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vendredi, 29 octobre 2021

Barbaque

   Pour bien comprendre sur quel registre s'est placé Fabrice Éboué dans son dernier film, il faut se dire que l'ambiance se situe quelque part entre Delicatessen (de Caro et Jeunet) et Les Tontons flingueurs. Seulement, ici, ce sont les végans que le héros envisage d'éparpiller, « façon puzzle ».

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   Fabrice Éboué n'a laissé à personne d'autre que lui le soin d'incarner ce boucher artisanal, amoureux de son métier, mais manquant de charisme. Les spectateurs attentifs remarqueront qu'il s'est fait une tête à la Jean-Pierre Darroussin.

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   Sa compagne (qui tient la caisse de la boucherie) est interprétée par une Marina Foïs vraiment flippante, encore plus que dans Irréprochable. Épouse frustrée, elle s'est découvert une passion pour les tueurs en série, dont elle suit les exploits à la télévision, ne ratant aucun épisode d'une émission présentée par l'inénarrable Christophe Hondelatte.

   Le plus drôle (!) est que notre couple de bouchers devient tueur presque par hasard. Mais c'est qu'ils vont y prendre goût... d'autant que la nouvelle viande (succulente) qu'ils se mettent à proposer à leur clientèle (sous l'appellation "porc d'Iran" !) obtient un succès considérable. Voilà qui renfloue les caisses de la boucherie... tout en débarrassant ces nouveaux Bonnie & Clyde de gêneurs horripilants.

   Cela nous mène au portrait qui est fait des militants végans. Il est plus nuancé que ce qui pourrait sembler au premier abord. Même le personnage du gendre, véritable tête-à-claques (belle composition de Victor Meutelet), a sa chance. Du côté des bouchers, on oppose le "bon artisan" à l'horrible industriel qui, non seulement s'enrichit en vendant de la merde, mais est en plus un gros con raciste. À ce sujet, Éboué s'autorise quelques saillies au niveau des dialogues, saillies qui seraient sans doute moins bien passées si le réalisateur avait été blanc. De manière générale, j'ai trouvé les dialogues bien écrits. L'humour ne vise pas le plus haut raffinement, mais il est efficace.

   Sans surprise, l'étude de caractères la plus poussée est celle des personnages principaux. D'un côté ce sont les héros auxquels (si l'on n'est pas végan) on est tenté de s'identifier. D'un autre côté, cela va tellement loin que l'on est obligé de prendre du recul vis-à-vis d'eux. On comprend que leur fuite en avant est aussi une manière de redonner vie à leur couple.

   La violence physique (avec un aspect gore) est présente presque dès le début... mais disparaît assez vite. On nous fait mariner pendant plusieurs quarts d'heure avant de nous gratifier de nouvelles giclées de sang à visée charcutière. (Les amateurs de musique classique apprécieront le contraste entre l'arrière-plan sonore et ce qui est montré à l'écran.) Ce devient même tarantinesque, en particulier dans l'avant-dernière séquence (à la boucherie), qui contient une scène d'anthologie se déroulant dans la chambre froide... à déguster sans modération !

mercredi, 27 octobre 2021

McDonald & Dodds

   France 3 continue à nous gâter le dimanche soir. Après nous avoir proposé la quatorzième saison des Enquêtes de Murdoch, la chaîne publique a décidé de nous faire découvrir une nouvelle série britannique.

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   Deux policiers aux tempéraments très différents sont amenés à travailler ensemble, à Bath, dans le sud-ouest de l'Angleterre.

   À gauche ci-dessus se trouve le lieutenant Dodds (Jason Watkins, un visage familier aux téléspectateurs d'outre-Manche). C'est un vétéran de la police locale, placardisé depuis une dizaine d'années. On le méprise parfois, le sous-estime souvent. Il est pourtant méticuleux et compétent.

   À droite se trouve la capitaine Lauren McDonald (Tala Gouveia, inconnue au bataillon). D'origine modeste, elle s'est élevée à la force du poignet, se faisant remarquer par ses qualités dans la police de Londres. Son arrivée à Bath n'est au départ qu'une étape (censée être brève), dans une carrière qu'elle espère mener au plus haut niveau.

   Entre l'éruptive capitaine et le mollasson lieutenant, l'alchimie met du temps à fonctionner. Dans le premier épisode (diffusé dimanche 24 octobre), on assiste à leur rencontre et aux débuts chaotiques de leur collaboration. Les deux officiers de police finissent par comprendre qu'ils ont intérêt à s'entendre : ce sont deux outsiders (la femme noire qui ne s'en laisse pas compter et le vieil homme blanc intello coincé), animés par une identique volonté de traquer les criminels, même si elle s'exprime de façon différente.

   Dans cet épisode fondateur, ils ont fort à faire : l'assassin est particulièrement retors. Ils vont avoir besoin de toute leur ingéniosité et d'un peu de chance pour en venir à bout, un peu à la manière de Colombo (qui semble avoir inspiré le personnage de Dodds).

   La musique est légère, les dialogues (à savourer in English, of course) piquants. Je me suis régalé.

mardi, 26 octobre 2021

Enfer blanc

   France 2 a commencé la diffusion de cette mini-série scandinave (comptant huit épisodes au total). Sur le site de France Télévisions, on n'a le plus souvent accès qu'à la version doublée en français. Sur ma Livebox, je peux regarder tous les épisodes en version originale sous-titrée, une version polyglotte puisqu'on y entend parler anglais, danois, suédois, russe et groenlandais.

   Le premier épisode plante le décor. On suit une ministre suédoise, qui a rendez-vous au Groenland pour des négociations devant déboucher sur la signature d'un nouveau traité entre les nations arctiques. Sa venue doit débuter par la visite du navire d'une compagnie pétrolière, dont les dirigeants tentent d'influencer la ministre, de sensibilité écologiste. Mais elle décide de "sécher" la rencontre à la dernière minute, y envoyant l'un de ses conseillers (qui est le compagnon d'une policière que connaît la ministre). La visite se déroule malgré tout, interrompue par une attaque armée. Tous les occupants du bateau disparaissent. En Suède, la policière, bien qu'enceinte, décide de se rendre sur place pour retrouver son compagnon. Au Groenland, la police locale semble dépassée. De plus, son chef (un type sérieux, un natif) est en pleine crise de couple. Sa supérieure (danoise), à cheval sur le règlement, vient prendre la direction des opérations.

   Le deuxième épisode est plus politique. On nous plonge dans les négociations internationales. Pour conclure un nouveau traité, l'unanimité est requise. Or, il semble que le représentant russe fasse de l'obstruction, plus ou moins ouvertement. Quant à l'équipage du navire pétrolier, il demeure introuvable, le bateau ayant été récupéré vide. La policière suédoise continue à enquêter de son côté, sans s'embarrasser des règles (policières comme diplomatiques). Les enquêteurs finissent par apprendre que l'un des membres de l'équipage a été payé pour laisser sa place. Le chef de la police locale le connaît : c'est un compagnon de beuverie de son épouse.

   Le mystère semble s'éclaircir un peu dans le troisième épisode. La clé de l'énigme est un gigantesque gisement d'hydrocarbures, qui aurait été découvert au large des côtes groenlandaises, dans une zone jusqu'à présent inexploitée. Mais qui est au courant et qui a planifié l'enlèvement de l'équipage ? Les spectateurs voient enfin ce qu'est devenu celui-ci. D'autres otages l'ont rejoint. Pour certains personnages, cela devient de plus en plus risqué.

   C'est prenant. L'intrigue est en prise avec les questionnements contemporains : le changement climatique, les coups bas diplomatiques, les relations post-coloniales et la place des femmes dans la société. C'est mis en scène avec une certaine subtilité. C'est surtout bien joué et superbement filmé : les plans extérieurs sont à couper le souffle. La musique est entraînante, sans être trop présente.

   Je recommande vivement et je suis impatient de voir la suite. (Les épisodes restent en ligne jusqu'en décembre prochain.)

lundi, 25 octobre 2021

La bite d'Apollon

   Il n'est pas facile d'être un vieux pêcheur célibataire dans la bande de Gaza. Il faut jongler entre la dictature du Hamas, le regard inquisiteur des voisins (souvent bigots) et les interdictions israéliennes. Tel est le défi qui se présente à Issa, farouchement attaché à son indépendance, mais qui se verrait bien finir ses jours en compagnie d'une charmante veuve, couturière de son état. Salim Daw et Hiam Abbas incarnent avec un plaisir évident ces deux figures au caractère bien trempé.

   La première partie de Gaza mon amour pose ces principes, tout en présentant quelques personnages secondaires : la fille occidentalisée de Siham, des miliciens plus intéressés par les films de guerre que par leur travail et un jeune commerçant (ami d'Issa) qui ne songe qu'à émigrer.

   Un soir, le pêcheur remonte une drôle de cargaison dans ses filets : une statue d'un dieu antique, priapique de surcroît. (L'histoire s'inspire de celle dite de l'Apollon de Gaza.) Dans un premier temps, Issa décide de garder la statue pour lui. Peut-être parce qu'elle est belle. Peut-être aussi en songeant à la récompense qu'il pourrait toucher. Mais c'est le début de ses ennuis avec la police gazaouie, qui a des espions partout. La deuxième partie met en scène les relations tumultueuses du héros avec les forces de l'ordre du Hamas, des culs-bénits avides de faire respecter leur version de l'islamiquement correct... mais qui songent eux aussi au profit que pourrait leur rapporter cette statue. Ces événements perturbent les travaux d'approche d'Issa, qui songe à demander la couturière en mariage. Dans le même temps, sa sœur se désespère qu'il ne choisisse pas un meilleur parti. Le vaudeville n'est pas loin.

   La troisième partie est celle des dénouements : celui de la tentative d'émigration, celui de l'histoire d'amour et celui du périple de la statue (dont il manque un morceau crucial, détaché dans des circonstances que je m'interdis de révéler ici).

   Les réalisateurs, les frères Arab et Tarzan Nasser (auteurs de Dégradé), ont visiblement l'esprit facétieux. Mine de rien, ce petit film est une satire bien troussée du régime dictatorial en place à Gaza, l'obsession phallique des autorités ne se limitant pas à la statue antique : l'admiration éprouvée par les hommes à l'arrivée d'une nouvelle grosse roquette en dit plus qu'une étude psychanalytique...

   P.S.

   Cette coproduction franco-germano-jordano-qatarie essaie de jouer sur tous les tableaux. D'un côté, c'est d'abord un film de festival, destiné au public international... d'où le fait que le Hamas soit égratigné. De l'autre côté, on y perçoit une dénonciation (surtout symbolique) de l'action de l'armée israélienne. Enfin je note que, d'après les sous-titres, l'étendue de la zone de pêche est beaucoup plus restreinte qu'en réalité. Le film l'estime à une bande située à moins de cinq kilomètres des côtes, alors que le gouvernement israélien l'a portée à 15 milles nautiques (environ 28 kilomètres) quand le Hamas a respecté les trêves conclues. Ces dernières années, cette bande a oscillé entre 9 et 12 milles (17-22 kilomètres), soit bien plus que dans le film.

Leur Algérie

   Lina Soualem est la fille de Zinedine (familier des seconds rôles sur petit et grand écrans) et d'Hiam Abbas (qui lui avait d'ailleurs confié un rôle dans son film Héritage). Mais elle est surtout la petite-fille d'Aïcha et Mabrouk (les parents de Zinedine), qui ont décidé de se séparer, après plus de soixante ans de vie commune. Nous sommes dans les années 2010, entre Thiers et Paris, dans une famille issue de l'immigration algérienne. En 1h10, ce modeste documentaire ambitionne de raconter tout cela.

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   Le film retient l'attention en raison de la personnalité des deux grands-parents. Aïcha est volubile, énergique, joyeuse et cache sa gêne sous un rire qui semble inextinguible. Mabrouk est un taiseux, sans doute plus âgé que son ex-épouse et en moins bonne condition physique. Mais il a une "bonne tête" comme on dit et sort parfois des répliques cocasses.

   Il ne faut pas se fier aux premières images, anciennes, qui sont de la vidéo bas-de-gamme. La suite du documentaire est proprement réalisée. La petite-fille a suivi chacun des grands-parents seul, puis les a filmés ensemble ou avec leur fils Zinedine (son père à elle).

   Plusieurs thématiques sont abordées. Il y a d'abord la condition de la femme. La grand-mère s'est dévouée à son foyer et à ses enfants. Une fois la retraite venue, je pense qu'elle en a eu marre de jouer la bonniche du grand-père, même si elle continue à lui donner un coup de main. De surcroît, elle habite un appartement se trouvant dans l'immeuble situé en face de celui où loge son ex !

   Le travail de tout une génération de migrants algériens est ensuite abordé. Mabrouk a eu divers emplois, restant assez longtemps dans la coutellerie, à la grande époque, avant que la mécanisation et la baisse des ventes ne ruinent partiellement le secteur. On notera son recul quant au formidable développement que notre pays a connu depuis les Trente Glorieuses : quand il a immigré, il est arrivé dans un pays qu'il qualifie de "France pauvre". On se dit qu'il serait bon que les générations suivantes, quelle que soit leur origine, aient cela en tête...

   Il est aussi question d'identité algérienne/française. Les parents semblent n'avoir que leur nationalité de naissance, continuant à disposer d'une carte de résident. Ils ne sont guère politisés, quoiqu'un peu plus que lorsqu'ils étaient jeunes. On a l'impression de la Guerre d'Algérie leur est passée par-dessus la tête (comme à nombre de Français de métropole d'ailleurs). Dans ce domaine, leur mémoire est un peu factice, reconstruite à partir de ce qu'ils ont vu, lu et entendu après la guerre. On en a un exemple flagrant quand le grand-père, après avoir raconté (en français) s'être rendu en Algérie pour enterrer successivement tous ses oncles, venus comme lui travailler en France, prétend ensuite (dans une conversation en arabe) qu'ils ont tous été tués par l'armée française pendant la guerre. Entre propos de comptoir et perte de facultés mentales liée à l'âge, on est libre de choisir...

   Cela n'enlève rien aux qualités du film, vraiment attachant.

dimanche, 24 octobre 2021

First Cow

   Il faut attendre très longtemps (pas loin d'une heure) pour que la placide bovidée qui a inspiré le titre de ce film commence à y jouer un rôle. (Sachez que l'animal recruté pour l'incarner se nomme Evie.)

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   En attendant cette apparition réjouissante, il faut se fader la première heure. Mon Dieu, que c'est long ! On a visiblement voulu nous informer des moindres petits soucis qui émaillaient la vie quotidienne des pionniers de l'Oregon (au nord-ouest des États-Unis) au début du XIXe siècle. C'est surligné au stabilo, pas palpitant pour deux sous et de surcroît pas très bien filmé. On dirait presque une œuvre télévisuelle, les scènes obscures étant mal éclairées. Quelle déception de la part de Kelly Reichardt, dont j'avais apprécié La Dernière Piste !

   Le seul éclair de cinéma à retenir dans cette brume vaguement poétique est la rencontre des deux protagonistes de l'histoire, l'Européen Otis Figowitz et le Chinois King-Lu. Entre ces deux-là se noue un compagnonnage qui va nous tenir en haleine pendant le reste de l'intrigue.

   J'ai trouvé la seconde partie mieux mise en scène et plus riche au niveau du scénario. La réalisatrice délaisse un peu le style pseudo-contemplatif sous-malickien. Otis le cuistot, surnommé Cookie, va profiter de la présence de la vache pour se lancer dans une lucrative activité commerciale, en compagnie de son acolyte, qui a moins de scrupules (et plus de bagout) que lui. Leur duo pourrait n'être qu'une nouvelle illustration de success story à l'américaine, mais il est plus que cela. L'association des deux personnages fonctionne à merveille. Ils emménagent dans la même cabane (sans qu'apparemment il y ait le moindre sous-entendu sexuel). Une belle amitié se forme, progressivement.

   L'exercice de leur activité les met en contact avec différentes figures du monde pionnier, campées par des "gueules" d'acteur. C'est bien rendu, parfois drôle... et appétissant, dans les scènes de cuisine. Je regrette toutefois que la réalisatrice n'ait pas vraiment su comment conclure son histoire. Elle semble s'orienter sur une piste qui s'interrompt, avant son dénouement. Dommage.

Storia di vacanze

   Dans un quartier pavillonnaire de la banlieue de Rome, des enfants de classe moyenne (plus ou moins aisée) tentent de conjurer leur mal de vivre durant les vacances d'été. Avec ça, on a (presque) tout dit, mais l'on n'a rien dit.

   La première partie de l'histoire est ironique. Elle brosse le portrait de familles qui, vues de l'extérieur, semblent chacune avoir acquis leur parcelle de bonheur italien. Il y a ce couple dont les deux enfants brillent à l'école. Il y a ce cadre, fier de sa réussite professionnelle (dans les cosmétiques) et de la beauté de sa fille unique. Il y a aussi cette jeune femme enceinte, encore entretenue par ses parents semble-t-il. Il y a enfin ce drôle de duo, constitué d'un père célibataire macho et de son fils emprunté.

   Par moment, j'ai pensé que les réalisateurs (qui ont contribué au scénario de Dogman) tentaient d'adapter Affreux, sales et méchants à la classe moyenne contemporaine. Ainsi, les pères de famille, qui affichent un profil respectable, sont obsédés par les femmes plus jeunes de leur quartier, qu'ils seraient prêts à violer. De son côté, la bimbo enceinte a perdu de sa superbe... mais pas de sa vulgarité, que l'on serait tenté de prendre pour de l'assurance.

   Tout ce vernis craque dans la seconde partie. Les adultes se révèlent plutôt lâches et sans envergure. Ils ne constituent pas des modèles auxquels les jeunes pourraient se raccrocher. Les préadolescents vont donc chercher leur propre voie, pour le meilleur et pour le pire.

   Je ne m'attendais pas du tout à cela. J'étais allé voir le film sans avoir quasiment rien lu dessus, juste pour le plaisir d'entendre parler italien, dans un métrage qui ne soit pas trop long (une rareté ces temps-ci). J'ai beaucoup aimé la partie sarcastique et j'ai pris une petite claque dans la seconde partie, qui prend parfois la forme d'un puzzle. La toute dernière scène nous invite à repenser à ce qu'il s'est passé auparavant. J'ai aussi été marqué par l'une des séquences précédentes, qui montre le réveil des parents dans une maison étrangement calme.

   Même s'il n'est pas parfait, je trouve que c'est un film qui a du style et qui mérite le détour.

18:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Illusions perdues

   Salle archicomble pour cette adaptation d'un des romans majeurs d'Honoré de Balzac. Dans les rangées dominaient les tempes argentées, un petit peu plus féminines que masculines. De mon côté, j'ai eu l'impression d'être entouré d'un escadron de profs de Lettres à la retraite.

   L'intrigue est découpée en trois parties. La première tourne autour de l'amour (plus ou moins) contrarié de Lucien pour Louise. La deuxième narre l'ascension d'un ambitieux. La troisième met en scène un brutal retour à la réalité.

   C'est d'abord la qualité de la distribution qui m'a impressionné. Le film met en valeur deux petits jeunes (Benjamin Voisin et Salomé Dewaels), très bons. Ils sont entourés de comédiens plus confirmés (Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Cécile de France...) tous impeccables. En soutien viennent les "grands anciens" (Jeanne Balibar et Gérard Depardieu), qui ont parfois déçu, mais qui sont remarquables ici. Il faudrait aussi signaler la pléiade de seconds rôles, parmi lesquels je distingue André Macron Marcon, Jean-François Stévenin et Louis-Do de Lencquesaing.

   Après un début un peu poussif, je trouve que le film démarre vraiment quand l'apprenti journaliste-poète rencontre l'éditeur Dauriat dans son antre. La réalisation gagne en envergure et les répliques font mouche. (Le talent de Xavier Giannoli semble mieux s'exprimer dans les scènes "confinées".)

   Sur le fond, le film touche sa cible quand il dénonce les inégalités sociales et la culture de connivence qui règne dans le monde médiatico-culturel parisien. Je ne connais pas tout le sous-texte, mais je pense qu'à certaines occasions, Giannoli règle quelques comptes personnels. Moins subtiles sont les allusions à la vie politique contemporaine : dès qu'il est question de Rothschild, on met dans la bouche d'un personnage une réplique censée être prophétique...

   Le principal défaut du film est de jouer sur le "tous pourris". Au contact du petit monde parisien, même les âmes pures se dégradent. C'est l'amour qui "sauve" (de manière très relative) certains personnages, notamment féminins. On pourra toutefois reprocher au scénario de mettre en avant les individus qui se compromettent et, par exemple, de totalement négliger la presse intègre.

   Les 2h30 passent assez bien, en dépit de quelques longueurs. Si l'on a lu le roman et qu'on en a gardé quelques bribes en mémoire, la troisième partie ne surprend pas... mais cela laisse le temps d'apprécier la mise en scène des deux machinations, ainsi que le jeu des acteurs. J'ajoute que les dialogues sont ciselés. J'ai passé un bon moment.

11:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 23 octobre 2021

Venom 2

   ... le retour, cette fois-ci en version originale sous-titrée (trois personnes dans la salle, moi compris).

   Un soir, un peu énervé par le boulot, j'ai eu envie d'une catharsis anthropophage. Va donc donc pour cette suite, qui commence sur le même registre que le précédent opus.

   On retrouve Eddie Brock (Tom Hardy) en ménage... avec son "invité" extraterrestre (et pas l'avocate, la vilaine, qui l'a largué pour un type chiant, friqué et fiable). Ce début m'a mis de bonne humeur, avec les chamailleries entre le héros et son double surpuissant, dignes d'une scène de ménage.

   En fait, il ne s'agit pas du vrai début, puisque l'histoire a commencé par un retour dans le passé, dans lequel on découvre deux personnages qui vont jouer un rôle clé dans l'intrigue.

   La distribution est alléchante. Tom Hardy et Michelle Williams sont accompagnés de Naomie Harris (aussi à l'affiche de Mourir peut attendre) et Woody Harrelson. Ces deux-là sont en pleine forme et semblent avoir kiffé leur rôle. J'ai toutefois été dérangé par l'horrible coupe de cheveux du Kasady/Harrelson sorti de prison. Il n'y a visiblement pas développé un sens aigu de l'esthétique.

   Pour relancer l'affaire, les scénaristes se sont creusé les méninges... mais pas trop longtemps. Ils se sont dits que seule une autre entité parasitaire était capable de tenir la dragée haute à Venom. Figurez-vous que celui-ci (dans des circonstances que je me garderai de préciser) va devenir... papa ! De surcroît, le complexe d'Œdipe semble avoir franchi la barrière des espèces, puisque "Carnage" (le doux nom du chérubin) ne pense bientôt plus qu'à dézinguer son "paternel". (Si vous allez voir le film, vous comprendrez pourquoi j'ai utilisé des guillemets.)

   À partir de là, c'est hyper-violent. Très rythmé certes, mais sans l'humour précieux du début. Je reconnais que, techniquement, c'est bien foutu, peut-être même mieux que dans le premier film. Mais mon Dieu que de violence gratuite ! Tout cela pour finalement pas grand chose.

   Je suis sorti de là un peu déçu.

   P.S.

   De manière traditionnelle, le générique de fin a été interrompu, pour céder la place à une scène inédite, assez cocasse, mais qui, surtout, semble indiquer que, du côté de chez Marvel, on songe enfin à faire se rencontrer certains personnages clés.

13:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 22 octobre 2021

Trois mille boules et grévistes

   Aujourd'hui, en début d'après-midi, j'ai failli m'étrangler en écoutant le journal de 13 heures de France Inter. (Il se trouve que j'étais aussi en train de déjeuner.)

   Aux minutes 14-15, il est question d'une énième grève à la SNCF, comme par hasard encore en période de départ en vacances. Je trouve que, pour une fois, les enjeux du mouvement ont été bien expliqués par le journaliste de la radio publique, qui a rappelé l'importance des primes en liaison avec la volonté (légitime) de l'entreprise de rentabiliser les trajets. C'est l'occasion de rappeler que tout le monde ne gagne pas très bien sa vie à la SNCF.

   Cependant, on apprend que les roulants touchent en moyenne 3000 euros par mois, pour conduire des motrices en grande partie automatisées, sur des trajets balisés. Ayons une pensée émue pour les salariés modestes, qui gagnent moins que ces privilégiés et qui ont commis l'erreur de vouloir prendre le train pour se payer un peu de bon temps ce week-end.

   Peut-être auront-ils l'occasion de croiser, d'ici dimanche soir (sans le savoir), un de ces roulants grévistes (qui ne subira peut-être même pas de retenue sur salaire) profitant de son "mouvement social" pour s'offrir des vacances en famille.

Astérix et le Griffon

   Hier 21 octobre est sorti le 39e album des aventures du célèbre Gaulois. C'est le cinquième de l'ère Ferri-Conrad, débutée en 2013 avec Astérix chez les Pictes. Je pense que tout le monde aura remarqué que cette sortie coïncide avec l'approche d'un week-end et, surtout, le début des vacances de Toussaint. Chez Hachette (qui a complètement avalé les éditions Albert René), la mercatique est une seconde nature !... mais pas le patriotisme économique, puisqu'on peut constater une nouvelle fois que l'ouvrage a été imprimé hors de France. Ces dernières années, l'éditeur alterne entre l'Italie (une localisation européenne qui pouvait à la rigueur paraître pertinente pour l'album Astérix et la Transitalique) et la Roumanie, d'où provient l'ouvrage parvenu entre mes mains.

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   Le titre et le début de l'histoire plongent leurs racines dans l'Antiquité et la mythologie. On va donc rencontrer (à nouveau) des Sarmates (croisés dans Astérix et la Transitalique) et -surtout- des Amazones, de redoutables guerrières (dotées de leurs deux seins) dont la représentation s'apparente à un pur fantasme masculin. Ceci dit, cela nous vaut plusieurs scènes cocasses.

   Les lecteurs attentifs noteront que, plus que les (supposées) Amazones antiques, ce sont les Russes qui semblent avoir inspiré ces personnages féminins, au niveau des noms, des jouets des enfants et du physique de certains personnages. (On pense aux Pussy Riot et à certaines Femen.)

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   Voilà nos héros partis pour l'Europe de l'Est, au nord de la mer Noire et du Caucase, pour une région où ils vont affronter des Romains, en quête non pas de territoire, mais d'animal fabuleux... et d'or. J'ai bien aimé la mise en scène de cette rivalité, sous l'œil goguenard des intrépides guerrières. (De même la résolution de l'énigme concernant le griffon est assez bien trouvée... voire vraisemblable !)

   L'humour est évidemment de la partie. Comme de coutume, on sera très attentif aux noms de personnes, aux jeux de mots, ainsi qu'aux détails de certaines vignettes. Covid oblige, on ne s'étonnera pas de croiser un personnage moustachu nommé Klorokine (pas très habile avec les potions...), ainsi que Fakenius, soldat romain complotiste ! Didier Conrad se montre un digne successeur d'Uderzo, dont il garde la patte et le sens du clin d'œil.

   Bref, en dépit de mes appréhensions (et de mon opinion quant à la politique commerciale d'Hachette), j'ai bien aimé cet album qui, comme la plupart de ceux conçus par le duo de successeurs, va sans doute gagner à être relu.

jeudi, 21 octobre 2021

La Famille Addams 2

   Marqué par le bon souvenir que m'avait laissé le premier volet de l'adaptation animée des aventures de la plus horrifique des familles, je suis passé outre les mauvaises critiques pour tenter la vision de cette suite.

   Le personnage de Mercredi (la fille psychopathe) est au centre de l'intrigue. Côté scolaire, elle se fait remarquer par son intelligence précoce, qui attire l'attention d'un scientifique louche. Côté familial, elle se demande si elle est bien à sa place dans la famille Addams, allant jusqu'à douter de sa filiation biologique. S'en suit une multitude de péripéties, menées sur un rythme trépidant... ce qui évite (parfois) au spectateur adulte de s'ennuyer ferme..

   Parce que, franchement, il n'y a pas grand chose à retenir de cette nouvelle version, à part les aspects transgressifs de la personnalité de Mercredi, le seul personnage intéressant de ce deuxième long-métrage, en compagnie peut-être de la créature de Frankenstein. La caractérisation des autres personnages est sommaire. Les aspects subversifs de la famille ont été limés, le tout baignant dans de la musique moderne tape-à-l'œil (dance, R'N'B ou rap). J'ai trouvé particulièrement mauvais les personnages du père (Gomez) et de l'oncle Fétide, de surcroît mal doublés en français.

   Il y a bien quelques moment d'humour à sauver (les enfants présents dans la salle ont davantage rigolé), mais, pour moi, cela ne vaut pas la peine de payer une place. La série des Hôtel Transylvanie est bien plus réussie.

21:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 16 octobre 2021

Les Mystères de Londres

   Cette série policière britannico-canadienne date de 2016 et elle vient d'arriver sur la TNT, plus précisément sur TF1. Son action se déroule au début du XXe siècle et l'ambiance oscille entre celle de Sherlock Holmes et celle des Enquêtes de Murdoch. Elle nous fait suivre les aventures de trois personnages, deux d'entre eux ayant donné leur nom à la série, dans la version originale (Houdini and Doyle).

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   Voici donc Harry Houdini (Michael Weston), le pétulant illusionniste, au faîte de sa gloire. Quoi qu'habitant encore avec sa mère, il mène une vie de patachon et regarde son époque avec un œil ironique. C'est un fervent rationaliste.

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   Il doit (amicalement) croiser le fer avec Arthur Conan Doyle (Stephen Mangan), écrivain reconnu qui, au début de la série, vient de "tuer" Sherlock Holmes. Mais ce sont d'autres aspects de sa vie qui passent ici au premier plan : son activité de médecin, ses soucis familiaux... et son penchant pour le paranormal, l'ésotérique.

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   Navré pour ces deux mâles dominants, mais le véritable personnage principal est Adelaide Stratton, première femme officier de police à Scotland Yard... mais reléguée jusqu'à présent à des tâches subalternes. Elle est incarnée par la délicieuse Rebecca Liddiard, dont j'avais déjà remarqué (entre autres) les jolis sourcils dans Frankie Drake Mysteries.

   Le premier épisode, intitulé L'Assassin fantôme, met en scène la formation du trio. Il se réunit au cours d'une enquête sur la mort mystérieuse d'une nonne.

   Le deuxième épisode, intitulé Vengeance d'une vie passée, plonge les spectateurs dans l'énigme d'une possible réincarnation, celle d'un homme disparu dans le corps d'un enfant meurtrier. Excellent !

   Le dernier épisode diffusé la semaine dernière s'intitule Croire ou ne pas croire. L'intrigue tourne autour d'un étrange guérisseur et de morts inexpliquées. Dans le même temps, la femme de Conan Doyle voit son état de santé changer de manière spectaculaire, tandis qu'Houdini tombe subitement malade.

   J'aime beaucoup l'ambiance de la série, très bien servie par les décors, les costumes et l'éclairage. Elle aborde de surcroît des thèmes intéressants, de la religion au féminisme en passant par les croyances populaires.

vendredi, 15 octobre 2021

Mourir peut attendre

   ... en version originale sous-titrée, ne serait-ce que pour entendre Daniel Craig s'essayer à un peu de français, avec sa vraie voix. Il est pourtant absent de la première séquence (pré-générique), dont on se demande un petit moment si elle se déroule dans le présent, le passé ou un futur auquel un (très) long retour en arrière est destiné à nous ramener. Cette mise en bouche, conclue sur un lac gelé, est fort bien mise en scène.

   Il faut donc attendre pas loin d'un quart d'heure pour retrouver James, qui file le parfait amour avec Madeleine... du moins le croit-il. Les paysages italiens se prêtent merveilleusement à cette romance un brin éculée... d'autant que l'action est bientôt de retour, avec plusieurs scènes de poursuite particulièrement réussies. (Un "Oh !" d'admiration m'a même échappé à l'occasion d'une splendide cascade en moto.)

   Le point faible de l'intrigue est incontestablement la relation Bond-Madeleine, d'abord parce que Léa Seydoux n'est pas hyper-convaincante, mais surtout parce que ce choix scénaristique transforme le super-espion en Monsieur-tout-le-monde, instillant une insupportable giclée d'eau-de-rose  dans une histoire qui méritait un peu plus de venin.

   Fort heureusement, l'ADN bondien a été préservé, à travers les bastons, les poursuites, les gadgets, le glamour et les pincées d'humour. Du côté féminin, c'est la prestation d'Ana de Armas qui est à signaler, la demoiselle démontrant avec brio qu'une robe échancrée à l'extrême ne sert pas qu'à affoler le cœur des mâles hétérosexuels...

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   On a beaucoup glosé sur l'apparition d'une nouvelle espionne estampillée 007. Sa relation avec le précédent titulaire du titre échappe relativement aux clichés : elle n'est guère agressive avec lui et il évite la condescendance, lui témoignant même du respect. Mais j'avoue que j'ai du mal à croire que Lashana Lynch puisse succéder à Craig dans un rôle à la fois percutant, ironique et séduisant.

   Il aurait fallu couper un peu dans les scènes de dialogues, celles entre les tourtereaux et celles avec le méchant de l'histoire, correctement interprété par Rami Malek. Celui-ci ne fera cependant pas oublier ses augustes prédécesseurs. (Avec le recul, je constate que les dialogues constituent souvent le point faible des Bond dernière mouture.)

   Au niveau de l'intrigue, on sent venir pas mal de péripéties... y compris la conclusion de l'histoire, trois bons quarts d'heure avant la fin. Je ne vais toutefois pas bouder mon plaisir : on a offert, sur le plan scénaristique comme de la mise en scène, une belle sortie à Daniel Craig.

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jeudi, 14 octobre 2021

Le Roquefort à la Une

   Depuis lundi 11 octobre, on assiste, en particulier en Aveyron, à une levée de boucliers contre l'étiquetage Nutri-score, au motif que celui-ci attribue la plus mauvaise note (un "E") au "roi des fromages" !

   À la pointe du combat se trouve la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort, en particulier le groupe Société, filiale de Lactalis. Comme Le Monde le rappelle dans un récent article, celui-ci représente 70 % des ventes (alors qu'il existe sept producteurs de ce fromage, les concurrents les plus connus étant Papillon et Gabriel Coulet ; aux amateurs je signale également la marque Vernières, dont les produits sont tout aussi savoureux que ceux des "géants" de l'appellation).

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   Pour les producteurs industriels, l'enjeu n'est pas mince. Les ventes sous forme de portions préempaquetées, dans les grandes surfaces (celles susceptibles d'être marquées du Nutri-score), pèsent 45 % du total. Je ne pense pas me tromper en affirmant que plus de 80 % de ces ventes-là se font au bénéfice de Société (dont les "pains" jugés de qualité insuffisante finissent eux aussi dans les bacs... sous marque de distributeur).

   Sur le site de l'AOP Roquefort, il est possible de télécharger une plaquette-manifeste, qui demande que le célèbre fromage de brebis (dont raffolait paraît-il l'empereur Charlemagne) soit exempté du Nutri-score. Les arguments avancés méritent lecture.

   Les médias se sont emparés de l'affaire... jusqu'à un humoriste de France Inter, Daniel Morin. Chroniqueur dans La Bande originale, celui-ci n'a pas hésité, hier mercredi, à faire du Roquefort son "héros du jour", flamboyant plaidoyer à la clé.

   Pour qui connaît l'humoriste et écoute régulièrement la radio publique, ce n'est pas étonnant. Il y a cinq ans, l'émission culinaire "On va déguster" consacrait l'un de ses numéros au Roquefort. Quant à Daniel Morin, c'est dans son (excellente) émission La Morinade, diffusée sur Le Mouv', qu'il pouvait jadis laisser transparaître son amour du "roi des fromages".

lundi, 11 octobre 2021

Embrouillamini à Saint-Affrique

   Il était une fois, dans la riante cité de Saint-Affrique, en Aveyron, un jeune chef d'entreprise dont l'inclination politique penchait à droite. Sans doute poussé par d'amicales relations, il se mit en tête de partir à la conquête de l'hôtel de ville.

   Rome ne fut pas construite en un jour, et Saint-Affrique pas conquise en une tentative. En 2008, placé en troisième position sur la liste de droite, Sébastien David connut les affres d'une défaite cinglante face au maire sortant, le socialiste Alain Fauconnier. En 2014, désormais tête de liste, le pas encore quadragénaire fut de nouveau vaincu, mais par un écart plus mince. Enfin, en 2020, secondé par Émilie, il décroche le graal saint-affricain.

   Cette épopée municipale se doubla d'une conquête cantonale. Elle prit le même chemin laborieux et débuta par une large défaite, en 2011, face à celui qui était alors présenté comme le dauphin du maire socialiste. Sébastien David prit sa revanche en 2015, bien aidé par les déboires de son ancien vainqueur. Les divisions de la gauche lui permirent d'arracher à celle-ci le canton, qu'il conserva assez facilement en 2021. Tout allait bien pour Sébastien David, qui avait même accepté d'être le suppléant du nouveau député Viala. Ce n'est que plus tard qu'il comprit son erreur.

   Depuis le retrait de Jacques Godfrain, la troisième circonscription de l'Aveyron semble brûler les doigts des députés de droite qui l'ont acquise. Ainsi Alain Marc, mis sur orbite par le prestigieux sortant, a naguère quitté les ors du Palais Bourbon pour l'épaisse moquette du Palais du Luxembourg. Il avait gardé la place au chaud pour Arnaud Viala, qui n'aura finalement même pas effectué un septennat dans le poste, préférant se jeter sur la présidence du Conseil départemental de l'Aveyron, en passant sur le cadavre politique d'un membre de sa majorité.

   Les thuriféraires d'Arnaud Viala clament son dévouement, son désir de servir avant tout l'Aveyron et les Aveyronnais. On est prié d'acquiescer, l'oeil humide, tandis que l'ancien député se fait voter une spectaculaire augmentation d'indemnité... qui lui permet d'amortir le passage de la députation à l'exécutif départemental, moins rémunérateur. "Monsieur 31 %", comme il est parfois surnommé dans les rues du chef-lieu aveyronnais (les mauvaises langues faisant remarquer que le chiffre de l'augmentation n'est pas très éloigné du pourcentage des suffrages exprimés atteint au premier tour de la législative de 2017) n'avait cependant pas mesuré toutes les conséquences de sa geste électorale.

   Élu président du Conseil départemental de l'Aveyron le 1er juillet dernier, il n'a officiellement démissionné de l'Assemblée nationale que le 31 juillet, soit presque un mois plus tard. C'est là que les choses se compliquent. L'analyse d'un blogueur du Monde va nous être très utile.

   Normalement, l'abandon du mandat de député pour cause de respect de la loi sur le cumul doit permettre au remplaçant de siéger à l'Assemblée nationale, sans avoir à organiser d'élection législative partielle. Quand bien même le remplaçant (ici, Sébastien David, pas très à l'aise dans le costume qu'on lui fait porter) refuserait le poste de député, moins d'un an avant les nouvelles élections nationales, il ne peut être programmé de nouveau scrutin. Mais, comme Arnaud Viala a attendu d'avoir été élu président du Conseil départemental pour démissionner de l'Assemblée nationale, son remplaçant est tenu de lui succéder, même brièvement, avant d'éventuellement démissionner à son tour. Or, l'obtention du mandat de député par Sébastien David étant la plus récente, elle prime sur tout autre mandat. Le voilà donc contraint à quitter ses fonctions de maire, de président de communauté de communes (qu'il devrait toutes deux avoir retrouvées prochainement) et de conseiller départemental.

   (Précisons que si Arnaud Viala avait pris l'énoooorme risque de démissionner de la députation ne serait-ce que la veille de son élection à la tête de l'exécutif aveyronnais, cette histoire n'aurait pas lieu d'être.)

   Cela nous mène au premier tour du scrutin départemental, qui s'est tenu ce dimanche. Les résultats (tels qu'ils ont été communiqués par Centre Presse) ont été un peu surprenants :

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    Si le binôme emmené par Sébastien David est bien arrivé en tête, il devance deux concurrents de gauche, le second appelant à voter pour le premier. Mathématiquement, le conseiller sortant pourrait être battu dimanche prochain.

   Toutefois, cette analyse est à tempérer par le taux de participation, qui fut très faible : seulement 35 % des électeurs inscrits se sont déplacés. Cela explique la considérable chute du vote en faveur de Sébastien David (et de son colistier) : en moins de quatre mois, il est passé de 2334 à 1459 voix, soit une perte de 37 %. L'avenir proche nous dira si la mobilisation des caciques de la droite en faveur du plus bref député de l'histoire aveyronnaise (Sébastien le Bref ?) suffira à lui permettre de conserver l'une de ses prébendes.

   P.S.

   Signalons que le binôme de gauche qui affrontera au second tour celui conduit par Sébastien David est composé du fils de l'ancien maire de Saint-Affrique et de l'un des anciens adjoints de celui-ci. C'est règlement de comptes à OK Corral !

dimanche, 03 octobre 2021

Rendez l'argent !

   Ce matin, je me suis réveillé avec une radio publique, qui a "bousculé " sa programmation pour traiter l'événement du jour : le décès de Bernard Tapie. Déjà, que l'on accorde une grande place à ce petit personnage ne me plaisait pas. Mais, quand j'ai commencé à entendre ce qui se disait de lui, puis à lire ce qui était écrit à son propos, mon sang n'a fait qu'un tour. Comment peut-on rendre hommage à un individu aussi malhonnête ? Par bêtise ? Par calcul politique ? Par méconnaissance ?

   Il est peut-être nécessaire de rafraîchir la mémoire de nos concitoyens oublieux. Il y a dix ans, j'avais consacré un billet à un excellent ouvrage, signé Laurent Mauduit (aujourd'hui à Mediapart) :

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   À celles et ceux qui n'auraient pas la possibilité ou l'envie de se taper un livre entier sur l'un des plus gros magouilleurs de la République, je conseille la vision d'un documentaire datant de 2015, à l'écriture duquel a participé Laurent Mauduit. Il actualise les informations présentes dans le livre (qui date de 2008), sans aller jusqu'à l'époque actuelle. Voilà de quoi faire de tout un chacun un(e) citoyen(ne) correctement informé(e).

   Franchement, je trouve le déluge de louanges à gerber !

   P.S.

   J'ai regardé le documentaire ce dimanche, en début d'après-midi. Il n'avait pas (encore) été vu par beaucoup de monde :

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   Comparez avec le moment où vous y accédez !

samedi, 02 octobre 2021

Le barrage de Couesques

   Hier vendredi, j'ai assisté à la projection d'un documentaire datant de plus de soixante-dix ans. (Un extrait est visible ici, sans le son de l'époque.) Il a été tourné au fur et à mesure que s'est construit un barrage aveyronnais, celui de Couesques, à cheval sur les communes de Saint-Hippolyte et Campouriez, dans le nord-ouest du département.

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   Ce barrage (et l'usine hydroélectrique qu'il permet de faire fonctionner) fait partie d'un ensemble d'édifices (gérés par EDF) situés sur les cours du Lot et de la Truyère. Envisagée dès le début du XXe siècle, la construction n'a été mise en chantier qu'à la sortie de la Seconde Guerre mondiale (d'autres barrages, sur le secteur cantalien, ayant été bâtis dans les années 1930).

   Une partie de ces explications a été donnée aux visiteurs à l'occasion d'une visite de l'espace EDF, organisée dans le cadre de la projection. Prévue pour succéder à celle-ci, elle a été proposée en guise d'introduction à la moitié de l'audience, en raison de l'afflux de visiteurs. La petite salle des fêtes de Saint-Hippolyte pouvait accueillir une cinquantaine de personnes (jauge estimée largement suffisante par les organisateurs, qui avaient certes communiqué sur l'événement, mais de manière modeste)... or c'est environ le double qui s'est présenté à l'heure dite. (Cette affluence ne fut pas sans me rappeler la foule qui avait assisté, il y a presque onze ans, à une réunion d'information sur la gestion de ces mêmes barrages. C'était dans le gymnase d'Entraygues-sur-Truyère, commune voisine de Saint-Hippolyte.)

   Quelques places se sont toutefois libérées quand les organisatrices ont annoncé qu'elles devaient vérifier les passes sanitaires. Cela n'a évidemment posé aucun problème à l'écrasante majorité du public, très discipliné sur ce plan... alors que, dans la foule, plus nombreuses ont été les personnes à "oublier" d'éteindre leur téléphone portable pendant la projection...

   La première partie du film (d'une durée totale de 50 minutes) montre le site avant les travaux. Cela a particulièrement intéressé les spectateurs, pour la plupart originaires du coin (quelques-uns même déjà nés à cette époque). Les scènes de creusement puis de transport des blocs de pierre (parfois de taille impressionnante) ont suscité des réactions dans le public, dans lequel se trouvaient (me semble-t-il) quelques retraités ayant exercé une activité manuelle.

   Le chantier a vu la mise en œuvre de technologies avancées pour l'époque. Les débris rocheux ont été transportés par camions... et téléphérique, une ligne (de cinq kilomètres de longueur) ayant été spécialement aménagée à cet effet. Cela nous a valu quelques beaux plans aériens de la vallée (certes, en noir et blanc). Ils ont été complétés par des cartes qui, pour être sommaires, présentaient quand même fort bien la situation géographique du chantier.

   On ne nous a pas laissé non plus ignorer les détails de la fabrication du béton, ni des turbines, de la matière première au produit fini, en passant par l'assemblage, une étape particulièrement délicate, se jouant au centimètre voire au millimètres près. Et tout cela, sans ordinateur !

   C'est dire si ce film est aussi un hommage aux travailleurs du chantier. Les ingénieurs étaient français, mais la main-d'oeuvre venait de l'étranger. Espagnols, Portugais, Polonais immigrés ont côtoyé des prisonniers de guerre allemands, comme l'a rappelé l'un des spectateurs, jeune garçon à l'époque. Il disait avoir été marqué par la toilette des Allemands, qui allaient se baigner nus dans la Truyère ! (Notons que l'organisation de la projection était l'occasion de lancer le projet d'un réalisateur, qui ambitionne de créer un spectacle son et lumière sur le sujet, en s'appuyant sur des témoignages d'habitants. Ceux-ci étaient invités à laisser leurs coordonnées à l'issue de la séance.)

   L'avant-dernière partie du film était consacrée à la vie des ouvriers. Ils ont été logés dans une cité bâtie sur les hauteurs (en allant vers le bourg central de Saint-Hippolyte, mais un peu à l'extérieur). Un transport en bus avait été mis en place pour faciliter leurs déplacements entre la cité et le chantier. Le dimanche, les passionnés de football étaient emmenés plus bas, à Entraygues, où se déroulaient des matchs, sur un terrain qui n'avait pas grand chose à voir avec ceux que l'on inaugure de nos jours. (Un autre spectateur, cordonnier à la retraite, a évoqué les chaussures des joueurs, sur lesquelles il a jadis exercé son art.) Cette séquence a elle aussi suscité les réactions du public, où se trouvaient nombre d'anciens pratiquants de la "balle au pied"... ainsi que quelques pratiquantes, d'après ce que j'ai pu capter (involontairement) d'une conversion entre deux mamies, qui se rappelaient le bon temps des parties de foot auxquelles elles avaient participé !

   Ces ouvriers méritaient bien quelques divertissements, tant leur travail était éprouvant... et dangereux. Plusieurs scènes montrent des hommes suspendus à une corde, en train de vérifier le détail de la paroi du barrage, ou le coffrage métallique, voire en train de peindre. Les spectateurs chercheront en vain toute trace de harnachement sécuritaire !

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   Une autre figure a ému l'assistance, celle du curé du village, jeune homme à l'époque, mais que visiblement plusieurs spectateurs ont connu par la suite.

   Le documentaire s'est achevé par la mise en route du barrage et de l'usine, avec les procédures de sécurité (qui consistaient à tester les installations). Il s'agissait donc bien d'un film de propagande, en l'honneur d'une France valeureuse, imaginative, travailleuse, tentant de se débarrasser des dernières séquelles de la guerre et de retrouver un peu de son lustre d'antan.

Stillwater

   C'est le nom d'une petite ville des États-Unis (comptant environ 40 000 habitants), située dans le nord de l'Oklahoma, entre Kansas et Texas.

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   Bill Baker (Matt Damon, sobre et efficace) y vivote, entre deux emplois manuels. Il est parfois hébergé par sa belle-mère. On finit par apprendre que son épouse est décédée, tandis que leur fille unique Allison est partie poursuivre ses études en France, plus précisément à Aix-Marseille. En réalité, elle y est emprisonnée depuis cinq ans, pour un crime qu'elle jure ne pas avoir commis. (L'histoire est librement inspirée de l'affaire Amanda Knox.)

   Poussé (et financé) par la grand-mère, Bill traverse l'Atlantique et débarque dans la cité phocéenne, où il va vivre un sacré choc culturel. La première partie suit l'Américain dans ses démarches quotidiennes, lui qui ne parle pas un mot de français. Armé de sa foi, de sa ténacité et de sa volonté d'être enfin un bon père, il rencontre sa fille, des avocats, des détectives privés... et une Française insouciante de prime abord, mais qui va devenir son principal soutien. Camille Cottin incarne avec talent Virginie, cette intermittente du spectacle parisienne (sans doute végétarienne), venue s'installer à Marseille avec sa fille. Autant elle est vibrionnante, intellectuelle et engagée, autant Bill (gros mangeur de viande) est posé, terre-à-terre, manuel et placide quant au fonctionnement de la société marseillaise. Cette première partie ne nous permet d'ailleurs pas d'en ignorer les aspects peu reluisants : délinquance, incivisme et saleté. Le tout est rythmé, parfois trépidant.

   Cette opinion est nuancée par la deuxième partie. Fort heureusement, le scénario ne se limite pas au combat d'un père pour sauver sa fille victime d'une terrible injustice. Cela aurait pourtant suffi à bâtir une intrigue complète. Mais les auteurs se sont mis à quatre (avec Thomas Bidegain pour la partie française) pour écrire une fresque qui s'étend sur des mois. Il est d'ailleurs assez réaliste d'imaginer que les problèmes de la fille ne puissent pas se régler en deux-trois semaines.

   Le changement d'ambiance survient lorsqu'Allison obtient le droit d'effectuer une sortie mensuelle, en compagnie d'un chaperon. Le papa désormais très présent va jouer ce rôle. Bill a posé ses valises à Marseille, peut-être définitivement. Il est devenu le colocataire de Virginie, dans un compagnonnage qui, pour l'instant, reste platonique. Il sert aussi de baby-sitter de secours de Maya (Lilou Siauvaud, un nom à suivre), la fille de Virginie, qui est en quête d'un père de substitution... enfin un qui tienne mieux la route que les rencontres occasionnelles de sa mère.

   J'ai beaucoup aimé cette partie, filmée avec plus de calme et un souci évident d'esthétique. La famille recomposée fonctionne plutôt bien. Bill, qui a trouvé du travail dans le bâtiment, sait à présent se débrouiller (un peu) en français et Maya acquiert progressivement des bases en anglais. Le redneck américain s'est acclimaté ; il a découvert la beauté des calanques (très bien filmées). Tout bascule un soir de match, au stade Vélodrome (dont l'ambiance m'a semblé bien rendue).

   La troisième partie prend le tour d'un thriller, qui nous réserve quelques surprises. Je n'en dirai pas plus, mais je peux quand même ajouter que l'on n'a pas cherché la voie la plus facile dans la conclusion de cette double histoire (la condamnation d'Allison et la relation de Bill avec les Françaises). À la fin, je m'attendais à une scène qui n'est jamais venue.

   J'ai adoré ce film, à voir en version originale sous-titrée, pour saisir toutes les difficultés de communication entre l'anglophone strict (du début) et les Français plus ou moins habiles dans la langue de Joe Biden.

   P.S.

   Je ne peux pas achever cette note sans évoquer une anecdote croustillante. Un jour, Virginie accueille chez elle, outre Bill, sa meilleure amie, experte en informatique. Celle-ci s'inquiète des opinions politiques de celui qui a le profil d'un électeur de Donald Trump. La réponse de Bill, en deux temps, est savoureuse. C'est un peu à l'image du film, construit sur plusieurs couches. On en déguste une avant de découvrir qu'il y a autre chose au-dessous.

mercredi, 29 septembre 2021

Le Sommet des dieux

   En matière d'alpinisme, je ne suis ni croyant ni pratiquant. Mais, quand j'ai appris la sortie d'un film d'animation adapté d'un manga de Jiro Tanigushi (lui-même adapté d'un roman japonais), j'ai décidé de tenter l'expérience.

   L'intrigue nous fait suivre un photographe japonais amateur d'alpinisme. Un soir, à la sortie d'un bar de Katmandou, il pense être tombé par hasard sur Habu, une des légendes nippones de l'escalade, disparu des radars depuis plusieurs années.

   Suivent plusieurs retours en arrière. Pendant que le héros se lance à la recherche de l'alpiniste, on nous fait revivre des épisodes importants de son passé. J'ai trouvé très réussies les scènes d'escalade, à la fois belles et haletantes. (Il serait toutefois intéressant d'avoir l'opinion d'un.e spécialiste.) Certains plans d'altitude sont particulièrement beaux... même si je persiste à penser que des prises de vue réelles auraient été encore plus impressionnantes.

   L'intrigue prend aussi la forme d'un polar. En effet, il est possible qu'Habu ait trouvé, au cours d'une de ses expéditions impossibles, l'appareil photographique de feu George Mallory, dont on se demande encore aujourd'hui s'il ne fut pas,  presque trente ans avant Edmund Hillary, le premier alpiniste (occidental ?) à avoir gravi l'Everest.

   La dernière partie voit le suspens augmenter. On suit la folle tentative de deux hommes, seuls face aux éléments et à leurs faiblesses. C'est bigrement bien foutu.

   P.S.

   Le réalisateur, Patrick Imbert, est le co-auteur du Grand Méchant Renard.

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dimanche, 26 septembre 2021

Les Sorcières d'Akelarre

   En langue basque, aquelarre désigne le "pré du bouc", l'endroit où de présumées sorcières sont censées se livrer au sabbat. Au début du XVIIe siècle, l'Inquisition pourchasse, outre les divers hérétiques, les femmes soupçonnées de se livrer à des actes contraires à la morale catholique.

   Dans ce village de la côte basque, les hommes sont absents la moitié de l'année, partis pêcher au loin, jusqu'à Terre-Neuve. Des rumeurs circulent quant au comportement des épouses et des filles. Cinq d'entre elles (puis une sixième) sont arrêtées et soumises à un interrogatoire de plus en plus poussé.

   La meilleure partie du film est constituée de ces scènes, soit de cellule (les femmes étant enfermées ensemble), soit de questionnement, qui finit par prendre la forme d'une torture. Au départ, les jeunes femmes n'en reviennent pas d'avoir été arrêtées pour des comportements innocents (elles se promènent en forêt, dansent sur des chants traditionnels). Pour prouver à quel point les accusations qui pèsent sur elles sont absurdes, elles vont entrer dans le jeu de l'inquisiteur... au risque que le cours des événements dérape.

   Les images tournées dans l'obscurité ou la semi-obscurité sont belles. Elles se marient bien avec le fond de l'intrigue, l'enquête ecclésiastique peinant à déterminer si ces jeunes femmes sont de simples "dévergondées" ou d'authentiques "satanistes". Le propos du film est évidemment militant : il dénonce l'oppression des femmes par des religieux exclusivement masculins... et, incidemment, l'oppression des Basques par la Castille. Du côté français comme du côté espagnol, le "pays basque" (au sens large) a peut-être été la région la plus marquée par de supposés épisodes de sorcellerie. Toutefois, à l'époque à laquelle se déroule notre histoire, en particulier du côté espagnol, l'action de l'Inquisition fut plus modérée que ce que montre le film.

   Son propos est gâché par la fin et la séquence du sabbat, totalement grotesque. D'un côté, je comprends que le réalisateur Pablo Aguero (remarqué il y a quelques années avec Eva ne dort pas) ait voulu tourner en ridicule la petite troupe inquisitoriale. Mais c'est sa séquence elle-même qui manque de crédibilité, sans parler de la fin. C'est dommage, parce que le film charrie une force incontestable, sur des thématiques qui parlent aux spectateurs du XXIe siècle.

   P.S.

   Sorcellerie et satanisme (mélangés un peu n'importe comment) se trouvent aussi à l'arrière-plan de la Trilogie du Baztan, une production Netflix récemment mise en ligne sur le site d'Arte. L'action se déroule de nos jours, en Navarre, à proximité de la frontière avec la France. La police locale reçoit le renfort d'une enquêtrice originaire de la région, qui a travaillé avec le FBI. Ils ne seront pas de trop pour démêler une série de crimes sordides, dans une ambiance glauque, pluvieuse à l'excès. Les trois films sont adaptés des romans de Dolores Redondo. Je recommande surtout le premier volet, intitulé Le Gardien invisible (qui a peut-être inspiré la série française Zone blanche). Les deux films suivants sont de moins bonne qualité : leur intrigue ne tient pas sur la longueur et le réalisme cède petit à petit la place au grotesque.

vendredi, 24 septembre 2021

Dune

   Dans une très grande salle, avec un son 4K, dolby surround 7.1... et en version originale sous-titrée, il était grand temps que je m'offre une séance de la nouvelle adaptation du roman culte de Frank Herbert.

   Je suis un ancien lecteur d'une partie de la saga, le premier roman restant à mes yeux le meilleur de tous. Que Denis Villeneuve et ses scénaristes aient procédé à plusieurs modifications ne me gêne guère. Le cœur de l'histoire reste le même. C'est sur le dynamisme de l'intrigue et la mise en images que j'attendais le réalisateur (entre autres) de Blade Runner 2049.

   Sur le plan visuel, incontestablement, le film est une réussite. Les séquences de désert sont superbes... mais celles se déroulant en Écosse sur Caladan tout comme les scènes "spatiales" sont elles aussi mises en scène avec brio. On peut bien déplorer ici ou là quelques longueurs, mais je pense que, pour que l'œuvre garde un certain souffle, il était difficile de faire plus court. On aurait pu toutefois couper un peu dans les scènes de vision de Paul, trop appuyées à mon goût.

   Cela m'amène à l'interprétation. Bien que globalement satisfaisante, elle donne un peu trop souvent l'impression de prestations scolaires. Je trouve que cela manque de chair... et d'humour. (Pourtant, à Hollywood, on sait combien la présence d'au moins un joyeux drille permet de faire décompresser une intrigue trop pesante...) De plus, je sais qu'il est de bon ton de s'extasier sur le talent de Timothée Chalamet, mais là, franchement, il ne fait pas d'étincelles. Je suis plus convaincu par les compositions de Jason Momoa (Aquaman ailleurs, toujours chez la Warner) et d'Oscar Isaac (dont le personnage finit par révéler que, jeune homme, il voulait devenir pilote... un clin d'œil au Poe Dameron de la dernière trilogie Star Wars).

   J'accorde une place particulière à Dame Jessica, mon personnage préféré du roman. C'est la compagne du duc Leto et la mère de Paul Atréide. Ici, elle est incarnée par Rebecca Ferguson (vue récemment dans Reminiscence). Elle est un mélange d'aristocrate médiévale et de sorcière. Elle a été éduquée à obéir. Son mariage a sans doute été arrangé, même si l'amour s'est mis de la partie... ainsi que l'orgueil. L'ancienne pensionnaire des Bene Gesserit n'a pas tout à fait rempli la mission qui lui avait été confiée... et elle joue un rôle décisif dans le destin de son fils. J'attendais avec impatience de voir Dame Jessica en action. Je n'ai pas été déçu.

   Sur le fond, Villeneuve et ses scénaristes ont "contemporanéisé" des éléments de l'arrière-plan. L'œuvre de Frank Herbert est marquée par la tragédie antique (les Atréides étant une référence aux Atrides), la féodalité médiévale (avec la rivalité entre cousins) et peut-être la Guerre froide. Ici, l'idéologie décoloniale a laissé sa marque. Le casting très multiethnique s'ajoute à la représentation des peuples du désert (clairement issus du monde arabo-musulman). À certains moments, la profusion de femmes voilées à l'écran est assez déplaisante. En revanche, la sensibilité écologiste d'Herbert n'a pas été beaucoup exploitée dans ce film-ci. On n'a droit qu'à quelques allusions. Ce sera peut-être plus développé dans le prochain.

   Quoi qu'il en soit, le savoir-faire est là. Certains moments sont spectaculaires. Je ne m'y suis pas ennuyé, mais c'est surtout joli à regarder.

15:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 22 septembre 2021

Sans signe particulier

   L'intrigue de ce film mexicain tourne autour de quatre femmes, quatre mères. On commence par suivre deux d'entre elles, deux paysannes semi-illettrées à la recherche de leurs fils, dont elles sont sans nouvelle depuis qu'ils ont décidé de tenter ensemble l'aventure du Rêve américain. La troisième mère vient d'un milieu plus privilégié, mais elle est confrontée à la même incertitude macabre. La quatrième est l'ultime secours des mères éplorées : la Vierge Marie, en laquelle le petit peuple des villes comme des campagnes place ses derniers espoirs, quand la police ne peut plus rien.

   Nous sommes au Mexique, au XXIe siècle. L'archaïsme des mœurs y côtoie le progrès technologique... et c'est le premier qui semble avoir le dessus : la rationalité des médecins-légistes, bien qu'appuyée sur des tests ADN, est d'un faible secours face au déchaînement d'une violence parfois inexplicable.

   La concernant, la réalisatrice Fernanda Valadez (une inconnue bourrée de talents) choisit d'avancer de biais. Ce ne sont pas tant les actes de violence qui sont l'objet de la mise en scène que leurs conséquences et la perception que les personnages principaux en ont. À l'écran, cela donne une ambiance tantôt faussement calme (on se croirait dans un documentaire), tantôt digne d'un film d'horreur, dans lequel les héros seraient confrontés à une puissance maléfique.

   La deuxième partie du film montre le périple de Magdalena, l'une des mères, en quête de vérité dans le Mexique profond. Elle va y faire une rencontre enrichissante, celle d'un autre désespoir solitaire. (Tout ce qui se passe entre ces deux personnages est d'une beauté limpide.)

   Pour découvrir le fin mot de l'histoire, il lui faudra franchir un gigantesque lac de barrage et entrer en contact avec un mystérieux vieillard ne parlant pas un mot d'espagnol. Son récit coloré n'a toutefois pas besoin de traduction... jusqu'au coup de théâtre que je ne révèlerai pas.

   C'est filmé avec talent, le style documentaire alternant avec l'onirisme. Les spectateurs attentifs remarqueront que certains interlocuteurs de Magdalena n'ont pas de visage, ce qui suscite interrogations voire incompréhension. C'est la manière choisie par la réalisatrice pour nous faire comprendre le ressenti de l'héroïne, une femme entre deux âges, mal à l'aise dans le monde moderne, mais opiniâtre.

   Mon palmarès 2021 vient de s'enrichir d'un nouveau long-métrage.

samedi, 18 septembre 2021

One Lane Bridge

   La chaîne franco-allemande vient d'achever la diffusion de la première saison de la mini-série One Lane Bridge ("Le Pont à voie unique"), dont les six épisodes sont disponibles en ligne jusqu'à la mi-novembre.

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   Nous sommes en Nouvelle-Zélande, en zone rurale. Ariki Davis, jeune inspecteur de police, débarque à Queenstown. Il est Maori (ses ancêtres viennent des îles Cook), mais, jusqu'à présent, a toujours vécu à Auckland. Il a accepté cette mutation pour pouvoir travailler sous les ordres d'une "pointure", Stephen Tremaire, qui dirige le commissariat local. Faute de logement disponible dans la commune, il va d'ailleurs être hébergé chez son supérieur hiérarchique, dont l'épouse ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant.

   Peu de temps après son arrivée, un cadavre est découvert sous le fameux pont, qui en a déjà vu beaucoup d'autres. Mais, cette fois-ci, c'est plus personnel, puisque le mort était un ami de Tremaire... et qu'il était aussi lié à son épouse.

   L'enquête va conduire le jeune Davis à découvrir les secrets des habitants de cette petite ville provinciale, au risque de se fâcher avec son supérieur... et même de ruiner sa carrière.

   Au centre des regards se trouve une famille de paysans, dont l'exploitation est sur le point de fêter ses cent ans. Le grand-père (veuf) est atteint de démence sénile, tandis que ses enfants se déchirent pour savoir quoi faire de la ferme (qui n'est plus rentable). À l'arrière-plan évoluent des investisseurs chinois et un couple de nouveaux riches néo-zélandais, pas toujours bien perçus par les locaux.

   Une once de fantastique est introduite par des visions, celles d'Ariki qui, quand il s'approche du pont, "perçoit" des choses, du passé comme de l'avenir. Au fil des épisodes, on comprend que ce pont, en plus d'avoir mauvaise réputation, est peut-être une fenêtre sensorielle sur l'espace-temps.

   J'ai tenté cela un soir, pour voir (en version originale sous-titrée, c'est mieux)... et je n'ai pas décroché avant d'avoir avalé les six épisodes (comme pour Bron), ce qui a quelque peu écourté ma nuit. Je n'ai pas tout aimé dans la série (en particulier le personnage d'une mère alcoolique -très bien interprété- irritante au possible), mais le suspens est intense, prenant. C'est de plus bien joué, avec de très beaux plans de la campagne néo-zélandaise. Cela m'a un peu rappelé Mystery Road et Top of the Lake (une série de Jane Campion, avec Elisabeth Moss). C'est dire.

vendredi, 17 septembre 2021

Les branleurs de Villefranche

   C'est ce que m'a inspiré la lecture d'un article de l'hebdomadaire Le Villefranchois, paru jeudi 16 septembre 2021. Ce "papier" évoque une brusque poussée du nombre d'arrêts maladie parmi le personnel de l'hôpital local, situé dans l'Ouest Aveyron, à Villefranche-de-Rouergue. Cette "épidémie" coïncide avec l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale pour les personnes travaillant dans les établissements de santé.

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   L'article estime qu'entre 10 % et 20 % du personnel est concerné (donc une minorité), l'incertitude tenant au fait que certains arrêts maladie peuvent être justifiés. Mais, comme nombre d'entre eux ont été signés par le même médecin urgentiste de l'hôpital... lui aussi en arrêt maladie (et opposé à l'obligation vaccinale), cela suscite de légitimes soupçons.

   C'est dommage pour l'image de l'hôpital de Villefranche, un établissement modeste, utile à l'équilibre du territoire et dont la qualité du travail a déjà été remarquée au niveau du soin de la thyroïde, de la spécialité cataracte et de la lutte contre les infections nosocomiales.

   Les pseudo-rebelles de l'établissement se voient pourvus d'un arrêt maladie de... deux mois ! C'est-y pas beau ? Huit semaines de congés supplémentaires, payés par les contribuables (assujettis sociaux, pour être plus précis), quasiment au même salaire. (J'ai calculé que le cumul des indemnités journalières pouvait permettre à une personne payée 2000 euros par mois de gagner presque autant.)

   J'ajoute que certains de ces pseudo-rebelles ont envoyé un courrier menaçant à la direction de l'hôpital. Pour moi, le plus consternant dans cette histoire est le manque d'éthique de cette minorité du personnel soignant. Ne pas nuire devrait être un de leurs mots d'ordre... surtout quand on sait comment des milliers de personnes ont été contaminées par le covid. Ainsi, dans certains EHPAD, des patients seuls dans leur chambre, ne recevant aucune visite, ont quand même chopé la maladie... transmise par qui, d'après vous ? Les extraterrestres ? La 4G ? Ce serait (presque) drôle si ce n'était pas tragique.

   Ne parlons pas du surcroît de travail que l'absence de ces pseudo-rebelles va faire peser sur les épaules de leurs collègues soucieux (eux) du bien commun. La qualité des soins dispensés dans cet hôpital risque de se dégrader.

   Si les informations publiées par l'hebdomadaire aveyronnais sont confirmées, j'espère que de lourdes sanctions vont être prises contre les membres du personnel qui trahissent leur mission.

mercredi, 15 septembre 2021

Code 7500

   C'est le titre d'un téléfilm germano-américain, qu'Arte vient de diffuser et qui est encore accessible pendant quelques jours en mode rattrapage. (Il sera rediffusé le 23 septembre prochain.)

   Pendant 1h22, on suit, en temps réel, le vol d'un avion effectuant le trajet Berlin-Paris, de l'embarquement à... la fin, que je ne dévoilerai pas ici.

   Peu de temps après le décollage, le cockpit est attaqué par quatre terroristes islamistes. Un seul membre d'équipage survit. C'est Tobias Ellis, le copilote (d'origine américaine), interprété par Joseph Gordon-Lewitt. Les autres personnages semblent être tous allemands, à l'exception de quelques passagers que, dans la version originale, on entend parler français.

   À partir de là commence un huis-clos tendu à l'extrême, Tobias étant parvenu à conserver les commandes de l'avion, que les terroristes tentent par tous les moyens de lui reprendre. Le héros se retrouve face à un dilemme : doit-il suivre la procédure d'urgence à la lettre (et ne plus tenir compte de ce qui se passe en dehors du poste de pilotage, quoi que les terroristes fassent subir aux passagers)... ou bien doit-il tenter quelque chose ? Le fait que que sa compagne soit présente dans l'avion rend ce choix particulièrement cornélien.

   La scénario est excellent et s'inspire visiblement de ce qui est arrivé au Vol 93, le 11 septembre 2001, auquel Paul Greengrass a jadis consacré un bon film.

   Au cours de cette brève histoire, certains personnages évoluent. Au départ, le jeune copilote (âgé de 31 ans) paraît un peu tendre, pas taillé pour affronter ce genre de situation. Il va devoir rapidement s'endurcir. En face, l'un des quatre pirates de l'air (le plus jeune) révèle une personnalité moins monolithique que celle de ses comparses.

   Je n'attendais pas grand chose de ce téléfilm. Finalement, ce n'est pas mal du tout.

samedi, 11 septembre 2021

Boîte noire

   Même si son aspect extérieur est rouge, on continue à appeler ainsi le système d'enregistrement en vol, dont la récupération (en bon état) est un enjeu majeur des enquêtes succédant à un accident aérien.

   Il convient d'être attentif dès le début, durant la séquence tournée à l'intérieur de l'avion (avec un beau travelling arrière). En apparence, il s'agit d'un vol ordinaire (entre Dubaï et Paris), avec certes quelques turbulences, mais a priori rien de grave. Dans la suite de l'histoire, on entend et réentend la partie son de cette séquence, sous différents angles, au fur et à mesure que les enquêteurs tentent de décrypter tous les bruits émis dans l'appareil.

   Avant cela, on découvre le fonctionnement du B.E.A. (Bureau d'enquêtes et d'analyses), de manière quasi documentaire. Le réalisateur Yann Gozlan réussit à rendre passionnante la vision d'un travail administratif souvent fastidieux. Les technologies numériques sont très bien intégrées à l'intrigue : on constate la place qu'elles prennent aussi bien dans la vie privée que dans le travail des personnages principaux.

   Le début plante aussi le décor, présentant de manière claire les relations entre les différents protagonistes. Pierre Niney incarne avec sobriété Matthieu Vasseur, un jeune enquêteur minutieux, doté d'une ouïe extraordinaire. C'est une autre qualité à porter au crédit du film : la mise en scène du travail sur le son, au cours d'une enquête. Parfois, on n'est pas très loin du Chant du loup. En raison de la manière dont le héros exploite le moindre détail du corpus audio qu'il analyse, certains cinéphiles seront tentés de penser aussi au Blow up d'Antonioni ou au Blow out de Brian de Palma.

   À la lecture de ces prestigieuses références, vous aurez compris que j'ai été emballé par ce film. C'est d'abord un excellent polar. On se demande longtemps quelle est la cause réelle du crash : une défaillance technique ? un attentat islamiste ? autre chose ? Dessus se greffe une enquête sur la disparition du supérieur hiérarchique du héros (très bien incarné par Olivier Rabourdin, vu récemment dans Benedetta). On sent Matthieu devenir petit à petit un brin paranoïaque, à tel point qu'on se demande, à l'instar de certains de ses collègues, s'il ne s'est pas fourvoyé.

   Les réponses à de nombreuses questions seront trouvées dans une mystérieuse maison, où Matthieu est amené à se rendre à deux reprises.

   C'est prenant, haletant même dans la dernière demi-heure. Les seconds rôles sont très bien interprétés, par une foultitude de guests (André Dussolier, Aurélien Recoing, Gregori Derangère...). Si vous ajoutez à cela une musique intrigante sans être trop présente, vous obtenez l'un des meilleurs films de l'année.

22:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 08 septembre 2021

Délicieux

   Dans les années 1780, en France (peu avant la Révolution, donc), le chef cuistot d'un duc auvergnat va connaître la disgrâce, dans des circonstances que je me garderai de raconter. Replié sur la ferme familiale, poussé par des proches qui croient en son talent, il va lancer un des premiers restaurants « modernes ».

   Entendons-nous bien. Il était déjà possible de se nourrir en dehors de son domicile, et ce depuis des siècles. Ainsi, il y a près de 2000 ans, à Pompéi, les citadins pressés pouvaient bénéficier des services d'un ancêtre du fast-food. En France, depuis la Renaissance, les voyageurs profitaient des arrêts aux relais de poste pour se restaurer dans une auberge. Le personnage principal de notre histoire va lui inventer un lieu où l'on vient spécifiquement pour se nourrir, à une table séparée, en choisissant dans un menu préétabli.

   Ce personnage bourru et talentueux a les traits de Grégory Gadebois (vu récemment dans Présidents), qu'on dirait fait pour le rôle. Certains déploreront peut-être qu'il soit fait d'un seul bloc. Mais c'est contrebalancé par le jeu de sa partenaire, Isabelle Carré (formidable), qui incarne la mystérieuse Louise, l'apprentie opiniâtre qui cache de douloureux secrets.

   Notons que la distribution réunit une kyrielle d'acteurs qui se sont déjà croisés dans L'Esprit de famille, le précédent film d'Eric Besnard : outre I. Carré, Guillaume de Tonquédec, Jeremy Lopez, Marie-Julie Baup... Le réalisateur fait montre des mêmes qualités que celles observées l'an dernier, avec quelques plans somptueux de la campagne française et des natures mortes évocatrices. La manière dont les plats sont préparés est particulièrement bien mise en scène : en sortant de là, on a envie de faire chauffer la carte bleue pour s'offrir un gastro... ou, faute de mieux, de dévaliser le frigo ! J'ajoute que le scénario est coécrit par Nicolas Boukhrief, auteur, entre autres, de Made in France (toujours d'actualité, hélas), de Cortex et du Convoyeur.

   L'époque du XVIIIe siècle finissant est bien restituée. Le premier repas gastronomique chez le duc donne lieu à des joutes verbales qui ne sont pas sans rappeler celles de Ridicule. C'est aussi l'occasion de montrer les écarts de puissance et de richesse dans la France monarchique. Au-delà de l'hommage à la (bonne) cuisine, au-delà d'une histoire d'amour prévisible, ce film est d'abord le portrait d'une France très inégalitaire (bien plus qu'aujourd'hui), où la violence politique est sur le point de se déchaîner.

dimanche, 05 septembre 2021

Wonder Woman 1984

   En raison de la pandémie de covid (et de la prudence excessive des distributeurs), les cinéphiles n'ont pas eu la possibilité de découvrir ce long-métrage en salles. C'est donc dans une chambre d'hôtel (celui-ci abonné à une chaîne cryptée) que je me suis récemment "fait une toile".

   Ce film est censé être la suite de Wonder Woman, dont l'action se déroule majoritairement pendant la Première Guerre mondiale. Paradoxalement, cela démarre par un retour en arrière. On y voit Diana préadolescente, désireuse de remporter une prestigieuse compétition entre jeunes Amazones... quitte à contourner les règles. La séquence, bien construite, n'est pas sans rappeler certains épisodes de la saga Harry Potter. Elle aurait mérité une vision sur très grand écran.

   Ensuite, direction 1984 et l'Amérique reaganienne, en pleine Guerre froide contre l'ogre soviétique. Les femmes n'y étaient pas aussi bien considérées qu'aujourd'hui. Y compris dans le musée où elle travaille, Diana Prince tranche par son assurance... et sa faculté à se déplacer avec grâce sur de hauts talons. (Comme quoi, le mannequinat peut parfois servir à quelque chose.) Je n'ai pas trop compris où se situait la réalisatrice Patty Jenkins sur ce sujet. Au début, on perçoit de la réprobation vis-à-vis de ce code vestimentaire imposé par une vision machiste de la société. Mais, finalement, j'ai eu l'impression que le fait d'arriver à se déplacer sans problème avec ces horribles chaussures était porté au crédit des personnages.

   C'est sur le registre comique que je trouve le film plus réussi (moins toutefois que le précédent). Un personnage (interprété par Chris Bite Pine) surgit du passé de Wonder Woman. Il s'extasie sur la modernité de l'époque (les années 1980)... alors que, pour les spectateurs du XXIe siècle, ce monde a un côté vintage. Ces retrouvailles nous valent une belle scène en avion, jusque dans l'espace. Là encore, le grand écran aurait été justifié... tout comme dans la meilleure séquence d'action du film : la bagarre au sein de la Maison Blanche. Le personnage incarné par Gal Gadot (toujours aussi sensuelle...) y découvre ses faiblesses.

   Cependant, dans l'ensemble, le film est décevant. Au cœur de l'intrigue se trouve une mystérieuse pierre antique, capable d'exaucer le vœu le plus cher de la personne qui la touche. Locales au départ, les conséquences vont devenir planétaires. J'ai trouvé cela un peu gros (et un peu con), même s'il était intéressant de confronter la super-héroïne à des antagonistes qui sont, au départ, des individus ordinaires. J'ai aussi trouvé savoureux que l'on nous montre la bêtise de certains individus, lorsqu'ils ont l'occasion de réaliser leur vœu le plus cher. Mais le souci de réalisme est passé au second plan, sans parler de l'impression de se retrouver, parfois, face à un jeu vidéo. Enfin, last but not least, si Gal Gadot est impeccable dans les scènes d'action et les moments de comédie, elle est moins crédible dans les scènes d'émotion (même en V.O.). Du coup, je suis sorti de là assez partagé.

   P.S.

   Le caméo qui interrompt le générique de fin est un clin d'œil au passé télévisuel du personnage principal.

Chers camarades !

   Moins d'un an après l'étonnant Michel-Ange, Andrey Konchalovsky ressuscite une nouvelle fois le passé, cette fois soviétique. Il s'est inspiré du massacre de Novotcherkassk (en juin 1962) pour construire une fiction à caractère documentaire, imprégnée de tragédie classique.

   Le tout début met en scène un couple de quadragénaires, dans une chambre à coucher. On comprend rapidement que tous deux sont des cadres du Parti communiste local. On est au réveil et la caméra suit Lioudmila (ou son reflet dans une glace) en train de s'habiller. Dans le même temps, une discussion de plus en plus tendue s'engage entre les deux amants. Il faut regarder avec attention cette scène : on n'est pas près de revoir cette femme aussi belle et sûre d'elle. Avant de sortir de l'appartement, elle aura empilé des vêtements et arrangé sa coiffure d'une manière qui contribue à l'enlaidir. Pour l'extérieur, la camarade adopte un profil austère. Guettez toutefois la phrase qu'elle prononce, juste avant de sortir : elle donne un sel particulier à ce que l'on vient de voir...

   La séquence suivante témoigne du même savoir-faire dans la mise en scène. L'héroïne se rend dans un magasin d'alimentation ("ΓΑCTPONOM" dans la langue de Vladimir Poutine) qui peine à contenter ses clients. Mais, quand on appartient à la nomenklatura locale, l'épicière se montre beaucoup plus accommodante...

   Bien que relativement privilégiée par rapport au reste de la population, Lioudmila est dans une situation familiale délicate. Elle a perdu son amour de jeunesse au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle vit désormais avec sa fille, une lycéenne de 18 ans, et son père (veuf), qui a connu la Guerre civile au début des années 1920... et qui conserve précieusement (outre son vieil uniforme) une icône de la Vierge, cachée au fond d'une valise.

   La relation mère-fille est houleuse. La jeune adulte rejette les conventions imposées par sa mère et la société soviétique... et elle fréquente des ouvriers rebelles de l'usine de locomotives voisine. Ceux-ci protestent contre l'augmentation des prix des produits alimentaires et les nouvelles cadences mises en place à l'usine. Nous sommes à la fin du printemps 1962, juste avant le déclenchement de la crise des missiles de Cuba. Le pouvoir soviétique ne veut pas entendre parler de mouvements de protestation. La situation va dégénérer.

   L'un des intérêts du film est de nous en proposer une vision de l'intérieur du Parti communiste. Plusieurs autorités sont mêlées à la crise : la direction de l'usine, la municipalité, le PC local et régional, la milice, l'armée régulière... et le KGB. Ici, le réalisateur, qui semblait avoir jusque-là un point de vue distancié, prend position dans l'analyse du déclenchement du massacre.

   La seconde partie de l'histoire voit Lioudmila partir à la recherche de sa fille (dans la rue, chez des amis, à la morgue, à l'hôpital, dans un cimetière...), se rapprochant d'un officier du KGB compréhensif et séduisant (il a un petit air de Jean Marais, je trouve). Serait-on en pleine science-fiction ?

   Quoi qu'il en soit, les acteurs principaux sont formidables, en particulier Yuliya Vysotskaya, qui porte le film sur les épaules et passe par tous les états émotionnels. La mise en scène est d'une grande rigueur, les plans étant construits avec soin. Outre les scènes déjà citées, je recommande le dialogue entre la mère et le grand-père, un soir, dans la cuisine, autour d'une bouteille d'alcool fort. Ou encore la perquisition menée par l'officier du KGB (dans l'appartement), durant laquelle on sent que le personnage change petit à petit d'opinion.

   Le noir et blanc, sans être d'une beauté bouleversante, est un bon choix pour accompagner ce drame du passé, au cœur duquel une communiste sincère se trouve face à des choix cornéliens.

   C'est à voir absolument.