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mercredi, 28 décembre 2016

Algérie du possible

   Ce documentaire tourne autour de la mort d'Yves Mathieu, anticolonialiste français décédé dans un mystérieux accident de la route, en 1966, dans l'Algérie indépendante. Il a été réalisé par sa fille, Viviane Candas. Pour cela, il lui a fallu du temps, plus de quatre ans : parmi les personnes interrogées, on reconnaît l'avocat Jacques Vergès, mort en 2013 (et dont le frère est décédé le mois dernier).

   La première partie du film présente la lutte pendant la guerre d'Algérie. Yves Mathieu, ancien résistant, est à l'époque un avocat communiste, qui défend les combattants du FLN et les Métropolitains ou les pieds-noirs qui soutiennent sa cause. L'affaire la plus retentissante est celle de l'attentat contre les installations industrialo-portuaires de Marseille. Techniquement, à l'écran, la réalisatrice croise les images d'archives avec des reconstitutions s'appuyant sur des objets : toge d'avocat, stylo, carte d'identité... Cela donne un aspect concret aux propos qui sont tenus. Je reproche toutefois au film de ne pas clairement distinguer (pour les spectateurs non avertis) les images d'archives des extraits de fiction. Tout est mis sur le même plan.

   Pour les militants, le plus dur a commencé après la guerre, lorsque l'Algérie est devenue indépendante. Yves Mathieu est resté en Algérie. Il faisait partie de ceux qui pensaient que la libération de l'Algérie ne devait pas se limiter à un mouvement nationaliste, mais qu'elle devait s'accompagner d'une révolution sociale. A l'époque, le modèle yougoslave a du prestige chez les gauchistes. On a donc tenté une expérience d'autogestion dans les campagnes algériennes. Je dois avouer qu'à ce moment-là, j'ai un peu décroché.

   Mon intérêt s'est réveillé dès qu'il a été question d'éclaircir les circonstances de la mort d'Yves Mathieu. La réalisatrice nous décrit les tensions qui agitaient le pouvoir algérien à cette époque. En s'appuyant sur des témoignages précis, elle a le courage de dire ce que beaucoup savent depuis longtemps à propos du pouvoir exercé par le FLN : certains clans ont confisqué la révolution algérienne à leur profit et ont mis en place une dictature qui n'avait rien à envier à la domination coloniale française, dont elle a repris bien des travers. D'ailleurs, c'est fou comme la disparition d'Yves Mathieu m'a rappelé celle de Maurice Audin, autre pied-noir communiste favorable à l'indépendance de l'Algérie.

   Il reste que la mort d'Yves Mathieu conserve son parfum de mystère. Sur ce sujet précis, la réalisatrice n'a pu recueillir que des témoignages de seconde main. Officiellement, le décès est dû à un accident de la route, la voiture dans laquelle circulait l'avocat ayant été percutée par... un camion de l'armée algérienne. Curieux, tout de même.

   P.S.

   Les amateurs de curiosités apprécieront d'entendre un extrait d'un discours prononcé en français par Che Guevara, à l'occasion de sa venue en Algérie, en 1965. (Il y était déjà venu en 1963.)

mercredi, 21 décembre 2016

La Sociale

   Je me suis un peu fait violence pour aller voir ce documentaire. Il y a trois ans, je m'étais ennuyé à la vision des Jours heureux, le précédent film de Gilles Perret (que je n'ai pas chroniqué sur le blog, comme cela m'arrive de temps à autre). Et, comme c'est une création de Rouge productions, je redoutais l’œuvre militante lourdingue.

   Première bonne surprise : c'est un documentaire rigoureux, dans sa construction comme dans sa démarche, même si l'on comprend très vite qu'il ne faut pas s'attendre à une irréprochable objectivité. Bien au contraire : le but du film est de montrer combien la "Sécu" est vitale pour notre pays. Au moins, les auteurs n'avancent pas masqués... et ils donnent la parole à des personnes "du camp opposé", même si je les soupçonne d'avoir sélectionné les plus caricaturales. (Je recommande tout particulièrement le médecin libéral, qui dénonce une France presque totalement communiste !)

   Deuxième bonne surprise : les images d'archives. Beaucoup m'étaient inconnues (celles des années 1940-1950). On a puisé dans les fonds du Parti communiste et de la CGT, présentés comme les principaux artisans de la création de la Sécurité sociale, à travers notamment l'action d'Ambroise Croizat, militant communiste dévoué, travailleur acharné, mort prématurément à 50 ans. Certes, on n'oublie pas de rappeler le rôle d'un haut fonctionnaire, Pierre Laroque. Cependant, de la même manière que les autorités ont eu tendance à minimiser le rôle des communistes dans la création de la Sécu, ce film a tendance à minimiser le rôle de ceux qui ne sont pas communistes. Juste retour du balancier, diront certains.

   Le documentaire est vivant parce que les images d'archives sont entrecoupées d'entretiens avec des chercheurs (un historien, un économiste et un sociologue), très intéressants. On voit et entend aussi souvent l'un des survivants de l'époque, Jolfred Frégonara (hélas décédé en août dernier) qui, jeune adulte, fut l'un des responsables départementaux chargés de mettre en œuvre cette véritable révolution sociale. (Au passage, l'insistance sur la capacité de travail de ces militants communistes est une leçon pour les gauchistes du XXIe siècle, plus prompts à lever le coude et beugler dans les rues qu'à déployer des efforts au service de la collectivité.) Âgé de plus de 90 ans, cet ancien cégétiste est la trouvaille de ce film. Il avait encore toute sa tête et sa rencontre avec les jeunes (futurs) cadres de la Sécu mérite le détour.

   L'histoire ne s'arrête pas aux années 1940-1950. Le documentaire évoque les premières tentatives de détricotage du filet social et souligne l'impact de l'arrivée au pouvoir du duo Thatcher-Reagan (au Royaume-Uni et aux États-Unis), au tournant des années 1970-1980. Il néglige toutefois de rappeler que, si le système a tenu aussi longtemps, c'est aussi parce qu'à droite, une partie non négligeable du personnel politique s'est rallié à cette pincée de socialisme dans notre économie de marché.

   A ce sujet, les temps semblent avoir changé, avec la victoire du plus libéral des candidats aux primaires de LR. Même si ce film a d'abord été tourné pour célébrer le 70ème anniversaire de la création de la Sécurité sociale, il est évident que son propos entre en résonance avec la campagne présidentielle qui est déjà engagée.

   P.S.

   Par un curieux effet du hasard, le documentaire est projeté à Rodez la semaine où sort un numéro du Canard enchaîné qui évoque les projets de François Fillon. Dans l'entourage de celui-ci, on tente de minimiser les dégâts provoqués dans l'opinion par la révélation de son programme social, d'inspiration néo-libérale. Ainsi, le détail des mesures prônées par celui qui est devenu le candidat officiel de LR a disparu de son site internet. Le Canard s'est fait un plaisir de le remettre en ligne. Bonne lecture !

   P.S. II

   Sur le site dédié au film, on peut télécharger un dossier pédagogique assez bien conçu.

dimanche, 04 décembre 2016

Tu ne tueras point

   Dix ans après Apocalypto, Mel Gibson revient (à la réalisation) avec un projet qui lui a été proposé à plusieurs reprises avant qu'il ne l'accepte : rendre hommage à Desmond Doss, un membre de l'armée américaine qui s'est illustré à la bataille d'Okinawa (en 1945), tout en refusant de porter une arme.

   Après un court aperçu de l'horreur du champ de bataille, un retour en arrière nous ramène au coeur des Etats-Unis, dans l'enfance puis l'adolescence du héros. C'est un fils de vétéran de la Première guerre mondiale, qui a perdu tous ses amis au combat, en France. Il est revenu de là farouchement opposé à la guerre... et diablement alcoolique. Le jeune homme en a souffert et semble avoir trouvé refuge dans la lecture de la Bible, encouragé par les convictions adventistes de sa mère. Dans le rôle du père, Hugo Weaving est excellent.

   J'ai lu ici ou là que cette première partie était un peu mièvre, l'acteur principal Andrew Garfield n'ayant pas un charisme démentiel. A la réflexion, je pense qu'il s'est coulé dans le personnage et dans l'époque, qui n'était pas aussi "décoincée" que la nôtre. La bluette sentimentale qui se noue avec la ravissante infirmière se comprend dans ce contexte. (A ce propos, signalons que cet amour de jeunesse s'est mué en mariage durable.) De surcroît, je pense que Mel Gibson, peut-être lassé de l'hypersexualisation des rapports humains dans les médias, a voulu mettre en scène un amour chaste, non ostentatoire bien que très réel. Comme il est malin, il a choisi une actrice canon pour incarner la dulcinée du héros : Teresa Palmer (aperçue cette année dans Triple 9) est parfaite dans le rôle.

   Vient ensuite la période de formation des recrues. On assiste à la fois à la naissance d'une camaraderie et à l'explosion du harcèlement, à partir du moment où Desmond met en avant ses convictions. La petite troupe est crédible (avec une pléiade de visages connus) et j'ai bien aimé l'interprétation de Vince Vaughn en sergent autoritaire, vexant, mais humain au fond. Il ne fait toutefois pas oublier Clint Eastwood dans Le Maître de guerre ni surtout Ronald Lee Ermey, inoubliable sergent Hartman dans Full Metal Jacket (auquel cette séquence fait visiblement référence).

   La deuxième partie du film se passe sur le terrain, à Okinawa. La première scène de combat est d'un réalisme stupéfiant, ne cachant rien des horreurs de la guerre... et même, parfois, semblant un peu magnifier celle-ci. La mise en scène se fait esthétisante. C'est l'une des ambiguïtés que l'on peut reprocher à Mel Gibson.

   Mais le meilleur est à venir, avec cette nuit de tous les dangers, au cours de laquelle l'infirmier non armé va sauver des dizaines de soldats blessés de son unité, laissés sur le champ de bataille après une contre-offensive japonaise. C'est un magnifique hommage au courage et à la non-violence, à rebours d'une certaine vulgate hollywoodienne (le culte du héros en arme).

   La composante religieuse de l'intrigue pose néanmoins problème. Pas les convictions du héros, tout à fait respectables, mais le côté "guerre sainte" que le réalisateur donne à la prise de cette position fortifiée. Les Japonais sont quasi systématiquement présentés comme des barbares sans foi ni loi, d'une cruauté sans nom (alors que la violence des soldats d'Oncle Sam apparaît justifiée). Il y a bien cette rencontre dans un tunnel pour nuancer un peu, mais l'on notera que l'initiative du rapprochement vient de l'Américain. Quant à la scène de seppuku de l'officier, vers la fin, elle arrive comme un cheveu sur la soupe et me gêne un peu : pourquoi serait-ce l'élite (celle qui a poussé les soldats à commettre des horreurs) qui serait plus digne ? De ce point de vue, Lettres d'Iwo Jima (de Clint Eastwood) était bien plus profond.

12:43 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 01 décembre 2016

Les Enfants de la chance

   Encore un film sur la Seconde guerre mondiale, diront certains. L'an dernier, on a eu droit à Suite française et En mai, fais ce qu'il te plaît. Le plus étonnant est que l'histoire qui nous est contée est vraie... eh, oui, on continue à découvrir des choses sur cette période troublée, pourtant explorée dans tous les sens.

   Nous allons suivre le conflit, en France, du point de vue d'un groupe d'enfants, juifs et non juifs, mais qui ont en commun de souffrir de la tuberculose (ou d'une difformité). Malgré une belle introduction sur fond musical antisémite, le début a un goût de déjà-vu, surtout pour les spectateurs de La Rafle. Les premières scènes avec les enfants m'ont paru maladroites. Par la suite, j'ai trouvé cela meilleur. Me suis-je habitué à leur manière de jouer, ou bien a-t-on tourné le film de manière chronologique, les acteurs se perfectionnant au fil du temps ? Mystère.

   Toutefois, il en est un qui reste bon du début à la fin : Philippe Torreton, impeccable en médecin engagé, un peu bourru. Il est épaulé par une pléiade de seconds rôles efficaces.

   Paradoxalement, on se détache assez vite de la partie juive de l'intrigue (même si quelques piqûres de rappel viennent relancer la tension dramatique). C'est la lutte des enfants contre la maladie qui occupe notre attention. Les gamins, très différents les uns des autres, finissent par former une troupe, soudée par quelques chants et des blagues potaches, dont la principale victime est l'employé de l'hôpital chargé de l'entretien.

   On passe 1h30 tranquillement, sans déplaisir, mais sans être "transporté".

   P.S.

   L'un des intérêts du film est de proposer quelques dialogues dans la langue (aujourd'hui très affaiblie) parlée à l'époque par la majorité des juifs d'Europe centrale et orientale : le yiddish.

samedi, 26 novembre 2016

Le Rodez disparu, modifié... détruit

   C'est une thématique très présente dans l'actualité aveyronnaise. Elle est d'ailleurs l'objet de la chronique de Jacques Boutet "Hier encore", qui paraît le samedi dans Centre Presse et Midi Libre. Il y a quelques mois de cela, j'ai parlé de celle qu'il avait consacré au Broussy, un établissement emblématique de la place d'Armes ruthénoise. Aujourd'hui, il était question du Mazel, un passage commerçant de la vieille ville :

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   Coïncidence ? Certaines des questions abordées dans cet article ont été évoquées vendredi soir, lors de la célébration (avec un petit peu d'avance) des 180 ans de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron. A cette occasion, la pyramide du Louvre aveyronnaise les archives départementales ont accueilli, outre une assistance copieuse, trois communications.

   La première fut prononcée par Jacques Frayssenge, vice-président de la Société. Les yeux souvent rivés à ses notes, il a conté la naissance de l'association, sous la Monarchie de Juillet, citant de nombreuses anecdotes. Cherchant peut-être à aller à l'encontre des préjugés de certains des membres de l'assistance, il a insisté sur l'aspect non-partisan de l'association, fondée (entre autres) par un légitimiste (Hippolyte de Barrau) et une sorte de socialiste avant l'heure, Jules Duval. (Pour la petite histoire, celui-ci dirigea un temps le journal Le Ruthénois, lointain ancêtre de celui dont Hugues Robert fut plus récemment l'animateur.) Les accompagnaient des notabilités locales, parmi lesquelles le maire de Rodez et l'un de ses prédécesseurs. Les spectateurs dotés d'une bonne vue (ou qui étaient arrivés suffisamment tôt pour disposer d'un siège bien placé) ont pu remarquer d'autres détails sur le document projeté : la qualité de banquier de plusieurs des fondateurs. Notons que ceux-ci n'ont pas voulu faire de la Société une académie, au recrutement trop restreint. De plus, dès le début, ils ont voulu associer un musée à leurs travaux.

   Ce fut le thème de l'intervention d'Emily Teyssèdre-Jullian (l'actuelle présidente de la Société), la plus vivante de la soirée, puisqu'elle a pris soin de s'émanciper de ses notes. L'accumulation des collections de la Société a contraint celle-ci à chercher un lieu où les entreposer... voire les exposer. J'ai appris avec surprise que l'évêché fut un lieu de dépôt, tout comme, bien plus tard, les locaux actuels de la Société. Mais la révélation de la soirée fut celle du rôle du tribunal, construit au milieu du XIXe siècle (et visible au musée Fenaille, sur un tableau peint très peu de temps après son inauguration).

   Parmi les documents projetés par E. Teyssèdre-Jullian figure un plan sur lequel le mot "musée" est écrit à côté de l'aile nord-est du tribunal (celle qui longe le boulevard Guizard). Je ne sais plus si la mention est d'époque ou si c'est un ajout de la conférencière (je dois avouer qu'il m'est parfois arrivé de piquer du nez... les vendredis soirs sont difficiles !). En tout cas, les étages de cette aile ont été occupés par des collections et les bureaux de la Société. Dans la galerie qui relie les deux ailes avaient été accrochés les tableaux (qui se trouvent aujourd'hui au musée Denys-Puech). C'est lorsque Maurice Fenaille (devenu membre de la Société au début du XXe siècle) offrit le bâtiment qui porte aujourd'hui son nom que le musée trouva son emplacement définitif. Auparavant, il avait été question de l'installer dans le marché couvert situé place Eugène Raynaldy... ce qui nous ramène à l'article de Jacques Boutet.

   Ses préoccupations rejoignent celles des conférenciers (même s'il n'apprécie pas la copie de la statue), qui regrettent la disparition de nombre de bâtiments ou éléments d'architecture anciens. Ainsi, pour construire le tribunal, on a détruit ce qui restait du couvent des Cordeliers. Les modifications contemporaines du paysage architectural ruthénois ont fait l'objet de la troisième communication, celle de Pierre Lançon.

   Retour aux notes pour le bibliothécaire de la Société, dont l'intervention a suivi un de ces plans rigoureux dont il est coutumier, avec une mécanique que même l'interversion de deux écussons (sur une diapositive) n'est pas parvenue à enrayer. Il s'est appuyé sur un échantillon des dizaines de milliers de photographies prises jadis par Louis Balsan, une figure de la Société (aujourd'hui disparue). Le coeur serré, on a pu (re)découvrir les dégâts causés par l'urbanisme des XIXe et XXe siècles, qui font qu'aujourd'hui le centre historique de Rodez n'est pas dans le même état de conservation que celui d'Albi, un handicap à mon avis pour l'instant insurmontable dans la course au classement à l'Unesco.

   On pourrait commencer par supprimer l'une des verrues du centre-ville, le Monoprix, un commerce estimable certes, mais dont l'architecture jure avec celle de la cathédrale, dont, de surcroît, il bouche l'une des perspectives.

vendredi, 28 octobre 2016

"Le Canard enchaîné" en bande dessinée

   Il y a quelques semaines est sorti aux éditions des Arènes un ouvrage intitulé L'incroyable histoire du Canard enchaîné. Les auteurs (Didier Convard et Pascal Magnat) ne sont pas membres de l'équipe de l'hebdomadaire satirique, mais ils en sont des sympathisants. Et comme cette année, on célèbre le "centenaire bis" de la naissance du journal, l'occasion était belle.

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   Le début rappelle à ceux qui l'ignoreraient que Le Canard est né deux fois, la première version, créée en 1915, n'ayant pas connu le succès. Pourtant, dès le début, les journalistes ont pour ambition de dénoncer les mensonges de la mauvaise presse, au service de la propagande de guerre. C'est aussi l'occasion de mettre un visage sur des noms qui soit figurent encore en page 7 du journal, soit sont régulièrement cités lorsqu'il est question de son passé.

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   Je vous laisse goûter le jeu de mots qui orne l'une des vignettes. Le style du dessin est classique, même si les auteurs ne s'interdisent pas, de temps en temps, un peu de fantaisie. Dans cette histoire, notre guide est un canard qui parle... et qui a même la langue bien pendue.

   Ce livre n'est toutefois pas une hagiographie. Il ne cache pas l'aveuglement dont l'hebdomadaire a fait preuve face à la montée du nazisme. Il fait aussi le bilan du comportements de ses rédacteurs et dessinateurs pendant la Seconde guerre mondiale. Tous n'ont pas été honorables.

   La lecture est globalement instructive. La vie du journal suit celle du pays. Certaines anecdotes sont peu connues, comme le cas de ce concurrent marseillais, nommé Le Merle blanc, qui avait un temps débauché une partie de l'équipe du Canard. Il est aussi question de la tentative de meurtre dont Léon Blum fut la cible, en février 1936, et de l'histoire du numéro imprimé à Londres, pendant la Seconde guerre mondiale.

   En 1944, le journal reparut mais connut des temps difficiles. Sa dernière mue intervint avec la Ve République. L'hebdomadaire développe les enquêtes et se pose en organe d'opposition au pouvoir gaulliste, qui le lit avec attention.

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   C'est la Une du 4 juin 1958, une de celles qui sont reproduites dans l'ouvrage. Mais la période gaulliste a été surtout marquée par la chronique "La Cour" (par Ribaud et Moisan), qui associait langage relevé et dessin chiadé pour brosser un tableau satirique du nouveau régime.

   A partir des successeurs de de Gaulle, l'histoire prend la forme de vignettes, qui toutes évoquent une "affaire" dans laquelle des puissants ont trempé. Gauche et droite n'en sortent pas grandis et l'on peut se désoler que la chronique de la Ve République puisse se limiter à une série de scandales. C'est néanmoins un rappel salutaire, qui permet de prendre du recul par rapport à notre époque.

   A la fin, le ton en général enjoué se fait chagrin, avec la liste des morts successives de collaborateurs victimes de l'âge ou d'un accident. Il devient même grave avec le rappel des récentes tueries parisiennes, de janvier et novembre 2015 :

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   Notez le choix des couleurs : le noir associé au rouge, avec du blanc, comme sur le drapeau à croix gammée.

   Malgré les drames, malgré la médiocrité de notre personnel politique, malgré l'arrogance des riches, les auteurs ont voulu terminer sur une note d'humour, cette arme si utile pour ridiculiser les puissants.

   P.S.

   Dans ce travail de grande qualité, il me semble avoir repéré deux petites erreurs : page 126 une confusion entre Gérard et Philippe de Villiers ; page 133 une autre confusion, entre millions et milliards à propos de l'affaire des frégates de Taïwan.

jeudi, 13 octobre 2016

Des Auvergnats en Rouergue

   Sous-titrée "Quand les évêques de Clermont étaient abbés de Conques", cette conférence était proposée vendredi 7 octobre au Centre européen de Conques. L'intervenant était un jeune chercheur, Sébastien Fray, que sa thèse a conduit à travailler sur l'abbaye rouergate.

   Son propos était centré sur deux des abbés de Conques, Etienne (Etienne Ier pour certaines sources, Etienne II pour d'autres), dont on pense qu'il officia entre 942 et 984, et Begon, qui lui succéda, de 984 aux environs de 1010. Il se trouve que ces deux abbés pratiquaient une sorte de "cumul des mandats", puisqu'ils étaient aussi évêques.

   Dans l'Aveyron, on a longtemps pensé qu'ils ne pouvaient être qu'évêques de Rodez... sauf qu'on ne trouve aucun prélat de ces noms-là à l'époque concernée. Par contre, ils correspondent à ceux des évêques de Clermont. Ainsi, selon Sébastien Fray, Begon serait à l'origine de la construction de la cathédrale de Clermont, son prédécesseur Etienne ayant lancé la construction d'une autre église romane.

   L'une des principales sources est constituée par les Gesta abbatum de Conques, datant du XIIe siècle, mais dont on ne possède que des copies. Le conférencier (s'appuyant sur un article qu'il a publié il y a deux ans dans la revue Etudes aveyronnaises) en a proposé une analyse "pointue", démontrant que le document est en fait constitué de deux textes différents, le second, abusivement désigné comme une "chronique" (une brève narration des événements, année après année), étant en fait des Gesta (ordonnées autour de la liste des abbés).

   La copie utilisée date du XVIIe siècle. Elle a pu être comparée à une autre, dite "copie de Lacoste" (du nom d'un érudit local du XIXe siècle), découverte cet été à la bibliothèque municipale de Cahors ! C'est un événement moins rare qu'on ne l'imagine, à tel point que les historiens ne désespèrent pas de trouver, un jour, une version du manuscrit du XIIe siècle. En croisant ces sources avec le Livre des miracles de Sainte-Foy, rédigé par Bernard d'Angers (sous l'abbatiat d'Adalgaire/Adalguier, un des successeurs de Begon), les historiens arrivent à la conclusion qu'il y a (au moins) deux versions de l'histoire de cette époque, qui pourraient correspondre à l'existence de deux clans chez les moines. On en aurait la traduction sur le tympan même de l'église abbatiale, achevé au début du XIIe siècle :

Evêque Clermont.jpg

   Ce détail a déjà été évoqué par un autre historien, Frédéric de Gournay (venu à Conques en 2013). La crosse dont on voit une extrémité, en bas, est une référence à la fonction d'évêque. L'homme penché aux pieds du démon est de plus tonsuré. Ce serait donc aussi un moine, plus précisément un abbé, Begon, accompagné de ses neveux emprisonnés dans un filet. Or, ces figures de l'histoire de l'abbaye ont été placées du côté des damnés... Pourquoi donc ? Réponse un peu plus tard dans la conférence.

   Avant cela, il convient d'en savoir plus sur les relations entre les abbayes de Conques et de Figeac. Au Xe siècle, elles sont intimement liées. Il apparaît qu'Etienne et Begon étaient aussi abbés de Figeac. A cette époque, les relations entre les deux établissements ne semblent pas mauvaises. Il en est autrement  aux XIe - XIIe siècles. Figeac a été rattachée à Cluny, qui cherche sans doute à mettre la main sur Conques, par l'intermédiaire de l'abbaye lotoise. La polémique a donné naissance à de faux documents, défendant tel ou tel point de vue. Sébastien Fray évoque une donation de Pépin d'Aquitaine, censée dater de 838.

   D'autres documents, authentiques, subissent dans leur rédaction l'influence de l'époque. Il en est ainsi des Gesta abbatum de Figeac (écrites entre 1074 et 1096 et sans doutes connues de l'auteur des Gesta abbatum de Conques). Elles s'évertuent à montrer la supériorité de cette abbaye sur celle de Conques.

   Il s'avère que, dans certaines abbayes, il existait au moins deux abbés, l'un dit "séculier" (pour les historiens), l'autre "selon la règle". Etienne le cumulard était donc évêque de Clermont, abbé de Conques et de Figeac. Résidant principalement en Auvergne, il avait, sur le terrain, des abbés "effectifs" (sans doute membres des communautés monastiques) pour le seconder : Hugues à Conques, Calston à Figeac. Pire (ou mieux encore) : Begon, qui a succédé à Etienne à tous les postes, était vraisemblablement son co-abbé (ou abbé assistant) à Conques ! On a d'autres exemples de cumul, avec Jean, qui fut abbé de Conques, de Beaulieu-sur-Dordogne et d'Aurillac... ou encore Odon de Cluny (qui fut aussi abbé d'Aurillac) et Adralde, un de ses successeurs qui cumula Conques et Aurillac.

   L'abbaye rouergate était donc incontestablement tournée vers le nord, au Xe siècle. Aucune relation avec les comtes du Rouergue n'est perceptible avant 960. On a bien, au siècle précédent, un Bernard Plantevelue comte d'Auvergne et du Rouergue, mais il n'a acquis ce territoire qu'après avoir fait assassiner un certain Bernard le Veau.

   Concernant Etienne, on sait en réalité peu de choses. Il n'est jamais mentionné par Bernard d'Angers, alors que l'auteur des Gesta abbacum lui tresse des louanges. Il était le fils d'un vicomte de Clermont (lieutenant des comtes d'Auvergne et des ducs d'Aquitaine), titre auquel accéda l'un de ses frères, Robert. On se demande encore s'il fut d'abord évêque de Clermont ou abbé de Conques. Au passage, à l'époque, on n'a pas la même conception de l'identité qu'aux périodes ultérieures. On ne se dit pas auvergnat ou rouergat, mais plutôt aquitain. (Au IXe siècle, un comte de Toulouse s'est fait proclamer duc d'Aquitaine.) L'arrivée d'Etienne à Conques pourrait être liée à une parenté avec Jean, l'abbé cumulard dont il était question plus haut. Tous seraient membres de la lignée des Matfrédides (liés à un Matfred de Clermont). On attribue parfois à Etienne (peut-être à tort) la première version de la Majesté de Sainte Foy (remaniée par la suite). Une question demeure à ce sujet : la statue reliquaire rouergate a-t-elle inspiré celles qui ont été construites aux Xe-XIe siècles, s'est-elle seulement inscrite dans un mouvement global (propre au Sud-Ouest) ou bien fut-elle la seconde initiée par Etienne, qui a fait réaliser, à Clermont, une autre statue reliquaire (une Vierge à l'enfant, aujourd'hui disparue) ?

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   Quant à Begon II, il appartient à la famille des Austrinides, implantée dans le Rouergue, aussi bien du côté de Conques que vers Calmont. L'abbé de Conques avait des biens à Flagnac et Sénergues. Ses neveux (dont le père serait un Matfred, cousin germain d'Etienne et recteur de Conques) ont dirigé l'abbaye de Conques. Le fait que les seigneurs de Calmont s'intéressent tout particulièrement à l'abbaye pourrait s'expliquer si le domaine de Calmont est un ancien "château monastique" dépendant de Conques. Notons que les sires de Calmont dirigent aussi l'abbaye de Figeac !

   Un autre aspect intéressant de la conférence de Sébastien Fray portait sur la moralité de tel ou tel personnage, à l'aune de sources parfois contradictoires. Ainsi Bernard, abbé de Beaulieu-sur-Dordogne et évêque de Cahors, est perçu très positivement à Conques, avec laquelle il se montra fort généreux... mais ce fut avec des biens "prélevés"... à Cahors ! Begon bénéficie du même traitement dual, selon le point de vue que les auteurs adoptent. Il est dépeint de manière très négative par Bernard d'Angers, pour avoir puisé dans le trésor de Sainte-Foy afin de payer la rançon de l'un de ses neveux, Hugues. Celui-ci avait été capturé par le seigneur de Gourdon, peut-être en défendant Conques. Ne pouvant porter les armes, l'abbé avait sans doute eu recours à ses neveux laïcs pour protéger "son" abbaye. Les sources clermontoises sont plus élogieuses à son sujet. Quant aux Gesta abbacum, rédigées sous Begon III (apparenté à Begon II), elles ne disent rien de négatif. Elles sont plus dures avec le successeur de Begon II, Adalgaire, qu'elles accusent d'avoir pillé le trésor monastique pour tenter (sans succès) de se faire élire archevêque de Narbonne ! Pourtant, Bernard d'Angers ne trouve que des qualités à Adalgaire. Allez comprendre... Peut-être était-il reconnaissant à l'abbé de l'accueil qu'il avait reçu à Conques ?

   Terminons par un retour sur le tympan, élaboré sous l'abbé Boniface, très respectueux du texte de Bernard d'Angers (et peut-être issu d'une famille rivale des Austrinides qui ont eu la main sur Conques avant lui). On y voit bien Begon II et certains de ses neveux, qui apparaissent tonsurés. Or, ils n'étaient pas membres du clergé, tout en dirigeant Conques. Mais, pour les auteurs du XIIe siècle, qui vivaient dans un monde marqué par la réforme grégorienne (qui sépare strictement les clercs des laïcs et les séculiers des réguliers), la situation des époques carolingienne et robertienne (les IXe et Xe siècles) est difficile à comprendre. Cela explique aussi le fouillis qui règne dans les sources à propos de la succession des abbés. On fait parfois se succéder des personnes qui ont exercé leur autorité en même temps à Conques, mais sous différents statuts. La question est ardue, mais elle fut traitée avec clarté et érudition, à l'image de cette conférence, de très haute tenue.

jeudi, 29 septembre 2016

Frantz

   Quand on n'est fan ni de François Ozon ni de Pierre MNiney, il faut de solides raisons pour se décider à aller voir ce film. La première est l'originalité de l'histoire. (Je ne connais ni la pièce de théâtre ni l'adaptation réalisée jadis par Ernst Lubitsch.) La seconde est le choix (artistique et économique) du noir et blanc. Seuls deux instants en couleurs encadrent le film, au tout début et à la fin. C'est évidemment porteur de sens.

   La mise en scène est soignée. On sent le réalisateur sûr de son art. Certains moments sont particulièrement inspirés, comme le voyage en train de l'héroïne qui, par la fenêtre, voit les dégâts de la guerre encore visibles plusieurs années après, en France. (Le coup du reflet dans la vitre est superbe.) Saisissante aussi est la scène qui se conclut par une Marseillaise collective, dans un café parisien. Ozon est toujours habile à entremêler l'image et le son, chacun portant l'autre, à son tour.

   Du côté des acteurs, ce n'est pas Pierre Niney qui m'a impressionné, mais Paula Beer, impeccable en fiancée éplorée, touchée à nouveau par l'amour et devenue audacieuse par obligation. Grâce à son jeu tout en retenue, elle fait passer quantité de choses. A ses côtés, les seconds rôles assurent, parmi lesquels on relève Johann von Bülow, remarqué récemment dans Elser, un héros ordinaire et Le Labyrinthe du silence. Ernst Stötzner est excellent en père du soldat décédé.

   L'intrigue ménage plusieurs rebondissements. Il y a tout d'abord le secret que le soldat français venu en Allemagne garde en lui. (Je pense que n'importe quel spectateur devine très vite de quoi il s'agit.) Il y a ensuite le retournement de situation, avec l'Allemande qui décide de partir en France. Ce périple constitue pour moi le meilleur de l'histoire. L'héroïne va découvrir un autre monde... et en apprendre sur le passé de son défunt fiancé.

   Cela pourrait former un excellent film si le rythme n'en était pas si languissant. On sent l'heure cinquante passer, moi je vous le dis ! Mais c'est bien joué et remarquablement réalisé.

 

dimanche, 18 septembre 2016

Free State of Jones

   Le titre fait référence  à une tentative utopique, celle de fonder, en pleine guerre de Sécession, un Etat libre, dans lequel cohabiteraient Noirs et Blancs, les premiers esclaves en fuite, les seconds soldats sudistes déserteurs. Ce n'est pas une fiction, puisque cette tentative a été menée à bien.

   On commence par une séquence de guerre, avec une bataille de tranchées, ses morts et ses blessés. En une dizaine de minutes, le réalisateur Gary Ross nous fait toucher du doigt l'horreur de la guerre, une guerre différente de celles qui l'ont précédée : quasi industrielle, elle annonce déjà la Première guerre mondiale. La mise en scène est brillante. Ames sensibles s'abstenir.

   La suite montre le héros prendre du recul, au départ pour rendre hommage à un gamin tué au combat. Le soldat devenu brancardier en a marre de la boucherie... et il se rend compte que lui, le fermier pauvre, risque sa vie pour que les grands planteurs esclavagistes conservent leurs privilèges.

   Les acteurs sont bons, très bien dirigés. Dans ce genre de production, qui recourt à quantité de figurants, on est parfois indulgent avec le jeu de certains d'entre eux, lorsque les mouvements d'ensemble sont réussis, sous la houlette des acteurs principaux. Ici, on a l'impression que tout le casting s'est évertué à donner le meilleur de soi.

   En tête d'affiche, il y a Matthew McConaughey... impressionnant. (A Rodez, on peut même l'entendre en version originale sous-titrée.) Sa barbe lui donne un petit air de Christian Bale... mais, surtout, qu'est-ce qu'il est bon ! Un deuxième Oscar est-il en vue ?

   A ses côtés l'on trouve notamment Gugu Mbatha-Row, un nom qui ne vous dit sans doute pas grand chose, mais qu'on risque de beaucoup entendre à l'avenir. On l'a déjà remarquée dans Seul contre tous. Ici, elle incarne l'esclave domestique, qu'on croit privilégiée par rapport à ceux qui courbent l'échine dans les champs de coton, mais qui est soumise aux "appétits" de son maître... Ce beau personnage s'implique dans une révolte clandestine, tout en apprenant à lire. Il lui arrive aussi de chaparder dans la maison de ses "propriétaires". Dans une scène, on la voit s'emparer discrètement d'un objet brillant. C'était pour l'offrir au héros, Newton Khight... et, ô surprise, il s'agit d'un petit couteau pliable, aux formes caractéristiques... un Laguiole ? Est-ce possible au début des années 1860, dans le Mississippi ?

   L'un des personnages principaux est un marais, celui dans lequel les esclaves en fuite et les soldats déserteurs vont se réfugier et y acquérir une véritable autonomie, à la fois matérielle, militaire, intellectuelle et politique. On a l'impression de se trouver dans un entre-deux, une sorte d'univers parallèle où les lois du vrai monde ne s'appliquent pas. Le film ne cache cependant pas les difficultés de la petite nation, certains soldats sudistes déserteurs peinant à se débarrasser de leurs préjugés racistes.

   La part la plus inattendue de l'histoire est celle qui se déroule après la guerre. Le changement, c'est maintenant ! ont dû penser les anciens esclaves. Dans un premier temps, il apparaît que plus jamais rien ne sera comme avant. Mais les élites blanches esclavagistes n'ont pas renoncé, et c'est une nouvelle guerre, plus sournoise, qui se déclenche dans les Etats du Sud, avec l'émergence du Ku Klux Klan. Le héros tente de s'y opposer.

   Notons que les séquences des années 1860-1870 sont parfois entrecoupées de scènes se déroulant plus de soixante-dix ans plus tard, en pleine ségrégation. Petit à petit, on appréhende certaines des conséquences les plus absurdes de la mise en place d'une politique raciste... et l'on découvre le devenir de certains des descendants du héros.

   C'est pour moi un très beau film, qui prend son temps, servi par des acteurs impeccables.

mardi, 06 septembre 2016

Le Roquefort à l'honneur sur France Inter

   C'était dimanche, en fin de matinée, dans l'émission culinaire On va déguster, intitulée ce jour-là "On explore le Roquefort". Les animateurs avaient invité le directeur de Gabriel Coulet (une des sept marques de l'emblématique fromage persillé) et l'historienne Sylvie Vabre. Cette dernière doit commencer à bien connaître les couloirs de la Maison ronde, puisque, l'an dernier, elle était déjà intervenue dans La Marche de l'histoire, à l'occasion de la parution de son maître-livre, Le Sacre du Roquefort.

   La séquence consacrée au "roi des fromages" commence après une dizaine de minutes. On y entend Sylvie Vabre remettre (prudemment) en question la belle histoire racontée à propos de la naissance du Roquefort. Plus inattendue est l'affirmation du rôle qu'aurait joué Jean-Antoine Chaptal. Celui-ci, plus connu pour son rôle dans l'élaboration du champagne, a consacré un mémoire au fromage aveyronnais.

   On passe ensuite à des informations plus techniques. Les habitués du Roquefort n'apprendront pas grand chose. On notera quelques hésitations des animateurs concernant certains détails : le nombre de transformateurs (sept, même si l'on n'en connaît le plus souvent que deux ou trois) et l'étendue de l'aire de collecte du lait, sur six départements :

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   La suite de l'émission est principalement consacrée à des aspects culinaires. Néanmoins, les menaces qui pèsent sur ce fromage de qualité ne sont pas dissimulées. Certaines anecdotes sont croustillantes, comme celle révélant les privilèges dont bénéficient les employés des fabricants.

   Avant de s'achever, l'émission évoque les vins aveyronnais, méconnus même quand ils ont décroché une AOP. L'un des animateurs me semble de bon conseil : il suggère d'associer davantage le Roquefort aux productions viticoles du département.

   Après avoir écouté cela, on n'a plus qu'une seule envie : manger !

vendredi, 26 août 2016

La Couleur de la victoire

   Le titre d'origine, Race, est à double sens : il désigne à la fois la "race" et la "course". Pour la sortie en France, on a misé sur la mémoire des cinéphiles, qui sont censés penser au film de Spielberg (La Couleur pourpre) ou au plus récent La Couleur des sentiments.

   Ce n'est donc pas uniquement un biopic de Jesse Owens, mais aussi une oeuvre sur le racisme sous toutes ses formes et notamment sur la ségrégation qui sévissait aux Etats-Unis dans années 1930. On ne nous cache pas le comportement odieux de certains étudiants blancs de l'université de l'Ohio, tout comme les huées du public des championnats universitaires, huées qui vont se muer en acclamations, devant les performances du champion. Mais, même après ses exploits aux JO de Berlin, Owens, de retour aux Etats-Unis, est resté un "nègre" qui doit emprunter l'entrée de service du restaurant où est organisée une cérémonie qui lui rend hommage !

   La première moitié de l'histoire est consacrée aux débuts de ce sportif modeste, surdoué... et pas très fiable comme compagnon. On nous présente aussi assez bien les questionnements qui ont agité l'Amérique (noire comme blanche) lorsqu'il s'est agi de décider de la participation ou du boycott des jeux hitlériens. A ce sujet, je trouve qu'on a trop enjolivé le personnage d'Avery Brundage (incarné par Jeremy Irons), une enflure antisémite qui a profité des Jeux pour lancer sa carrière au CIO.

   L'intrigue est construite sur un schéma un peu réducteur : les Américains blancs, majoritairement, méprisent les Noirs et ne sont pas antisémites ; les Allemands détestent les juifs et, s'ils méprisent les Noirs, ils n'en laissent rien paraître.

   A l'écran, cela donne certaines des meilleures séquences du film, autour de l'arrivée des athlètes en Allemagne, une Allemagne un peu ripolinée, où l'on a (temporairement) masqué les signes les plus évidents de la politique totalitaire. Du coup, pour les Noirs américains, ces Jeux sont une immense et bonne surprise... du moins au départ. Au village olympique, dans les bus comme dans la cantine, il n'y a pas de ségrégation. Owens, déjà crédité de plusieurs records du monde, est considéré comme une vedette et signe des autographes :

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   Cette image n'est pas extraite du film (on y voit le véritable Jesse Owens), mais d'un bon documentaire récemment rediffusé sur Arte (et visible encore quelques jours). Notons que ni ce film ni La Couleur de la victoire n'insistent sur le fait que les jeux ont été gagnés par l'Allemagne. La gloire acquise par Jesse Owens ne suffit pas à masquer les succès allemands : le pays est arrivé en tête du bilan des médailles (au total général comme au nombre de médailles d'or) et les Jeux ont constitué une opération de propagande réussie.

   La fiction restitue bien le gigantisme de l'opération, en particulier à travers la construction du stade olympique. On suit aussi les efforts de la cinéaste Leni Riefenstahl pour faire de ces Jeux un événement quasi mythique, en accord avec les souhaits d'Hitler, pourtant assez réservé au départ.

   Notons que le film distingue les Allemands ordinaires, pris dans la nasse du régime, des militants nazis, dépeints de manière négative. C'est Joseph Goebbels qui occupe le plus de place à l'écran. Il est inquiétant à souhait, mais je trouve que l'acteur Barnaby Metschurat le rend un peu trop fascinant, alors que c'était une ordure de la pire espèce. A quelques (trop rares) instants, certains personnages ont l'occasion de réaliser que, derrière la propagande, se cache un régime extrêmement dangereux.

   L'histoire ménage aussi beaucoup de place à l'amitié, celle qui se développe entre l'entraîneur blanc (champion raté) et le jeune prodige, mais aussi celle plus surprenante (mais tout aussi authentique) qui naît entre l'Américain noir et l'Allemand blond (Lutz Long, le sauteur en longueur).

   Au niveau sportif, c'est correctement filmé, sans plus. Pour qui a vu ne serait-ce que des extraits d'Olympia, le (formidable) documentaire de Leni Riefenstahl, la platitude de la réalisation de cette fiction est apparente. Ce n'est pas mauvais, juste un peu scolaire. Cela donne une oeuvre plutôt plaisante, qui apprendra des choses à ceux qui ne connaissent pas cette histoire (notamment pourquoi Owens a participé au relais 4x100m, ce qui n'était pas prévu au départ). Mais cela manque un peu de souffle.

dimanche, 21 août 2016

Stefan Zweig, adieu l'Europe

   C'est une sorte de mini-biopic, racontant les dernières années de la vie de l'écrivain autrichien juif, qui fut une gloire en son temps. Il a fui son pays natal dès 1934, avant que l'Allemagne hitlérienne ne l'annexe, mais alors que les mouvements d'extrême-droite sont déjà très puissants en Europe, y compris en Autriche. On le suit principalement en Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Uruguay), mais aussi en Amérique du Nord, pour un intermède aux États-Unis.

   Les interprètes principaux sont bons, en particulier Josef Hader, qui incarne Zweig. Les cinéphiles retrouveront avec plaisir Barbara Sukowa, brillante il y a trois ans dans Hannah Arendt. J'ai par contre quelques réserves à émettre sur les seconds rôles. A-t-on fait exprès de les faire jouer "spontané" ? En tout cas, à plusieurs reprises, cela sonne faux.

   Mais le principal problème est le manque de rythme. C'est terriblement empesé, avec des tunnels de dialogues dont on ne comprend pas vraiment l'utilité. La meilleure séquence est (pour moi) celle qui commence dans une plantation de canne à sucre, dans l'Amazonie brésilienne. C'est inattendu, rafraîchissant et parfois comique. Hélas, ensuite, on retombe dans la lourdeur. La mise en scène ne vient pas au secours du film : elle est très académique, même si, ici ou là, on perçoit un effort pour composer les plans. De ce point de vue, la scène la plus réussie est sans conteste celle de la découverte des corps des suicidés, avec le jeu de miroir s'appuyant sur l'armoire à glace.

   Cela nous mène à une autre faiblesse du film : on ne comprend pas vraiment le déclic qui a poussé le couple à se suicider. L'écrivain est certes déprimé par ce qu'il se passe en Europe, mais, alors qu'il nous est montré joyeux le jour de son anniversaire fin 1941 (on lui offre un chien), rien n'est dit sur le contexte de février 1942. Du coup, je suis sorti de là déçu.

dimanche, 14 août 2016

Le Mémorial de Verdun

   C'est désormais le musée "officiel" de la bataille de Verdun, ce qu'il n'était pas à l'origine. Inauguré en 1967, le Mémorial (résultant d'une initiative privée) avait pour principal objectif d'honorer les anciens combattants. Il se trouve en dehors de la ville, en hauteur, sur le territoire d'un village détruit (celui de Fleury). Je l'ai connu il y a des années de cela, dans sa deuxième époque, après qu'on avait rajouté de multiples objets. J'en avais gardé un souvenir mitigé : les véhicules et les armes m'avaient passionné, mais les panneaux explicatifs étaient vieillots et parfois d'une lecture fastidieuse.

   Le bâtiment (ré)inauguré par Angela Merkel et François Hollande en mai dernier a été profondément modifié, surtout à l'intérieur. Vu de l'extérieur, il semble n'avoir subi que des retouches mineures. Voici comment il était il y a quelques années :

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   Et le voici en 2016, par une belle fin d'après-midi d'été :

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   Les canons n'ont pas disparu ; ils ont été déplacés en contrebas, à proximité d'allées bordées de pelouses. Les abords sont donc plus jolis qu'autrefois. Mais on remarque surtout l'apparition d'un étage supplémentaire, sous la forme d'une verrière. C'est à cet endroit qu'a été placée l'exposition temporaire  présentant l'histoire du site. On y trouve aussi une buvette, des toilettes et une terrasse très commode, d'où l'on a vue notamment sur l'Ossuaire de Douaumont :

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   C'est une visite complémentaire qui s'impose, encore plus pour des Aveyronnais, l'Ossuaire ayant été construit à l'initiative de l'évêque de Verdun de l'époque, un certain Charles Ginisty, originaire de la commune de Saint-Saturnin-de-Lenne, dans l'Aveyron.

   Mais revenons au Mémorial. L'entrée se trouve sur le côté, au sous-sol, et non plus sur le devant (par les grandes portes en bois) comme autrefois. La visite commence par une petite vidéo, résumant la géostratégie de la Première guerre mondiale, à l'aide de cartes animées. En trois-quatre minutes, elle réussit le tour de force de synthétiser l'essentiel des mouvements de troupes en Europe, de manière très accessible.

   De là on arrive dans la salle principale. A partir de ce moment, presque tout le musée est trilingue (allemand-anglais-français), un gros effort ayant été fourni tant au niveau des panneaux que des images projetées et des textes lus.

   L'avant-Verdun est présenté par un historien allemand, qui souligne la préparation minutieuse de l'offensive des troupes de Guillaume II, de surcroît très bien renseignées sur l'état des forts et le niveau de protection du côté français. L'espionnage fonctionnait dans les deux sens. S'y ajoutait l'interrogatoire des prisonniers. Le haut-commandement français ne s'est pas montré particulièrement perspicace sur ce coup-là (comme sur tant d'autres, d'ailleurs).

   Le clou de cet étage est une maquette animée, située juste après la présentation. La région de Verdun a été reconstituée en relief. Au-dessus de la maquette, trois vidéo-projecteurs y impriment diverses animations. On comprend très bien le déroulement de la bataille, le tout étant complété par un écran triple, sur lequel s'affichent des images d'époque légendées.

   Ensuite commence un parcours encadré d'énormes tronçons de bois, censés figurer un réseau de tranchées. Du coup, cette partie du musée prend la forme d'un labyrinthe, où chaque recoin réserve des surprises. On y découvre les troupes coloniales, les différents forts de la région (Vaux, Douaumont...), des véhicules et le fonctionnement de la fameuse Voie sacrée. On ne doit pas négliger le sol non plus, puisqu'une partie du dallage est transparente, laissant voir divers objets en relation avec les combats. C'est la partie du musée où j'ai passé le plus de temps.

   A l'étage du dessus, on découvre une masse d'objets de toute sorte, classés par thèmes. Les panneaux explicatifs sont plus nombreux. On a visiblement fait en sorte qu'ils ne soient pas trop longs. Çà et là, des fiches cartonnées sont disposées pour éclairer les visiteurs. Les plus futés comprendront à quels endroits il faut tirer sur des languettes... qui ouvrent de grands tiroirs vitrés. On peut aussi se contenter d'écouter (à l'aide de casques) les témoignages lus (enregistrés), parfois très durs.

   Ce deuxième niveau est celui des armes, des uniformes et des avions. On nous y présente aussi davantage la vie quotidienne des soldats, leur alimentation et l'importance du courrier. On les découvre artisans voire artistes, tant leurs productions, issues de matériaux de récupération, sont parfois extraordinaires. Très dur est le coin consacré aux soins et à la chirurgie, avec toute la panoplie du matériel médical de l'époque, innovations comprises. Les âmes sensibles éviteront de regarder un court documentaire traitant des divers traumatismes (physiques, mentaux) subis par les "poilus", les images les plus saisissantes étant sans conteste celles des "gueules cassées".

   On se dirige tout doucement vers la fin de l'étage. Confortablement installé (si l'on a pu se saisir d'une des places assises), on regarde un film racontant l'après-Verdun, des années 1920 à la reconstruction du Mémorial. On y retrouve des images célèbres (la rencontre Kohl-Mitterrand de 1984) et d'autres moins connues, comme cette cérémonie franco-italo-allemande de 1936, les visiteurs d'outre-Rhin déployant une croix gammée et faisant le salut nazi... à Douaumont !

   Si l'on veut poursuivre la visite, il faut grimper deux étages (l'étage intermédiaire étant réservé à l'administration) ou prendre l'ascenseur. On arrive au niveau où se trouvent l'exposition temporaire, la buvette et la terrasse. On peut aussi y manipuler de grandes tablettes numériques, qui permettent de visualiser les champs de bataille et de croiser trois couches d'informations. De retour au sous-sol, on peut passer par la librairie, d'une richesse incroyable sur le premier conflit mondial.

   Doté de riches collections, érudit sans être chiant, moderne dans sa scénographie, le Mémorial est un lieu à découvrir pour toute personne qui s'intéresse un peu à la Première guerre mondiale.

vendredi, 12 août 2016

Journaux de guerre II, numéro 33

   En 2014 et 2015, ce sont les journaux de la Première guerre mondiale qui ont été réédités, la publication se poursuivant intelligemment après la fin du conflit... jusqu'en 1939. Fort opportunément, l'éditeur s'est lancé dans une nouvelle collection, celle des journaux de la Seconde guerre mondiale. Au départ, je n'avais pas prévu de poursuivre mes achats : les périodiques d'il y a cent ans étaient les plus rares, alors que ceux datant des années 1939-1945 avaient déjà fait l'objet d'une publication. J'ai révisé mon jugement devant l'originalité de certains choix. C'est le cas pour le numéro de cette semaine, centré sur les maquisards dans l'année 1943 :

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   Le florilège commence avec un quotidien collaborationniste, Le Petit Parisien, daté des 13-14 novembre 1943. Il est toujours bon de se replonger (un peu) dans ce genre de torchon pour réaliser à quel niveau peut s'abaisser la presse de caniveau... mais aussi pour comprendre certaines mentalités de l'époque. Ce numéro s'en prend vigoureusement aux "terrorises" (comprendre les résistants) et aux "crimes" commis par les Alliés (anglo-soviéto-américains). L'expansion du communisme semble être particulièrement redoutée par les auteurs (qui s'intéressent aux péripéties chinoises, en liaison avec les gisements de pétrole), qui n'hésitent pas à présenter de Gaulle comme une marionnette de Moscou :

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   On ne s'étonnera pas de trouver un éloge de Pétain et de constater que les rédacteurs se réjouissent des difficultés électorales des démocrates aux Etats-Unis, Franklin Roosevelt étant l'une de leurs bêtes noires. A l'époque, le magazine Life, tout comme Le Petit Parisien, s'était demandé si le pays n'était pas en train de devenir républicain. Rappelons qu'on était à environ un an de la présidentielle de 1944, qui n'était pas gagnée d'avance pour Roosevelt (si d'aventure il briguait un quatrième mandat). Le symbole du basculement (possible) du pays était l'Etat New York, où le républicain Joe Hanley avait réussi à se faire élire vice-gouverneur :

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   Pour la petite histoire, signalons que Joe Hanley avait été "poussé" par le gouverneur de New York, un certain Thomas Dewey qui, en 1944, allait se présenter contre Roosevelt. Il fut battu, tout comme en 1948 (d'assez peu, cette fois-ci), par le sortant (et ex-vice-président de Roosevelt) Harry Truman.

   Le deuxième journal qui nous est proposé est Combat, sous la forme d'une simple feuille recto, non datée. Il y est uniquement question de la manifestation d'Oyonnax du 11 novembre 1943, qui a vu une troupe du maquis narguer l'occupant dans une ville de plus de 10 000 habitants.

   L'événement est salué aussi par Bir-Hakem, journal clandestin de la résistance gaulliste, dans son numéro du 31 décembre 1943. La plus grande partie de l'espace est toutefois occupée par la dénonciation de "traîtres" (comprendre collaborateurs) issus de diverses catégories socio-professionnelles (des parlementaires aux commerçants, en passant par les religieux, les journalistes ou encore les fonctionnaires). On remarque aussi la virulence du ton à l'égard de tous ceux qui pourraient faire de l'ombre à de Gaulle.

   On termine avec le document de la semaine, un avis de la Kommandantur de Lille du 12 mai 1941. Les autorités allemandes y déplorent la célébration, la veille, de la fête de Jeanne d'Arc :

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   Rappelons que celle-ci, qui commémore la délivrance d'Orléans, est, depuis 1920, la seconde fête nationale française, dite "fête du patriotisme". Ce sont les gaullistes qui sont derrière cette manifestation, un appel ayant été lancé sur Radio Londres. Ils n'ont pas voulu laisser la "bonne Lorraine" à la propagande de Vichy, qui a tenté de la récupérer à son profit.

   Ce numéro des Journaux de guerre est décidément très riche.

mardi, 09 août 2016

Jeanne d'Arc en réclame

   Ah, l'été, ses balades et ses brocantes ! C'est toujours l'occasion de faire d'étonnantes découvertes. Ainsi, le week-end dernier, en compagnie d'une personne chère à mon coeur, j'étais sur le point de quitter un énorme vide-grenier (où j'avais par ailleurs déjà trouvé mon bonheur), lorsque mon regard s'arrêta sur un carton, posé au sol, duquel émergeaient de vieux journaux. Le titre d'une revue attira mon attention : La Femme chez elle.

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   Ce numéro date du 15 septembre 1931. D'autres sont un peu plus anciens (d'un ou deux ans). On s'adresse visiblement aux épouses bourgeoises. Le premier article traite des "colifichets et fanfreluches". Le suivant est intitulé "Nos bébés". Plus culturel, un autre évoque l'Espagne, "terre de contrastes et de traditions". Côté pratique, une rubrique courrier répond aux questions des lectrices et des patrons sont fournis pour donner de l'ouvrage aux habiles couturières. L'ensemble est entrecoupé de publicités, l'une d'entre elle méritant particulièrement le détour :

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   Plantée sur un fougueux destrier, en armure et cheveux aux vents, la Pucelle brandit une bouteille du précieux liquide, le tout étant vanté par un homme vêtu d'un uniforme, une double garantie de qualité censée rassurer les ménagères.

   Mais le plus cocasse réside dans l'argumentation : la benzine est réputée enlever toute tache sans laisser d'auréole... un comble pour un produit promu par une sainte !

vendredi, 05 août 2016

L'alcool dans la guerre

   C'est le thème d'une exposition temporaire, visible jusqu'au 1er décembre 2016 au musée de la bière de la commune de Stenay, située dans le département de la Meuse et la région Lorraine Grand-Est. C'est l'une des très nombreuses manifestations qui entourent le centenaire de la bataille de Verdun. J'ai d'ailleurs découvert avec surprise combien les animations étaient nombreuses, aussi bien celles promues par l'office de tourisme départemental que celles, moins spectaculaires, organisées au niveau local et (heureusement) annoncées dans la presse.

   Le lieu mérite lui-même l'attention du visiteur. Le musée est un ancien magasin aux vivres, devenu malterie par la suite, avant que de successifs changements de propriétaires n'orientent l'activité vers le dépôt de charbon, la champignonnière ou encore le casernement de troupes.

   Les trois quarts des locaux sont consacrés aux collections permanentes. On nous explique d'abord quels sont les constituants de la bière, avant de passer à l'historique. Les plus anciennes traces remontent à la période néolithique, en Mésopotamie. Sachez qu'à l'époque c'étaient des femmes qui fabriquaient le précieux breuvage.

   On vogue ensuite de l'Antiquité gallo-romaine à l'époque moderne, en passant par les changements introduits au Moyen-Age. Les moines ont joué un rôle important. Mais les transformations (techniques et économiques) décisives sont intervenues lors des Révolutions industrielles, jusqu'aux ultimes changements contemporains. Plusieurs salles abordent des aspects techniques de la fabrication, mais j'ai été plus sensible à celle consacrée à la publicité et à la propagande véhiculées par la bière et ses supports.

   C'est dans la dernière partie du musée que l'on découvre l'exposition temporaire, consacrée à l'alcool pendant la Première guerre mondiale. Une idée reçue consiste à opposer les Français amateurs de vin aux Allemands gros consommateurs de bière. Il y a quand même un fond de vérité, si bien que, sur les représentations des "poilus", le jus de raisin fermenté est très souvent présent :

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   En réalité, les Allemands fabriquaient et consommaient aussi beaucoup de vin... et même une sorte de champagne ! Ceci dit, ils buvaient surtout de la bière, certains soldats emportant même leur chope fétiche dans les tranchées !

   Du côté français, on note une séparation entre le Nord et le Sud, le premier étant davantage une terre de "biérophiles", le second une terre de vinophiles. Pour nombre d'entre eux, la guerre a été l'occasion de découvrir et de s'habituer à la consommation de nouveaux breuvages... y compris les eaux-de-vie, certes nettement moins répandues que les boissons moins alcoolisées.

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   En 1914, seuls 25 centilitres étaient attribués quotidiennement aux "poilus" (avec 6 centilitres d'eau-de-vie). Au moment de la bataille de Verdun, on est passé à 50 centilitres, le litre étant atteint avant la fin du conflit. La gourde réglementaire servait d'outil de mesure. Celle qui figure ci-dessus a subi un traitement un peu "spécial" (que je ne révèlerai pas... mais qui est expliqué dans le musée), traitement dont l'objectif était de permettre au poilu d'augmenter légèrement et subrepticement sa ration de vin...

   Le mot "pinard" s'est répandu dans le langage courant, sans doute en relation avec le pinot, cépage très présent en Champagne, Lorraine et Alsace.

   J'ai aussi été surpris par la diversité des contenants. C'est fou comme on a pu faire varier la taille, la forme, la décoration et la couleur des bouteilles. Les catalogues des fabricants proposaient un choix impressionnant de modèles :

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   Les vins et les bières n'étaient pas les seuls concernés. Les alcools forts (ou tout simplement de synthèse) ont connu un indéniable succès. On note la propension des commerciaux à vanter leurs effets thérapeutiques ! A chaque affection du corps (voire de l'âme) correspondait au moins une substance alcoolisée, propre à guérir du mal de crâne, de la fatigue, des douleurs diverses... et même des hémorroïdes.

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   Pourtant, depuis la fin du XIXe siècle, de virulentes campagnes combattaient l'alcoolisation des masses, surtout la consommation des boissons fortes, le vin ayant meilleure réputation... et un poids économique plus important.

   Mais, face à la dureté des combats et de la vie quotidienne, les "petits remontants" étaient bien utiles... et parfois commandés par les officiers, pourtant chargés de lutter contre les abus. Un extrait du documentaire Apocalypse Verdun aborde la question... et la relie à l'alimentation générale des soldats. Il est notamment question des bouchers aux armées. Ames sensibles s'abstenir.

   Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur cette passionnante exposition, à voir si vous en avez l'occasion. Elle est présentée par un dossier de presse bien conçu.

   P.S.

   Sur le sujet, on peut lire aussi avec profit une page du site des Archives de Lyon.

mercredi, 03 août 2016

Colonia

   Le titre de ce film est une référence à la tristement célèbre Colonia Dignidad, fondée dans le Chili profond par un ancien nazi. Cette enclave vivant en quasi autarcie est devenue une sorte de secte, dont les dirigeants entretenaient d'excellentes relations avec le pouvoir dictatorial d'Augusto Pinochet. C'est à ces monstres que les deux héros vont être confrontés, l'intrigue (aussi extraordinaire soit-elle) s'inspirant d'une histoire vraie.

   Le début nous présente les deux tourtereaux. Lui est un photographe engagé, talentueux, qui soutient le gouvernement d'Allende. Elle est une hôtesse de l'air audacieuse... et follement amoureuse de son chéri. On nous montre un couple assez moderne pour l'époque. On sourit et on est attendri, d'autant plus que les deux personnages sont incarnés par deux jeunes gloires du cinéma mondial, Daniel Brühl et Emma Watson. Lui s'est fait connaître dans Good Bye Lenin ! elle dans Harry Potter, où elle incarnait l'inoubliable Hermione Granger.

   Elle a d'ailleurs un peu plus de mal que lui à faire oublier le rôle qui l'a révélée. On l'a quand même remarquée dans My Week with Marilyn et Noé. Brühl, plus âgé, a eu le temps de davantage diversifier sa cinématographie. Ces dernières années, on l'a vu dans Eva, 2 Days in New York et La Femme au tableau.

   La première rupture dans l'intrigue survient avec le coup d'Etat de Pinochet. Le photographe disparaît. L'hôtesse de l'air décide de partir à sa recherche. On pourrait se dire que cela prend un tour un peu trop hollywoodien... à ceci près que c'est la dame qui veut sauver le monsieur. De plus, je peux vous garantir que la nature des atrocités perpétrées sous le régime de Pinochet n'est aucunement atténuée par le scénario.

   On se dit que, dans la vraie vie, cette femme a fait preuve d'un courage inouï... et, comme elle a les traits d'Emma Watson, à plusieurs reprises, j'ai eu envie de quitter mon siège et de foncer sur l'écran pour défendre la ravissante choupinette.

   Cela devient assez vite un thriller, avec la vie à l'intérieur de la communauté sectaire. Signalons la performance de Michael Nyqvist en gourou charismatique... et amateur de jeunes garçons. Dans le camp, on suit avec un intérêt grandissant les relations entre les femmes. Du côté des hommes, le héros fait assaut d'ingéniosité pour endormir la méfiance des geôliers. Certaines découvertes vont s'avérer capitales dans le dénouement de l'intrigue... qui nous réserve des surprises jusque dans la dernière séquence. Celle-ci abuse toutefois du "juste à temps", un peu comme dans Argo, pour ceux qui s'en souviennent.

   En dépit de quelques faiblesses, c'est à la fois un film instructif et un roman d'aventures prenant, avec une louche de romantisme pas niaiseux.

    P.S.

   En 2004, l'émission "Rendez-vous avec X" s'était penchée sur le cas de la Colonia Dignidad.

dimanche, 24 juillet 2016

Elvis & Nixon

   Ce petit film brode à partir d'une rencontre qui s'est réellement produite, entre Richard Nixon (à l'époque président des États-Unis) et Elvis Presley, la star du rock, en 1970. Les États-Unis étaient en pleine guerre du Vietnam. A l'intérieur, le pays était agité par de multiples mouvements contestataires... et Elvis Presley (plus mûr qu'à ses débuts) était peut-être la vedette la plus connue du monde.

   C'est d'ailleurs une source de gags, puisque la star met les dames en émoi... et suscite l'incrédulité des hommes. La scène la plus drôle est sans conteste celle qui se déroule dans un aéroport, très tôt le matin, lorsqu'un pâle sosie du King apostrophe celui-ci, qu'il prend pour un concurrent, certes pas malhabile.

   J'ai aussi beaucoup apprécié la manière dont on nous raconte la mise en place de la rencontre, dont Nixon à l'origine ne voulait pas. Ce sont ses assistants (eux-mêmes fans d'Elvis) et les amis du King qui vont trouver le moyen de faire plier le chef du Monde Libre...

   A partir de là, tout est possible. L'arrivée d'Elvis et de ses amis à la Maison Blanche est particulièrement cocasse, avec un service de sécurité au bord de la crise de nerfs. Puis vient enfin la rencontre. Kevin Spacey est excellent en président conservateur roublard. Face à lui, Michael Shannon (vu récemment dans Midnight Special) est bluffant. Alors qu'il ne ressemble pas physiquement à Elvis, il réussit à nous faire croire à son personnage, très conscient de son aura, imbu de lui-même aussi... et très seul au fond. Il n'a que deux ou trois véritables amis, incarnés eux par des acteurs très ressemblants :

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   Et puis... au-delà de la possible candeur d'Elvis, il y a sa part de duplicité. Certes, il a pris l'initiative d'écrire une lettre à Nixon... mais, en dépit du patriotisme affiché, n'est-il pas surtout désireux de se procurer un authentique badge du F.B.I. ? Le film maintien l'incertitude quant aux véritables motivations du King.

   La fin ne manque pas de saveur non plus. Elvis accepte bon gré mal gré de se plier à la séance de photos. Nixon sort de l'entretien tout joyeux... et pense régler les problèmes posés par la Syrie et l'Irak en deux temps trois mouvements ! (Petit clin d’œil des scénaristes... Rappelons que l'action se déroule en 1970.) Et puis, soyez attentifs aux textes qui s'affichent juste avant le générique. On y apprend ce que sont devenus les personnages fort sympathiques que l'on a suivis pendant 1h25... Nombre d'entre eux ont mal tourné, preuve supplémentaire qu'il ne faut pas se fier aux apparences.

   P.S.

   D'un point de vue technique, j'ai été gêné, à quelques occasions, par l'image déformée de personnages situés aux extrémités de certains plans (notamment dans le bureau ovale). Je ne sais pas si c'est dû au film lui-même ou à la projection, défectueuse.

mercredi, 15 juin 2016

Le Chemin de Buenos Aires

   C'est le titre d'un ouvrage paru en 1927 et rédigé par le journaliste Albert Londres. Sur les conseils d'un lecteur du blog (qui a commenté la note portant sur le film Eva ne dort pas), je me suis procuré une édition de poche, parue au Serpent à Plumes.

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   La première remarque que j'ai à formuler est la qualité de l'écriture. C'est extrêmement vivant, avec notamment un art consommé du portrait (des hommes comme des femmes). Du coup, les quelque 250 pages se dévorent en un rien de temps. Cela m'a rappelé l'intérêt qu'avait jadis suscité en moi la lecture d'un autre ouvrage d'Albert Londres, Terre d'ébène (consacré à la colonisation française en Afrique subsaharienne).

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   Mais revenons à l'Argentine. Le journaliste français évoque le dynamisme du pays entre les deux guerres mondiales, avec une immigration européenne massive, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Pologne, d'URSS... et de France. De notre pays sont notamment issues des prostituées, surnommées "Franchuchas". Le mot qui, à l'origine, désignait les Françaises, est devenu synonyme de "fille de mauvaise vie".

   L'enquête d'Albert Londres (qui avait réussi à se faire accepter de certains membres du "milieu") décrit les processus à l'oeuvre dans la déchéance des jeunes femmes, beaucoup n'étant même pas majeures (c'est-à-dire âgées d'au moins 21 ans, à l'époque). Grâce aux témoignages qu'il a recueillis, auprès de prostituées, de policiers et surtout de proxénètes, il a reconstitué les trajets suivis et les méthodes employées. 

   Dans le livre, il manque juste un élément du contexte, qui était évident en 1927, à tel point que l'auteur n'a pas cru bon de le préciser : les conséquences de la Première guerre mondiale. Des centaines de milliers de jeunes femmes se sont retrouvées veuves sans ressources ; d'autres n'ont pas pu trouver de mari et d'autres, plus jeunes, sont devenues orphelines. Cela forme un ensemble important de personnes fragiles susceptibles de céder aux sirènes d'un habile enjôleur, caressant et vêtu d'un beau costume. Mais le principal intérêt du reportage est de montrer l'adhésion parfois volontaire des jeunes femmes à la prostitution : vu l'état de grande pauvreté dans lequel elles se trouvaient, c'est apparu comme la moins mauvaise des solutions, à une époque où l'Etat-providence n'existait pas en France.

   Le livre évoque deux autres catégories de prostituées : les locales, apparemment peu estimées et que l'auteur a visiblement rarement rencontrées, et les immigrées juives d'Europe de l'Est, qui étaient moins bien considérées que les Françaises. Le journaliste s'attarde un peu sur les Polonaises et les Russes, dont il avait déjà pu constater auparavant dans quelle affreuse misère elles vivaient dans leur pays d'origine.

   Beaucoup de choses se jouent aussi sur les bateaux qui assurent la liaison entre l'Europe et l'Amérique latine. Plusieurs anecdotes enrichissent le récit, qui prend un tour parfois romanesque.

   A Buenos Aires, Albert Londres découvre une corruption très étendue, qui touche aussi bien la justice que la police. Certains maquereaux ont su nouer des alliances très profitables et exercent une considérable influence occulte. Devant le journaliste toutefois, ils jouent les modestes... et minimisent leurs revenus !

   C'est vraiment un livre à lire, très vivant et bien documenté.

samedi, 04 juin 2016

Dalton Trumbo

   Ce long-métrage rend hommage à l'écrivain-scénariste américain et plus particulièrement à son combat contre l'hystérie anticommuniste qui a saisi les États-Unis dans les années 1940-1950. A priori, il n'avait rien d'un héros. Ayant connu le succès assez jeune, il menait une vie bourgeoise, avec son épouse (au foyer, dévouée à la carrière de son mari) et ses trois enfants, la fille aînée étant particulièrement proche de son père.

   Tout change avec les débuts de la Guerre Froide. Une partie de la population croit voir des espions bolcheviques partout. Le monde du cinéma est particulièrement visé, compte tenu de l'influence qu'on prête à ce média. C'est l'occasion de découvrir une galerie de personnages très bien campés. Se détache Bryan Cranston, qui EST Dalton Trumbo (et qui, tout autant que Leonardo DiCaprio, aurait mérité de recevoir l'oscar du meilleur acteur). Face à lui se dresse une ancienne actrice, devenue échotière du petit monde hollywoodien, véritable pasionaria anticommuniste... voire antisémite. Dans le rôle, Helen Mirren est excellente.

   Le sous-texte du scénario tente de démontrer que l'Amérique, terre de liberté, a failli basculer dans la dictature. Les hérauts de l'anticommunisme s'en sont pris à ceux qui avaient la réputation d'être "de gauche" : communistes, progressistes et même certains démocrates. Les comédiens qui incarnent les bourreaux et les victimes sont très crédibles. Au passage, le film égratigne quelques gloires républicaines, au premier rang desquelles John Wayne, l'acteur-vedette des patriotes... qui n'a jamais porté l'uniforme de sa vie. Les spectateurs attentifs apercevront, au détour d'un plan, deux futurs présidents des États-Unis, Ronald Reagan, très actif à Hollywood contre les "commies", et Richard Nixon, qui fut proche de Joseph McCarthy, avant de devenir le colistier de Dwight Eisenhower, élu président en 1952.

   La deuxième partie de l'histoire nous fait suivre deux fils rouges : la procédure judiciaire, qui va mener certains protagonistes en prison et qui pourrait aller jusqu'à la Cour suprême, et la tactique de contournement du système suivie par Dalton Trumbo et ses alliés : puisqu'il ne peut plus travailler sous son nom pour Hollywood, il va devenir un nègre protéiforme, fournissant des scenarii clés en main aussi bien à un producteur de nanars (John Goodman... j'adore !) qu'à de prestigieux réalisateurs. Pour ce faire, il va mettre au service de sa cause la famille entière, les enfants se prêtant en général d'assez bonne volonté au jeu du coursier ou du standardiste téléphonique.

   Qui plus est, la mise en scène n'est pas dégueulasse. Jay Roach (le réalisateur) semble avoir fait des progrès depuis les Austin Powers et Mon Beau-père et moi, des comédies efficaces mais qui reposaient surtout sur le scénario et le jeu des acteurs. J'ai particulièrement aimé les scènes de salle de bain, un endroit où Trumbo aimait travailler en paix, tout en faisant trempette. Plus classiques sont les moments qui le montrent devant la machine à écrire, cigarette au bec, un verre d'alcool à proximité... et des cachets dans le tiroir. J'ai aussi en mémoire une scène se déroulant dans un cinéma, plus précisément l'instant où une partie du générique se reflète dans le verre des lunettes de Dalton Trumbo. Très habile !

   Intelligemment, le film place en parallèle de la lutte menée par Trumbo l'évolution des membres de sa famille. On se rend compte que le grand homme n'aurait pas été grand chose sans le dévouement de son épouse, une mère au foyer qui, de nos jours, serait sans doute une cadre dynamique. Mais c'est avec la fille ainée (celle qui pourtant s'identifie le plus au père) que le conflit va éclater. L'ancienne enfant chérie est devenue une adolescente au caractère affirmé. Elle veut sortir le soir et s'investit dans la défense des droits des Noirs. Trumbo va devoir résoudre aussi ce conflit de générations.

   Fort heureusement, les aspects sombres de l'histoire sont contrebalancés par des moments de comédie. Les anecdotes sur la vie du petit monde hollywoodien (ses fiertés mal placées, ses petites bassesses...) ne manquent pas de saveur. Mais c'est principalement la "conspiration du scénario" qui est source de gags.

   On (re)découvre ainsi que certains acteurs et réalisateurs n'ont pas baissé leur froc devant les fanatiques de l'anticommunisme. Si le film évoque brièvement Lauren Bacall et Humphrey Bogart, il s'attarde davantage sur les interventions de Kirk Douglas et Otto Preminger, remarquablement interprétés par Dean O'Gorman (vu dans Le Hobbit) et Christian Berkel. La réalisateur installe une sorte de connivence entre la famille Trumbo et les spectateurs, si bien qu'on se réjouit avec eux des récompenses gagnés par le scénariste, sans que son nom ne figure au générique des œuvres primées.

   J'aurais quand même quelques réticences à formuler. Si techniquement, le film est irréprochable, sur le fond, il n'est pas totalement objectif. A l'écran ne sont montrés que des éléments (politiques) favorables aux scénaristes mis en cause à l'époque. Leurs seules faiblesses sont de l'ordre du privé. De plus, au niveau du contexte, il aurait été judicieux de préciser que la Commission des activités antiaméricaines avait été fondée avant la Seconde guerre mondiale et pas pour traquer les communistes, mais les nazis. Si les poursuites engagées contre les scénaristes d'Hollywood étaient scandaleuses, l'espionnage soviétique aux États-Unis n'en était pas moins réel... et l'URSS pouvait difficilement passer pour un havre de liberté, sans que cela scandalise les communistes américains.

jeudi, 26 mai 2016

L'Origine de la violence

   Quand j'ai commencé à lire des articles sur ce film, j'ai pensé à de récentes fictions qui entremêlent le présent et le passé, celui de la Seconde guerre mondiale. En 2007 est sorti Un Secret, lui aussi adapté d'un livre. En 2010, on a eu droit au très prenant Elle s'appelait Sarah. L'an dernier c'était au tour de L'Antiquaire, dans lequel jouait déjà Michel Bouquet.

   L'intrigue utilise les ficelles de l'enquête policière, ici à caractère historique. Le noeud de l'affaire est la découverte par le héros de l'existence d'un membre ignoré de sa famille, qui serait passé par le camp de Buchenwald. Cette première partie passe moyennement, pour plusieurs raisons. La première est que j'ai eu du mal à m'habituer au jeu de Stanley Weber (qui incarne Nathan, le héros de 2014, dont on a pourtant eu la bonne idée de faire une personne limite antipathique, en tout cas pétrie de défauts). Sa rencontre avec une ravissante Allemande (Miriam Stein, lumineuse) apporte un salutaire dynamisme à l'intrigue. Mais, comme j'avais très vite deviné quelle était la nature du mystère entourant la photographie du déporté, le déroulement de l'histoire manquait un peu de saveur. De surcroît, il me semble que c'est parfois un peu surjoué et trop souligné par la musique. Au bout de trois quarts d'heure, je me suis même demandé comment Elie Chouraqui allait pouvoir nous tenir en haleine encore plus d'une heure.

   Je m'étais trompé. Dans cette partie de l'histoire, le jeune prof tire sur un fil... et la pelote va continuer à se dévider. D'autres mystères surgissent. Comment l'homme de la photographie est-il réellement mort ? Pourquoi est-il décédé en 1942 et non pas en 1941 ? Que s'est-il passé entre ces deux dates ?... et qui a écrit la lettre de dénonciation ?

   Dans cette seconde partie, l'intérêt est d'autant plus relevé que l'on a donné plus de texte à certains interprètes : Richard Berry (excellent de retenue et de sobriété), Michel Bouquet (magistral... à son âge !), Catherine Samie (époustouflante en grand-tante dynamique) et Joseph Joffo (criant de vérité en ancien déporté). Voilà pour la distribution contemporaine. Mais la véritable perle est constituée par les séquences anciennes (des années 1940), qui ressuscitent, par petites touches, le passé que tant de monde voudrait voir rester enfoui. C'est le moment de signaler la composition de César Chouraqui, très juste en jeune tailleur ambitieux.

   Le film va même encore plus loin : quand on dégoupille une grenade, il faut s'attendre à ce qu'elle pète entre les mains. Le héros contemporain va ainsi faire une ultime découverte, à propos d'un événement qu'il ne cherchait même pas à éclaircir. Cette manière de conclure l'histoire est vraiment très bonne.

   Je suis donc sorti de là finalement très satisfait. L'ensemble vaut mieux que ce qu'une partie du début laisse présager.

mardi, 26 avril 2016

Eva ne dort pas

   Cette Eva est Eva Peron, l'épouse du président argentin Juan Domingo Peron et véritable icône des classes populaires argentines encore aujourd'hui. Cette Eva, malgré les apparences, ne dort pas, parce qu'elle est morte (en 1952). Mais son cadavre embaumé donne l'impression qu'elle est toujours en vie. Quoi qu'il en soit, il fait l'objet de toute l'attention de la junte conservatrice qui a renversé Peron en 1955.

   Le début nous montre "Evita" vivante, avec la force du tribun politique que l'ancienne actrice était devenue. Le choix de discours qui stigmatisent le capitalisme financier et les "oligarques" argentins qui le soutiennent n'est à mon avis pas le fait du hasard : le réalisateur Pablo Aguero veut montrer que, par certains aspects, la situation de l'époque n'est pas sans évoquer celle du monde actuel.

   Comme l'intrigue est centrée sur le devenir de la dépouille d'Eva Peron, les paradoxes du "péronisme" ne sont pas abordés. Pour nous Français, cela semble être un mélange de gaullisme et de chavisme. Cela pourrait rappeler aussi le mouvement qui s'était constitué, sous la IIIe République, autour du général Boulanger. Peron lui-même était pétri de paradoxes : admirateur du premier Mussolini, en très bons termes avec Franco, il a laissé des milliers de nazis se cacher en Argentine, après la Seconde guerre mondiale. Dans le même temps, le pays s'orientait vers une véritable démocratie, avec (sous l'impulsion de son épouse, dit-on) le droit de vote pour les femmes et une série de mesures en faveur des classes populaires.

   Voilà pourquoi le narrateur de l'histoire, un officier conservateur, est aussi ordurier à propos d'Eva Peron. Ce contraste joue en faveur de la jeune femme, bien que ce narrateur soit incarné par Gael Garcia Bernal (que l'on a vu récemment dans Desierto).

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   La première partie traite de l'embaumement du corps. Il est effectué quasiment en catimini, par un personnage qui ne semble pas particulièrement apprécier la dame, de prime abord. Il ne va pas moins réaliser un travail remarquable. Signalons que c'est une actrice (Sabrina Macchi) et non un mannequin articulé qui incarne la défunte. Elle a dû subir un entraînement rigoureux pour pouvoir rester de longues minutes en immobilité totale (ou sans réagir quand elle est plongée dans un grand aquarium), le film étant tourné en plans-séquences. De ce point de vue, c'est assez virtuose.

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   La partie la plus pittoresque est le transport du corps momifié, de nuit, dans un camion anonyme, par un colonel qui a vu du pays. Le scénario (de manière volontairement erronée) en fait un ancien d'Indochine, sans peur et sans reproche. Il a les traits de Denis Lavant, vraiment excellent :

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   Dans son périple, il va côtoyer un jeune soldat argentin, qui a l'air bien innocent face au vieux briscard. Leur cohabitation va se révéler pleine de surprises.

   La dernière partie évoque la recherche de la dépouille d'Eva Peron. Des groupes révolutionnaires veulent mettre la main dessus. Ils ont enlevé l'ancien président anti-péroniste, Pedro Arumburu, qu'ils veulent juger. (Le film ne dit pas que ces péronistes de gauche voulaient sans doute aussi éviter qu'un éventuel retour au pouvoir de Peron ne se traduise par un rapprochement avec la droite, auquel travaillait Arumburu.) C'est à mon avis la partie la moins convaincante. L'idée du huis-clos est bonne, mais il aurait fallu rejouer certaines scènes.

   L'histoire se conclut avec le narrateur, au moment où la junte militaire a repris le pouvoir en Argentine (dans les années 1970). Bien que le corps ait été enterré sous plusieurs mètres de béton, le mythe d'Eva Peron est resté vivace.

   P.S.

   Le film, assez bref (il dure moins d'1h30), omet certains détails concernant le décès de la jeune femme (à 33 ans). La maladie qui l'a abattue est le cancer du col de l'utérus. Les derniers mois, elle souffrait tellement qu'on lui a fait subir une lobotomie, dont des traces auraient dû être visibles sur le front du cadavre. Dans le film, on n'en voit rien... peut-être parce que cela ferait surgir d'autres questions, plus polémiques encore. Un récent article avance l'hypothèse que la lobotomie avait aussi pour but de "calmer" Eva Peron, dont le tempérament révolutionnaire semblait s'intensifier avec la progression de la maladie. Il se pourrait même que l'intervention chirurgicale ait hâté sa fin...

   L'autre aspect passé sous silence est l'origine du cancer de l'utérus. Il est dû à des papillomavirus, transmis lors de rapports sexuels non protégés. Alors, soit Eva Duarte a contracté la maladie alors qu'elle était actrice (avant de rencontrer Peron), soit elle lui a été transmise par son mari... dont la première épouse est décédée du même mal... tiens donc ! De là à penser que l'officier avait jadis attrapé une "chose triste" en fréquentant un bordel et qu'il l'aurait transmise à ses deux épouses successives...

   De fil en aiguille, j'ai été amené à m'intéresser à la prostitution en Argentine. Je suis tombé sur un passionnant article, disponible sur le site d'une ONG (mondefemmes). On y apprend que, de 1875 à 1935, des "maisons de prostitution" (gérées par des femmes) ont eu pignon sur rue. On peut compléter cette lecture par celle d'un article de Slate qui, il y a un peu moins de trois ans, évoquait la situation d'Européennes de l'Est juives. Entre la fin du XIXe siècle et la Seconde guerre mondiale, des milliers d'entre elles ont été exploitées en Amérique du Sud.

dimanche, 24 avril 2016

Fritz Bauer, un héros allemand

   Ce film met l'accent sur une personne qui n'apparaissait qu'au second plan dans un autre film historique allemand, sorti en 2015, Le Labyrinthe du silence. Ici, ce n'est pas le procès des crimes commis à Auschwitz qui est au cœur de l'intrigue, mais la traque d'Adolf Eichmann, dans le contexte de la RFA au tournant des années 1950-1960.

   J'ai été frappé par le souci de reconstituer l'ambiance sociétale de l'époque. On est certes en pleine Guerre froide (après le blocus de Berlin mais avant la construction du Mur), mais on est surtout à une époque où règne une sorte d'ordre moral chrétien-démocrate auquel il vaut mieux ne pas déroger. Ainsi, le procureur Fritz Bauer cumule les handicaps, aux yeux de la "bonne société" : il est socialiste, juif... et homosexuel. De surcroît, il a fui le pays à l'époque nazie, pour ne revenir qu'en 1949. Mais il a du bagout, une réputation de sérieux et de gros bosseur. Il semble aussi plutôt bien passer à la télévision.

   Pourtant, le film n'en fait pas un modèle intouchable. Il fume comme un pompier, sans se soucier de la gêne que cela peut provoquer, boit beaucoup d'alcool et traite les gens assez durement. Bref, il est plutôt antipathique. Il a sous ses ordres une brochette de jeunes procureurs ambitieux... mais en général très prudents : ils sont prêts à le suivre jusqu'à un certain point. Le plus courageux d'entre eux semble être le beau gosse à la carrure d'athlète, marié à la (ravissante) fille d'un industriel qui n'a pas pâti du régime nazi... Peut-il s'en faire un allié ?

   C'est d'autant plus nécessaire que les magistrats finissent par comprendre qu'ils sont espionnés par la police de leur pays ! Est-il besoin de préciser que celle-ci est en partie composée d'anciens nazis, qu'on espère pas trop compromis dans le régime déchu ?

   Le côté "roman d'espionnage" est donc très développé, dans une ambiance jazzy assez étonnante, mais qui se marie bien avec l'obscurité présente dans de nombreuses scènes. On découvre ainsi Francfort by night, avec ses cabarets interlopes, où l'on contourne la législation en place... tant que la police le tolère.

   Tout est bouleversé à partir du moment où surgit un renseignement sur la résidence d'Adolf Eichmann, qu'on a cru voir un peu partout dans le monde. En fait, il se trouvait en Argentine, un pays qui, sous le gouvernement de Juan Peron, a accueilli beaucoup de nazis en fuite...

   Je vous laisse découvrir la suite de la traque, entre le pôle judiciaire allemand, le gouvernement du Land de Hesse, le Mossad israélien, le rôle trouble de la police et les péripéties argentines. Personne n'est sorti indemne de cette histoire, très forte et bien rendue à l'écran.

jeudi, 21 avril 2016

Une "nouvelle" statue-menhir

   Elle a été découverte à la frontière du Tarn et de l'Aveyron (côté tarnais), dans la commune de Montirat, située grosso modo à mi-chemin de Villefranche-de-Rouergue et d'Albi :

Carte.jpg

   A ma connaissance, c'est Centre Presse qui a sorti l'information en premier, dans son numéro de mardi :

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   L'article nous révèle deux autres choses, d'abord que la véritable découverte est beaucoup plus ancienne, ensuite que c'est parce qu'il était venu au (superbe) musée Fenaille qu'un chasseur du coin a compris l'importance de l'objet. (On peut aussi déplorer que ce modeste paragraphe n'ait pas été relu avec plus d'attention...)

   Pour savoir à quoi ressemble la statue-menhir, on peut se rendre sur le site de France 3 Midi-Pyrénées, qui en a parlé le même jour que Centre Presse (mais plus tard, dans l'après-midi) :

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   On nous dit que la statue aurait environ 5 000 ans et qu'elle serait inachevée. La courte vidéo montre un archéologue examinant l'objet. Il penche pour une statue féminine, bien qu'il manque nombre de détails. Peut-être qu'après son nettoyage d'autres éléments (même ténus) apparaîtront.

   P.S.

   Rappelons qu'en 2013 une autre statue-menhir avait été découverte, à la limite de l'Hérault et du Tarn. A l'époque, on en a beaucoup parlé parce qu'elle a été trouvée enterrée (ce qui pourrait fournir de précieuses informations sur le contexte de sa création) et parce qu'elle comporte une bouche (ronde), une première chez une statue masculine :

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   P.S. II

   Quelques années auparavant (en 2010 ?), une autre statue avait été découverte dans le Tarn, à Montalet (du côté de Lacaune), pas très loin des rives du lac où la précédente était enfouie. Elle a fait l'objet d'une analyse détallée par Jean Gasco et Michel Maillé.

lundi, 18 avril 2016

Truth : Le Prix de la Vérité

   Ce film nous replonge dans la présidence Bush (fils), plus précisément à la jonction de ses deux mandats, quand l'enquête menée par certains journalistes de télévision menaçait de faire basculer un scrutin qui s'annonçait serré (avec le démocrate John Kerry). C'est donc un hommage au travail du "quatrième pouvoir", cette fois-ci incarné par l'audiovisuel (et pas la presse écrite). On sent néanmoins les références aux Hommes du président, d'autant plus que les deux œuvres ont en commun la présence de Robert Redford au générique.

   Mais c'est une femme qui occupe le premier plan, la journaliste et productrice Mary Mapes, incarnée par la sublime Cate Blanchett :

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   Au passage, si vous allez voir le film, quand vous serez à ce moment de l'action, vous trouverez sans doute la beauté de l'actrice encore plus grande. Il semblerait que quelques retouches numériques aient été pratiquées, afin de masquer les imperceptibles traces que le temps qui passe a laissées sur le visage encore superbe de Catounette.

   Mais elle n'est pas que belle à tomber. C'est une femme de tête, intelligente, qui se bat pour ses convictions, tout en tentant de mener de front sa vie de famille, en compagnie d'un mari compréhensif et d'un enfant adorable.

   La première partie de l'histoire nous conte la marche quasi triomphale d'une improbable équipe d'enquêteurs vers ce qui semble être le scoop de l'année : non seulement George W. Bush s'est fait pistonner pour éviter d'être envoyé au Vietnam, mais il a de plus sans doute déserté son poste pour travailler pour le compte d'un élu républicain.

   La réalisation, assez plate, se contente de mettre en valeur les principaux personnages, les journalistes bien sûr, mais aussi les témoins (plus ou moins volontaires) et les autres acteurs importants de la chaîne CBS, du PDG à la juriste en passant par le directeur de l'information. C'est assez instructif sur la manière dont fonctionne (à l'époque, en 2004) une grosse machine médiatique.

   Puis vient le retournement. On connaît déjà la fin de l'histoire (la réélection de Bush). On se demande donc comment tout a pu "capoter". On découvre la contre-attaque républicaine, la violence des commentaires sur internet (déjà), l'oppressante présence des caméras jusque dans la vie privée et le lynchage médiatique orchestré... sans oublier les pressions sur les témoins. Le documentaire se fait polar, pour notre plus grand plaisir. (Fort heureusement, de temps en temps, le personnage joué par Dennis Quaid apporte de plaisants moments d'humour.)

   Notons aussi que, même si le scénario accorde la part belle aux journalistes, il ne cache pas leurs maladresses voire leurs erreurs. Les arguments des adversaires font parfois mouche, même si l'on comprend que leur but n'est pas de faire éclater la vérité mais de protéger le président sortant.

   Dans la dernière partie, cela tourne quasiment au film judiciaire, puisque les enquêteurs vont subir une sorte de procès en sorcellerie déontologie journalistique. Symptomatiques sont les scènes qui confrontent Mary/Cate à la commission, exclusivement masculine... et presque entièrement d'obédience républicaine. La conclusion est assez pessimiste : à la télévision, l'infotainment remplace l'enquête de terrain. Soyez aussi attentifs à la toute fin, qui évoque le devenir de l'héroïne.

   P.S.

   Aussi étrange cela puisse-t-il paraître, l'Aveyron n'est pas absent de cette œuvre américanissime. Ainsi, au cours de leur enquête, les journalistes vont trouver un document dans lequel il est question d'une fête agricole, avec des vaches Simmental (celles dont le lait constitue l'essentiel de la matière première du fromage Laguiole). Et puis, tout au long du film, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la troisième adjointe du maire de Rodez, Sarah Vidal,  chaque fois qu'est apparue à l'écran Elisabeth Moss, qui interprète l'un des membres de l'équipe d'enquêteurs :

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jeudi, 07 avril 2016

Remember

   Se souvenir est l'enjeu principal de cette histoire, dont le "héros" est frappé de sénilité (à éclipses). Chaque matin, il se réveille en cherchant son épouse, décédée depuis peu. Mais la mémoire est aussi celle d'un passé beaucoup plus lointain, qui remonte au début des années 1940, en Allemagne et en Pologne : Zev et son ami Max sont les derniers survivants d'un "block" d'Auschwitz. Les responsables de la mort des membres de leurs familles n'ont jamais été retrouvés... jusqu'à aujourd'hui.

   Max étant handicapé moteur, c'est Zev qui est chargé de "rendre justice". Comme il perd régulièrement le fil de ses pensées, Max lui a écrit un petit mémo, qu'il conserve dans la poche intérieure droite de sa veste... et qu'il doit relire régulièrement. L'autre problème est l'incertitude qui pèse sur l'identité du principal bourreau, qui s'est jadis enfui aux Etats-Unis, où il entré sous un faux nom. A la suite d'une longue enquête, Max est parvenu à resserrer les fils : il reste quatre candidats potentiels. Ce sont ces quatre personnes que Zev est chargé de contacter, l'une d'entre elles étant vouée à la mort.

   Il s'agit donc d'un film à suspens, d'autant plus prenant que le nouvel ange exterminateur évolue à son rythme. Bien qu'encore vaillant et déterminé, il commet quelques bévues, qui nuisent à sa mission. Il est quand même suffisamment malin pour passer la douane entre les Etats-Unis et le Canada et pour se faire accepter partout où il va sonner.

   L'un des intérêts de l'intrigue réside dans les rencontres que fait le héros. Les scènes tournées avec les jeunes enfants (le garçon dans le train, la fille à l'hôpital) sont assez touchantes. Mais on attend surtout la rencontre avec les quatre cibles potentielles. Qui est l'ancien SS d'Auschwitz ? Le père du policier raciste ? L'ancien militaire ? Le papy gâteau ? Le malade en phase terminale, cloué sur son lit ? Aucune des rencontres ne se déroule comme prévu. Le scénario est vraiment bien conçu (on découvre le passé par morceaux, comme dans un puzzle), ménageant des surprises, jusqu'à l'avant-dernière séquence, qui a tellement choqué certains critiques, mais qui est cohérente avec le reste de l'histoire.

   Au niveau de l'ambiance, on oscille entre l'humour, l'émotion et la tension. Atom Egoyan (le réalisateur) et Christopher Plummer (Zev) nous font ressentir ce que vit le héros, que la moindre contrariété dans le déroulement de sa vie quotidienne peut plonger dans un abyme de perplexité. L'angoisse du survivant de la guerre nous est transmise à travers certains éléments (pas toujours judicieusement choisis) : le pommeau d'une douche (...), la sirène d'alarme d'une carrière, les aboiements d'un berger allemand... Beaucoup de choses passent par les images. Il faut quand même rester vigilant, Egoyan étant passé maître dans les faux semblants. (Rappelez-vous Captives.)

   Cela donne un "thriller du troisième âge", très tendu et remarquablement interprété.

18:05 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 12 mars 2016

Les Innocentes

   Anne Fontaine est une réalisatrice au style particulier. Je l'avais découverte dans les années 1990, avec l'étonnant Augustin (sur un jeune homme quasi autiste). Dix ans plus tard, j'avais pu constater que son talent s'était affiné avec Entre ses mains (avec Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde). Dans Les Innocentes, elle s'attaque à un sujet délicat (et méconnu) : le viol de religieuses polonaises par les soldats de l'Armée rouge, à la fin de la Seconde guerre mondiale... et les conséquences.

   Cette coproduction franco-polonaise repose sur d'excellentes actrices (surtout polonaises). Celles qui incarnent les nonnes, enceintes ou pas, sont vraiment criantes de vérité. Elles font croire à leur personnage et elles nous font toucher du doigt le dilemme de ces jeunes femmes, vouées pour la plupart à la virginité et qui, non seulement ont perdu celle-ci, mais se retrouvent mères. Impressionnantes sont les scènes d'accouchement, dans lesquelles s'illustre aussi Lou de Laâge, la soignante française athée et sans doute communiste qui va se prendre d'affection pour ces incarnations d'une société conservatrice.

   Par contre, j'ai été moins convaincu par la prestation de Vincent Macaigne, pas totalement crédible en médecin juif revenu de tout. Ce personnage a au moins le mérite d'introduire un peu de rugosité dans une intrigue qui serait sinon un peu trop prévisible. On n'a pas cherché à en faire une victime, alors qu'il a perdu presque toute sa famille dans le génocide, et l'on découvre peu à peu que derrière le mec cynique se cache un homme sensible, capable d'altruisme.

   Les moments les plus forts n'en restent pas moins ceux tournés dans le couvent, un lieu éminemment cinématographique, dont la réalisatrice a su tirer pleinement parti. Dans la réalité, l'Eglise polonaise n'ayant pas autorisé le tournage dans un véritable couvent, c'est un monastère désaffecté qui a servi de cadre à cette histoire. (Les bénédictines polonaises ont d'ailleurs mal accueilli la sortie du film.) Par la rigueur de son cadrage et l'intensité qui se dégage de certaines scènes, Les Innocentes n'est pas sans rappeler Ida, l'un des éblouissements de l'année 2014 (et Oscar mérité du meilleur film étranger en 2015).

   Le résultat est une oeuvre poignante, faite d'amour et de rage, dans laquelle l'aspect documentaire finit par passer au second plan. On est captivé par cette aventure de femmes, jeunes et moins jeunes, polonaises et françaises.

   P.S.

   Les Polonaises ne sont pas les seules à avoir subi des viols massifs à cette époque. Les Allemandes en ont été tout autant victimes (par les soldats de l'Armée rouge). Sur le front Ouest, les GI n'ont pas été irréprochables non plus, même si, de ce côté, les crimes n'ont pas eu un aspect aussi systématique que dans les territoires "libérés" par les troupes soviétiques.

10:35 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 13 février 2016

Chocolat

   L'acteur Roschdy Zem revient derrière la caméra pour son quatrième long-métrage, six ans après Omar m'a tuer. Ici encore, il s'agit de rétablir la mémoire d'un personnage oublié/décrié, l'artiste Rafael Padilla, qui s'est jadis fait connaître dans le rôle du clown Chocolat.

   Le réalisateur a voulu éviter de faire "un film de cirque". Il n'en est pas moins vrai que les séquences qui tournent autour de cet univers constituent l'un des attraits du film. Un gros travail a été effectué sur les costumes et les décors. Plus discrète mais non moins importante est l'intervention des éclairagistes. Le tout est servi par des interprètes excellents. Frédéric Pierrot et Noémie Lvovsky incarnent le couple qui dirige le cirque itinérant de province... pas tout à fait des Thénardier, mais il y a de l'idée. Olivier Gourmet fait contraste, en "manager" d'un établissement qui a pignon sur rue, à Paris.

   Mais l'attention est évidemment davantage attirée par le duo de héros, joués par Omar Sy et James Thierrée. Celui-ci ressemble de plus en plus à son célèbre grand-père maternel :

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   Le choix de cet acteur s'est avéré particulièrement pertinent, puisqu'il est aussi artiste de cirque. Par moment, on a même l'impression qu'il est en train de voler la vedette à son partenaire. Omar Sy (qui a fait du chemin depuis Intouchables) n'en confirme pas moins tout le talent qu'on a perçu en lui. Il joue sur plusieurs registres et donne une force considérable à son personnage, pas tellement dans le domaine comique, mais dans le domaine dramatique.

   Notons que Roschdy Zem n'a pas cherché à tourner une hagiographie. Il ne cache pas les faiblesses du héros, très porté sur les boissons fermentées et le jeu. Il avait aussi (comme beaucoup d'hommes) un rapport ambigu aux femmes. Ces personnages-là sont portés par des interprètes très convaincantes : Alice de Lencquesaing (la compagne du cirque de province) et Clotilde Hesme (la veuve rencontrée à Paris).

   La principale limite du film, à mon avis, est qu'il ne rend pas bien compte de la force comique du duo de clowns. Après une première partie "sociale" (dans le cirque de province), on a droit à la période de succès des deux acolytes. Si les à-côtés de la célébrité sont bien montrés, en revanche, j'ai eu du mal à comprendre ce qui faisait tant rire le public. C'est peut-être une question d'époque : la nature de l'humour évolue avec le temps. Comme le réalisateur n'est pas parvenu à nous le faire comprendre par l'image, cela nous est expliqué avec des mots.

   L'histoire comporte aussi un sous-texte : la dénonciation de la manière dont les "minorités visibles" ont été (et sont ?) traitées en France. C'est flagrant dans la séquence policière, de l'arrestation à l'emprisonnement du héros. C'est évidemment une référence au sort des actuels "sans-papiers". C'est aussi apparent dans la relation qui va se nouer entre Padilla et Victor, un intellectuel présenté comme haïtien mais dont le personnage pourrait (de manière anachronique) avoir été inspiré par Franz Fanon et Aimé Césaire. Il est (brillamment) interprété par Alex Descas (qui  a d'ailleurs déjà incarné le chantre de la négritude pour le petit écran).

   Au second degré, le film est aussi une mise en abyme de la vie et la carrière d'Omar Sy, devenu populaire (comme Padilla) en amusant le public (même si ce n'était pas en se prenant des coups de pied aux fesses), et qui est parvenu, non sans difficulté, à sortir du carcan comique dans lequel il était enfermé. Mais, dans ce cas précis, les préjugés qui sont à l'oeuvre ne sont pas de l'ordre du racisme. De grands acteurs comme Louis de Funès, Bourvil et Fernandel en ont été victimes... et ils n'étaient pas noirs, que je sache. Une partie du public trouve confortable de catégoriser les acteurs et accepte mal de les voir sortir de leur registre de prédilection.

   P.S.

   Peu avant la sortie du film a été inaugurée une plaque rendant hommage au duo de clowns, à Paris.

   P.S. II

   A Bordeaux se trouve une autre plaque, dans le cimetière où est enterré Rafael Padilla. C'est le seul élément qui émerge de la tombe, extrêmement rudimentaire.

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14:01 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 31 janvier 2016

Le Dernier Jour d'Yitzhak Rabin

   Vingt ans après l'assassinat du Premier ministre israélien par un intégriste juif, le cinéaste Amos Gitaï revient sur le déroulement de ce 4 novembre 1995, mais aussi sur les événements qui l'ont précédé et sur l'enquête menée par la commission chargée d'examiner les dysfonctionnements au niveau de la sécurité. Le documentaire est au final un assemblage d'images d'archives, de scènes reconstituées et d'entrevues. On commence d'ailleurs par un entretien entre l'actrice Yaël Abecassis (vue récemment dans Rendez-vous à Atlit) et l'ancien président d'Israël (entre autres fonctions) Shimon Peres. Le vieillard est calme, très digne, face à une interlocutrice au charme de laquelle il est difficile de ne pas être sensible.

   Les amateurs d'images-chocs apprécieront la suite, qui montre l'impressionnante manifestation pour la paix, organisée à l'initiative d'Yitzhak Rabin... jusqu'à son assassinat, partiellement filmé en direct, par accident, par un caméraman qui n'aurait pas dû se trouver là. A partir de ce moment, les scènes reconstituées prennent le dessus... et le film prend une autre dimension.

   Il aurait d'ailleurs pu se limiter à ces scènes, tant elles sont bien interprétées et porteuses d'une grande intensité dramatique. La majorité montrent le travail de la commission d'enquête et l'audition de différents acteurs des événements : policier, membre du service de protection des personnalités, journaliste, militant pour la paix, enseignante d'une école religieuse, haut-magistrat...

   Quand on lit entre les lignes, on comprend que le réalisateur penche pour l'existence d'un complot pour assassiner le Premier ministre qui avait pactisé avec le "diable" (Arafat). Ainsi, le caméraman évoque ce membre des services secrets en civil, qui lui intime de dégager de la proximité de l'escalier... quelques minutes avant que Rabin ne s'y fasse tuer. Les policiers peinent à expliquer comment il est possible que le meurtrier ait pu se faufiler entre les mailles du filet de protection. En contrepoint, l'acteur qui incarne l'assassin (excellent) nous fait bien saisir ses motivations national-religieuses tout comme le caractère opportuniste de son passage à l'acte. C'est davantage le contexte de haine et les circonstances (le désordre généré par une manifestation monstre) qui expliquent que l'assassinat ait pu être possible. Même le petit retard du véhicule qui a emmené le corps du blessé à l'hôpital proche peut se comprendre... d'autant plus, qu'à l'époque, les téléphones portables n'occupaient qu'une place marginale.

   C'est sur ce qui s'est passé avant et après que la démonstration est la plus convaincante. Il semble qu'on ait cherché à corseter le travail de la commission d'enquête. Celle-ci finit par découvrir que l'instruction du procès de l'assassin a volontairement écarté certaines hypothèses. Formidable est la confrontation entre les membres de la commission et le haut-magistrat... dont on finit par comprendre qu'il est proche des religieux. Ces scènes d'interrogatoire ne sont pas sans rappeler de très bons films de procès.

   L'autre grand intérêt du film est la mise au jour (pour ceux qui l'ignoreraient) de l'influence de la droite religieuse israélienne. Cela va des colons de Cisjordanie aux rabbins fondamentalistes qui auraient lancé une sorte d'appel au meurtre. Remplacez la kippa par une calotte, la Torah par le Coran, et vous n'aurez guère de lignes de texte à changer pour vous retrouver chez les extrémistes musulmans. Cette dénonciation implacable, servie, je le rappelle, par d'excellents interprètes, est complétée par des images d'archives, dans lesquelles on reconnaît un visage familier, celui de Benyamin Nétanyahou, alors chef de l'opposition, aujourd'hui Premier ministre (depuis bientôt sept ans).

   Notons qu'un grand soin a été apporté à la réalisation des scènes reconstituées et que la musique est judicieusement choisie. Le seul bémol est la longueur de l'ensemble : 2h30, que l'on sent bien passer. On aurait sans doute pu se passer de certaines séquences. Mais cela reste un très bon film.

vendredi, 22 janvier 2016

Féminisme assyrien

   Il y a environ 4 000 ans, dans la région de Mossoul, où sévissent actuellement les nervis de l'Etat islamique, des femmes jouissaient d'une assez grande liberté, comme on peut le constater en lisant l'un des articles du dernier numéro des Cahiers de Sciences & Vie (celui de janvier 2016) :

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   C'est grâce à la traduction de milliers de tablettes d'argile que l'on en a appris davantage sur cette prestigieuse civilisation. On découvre ainsi des bribes de correspondance au sein de familles de marchands. Le père ou mari étant souvent en déplacement, une grande autonomie était laissée aux épouses et aux filles qui, de surcroît, avaient appris à lire, écrire et compter (autant de compétences qu'on serait ravi de voir maîtrisées par les élèves qui sortent de l'école primaire française du XXIe siècle...).

   Les extraits proposés dans l'article témoignent de l'aplomb avec lequel les marchandes s'exprimaient : elles n'étaient visiblement pas des épouses ou des filles soumises et effacées. Elles pouvaient d'ailleurs décider de divorcer. Ajoutons qu'à cette époque, le monde assyrien tend vers la monogamie (contrairement à ce qui existe dans bien d'autres civilisations de l'Antiquité, du Moyen Age... voire de l'époque contemporaine). Il existait même des femmes adultes célibataires, qui pouvaient posséder des terres et hériter des biens de leur père.

   Ce numéro des Cahiers de Sciences & Vie comporte d'autres articles enrichissants. Certains d'entre eux n'apprendront pas grand chose à ceux qui s'intéressent à des sujets comme le Saint Suaire de Turin ou les conséquences de l'éruption du Vésuve à Pompéi en 79. Le dossier qui fait la Une (consacré aux "invasions barbares") fait le point sur une question controversée, en s'appuyant sur de nombreux documents. Je recommande aussi l'article consacré à la violence à l'époque néolithique et celui qui évoque les pilleurs de patrimoine.

   Pour moins de six euros, cela vaut le coup !