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jeudi, 21 avril 2022

Le Secret de la cité perdue

   Le titre fleure bon le film d'aventures, en terre exotique, avec végétation luxuriante, chaleur étouffante, énigme intrigante et trésor caché. Le contenu correspond grosso modo à l'étiquette... à ceci près qu'il s'agit d'une parodie. Les scènes oscillent donc entre les péripéties d'aventures trépidantes et la cocasserie la plus saugrenue, parfois graveleuse.

   Dès le début, le ton est donné, avec la séquence dans un temple antique, les deux héros semblant piégés au milieu d'une armée de serpents venimeux. Un changement de cadre nous fait passer de la romance au danger... puis à l'ironie. c'est comme ça pendant presque tout le film, de manière plus ou moins réussie.

   Le comique repose sur les dialogues et l'abattage des acteurs.

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   Sandra Bullock met toute son énergie à incarner Loretta Sage, romancière à succès atteinte par le syndrome de la page blanche. Elle s'est enrichie en écrivant des histoires d'aventures romantiques, pimentées d'un peu de sexe. Pour assurer la promo de son dernier bouquin, elle accepte d'enfiler une combinaison pailletée hyper-moulante... à tel point que "ça lui rentre dedans, par devant et par derrière"... Si l'accessoire ne permet pas d'ignorer que la presque sexagénaire est encore très bien gaulée, il va accompagner son personnage pendant un peu plus de temps que celui de la soirée de présentation...

   De son côté, Channing Tatum prête ses muscles et sa belle gueule à Alan, le mannequin qui pose pour les couvertures des romans écrits par Loretta... à tel point qu'il a fini par se prendre pour le principal personnage masculin des histoires, le dénommé Dash, viril, courageux, irrésistible. Son entrée en scène, sur The Final Countdown (du groupe Europe) le soir de la présentation du dernier roman, vaut son pesant d'extensions capillaires...

   Aux côtés de l'héroïne, on remarque aussi la présence de son éditrice, la pétulante Beth, que rien ne semble pouvoir arrêter.

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   Tout bon film d'aventures a besoin d'un méchant convaincant. Daniel Radcliffe (eh, oui ! Harry Potter) est chargé d'interpréter un milliardaire excentrique, un peu allumé... voire psychopathe. Ses adversaires finiront par le qualifier de "perfide", ce qui leur semble naturel, puisqu'il est... anglais ! (Parfois, j'adore Hollywood !)

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   Ledit milliardaire est à la recherche d'un mystérieux trésor, caché sur une île dont il a fini par découvrir la localisation. Pour mener son projet à terme, il a besoin des connaissances d'une personne qui a étudié cette civilisation disparue... ce qui est le cas de la romancière, autrefois mariée à un archéologue.

   Tout ce petit monde se retrouve embarqué pour l'océan Atlantique, en zone tropicale. Les deux héros vont tenter d'échapper aux sbires du milliardaire, épaulés par un aventurier musclé, tatoué... les cheveux au vent :

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   L'irruption de Brad Pitt dans l'intrigue nous vaut certains des meilleurs moments comiques du film. Brad est... pittissime !

   L'histoire est nourrie de rebondissements et de "détails qui tuent" : une victime que l'on transporte attachée à une chaise, une voiture qui ne fait pas du tout baroudeur, une héroïne glamour qui urine dans la rivière... ce que perçoit l'homme qui la suit !

   Bon, voilà. ce n'est pas bien subtil, mais les acteurs ne se prenant pas au sérieux, on passe un bon moment.

23:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 20 avril 2022

My Favourite War

   La "guerre préférée" de l'auteure de ce documentaire autobiographique est la "Grande Guerre patriotique", ainsi qu'on l'appelait en URSS, autrement dit la Seconde Guerre mondiale. Enfant, à la télévision, elle raffolait des fictions de propagande, produites dans la Patrie des travailleurs ou l'un de ses satellites. Quelques extraits nous en sont proposés au cours du film.

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   Ilze Burkovska Jacobsen est originaire de Lettonie, un des trois pays baltes coincés en haut à droite de la carte de l'Europe. Objet des convoitises rivales des différents États allemands et russes, le pays a connu une histoire mouvementée.

   L'auteure n'en a vécu qu'une partie : la fin de la période soviétique puis la deuxième indépendance. Le film entremêle trois époques : la fin de la Seconde Guerre mondiale (période des grands-parents maternels), les années 1970-1980 (la jeunesse de l'auteure) et le début des années 2020.

   Sur le plan formel, ce documentaire d'un genre particulier alterne prises de vue réelles (contemporaines), images d'archives (des années 1940, 1970 ou 1980) et images animées, chargées de mettre en scène l'enfance et l'adolescence d'Ilze.

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   Au début, le style est un peu déroutant, avec ces formes anguleuses, les yeux tout noirs et la texture qui semble de carton. Finalement, cela colle assez bien avec l'époque. A l'occasion de certaines scènes, les animateurs démontrent qu'ils sont tout de même capables de réaliser des prouesses. Notons que la voix off s'exprime en anglais, tandis que, de temps à autre, on entend des dialogues en russe ou en letton.

   J'ai été touché par l'histoire de cette gamine, au départ bouffée par la propagande mélenchoniste soviétique, qui ne comprend pas pourquoi son grand-père a hérité jadis de l'appellation infâme d'ennemi du peuple (déportation à la clé). Elle ne saisit pas non plus l'intensité de l'amour qui unit ses parents, issus de milieux si différents, la fille du paysan réprouvé ayant épousé un jeune cadre dynamique du parti communiste.

   Je ne vais pas dire pourquoi, mais, à un moment, l'héroïne est contrainte de mûrir plus rapidement que ce que son âge exige. Son regard devient plus lucide sur son entourage et les lieux qu'elle fréquente. Cela nous vaut de savoureux portraits du système scolaire letton (à la mode soviétique) et du mouvement des Pionniers, auquel l'adolescente adhère au moins autant pour assurer son avenir de journaliste que pour contribuer à améliorer sa vie quotidienne avec sa mère et son petit frère.

   En revanche, quand le passé (celui de la guerre) percute la vie de l'héroïne enfant, c'est en général par un aspect macabre, de la menace représentée par des hommes armés à la découverte de mystérieux restes humains, dans le bac à sable de l'école.

   Cela dure 1h20, c'est très chouette à voir et, pour un public français, cela dévoile une part méconnue de l'histoire européenne du XXe siècle.

dimanche, 17 avril 2022

Touroulis - Voyage entre le Larzac et le causse Comtal

   Ce documentaire aveyronnais évoque, par son titre, un volatile particulier : l’œdicnème criard, qui passe les hivers en Afrique du Nord, mais le reste de l'année en France métropolitaine, en particulier dans l'Aveyron.

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   La carte ci-dessus (extraite de la plaquette LPO) met en évidence les zones où des couples ont été observés (donc les zones de reproduction). Ce sont principalement les causses du Larzac (au sud) et Comtal (au nord)... d'où le titre du documentaire, qui embrasse toutefois un espace plus important et diversifié :

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   Une histoire nous est contée par une voix off (censée être celle d'un de ces oiseaux), celle d'un territoire parcouru/survolé par les œdicnèmes. Du causse du Larzac, on est transporté dans les gorges (de la Jonte, du Tarn), puis du côté de Bertholène (près de Laissac, sur la carte ci-dessus). Le parcours s'achève au nord et nord-est de Rodez, avec en vedette (notamment) le "Trou de Bozouls" (que les âmes raffinées appellent "canyon") et la cascade de Salles-la-Source (dont l'écoulement d'eau fait l'objet de polémiques depuis des années).

   L'une des qualités de ce film est le soin apporté aux images, qu'elles soient aériennes, terrestres, souterraines ou aquatiques. Les vues sont splendides, qu'il s'agisse de plateaux, de vallées ou de très gros plans des espèces, animales comme végétales. Ce soin, ajouté à la scénarisation sur (presque) quatre saisons, est (à mon avis) une référence au Farrebique de Georges Rouquier.

   Une autre qualité est l'insertion d'incrustations, donnant le nom de tel animal ou telle plante. Cumulées aux informations données par le commentaire (pas super emballant, ceci dit), elles permettent au commun des mortels de parfaire sa culture environnementale.

   En revanche, je n'ai pas bien vu l'intérêt d'ajouter des séquences montrant une petite famille pratiquant l'escalade ou la spéléologie. Là, on est à la limite du dépliant touristique... (Mais il est vrai que le film a été cofinancé par le Conseil départemental de l'Aveyron.)

   Parmi les activités sportives, il manque la randonnée, à laquelle les Aveyronnais s'adonnent massivement et qui constitue un excellent moyen de découvrir les beautés d'un territoire. C'est dommage, parce que, le film ne durant qu'1h10, il y avait de la place pour quelques scènes pédestres. Cela n'enlève toutefois rien aux qualités visuelles de l'ensemble, un bien bel hommage à la faune et à la flore des régions calcaires centre-orientales du Rouergue.

samedi, 16 avril 2022

Seule la terre est éternelle

   ... pas les écrivains, puisque le romancier et poète Jim Harrison est mort en 2016. Ce documentaire, signé François Busnel et Adrien Soland, lui rend un vibrant hommage, tout en célébrant les beautés de l'Amérique de l'intérieur.

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   Vivant entre le Montana (où il avait hérité d'une demeure familiale) et l'Arizona (où il est décédé), Jim Harrison, qui fut, dans sa jeunesse adulte, un beatnik des villes, avait grandi à la campagne. C'est là qu'il a quasiment perdu son œil gauche, au cours d'une dispute avec une gamine du coin. À l'écran, on voit celui-ci tantôt ouvert, tantôt fermé, à l'image d'un physique déclinant. Âgé de plus de 75 ans, l'écrivain marche avec difficulté, tremble des mains, peine parfois à respirer... mais l'esprit est resté vif. C'est de surcroît un conteur doué.

   Le film est nourri d'anecdotes, sur la famille et ses drames. Malgré les années passées, on le sent marqué par le décès du père et d'une sœur au cours d'une partie de chasse... et par la rudesse d'une mère autoritaire (sans doute luthérienne stricte), d'origine suédoise. Ses horizons se sont ouverts à l'école, grâce notamment à une prof francophile, qui lui a fait lire tout Stendhal, mais aussi Apollinaire, Rabelais... Est-ce la raison pour laquelle, lorsqu'il va pêcher, il porte une casquette sur laquelle est écrit, dans la langue d'Emmanuel Macron, "PÊCHE A LA MOUCHE" ? Mystère...

   Il reconnaît son alcoolisme et les ravages qu'il a faits (au cas où on ne l'aurait pas remarqué). Il en profite pour détruire une légende : c'est à jeun que l'on écrit le mieux. Lui a besoin d'un calepin classique, de nombreux stylos (de marque Bic... même si des feutres fins Pilot sont aussi visibles sur son bureau), d'un mur blanc... et d'eau plate.

   Ses débuts furent laborieux. C'est le journalisme qui a, dans un premier temps, rempli le frigo. A partir du succès de Légendes d'automne, la vie a pris un tour confortable. L'écrivain est même devenu proche de l'acteur Jack Nicholson, qui en avait marre des scénaristes d'Hollywood.

   La grand talent de ce film, qui bénéficie d'une très bonne qualité d'image et de son, est la représentation d'une partie de l’œuvre de Harrison par des paysages, des collines enneigées et boisées du Montana au désert de l'Arizona. Aux souvenirs de l'écrivain (majoritaires dans la première partie) succède un joli road moavie, (passant par entre autres l'Idaho, le Wyoming et le Nebraska) dans le dernier tiers de l'histoire.

   C'est un peu long, mais rafraîchissant et passionnant, tant les thématiques abordées sont nombreuses : de l'extermination des Amérindiens au féminisme, en passant par la pêche, la relation aux animaux sauvages (grizzli, loup) et la culture littéraire. J'ajoute que la musique d'accompagnement, jouée sur guitare sèche ou électrique douce, est parfaitement dans le ton.

Les Animaux fantastiques 3

   ... Les secrets de Dumbledore. Je n'avais pas été particulièrement emballé par les deux premiers volets, mais la vision de la bande-annonce du troisième m'a donné envie de tenter l'expérience, en version originale sous-titrée.

   Les vingt premières minutes lancent parfaitement le film. On commence dans un salon du thé, très chic, où se rencontrent les deux principaux antagonistes, anciens amants devenus adversaires mortels. Dans le rôle de Grindelwald, Mads Mikkelsen succède avantageusement à Colin Farrell et Johnny Depp. Il incarne vraiment très bien la puissance maléfique, servi, une fois n'est pas coutume dans cette série, par de très bons dialogues (sauf peut-être à la fin).

   Lui succède une séquence enlevée, qui démarre par une naissance nocturne, avant de se poursuivre en cavalcade violente. C'est assez brillant.

   Tout est (presque) dit par le titre intégral. Les effets spéciaux (somptueux) mettent parfaitement en valeur les créatures virtuelles (dont une nouvelle, une petite Qilin), avec lesquelles Eddie Redmayne interagit très bien (même si son personnage a toujours ce côté nunuche agaçant). Au niveau de l'image, c'est aussi souvent splendide, avec (heureusement), moins de plans sombres dans lesquels on a du mal à se retrouver.

   L'arrière-plan politique est nourri de références aux années 1930 et à notre époque. La partie ayant pour théâtre Berlin, avec ces statues aux casques si caractéristiques et ces hommes de main (portant chapeau sombre, nuque rasée), fait immanquablement penser au régime nazi. Mais la facilité avec laquelle les foules (ici de sorciers) peuvent être manipulées par des complotistes, en vue d'une élection, évoque plutôt le XXIe siècle.

   Du coup, j'ai été emballé, emporté par la féérie visuelle et l'intrigue trépidante, nourrie de rebondissements, certains étant prévisibles... d'autant que tout le monde dans la salle savait que Dumbledore ne pouvait pas mourir assassiné ! (Surprise au passage : l'histoire fait intervenir non pas un, ni même deux, mais trois Dumbledore !) Je recommande tout particulièrement la séquence de la prison, formellement très réussie et drôle à la fois. C'est une autre qualité de ce long-métrage, émaillé d'un humour savamment dosé et plutôt bon enfant. La conclusion, en haute montagne, au Bhoutan, est particulièrement inspirée.

   Dans la salle, les ados et les adultes ont été captivés pendant plus de deux heures.

14:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 11 avril 2022

Rodez, plein les fouilles !

   Jeudi 7 avril, à partir de 20h30, une passionnante conférence historique a été donnée dans l'amphithéâtre de l’École de musique de Rodez. L'intervenant était Philippe Gruat, directeur du service départemental d'archéologie de l’Aveyron. Pendant près d'1h30, sans notes, s'appuyant sur un diaporama richement illustré, il a su captiver un auditoire essentiellement composé de tempes grises et de crânes dégarnis.

   Son intervention a débuté par une révélation. Évoquant son travail de terrain, Philippe Gruat a aussi insisté sur l'importance des archives, certaines de celles portant sur l'Aveyron (notamment les bâtiments religieux médiévaux) lui paraissant sous-exploitées. Elles sont pourtant complémentaires des fouilles et le croisement des deux peut permettre de réaliser des découvertes, comme celle-ci : l'emplacement de l'ancienne église Saint-Cyrice (sans doute la plus vieille du Faubourg), dont les restes se trouveraient sous... le Tex Mex, le bar emblématique du carrefour portant le nom dudit saint.

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   Espérons que les écoulements divers, provoqués par la succession de beuveries étudiantes en ces lieux, n'ont rien provoqué d'irrémédiable au-dessous...

   Après cette sympathique mise en bouche, nous avons remonté la rue Béteille, en direction de la cathédrale. Le conférencier s'est arrêté en chemin (au numéro 30), là où se trouvait naguère un collège privé (catholique), dont le site a été transformé en appartements modernes.

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   La parcelle (en pente) est coincée entre deux des artères principales de la commune, la rue Béteille en contrebas et le boulevard d'Estourmel, en hauteur, côté ancien évêché, le long du rempart du XIVe siècle.

   Les sondages effectués au cours des travaux, en 2016, ont permis de découvrir l'ancien fossé... gaulois, la cité romaine (puis médiévale) ayant succédé, rappelons-le, à un oppidum celte. Remblayé, l'ancien fossé avait été recreusé au moment de la construction des remparts du XIVe siècle.

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   D'après le conférencier, ce fossé gaulois s'étendait jusqu'à l'actuel Palais de justice, en passant par l'hôtel Biney (situé presque en face du Monoprix).

   Mais ce n'était pas la principale découverte réalisée au cours de ces fouilles. Un jour, les archéologues ont sorti de terre... une tête coupée ! Il s'agit vraisemblablement d'un trophée, le crâne d'un ennemi vaincu, qui a été décapité et dont le chef était sans doute exposé à l'entrée de la cité, peut-être sur le rempart en bois qui doublait le fossé.

   Moins macabres sont les trouvailles faites au niveau du Foirail, l'espace situé en contrebas de la cathédrale, qui a subi d'importantes modifications ces dix dernières années (construction d'un parking souterrain, du musée Soulages et du cinéma multiplexe). Je me souviens qu'à l'époque on espérait beaucoup... et qu'on a été déçu. Le sous-sol de la zone ne recèle pas de trésor inestimable. On y a principalement trouvé des poteries, des dépôts d'offrandes.

   Ensuite, direction plein Sud, pour le site de l'ancienne école François-Fabié (pas très loin de la Banque de France). Les sondages effectués ont permis la découverte de deux fosses gauloises. A un moment, les chercheurs ont pensé être tombés sur une pièce exceptionnelle : un squelette quasi intégral... mais dont les os étaient entremêlés de fils métalliques. Après examen, il s'avéra ne pas être aussi ancien qu'on le croyait... et pour cause : il s'agit d'un "Oscar", autrement dit, un squelette de salle de classe !

   De l'ancienne école, nous sommes passés au collège (public) Fabre, à l'intérieur duquel on a procédé à des aménagements (notamment arboricoles) en 2017. Cet établissement est situé à quelques centaines de mètres de l'ancien évêché.

   L'exploration du sous-sol fut succincte, mais suffisante pour détecter la présence d'un ancien égout, que l'on présume lié au système mis en place par les Romains au cœur de la cité. Il en reste une trace en surface : la rue du Touat (qui signifie "égout", en occitan), qui surmonte une ancienne conduite d'évacuation des eaux... supposée reliée, d'une manière ou d'une autre, à la structure découverte sous le collège Fabre.

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   D'autres perspectives s'ouvrent un peu plus à l'ouest, rue Pasteur, à proximité du quartier dit de l'Amphithéâtre. En surface, le secteur est l'un des rares de la commune à conserver des traces de la période "art déco". En profondeur, c'est l'empreinte gallo-romaine qui est recherchée.

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    Il y a deux ans, la presse locale s'est fait l'écho des trouvailles : des pans de l'ancien mur d'enceinte de l'amphithéâtre antique. Pour les dater, il faut prélever des restes de charbon dans le mortier de chaux qui a servi à le construire. Auparavant, on pensait que cet édifice pourrait être très ancien (et dater du Ve siècle avant JC). Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il serait contemporain de l'aqueduc de Vors (daté du Ier siècle), dont il va être question plus bas. (Pour la petite histoire, je signale que la datation très ancienne s'appuyait sur l'âge des fragments d'arbres... qui pouvaient avoir plusieurs centaines d'années au moment où ils ont été utilisés dans le mortier.)

   Philippe Gruat a émis le souhait qu'en accord avec les services de la commune et de l'agglomération de Rodez, il puisse être procédé (si les propriétaires des habitations l'acceptent, bien entendu), à un examen des caves du quartier, qui pourraient receler des trésors. La réponse n'a pas tardé, puisque dans l'assistance se trouvait Christophe Lauras, ancien principal du collège Fabre et actuel adjoint aux Travaux du maire de Rodez. Il semble qu'un accord soit envisageable dans un avenir proche.

   Nous sommes alors passés à l'un des plus gros chantiers du département, l'aménagement de la zone de Malan, au sud de Rodez, plus précisément le secteur de la Boissonnade. Ce sont des restes de l'ancien aqueduc gallo-romain qui ont été mis au jour. Il y a une dizaine d'années, celui-ci avait déjà fait l'objet d'une excellente conférence au musée Fenaille.

   D'une longueur de près de 25 kilomètres (24 souterrains et 800 mètres aériens), l'aqueduc a une pente très faible, de moins de trois millimètres par mètre ! L'altitude de départ (à Vors) est de 711 mètres, celle à l'arrivée (Rodez) est de 632 mètres. Disposant d'équipements rudimentaires (par rapport aux ingénieurs du XXIe siècle), les géomètres romains ont réalisé des prodiges en s'appuyant sur le relief existant, suivant les courbes de niveau.

   De l'ancienne partie aérienne il ne reste que les bases des piles. 55 sur 133 ont été explorées. Il reste à découvrir les vestiges du pont-siphon qui enjambait l'Aveyron. Du côté nord, les pentes autrefois herbacées ou boisées sont aujourd'hui en grande partie construites. Mais Philippe Gruat a bon espoir qu'un jour, une découverte majeure sera faite. Toutefois, il y a de fortes chances que les matériaux aient été récupérés par la population locale, à l'image de ce qui est arrivé à la portion nord de la partie souterraine de l'aqueduc. Il semblerait qu'un maçon local se soit copieusement servi au XIXe siècle (sous le Second Empire), époque à laquelle on a redécouvert la structure antique, pour la réutiliser mais aussi en modifier le tracé. Ce ne fut d'ailleurs pas très efficace, puisque, dès la fin du XIXe siècle, cet approvisionnement fut abandonné, au profit des sources du Lévézou. Les chercheurs peuvent se consoler avec une trouvaille insolite : des trous d'arpenteur, révélateurs du travail des Romains d'autrefois.

   Quoi qu'il en soit, la restauration de l'aqueduc a quand même apporté l'eau potable jusqu'à la place de la Cité à Rodez. Une fontaine se trouvait à l'emplacement de l'actuelle statue de Monseigneur Affre (archevêque de Paris tué sur les barricades en 1848), qui elle fut inaugurée en 1875.

   De l'ex-archevêque de Paris, la transition était facile avec l'ancien évêché de Rodez (tout proche de la cathédrale, au nord). Il n'a pas été exploré à fond. On sait toutefois que ce n'est pas le palais épiscopal d'origine, qui se trouvait sur l'actuelle place d'Armes. La reconstruction de la cathédrale (agrandie), qui a débuté à la fin du XIVe siècle, a conduit à déplacer le bâtiment, au niveau du nouveau rempart. Les sondages effectués ont permis de confirmer une intuition des archéologues : chaque nouvelle enceinte s'appuie sur la précédente. Se superposent ainsi le rempart romain (des IIIe-IVe siècles), la première enceinte médiévale (amorcée au XIe siècle) et la seconde, achevée au XVe, semble-t-il. Notons qu'une partie des découvertes a été effectuée grâce à l'exploration des profondeurs des toilettes d'un ancien cabinet de l'évêché... qui était peut-être fermé de l'intérieur !

   Un mystère demeure : le contenu du sous-sol du (superbe) jardin de l'évêché, hélas toujours pas accessible aux habitants (et contribuables...) ruthénois. Philippe Gruat a émis l'hypothèse un peu folle que pourraient s'y trouver les vestiges de l'ancien théâtre romain, seule construction générique dont aucune trace ne subsiste sur le Piton, alors que Segodunum était l'une des plus grandes cités gallo-romaines de son époque (d'une superficie de 44 hectares).

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   En guise de dessert, nous avons eu droit au résultat des fouilles les plus récentes, celles de la place de la Cité (située derrière la cathédrale), qui ont eu lieu en 2018-2019. Outre l'ancienne fontaine, on a mis au jour les restes de deux anciens bâtiments : la Maison des Officialités et la Maison du Poids. La première était le tribunal dépendant de l'évêque. Construite avant 1355, elle a été démolie dans la première moitié du XVIIIe siècle... tout comme la seconde, qui avait été bâtie au début du XIVe siècle (une période décidément faste pour la cité épiscopale). Notons qu'elle possédait un puits, comblé au XVIIe siècle.

   Curieusement, si la dénomination "place de la Cité" est ancienne (elle date du XIVe siècle), elle a successivement été remplacée par "place neuve du Marché neuf", "place du Bois", "place du Marché" (au XVIIe siècle), avant de récupérer son nom d'origine.

   Enfin, je me dois de signaler qu'on a retrouvé les restes d'un carcan (celui d'un pilori), dont la dernière utilisation connue remonte à 1785, contre une femme (sans doute "de mauvaise vie").

   Je vais m'arrêter là. Je n'ai pas pu parler de tout ce qui a été dit durant cette conférence (gratuite), mais je pense en avoir donné un aperçu assez fidèle.

mercredi, 06 avril 2022

Les Bad Guys

   Ce film d'animation (visible par les pas trop jeunes et les adultes) est produit par DreamWorks et réalisé par... un Français : Pierre Perifel. Les "mauvais garçons" (ou "sales types") sont des as de la cambriole, qui vont se voir proposer l'occasion de se racheter.

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   Loup (Pierre Niney dans la VF) est le chef de la bande. Charismatique et charmeur, il a toujours un plan de secours en poche. De temps à autre, il lui arrive de "faire son Clooney", référence transparente à la série de films Ocean's.

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   Serpent est son meilleur ami. Sans pitié dans les affaires, il a un péché mignon : les cochons d'Inde, d'autant plus savoureux qu'ils sont gentils.

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   Requin est le gros bras de la bande... très habile aussi dans les déguisements. Cela donne lieu à quelques scènes particulièrement cocasses. Il est doublé par Jean-Pascal Zadi (oui, celui de Tout Simplement Noir).

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   Son principal acolyte est Piranha. Petit mais costaud, il est redoutable par sa force physique... et ses problèmes gastriques, qui enchanteront les petits comme les grands !

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   Cette bande de mecs ne serait rien sans Tarentule, l'as du piratage informatique, un personnage dont l'animation se révèle vraiment virtuose.

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   Toutefois, mon coup de cœur est un autre personnage féminin : la renarde Diane Foxington, gouverneure de Californie qui ne s'en laisse conter par personne. C'est une femme engagée, brillante... qui réserve quelques surprises. Alice Belaïdi lui prête sa voix, avec talent.

   L'intrigue comme la mise en scène fourmillent de références. Dès le début, la conversation dans un diner fait penser à Tarantino. D'autres allusions à Pulp Fiction sont présentes dans le film. On pense aussi évidemment à la série de films mentionnée plus haut, avec George Clooney. Quant aux policiers (et à leur cheffe), ils semblent sortir tout droit d'un manga. Les gags sont souvent visuels. Les petits aiment. Les allusions sont plutôt destinées aux adultes.

   J'ai été enchanté par cette histoire. Elle est pleine de rebondissements et quasiment chaque scène contient une petite surprise ou un effet de décalage, qui lui donne une saveur particulière. J'ajoute que la musique (orchestrale) est chouette. C'est sans doute la meilleure comédie sortie ce 6 avril.

21:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 05 avril 2022

De nos frères blessés

   Ce film relate (de manière un peu romancée) la fin de vie de Fernand Iveton, militant communiste pied noir, engagé aux côtés du FLN dans la lutte pour l'indépendance algérienne... contre l'armée française, dans la seconde moitié des années 1950.

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   Au départ, j'ai eu du mal à reconnaître Vincent Lacoste dans le rôle. Il est vrai que la moustache, ça vous change un homme. Mais il est surtout très bon. J'ai été moins convaincu par le choix de Vicky Krieps pour incarner sa compagne. Elle parle français avec un accent anglais... alors qu'elle est censée être d'origine polonaise ! Le côté sentimental de l'intrigue m'est passé un peu au-dessus de la tête.

   J'ai été davantage intéressé par la mise en scène du contexte de la Guerre d'Algérie. Sans surprise, cette fiction engagée nous présente une version de gauche. Les indépendantistes sont de courageux résistants, victimes de l'ignoble État colonial raciste. On a quand même droit une fois ou deux à la mention de certains des "exploits" des membres du FLN et de leurs sympathisants... mais je pense que cela a glissé sur le public, tant la réalisation est en empathie avec le héros et ceux qu'il soutient.

   Les scènes de tribunal militaire sont prenantes. Au début, on se dit que tout est joué d'avance. Mais, au fur et à mesure des interrogatoires, on est amené à penser qu'il y a de l'espoir, la procédure étant suivie de manière assez scrupuleuse. La conclusion nous ramène sur terre... et le héros aussi, dont on finit par découvrir qu'il se berçait d'illusions sur la future Algérie indépendante. (Seuls les imbéciles ont pu croire que les types du FLN allaient instaurer une démocratie multiculturelle de ce côté-là de la Méditerranée.)

   Je recommande malgré tout ce film pour sa peinture d'une époque et pour la découverte d'un destin particulier, celui d'un pied noir pro-FLN qui n'a sans doute jamais versé le sang d'autrui.

   P.S.

   Parmi les seconds rôles figure Henri, incarné par Yoann Zimmer, vu l'an dernier dans Des Hommes, dans la peau d'un Depardieu jeune, lui aussi empêtré dans le conflit algérien.

samedi, 02 avril 2022

Retour à Reims (fragments)

   Ce documentaire militant s'inspire d'un essai de Didier Eribon (que je n'ai pas lu). A travers la redécouverte de l'histoire familiale (avec laquelle l'auteur / la narratrice dit avoir jadis coupé), le film dessine une histoire (subjective) de certaines catégories populaires (essentiellement le monde ouvrier), de l'Entre-deux-guerres (période des grands-parents) jusqu'aux années 1980-1990 (à l'âge adulte de l'auteur).

   Le grand intérêt du film (et son originalité par rapport à la forme écrite) est le montage d'images anciennes qu'il propose, composé d'extraits de films de fiction et (surtout) de reportages d'époque. Hélas, ces images ne sont jamais contextualisées au moment où elles passent à l'écran. Il faut attendre le générique de fin pour découvrir de quand les extraits datent, en vrac. Du coup, parfois, j'ai eu l'impression que les périodes ne concordaient pas tout à fait. Ainsi, quand il est question des années 1950, il me semble que, parfois, ce sont des images de la fin des années 1960 qui nous sont projetées. Plus gênante encore est, pour illustrer la montée du vote FN chez les ouvriers dans les années 1980-1990, l'utilisation d'images d'archive présentant Jean-Marie Le Pen... dans les années 1970, à l'époque où son jeune mouvement ne rencontrait aucun succès.

   Quoi qu'il en soit, le travail de documentation semble avoir été énorme et les extraits proposés sont intéressants. On en voit peu datant de la période des grands-parents. Le propos est centré sur la voix-off, qui lit des passages du livre. C'est la grand-mère maternelle qui est au centre de cette partie. C'était une femme libre, à qui le rôle de fidèle épouse au foyer ne convenait pas. Au début des années 1940, elle a même osé partir travailler volontairement en Allemagne... Notons que le livre, comme le documentaire ne jugent pas... enfin, pas ce genre de comportement.

   La période d'après-guerre est plus fournie. Au niveau de la fiction, cela va de Jean-Luc Godard à Coline Serreau. Au niveau reportages et archives, c'est foisonnant, sur le travail des ouvriers, le rôle des femmes, la place des immigrés. L'accent est mis successivement sur ces trois aspects, l'un venant compléter l'autre. L'idée générale est que l'on trouve toujours plus opprimé que soi.

   J'ai apprécié que le réalisateur ne contourne pas la difficulté du basculement d'une partie du vote ouvrier. Mais je trouve que l'état des lieux comme l'analyse des causes sont superficiels, voire biaisés.

   Sur le plan historique, le film semble ne pas savoir que, depuis qu'elle a été identifiée en tant que telle, la "classe ouvrière" a toujours été profondément divisée. A la fin du XIXe comme au début du XXe siècle, une partie du monde ouvrier s'identifiait plutôt à la droite, voire à l'extrême-droite. De plus, le film occulte complètement l'influence démocrate-chrétienne dans le milieu, influence concurrente de celle des marxistes (ceci expliquant peut-être cela). Enfin, les nouveaux bataillons d'électeurs populaires de l'extrême-droite ne proviennent pas uniquement du PC ou du PS. Il s'agit parfois aussi d'anciens électeurs de la "droite sociale". Le réalisateur est sur une ligne néo-marxiste, qui attribue au supposé renoncement des gouvernements de gauche le basculement de l'électorat ouvrier. Il sous-estime considérablement les évolutions sociétales, à commencer par le (relatif) embourgeoisement d'une partie de la classe ouvrière. Eh, oui ! Le niveau de vie des Français (classe ouvrière comprise) s'est élevé entre les années 1950 et le début du XXIe siècle... mais de cela les spectateurs ne sont pas informés.

   Je ne vais pas m'éterniser mais ce film est une petite déception. Si l'on aime les images d'archives (souvent pas vues depuis des années), il mérite le détour. Sinon, on peut se passer d'une œuvre qui se conclut sur les gilets jaunes et la "convergence des luttes".

Uncharted

   "Non cartographié" est l'adaptation d'un jeu vidéo qui a mis un peu de temps à sortir en salle, en partie à cause de la pandémie, en partie à cause des tribulations de la distribution. L'intrigue s'inspire des aventures d'Indiana Jones, d'Allan Quatermain... et sans doute aussi d'ersatz comme À la poursuite du diamant vert. Les personnages, principaux comme secondaires, sont taillés à la hache. Commençons par le héros,

SIMPLET

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   Tom Holland (le dernier Spider-Man en date) est chargé d'incarner Nathan, un jeune Américain sympathique, bien qu'un peu stupide. Il mâche ostensiblement des chewing-gums, ne sait pas apprécier le bon vin, a tendance à parler avant de réfléchir, mais c'est un chic type : il est gentil et honnête, deux qualités qui permettent de le rendre supportable... surtout dans ses interactions avec :

TONTON

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   Interprété par Mark Wahlberg (qui a failli se retrouver à la place de Tom Holland), il cabotine à mort... mais je trouve que cela fonctionne. L'humour qui traverse cette histoire de chasse au trésor est le bienvenu et cela passe souvent par lui. Toute l'ambiguïté du personnage réside dans son rapport au héros. Celui-ci est orphelin et Sully pourrait constituer une figure paternelle de substitution... s'il n'était pas aussi sournois. Dans ce domaine, il est concurrencé par les deux principales figures féminines, notamment :

TATI (qui n'est pas l'épouse de "Tonton")

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   ... alias Braddock, dans le film. Elle a les traits de Tati Gabrielle, qui incarne un personnage tellement venimeux qu'on serait tenté de l'appeler "Tatie Danielle". Elle est en concurrence avec une autre jolie jeune intrigante :

MILF

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   En dépit des conseils avisés de Sully, Nathan est très tenté par un rapprochement physique avec Chloe Frazer (qui, comme Braddock, a sans doute jadis couché avec "Tonton"). Belle, intelligente, sportive, elle a tout pour plaire... sauf, peut-être, sa malhonnêteté. Je suis quand même surpris que les scénaristes (une bande de mecs, soit dit en passant) n'aient pas pensé à introduire un personnage féminin un peu plus positif. Bon, ceci dit, globalement, l'histoire a tendance à présenter l'espèce humaine (tous sexes confondus) sous un jour assez sombre.

   Ce quatuor (et d'autres encore) est lancé dans la quête du trésor de Magellan, au cours d'un jeu de pistes qui va mener les protagonistes des États-Unis aux Philippines, en passant par l'Europe. On a ainsi l'occasion de croiser Antonio Banderas, dans un énième rôle caricatural.

   Le film, à mon avis, mérite le détour en partie grâce à ses scènes d'action (émaillées d'humour). On a un avant-goût de la première (une sortie d'avion quelque peu périlleuse) dès l'introduction. On revoit plus tard cette scène, sous un autre jour. Elle prend encore plus de saveur. Elle est mise en scène de manière percutante. (Signalons qu'aux manettes se trouve Ruben Fleischer, qui s'est déjà illustré avec Venom et Retour à Zombieland.)

   L'autre séquence marquante est celle de la découverte puis de l'hélitreuillage de deux navires anciens, totalement irréaliste, mais bien filmée et bien montée.

   Si les qualités du film sont indéniables, il faut quand même faire preuve d'indulgence avec le scénario et le jeu des acteurs. C'est une agréable détente, sans plus.

   P.S. I

   Le public français n'a peut-être pas compris le sous-texte d'une scène, un dialogue furtif entre le client d'un centre de vacances et le héros, sur une plage.

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   Ce client est interprété par Nolan North, très connu aux États-Unis pour ses doublages et sa participation à des séries télévisées... Surtout, il est la voix de Nathan Drake dans la version anglo-saxonne du jeu vidéo. (Cela confirme indirectement que les scénaristes ont fait le choix de rajeunir le personnage principal, sans doute pour attirer le public adolescent.)

   P.S. II

   En général, les spectateurs n'ont pas encore quitté la salle quand débarque la première scène post-générique. Elle est consacrée à un personnage de l'histoire appelé à réapparaître dans une suite...

   P.S. III

   ... suite amorcée par la seconde scène post-générique (que je suis le seul spectateur de la séance à avoir vue), qui présente deux des protagonistes, dans une situation délicate, au cours d'une nouvelle chasse au trésor. Mais j'ai surtout adoré voir émerger une charmante boule de poils d'un petit sac à dos !

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jeudi, 31 mars 2022

Icare

   Ce film d'animation luxembourgeois puise son inspiration dans la mythologie grecque, plus précisément l'arc narratif crétois. L'histoire entremêle ainsi les destins de Minos, Pasiphaé, Ariane, Thésée, Dédale et son fils Icare.

   Les amateurs de contes anciens retrouveront les histoires de leur jeunesse, autour de la naissance puis des méfaits du Minotaure, de l'habileté de Dédale, de l'impétuosité d'Icare et de l'héroïsme de Thésée. Les auteurs y ajoutent une touche personnelle, modifiant légèrement la trame des mythes. L'image est soignée, de texture numérique.

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   Au doublage, on reconnaît quelques voix : celle de Féodor Atkine dans le rôle du vieil architecte talentueux, celle de Camille Cottin en Ariane, fille de roi sûre de sa beauté... et qui rêve du grand amour.

   Cependant, j'ai été déçu par le traitement de l'intrigue. Les auteurs se sont concentrés sur la relation amicale qui naît entre Icare enfant et le jeune Minotaure. C'est un aspect original par rapport au mythe, mais je ne vois pas trop où ils ont voulu nous mener. Ces vieilles histoires sont à manier avec précaution. Elles sont le résultat de millénaires de sagesse. Elles évoquent des intemporels, comme la démesure politique, l'amitié, l'amour, l'inconscience de la jeunesse et la trahison.

   A part un éloge (maladroit) de la différence, je ne vois pas trop quoi tirer du gloubi-boulga qu'on nous sert. Je m'attendais à mieux. Mais cela se suit sans déplaisir, et cela marche plutôt bien auprès des gamins.

20:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 27 mars 2022

L'Ile aux 30 cercueils

   Depuis la semaine dernière, France 2 diffuse cette nouvelle adaptation du roman de Maurice Leblanc (dans lequel, contrairement à ce qu'il se passe dans la mini-série, Arsène Lupin finit par intervenir). Deux épisodes ont déjà été proposés aux téléspectateurs, les deux suivants étant programmés lundi 28 mars, les deux derniers lundi 4 avril. (L'intégralité est disponible sur le site de France Télévisions.)

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   Un couple se retrouve au cœur de la tourmente. De nos jours, Christine, une infirmière, retourne sur les lieux de son enfance, l'île (fictive) de Sarek, située à proximité des Glénan, dans le Finistère.

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   Des années auparavant, elle et son mari Raphaël avaient quitté les lieux, après la mort de leur enfant mort-né. Ils se sont reconstruits loin de là, mais sans enfant. Christine revient parce qu'elle a reçu une vidéo tournée au moment de son accouchement : le bébé aurait survécu. Elle se demande ce qu'il est devenu et essaie de l'identifier. Le problème est que deux garçons semblent correspondre... et que, dès son arrivée sur l'île, les morts violentes s'accumulent. Entre ceux qui savent quelque chose (et qui ne veulent pas remuer le passé) et ceux qui, bien que ne sachant rien, ont un avis bien tranché sur tout, l'infirmière doit la jouer finement, appuyée (discrètement) par le chef de la gendarmerie locale (secrètement amoureux d'elle) puis son mari, qui finit par la rejoindre.

   Par rapport au roman, beaucoup de choses ont été modifiées... et ce n'est pas forcément un mal. Qu'ont gardé les scénaristes ? La croyance en la perte de l'enfant, le départ puis le retour de la mère, l'existence de deux garçons, la crucifixion des femmes et l'histoire des fameux trente cercueils, une sombre prophétie qu'un tueur en série semble s'évertuer à accomplir.

   En dépit de certaines faiblesses, j'ai été pris par cette intrigue. La distribution est attrayante, avec Virginie Ledoyen, Charles Berling, Jean-François Stévenin (qu'on n'arrête pas de voir sur les écrans depuis qu'il est décédé !), Marilyne Canto, Dominique Pinon et une brochette de petits jeunes assez doués. On a envie de découvrir le fin mot de l'histoire, surtout dans sa forme double : la mort présumée du fils de Christine et le destin de cette autre femme, mère d'un autre enfant, qui a vécu sur la même île et qui a disparu quelques années auparavant.

   Le gros défaut de la mini-série est la peinture caricaturale qui est faite de ses habitants. Comme on a déplacé l'action principale de 1917 à 2021, on aurait pu nous éviter ces portraits de Bretons arriérés, superstitieux ou culs-bénits, alcooliques et violents, même si les derniers épisodes sont chargés de redorer quelque peu leur blason. Ceux-ci manquent d'ailleurs un peu de saveur si l'on a compris qui est à la manœuvre. Je conseille d'ailleurs de ne surtout pas (re)lire le roman avant de voir la série.

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   En revanche, après avoir vu cette adaptation assez éloignée de l'original, on peut se replonger dans la prose de Maurice Leblanc, un auteur à mon avis sous-estimé de notre littérature. La série diffusée récemment sur Netflix l'a remis au goût du jour... mais cela fait un petit moment qu'au Japon, par exemple, on lui rend hommage à travers le personnage d'Edgar de la Cambriole.

   Le roman de Leblanc est à mon avis plus ample que sa dernière adaptation télévisuelle. Celle-ci est centrée sur le drame intime et sur les tensions familiales, alors que l'histoire d'origine évoque des secrets millénaires et une tentation mégalomaniaque qui pourrait menacer l'humanité. Arsène Lupin n'intervient que dans le dernier tiers de l'intrigue, de manière déterminante. Je n'avais jamais lu ce roman (alors que je regardais jadis avec passion les aventures télévisuelles où brillait Georges Descrières). Je l'ai trouvé passionnant.

vendredi, 25 mars 2022

Ambulance

   Michael Bay est une sorte de Roland Emmerich au petit pied : versé dans le film à grand spectacle pas subtil, il a été capable de produire quelques grands succès populaires comme d'authentiques daubes (à gros budget).

   Ici, les héros sont deux frères d'adoption, un Noir et un Blanc. Le premier, incarné par Yahya Abdul-Mateen II (qui a déjà traîné sa carcasse dans Aquaman et Matrix Resurrections), est un vétéran d'Afghanistan tombé dans la précarité. Marié, père d'un bébé, il voudrait la jouer réglo et bien s'insérer dans le monde des civils, quitte à accepter le premier travail venu. (On sent la volonté des scénaristes de proposer un modèle positif à la frange du public issue des ghettos.)

   Surtout, Will voudrait éviter d'avoir à solliciter l'aide de son frangin blanc, Danny-la-débrouille, un flambeur un peu cinglé, toujours entre deux coups. Dans le rôle, Jake Gyllenhaal s'épanouit délicieusement dans la dinguerie.

   Une fois cette rangée de perles enfilée, on nous conduit à un spectaculaire braquage de banque, qui, bien évidemment, ne se déroule pas comme prévu. L'équipe de gros bras frappadingues réunie par Danny a beau avoir minutieusement préparé le coup, l'antigang est à leurs trousses... et le sentimentalisme de deux flics de Los Angeles menace de tout faire foirer. Cela donne une séquence survitaminée, avec une caméra un peu trop fébrile à mon goût, mais globalement efficace.

   En découle la fameuse poursuite, qui va durer (presque) tout le reste du film : les deux braqueurs rescapés du groupe ont pris en otage une ravissante infirmière (Eiza Gonzalez, vue dans Hobbes & Shaw), dans un camion-ambulance où se trouve aussi un policier gravement blessé. Entre la volonté de profiter du pognon mal acquis et le désir de ne pas commettre de mal irréparable, les voleurs sont partagés, à des degrés divers.

   Cette deuxième (longue) partie frôle dangereusement l'invraisemblance : dans la vraie vie, les fuyards auraient été bien plus rapidement rattrapés... mais cela nous aurait notamment privés de l'exceptionnelle opération à ventre ouvert, dans un véhicule en marche. L'infirmière y fait montre de sa dextérité à explorer les tripes du policier blessé, qui a le mauvais goût de se réveiller en pleine boucherie chirurgie expérimentale ! Là, je kiffe. Les traits d'humour noir atteignent leur cible, alors que la trame chaotique de l'amour fraternel est assez convenue.

   Bon, voilà, c'est trépidant, vraiment prenant, dans une grande salle, sur un très grand écran, avec du gros son, de grosses bagnoles, de gros guns, de grosses voix, de grosses burnes... et de gros ovaires. (L'infirmière a beaucoup de cran.) Hélas, cette emballante farandole est gâchée par les dernières minutes, engluées dans les bons sentiments. Bay aurait dû resserrer son histoire autour de la déglingue et des cascades. Cela aurait pu donner un excellent divertissement régressif.

22:01 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 20 mars 2022

L'anneau de Brokenwood

   Ce dimanche soir, France 3 poursuit la diffusion de la septième saison de la série Brokenwood, commencée la semaine dernière avec "Le Garrot et le Vinkelbraun". Pour réussi qu'il soit, cet épisode m'a moins marqué que celui programmé ce soir : "Un bien-être qui fait mal".

   L'action se déroule dans un centre de remise en forme écolo, dont les principes s'inspirent des "philosophies orientales". L'alcool, le tabac, la viande, le sucre et les produits laitiers en sont bannis, afin que les pensionnaires (féminines... et plutôt fortunées)  soient plus aptes à se "retrouver", se réconcilier avec la nature. Cet arrière-plan est parfois savoureux, les scénaristes s'étant amusés à insérer, tout au long de l'épisode, des scènes relativisant le tableau idyllique présenté au début. (L'ambiance ressemble un peu à ce qu'on a pu voir dans certains épisodes de Meurtres au paradis.)

   Le corps d'une cliente est retrouvé, un matin, dans le sauna. Débarque alors l'équipe d'enquêteurs, constituée de personnages aux caractères bien affirmés, l'une des réussites de la série.

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   Commençons par Mike Shepherd, le berger commandant (DSS, detective senior sergeant) de la brigade criminelle.

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   Originellement en fonction à la Direction centrale de la police, il débarque à Brokenwood (petite ville fictive située au nord d'Auckland) dans le premier épisode de la saison 1. Quinquagénaire bedonnant, multidivorcé, il roule dans une antiquité (avec lève-vitre manuel), écoute de la musique country sur de vieilles cassettes audio et aime le bon vin. Il est plutôt empathique, parfois un brin caustique... et inventif. Il ne suit pas toujours le règlement à la lettre. Son aspect quelque peu débraillé fait qu'on le sous-estime souvent. À tort.

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   Son adjointe est la capitaine (detective) Kristin Sims. Cette jolie blonde se fait régulièrement draguer au cours des enquêtes... mais elle n'est pas facile à séduire. De plus, elle sait très bien comment remettre à sa place un prétendant trop insistant. (Elle trouve les mecs du coin trop lourds ou pas fiables). Elle est pleinement investie dans son travail... et plus rigoureuse que son supérieur hiérarchique, qui sait pouvoir se reposer sur elle. (À la lecture des lignes qui précèdent, vous aurez compris qu'il s'agit de mon personnage préféré.)

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   Un troisième gradé complète l'équipe, le lieutenant (detective constable) Breen. Toujours d'apparence impeccable quand il est en service, il sert un peu d'homme à tout faire à ses supérieurs, qui s'ingénient à lui confier des tâches ingrates. Il râle, mais accomplit très bien son travail. Il est parfois un peu lourd (mais pas méchamment). Il contribue à mettre une bonne ambiance dans la série... qu'il quitte hélas au cours de cette septième saison (l'acteur s'étant engagé dans d'autres projets). Il est remplacé par Daniel Chalmers :

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   Ce nouvel enquêteur va introduire de la diversité au sein de la brigade. Il est d'origine maorie et, comme le t-shirt qu'il porte le suggère, n'a pas les mêmes goûts musicaux que son commandant. J'ai déjà pu voir l'un des épisodes suivants et je peux dire qu'il se révèle bon flic, pas très causant, avec sans doute un passé dont il n'aime pas parler. (Je pense qu'avec son arrivée, la production a voulu combler le départ d'un autre second rôle régulier, celui du jeune Jared, lui aussi maori.)

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   Je m'en voudrais de terminer cette présentation sans mentionner Gina, la légiste d'origine russe, ravie de l'arrivée du commandant Shepherd dans la brigade. Elle le drague ostensiblement et voit la capitaine Sims comme une rivale qu'il faut remettre à sa place. Dans la version française, elle est délicieusement doublée par une comédienne qui lui donne un accent est-européen très prononcé. (C'est l'occasion de préciser que la version française est très bonne. Je conseille aussi toutefois de tenter de temps à autre la V.O., pour goûter l'accent néo-zélandais, distinct du britannique et du nord-américain.)

   Les histoires sont en général assez complexes, les seconds rôles toujours bien écrits (et interprétés). L'ambiance est bon enfant, parfois un peu scabreuse, le tout sur fond de musique  country. C'est une sorte de feel good series, comme diraient les Anglo-Saxons.

   Dans l'épisode inédit de ce soir, une bague joue un rôle particulier. C'est le prétexte à de multiples allusions au Seigneur des anneaux, dont les adaptations cinématographiques ont été tournées, rappelons-le, en Nouvelle-Zélande, patrie du réalisateur Peter Jackson. Les spectateurs un peu observateurs noteront que l'un des personnages secondaires se prénomme... Frodon.

samedi, 19 mars 2022

Notre-Dame brûle

   J'avais quitté Jean-Jacques Annaud en 2015, avec Le Dernier Loup. Le revoici avec un film à grand spectacle, ayant bénéficié de nombreux financements publics... et du mécénat Pinault. C'est une sorte de fiction à caractère documentaire.

   La début met en scène les heures précédant l'incendie. On nous propose d'abord de superbes vues de Paris, l'un des plans s'achevant derrière la cathédrale, avec la Tour Eiffel en ligne de mire, sur la gauche. Ce côté carte postale est très présent dans le film, qui prend parfois l'allure d'un dépliant touristique consacré à la capitale et à Versailles.

   Le scénario comme la réalisation ne tranchent pas franchement entre les différentes hypothèses concernant le déclenchement du feu. Entre l'abandon de mégots de cigarettes mal éteints dans une zone inflammable, les travaux de coupure et de soudure réalisés sur place et les conséquences de courts-circuits (liés à une installation électrique vieillissante... ou à l'action des pigeons !), chacun est laissé libre de choisir.

   La suite immédiate n'est pas à l'honneur des Français. La sécurité de la cathédrale apparaît chancelante, reposant sur des personnes très âgées (censées être capable de monter rapidement des dizaines de marches d'escalier) ou des travailleurs précaires, formés à la hâte. L'arrivée des secours est retardée par les embouteillages parisiens, l'incivisme de certains conducteurs, piétons ou cyclomotoristes... et les travaux de voirie, qui ont empêché au moins un camion de pompiers de rejoindre rapidement les lieux. (Hidalgo, démission !) Quant au régisseur en chef de la cathédrale (qui possède la seule clé capable d'ouvrir une serrure stratégique), il met un temps fou à revenir au centre de Paris, ratant sa correspondance RER (Pécresse, démission !) puis peinant à trouver un "vélib" en état de fonctionner !

   Arrivent enfin à l'écran ceux qui vont occuper l'essentiel du reste de l'action : les pompiers. Le film est un hommage à leur courage et leur ingéniosité, qui ont sans doute sauvé l'édifice d'un effondrement total. Les plus convaincants sont les acteurs campant les pompiers de terrain, les "bleus" comme les expérimentés. Je suis moins emballé par ceux qui incarnent les officiers supérieurs, en particulier Samuel Labarthe, que j'ai déjà vu bien meilleur ailleurs. (Qu'elle est loin, la Comédie française !)

   Des hommes embarqués dans un maelstrom de feu, Annaud sait faire. Sur un très grand écran, c'est incontestablement spectaculaire. Le cinéaste sait créer une tension dramatique autour de l'action des pompiers. Certains plans sont particulièrement réussis, notamment quand il est question du plomb en fusion, mais aussi à l'intérieur de l'église, le mobilier étant tour à tour touché par le feu et par l'eau. Autre point fort : la séquence qui mène au sauvetage (en deux temps...) de la couronne d'épines.

   Tout cela aurait pu donner un film formidable, si je n'avais pas quelques réserves à émettre. Il y a tout d'abord la direction d'acteurs. Si on met de côté l'action des pompiers de base, le reste est vraiment médiocre, très appuyé. (Le pire du lot est le sacristain en chef de la cathédrale, caricatural au possible.) J'ai aussi été gêné par l'aspect "cul-bénit". Qu'on rende hommage aux croyants sincères qui ont été bouleversés par les ravages subis par l'édifice, d'accord, mais pas au point de faire de la propagande religieuse. Le coup de la gamine, qui échappe à sa mère (ainsi qu'à tous les adultes présents sur place) pour allumer son petit cierge... le seul qui finit non éteint dans une cathédrale obscure... c'est un peu too much pour moi.

   P.S.

   Dans le cadre de la Fête du court-métrage, nous avons eu droit, en guise d'amuse-gueule, à Bouquet d'illusions (dit aussi The Triple-Headed Lady), de Georges Méliès.

23:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

King

   Ce roi est... un lionceau, clin d’œil transparent à la production Disney, à laquelle le réalisateur David Moreau emprunte une partie des codes, quand il ne pioche pas chez Spielberg. Comme chez le réalisateur barbu, les adultes sont à côté de la plaque et ce sont les enfants les moteurs de l'intrigue.

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   Mention spéciale à Lou Lambrecht, chargée d'incarner une préadolescente non conformiste, victime de cyber-harcèlement. Je suis nettement moins convaincu par les autres interprètes, adultes comme enfants. Soit ils surjouent, soit ils sont empêtrés dans des personnages taillés à la hache.

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   Évidemment, le personnage le plus intéressant est celui du lionceau... une créature virtuelle dans la plupart des scènes. Et pourtant, il semble plus vrai que nature... et très très mignon. Quand on aime les félins, on ne peut pas ne pas craquer pour lui.

   Et l'histoire dans tout ça ? Cousue de fil blanc, parfois invraisemblable, mais rythmée, avec un poil d'humour, de l'émotion et des rebondissements (assez prévisibles). Notons que les auteurs ont eu l'intelligence de faire évoluer positivement plusieurs personnages, adultes comme enfants, en particulier le frère de l'héroïne (qui commence à mûrir après avoir reçu un bon coup de poing dans les burnes) et le fils du traqueur de lion, une véritable tête à claques rivée à son portable (persuadé qu'écouter fort du rap bas-de-gamme fait de lui un rebelle).

   Les enfants adorent et l'on passe un gentil moment.

   P.S.

   Dans le cadre de la Fête du court-métrage, en guise hors-d’œuvre, nous avons eu droit à Chute (Down), un petit film pétillant, à l'humour macabre... pas tout à fait adapté au public de la salle (qui n'y a d'ailleurs guère prêté attention).

22:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 13 mars 2022

Le Tueur de l'ombre

   Je ne connaissais pas cette série danoise, dont Arte vient de mettre en ligne l'intégralité des huit épisodes de la saison 2 (dont la diffusion télévisuelle est programmée les jeudis du mois de mars). Compte tenu de récentes très bonnes expériences sur la chaîne franco-allemande (l'horrifique Stag, la sociétale 30 degrés en hiver et la captivante Bron), j'ai tenté ma chance... et je ne me suis pas arrêté avant d'avoir avalé les huit épisodes.

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   L'action se déroule dans les environs d'Odense, sur l'île de Fionie (la troisième plus grande du Danemark). Une équipe de la police criminelle continue à travailler sur trois meurtres non élucidés, perpétrés cinq ans plus tôt. Les policiers sont persuadés d'avoir affaire à un tueur en série, qui aurait mis un terme à ses méfaits pour une raison inexpliquée. Cependant, un quatrième meurtre survient, qui laisse à penser qu'il est de retour...

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   La traque du criminel va être menée par deux femmes talentueuses. À gauche se trouve Karina, la cheffe de l'équipe d'enquêteurs, calme et pugnace. À droite se trouve la consultante Louise, experte en psychologie criminelle (déjà présente dans la saison 1).

   Au-delà de l'aspect policier, les huit épisodes évoquent la vie personnelle de femmes très engagées dans leur activité professionnelle, montrant des situations qui, il y a trente ans, auraient été mises en scène avec des hommes à leur place. Ainsi la policière peut compter sur un mari bienveillant, qui s'occupe attentivement de leur progéniture. La psychologue peine à s'engager affectivement, tant elle est prise par son boulot. On croise aussi une magistrate qui n'a pas la langue dans sa poche et une cadre commerciale qui quitte son époux pour occuper un poste de direction à Singapour.

   L'autre spécificité de l'intrigue est qu'on découvre assez vite qui est l'auteur des crimes. Mais cela n'enlève rien au suspens distillé par l'histoire. D'abord parce qu'il est suffisamment malin pour être passé sous les radars. Pendant très longtemps, les policiers ne parviennent pas à l'identifier, ni même à récupérer quoi que ce soit provenant de lui. De plus, un grand mystère place quant à ses motivations... si bien qu'on se demande quand il va récidiver et contre qui.

   C'est bien filmé, bien joué (et plutôt bien doublé, pour celles et ceux qui n'ont pas envie de se plonger dans la version danoise sous-titrée), accompagné d'une musique adéquate (intrigante voire inquiétante).

   Je recommande vivement.

vendredi, 11 mars 2022

Belfast

   Kenneth Branagh revisite son enfance nord-irlandaise, entre pastilles de bonheur et éclairs de violence. Le ton est donné dans les cinq premières minutes. On commence par voir ces jeunes filles portant jupe et grandes soquettes blanches, dans un monde en noir et blanc où la guerre civile fait soudain irruption. La suite va osciller entre ces deux ambiances et c'est l'un des (rares) mérites de cette histoire, qui parvient à rendre crédible cette juxtaposition. Dans la vision de l'enfant, la perception du drame en gestation est incomplète, entachée d'incompréhension... et parfaitement compatible avec des moments de bonheur, faisant intervenir les grands-parents, les parents, la jolie blonde de l'école ou encore l'activiste à couettes.

   C'est de surcroît superbement mis en images. Branagh s'appuie sur son directeur de la photographie habituel, qui lui a déjà sauvé la mise à plusieurs reprises. Mais le résultat a un côté carte postale qui finit par lasser.

   ... parce qu'au final, j'ai trouvé ce film décevant. Je l'ai vu en version originale sous-titrée et je n'ai pas trouvé cela très bien interprété. Clairement, le gamin surjoue. De plus, trop de personnages parlent comme dans des livres. Ils ont beau avoir un fort accent irlandais, ils causent un peu trop bien. S'ajoutent à cela une brochette de clichés dans la caractérisation. Les relations chaotiques entre les parents sont de l'ordre du vu et revu. Les grands-parents (pourtant incarnés par Judi Dench et Ciarán Hinds) sont des caricatures ambulantes. À leur sujet, on peut quasiment tout prévoir. Et que dire de cette rue populaire, où tout semble si propre, même après un attentat ?

   Quant au conflit nord-irlandais, il sert principalement de toile de fond et d'accélérateur dramaturgique... mais il vaut mieux connaître les dessous de l'Histoire pour comprendre les sous-entendus.

   Bref... bof.

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mercredi, 09 mars 2022

Un inspecteur illettré ?

   Dans ce billet, il ne sera pas question d'un officier de police à l'expression écrite défaillante, mais... d'un haut-fonctionnaire de l’Éducation Nationale. Aujourd'hui, durant ma pause de midi, j'ai commencé à feuilleter le dernier numéro du Canard enchaîné. Mon regard a été attiré par un article se trouvant au bas de la page 1 :

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   Comme souvent dans les documents administratifs de l'EN (auxquels les parents peuvent désormais parfois avoir accès en cherchant sur le site de l'académie dont dépendent leurs enfants), on trouve des formulations jargonneuses, dont le profane se demande ce qu'elles peuvent bien vouloir dire. Mais, surtout, ce texte est truffé de fautes de français ! Un comble pour un inspecteur d'académie, dont l'hebdomadaire satirique ne dévoile toutefois pas l'identité.

   Celle-ci n'est pas difficile à trouver. En se rendant sur le site de la DSDEN de la Loire, on découvre qu'il s'agit d'un certain Dominique Poggioli. Pour connaître son pedigree, il faut fouiller dans le maquis des nominations publiées au Journal Officiel. On finit par apprendre que ce monsieur fut à l'origine un enseignant, agrégé, non pas de Lettres (ouf !), mais de SVT. Devenu inspecteur, il a vogué de Corse en Lot-et-Garonne, en passant par le Val-d'Oise. C'est en 2020 qu'il est devenu DASEN de la Loire. Pour la petite histoire, sachez que sa nomination, en théorie pour quatre ans, s'accompagnait d'une période probatoire de six mois, à l'issue de laquelle il aurait pu se voir retirer le poste. Jusqu'en mars 2021, il devait donc se montrer irréprochable...

   À la lecture de l'article du Canard, l'amusement et l'irritation le disputent à l'incrédulité. Comment une telle sommité a-t-elle pu aussi mal rédiger une circulaire de quatre pages, de surcroît destinée aux enseignants du primaire ? Quid d'un(e) éventuel(le) secrétaire pour rectifier les erreurs du ponte à l'orthographe défaillante ? Comment est-il possible qu'autant de gaffes soient passées au travers d'une simple relecture ?

   Pour obtenir la réponse à ces questions, je comptais sur une enseignante de français faisant partie du cercle de mes relations. Je lui ai montré cet article. Je pensais qu'elle allait déployer son ironie féroce à l'encontre du texte imbitable rédigé par le ponte de l'EN... eh bien, non. Elle fut tout simplement consternée. C'est un peu à l'image de certains enseignants de ma connaissance, des personnes impliquées dans leur travail, mais effarées par la médiocrité dans laquelle est tombé l'enseignement en France : on n'apprend plus correctement à lire et écrire à nos enfants, on se montre de moins en moins ambitieux pour eux et les cadres dirigeants sont coupés des réalités, ou bien dans le déni, se gargarisant d'idées générales et de formules ampoulées.

jeudi, 03 mars 2022

Rien à foutre

   Il est rarement aisé de choisir un titre judicieux pour son film. Ici, a-t-on hésité entre Rien à branler et J'm'en bats les couilles ? Difficile à dire. Cela correspond à ce que pourrait déclarer l'héroïne, Cassandre, hôtesse de l'air dans une compagnie low cost basée à Lanzarote, dans les îles Canaries.

   Cette hôtesse a les traits et le corps d'Adèle Exarchopoulous. J'ai écrit le corps, parce qu'une hôtesse, c'est, pour beaucoup de passagers (et les cadres de la compagnie), d'abord un sourire et une paire de jambes (dont il faut soigner l'apparence).

   La jeune femme voyage à l’œil, voit du pays, rencontre du monde, boit beaucoup d'alcool, baise à droite à gauche sans souci du lendemain et passe une partie de ses loisirs à danser sur de la musique moderne assourdissante. Pour certains, cela ressemble à une vie de rêve. Sauf que Cassandre fait un peu la gueule et qu'elle a des moments de cafard. C'est la facette la plus intéressante du personnage... malheureusement, je ne la trouve pas bien traitée (ou jouée) dans la majorité du film.

   Celui-ci a aussi un aspect documentaire. Qu'est-ce que c'est que de travailler dans ce genre de compagnie ? Quelles consignes sont données par les patrons ? Comment gère-t-on les passagers ? À quoi ressemble vraiment la vie loin des paillettes, quand les hôtesses ont ôté leur habit de lumière ? Pour qui ne connaît rien de ce milieu, c'est instructif. On en apprend aussi sur les conditions salariales et les perspectives de carrière. Le tableau n'est pas exclusivement à charge. L'héroïne, d'abord simple hôtesse "junior" (le bas de l'échelle), a la possibilité de devenir "numéro 1" (cheffe de cabine), avec une meilleure paye... mais aussi des contraintes plus grandes. Le rêve de ces jeunes femmes ? Se faire embaucher par une compagnie prestigieuse, qui offre un meilleur statut à ses employées. On ne sait pas ce que deviennent celles qui décrochent en cours de route.

   Dans les deux premiers tiers, c'est un peu long, un peu déprimant. (J'étais triste pour ces jeunes femmes.) Le film prend une autre tournure dans le dernier tiers de l'histoire. Cassandre passe ses congés dans son pays natal, la Belgique, chez son père. Elle retrouve ses amis, sa sœur cadette... et les problèmes qui vont avec. J'ai vraiment aimé cette partie, qui commence pourtant mal, avec l'incompréhension entre le père (agent immobilier) et sa fille aînée (qu'il traite avec condescendance). Petit à petit, les scènes du quotidien donnent de l'épaisseur au portrait de l'héroïne, qui semblait assez superficielle au départ. L'intrigue se conclut à Dubaï, en pleine pandémie.

mercredi, 02 mars 2022

The Batman

   Moins de dix ans après la sortie de The Dark Knight Rises, la Warner a décidé de relancer une série de films sur le plus rentable populaire de ses super-héros. Aux manettes se trouve Matt Reeves, qui s'est précédemment illustré avec La Planète des singes. Tout de même... il fallait des couilles pour tenter de succéder à Christopher Nolan... et peut-être aussi un max de thunes, comme le susurre fielleusement ma voisine de droite (200 millions de dollars, selon les estimations les plus récentes).

   Concernant la distribution, je suis partagé. Robert Pattinson (pour lequel le rôle principal aurait été réécrit) et Zoë Kravitz s'en sortent assez bien, mais ils ne font pas oublier certains de leurs prédécesseurs. (Christian Bale était un meilleur Batman et Michelle Pfeiffer une Catwoman bien plus inspirante.) De plus, j'ai beau apprécier Andy Serkis, dans le rôle d'Alfred Pennyworth, je regrette Michael Caine. Je ne suis pas non plus emballé par la nouvelle version du Pingouin (Rendez-nous Danny DeVito !) ... mais qui sait ce que nous réserve la suite ?

   Heureusement, certains seconds rôles relèvent le niveau : Jeffrey Wright fait un bon lieutenant Gordon, John Turturro un mafieux très convaincant et Paul Dano un psychopathe redoutable, particulièrement machiavélique.

   Cependant,  les véritables qualités du film sont ailleurs. C'est d'abord d'une grande beauté formelle. L'image est souvent sombre, tout en restant parfaitement visible (contrairement à ce que j'ai pu voir dans d'autres grosses productions). La photographie est superbe, servie par de bons effets spéciaux, très bien intégrés à l'action. Cela m'amène à la mise en scène, épatante. J'ai presque envie de retourner voir le film pour en savourer de nouveau certains plans. Reeves a un vrai talent pour choisir ses cadrages et les angles de prise de vue. Pour moi, les scènes (quasi) statiques (le plus souvent des vues urbaines) sont plus belles que les scènes d'action, pourtant très réussies. On attend bien sûr celle avec la Batmobile. (Au début, le héros ne se déplace qu'à moto.) On est cueilli par la beauté d'un combat rapproché, dans l'obscurité, sporadiquement éclairé par le fonctionnement des armes à feu. Enfin, je recommande particulièrement la séquence finale, dans le stade, un moment d'anthologie.

   Le tout est accompagné d'une musique bien choisie (due à Michael Giacchino, l'Alexandre Desplat américain), parfois fascinante... parfois un brin humoristique (avec une allusion au personnage de Dark Vador). Surtout, j'ai aimé qu'on nous propose une histoire à rebondissements, pas aussi linéaire qu'on pouvait le craindre... même si je déplore la peinture quasi systématiquement négative des élites, une tendance lourde du cinéma contemporain (mais qui est conforme à ce qu'on trouve dans la BD d'origine).

   Bref, c'est un très bon spectacle, dans la veine du Joker de Todd Philips, avec une pincée du Seven de David Fincher.

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mardi, 01 mars 2022

Un autre monde

   ... est-il possible ? C'est ce que semble se demander Stéphane Brizé, dans ce dernier (?) volet de ce qu'on appelle désormais sa "trilogie sociale", après La Loi du marché et En Guerre. Comme pour les deux précédents, il s'appuie sur Vincent Lindon qui, après avoir incarné un employé servile puis un syndicaliste combatif, s'est coulé (magnifiquement) dans le rôle d'un patron d'usine, Philippe Lemesle.

   Ce n'est pourtant pas par cet aspect de l'intrigue que le film commence. La première séquence est celle du rendez-vous entre deux époux qui divorcent, chacun(e) appuyé(e) par un(e) avocat(e). Comme souvent dans ce genre de situation, c'est tendu, mais aussi plein d'émotion, des deux côtés. En (future) ex-femme du héros, Sandrine Kiberlain (qui fut jadis la compagne de Vincent Lindon, dans la vraie vie) est excellente. Complètent le couple deux enfants : une fille, étudiante brillante (expatriée), et un garçon un peu "décalé", incarné par Anthony Bajon (meilleur que dans Une Jeune Fille qui va bien... où il était dirigé par Sandrine Kiberlain !).

   L'histoire alterne les moments intimes (familiaux) et les scènes d'entreprise, soit à l'intérieur de l'usine dirigée par le héros, soit entre les cadres du groupe auquel elle appartient. Quel que soit le milieu représenté, j'ai été frappé par la qualité des dialogues et de l'interprétation. Dans le monde entrepreneurial, deux femmes se distinguent : Marie Drucker en patronne ambitieuse et Sarah Laurent en syndicaliste pugnace. Tous les seconds rôles sont épatants : bravo à la directrice du casting (Coralie Amedeo, déjà à l’œuvre sur La Loi du marché et En Guerre).

   C'est au niveau de la mise en scène que, me semble-t-il, Stéphane Brizé suit des chemins différents de certains de ses précédents films. Souvent, l'objectif se fixe sur un personnage ou un petit nombre de personnes, tandis qu'une discussion se poursuit autour d'eux, sans qu'ils continuent à y participer. Le réalisateur a sans doute voulu montrer le sentiment de décalage que ressentent certains protagonistes, ainsi que l'exclusion.

   Sur le fond, il s'agit d'une dénonciation du capitalisme boursier, expliqué de manière pédagogique au cours d'une scène de visioconférence, au cours de laquelle le PDG du groupe états-unien donne une petite leçon d'économie financière à ses cadres français. Les plus futés des spectateurs remarqueront que les scènes avec le fils (mentalement perturbé) font écho à la situation de l'entreprise que dirige son père. Dans un premier temps, son obsession des chiffres (à propos du trajet effectué par ses parents pour venir lui rendre visite) crée le malaise... mais elle est comme un décalque de la culture du résultat à l’œuvre dans la boîte de son père. Plus loin, il est question de l'activité de marionnettiste, qui permet au jeune homme de se structurer... mais on pense évidemment au management du groupe auquel appartient l'usine dirigée par son père.

   Entre drame familial, contraintes économiques et urgence sociale, Stéphane Brizé réussit son coup... mais n'attire pas le public : nous n'étions que quatre dans la salle.

dimanche, 27 février 2022

Blacklight

   Cette "lumière noire" est un révélateur : elle rend visible ce qui n'apparaît pas à l’œil nu. Au sens symbolique, il est bien évidemment question d'un complot, un thème archi-rebattu par les scénaristes hollywoodiens, qui nous en offrent une énième resucée, sous la houlette de Mark Williams (II), réalisateur de The Good Criminal... déjà avec Liam Neeson (qu'on a vu depuis dans Ice Road).

   C'est en raison de la présence de celui-ci au générique que je me suis laissé tenter par cette histoire très très balisée. Celles et ceux qui ont vu de nombreux films d'action ou des polars conspirationnistes n'y dénicheront que peu d'inventivité.

   À noter toutefois que, dans ce film-ci, ce bon vieux Liam incarne un agent du FBI sur les épaules duquel le poids des ans commence à peser : il s'essouffle lors d'une poursuite à pieds, n'a pas le dessus lors d'une confrontation musclée et laisse échapper l'un de ses protégés, un jeune policier brillant qui a pété les plombs.

   Par contre, au volant de sa bagnole ou une arme au poing, Travis Block reste une redoutable machine à tuer, comme vont s'en rendre compte quelques méchants très méchants. En face, Liam incarne un gentil... pas si gentil que cela. Bien entendu, sa conscience professionnelle aiguë lui a fait rater sa vie familiale. Il essaie tardivement (et maladroitement) de se rattraper.

   Au niveau de la mise en scène, on ne se fout pas de la gueule du client : les poursuites en voitures sont bien maîtrisées, tout comme les rares scènes de corps-à-corps. J'ai aussi apprécié la représentation des tocs du héros. Je n'en dis pas plus mais, soyez attentifs dès le début. On pourrait avoir l'impression que c'est mal réalisé, mais, en fait, il s'agit de nous faire toucher du doigt la principale manie de Travis.

   La musique est clinquante, mais cohérente avec le sujet. Dans la salle, j'étais donc en train de me dire que j'allais pondre une critique très positive de ce film... mais c'était avant le dernier quart d'heure. A-t-on arrêté de payer les scénaristes ? A-t-on manqué de budget pour clore dignement cette intrigue ? Toujours est-il que la résolution du complot et la mise hors d'état de nuire des méchants interviennent un peu trop facilement, je trouve. C'est dommage, parce que les trois quarts du film sont assez prenants, pour qui aime le genre.

 

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vendredi, 25 février 2022

Une jeune fille qui va bien

   Pour sa première réalisation, Sandrine Kiberlain mêle histoire familiale et amour du théâtre, dans une fiction qui s'inspire semble-t-il (un peu) de la vie d'Hélène Berr, rendue célèbre par son Journal :

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   Au vu du prénom de l'héroïne, on est aussi tenté de voir une référence à Irène Némirovsky, bien qu'elle soit d'une génération différente.

   Le début n'est pas situé dans le temps... même si, en regardant les vêtements portés par les personnages (et leur environnement technologique), on se doute bien que l'action se déroule il y a plusieurs dizaines d'années.

   Ce début ne m'a pas emballé du tout. Il est centré sur le théâtre, les répétitions et les relations entre de jeunes adultes (certains pas encore majeurs à cette époque), le tout de manière allusive. Je n'ai pas trouvé cela très bien joué (ni dirigé).

   C'est petit à petit, au fur et à mesure que le contexte se précise, que cela devient passionnant. D'abord parce qu'on découvre progressivement les contraintes qui pèsent sur l'héroïne et la majorité de ses proches. Ensuite parce qu'il est d'abord question de la vie d'une jeune femme, qui tente de concilier bonheur familial, réussite dans les études... et grand amour. On la voit se chercher, tâtonner, le tout à une époque où l'on serait tenté de penser que d'autres sujets obsédaient les esprits.

   C'est fidèle à ce qu'on trouve dans le journal d'Hélène Berr. Celle-ci ne prépare pas le Conservatoire, mais étudie l'anglais (en visant l'agrégation, puis une thèse), tout en jouant de la musique classique. Autant qu'Irène, elle est mue par l'envie de vivre, malgré tout.

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   Cela passe parce que l'intrigue est magnifiquement servie par son interprète principale, Rebecca Marder (aperçue dans La Daronne). Dès qu'elle se trouve à l'écran, elle illumine la scène. Voilà une actrice à suivre. Je suis moins convaincu par la prestation d'Anthony Bajon, que j'ai vu bien plus à son aise ailleurs (par exemple dans Teddy).

   On suit les pérégrinations sentimentales d'Irène, parallèles à ses activités théâtrales, tout en s'inquiétant à propos des nuages sombres qui s'accumulent au-dessus de la tête des juifs de Paris.

   La fin, abrupte, a déconcerté certains spectateurs. Je la trouve parfaitement justifiée.

 

mercredi, 23 février 2022

Maigret

   Patrice Leconte adapte l'un des romans de Georges Simenon, Maigret et la jeune morte. Le recentrage du titre sur le personnage du commissaire indique la volonté du réalisateur de mettre en avant la personnalité du policier, incarné par un Gérard Depardieu sobre et efficace, bien que parfois un peu pataud. (Celles et ceux qui veulent le retrouver avec plus de pêche n'ont qu'à aller voir Maison de retraite.)

   Au départ, la morte n'a pas de nom. Elle est à l'image de nombreuses jeunes femmes de province "montées" à Paris : anonyme et vulnérable. Elle est incarnée par Clara Antoons, découverte dans la série Candice Renoir, où elle interprète la fille de l'héroïne.

   D'autres comédiennes sont à leur avantage dans ce film : Aurore Clément (en grande bourgeoise), Mélanie Bernier (en petite arriviste) et surtout Jade Labeste, dont le personnage (Betty) est comme un double de la victime, mais un double que Maigret prend sous son aile, pour des raisons qui demeurent obscures.

   C'est l'un des grands intérêts de l'histoire : l'étrange relation qui se noue entre cette fille perdue et l'enquêteur souffreteux. Elle a du mal à comprendre qu'un homme s'intéresse à elle sans attendre quelque chose en retour. Lui semble d'abord vouloir lui éviter le destin de tant de jeunes provinciales. Peut-être aussi effectue-t-il un transfert sur Betty, en qui il voit un possible substitut à sa propre fille. Et puis, au détour d'un regard, on sent quand même, à un ou deux moments, qu'il pourrait y avoir du désir.

   A côté de cela, l'intrigue policière apparaît presque secondaire. Elle est correctement construite, mais ne suscitera pas l'enthousiasme des amateurs d'histoire compliquée. On se consolera en se plongeant dans le Paris des années 1950, grisâtre et dangereux pour la plupart des pauvres.

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mardi, 22 février 2022

Mes César 2022

   Je n'ai pas encore eu le courage de dresser mon palmarès de l'année cinématographique écoulée... et je n'aurai sans doute ni le temps ni la volonté de m'y mettre avant que l'académie du septième art hexagonal ne distribue ses statuettes. Ben, du coup, je vais énoncer mes choix, avec l'immense avantage que les lauréats auront reçu 100 % des voix ! Pour ce faire, je vais suivre l'ordre des nominations, tel qu'il est paru sur le site officiel.

   César de la meilleure actrice : Virginie Efira, pour sa prestation dans Benedetta... et l'ensemble de sa carrière. Cela fait un petit moment déjà qu'elle aurait dû recevoir une statuette.

   César du meilleur acteur : Gilles Lellouche, nommé pour Bac Nord, mais qui est formidable dans Adieu Monsieur Haffmann. Là encore, il est grand temps que ce comédien soit distingué, lui dont le talent a longtemps été sous-estimé.

   César de la meilleure actrice dans un second rôle : Cécile de France, pour Illusions perdues... mais je ne trouverai pas scandaleux que soit récompensée Jeanne Balibar (présente dans le même film) ou Adèle Exarchopoulos, pour sa prestation dans Mandibules. Ce dernier choix permettrait de distinguer un film réalisé par le talentueux Quentin Dupieux.

   César du meilleur acteur dans un second rôle : Vincent Lacoste, pour Illusions perdues... mais, au vu de la qualité de la concurrence, un autre choix ne serait pas illogique.

   César du meilleur espoir féminin : un seul choix possible, celui d'Agathe Rousselle, pour Titane, un film de surcroît tenu un peu à l'écart des nominations majeures.

   César du meilleur espoir masculin : pas trop d'idée... pourquoi pas Benjamin Voisin, pour Illusions perdues (qui risque d'être le grand vainqueur de la soirée) ?

   César du meilleur scénario original : je pencherais pour Yann Gozlan, Simon Montaïrou et Nicolas Bouvet-Levrard, pour Boîte noire... mais, de manière incompréhensible, Arthur Harari et Vincent Poymiro sont nommés dans la même catégorie, alors que l'histoire de l'excellent Onoda est inspirée d'un livre ! A choisir entre les deux, je privilégierais le second.

   César de la meilleure adaptation : il semble destiné à Illusions perdues, puisque son principal rival (Onoda) a été reversé dans la catégorie précédente. Comme je n'apprécie pas ce genre de magouille (et que j'ai émis des réserves sur la manière dont le roman de Balzac a été adapté), je me prononce donc pour Les Choses humaines, un scénario bien moins démagogique que celui du film de Giannoli.

   César de la meilleure musique originale : il me semble évident que Warren Ellis et Nick Cave soient récompensés pour La Panthère des neiges.

   César du meilleur son : autre évidence en faveur de Nicolas Provost, Nicolas Bouvert-Levrard et Marc Doisne pour Boîte noire.

   César de la meilleure photo : pour moi, Tom Harari se détache, en raison de son travail sur Onoda - 10 000 nuits dans la jungle.

   César du meilleur montage : difficile de se prononcer... mais avantage à Cyril Nakache, pour Illusions perdues.

   César des meilleurs costumes : grosse concurrence, mais je place devant Madeleine Fontaine, pour Délicieux (autre film injustement exclu des principales récompenses).

   César des meilleurs décors : rebelote avec Bertrand Seitz pour Délicieux.

   César des meilleurs effets visuels : Stéphane Taillasson, pour Eiffel. (C'est ce qu'il y a de mieux dans ce film médiocre.)

   César de la meilleure réalisation : grosse concurrence là encore... et, après consultation de mes personnalités multiples, je me prononce en faveur d'Arthur Harari, pour Onoda - 10 000 nuits dans la jungle. Cependant, comme, désormais, on n'attribue plus les deux récompenses majeures (meilleur film et meilleure réalisation) au même film, je serais tenté de choisir Julia Ducourneau, pour Titane, réservant l'autre statuette à Onoda.

   César du meilleur court-métrage d'animation : Empty Places, de Geoffroy de Crécy, à voir sur France 3.

   César du meilleur film d'animation : Le Sommet des dieux, de Patrick Imbert.

   César du meilleur film documentaire : La Panthère des neiges, de Marie Amiguet et Vincent Munier, bien entendu.

   César du meilleur premier film : comme La Panthère des neiges est déjà récompensée par ailleurs, j'en profite pour distinguer La Nuée, de Just Philippot. (De manière générale, j'aimerais bien que cette édition mette un peu en valeur des cinéastes atypiques, comme Julia Ducourneau, Quentin Dupieux et donc Just Philippot.)

   César du meilleur film étranger : la sélection comporte plusieurs films surcotés (selon moi) ; La Loi de Téhéran, de Saeed Roustayi, sort du lot.

   César du meilleur film : Onoda - 10 000 nuits dans la jungle, d'Arthur Harari.

   C'est un drôle de hasard, mais l'ordre des récompenses fait que je termine par cinq des films qui m'ont le plus marqué en 2022. Nul doute que quatre d'entre eux auraient figuré dans mon top 10.

lundi, 21 février 2022

H6

   C'est le nom de code du sixième hôpital de Shanghai, où ce documentaire franco-chinois a été tourné (avant la pandémie de covid). En un peu moins de deux heures, la réalisatrice Ye Ye ambitionne de nous faire découvrir le travail des professions médicales, la vie quotidienne des malades et le rôle joué par les proches, au sein d'un véritable hôpital-usine.

   Si la mise en scène ne va pas jusqu'à en présenter le gigantisme ni le dédale des couloirs, il ne faut pas longtemps aux spectateurs pour comprendre l'importance de la machinerie médicale. À cet égard, certaines scènes sont particulièrement éclairantes, comme celle montrant la préparation des poches de soin ou celle illustrant la confection des repas. C'est un travail à la chaîne que la direction de l'hôpital a voulu rendre aussi rigoureux (et sanitairement correct) que possible...

   Le documentaire démarre pourtant sur un sacré contraste, qui va guider l'ensemble du film : l'opposition entre la Chine rurale, peu (pas) touchée par la modernité et le cœur de la mégapole, dont les habitants, habitués à évoluer dans un métro ultramoderne, ont le plus souvent les yeux rivés sur l'écran de leur smartphone.

   C'est ainsi que l'on découvre certains patients et leur famille. Dans le groupe filmé, il ne semble pas y avoir de très riches (qui vont sans doute se faire soigner dans des établissements plus sélectifs), mais la classe moyenne et les pauvres. On arrive facilement à les distinguer à l'aide de leurs téléphones et de leurs vêtements. Certains d'entre eux ignorent la caméra, d'autres semblent la fuir, tandis que quelques-uns jouent visiblement avec elle.

   Qu'est-ce qui surprendra les spectateurs français ? La faible amplitude de l'horaire des visites, le petit nombre de visiteurs autorisés, l'aspect "usine" de l'accueil aux urgences... et le fait que les membres des familles couchent sur place ! Nombre d'entre eux viennent avec un siège pliant, un sac rempli d'affaires et de la nourriture. La nuit, ils sont autorisés à occuper les couloirs, mais, le jour, il faut libérer la place, tout en espérant obtenir un "ticket d'entrée" pour les visites.

    Il convient aussi d'avoir de l'argent liquide avec soi, pour s'offrir des à-côtés... mais, surtout, pour améliorer l'ordinaire des patients. Si l'accueil aux urgences et les soins de base sont gratuits, tout le reste est payant, du coiffeur à l'opération chirurgicale, en passant par le service supplémentaire des aides-soignantes.

   Celles-ci constituent l'un des corps de métiers de l'établissement. On voit très peu les administratifs, à peine plus les infirmières. Le documentaire est concentré sur les médecins et l'une des aides-soignantes, que l'on met un petit moment à identifier comme telle : la plupart du temps, elle ne porte pas de blouse... mais, durant ses pauses, elle surveille les cours de la bourse sur son téléphone dernier cri !

   Une conclusion s'impose : le système de santé chinois semble moins "socialiste" que le français. Pour obtenir une opération cruciale, il faut payer un important supplément, ce qui conduit les patients les plus pauvres à s'endetter, voire à se ruiner. On suit plus particulièrement le cas de ce paysan, tombé d'un arbre un jour de congé, pas pris en charge par l'assurance de base. Il survit péniblement. Les médecins et les membres de la famille engagent une discussion pénible sur la nécessité et faisabilité (financière) de l'opération.

   D'autres cas sont tout aussi tragiques. Il y a cette petite fille qui, alors qu'elle jouait à proximité de l'étal de son père commerçant (après avoir échappé à la surveillance de sa grand-mère), s'est fait renverser par un bus. La compagnie d'autocars rechigne à payer et la famille n'a pas les moyens d'assumer l'intégralité des soins... Une autre gamine a eu un accident de voiture en compagnie de sa mère. Elle n'a aucune nouvelle de celle-ci. Le père est omniprésent à l'hôpital. Quand il n'a pas de ticket de visite, il reste à proximité et chante (très fort) pour donner du courage à sa fille. J'ai aussi été ému par ce couple âgé, l'homme venant le plus souvent possible apporter du réconfort à sa compagne en phase terminale, dans un mouroir dortoir de soins où n'existe aucune intimité. Il y a aussi l'un des fils rouges de l'histoire, un homme boiteux, mal habillé, pas du tout à l'aise dans la grande ville, où il est invisible à la plupart des regards. On apprend son histoire dans la dernière parti du film.

   J'ai gardé pour la fin le portrait de ce médecin hors-norme, qui fait son jogging tous les matins. Très âgé, il n'opère plus, mais joue le rôle d'une sorte de rebouteux. Il s'occupe de cas délicats, ceux de patients que l'hôpital n'a pas envie d'opérer parce qu'ils sont pauvres, et auxquels on propose des soins de seconde catégorie, qui vont certes éviter le pire mais, la plupart du temps, les laisser avec des séquelles durables. À l'image des rares infirmières que l'on entend parler, il demande aux patients d'accepter leur situation, de faire preuve de courage face à l'adversité... et surtout de se résigner. Cela ressemble bigrement au comportement politique que les dirigeants (supposés) communistes attendent de la population.

   C'est passionnant. Un peu long, certes, mais riche de nombreuses anecdotes. On n'est pas très loin du Short Cuts de Robert Altman (l'aspect trépidant en moins).

Le Canard à l'orange... ou au gros rouge ?

   Cette semaine, L'Obs a voulu frapper un grand coup en annonçant, dès mardi après-midi, le dossier principal du numéro devant paraître le jeudi : "L'espion qui venait du Canard enchaîné".

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   Au passage, on notera l'habileté du timing : même si la direction du Canard a été consultée, l'annonce de la parution le mardi après-midi (au moment ou l'hebdomadaire satirique est bouclé) le prend de court. Il va falloir attendre mercredi 23 février pour lire sa réponse.

   Cet opportunisme éditorial (dont l'objectif est de réaliser un coup médiatique pour doper les ventes) a beau manquer d'élégance, il est compréhensible... et il n'est pas sans rappeler la méthode du Canard, pour lancer certaines "affaires" : dès le mardi soir (ou le mercredi matin), des médias annoncent une partie du contenu du nouveau numéro de l'hebdomadaire, qui a toujours pris soin de contacter auparavant les personnes incriminées, tout en veillant à ne pas trop dévoiler son jeu.

   Voilà pourquoi je recommande la lecture du dossier de L'Obs, une série d'articles que j'ai confrontée aux ouvrages que je possède sur l'histoire du "Volatile" : une monographie d'historien (plutôt en empathie avec son sujet)

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   ... et un livre plus polémique, se livrant à une critique "de gauche" :

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   Les deux ouvrages commencent à être anciens (le premier date de 2001, le second de 2008), mais ce n'est nullement gênant au vu du sujet, qui tourne autour de la personnalité de Jean Clémentin, qui a travaillé pour Le Canard de la fin des années 1950 à la fin des années 1980.

   Selon L'Obs, entre 1957 et 1969, ce journaliste aurait été stipendié par les services secrets tchécoslovaques (communistes), à l'époque soumis à la "bienveillante" tutelle du KGB. Après lecture des articles, il semble que les accusations soient fondées. Plusieurs questions restent toutefois en suspens, concernant les motivations du journaliste et les causes du début et de la fin de sa collaboration. L'argent et l'idéologie sont entrés en ligne de compte.

   L'année 1957 est visiblement une charnière. C'est à ce moment-là (d'après le livre de Karl Laske et Laurent Valdiguié) que Clémentin commence sa chronique "Allô, ici Bidasse", qui évoque la Guerre d'Algérie dans un sens que n'apprécie pas le commandement militaire français. C'est aussi l'année où il commence à recevoir de l'argent de la StB. Mes lectures ne me permettent pas pour l'heure de trancher à propos de l'antériorité : Jean Clémentin était-il déjà en contact avec les services secrets tchécoslovaques quand il est entré au Canard, ou bien n'a-t-il été "pris en main" qu'après son arrivée dans l'équipe de l'hebdomadaire ? Le flou est d'autant plus grand qu'à l'époque, un pigiste pouvait contribuer à certaines rubriques sans être mentionné, même sous un pseudonyme.

   Des incertitudes subsistent aussi parce qu'on connaît mal la jeunesse de Clémentin, né en 1924 en Normandie. Le dossier de L'Obs (s'appuyant sur les documents de la StB) le présente comme le fils d'un ancien militaire catholique, anticommuniste, tandis que Laske et Valdiguié évoquent un fils d'agriculteur normand, passé par une école de commerce. On trouve à peu près les mêmes informations chez Laurent Martin, qui précise que l'écolier est passé par les Jésuites et qu'il a appris l'allemand. Son séjour en Indochine (au cours de la guerre de 1946-1954) semble l'avoir dégoûté de l'armée et de la colonisation. Cela explique son engagement à propos de l'Algérie et peut-être son entrée au Canard à cette époque. Depuis son retour en métropole, le jeune homme est surveillé par la police, qui le considère comme un sympathisant communiste. Il semble toutefois que, plus que ses convictions politiques, ce soient ses besoins d'argent qui aient incité Clémentin à accepter de travailler pour les Tchèques.

   Qu'a-t-il fait pour eux ? Transmettre des informations. Rien de secret, mais, à l'époque de la Guerre froide, chaque camp utilisait toutes les ressources disponibles pour se renseigner sur les adversaires. D'après le dossier de L'Obs, Clémentin a su se faire mousser auprès de la StB, alors qu'il ne lui a pas apporté grand chose. Plus gênante est l'affirmation qu'il a contribué à véhiculer de fausses informations, à trois occasions : après la démission du chancelier allemand Adenauer, à propos de l’Éthiopie et lors de l'affaire Ben Barka. (Je laisse à chacun le loisir de lire le détail dans L'Obs.) Étrange coïncidence : l'opposant marocain était lui aussi lié à la StB. C'est plutôt sur ces points-là qu'on aimerait des éclaircissements, y compris venant de l'actuelle rédaction du Canard.

   Quoi qu'il en soit, Jean Clémentin a cessé sa collaboration en 1969. L'Obs semble penser que c'est lié à la défection d'un espion de la StB. On peut aussi estimer que la répression du "Printemps de Prague", en 1968, a joué un rôle. Je note que c'est aussi l'époque à laquelle Clémentin a accédé au statut de rédacteur en chef du Canard, un poste mieux rémunéré, qui l'a sans doute mis à l'abri du besoin. Il en a d'ailleurs profité pour réorienter partiellement l'activité de l'hebdomadaire satirique, développant l'aspect enquête qui a fait son succès.

   Sur le plan politique, les deux ouvrages cités sont d'accord pour dire qu'au sein de la rédaction, Clémentin faisait partie de ceux qui voulaient maintenir un certain équilibre. En clair, il fallait taper des deux côtés (à gauche et à droite). Les sources et fréquentations de Clémentin étaient d'ailleurs éclectiques, puisqu'elles incluaient des personnes classées très à droite comme Jean Montaldo et Claude Paillat. Mais l'époque à laquelle Clémentin dirigea la rédaction fut aussi celle qui vit arriver de nouvelles plumes de sensibilité communiste, en particulier Claude Angeli qui, par la suite, a dirigé la rédaction pendant une trentaine d'années.

   Enfin, le dossier de L'Obs a le mérite de remettre au premier plan l'affaire dite des micros du Canard. Si, en 1973, le ministère de l'Intérieur (français) a décidé d'espionner l'hebdomadaire satirique, c'est peut-être au moins en partie parce qu'il savait que son rédacteur en chef avait naguère été payé par les services secrets tchécoslovaques.

samedi, 19 février 2022

Maison de retraite

   Tourné il y a plus d'un an, ce film de fiction sort alors que l'actualité est brûlante concernant le fond de l'histoire : la vie dans les EHPAD. Cet arrière-plan est croisé avec l'évolution d'un jeune personnage, le héros Milann, incarné par Kev Adams (qui produit le film, ceci expliquant peut-être cela).

   Ce jeune homme a tout du loser : il ne parvient pas à garder un emploi, squatte chez son meilleur pote qui, lui, a réussi dans la vie, passe sa journée à jouer sur sa console et ne semble pas avoir une vie sentimentale trépidante. Si vous ajoutez à cela qu'il a commis l'erreur d'emprunter de l'argent au caïd local... qu'il ne compte pas rembourser... vous aurez le portrait complet d'un "jeune con", comme certains personnages l'appellent. Mais le garçon n'est pas méchant... et il a des circonstances atténuantes : c'est un orphelin, que la vie n'a pas gâté. Après une énième connerie (dans une supérette), il se voit offrir une alternative à la prison : un travail d'intérêt général dans une maison de retraite médicalisée.

   On se doute bien qu'entre la bande de vieux acariâtres et le jeune égocentrique insouciant, il va se produire quelques étincelles. On est servi. Il faut dire que, face à Kev Adams, on trouve, entre autres, Mylène Demongeot, Liliane Rovère, Firmine Richard, Jean-Luc Bideau et surtout Gérard Depardieu, très convaincant en ancien boxeur. Les papys et les mamys vont mener la vie dure au godelureau... mais aussi se prendre d'affection pour lui. De son côté, au contact des anciens, Milann évolue, s'ouvre aux autres, fait preuve d'altruisme... oui, oui, tout cela est un peu convenu, mais, en cette période de cynisme et de violence gratuite, un peu de bon esprit ne fait pas de mal. Vieux comme jeunes apprennent à se connaître et à s'entraider.

   Parmi les figures de l'EHPAD, je me dois d'en signaler deux qui nous font un joli numéro : Daniel Prévost (Monsieur Alzheimer) et Marthe Villalonga, qui est successivement Marilyn Monroe, Monica Belluci et... Madonna ! Succès garanti dans la (grande) salle archicomble !

   Parmi les nombreux invités de cette comédie familiale très balisée, je ne voudrais pas oublier Antoine Duléry, qui incarne le directeur de l'EHPAD... qui n'est pas le personnage le plus sympathique de l'histoire. La fin nous réserve une petite surprise, avec la présence d'un (ancien) joueur de tennis (qui coproduit le film).

   Cette comédie m'a fait du bien.

mercredi, 16 février 2022

Moonfall

   J'ai déjà entendu de mauvaises langues affirmer que les œuvres de Roland Emmerich sont au cinéma ce que la fanfare militaire est à la musique classique. En tout cas, quand on achète son billet, on sait ce qu'on va voir. Ici, il s'agit évidemment d'un film catastrophe, que d'autres mauvaises langues qualifient de catastrophique. Voyons ce qu'il en est.

   Au niveau de l'intrigue comme de la mise en scène, aucune surprise n'est à attendre. Emmerich et sa brigade de scénaristes ont entremêlé des références à Armageddon, Alien, Independence Day (un peu d'auto-citation ne fait pas de mal), Le Jour d'après (peut-être son meilleur film), Mission to Mars et même 2001, L'Odyssée de l'espace. (Trop de modestie tue la modestie.)

   Sur le plan visuel, cela dépote... parfois. J'ai particulièrement apprécié deux séquences : celle qui mène au décollage d'une navette en pleine situation apocalyptique (où l'on retrouve la "patte Emmerich") et celle qui voit un groupe de civils tenter d'échapper à une bande de voyons, avec une belle poursuite en voitures à la clé, dans des conditions climatiques extrêmes. J'ai toutefois été assez attentif pour remarquer, dans d'autres séquences, des imperfections techniques dont le réalisateur n'est pas coutumier : quand deux (ou trois) plans sont superposés, le montage est parfois voyant. Cela fait factice... et un peu désuet, rappelant de vieux films de science-fiction.

   Que dire de l'interprétation ? Les acteurs font ce qu'ils peuvent. Patrick Wilson (vu notamment dans Midway et Aquaman) a pris la place de Bruce Willis dans le rôle du petit Blanc aux couilles de béton qui va sauver le monde... mais, désormais, pas tout seul. Il a bien besoin du coup de main de la nouvelle patronne (afroaméricaine) de la Nasa, incarnée par Halle Berry, que j'ai eu grand plaisir à retrouver. Se greffe sur ce duo un petit gros, un fils à maman genre geek conspirationniste. Cet astrophysicien du dimanche va se révéler très utile. Comme Emmerich fait du cinéma inclusif, il a complété sa distribution par d'autres archétypes. Je note aussi que le scénario, s'il oppose dans un premier temps certains "Américains d'en-bas" à l'élite, prône leur alliance pour sauver New York la planète. Enfin, comme ce "Blockbuster" (à l'image d'autres, de plus en plus nombreux) est une coproduction chinoise (coucou Tencent !), on ne s'étonnera pas de voir à l'écran une nounou issue du "pays du milieu", ni que le fils de la patronne de la Nasa apprenne le mandarin. Mieux encore : le pays soumis à la poigne de fer de présidé avec tact et délicatesse par l'honorable Xi Jinping est présenté comme un ami des États-Unis.

   A la réflexion, je pense que les scénaristes ont aussi puisé à une source française : le Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne. Ici, c'est plutôt "Voyage au centre de la Lune". La troisième partie de l'intrigue a beau accumuler les invraisemblances (et le "juste à temps"), elle n'en est pas moins entraînante, alternant les scènes futuristes (dans l'espace et sur la Lune) et les pérégrinations des personnages restés sur Terre. Cela suffit pour passer un début de soirée divertissant, sans plus.

21:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films