuse Shéhérazade. Il y a aussi les parents d'Armand, qui s'inquiètent de son intérêt soudain pour l'islam... et de la présence, dans le quartier, d'une intégriste sans doute envoyée par Téhéran pour les tuer ! Même le petit frère de Leila et Mahmoud s'y laisse prendre, lui qui finit par croire que sa soeur est devenue lesbienne !

   Cela donne un ensemble hétéroclite, qui fonctionne plutôt bien. Toutes les scènes ne sont pas réussies, mais j'ai souvent ri et, mine de rien, cette comédie est plus réfléchie qu'elle n'en a l'air.