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jeudi, 18 juillet 2019

L'Oeuvre sans auteur (1 et 2)

   Présenté en France en deux parties (d'une durée d'environ 1h30 chacune), l'ensemble forme en réalité un seul film d'un peu plus de trois heures... qu'on ne voit pas passer. Le réalisateur est Florian Henckel von Donnersmarck, que tout cinéphile digne de ce nom connaît comme étant l'auteur de La Vie des autres. Y figurait déjà Sebastian Koch, qui incarne ici un médecin nazi autoritaire, froid et sûr de ses compétences.

   L'intrigue s'étale entre 1939 (qui marque le lancement du programme de stérilisation des "populations indésirables", en Allemagne) et le début des années 1960, juste après la construction du Mur de Berlin et avant les procès qui vont faire (re)découvrir aux Allemands l'étendue et l'atrocité des crimes commis en leur nom des années auparavant. (Voir à ce sujet Le Labyrinthe du silence.) Il est question de l'émergence d'un grand peintre, de sa jeunesse sous le IIIe Reich à son explosion dans la RFA de Konrad Adenauer.

   Pendant le premier quart d'heure (de la partie 1), j'ai eu un peu peur. J'ai trouvé certaines scènes mal jouées, comme celles montrant l'excentricité de la jeune (et ravissante) Elisabeth ou encore la remise du bouquet à Hitler. De plus, même si je suis très sensible à la beauté de Saskia Rosendahl (remarquée dans Lore), j'ai trouvé un peu facile de la part de ce cochon de réalisateur de profiter de la moindre occasion pour nous exposer la plastique quasi parfaite de l'actrice. J'ai aussi été gêné par ce qui pour moi est une invraisemblance historique : quand Elisabeth emmène son neveu à l'exposition sur "l'art dégénéré", elle porte une robe légère, qui ne permet pas d'ignorer l'absence de soutien-gorge !

   Le film devient prenant à partir du moment où Elisabeth est emmenée dans le "centre gynécologique" dirigé par "Herr Professor" Seeband, incarné par Sebastian Koch avec une époustouflante (et glaçante) maîtrise. Ce gynécologue est conscient d'être un excellent médecin (sur le plan scientifique). Sur le plan humain, c'est autre chose. Dans son bureau se déroule une scène capitale pour la suite : elle pose des éléments qui, plus tard, vont relier plusieurs personnages sans qu'ils en soient conscients (mais les spectateurs attentifs, oui).

   C'est là que la grande Histoire rencontre la petite. Henckel en profite pour évoquer l'Aktion T4, dans un mélodrame qui montre comment des vies d'Allemands ordinaires vont être brisées. Ainsi, dans la famille d'Elisabeth, on a le privilège de mourir à cause des nazis ou sous les balles soviétiques ou encore sous les bombes anglo-américaines. (Une scène se déroule à Dresde en février 1945.)

   La séquence suivante est tout aussi passionnante. On y retrouve le médecin nazi, piégé par l'occupation soviétique de la partie orientale de l'Allemagne. Il risque gros, mais il peut encore compter sur sa formation médicale, qui pourrait lui sauver la partie. La scène de l'accouchement est formidablement mise en scène.

   Après une ellipse, on retrouve notre désormais ancien nazi, transformé en notable de la RDA (communiste). Le petit garçon du début (qui va longtemps refouler certains souvenirs) est devenu un apprenti peintre. Il va se lier à une autre Elisabeth qui, coïncidence troublante, ressemble bigrement à sa tante disparue (la couleur de cheveux exceptée). Elle est incarnée par Paula Beer (encore plus souvent nue). Le couple qui se forme va rencontrer un terrible adversaire sur sa route : le gynécologue, qui ne peut plus se montrer aussi ouvertement dominateur qu'autrefois, mais qui va se révéler habile manipulateur...

   Au niveau artistique, Henckel veut montrer que nazis comme communistes ont une vision étriquée de la création. Les régimes totalitaires méprisent la liberté créative et veulent instrumentaliser les artistes à leur profit. C'est le moment où l'on bascule de la première dans la seconde partie.

   Celle-ci est, dans un premier temps, davantage centrée sur Kurt, dont le talent s'affirme. On le voit d'abord en RDA, où il se plie à la doctrine officielle du réalisme socialiste. Pour des raisons que je me garderai bien d'évoquer, à l'issue d'un assez long processus, il finit par "exploser" en RFA. J'ai trouvé remarquable le récit de son apprentissage dans le milieu d'avant-garde de Düsseldorf. C'est le moment de signaler l'excellente composition d'Olivier Masucci en professeur d'arts plastiques, capable de captiver un auditoire... ou de le faire réagir. Les plans qui montrent les peintres en action sont très réussis (et parfois empreints d'ironie, comme lorsque le jeune héros découvre les efforts pathétiques des apprentis artistes pour faire original). Le summum est atteint quand Kurt trouve enfin son style. Un déclic se produit, qui voit de nouveau la grande Histoire fusionner avec la petite.

   En dépit de quelques défauts mineurs, j'ai été emballé par ce film, à la fois mélo, chronique sentimentale (sensuelle), leçon d'histoire et essai pictural.

mercredi, 10 juillet 2019

Funan

   Ce film d'animation français est à réserver aux adultes. Réalisé par Denis Do (qui a participé à la création des décors de Zombillénium), il évoque le destin de sa famille cambodgienne, le propos étant centré sur le personnage de sa mère.

   Contrairement à ce que je pensais de prime abord, le titre n'est pas le prénom de l'un des personnages. C'est celui d'une région d'Asie du Sud-Est (qu'on écrit aussi Fou-nan), à cheval sur les actuels Etats de Thaïlande, Cambodge et Vietnam :

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   L'action se déroule principalement au Kampuchéa, nom pris par le Cambodge sous la férule des Khmers rouges, entre 1975 et 1979. On découvre la famille du héros juste avant la prise de pouvoir par ces maoïstes fanatiques. On est dans la petite bourgeoisie urbaine, que le nouveau régime considère immédiatement comme suspecte, parce que supposée corrompue par le mode de vie occidental.

   On suit donc ces citadins exilés de force à la campagne. C'est le moment où se produisent les premiers drames : des personnes exécutées et la division de la famille, la mère perdant de vue l'un de ses fils, qu'est partie chercher la grand-mère. Notons toutefois que la violence est rarement représentée à l'écran dans toute sa crudité. Elle est plutôt suggérée (on en voit les conséquences). L'histoire n'en est pas moins terrible pour autant.

   Un groupe formé du reste du noyau familial et des amis proches va tenter de survivre dans les camps où la population "suspecte" est parquée, dans des conditions atroces. Il faut travailler du lever au coucher du soleil (voire la nuit) tout en étant mal nourri. Les prisonniers maigrissent vue d'oeil, certains tombant malades.

   Mais tout le monde ne dépérit pas dans ces camps. Ceux qui servent fidèlement l'Angkar ("l'organisation" maoïste cambodgienne) voient leur situation s'améliorer. Il y a aussi celles qui couchent... et ceux qui volent. Malgré tout, n'importe qui peut mourir du jour au lendemain, tant les nouveaux maîtres du pays sont paranoïaques.

   La mère, présentée comme un personnage doux et effacé au début de l'histoire, s'endurcit avec les épreuves. Elle veut à tout prix retrouver son fils. Elle est un peu injuste envers son époux, qu'elle trouve trop timoré. On la voit devenir une survivante, dure à la tâche tout en restant inflexible sur ses valeurs. Dans le même temps, les spectateurs découvrent ce que devient le fils, pris dans la propagande du régime. Il va malgré tout se faire une amie.

   Le titre du film n'a pas été choisi au hasard. Le Funan fut le coeur d'un royaume khmer, au Moyen Age. Dans le film, l'action implique les trois Etats actuels : c'est l'intervention du Vietnam qui met fin à la domination des maoïstes (et au génocide qu'ils ont perpétré) et, pour les héros de notre histoire, la Thaïlande représente la sortie de secours.

   Ce remarquable film d'animation mérite le détour. Au niveau de la forme, on sent l'influence japonaise (télévisuelle) dans le dessin des personnages, parfois un peu sommaire. Mais les décors sont superbes. Sur le fond, cette oeuvre a le grand mérite de mettre une nouvelle génération de cinéphiles au contact d'un des pires crimes jamais commis, 35 ans après La Déchirure (de Roland Joffé) et 16 ans après S-21, la machine de mort khmère rouge (de Rithy Panh).

   P.S.

   En complément du film, je conseille la lecture d'un témoignage, Quatre ans avec les Khmers rouges, de Hour Chea, publié en 2007 :

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   L'auteur y raconte d'abord sa jeunesse au Cambodge d'avant 1975 (marqué par la corruption), puis les études qu'il a poursuivies en France, grâce à une bourse. C'est de notre pays qu'il a vécu la progression des Khmers rouges qui, à l'époque, ont bénéficié d'une couverture médiatique plutôt favorable...

   Contrairement au film, le livre ne cache rien des violences commises par les communistes, ni des difficultés atroces de la vie quotidienne dans le "Kampuchéa démocratique". L'auteur a connu tout cela parce que, enfumé par la propagande, il a décidé de retourner au pays pour servir la révolution...

   Le livre se lit facilement parce qu'il est bien écrit. Mais, sur le fond, il faut parfois avoir le coeur bien accroché.

mardi, 09 juillet 2019

Rojo

   Ce polar argentin peut être analysé avec deux grilles de lecture : c'est à la fois un film conceptuel (qui tente d'expliquer la mise en place de la dictature militaire en 1976) et une chronique provinciale (centrée sur une famille bourgeoise et ses relations).

   Pour tous ceux qui ont connu les années 1970, le film a un côté rétro pas déplaisant, d'autant plus que le réalisateur a voulu utiliser les moyens et les méthodes de l'époque pour mettre en scène son histoire. Le résultat est stupéfiant de réalisme. Outre les vêtements, les décors et les voitures, on remarque l'impressionnante quantité de tabac que les personnages consomment. (Voilà pour ceux qui pensent que tout était mieux autrefois !)

   La réalisation est habile. Ce que l'on voit une première fois peut prendre un tout autre sens par la suite. J'en veux pour preuve la maison du début, d'où sortent plusieurs personnes, chacune chargée de biens. Plus tard, on comprend ce qu'il s'y est passé, quand le héros (l'avocat) y accompagne son ami, désireux de l'acheter. Il en est de même pour l'un des noeuds de l'intrigue, l'altercation entre Claudio (l'avocat) et un inconnu agressif (et psychologiquement instable). Cela commence dans un restaurant, pour se terminer dans le désert (la pampa, plus exactement)... mais, bien plus tard, on découvre tout ce que cette scène implique. (Et l'on comprend à quel point la tirade de Claudio était à côté de la plaque.)

   Au niveau conceptuel, le metteur en scène Benjamin Naishat veut montrer que ce sont les trahisons (petites et grandes) de la classe moyenne argentine qui ont permis l'installation des militaires au pouvoir. L'action se déroule en 1975. Plusieurs événements préfigurent ce qui va se produire dans les mois suivants. C'est tout d'abord ce client de Claudio (médecin, dont l'épouse, infirmière, est syndiquée) qui part soudainement pour un long voyage à l'étranger. C'est une autre personne qui disparaît. Et que dire de de ce qui est arrivé aux occupants de la maison du début ! On ne nous montre rien mais on suggère tout (par les livres qu'ils lisaient, la photographie qui se trouve au sol, parmi d'autres objets... sans oublier les traces sur les murs).

   Le film est particulièrement habile lorsqu'il met en scène la responsabilité des notables. La violence n'est pas que le fait des extrémistes... et elle peut venir de la génération des parents (avec l'avocat suffisant) comme de celle des enfants (avec le petit ami "officiel" de sa fille). La conclusion logique est que le coup d'État militaire (qui est sur le point de se produire à la fin de l'histoire) arrange les bourgeois immoraux (l'avocat et son épouse, son meilleur ami magouilleur et les jeunes qui s'en sont pris à l'un des musiciens "gauchistes"). Au niveau de l'intrigue, à mesure que la tension monte dans le cercle des familiers de Claudio, le contexte politique national s'assombrit. L'aspect polar est parfaitement réussi.

   Le tout est suggéré plutôt que dit frontalement. L'interprétation est de qualité. Après Nevada, c'est une nouvelle très bonne surprise de cet été.

mercredi, 03 juillet 2019

The Mountain

   Sous-titré "Une odyssée américaine", ce long-métrage se veut à la fois une reconstitution du travail d'un médecin controversé (Walter Freeman) et une réflexion sur la nature et le comportement humains.

   Je ne sais pas comment régissent les (rares) autres spectateurs de ce film, mais l'action de ce supposé médecin m'a mis extrêmement mal à l'aise. Jeff Goldblum incarne (très bien) un praticien calme, très sûr de lui et de ses théories. Il veille à expliquer en détail sa démarche à ses patients et à leur famille, mais considère les individus qu'il traite comme des objets d'étude, une pâte humaine qu'il peut pétrir à loisir.

   Les conséquences des opérations qu'il pratique (avec chocs électriques et perforations crâniennes) sont graves. Le film montre que, dans les années 1950, l'heure de gloire de Freeman est passée. Ses pérégrinations dans l'Amérique profonde pourraient se comprendre comme une fuite en avant, assaisonnée d'alcool et de rencontres féminines.

   L'image a un petit côté "vintage" et la reconstitution de l'époque mérite le détour. Mais c'est filmé de manière neurasthénique, comme si le metteur en scène avait lui-même été lobotomisé. Du coup, il faut s'accrocher pour ne pas piquer du nez face aux aventures peu palpitantes du médecin et de son jeune photographe attitré. (A ce propos, Tye Sheridan ne semble maîtriser qu'une expression et demie... et je réalise soudain que c'est lui qui incarne -plutôt mal- Cyclope dans les derniers X-Men, dont le médiocre Dark Phoenix...)

   Mais le pire est atteint dans la dernière demi-heure. Le duo rencontre un "client" très spécial, un homme fantasque qui vit seul avec sa fille dans une villa perdue dans la campagne. Ce "client" est joué par Denis Lavant, qui se livre d'abord une caricature de ce qu'il a précédemment interprété, dans un anglais mâtiné de français. On a beau sentir la fascination qu'éprouve le metteur en scène pour le comédien, à l'écran, c'est ridicule. Cela se conclut par une tirade du personnage en français, sensée être porteuse de sens. C'est surtout pompeux, horriblement prétentieux.

   Je trouve que 4 euros, c'est cher pour ce bousin intellichiant !

09:18 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 24 juin 2019

Lune de miel

   La réalisatrice Elise Otzenberger s'est sans doute inspirée de son histoire familiale pour écrire cette fiction, qui tourne autour d'un jeune couple de Français juifs (plutôt laïcs), dont les grands-parents ont échappé à la Shoah, contrairement au reste de la famille.

   Du côté d'Adam, on sait à peu près tout ce qui est arrivé aux membres de la famille (ceux qui sont morts et ceux qui ont survécu). En Pologne, une cérémonie est organisée dans un village en hommage à l'ancienne population juive disparue (comme en témoigne le vaste cimetière, plus guère entretenu... voire pillé). Son épouse Anna, qui vient d'accoucher, le pousse à accepter de se rendre sur place, ses parents s'engageant à s'occuper du bébé pendant leur absence.

   C'est donc à la fois une comédie familiale et un film sur la mémoire de la Shoah. Le ton est tragi-comique. Tragique est le destin de ces millions de personnes massacrées dans d'horribles conditions, les rescapés restant marqués à vie. Comique est le comportement d'Anna, épouse-mère qui veut tout contrôler et qui parfois, submergée par l'émotion, dérape. Dans le rôle, Judith Chemla (vue dans Le Sens de la fête, Une Vie et Camille redouble) est for-mi-dable, complètement investie dans son personnage.

   Sur la Pologne, le propos du film est contrasté. La mère d'Anna, hostile au pays d'origine de sa famille, est un peu tournée en ridicule (au départ). Mais, à leur arrivée en Pologne, Adam et Anna découvrent que la Shoah est un bon filon pour les commerçants locaux... et que l'antisémitisme n'a pas disparu du pays, loin de là : un vendeur de "souvenirs" propose étoiles de David et médailles à croix gammées dans la même vitrine ; un autre vend des figurines "typiques" (made in China ?), certaines dotées d'un gros nez crochu...

   Ce retour aux sources est donc une belle histoire, entre recherche du passé et réconciliation avec soi-même. Anna veut retrouver l'esprit de sa grand-mère et quelque chose à transmettre à son jeune enfant... et je dois dire que je ne comprends pas la sévérité de certaines critiques. Nous n'avons visiblement pas vu le même film.

dimanche, 16 juin 2019

Stubby

   Ce film d'animation est sorti le mois dernier dans une relative confidentialité. Pourtant, le sujet qu'il traite est porteur : les aventures d'un chien des rues américain, devenu la mascotte d'un régiment d'infanterie de l'armée d'Oncle Sam, à la fin de la Première Guerre mondiale. Si l'intrigue comporte des éléments fictionnels, l'histoire du chien est vraie : à sa mort, il a eu droit à une nécrologie dans The New York Times ! Sa dépouille a même été "naturalisée" :

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   Il s'agit d'une coproduction franco-canado-états-unienne. Signalons qu'aussi bien dans la version originale (en anglais) qu'en français, le "poilu" costaud (cuisinier dans le civil) qui devient ami avec le maître de Stubby a la voix de Gérard Depardieu, qui fait bien le job.

   Mais le principal atout de ce film est son personnage éponyme. Il est très bien animé (contrairement aux personnages humains, dessinés de manière un peu schématique) et, surtout, il est adorable. Non, mais, quel cabot !

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   Le scénario s'appuie sur des données historiques : l'entraînement des soldats, la vie dans les tranchées, la menace du gaz, la médiocrité de la nourriture, la découverte du vin par les Américains, l'arrivée de la grippe espagnole... Il y a aussi pas mal de clichés sur la France et les Français (le film est d'abord destiné aux spectateurs d'outre-Atlantique), mais cela reste bon enfant. Comme on vise aussi le jeune public, on a évité ce qui pourrait trop le choquer : on ne voit donc pas de corps éclater ni de sang gicler. C'est un peu aseptisé de ce point de vue, même si l'on ne nous cache pas que la guerre fait des ravages.

   J'ai beaucoup aimé ce film, enlevé et assez joyeux, qui tourne autour d'une belle histoire d'amitié entre un chien et des humains.

   P.S.

   Nombre de Français savent que Stubby n'est pas le plus célèbre chien de la Première Guerre mondiale. C'est Rintintin, né en France et sans doute sauvé d'une mort certaine par des soldats américains. Ramené aux Etats-Unis par le caporal Lee Duncan, il est devenu une vedette de cinéma. (Il serait néanmoins enterré en France, au cimetière d'Asnières.) C'est l'un de ses descendants qui aurait été utilisé dans la série télévisée qui porte son nom.

 

dimanche, 09 juin 2019

En hommage à Simone

   Cela fait plus de onze mois que la dépouille de Simone Veil est entrée au Panthéon de Paris, presque un an jour pour jour après son décès, survenu le 30 juin 2017. A cette occasion, je m'étais procuré ses Mémoires, dont j'ai signalé l'intérêt.

   Je ne savais pas qu'il avait été décidé d'imprimer une pièce de deux euros en son honneur. L'une d'entre elles est récemment entrée en ma possession. En voici l'avers (le côté face, si vous préférez) :

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   Outre l'année de gravure, la pièce comporte les années de naissance et de décès, auxquelles il faut ajouter deux autres mentions numériques : 1975 et 78 651. La première est l'année d'entrée en application de la loi légalisant l'IVG en France. La seconde est le matricule qui a été tatoué sur le bras gauche de la jeune Simone Jacob. Il était déjà présent sur son épée d'académicienne.

   On aurait aussi pu faire figurer 1979, année de la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct, assemblée dont Simone Veil assura la présidence pendant trois ans.

vendredi, 17 mai 2019

Les Témoins de Lendsdorf

   J'ai récemment enfin pu voir ce film israélien, construit autour d'une histoire vraie, celle d'un massacre de Hongrois juifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'action se déroule de nos jours. Alors que, dans le village autrichien où a eu lieu le massacre (et où se trouve encore la fosse commune, jamais découverte), un projet prévoit l'aménagement d'une zone commerciale, un juif orthodoxe se jure de retrouver les ossements des victimes. Dans le même temps, en enquêtant sur le passé, il tombe sur un document concernant sa mère. Il n'est pas au bout de ses surprises.

   L'histoire est dure de prime abord. Fort heureusement, le réalisateur a ménagé quelques moments de comédie. Je pense à la première scène entre la mère juive et son fils (chez qui elle est installée). De manière générale, l'attitude énigmatique du héros (fort bien interprété par Ori Pfeffer) est parfois source d'amusement. Ce juif orthodoxe (qui aime circuler en vélo, un superbe casque vissé au-dessus de ses papillotes...) se pose des questions sur son identité, en même temps qu'il enquête sur le passé autrichien.

   C'est la plus grande réussite du film : avoir créé une ambiance de polar autour de la Shoah, sans que rien ne soit excessif ou déplacé. Le héros va-t-il retrouver la fosse commune à temps ? Le massacre a-t-il bien eu lieu dans cette commune ? N'y en-a-t-il pas plutôt eu deux ? Et, surtout, que sont devenus les survivants de l'époque (juifs et non juifs) ? Pourquoi les habitants les plus âgés de la commune, qui ont connu l'époque du massacre, prétendent-ils ne se souvenir de rien ? Qu'est-il arrivé aux deux témoins, convoqués au tribunal des années auparavant, et qu'on a retrouvés morts ?

   C'est prenant, passionnant, rempli de "pâte humaine". C'est l'un des films à voir en ce moment.

   P.S.

   Le scénario ne tient pas compte d'une nouvelle hypothèse concernant le massacre : une soirée entre nazis et collabos hongrois, qui aurait dégénéré.

   P.S. II

   J'ai vu ce film dans le cadre du printemps du cinéma israélien, un festival promu par l'association Hebraïca. Les projections ont lieu principalement dans l'agglomération toulousaine. Cela s'étend jusqu'à Montauban au nord, Albi à l'est (pas l'Aveyron, hélas...) :

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lundi, 13 mai 2019

Armistice ou capitulation ?

   Chaque année, il m'arrive de sursauter à la lecture de certains articles ou à l'audition de certaines radios. Immanquablement, certains journalistes traitent ce "marronnier" par-dessus la jambe, et emploient le mot armistice, alors que le 8 mai 1945, l'armée allemande a capitulé.

   Cela a commencé tôt le matin, avec le billet de Daniel Morin, sur France Inter. En général, j'apprécie l'humour un brin graveleux de l'ancien animateur de La Morinade. Mais là, il m'a agacé :



podcast

   Dans la journée, le groupe TF1 a enchaîné avec une belle bourde, sur LCI :

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   L'épidémie d'inculture historique atteint une prestigieuse école, dont on penserait de prime abord que le site internet éviterait de laisser passer ce genre d'erreur... eh bien non :

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   De Saint-Cyr au ministère des Armées, il n'y a qu'un pas (cadencé), qui a hélas été franchi en ce tragique 8 mai 2019 :

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   Le pouvoir national n'est pas le seul à avoir été touché. Sur la Toile et dans la presse, ici et là, on peut trouver des exemples d'élus locaux dont la langue a fourché, comme celle du maire de Créon, en Gironde :

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   Les journaux aveyronnais ne sont pas en reste. Centre Presse a dégainé dès le 9 mai, à propos de la cérémonie de Villefranche-de-Rouergue :

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   Le 11 mai, que ce soit dans La Dépêche du Midi ou dans Midi Libre (dont les articles locaux sont désormais presque tous identiques), la cérémonie de Sainte-Radegonde est évoquée avec la même erreur :

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   Fort heureusement, il est des communes où le correspondant local des quotidiens aveyronnais a évité de s'emmêler les pinceaux, comme à Salles-Courbatiès ou Decazeville. Il reste le cas atypique d'Aubin, commune à laquelle est consacré un article qui parle de "capitulation", mais dont le titre évoque "l'armistice"...

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   A ceux qui trouveraient ce débat quelque peu futile, je recommande la lecture d'une récente mise au point des Clionautes.

   Terminons en mode ludique, avec un petit quizz sur le 8 mai 1945 (fourni par le site du ministère des Armées).

dimanche, 12 mai 2019

La Chinoise

   Pendant des années, le samedi, en début d'après-midi, j'ai eu l'habitude de repasser mon linge en écoutant, sur France Inter, l'émission de Patrick Pesnot Rendez-vous avec X. Le programme s'est malheureusement arrêté en 2015, sans que le mystère sur le personnage de "Monsieur X" ait été totalement levé.

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   La bonne nouvelle est que les éditions Glénat ont récemment lancé une série de bandes dessinées inspirée de l'émission de radio. Le premier volume s'appuie sur celle qui a été diffusée pour la première fois le 17 février 2001. Ce n'est pas un simple décalque du programme radio. Comme c'est la première BD (mais que ce n'était pas la première émission diffusée), les auteurs ont choisi d'y mettre en scène la rencontre entre le journaliste Pesnot et le fameux Monsieur X, alors que celle-ci a été évoquée dès la première émission de radio, consacrée (en 1997) à La Cinquième Colonne.

   L'action démarre en 1964 (et se poursuit jusqu'à nos jours), principalement en Chine. Entre Guerre froide et amour de la Chine, l'employé de l'ambassade de France Bernard Boursicot (dont, curieusement, la page Wikipédia en anglais est plus développée que son homologue française...) et l'artiste Shi Pei Pu vont vivre une étrange relation, qui conserve encore aujourd'hui une part d'obscurité.

   C'est au point que les auteurs de la bande dessinée ont choisi de garder les pseudonymes que Patrick Pesnot avait utilisés dans l'émission de radio : Pierre (Bernard dans la BD) Prudhon et Xian Djuan. A l'époque (en 2001), les deux protagonistes étaient encore vivants.

   L'histoire est prenante, bien mise en image, avec un incontestable savoir-faire au niveau des décors. Le style rappelle celui de la peinture à l'eau. C'est assez classique dans la forme. La couleur de l'arrière-plan (rouge, gris, jaune...) change en fonction du lieu ou de l'époque.

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   A la fin se trouve un cahier historique, qui présente plus en détail le contexte de l'histoire... ainsi que les véritables protagonistes. Les auteurs ne vont pas toutefois jusqu'à nommer l'ambassadeur de France en Chine, que les bons connaisseurs de l'époque décrivent comme très très très proche de Pékin. Pourtant, son identité n'est pas secrète : il s'agit d'Etienne Manac'h, décédé en 1992.

   A celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur l'espionnage chinois, je conseille la lecture d'un livre régulièrement réédité et augmenté, Les Services secrets chinois de Mao à nos jours, de Roger Faligot. Une vingtaine de pages est consacrée à l'affaire.

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   P.S.

   Quant au fameux "Monsieur X", il reste (partiellement) entouré d'un parfum de mystère. La manière dont il est représenté dans la bande dessinée rappelle l'aspect qu'il avait lorsqu'il a accepté, en 2015, de s'exprimer au micro de France Inter :

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   De nombreuses hypothèses ont été émises à son sujet. Il me semble évident qu'il s'agit d'un acteur, qui interprète un texte écrit pour lui par Patrick Pesnot, ce que ce dernier a fini par reconnaître, il y a quelques années, sur RTL. Il reste à découvrir le nom de cet acteur brillant, qui a su rendre vivant (et crédible) ce personnage d'ancien espion érudit.

mercredi, 08 mai 2019

Sunset

   C'est le titre du deuxième film du réalisateur hongrois Laszlo Nemes, auquel on doit l'une des plus belles oeuvres sur la Shoah, Le Fils de Saul, sortie il y a trois ans et demi. Le crépuscule auquel il nous convie est celui de l'Empire austro-hongrois, à la veille de la Première Guerre mondiale.

   L'intrigue est construite sur la base d'une forte dichotomie. D'un côté, on découvre un monde en effervescence, prospère, dominé par des hommes "bien nés" (issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie). La reconstitution est soignée et fait écho à la "nostalgie habsbourgeoise", qui voit dans cette Europe centrale multiculturelle une sorte de paradis perdu, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne tout chambouler.

   D'un autre côté, le film montre les grandes inégalités qui existaient à cette époque. La majorité de la population vivait dans des conditions très précaires, conditions que l'héroïne Irisz va découvrir, bien qu'étant issue de la bourgeoisie dominante. L'incendie du commerce de chapeaux de sa famille (et la mort de ses parents) a provoqué son déclassement social, même si le nouveau propriétaire (qui a peut-être été l'amant de sa mère) lui accorde beaucoup de considération. A travers les yeux d'Irisz, on découvre aussi le sort réservé aux femmes. Dans la haute société, tout est dit à mots couverts, mais la domination masculine n'en est pas moins prégnante. Dans les catégories plus modestes (et notamment dans la bande de voyous que dirigerait son frère), on est plus franc du collier... Un mystère plane sur le magasin de chapeaux : pourquoi les modistes qui y travaillent sont-elles toutes de ravissantes jeunes femmes ?

   L'intrigue prend la forme d'une (en)quête. Qu'est réellement devenu le frère d'Irisz, que presque tout le monde croit (ou fait semblant de croire) mort ? Que s'est-il passé des années auparavant ? La caméra près du corps, le réalisateur suit les déambulations quasi somnambuliques de son héroïne, qui prend beaucoup de risques pour tenter de retrouver son frère, dont elle ne connaît même pas le visage. Du coup, plusieurs des hommes qu'elle rencontre pourraient être ce frère, qui se garde bien de révéler son identité. A moins que... Irisz, la cervelle un peu dérangée, n'imagine une partie de ce qui nous est montré à l'écran.

   C'est lié au style du réalisateur. La forme de caméra subjective qu'il utilise a été la marque de fabrique du Fils de Saul. C'était particulièrement approprié au type d'histoire qu'il racontait dans ce film. Ici, certains spectateurs ont eu une impression de déjà-vu, que le réalisateur ne se foulait pas et ressortait les mêmes recettes que celles qui avaient contribué au succès de son précédent film.

   En réalité, la caméra est semi-subjective. Il y a bien quelques scènes qui sont filmées comme perçues par les yeux d'Irisz. Mais, la plupart du temps, la caméra filme l'héroïne en gros plan ou plan serré (souvent de dos), le reste apparaissant flou, à l'inverse de ce que le cinéma contemporain pratique. En effet, de nos jours, dans les oeuvres commerciales, quand une scène prétend proposer le point de vue d'un personnage, à l'écran tout est net. C'est ainsi plus "regardable" pour les spectateurs lambda. Mais le style de Nemes est plus proche de la réalité. Dans la vraie vie, quand on déambule dans une rue, on ne voit nettement que ce sur quoi on est concentré, le reste étant périphérique, flou, ce que rend très bien la mise en scène, bien que de manière quelque peu exagérée.

   Cela fait de ce film un "polar de recherche", assez prenant, même si le rythme n'est pas trépidant. Il reste à parler des vingt dernières minutes, qui changent profondément le point de vue que l'on peut avoir sur l'histoire qui nous est racontée.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS CLÉS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM.

 

   Globalement, je trouvais que l'actrice principale manquait de charisme. Après réflexion, je pense qu'on lui a dit de jouer de la manière dont elle incarne son personnage, qui est une sorte de somnambule. C'est peut-être tout simplement parce qu'il souffre de troubles mentaux.

   Les interrogations des spectateurs naissent quand Irisz Leiter, pénétrant à nouveau (déguisée) dans l'antre de la bande de voyous révolutionnaires (interdit aux femmes), est reconnue comme le chef. Sa présence au moment des attaques menées par les rebelles se comprend alors non pas parce qu'elle est un témoin privilégié (intouchable parce que soeur du patron), mais parce qu'elle est le chef. Ce serait un personnage androgyne (voire un.e hermaphrodite), qui finit d'ailleurs par être mobilisé.e dans l'armée austro-hongroise, en 1914. Cela donnerait un autre sens aux scènes où Irisz se retrouve dans la pension des modistes du commerce de chapeaux. On lui donne la chambre où a séjourné son frère, dont les habits se trouvent dans la malle... SA malle en réalité. Souffrant de troubles de la personnalité, Irisz quitte ses vêtements d'homme quand sa part féminine prend le dessus. Je surinterprète peut-être, mais cela vaudrait la peine de revoir le film avec cette grille d'analyse en tête.

lundi, 29 avril 2019

La Miséricorde de la jungle

   Cette jungle est une forêt équatoriale, celle qui occupe une partie de la République Démocratique du Congo, l'ex-Zaïre (ancien Congo belge), voisin du Rwanda. C'est de ce pays-ci qu'est originaire le réalisateur Joël Karelezi, rescapé du génocide de 1994. L'intrigue se déroule en 1998, entre les régions Kivu et Kasaï :

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   On suit les pérégrinations de deux soldats rwandais. A ma gauche se trouve Xavier, un sergent engagé il y a des années de cela. C'est un Rwandais de l'extérieur, sans doute tutsi, qui a presque toujours vécu dans un camp de réfugiés et qui a rejoint le FPR de Paul Kagamé, qui a fini par prendre le pouvoir en 1994. Il est resté dans l'armée pour poursuivre les génocidaires hutus qui se sont enfuis dans les pays voisins, en particulier en RDC. Dans le rôle, Marc Zinga (vu récemment dans Nos Patriotes et Bienvenue à Marly-Gomont) est formidable.

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   A ma droite voici Faustin, un jeune paysan dont presque toute la famille a été exterminée en 1994. Il vient de se marier mais n'a pas de quoi assurer la survie de son ménage. Stéphane Bak, jusque ici cantonné à des seconds rôles, réussit à incarner assez subtilement un personnage en évolution.

   Le troisième personnage principal est la forêt dense, humide. On y croise (ou entend) des animaux sauvages, on y souffre de la faim, de la chaleur, de la fatigue, de la soif... et des moustiques. Mais les prédateurs les plus dangereux sont sans conteste les humains. Nos deux soldats pourchassent les fuyards hutus, tout en affrontant les troupes congolaises (et leurs alliées angolaises et zimbabwéennes) ou, à l'occasion, les rebelles de l'est du pays, qui leur sont tout aussi hostiles. C'est, qu'au-delà des rivalités nationales et ethniques, il est question du contrôle des ressources naturelles.

   Le film se révèle intelligent à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il évite de déresponsabiliser les protagonistes africains en chargeant les Occidentaux de tous les maux. Ensuite, il tente de démontrer que, quel que soit le camp, cette guerre conduit les hommes qui la mènent à commettre des horreurs. Les personnages les plus positifs sont les paysans (non combattants), ceux du village qui recueillent les deux soldats perdus et ceux que l'on voit à la toute fin.

   Entre temps, on aura suivi les déambulations de Xavier et Faustin. Au départ, le sergent expérimenté mène la vie dure au petit nouveau, assez imprudent et pas très résistant. Le troufion va s'endurcir et se révéler utile à son chef. Je ne peux pas tout dire ici, mais sachez que l'histoire est un peu celle d'un passage de témoin. La compréhension de l'avant-dernière scène (un peu absconse à première vue) donne tout son sens à la fin du film.

 

ATTENTION ! LA SUITE RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAÎTRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.

 

   La scène du début est tronquée. Elle montre un soldat en treillis pourchassant (avec difficulté) un fuyard armé, qu'il finit presque par rejoindre. 1h20 plus tard, on en découvre les tenants et les aboutissants. Une nuit, au camp rwandais que Xavier et Faustin ont fini par rejoindre, des coups de feu éclatent. Comme les adversaires congolais, angolais et zimbabwéens ne se trouvent pas loin, on est tenté de penser que les gardiens retrouvés morts ont été abattus par ces ennemis. Xavier se lance à leur poursuite... et on ne voit qu'un seul fuyard, dont on finit par apercevoir le visage : il s'agit de Faustin, que les militaires rwandais avaient tabassé lorsqu'il était arrivé au camp. Il s'est donc échappé de l'infirmerie et a tué les gardes. Voilà pourquoi, lorsqu'il le reconnaît, Xavier baisse la garde et se laisse tirer dessus. Voilà pourquoi aussi le fuyard, lorsqu'il s'approche de son adversaire à terre, ne l'achève pas.

vendredi, 26 avril 2019

Sergio & Sergei

   A partir d'anecdotes réelles (des radio-amateurs ont bien communiqué avec différentes stations spatiales), Ernesto Daranas a construit une intrigue originale, autour d'une jeune femme se remémorant son enfance, à la fin de la Guerre froide. Elle idolâtre son père (veuf), Sergio, un professeur d'université cubain, "communiste réformiste" qui n'ose pas trop le dire. Celui-ci est en outre radio-amateur, comme son défunt père. Il communique régulièrement avec un habitant de Miami. Un jour, à l'autre bout des ondes, il tombe sur un interlocuteur parlant russe, seul dans l'espace : Sergei.

   C'est d'abord une comédie, qui tourne en dérision le totalitarisme cubain (qui considère Gorbatchev comme un traître). Sergio est l'objet d'une surveillance intensive de la part d'un fonctionnaire communiste pur et dur, à la fois stupide et acharné, dont les déboires font la joie des spectateurs.

   C'est aussi un tableau du Cuba de la débrouille. Le pays ne bénéficie plus des aides des "pays frères", qui n'existent plus (ou qui ont changé de nom et d'orientation politique). La population souffre de pénuries. Alors on traficote, on consomme son rhum artisanal (qu'on revend, à l'occasion), on fabrique discrètement des cigares... et l'on compte sur l'envoi de colis de la part des expatriés. C'est filmé dans des tons chauds, pas avec un point de vue misérabiliste.

   La qualité de la mise en scène se vérifie au niveau des scènes "spatiales" (à l'intérieur et l'extérieur de Mir). Le réalisateur a pu profiter d'un studio barcelonais et, franchement, même si ce n'est pas du niveau de Gravity, c'est du bon boulot.

   Histoire d'épicer le tout, E. Daranas a ajouté une romance naissante entre le prof de fac et une étudiante très indépendante... et ravissante. Mais Sergio a un peu la tête dans les étoiles. Dans le même temps, de plus en plus de Cubains songent à quitter le nouveau paradis du communisme pour rejoindre les Etats-Unis. C'est ce dont s'occupe Hall, le meilleur ami de Sergio, interprété par A.J. Buckley, que les téléspectateurs français ont pu découvrir jadis dans Les Experts Manhattan.

   Au final, cela donne une comédie historique douce-amère, bien filmée.

lundi, 22 avril 2019

Santiago, Italia

   Le titre de ce documentaire peut paraître étrange : il semble évoquer une ville située en Italie, alors qu'il s'agit de la capitale du Chili. La raison en est qu'une fraction du territoire de cette cité est bien italien : celui de l'ambassade. En septembre 1973, des opposants au coup d'Etat de Pinochet s'y sont réfugiés.

   Le réalisateur Nanni Moretti commence par évoquer la présidence d'Allende, élu de justesse en 1970 après trois tentatives infructueuses. Des images d'archive ressuscitent cet homme de gauche intègre, qui avait sans doute autant de soucis avec sa majorité hétéroclite qu'avec son opposition (soutenue par les Etats-Unis).

   Arrive ensuite le coup d'Etat militaire (qu'en Amérique du Sud on appelle Golpe). Les témoignages permettent de comprendre la sidération d'une partie de la population, pendant qu'une autre part se réjouit ouvertement. Moretti n'élude pas le passage douloureux sur le suicide d'Allende. Même s'il donne la parole à un des derniers tenants de la thèse de l'assassinat, le réalisateur choisit plutôt de tenter d'expliquer les raisons du suicide, en s'appuyant sur des rescapés lucides. Notons qu'il a aussi interrogé d'anciens officiers de l'époque... qui ne regrettent rien.

   C'est à ce moment-là que le documentaire quitte la grande histoire pour la petite, celle de militants de gauche qui ont tout fait pour échapper à l'armée. Dans un premier temps, celle-ci n'a pas mené une surveillance minutieuse des abords des missions diplomatiques, qui ont ainsi  pu accueillir des milliers de personnes. Celle d'Italie était une propriété protégée par un mur d'environ deux mètres de hauteur. Celui qu'on voit dans le film est plus élevé : le gouvernement l'a (par la suite) fait rehausser d'un bon mètre. On sourit en entendant ces témoins parler de leurs efforts pour franchir le mur, ou aider quelqu'un à le faire. L'un d'entre eux se réjouit d'avoir suivi des cours de gym, lui qui pourtant n'aimait pas cela... Un autre révèle que des personnes bien intentionnées avaient descellé quelques pierres pour former un petit escalier de fortune. Une dernière évoque la stupeur du garde enfin posté dans l'angle mort de la bâtisse.

   L'étape suivante est la description de la vie à l'intérieur de l'ambassade. Entre 250 et 300 personnes s'y retrouvent entassées. Fort heureusement, un grand jardin... et une piscine rendent le séjour plus supportable. A l'intérieur, pour le coucher, on opère une stricte répartition : les hommes célibataires au rez-de-chaussée, les familles avec leurs enfants au premier étage et les femmes célibataires au second. D'après certains témoignages, il semble que la bâtisse ait connu de nombreux mouvements nocturnes...

   Enfin, le gouvernement italien ayant attribué des visas, les réfugiés ont pu quitter l'ambassade pour l'Europe, d'où ils pensaient revenir rapidement. La majorité d'entre eux a fait souche en Italie, ce qu'on découvre dans les vingt dernières minutes. Ils ont constitué une main-d'oeuvre bien accueillie sur place, d'autant qu'on a veillé à les placer dans des régions où des "partis frères" (communiste, socialiste) étaient bien implantés. La solidarité politique a fait le reste.

   Même si j'ai trouvé le début un peu laborieux, j'ai finalement été captivé par ce documentaire, rigoureusement construit, nourri de témoignages intéressants, parfois émouvants. Par un curieux hasard de la programmation, le film est sorti en France à peu près en même temps que Companeros, qui évoque les méfaits de la dictature militaire en Uruguay à la même époque.

La Mappa Mundi à Albi

   Elle est conservée à la médiathèque d'Albi. Depuis 2015, elle est inscrite à l'Unesco sur le Registre Mémoire du Monde, tout comme la tapisserie de Bayeux, la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et l'Appel du 18 juin 1940. Sur le site, on peut d'ailleurs télécharger un dossier fort instructif.

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   Pour compléter ses connaissances, on peut se rendre à la Maison du Vieil Alby, une ancienne demeure privée, rachetée par la commune il y a plus de quarante ans de cela, restaurée et devenue le siège de l'Association pour la sauvegarde du Vieil Alby. Elle se trouve à moins de dix minutes (à pieds) de la cathédrale Sainte-Cécile.

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   Au premier étage se trouve une exposition permanente consacrée à Henri de Toulouse-Lautrec, en particulier à ses séjours au château du Bosc, bien connu des Aveyronnais. C'est un utile complément à la visite du musée qui lui est dédié. Au second étage (celui auquel se trouvait jadis le grenier ouvert) a été aménagée une petite salle de projection, où a été disposée une exposition temporaire (visible jusque fin avril, si je ne m'abuse) consacrée à la Mappa Mundi albigeoise.

   J'ai ajouté l'adjectif, parce que "mappa mundi" est en réalité une appellation, qui qualifie les anciennes cartes censées représenter le monde connu. On en voit quelques-unes sur deux des dix panneaux de l'exposition (les 8e et 9e). Le tout premier de l'ensemble évoque le contexte de la création, le deuxième les matériaux (parchemin, encres) utilisés à l'époque. Le troisième est d'ordre descriptif, indiquant les régions et cours d'eau représentés. C'est sur les panneaux 5,6 et 7 que la création du manuscrit et de la carte est abordée. Si l'origine remonte au VIIIe siècle, il y a eu des ajouts au cours du Moyen Age et de l'époque moderne.

   Pour deux euros, on a accès aux deux expos. Elles sont modestes, mais elles méritent le détour.

dimanche, 21 avril 2019

Companeros

   Intitulé La noche de 12 anos ("La nuit de douze ans") dans sa version originale, ce film uruguayen narre le sort de trois révolutionnaires tupamaros (communistes), que la dictature militaire a emprisonnés et tenté de briser, entre 1973 et 1985.

   C'est une fiction très documentée... et militante. Le réalisateur est en empathie avec les trois héros, tellement même qu'il passe très très vite sur les crimes auxquels certains d'entre eux ont participé. Ceci dit, quand on voit ensuite ce qu'ils ont enduré, on comprend que le souci principal soit de dénoncer la dictature sanguinaire qui a sévi jadis en Uruguay.

   Le début de l'histoire donne un bon aperçu de ce que sera le film. Il mêle violence et traits d'humour, le tout servi par une réalisation parfois inventive. On découvre les héros en prison, au moment de leur extraction pour une destination inconnue. C'est filmé en tourniquet depuis la cage centrale des matons. Détail cocasse : durant le transport en camion, l'un d'entre eux ressent une fulgurante envie de déféquer...

   Dans un premier temps, les rebelles ont été torturés physiquement. On a tenté de leur arracher des informations (méthode qui avait réussi avec l'un de leurs chefs, ce que le film ne dit pas). Devant l'inefficacité des sévices physiques, les militaires sont passés à la torture mentale. Le but était de briser ces hommes fiers et aux convictions profondément ancrées en eux. On les masque, on les déplace, on les frappe, on les déshabille, on les prive de nourriture voire on leur pisse dessus. A l'instar des geôliers, la mise en scène est imaginative et réussit à nous faire toucher du doigt ce qu'ont ressenti les trois prisonniers. Dans certaines scènes, c'est du niveau de Hunger.

   C'est lié aussi à la qualité de l'interprétation. Antonio de la Torre (rappelez-vous : Que Dios nos perdone), Chino Darin et Alfonso Tort incarnent avec brio Mujica le perturbé, Rosencof l'écrivain et Huidobro le matheux. Vu le degré d'isolement qu'on leur impose, leur salut se trouve dans leur tête, dans les souvenirs heureux, les rêves... et un système discret de communication (quand c'est possible). Le problème est que ce qu'ils subissent finit par déformer leurs souvenirs voire leur faire prendre pour réel ce qui ne l'est pas. Ici, la mise en scène est brillante, bien servie par le montage.

   Fort heureusement, le propos du film n'est pas toujours dramatique. Il y a cette séquence drôlissime quand il s'agit de décider s'il faut détacher un détenu pour lui permettre de déféquer assis. Cela part du troufion de base pour remonter jusqu'au commandant de la caserne ! Il y a aussi ces moments d'humanité, autour de l'écriture de lettres d'amour, qui va rapprocher l'un des prisonniers de certains militaires pas complètement obtus. Et j'ai été touché par la conclusion, pleine d'émotion.

   C'est un film à voir.

samedi, 20 avril 2019

Culture "ncisesque"

   Vendredi, M6 a poursuivi la diffusion de la quinzième saison de la série NCIS. L'épisode 17, intitulé "Un coup de massue", démarre par un clin d'oeil à une émission très populaire aux Etats-Unis (ainsi qu'auprès de certains membres de l'équipe d'enquêteurs) :

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   L'émission American Pickers est diffusée sur la chaîne History. Elle suit des sortes d'antiquaires en déplacement. Leur boutique est située dans une toute petite ville, LeClaire, dans l'Etat de l'Iowa, aux confins de l'Illinois :

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   Le nom de cette ville ne vous dit peut-être rien, mais sachez qu'elle jouit d'une incontestable renommée. Tous les amateurs d'histoire de la conquête de l'ouest savent qu'elle est la ville de naissance d'un certains William Cody, alias Buffalo Bill (en 1846).

   Mais, aux yeux d'un lecteur hexagonal, c'est le nom même de cette ville qui suscite des questions. Il est un vestige de la présence française en Amérique du Nord. La ville a été baptisée ainsi en hommage à Antoine Le Claire, qui fut, entre autres, commerçant et interprète pour l'armée américaine. Il était le fils (métis) du Français du Canada François Le Claire et d'une Indienne.

   Ce n'est pas le seul intérêt anecdotique de cet épisode, dont l'intrigue policière n'est pas particulièrement élaborée. En se rendant chez les brocanteurs, dans la petite ville, pour enquêter, l'équipe de Gibbs fouille dans le fatras d'objets à vendre. La jeune Bishop a un coup de coeur pour une vieille agrafeuse, tandis que son patron semble soudainement très intéressé par un mystérieux petit objet :

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   Si les gags autour des agrafeuses constituent l'un des fils rouges de l'épisode (avec l'introduction d'un personnage destiné à prendre davantage de place par la suite), l'explication du mystère concernant la petite pièce n'intervient qu'en toute fin d'histoire...

jeudi, 18 avril 2019

Alleluia !

   Le mois dernier, je m'étais inquiété que la plaque de verre portant les noms des morts pour la France ruthénois de la Première Guerre mondiale n'ait toujours pas été réparée, quatre mois après sa mystérieuse détérioration. Les réparations étaient-elles déjà programmées à ce moment-là ou bien une bonne âme de la mairie de Rodez a-t-elle été inspirée par la lecture du billet ? Toujours est-il qu'aujourd'hui, en me baladant avenue Victor-Hugo, j'ai pu constater du changement :

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   Vous n'avez pas la berlue. La plaque feuilletée, sur laquelle les noms n'étaient plus lisibles, a été remplacée, comme le confirme ce zoom :

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   Les cérémonies du 8 mai pourront donc inclure sans honte un passage par ce monument, sur lequel figurent aussi les noms des victimes ruthénoises du second conflit mondial.

   Deux questions restent en suspens : quelle était la cause de la dégradation du monument ? Combien a coûté sa réhabilitation ?

mercredi, 17 avril 2019

Le Vent de la liberté

   Ce film de Guerre froide nous conte une histoire vraie, celle de deux familles de (petite) classe moyenne, qui songent à fuir la RDA (l'Allemagne communiste) en 1979. Ils habitent quelque part dans le Sud du pays, pas très loin de la frontière avec la RFA (côté Bavière), qu'ils ambitionnent de franchir par les airs, en ballon.

   Le début relate l'échec de la première tentative. Même si l'on se doute bien qu'il y a peu de chances qu'ils rencontrent le succès au bout d'un quart d'heure (alors que le film est censé durer deux heures), on suit avec attention voire angoisse le vol du premier ballon... et le retour (discret) à la case départ. Cette longue introduction vaut aussi pour la description de climat de suspicion générale qui sévissait à l'époque. Entre policiers en civil et écoutes téléphoniques, tout le monde pouvait se croire espionné.

   Ils ne le réalisent pas tout de suite, mais les héros ont été très imprudents. Ils ont laissé trop d'indices derrière eux, indices que la Stasi va s'évertuer à exploiter pour tenter de remonter jusqu'aux potentiels fuyards. La suite prend donc la forme d'un suspens très bien mené. La police politique est-allemande était redoutable, mais ne disposait que des moyens de son époque. On nous montre des agents scrupuleux, méthodiques, qui mettent du temps à démêler le vrai du faux dans les pistes qui s'ouvrent devant eux. Le personnage de l'officier enquêteur est particulièrement bien campé, avec un zeste d'humour pince-sans-rire, sarcastique, qui détonne dans le monde des ternes bureaucrates soumis au régime.

   Le film mérite aussi le détour pour la manière dont il dépeint la vie quotidienne de gens plutôt ordinaires, avec leurs tracas et leurs faiblesses. Les héros de l'histoire ne sont ni particulièrement intelligents, ni dotés d'une trempe extraordinaire. Cela donne plus de force à l'intrigue.

   La fin est trépidante, abusant toutefois du "juste-à-temps", un peu comme dans Argo. Mais cela reste une belle histoire, un éloge de la liberté à savourer à notre époque, qui voit grossir les mouvements extrémistes de tout bord.

jeudi, 04 avril 2019

Marie Stuart, reine d'Ecosse

   J'ai enfin pu voir ce drame historique, un brin romancé. L'action se déroule dans la seconde moitié du XVIe siècle, en Grande-Bretagne, alors agitée par les affrontements religieux, entre catholiques et protestants. A cela s'ajoutent des rivalités politiques et la question de la place des femmes dans cette société de mâles dominants.

   L'intrigue oppose deux personnages aux personnalités affirmées, mais différentes. A ma droite se trouve Marie Stuart, la catholique, la "Française", la flamboyante. Veuve du roi de France François II (un des fils de Catherine de Médicis), elle revient dans une Ecosse qui bascule dans le calvinisme... et où son demi-frère s'accommodait fort bien de son absence. Elle est brillamment interprétée par Saoirse Ronan, qui trace sa route depuis Les Chemins de la liberté et The Grand Budapest Hotel.

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   A ma gauche se trouve Elizabeth, l'une des filles du roi Henri VIII et donc apparentée à Marie Stuart (la soeur aînée d'Henri VIII, Marguerite Tudor, est la grand-mère de Marie). Dans le rôle, Margot Robbie (déjà formidable dans Moi, Tonya) est méconnaissable. Elle s'est littéralement fondue dans son personnage, plus ingrat, mais doté d'un meilleur sens politique que Marie Stuart.

   Le film vaut donc pour ces deux beaux numéros d'actrices et (pour ceux que cela intéresse), pour le contexte de lutte politique et religieuse. C'est aussi une réflexion sur les femmes et le pouvoir. Dans leur milieu, les mariages sont arrangés. Ces princesses (puis reines) sont d'excellents partis, voire des proies de premier choix pour l'ambitieux qui cherche à atteindre le pouvoir par leur intermédiaire. L'amour authentique et durable n'a pas vraiment sa place dans ce monde impitoyable. Le film aborde toutes ces questions et prend le temps de montrer l'évolution des personnages, les principaux comme certains secondaires (masculins). Même si le rythme est un peu lent, je trouve que c'est une belle réussite.

lundi, 18 février 2019

Vice

   Le titre du nouveau film d'Adam McKay (auquel on doit The Big Short) est à double sens : c'est la contraction de "vice-président", la fonction occupée par Richard Cheney sous George W. Bush, entre 2001 et 2009... et c'est un adjectif, qui peut être traduit par "vicieux" en français. C'est dire que ce biopic ne prend pas le chemin du regard distancié. C'est un mélange de documentaire et de fiction, à charge.

   L'histoire entremêle deux trames chronologiques. On découvre le jeune Cheney au début des années 1960, étudiant alcoolique. Dans le même temps, on nous présente le rôle décisif tenu par le vice-président, à partir des attentats islamistes du 11 septembre 2001. Les retours en arrière sont chargés de montrer comment un type très ordinaire va devenir l'homme le plus puissant du pays (selon l'auteur), tandis que la trame principale met en exergue son action contemporaine, éminemment néfaste.

   Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de cette histoire que les deux futurs acolytes (Bush Jr et Cheney) soient des alcooliques repentis, le premier parce qu'il a rencontré Dieu, le second parce qu'il a voulu garder son épouse. Celle-ci est incarnée par Amy Adams et c'est sans doute le personnage le plus romanesque de ce film, celui d'une femme intelligente, lucide, patriote et conservatrice, qui a mis sur orbite son balourd de mari, lequel a beaucoup appris au contact de chacals de la politique, finissant par tirer les ficelles, à Washington.

   Je n'ai par contre pas été très emballé par la prestation de Christian Bale. Pourtant, sur le plan physique, il finit par ressembler étrangement au vrai Cheney. Mais on sent trop la présence des prothèses et la grimace du visage est vraiment forcée. Si l'on cherche le meilleur comédien, on peut se tourner vers Steve Carell, qui interprète Donald Rumsfeld, une autre enflure républicaine, qui fut le mentor de Cheney, avant de découvrir que l'élève avait dépassé le maître.

   L'avidité et le cynisme de la faune républicaine (qui a fait ses premiers pas sous Richard Nixon) est très bien rendue par le film, tout comme la tentative de faire du président (et de son colistier) le chef d'un exécutif fort. Mais les diverses influences qui s'exerçaient sur les dirigeants de la droite ne sont qu'esquissées. Ainsi, même si l'on comprend que Cheney n'était pas un religieux (préférant rester proche de sa fille homosexuelle que gagner l'électorat ultra-conservateur), l'imprégnation chrétienne de George W. Bush est totalement absente du film ! Un comble quand on sait que le président faisait débuter nombre de réunions par... une prière. De la même manière, on ne comprend pas l'une des motivations de ceux qui ont voulu remodeler le Moyen-Orient : y implanter des démocraties pro-américaines stables. Les néo-conservateurs sont réduits à un groupe de complotistes hauts placés, certains très sensibles aux intérêts pétroliers. Là encore, on perçoit les lacunes du scénario, qui ne nous fait pas comprendre comment un étudiant médiocre a pu devenir PDG d'une firme comme Halliburton.

   Le film tente d'expliquer une grande part de la vie politique américaine par la vie privée des principaux acteurs (la vie familiale et les réseaux d'amitié). C'est ce que l'on pourrait appeler du "gauchisme pipole". L'auteur semble en être conscient, puisque, juste après le début du générique de fin, il a inséré une scène assez drôle, où plusieurs personnages commentent le film qui vient de s'achever.

   J'ai aussi été gêné par l'alternance de scènes de fiction et d'extraits de documents d'actualité, sans que la distinction soit bien établie entre les deux. J'ai par contre apprécié que l'histoire nous soit racontée du point de vue d'un jeune père de famille, ancien soldat de l'US Army envoyé au Moyen-Orient et qui va jouer un rôle déterminant dans la vie du vice-président... d'une manière que je me garderai bien de révéler.

   Cela vous donne une idée du caractère hétéroclite de ce film. C'est une assez bonne dénonciation d'une équipe politique qui a foutu le bordel au Moyen-Orient, mais cela manque de rigueur.

vendredi, 15 février 2019

La Favorite

   Le film aurait dû s'intituler "Les Favorites", vu qu'il y est question (entre autres choses) de la rivalité de deux femmes pour décrocher/conserver la place de conseillère privilégiée de la reine Anne de Grande-Bretagne. Les deux intrigantes, la duchesse de Malborough (ancêtre de Winston Churchill !) et sa cousine Abigail, ont bien existé, tout comme la souveraine, bien entendu.

   Tout tourne autour des trois femmes, campées par d'excellentes actrices (toutes trois nommées aux Oscar). La reine a les traits d'Olivia Colman, jadis abonnée aux seconds rôles, et que le grand public a réellement découverte grâce à la série Broadchurch. Ici, elle incarne une vieille enfant gâtée, goinfre, malpropre et cyclothymique, que la mort successive de tous ses enfants a sans doute rendue à moitié dingue :

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   La favorite en titre est Lady Sarah, une brune intelligente, opiniâtre, un brin cassante... et diablement excitante : elle a les traits, le corps et la diction de la délicieuse Rachel Weisz. (C'est évidemment à savourer en version originale sous-titrée.) Alors qu'elle n'est que le troisième choix de la production, elle étincelle dans le rôle, qu'on croirait écrit pour elle :

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   Sa rivale est sa propre cousine Abigail, dont la famille est ruinée... et qui a subi quelques avanies dans sa jeune existence. La ridicule oie blanche va petit à petit se muer en redoutable rapace de la cour. Elle est brillamment interprétée par Emma Stone, qui confirme tout le bien qu'on pensait déjà d'elle :

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   Chaque personnage (et donc chaque actrice) a ses moments de bravoure. La reine surprend par ses brusques changements d'humeur, Olivia Colman réussissant à nous faire saisir les tourments qui la hantent. Lady Sarah est sublime d'intensité, discrète et efficace dans les coulisses du Parlement, arrogante dans les salons, dangereuse une arme à la main. Quant à Abigail, elle se révèle particulièrement douée pour la sournoiserie. Elle joue de sa faiblesse présumée pour manipuler femmes et hommes. J'ai particulièrement aimé les scènes de couple (en formation) avec Samuel Masham (Joe Alwyn). C'est que l'héroïne tient remarquablement bien le manche !

   Voilà qui m'amène à une autre grande réussite de cette œuvre : le dépoussiérage du film de costumes. Oh, certes, on touche du doigt la magnificence, le clinquant de la décoration, la délicatesse des étoffes prestigieuses. Mais, fort heureusement, on ne nous cache pas les aspects triviaux de l'existence. Le langage est aussi parfois très cru, ce qui donne encore plus de couleur à cette histoire, tournée avec une lumière naturelle. De jour, cela ne se remarque guère. Mais, pour les scènes se déroulant le soir ou la nuit, l'éclairage aux chandelles donne des résultats de toute beauté. Par contre, je n'ai pas apprécié les effets déformants donnés à certains plans. Ils n'apportent rien à l'histoire, d'autant que la mise en scène est la plupart du temps brillante. On a la confirmation (pour ceux qui en doutaient) que Yorgos Lanthimos (auquel on doit The Lobster) est l'un des plus talentueux réalisateurs de sa génération.

   Je termine par une grosse réserve scénaristique.

   J'ai gardé pour la fin ce bémol à mon enthousiasme. Attention donc si vous n'avez pas encore vu le film. Dans les lignes qui suivent, je vais révéler des éléments clés de l'intrigue.

   Si le fond de l'histoire tourne autour du pouvoir et de la place des femmes dans la haute société britannique du début du XVIIIe siècle, un autre versant important traite de l'amour homosexuel, celui qui lie la reine Anne à Lady Sarah et celui que la reine croit voir naître avec Abigail. Si, sur un plan dramatique, cet aspect donne plus de force à l'intrigue, sur le plan historique, je n'ai rien trouvé qui puisse accréditer cette rumeur. Concernant les relations entre Anne et ses favorites, les historiens parlent de forte amitié, jamais de sexe. Alors ? Pudibonderie ? Autocensure ?... ou invention des scénaristes ?

21:00 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 10 février 2019

Green Book

   Ce "livre vert" est un guide de voyage créé aux Etats-Unis pendant la période de ségrégation et destiné aux Afro-américains désireux d'éviter les désagréments d'hôteliers et restaurateurs indélicats racistes. (Aux curieux, je signale que la version de 1949 est disponible en ligne.) Il n'a donc rien à voir avec le livre vert de feu Mouammar Kadhafi, le risque de confusion (aux yeux du public francophone cultivé) expliquant sans doute que le film soit sorti avec son titre original.

   Cette histoire "inspirée de faits réels" met en scène plusieurs communautés. On découvre d'abord le milieu italo-américain, dans lequel évolue Tony Lip, un homme de main des mafieux new-yorkais, qui a certes le coup de poing facile, mais qu'on nous présente comme un brave type. Dans le rôle, Viggo Mortensen est stupéfiant de vérité.

   Il va se retrouver face à Don Shirley, un pianiste noir virtuose, élitiste et guindé, formidablement incarné par Mahershala Ali (vu récemment dans Free State of Jones et Les Figures de l'ombre). Entre les deux héros, c'est un peu le choc des cultures, le paradoxe étant que c'est l'homme noir qui est raffiné, le Blanc étant un rustaud... mais un rustaud qui connaît le culture populaire black. La première partie met plutôt en scène les différences (non "raciales") entre les deux personnages, notamment pendant les trajets en voiture. L'une des scènes marquantes est celle qui fait intervenir du poulet frit... Tony/Viggo s'y révèle insupportablement goinfre.

   On attend bien sûr le moment où, ayant quitté les Etats (officiellement) non ségrégationnistes, les héros vont débarquer dans le "Deep South", où il est inconcevable qu'un "nègre" commande un Blanc. Fini les hôtels chics pour le pianiste, qui va davantage côtoyer les Afro-américains moyens, en général pauvres. Le contraste avec les salles de spectacle et les grandes demeures où il se produit est saisissant. Là, tout n'est que luxe, calme et volupté... blanches.

   A partir de là, c'est un peu balisé : le pianiste noir subit les marques de racisme, son chauffeur blanc, pas très "Black Friendly" de prime abord, s'attache à lui et lui sauve la mise à plusieurs reprises. De son côté, Shirley se décoince un peu... et file un coup de main à son employé quand il peine à écrire à son épouse. On se dirige vers une fin assez prévisible, mais belle quand même, l'apogée se situant (pour moi) dans le petit bar noir, lors d'une séquence de toute beauté.

   Au niveau de la réalisation, c'est très classique. N'attendez pas de recherche particulière au niveau de la mise en scène. Mais c'est du travail soigné, avec de beaux décors et des éclairages superbes. Les dialogues (que j'ai pu savourer en V.O. à Rodez) sont très bien écrits avec, cerise sur le gâteau, beaucoup de traits d'humour (où l'on retrouve la patte de Peter Farrely).

samedi, 09 février 2019

L'Intervention

   Ce film de guerre assez austère relate les circonstances dans lesquelles s'est illustrée une unité spéciale de la gendarmerie, ancêtre du GIGN. L'action se déroule en 1976, alors que la majorité de l'Afrique est décolonisée... mais pas le Territoire français des Afars et des Issas, stratégiquement placé à l'entrée du détroit de Bab el-Mandeb. On est en pleine Guerre froide. Le bloc communiste se porte bien et même progresse en Afrique.

   L'ambiance des seventies est bien restituée par la musique d'accompagnement et la pratique de l'écran partagé (au début). Certains apprécieront aussi les tenues vestimentaires et les coupes de cheveux...

   Les héros sont une bande de gendarmes atypiques, du genre doués mais francs-tireurs. On sent les références aux films américains. Cette unité spéciale est envoyée sur une base de la Légion, alors qu'un bus scolaire a été détourné par des indépendantistes djiboutiens. La prise d'otage est filmée de manière spectaculaire.

   C'est alors qu'intervient un autre personnage important, celui de l'institutrice des enfants. Elle est incarnée par Olga Kurylenko, qu'on a coiffée et habillée comme un clone de Sophie Marceau. La belle et courageuse enseignante rejoint les enfants, mais se place sous la menace des preneurs d'otages, qui ne sont toutefois pas tous présentés comme des brutes sanguinaires.

   La tension remonte dès que les commandos de gendarmerie se mettent en place, à l'insu des Djiboutiens. C'est très bien foutu, alors que quelques maladresses, au début, m'avaient fait craindre le pire. Les acteurs sont bons. On sent peser la chaleur et les odeurs moites (y compris celles de pets...). Ces hommes courageux et intelligents vont tenter de réaliser un exploit, alors que presque tout semble se liguer contre eux, y compris le général de la Légion et la conseillère Afrique de l'Elysée, personnages en lesquels on retrouve de vieilles connaissances : Vincent Perez et Josiane Balasko, pour mon plus grand plaisir.

   Même si elle est un brin hollywoodienne sur la fin, cette histoire se suit avec grand plaisir.

lundi, 31 décembre 2018

Lucky Luke 1975 - 2018

   L'homme qui tire plus vite que son ombre fait doublement l'actualité en cette fin d'année 2018. En novembre dernier est sorti un nouvel album, Un Cow-boy à Paris. Fin décembre a débuté la publication d'une intégrale (chez les marchands de journaux), le premier volume (La Guérison des Dalton, datant de 1975) étant vendu pour la modique somme de 1,99 euro.

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   La création du dernier album a bénéficié de l'arrivée d'un nouveau scénariste, Jul, un ancien de Charlie Hebdo qui s'est fait connaître du grand public par sa série Silex and the City. Ce spécialiste d'anachronisme semblait tout désigné pour prendre la suite (lointaine) de René Goscinny.

   Un Cow-boy à Paris est donc une bande dessinée proprement réalisée, dont le graphisme respecte les codes de la série et dont le scénario (et les dialogues) est émaillé de clins d'oeil. Il est ainsi régulièrement fait allusion à la future Tour Eiffel (sans la mentionner, puisqu'elle n'existe pas encore à l'époque où se déroule l'histoire), notamment à travers le personnage de Frédéric Auguste Bartholdi (co-créateur de la Statue de la Liberté, avec Gustave Eiffel), que Lucky Luke rencontre à plusieurs reprises :

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   La première partie de l'histoire repose sur les clichés courant sur le far-west. On y croise des cow-boys, des Indiens, un directeur de prison ambitieux au possible. Les auteurs y soulignent aussi le sens commercial de certains personnages (avec les débuts du merchandising). Les gags (comme celui qui fait prendre la flamme de la statue pour une enseigne de glacier) fonctionnent plus ou moins bien.

   La seconde partie de l'histoire se déroule en France. Eh, oui ! Lucky Luke a franchi l'Atlantique... avec Jolly Jumper. Je trouve cette partie plus réussie, avec un portrait caustique du Paris de la Ve des débuts de la IIIe République. Au sortir de la gare, le héros croise des habitants qui font souvent la gueule. Son premier contact avec un garçon de café n'est pas des plus amicaux. La séquence de l'hippodrome est assez savoureuse, certaines vignettes étant particulièrement réussies :

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   Hélas pour cet album, la ressortie d'une ancienne histoire, qui date de l'époque flamboyante de la collaboration entre Morris et Goscinny, joue plutôt en faveur de La Guérison des Dalton. Je l'avais sans doute déjà lue il y a des dizaines d'années, mais je ne possédais pas l'album. En le relisant, je me suis mis à rire tout seul, tant certains gags sont réussis.

   C'est dû à l'introduction d'un personnage très spécial, le professeur Otto von Himbeergeist, un précurseur de la psychanalyse, capable de chambouler le mental d'un directeur de prison, de nombreux criminels... et même de Lucky Luke et de Rantanplan. Celui-ci y accomplit peut-être le plus bel exploit de sa carrière de chien le plus bête de l'Ouest !

   Les dialogues sont évidemment nourris de jeux de mots... et d'allusions parfois assez fines. Ainsi, lorsque le professeur européen s'exprime devant l'Institut scientifique de New York, il rencontre une certaine opposition, l'un des membres de l'auguste assemblée trouvant ses théories un peu folles, développées de surcroît par un étranger. L'un de ses voisins approuve son collègue, qui s'appelle Kowalski...

   Cet album est un délice, qui n'a pas pris une ride. On pourrait aussi s'amuser à relever les points communs entre l'histoire de 1975 et celle de 2018. Je me contenterai de noter la présence du même personnage, à 43 ans d'écart : le fameux professeur. Dans Un Cow-boy à Paris, il dirige une chorale pénitentiaire, qui tente (laborieusement) de maîtriser une chanson emblématique de La Reine des neiges...

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jeudi, 27 décembre 2018

L'Empereur de Paris

   Jean-François Richet s'est lancé dans un semi-biopic d'Eugène-François Vidocq, l'ancien bagnard devenu l'employé (officieux) le plus efficace de la Sûreté de Paris, sous le Premier empire. Alors que Napoléon allait guerroyer de l'Espagne à la Russie, il fallait que la France et en particulier Paris, soient "tenus". A l'époque, la ville grouille de délinquants (qu'on traitait avec beaucoup moins d'égards qu'aujourd'hui).

   Richet reforme avec Vincent Cassel le duo qui a fait le succès de Mesrine. Il fallait un acteur qui ait la gueule d'un ancien bagnard, une trogne à la fois mutique et expressive. Et du charisme. Cassel a tout cela et, en plus, des répliques "au poil" et même quelques moments de bravoure.

   Attention toutefois. Il ne faut pas voir dans ce film la mise en scène rigoureuse d'un pan de notre histoire. Les relations avec Joseph Fouché, ministre de la Police, sont sans doute inventées : Vidocq n'est recruté par Henry (Patrick Chesnais, sans moustache) qu'en 1809, d'abord pour servir d'espion en prison (ce qui n'est pas montré dans le film, mais rend compréhensible l'insulte de "mouchard" qui est lancée au héros). Fouché quitte le ministère de la Police en 1810, alors que la "brigade Vidocq" n'est pas encore formée. Mais cela permet à Fabrice Lucchini de nous offrir un beau numéro.

   Ici, l'histoire est pétrie de manière à donner une matière romanesque, un peu dans le style d'Alexandre Dumas. Et, franchement, on en a pour son argent. Évasion, trahisons, amours, vengeances, rivalités en tous genres donnent une belle épaisseur à l'intrigue.

   Que dire de la distribution ? Outre ceux déjà cités, on peut noter la présence d'August Dihel (en faux frère de Vidocq), de Denis Lavant (qui incarne -comment s'en étonner- une ordure), de James Thierrée (excellent en aristocrate déchu, rallié à l'empire et prêt à faire le coup de main), de Denis Ménochet (en policier de base jaloux de Vidocq), de Freya Mavor (une inconnue pour moi, qui interprète la première compagne de la nouvelle vie du héros) et d'Olga Kurylenko (vue récemment dans La Mort de Staline et Dans la brume, elle incarne ici une redoutable intrigante, d'une beauté renversante).

  Au départ, Vidocq ne cherche qu'à mener une vie ordinaire, loin de son passé. Dans des circonstances que je ne vais pas révéler, il en vient à travailler pour la préfecture de Police de Paris. Richet ne tranche pas sur la psychologie du personnage. D'un côté, il fait dire à celui-ci qu'il n'a pas changé depuis sa jeunesse et sa première arrestation. De l'autre, il suggère que l'ancien bagnard se fait très bien à sa nouvelle vie bourgeoise, avec sa compagne et que, finalement, la société de l'Empire lui convient. Comme l'histoire s'interrompt avant la chute de Napoléon, on ne connaîtra pas la suite, alors que la vie de Vidocq a été de nouveau mouvementée sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.

   Signalons que l'image est léchée, avec une belle reconstitution du Paris napoléonien. Par contre, la musique est un petit peu envahissante et emphatique, voire grandiloquente, à l'image du dernier plan, quasiment construit comme une carte postale touristique.

lundi, 24 décembre 2018

Leto

   "Leto" (λeτo), c'est l'été, en russe. A Léningrad (redevenue depuis Saint-Pétersbourg), donc sur la mer Baltique, au climat plus doux que la majorité du pays. On est en 1981-1982, à la fin du long règne de Leonid Brejnev (au pouvoir depuis 1964). L'Armée rouge est embourbée en Afghanistan et, à l'intérieur du pays, la population a perdu ses illusions sur le communisme. Dans le même temps émerge une scène rock, qui s'inspire beaucoup de groupes anglo-saxons, du moins de ce qui en parvient de l'autre côté du rideau de fer.

   Attention toutefois. Les amateurs de Guerre froide seront déçus. L'omnipotence du parti communiste local n'est que rarement visible à l'écran. C'est d'abord un film musical et une histoire sur la vie qui va, avec ses amours et ses emmerdes.

   La zique est bonne. Les fans de "vieux" rock (celui de Lou Reed, du Velvet underground, des Sex Pistols, d'Iggy Pop, de David Bowie, de T. Rex voire de Blondie) seront ravis, parce que les groupes mis en scène reprennent leurs standards. On y a ajouté des compositions originales. Mais, franchement, se fader trois quarts d'heure de musique filmée sur deux heures de film, c'est lassant. D'autant que, comme ils chantent en russe, on nous traduit les paroles... et c'est parfois risible, comme le sont souvent d'ailleurs les textes des "tubes" anglo-saxons.

   Reste donc cette histoire de jeunes avides de liberté. Le début montre bien leur envie de s'amuser ensemble, de profiter de la création musicale, tout en fumant et picolant. Tout cela finit en général à poil dans l'eau. On ressent l'authenticité de cette fraîcheur juvénile, qui gênait le pouvoir de l'époque comme elle gêne les actuels autocrates russes : le réalisateur Kirill Serebrennikov est harcelé par la justice de son pays.

   La mise en scène se fait l'écho de cette fraîcheur rebelle, certaines scènes faisant preuve d'une indéniable inventivité visuelle. Il y a celles au cours desquelles un standard occidental est repris (avec un découpage de l'écran en trois, le jeu des personnages étant encadré par les paroles en anglais et celles en russe). Mes préférées sont celles  qui partent en délire (l'un des personnages prenant soin de nous dire ensuite que "cela n'est pas arrivé"... ce qui finit par devenir lourd). Pour moi, la meilleure est celle qui se déroule au début, dans le train. C'est vraiment "punk". Le savoir-faire du réalisateur apparaît aussi dans les scènes tournées à l'intérieur de ces grands appartements communautaires, que ce soit lors des concerts illégaux que dans la vie quotidienne. Quelques plans-séquence sont de toute beauté, sertis dans un splendide noir et blanc.

   Le problème est que, pour moi, le film ne tient pas la route. J'ai eu du mal à m'attacher à des personnages, certes habiles à la guitare, mais qui chantent souvent des niaiseries. Je n'ai pas trop cru à cette histoire d'amour écartelé, le coeur de la belle Natasha balançant entre le leader du groupe et le petit nouveau très doué. Elle se partage un peu entre les deux, mais doit finir par choisir, on ne sait pas trop pourquoi ni comment.

samedi, 22 décembre 2018

Le mug présidentiel

   C'est l'une des nouveautés de la boutique elysee.fr, dont la sortie a été annoncée par courriel à celles et ceux qui avaient déjà commandé sur le site. La surprise est venue de l'illustration accompagnant la présentation du produit (vendu.. 24,90 euros !), que je me fais un plaisir de vous montrer :

Mug Elysée 2.jpg

   L'objet est censé être mis en valeur par la pile de livres sur laquelle il est posé. Le choix de ceux-ci est fort intéressant. Tout en haut a été placé Les Chênes qu'on abat... d'André Malraux, bilan de conversation tenues avec Charles de Gaulle après son retrait du pouvoir. On retrouve celui-ci en guise de soubassement de la pile, avec, sans doute, deux tomes d'une édition de ses oeuvres complètes, le premier comprenant La Discorde chez l'ennemi et Le Fil de l'épée, le second étant composé de Vers l'armée de métier et de La France et son armée.

   Entre Malraux et de Gaulle, on a calé un ouvrage de Pierre Nora, Recherches de la France. Cet historien s'est fait connaître jadis par l'impressionnante entreprise éditoriale qu'il a menée à bout : Les Lieux de mémoire. Cette encyclopédie historique de la France telle qu'elle s'est faite ou telle qu'on a cru qu'elle s'était faite est encore une référence aujourd'hui.

   Ce n'est pas la première fois que la présidence Macron fait (discrètement) référence au gaullisme. Même si l'époque et les tempéraments sont différents, je pense que l'actuel président de la République se voit comme un transgresseur, à l'image du fondateur de Ve République. Et, comme lui, il se méfie des vieux partis politiques, dont il a pourtant "recyclé" certains membres pour asseoir son pouvoir... tout comme son lointain prédécesseur.

dimanche, 16 décembre 2018

Petit cadeau de Noël télévisuel

   Un peu en avance sur les fêtes de fin d'année, France Télévisions vient de mettre en ligne, pour une durée de trente jours, l'intégralité des épisodes de la première saison (aujourd'hui collector) de la série d'animation Les Mystérieuses Cités d'or (sur France 4).

   Pour moi, c'est un bain de jouvence. Même si le graphisme a un peu vieilli (et manque parfois de netteté), j'ai pu vérifier que certains mouvements avaient été réalisés avec une indéniable virtuosité, pour l'époque. L'intrigue entremêle histoire et science-fiction, avec l'époque des Grandes Découvertes en arrière-plan. A l'origine, chaque épisode était suivi d'un court documentaire (en général très instructif), que l'on retrouve ici.

   Les auteurs avaient réussi (contrairement à leurs lointains successeurs, responsable d'une pseudo-suite, dite saison 2, un peu trop enfantine à mon goût - je n'ai pas vu la saison 3) à concilier une certaine naïveté, propre à susciter l'intérêt du jeune public, et la force d'une histoire complexe, parfois dramatique, apte à séduire les adolescents et adultes. Cerise sur le gâteau : la musique était chouette.

   Du côté des personnages, on avait le choix entre le trio d'enfants Esteban-Zia-Tao, le trio d'adultes les accompagnant (Mendoza-Pedro-Sancho), le trio de vilains officiers espagnols (Gomez-Gaspard-Pizarro), sans parler de tous ceux que les héros vont rencontrer dans le "Nouveau Monde".

   A (re)voir seul.e ou en famille, à partir de l'épisode 1, Esteban, fils du soleil.

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   PS

   Un site internet très complet, en français et en anglais, est dédié à la série.

 

samedi, 01 décembre 2018

La Vallée des immortels

   C'est le titre du dernier album des aventures de Blake & Mortimer, toujours scénarisé par Yves Sente, mais mis en bulles cette fois-ci par le duo Teun Berserik et Peter van Dongen, deux illustrateurs marqués par la "ligne claire" chère à Hergé et Edgar P. Jacobs.

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   Certaines pages sont d'ailleurs nourries de références aux oeuvres des grands anciens. Cela commence par la couverture, qui est un clin d'oeil à l'une des vignettes du Lotus bleu d'Hergé (située page 6) :

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   C'est encore plus évident si l'on resserre le cadre :

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   Signalons que l'image qui a été utilisée pour la couverture de l'album se retrouve à l'intérieur, légèrement modifiée :

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   Si la posture de Philip Mortimer est presque identique à celle de la couverture, l'expression du visage du conducteur du pousse-pousse est très différente. En resserrant le cadre, le dessinateur a évacué la menace représentée (sur la couverture) par l'homme au pistolet. Sur la droite, l'apparence des commerces a elle aussi été légèrement modifiée.

   Aux inconditionnels d'Hergé, je signale que, sur une autre vignette, on reconnaît, à l'arrière-plan, l'un des célèbres compagnons de Tintin, assis à proximité de... bouteilles de whisky, ce qui n'étonnera personne !

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   Et l'intrigue dans tout ça ? Elle est passionnante. L'action se déroule après Le Secret de l'espadon, en Chine, entre la fin de la Seconde guerre mondiale et l'arrivée au pouvoir des communistes. Les Britanniques essaient de préserver leurs intérêts à Hongkong, pendant que, dans la région, un seigneur de la guerre se la joue perso.

   La découverte de statuettes très anciennes, contenant chacune un objet de grande valeur (vous avez dit L'Oreille cassée ?) met en branle quantité d'ambitions, parmi lesquelles celle du vieil ennemi de nos héros, l'infâme Olrik. Dans le même temps, Philip Mortimer travaille à l'achèvement d'une nouvelle arme révolutionnaire.

   Bref, on ne s'ennuie pas et, si l'on apprécie le style des dessins, c'est même un régal.