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dimanche, 28 février 2016

Le Garçon et la bête

   Trois ans et demi après Les Enfants Loups, Mamoru Hosoda revient avec un film d'animation qui puise dans la tradition japonaise. Ainsi, le garçon en question (que l'on voit grandir au cours de l'histoire) va devenir l'apprenti d'un ours-samouraï. Dans les scènes de combat, on perçoit nettement l'influence de l'univers du sumo et, lorsqu'un personnage quasi divin apparaît, c'est le fond bouddho-shintoïste des croyances qui est mis à contribution. L'histoire est aussi connectée au monde actuel, à travers un quartier du Tokyo d'aujourd'hui, celui dans lequel a d'abord vécu Ren (bientôt renommé Kyuta).

   De prime abord, on serait tenté de penser que la bipartition de l'intrigue suit un schéma binaire : monde réel / monde fictif, monde civilisé / monde sauvage ou monde de la raison / monde de l'imagination. C'est beaucoup plus subtil que cela, en réalité. Le monde moderne, celui des humains, est parfois d'une grande dureté avec les individus : le garçon a perdu sa mère et sa famille le coupe de son père ; il est aussi question de harcèlement à l'école. Toutefois, c'est dans ce monde que l'adolescent va pouvoir se construire un avenir.

   Dans l'autre monde ne vivent que des animaux, tous bipèdes, qui ont renoncé à dégainer le sabre et s'efforcent de vaincre leurs mauvais penchants. Le pouvoir suprême, perçu comme bienveillant, est l'enjeu d'un combat lorsque le titulaire sent qu'il est temps qu'il laisse la place. Le futur maître du garçon, ours irascible et solitaire, ambitionne de remporter ce combat. Face à lui risque de se dresser un adversaire modèle, pondéré et apprécié, qui a lui fondé une famille. Il y a donc tout un contexte sociétal à cette partie de l'intrigue.

   Mais c'est d'abord une bonne comédie, où l'on retrouve le ton de certains mangas destinés à la jeunesse. On note la présence d'un petit animal domestique, une boule de poils qui s'attache à Ren/Kyuta et trouve refuge dans son abondante chevelure ! Mais la principale source de gags est la cohabitation du jeune apprenti humain et du maître grincheux. Dans la version française, les dialogues ne sont pas "politiquement corrects". Les deux personnages jurent copieusement et même s'insultent... pour le plus grand plaisir des enfants présents dans la salle.

   Evidemment, une relation forte va se nouer entre le maître et l'élève. Le premier se lasse peut-être de sa vie de marginal, alors que le second est en quête d'une figure paternelle. L'intrigue est de ce point de vue assez originale, puisqu'elle dépasse le traditionnel rapport maître/élève : le second va aussi apprendre beaucoup au premier, signe que les adultes devraient de temps en temps écouter un peu ce que les jeunes ont à leur dire.

   La dernière demi-heure voit l'histoire basculer dans un fantastique plus convenu, très réussi sur le plan visuel (avec l'intervention d'une baleine !). On sent que l'auteur s'est évertué à concilier la violence (plus présente dans cette partie) et des aspects plus rassurants pour le jeune public.

   Cela donne une oeuvre originale, visible par les grands et les (pas trop) petits.

15:14 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 27 février 2016

The Revenant

   Quand on apprend que ce film ne devait (à l'origine) pas être réalisé par Inarritu et que ni DiCaprio ni Tom Hardy n'étaient prévus dans la distribution de départ, on se dit que le destin joue quand même de drôles de tours au monde du cinéma ! Parce que, autant le dire tout de suite, l'association des trois (et de tout le reste) donne une oeuvre magistrale.

   Commençons par la réalisation. L'an dernier, Inarritu en avait fait des tonnes avec Birdman, un très bon film au demeurant... mais surtout grâce à ses interprètes. Ici, la mise en scène est au service d'une histoire diablement forte. Cela commence par l'attaque du campement de trappeurs par des Amérindiens, dont une partie a été tournée en plan-séquence. Cela donne le ton de l'histoire, émaillée d'ultra-violence, mais sertie dans un magnifique écrin visuel.

   On continue peu après avec l'attaque de l'ourse (c'est sans doute une mère), qui mêle images réelles et retouches numériques, pour un rendu hyper réaliste. Quand on se prend ça en pleine face, dans la grande salle du cinéma de Rodez, on se fait tout petit dans son siège. (C'est -en partie- filmé en caméra subjective.) Ceci dit, on est quand même prié de croire à l'impossible, à savoir que le héros a survécu à ce déchaînement de fureur plantigrade... mais sans cela, il n'y aurait pas de film.

   C'est seulement à partir de ce moment-là que DiCaprio montre son savoir-faire. Pendant plus d'une heure, il ne va pratiquement pas dire un mot, d'abord parce qu'il ne peut quasiment rien articuler, ensuite parce qu'il ne croise personne (ou presque) avec qui causer. Le coeur de l'intrigue est la survie puis le rétablissement d'Hugh Glass, qui va ensuite chercher à venger l'assassinat de son fils, tout comme, des années auparavant, il avait vengé celui de sa compagne indienne. Le fond est donc très noir, puisque les Blancs (américains comme français) tuent les Indiens, les Indiens tuent les Blancs... mais les Blancs s'entretuent aussi volontiers, tout comme les "Peaux-rouges", les Pawnees et les Sioux ne s'entendant pas très bien.

   DiCaprio impressionne donc dans un jeu quasiment sans dialogue. Il grogne, souffle, gémit, mais surtout il bouge, guette, fuit, comme une bête sauvage, d'abord traqué... bientôt traqueur. Je trouve que la qualité de son jeu retombe dès qu'il a du texte à dire. Par contre, il est un autre acteur qu'on entend beaucoup et qui s'en sort remarquablement bien : Tom Hardy. Celui-ci EST John Fitzgerald, un type brut de décoffrage, hyper individualiste, dont on sent bien qu'il n'a pas été gâté par la vie... et qui n'a presque aucun scrupule. Les scénaristes ont toutefois évité d'en faire un salaud intégral ; ils laissent sa chance à leur personnage... d'autant plus qu'il est incarné par quelqu'un qui, à mon avis, vole parfois la vedette à la star DiCaprio.

   A l'arrière-plan, on distingue les Amérindiens et leurs coutumes. Elles donnent une épaisseur supplémentaire à l'intrigue. On les perçoit aussi à travers les yeux de Glass, qui en a assimilé certaines. L'une des plus belles séquences le voit rencontrer un Indien solitaire, qui va définitivement le requinquer. De manière générale, on remarque que les personnages qui savent vivre en harmonie avec la nature sont ceux qu'Inarritu valorise le plus. Celle-ci est de surcroît magnifiée à l'écran. Quand on pense que les scènes d'extérieur n'ont été tournées qu'en lumière naturelle, c'est épatant !

   C'est donc un film à voir, en sachant qu'il est émaillé de scènes d'une grande violence.

23:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 26 février 2016

Anomalisa

   Le titre est le surnom donné à l'un des personnages féminins, au départ prénommé Lisa. Le film narre sa rencontre avec le héros, un quinquagénaire dépressif, et le début d'histoire d'amour qui va se nouer entre eux.

   La particularité de ce long-métrage est d'avoir été tourné en stop-motion, avec des poupées, dont certaines "coutures" sont visibles à l'écran, au niveau des visages. Cette technique réclame une patience et une minutie extrêmes, mais elle permet de faire faire n'importe quoi à ses personnages. On nous montre donc intégralement une scène de sexe. On a aussi pu introduire (rien à voir avec ce qui précède...) des éléments fantastiques dans l'intrigue : comme on nous présente essentiellement la vision du héros Michael Stone, on perçoit ses délires et ses cauchemars. D'ailleurs, une ambiguïté demeure quant à l'interprétation de certaines scènes : dans quelle mesure Michael n'a-t-il pas imaginé une partie de ce qui lui est arrivé ?

   Le fond de l'histoire est triste. Le héros est paradoxal : marié à une femme belle et intelligente, il a du succès dans son activité professionnelle et possède une chouette maison... mais il est en pleine crise de la cinquantaine, cherchant un sens à sa vie. Du coup, il se traîne et boit de l'alcool fort. (On finit par comprendre qu'il a aussi une grosse envie de niquer.)

   Il croit pouvoir retrouver l'allant de sa jeunesse en contactant l'une de ses ex, qui fut peut-être son grand amour. Pour cela, il profite d'un séminaire professionnel sans intérêt. Le hasard lui fait croiser la route d'une autre personne, d'un premier abord quelconque, mais qui va l'émouvoir.

   Le principal intérêt réside dans l'ambiance créée par la forme de l'animation et l'étrangeté qui entoure certaines scènes (à l'intérieur de l'hôtel), qui devraient pourtant être d'une totale banalité. Signalons que les interprètes principaux (David Thewlis et Jennifer Jason Leigh) sont très bons. Par contre, je ne suis pas parvenu à m'habituer au fait que tous les autres personnages (masculins comme féminins) aient la même voix, celle d'un homme.

   Du coup, je ne suis pas trop rentré dans l'histoire. Le héros ne m'est pas sympathique et je suis resté plutôt hermétique aux petites et grandes névroses des différents personnages. C'est un exercice de style pas inintéressant, mais assez creux, au fond.

22:46 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 25 février 2016

The Finest Hours

   Les distributeurs ne se sont pas foulés pour la sortie de ce film, puisqu'ils lui ont laissé son titre anglais, incompréhensible pour un Français de base. S'ils avaient au moins fait l'effort de le traduire, cela aurait pu donner "Les plus belles heures" ou "Les heures décisives"... ou encore "Le moment de vérité". Il aurait peut-être été plus avisé de choisir "Le sauvetage", simple et explicite.

   Avant de rentrer dans le vif du sujet, on nous impose une loooongue introduction, pour présenter les personnages et leurs relations, en particulier du côté du Massachusetts. Il faut que l'on comprenne à quel point le héros est un gars timide et respectueux du règlement et que la jeune femme qu'il convoite est une beauté qui n'attend qu'un mot de lui. Autour d'eux, le milieu des garde-côtes forme une sorte de famille, avec les rapports parfois tendus que cela implique. C'est un peu caricatural, à l'image du jeu d'Eric Bana, qu'on a connu plus inspiré. Au second degré, on comprend la fascination qu'exercent sur nombre d'Américains les années 1950, quand le pays incarnait le Bien, qu'il y avait le plein-emploi et que l'ordre régnait... enfin, un certain ordre. (Du côté français, cela correspond à la nostalgie de la IIIe République, du temps où l'école remplissait son rôle où la France rayonnait sur le monde.)

   Fort heureusement, on découvre assez vite l'autre versant de l'histoire, sur le pétrolier en mauvais état. Là, l'ambiance change tout de suite. Les décors sont criants de vérité et servis par une réalisation efficace. Je pense notamment à un superbe plan-séquence, qui nous fait découvrir une partie de l'intérieur du bateau. L'équipage est composé d'une brochette de fortes personnalités qui, évidemment, ne s'entendent pas toutes entre elles. L'un des aspects de l'histoire est d'illustrer leurs tensions et le travail collaboratif auquel l'équipage amoindri va finalement se livrer. Cela fonctionne très bien parce que les acteurs sont bons et qu'on a choisi des "trognes". Je mets un bémol au niveau de la prestation de Casey Affleck, qu'on sent moyennement à l'aise... et pas uniquement à cause de son horrible coupe de cheveux.

   Dès que la tempête se déchaîne, la tension monte et, à l'écran, dans une grande salle, c'est vraiment chouette à voir, aussi bien quand le bateau est en un morceau qu'à partir du moment où il est divisé. Depuis Titanic (ou encore, dans une moindre mesure, Poséidon), il est difficile d'innover en matière de naufrage. The Finest Hours réussit néanmoins à surprendre (un peu).

   Les deux versants de l'intrigue vont finir par se rejoindre, puisqu'une petite équipe de garde-côtes (qui a compris qu'il n'y avait pas un mais deux pétroliers en détresse) tente de secourir le demi-bateau en perdition. Là aussi, c'est bien foutu. La coquille de noix des sauveteurs va devoir d'abord franchir un banc de sable rendu extrêmement dangereux par la tempête. Cela donne une séquence éblouissante. Le tout ensuite est de trouver le demi-bateau et de récupérer l'équipage restant. Qui va survivre ? Qui va mourir ? Les paris sont ouverts.

   Même si les dialogues ne sont pas transcendants (dans la version doublée), c'est un bon film de divertissement, qui comporte des scènes d'une grande force visuelle, jusqu'à la fin, lorsqu'une armée de voitures se rapproche d'un rivage noyé dans la nuit, mais qui va soudainement s'éclairer.

   P.S.

   Le début du générique de fin rend hommage aux héros méconnus de cette aventure, qui s'est réellement produite, en 1952. Elle est racontée sur un site historique local. On peut aussi trouver beaucoup de renseignements sur le site internet des garde-côtes américains.

23:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 24 février 2016

Les "Riton" 2015

   La cérémonie des César approche (tout comme celle des Oscar)... et je me suis rendu compte que je n'avais pas dressé mon palmarès cinéphilique de l'année 2015. Il est donc grand temps de réparer cet oubli.

   Dans la catégorie "c'est dans les vieux pots qu'on fait (parfois) les meilleures soupes"

- Riton du péplum qui fait chier les intégristes : Exodus

- Riton du film où les animaux volent la vedette aux humains : Le Dernier Loup

- Riton du film sur des loups humains : Sicario

- Riton du film de gros queutard : Fou d'amour

- Riton du film de bagnoles : Mad Max - Fury Road

- Riton du film de gadgets : Mission impossible 5

- Riton du film de Guerre froide : Agents très spéciaux

 

   Dans la catégorie  "l'Histoire inspire la fiction"

- Riton du film féministe : Les Suffragettes

- Riton du film homophile : Imitation Game

- Riton du film arabophile : Loin des hommes

- Riton du film radioactif : Le Souffle

- Riton du film de couple atomique : L'Odeur de la mandarine

- Riton du film qui nous en apprend encore sur la Seconde guerre mondiale : Invincible

- Riton du film sur l'histoire allemande : Le Labyrinthe du silence

- Riton du film sur les répercussions de la Shoah : La Femme au tableau

- Riton du meilleur film de l'année 2015 : Le Fils de Saul

 

   Dans la catégorie "documentaire"

- Riton du film le plus emballant de l'année : Le Bouton de nacre (je sais, ça me fait deux "films de l'année"... et je ne parle pas de l'impossibilité de dégager un "Top 10")

- Riton du film évoquant un massacre méconnu : The Look of silence

- Riton du documentaire animalier : Au Royaume des singes

- Riton du documentaire de mode : Dior et moi

 

   Dans la catégorie "le Moyen-Orient est une région fascinante"

- Riton du film de toits : Les Terrasses

- Riton du film de toi et moi : Self Made

- Riton du film de citadin : Taxi Téhéran

 

   Dans la catégorie "le cinéma éclaire notre vision de la société"

- Riton du film de migrants : Mediterranea

- Riton du film d'intégration : Fatima

- Riton du film de galère : Bébé Tigre

- Riton du film justicier : Difret

- Riton du film sur les inégalités sociales : Une Seconde Mère

- Riton du film de looser magnifique : Une Belle Fin

- Riton du film mettant en scène l'oppression de l'homme par l'homme : La Loi du marché

 

   Dans la catégorie  "le polar est un genre majeur"

- Riton du polar vaguement optimiste : Jamais de la vie

- Riton du polar anticapitaliste : L'Enquête

- Riton du polar dénonçant une société patriarcale : La Isla minima

- Riton du polar flippant : Maryland

- Riton du polar automobile : Par accident

 

   Dans la catégorie "les (bonnes) comédies rendent la vie meilleure"

- Riton de la comédie qui se paie les grandes surfaces : Discount

- Riton de la comédie rurale : Béliers

- Riton de la comédie familiale : Papa ou maman

- Riton de la comédie anglophile : Connasse !

- Riton de la comédie sardonique : Les Nouveaux Sauvages

- Riton de la comédie de djeunses : Microbe et Gasoil

 

   Dans la catégorie "film d'animation"

- Riton de l'uchronie : Avril et le monde truqué

- Riton de l'animation française : Mune

- Riton de l'animation japonaise : Miss Hokusai

- Riton de l'animation chinoise : Les 108 rois-démons

- Riton de l'animation dinosaurienne : Le Voyage d'Arlo

- Riton de l'animation ovine : Shaun le mouton

- Riton de l'animation roboïde : Les Nouveaux Héros

- Riton de l'animation extraterrestre : En route !

- Riton de l'animation vampirique : Hôtel Transylvanie 2

- Riton de l'animation cérébrale : Vice Versa

 

   Dans la catégorie "film inclassable"

- Riton du film en harmonie avec son époque décadente : Night Call

- Riton du film qui a bien perçu les dangers de la technophilie béate : Ex Machina

- Riton du film sur une époque qui tue : Sea Fog

- Riton du film sur une époque révolue : Birdman

- Riton du film dystopique : The Lobster (ce serait mon troisième "film de l'année"...)

 

   Bilan ? 2015 fut une excellente année cinématographique, marquée par le retour du cinéma français sur les sujets sociétaux et la grande qualité des oeuvres d'animation. Tous les films de cette liste m'ont beaucoup plu. En rouge figurent ceux qui m'ont le plus emballé.

   Vive le cinéma !

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mardi, 23 février 2016

Le coutelier de l'ombre

   L'idée de ce billet a commencé à germer dans mon esprit à la lecture d'une double-page du quotidien Centre Presse du jeudi 4 février dernier. Insérée dans la rubrique "AUBRAC - CARLADEZ : SPECIAL LAGUIOLE", cette double-page était en fait une apologie de la coutellerie de... Thiers. Au détour de l'un des articles, il était question d'un coutelier aveyronnais, Christian Valat, en place à Espalion depuis les années 1990.

   Cela nous ramène à l'histoire de la Forge. Elle est née en 1987, sous le nom de SARL Laguiole. D'après l'ouvrage de Daniel Crozes Le Laguiole, Eloge du couteau, quatre fées se sont penchées sur son berceau... des fées avec du poil aux pattes, puisqu'il s'agit de quatre messieurs : l'Aveyronnais Christian Moulin, le Thiernois Jean-Michel Mazelier (qui a fourni les premières machines), le cafetier parisien Jean-Louis Costes (qui a apporté les fonds) et Gérard Boissins, qui a dirigé le tout.

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   En 2003 se produit le premier changement de direction. Gérard Boissins et ses associés se retirent, au profit d'un certain Bernard Divisia, un ancien de LVMH. Quelques années plus tard, on comprend que le succès n'est plus au rendez-vous : le PDG cherche de nouveaux actionnaires (et de l'argent frais).

   C'est à ce moment-là (en 2007) que Christian Valat est entré en scène. Enfin... cela dépend des sources. La plupart (comme L'Usine nouvelle) citent les noms des cinq nouveaux actionnaires : Jean-Luc Bessodes (agent immobilier), Jean-Marc Calvet (maire de Rignac, aussi présent dans le secteur de l'immobilier), Thierry Moysset, Honoré Durand (un ancien photographe qui s'est lancé avec succès dans la coutellerie, à Laguiole) et... un certain Philippe Valat, qui est parfois présenté comme coutelier. En 2008, au moment du retrait d'Honoré Durand, il est toujours question de ce Philippe Valat. Le problème est que je n'ai pas trouvé trace de ce coutelier-là et que, dès 2009, c'est Christian Valat qui est présenté comme l'actionnaire majoritaire de la Forge. Donc, soit il a succédé à un membre de sa famille, soit il était, dès 2007, l'un des cinq, comme le sous-entend un récent article suisse.

   Si c'est le cas, l'erreur commise par presque tous les médias de l'époque est révélatrice de la discrétion du personnage (et de la relative opacité qui a entouré les changements d'actionnaires de la Forge). Il n'est d'ailleurs pas facile de dénicher une photographie du coutelier. J'ai fini par en trouver une (qui date de quelques années), sur le site d'un passionné :

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   Comme le précise le rédacteur du site, elle a été prise par Christian Lemasson. Elle est même présente (page 182) dans sa monumentale Histoire du couteau de Laguiole, parue il y a un peu plus d'un an... et qui rend principalement hommage aux couteliers thiernois. Précisons que le livre a été publié aux éditions des Monts d'Auvergne.

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   L'auteur y consacre quelques pages à ceux qui, comme Christian Valat, défendent aujourd'hui le couteau Laguiole de qualité, sans être très connus. Et pourtant, c'est un entrepreneur d'envergure, qui a investi dans un grand nombre de sociétés, comme en témoigne la fiche qui lui est consacrée sur le site de bfmtv. Le vaisseau amiral est bien entendu la coutellerie espalionnaise, dont le chiffre d'affaires n'est pas très éloigné de celui de la Forge de Laguiole.

   Cela nous mène tout naturellement à 2014. Christian Valat et Jean-Marc Calvet ont vendu leurs parts (de la Forge) à une holding suisse. (Il n'est pas question de Jean-Luc Bessodes.) Les rumeurs les plus folles ont couru sur l'Aubrac, à tel point que le coutelier espalionnais avait pris la peine de démentir dans Centre Presse... alors qu'il allait bien vendre ses parts. Pour combien ? On ne sait pas. Secret des affaires. Chut. En théorie, on doit pouvoir se baser sur le chiffre d'affaires et les bénéfices. Le premier, d'après tous les sites spécialisés (comme Manageo), est d'un peu moins de 5 millions d'euros. En fonction du secteur concerné et du profil de l'entreprise, cela peut constituer une base de départ, la fourchette s'étalant peut-être entre 2,5 et 6 millions d'euros (de 50 % à 120 % du C.A.). Mais les bénéfices sont relativement faibles, autour de 100 000 euros. Cela me conduit à penser que le prix de vente était plus proche de 3 millions que de 5 millions d'euros... à moins que les investisseurs suisses n'aient vu en la Forge une pépite sous-valorisée.

   Quoi qu'il en soit, les actionnaires vendeurs ont dû empocher un joli paquet. Est-ce pour autant l'appât du gain qui a motivé cette vente ? C'est difficile à dire. La Forge a le vent en poupe. En 2014, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne lui a donné raison contre Gilbert Szajner. La même année, la loi sur la consommation a entériné la création des indications géographiques pour les produits manufacturés, une décision qui ne peut que favoriser commercialement la production française.

   C'est à mon avis justement là que le bât blesse. Dans la région, personne n'ignore les tensions qui existent entre certains couteliers laguiolais (au premier rang desquels la Forge) et leurs homologues de Thiers (rejoints par quelques Aveyronnais mi-assembleurs mi-couteliers). Je pense que Christian Valat fait le pari qu'il n'y aura pas d'IG Laguiole-Aveyron, mais une IG Laguiole-France (dont l'aire géographique engloberait les deux bassins couteliers). Cela expliquerait son désengagement de la Forge.. et son rapprochement des couteliers thiernois... ce qui nous ramène au début de ce billet, à l'article de Centre Presse, dans lequel on peut lire que la coutellerie "David de Thiers" (propriété de... Christian Valat) a rejoint le Claa (l'association "Couteau Laguiole Aubrac Auvergne"), qui milite pour une IG unique, sur une zone large. Tout un symbole !

Le Prophète

   Cette animation pour adulte est un hommage au poète libanais Khalil Gibran. Même si son oeuvre a une portée universelle et intemporelle, le contexte historique est présent dans le film : les forces de l'ordre sont vêtues comme à l'époque ottomane, lorsque la Turquie contrôlait tout le Proche-Orient (avant la Première guerre mondiale).

   La trame narrative principale suit un poète beau gosse et populaire, à la fois rebelle et pacifiste, dont la détention est sur le point de s'achever, nous annonce-t-on. Il côtoie une mère célibataire, ravissante, qui fait office de cuisinière et de femme de ménage. Elle a une fille, une gamine incontrôlable, muette depuis la mort de son père. Une relation particulière va s'instaurer entre elle et le poète.

   A partir des propos de celui-ci, des digressions visuelles sont introduites. Elles sont l’œuvre de dessinateurs différents, tous talentueux, dans des styles variés. Ils illustrent tel ou tel passage du recueil de Gibran. Il est successivement question du couple amoureux, de la liberté, du mariage, du travail, de la nourriture et de la boisson... jusqu'à la mort. C'est visuellement souvent brillant, mais le propos n'est pas toujours très limpide. Si j'ai apprécié les considérations sur la liberté et l'amour, j'ai été déçu par le passage sur la nourriture et la boisson (pourtant illustré par Bill Plympton, dont on a pu voir il y a deux ans Les Amants électriques). Je dois reconnaître qu'à certains moments, je n'ai peut-être pas tout compris.

   J'ai aussi été irrité par le duo de personnages féminins, la mère que le scénario cantonne dans la posture de la jolie femme débordée par sa gamine et celle-ci, dont le moindre caprice est traité avec une complaisance excessive. Du coup, même si j'ai été touché par certaines séquences, je suis sorti de là mitigé.

dimanche, 21 février 2016

La Vache

   Au départ, je n'avais pas l'intention d'aller voir ce film. Mais, le bouche-à-oreille étant très bon et les comédies françaises non lourdingues se faisant rares, j'ai pris le risque. L'histoire se déroule en Algérie et en France. (Signalons toutefois que c'est au Maroc que les scènes nord-africaines ont été tournées. C'est peut-être lié au fait qu'il n'est pas dit que du bien du régime d'Abdelaziz Bouteflika... ou tout simplement à l'influence de l'un des coproducteurs du film, l'humoriste Jamel Debbouze, dont la famille est d'origine marocaine.)

   C'est d'abord une excellente comédie sociale, qui tourne en dérision les petits travers d'un village marocain algérien. Cela rappelle certains films d'antan, avec Fernandel ou Raimu, ou encore des comédies italiennes. Cela fonctionne grâce au talent de l'interprète principal, Fatsah Bouyahmed, parfait en idiot têtu. Il partage la vedette avec Jacqueline, une superbe vache de race tarentaise (on dit aussi tarine). Précisons qu'en réalité, ce sont deux vaches qui apparaissent à l'écran, une marocaine et une française.

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   L'humour continue de fonctionner quand le duo de héros débarque en France métropolitaine. On nous prend même un peu par surprise dans la scène avec la police douanière, qui se déroule de manière inattendue. Par la suite, j'ai trouvé très juste la séquence chez une agricultrice veuve, qui héberge temporairement le héros... et qui se prénomme Jacqueline !

   Cela se gâte un peu par la suite. Déjà, à Marseille, j'avais été un peu agacé de retrouver Jamel Debbouze dans son éternelle caricature de mec de banlieue qui a la tchatche. La rencontre, par la suite, du châtelain désargenté (un comte) incarné par Lambert Wilson accumule les clichés. De surcroît, l'acteur français n'est pas très bon. Il aurait fallu lui faire rejouer certaines scènes.

   Mais on est quand même emporté par l'histoire et par la fraîcheur de Fatsah Bouyahmed, qui va devenir le héros d'une soirée karaoké puis se retrouver coincé dans une manifestation de la FNSEA. Par contre, la mise en scène du rôle des réseaux sociaux est très convenue... et assez flatte-con. On n'a visiblement voulu prendre aucun public à rebrousse-poil... si bien que le héros algérien va traverser la France sans jamais se retrouver confronté à aucune marque de racisme. Si, d'un côté, on peut soutenir la volonté d'insister sur ce qui rapproche plutôt que sur ce qui sépare, à la longue, cette forme de "politiquement correct" est un peu lassante, particulièrement dans la séquence du salon de l'agriculture. L'ensemble n'en forme pas moins une comédie divertissante, qui (pour moi) a le mérite de révéler un acteur de talent.

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samedi, 20 février 2016

Zootopie

   Cette utopie animale nous vient de chez Disney, qui a eu recours aux services de deux réalisateurs chevronnés : Rich Moore s'est fait la main sur Les Simpson et Byron Howard s'est fait remarquer naguère avec Princesse Raiponce. Ils ont été épaulés par une petite armée de techniciens et d'animateurs, comme en témoigne le générique de fin. La production a visiblement mis le paquet... et ça se voit à l'écran.

   Le pelage des animaux est rendu avec une qualité qui n'est pas sans rappeler celle de Ratatouille... dont le producteur exécutif est le même : un certain John Lasseter (réalisateur de Cars et de Toy Story). Autre point commun entre ces deux films : le compositeur de la musique d'accompagnement, Michael Giacchino, un habitué des productions Pixar et de J-J Abrams, aussi bien au cinéma qu'à la télévision.

   Mais revenons à nos lapins. Ceux-ci incarnent les Américains moyens. On suit plus particulièrement une famille d'agriculteurs (qui cultivent principalement... des carottes !). Leur fille Judy est leur fierté. C'est une brillante étudiante... mais elle veut intégrer la police ! La première partie de l'histoire est donc un décalque des films qui montrent l'ascension d'un personnage modeste. C'est très drôle parce que la petite lapine va devoir surmonter des épreuves conçues a priori pour des animaux de plus grande taille. Son inadaptation se vérifie jusque dans les toilettes ! Evidemment, à force de courage et d'abnégation, elle va s'en sortir. Je renouvelle mes compliments sur la qualité de l'animation. Cette lapine est magnifique, avec ses grands yeux expressifs, son pelage soyeux, ses oreilles en mouvement... et ses impressionnantes pattes arrière !

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   Mais le plus dur est à venir pour Judy. Celle qui n'a connu que la campagne et les petites villes va découvrir la capitale et ses quartiers aux climats tranchés. Son arrivée est truffée de détails comiques, de clins d'oeil au monde des humains, dont les animaux sont bien entendu des substituts. Cela culmine dans le premier jour de la policière sur le terrain, durant lequel ses grandes oreilles vont se révéler d'une redoutable efficacité !

   L'intrigue bascule avec la rencontre d'un drôle de renard, à la personnalité assez complexe. L'évolution de sa relation avec la lapine constitue le fil rouge de l'histoire, avec l'enquête menée sur la disparition de mammifères et l'agressivité retrouvée de certains d'entre eux. A l'écran, c'est superbe et les péripéties sont menées sur un bon train, soutenu sans être trop rapide.

   Le scénario ménage de nombreux rebondissements et de multiples rencontres. Quelle belle galerie de personnages secondaires ! On a beaucoup parlé des paresseux, qui sont au coeur d'une séquence de guichet hilarante. (On revoit l'un d'entre eux à la toute fin, dans une posture totalement inattendue... mais poilante !) Il ne faudrait pas oublier les loups, au comportement si prévisible, ni les ours polaires, qui servent de gardes du corps à un charismatique chef mafieux que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.

   Il y aurait encore beaucoup à dire, tant les scènes sont inventives. C'est vraiment drôle et pas idiot sur le fond. La base de l'intrigue évoque les préjugés et les tensions raciales. Dans la seconde moitié du film, c'est de la gestion de l'insécurité dont il est question. Cette animation est à recommander absolument, aux petits comme aux grands !

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vendredi, 19 février 2016

Ave, César !

   Trois ans après le décevant Inside Llewyn Davis, les frères Coen reviennent avec un film consacré au monde du cinéma. Il fonctionne selon deux principes : l'hommage et le renversement. Commençons par ce dernier, illustré par le personnage principal, Eddie Mannix, un homme de l'ombre chargé de "mettre de l'huile dans les rouages" de la machinerie hollywoodienne. Il est incarné à la perfection par Josh Brolin, vu récemment dans Sicario et Sin City 2. C'est lui qu'on appelle quand on veut éviter la publication des photographies dénudées d'une starlette. C'est lui qui intervient pour trouver un père à l'enfant qu'attend une actrice célèbre... et officiellement célibataire. Il s'occupe aussi de payer la rançon d'une vedette enlevée par des communistes.. et, à l'occasion, il enfume la presse. Vu que sa conscience le travaille, il va quotidiennement se confesser... quitte à agacer le prêtre local.

   Comme ce personnage occupe le premier plan, les acteurs célèbres qui sont venus faire coucou passent au second plan, chacun ayant toutefois droit à son moment de bravoure. On croise ainsi George Clooney dans un péplum d'où la dérision n'est pas absente, Scarlett Johansson peu vêtue dans un film aquatique, Channing Tatum en marin dans une comédie musicale et Ralph Fiennes en réalisateur dépressif. Signalons aussi les performances de Tilda Swinton (qui incarne deux jumelles odieuses) et de Frances McDormand, impayable en projectionniste fumeuse et cravatée. Tous sont brillants et bien épaulés par des seconds rôles au poil.

   L'ensemble forme une mécanique très bien organisée, à laquelle il manque toutefois la folie qui caractérise certaines anciennes œuvres des frères Coen. Le fil rouge de l'intrigue est de surcroît ténu. Il "reste" une série de cartes postales sensationnelles, qui rendent hommage à plusieurs genres cinématographiques.

   Clooney s'illustre donc dans un péplum chrétien, où les mouvements des soldats sont parfaitement dirigés et où l'humour est bon enfant, efficace et sans surprise. Plus inattendu est l'enlèvement de l'acteur par un groupuscule de scénaristes et figurants communistes ! Cela fait basculer l'histoire dans une ambiance de Guerre froide, qui culmine dans une séquence de sous-marin.

   C'est d'ailleurs dans le milieu aquatique que s'illustre Scarlett. Au départ, on pense assister à une scène classique, très glamour. Mais les auteurs se sont amusés à casser l'image de l'une de leurs actrices fétiches. On est certes toujours ébloui par la beauté de la jeune femme... mais quelle surprise lorsqu'on entend celle qui interprète une sirène s'exprimer comme une poissonnière ! C'est peut-être un hommage à Arletty et à un certain cinéma français des années 1940. Sinon, la séquence est éblouissante de virtuosité, avec un ballet nautique rigoureusement exécuté et, à l'écran, une qualité d'image saisissante.

   La chorégraphie est tout aussi maîtrisée dans l'épisode qui fait intervenir des marins en goguette. Leurs mouvements à l'intérieur du bar ont été conçus avec une précision millimétrique. L'habileté des frères Coen est d'introduire une mise en abyme, puisque l'on voit comment la séquence est censée être filmée, sur un plateau en mouvement. Les auteurs se paient aussi le luxe d'ironiser : certains déhanchements de ces jeunes hommes très virils suggèrent que leur intérêt ne se porte pas prioritairement sur les dames...

   Un autre moment de bravoure est constitué par le tournage d'une romance, où le rôle principal a été attribué à un jeune benêt, rendu célèbre par ses cascades dans des westerns. Pendant plusieurs minutes (à l'écran), le réalisateur s'échine à lui faire dire correctement son texte. On n'en voit pas la conclusion tout de suite. Il faut rester vigilant, parce qu'un peu plus tard nous est proposé un extrait du film achevé... et l'on s'aperçoit que le réalisateur a pu contourner la difficulté !

   Vous avez donc compris qu'il s'agit d'un kaléidoscope extrêmement brillant (à savourer de préférence en version originale sous-titrée). Certes, il manque d'unité et il sera peut-être hermétique aux spectateurs qui ne sont pas familiers de l’œuvre des frères Coen. Mais cela demeure un très bon film, largement au-dessus de quantité de bouses qu'on nous a balancées ces dernières semaines.

22:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 17 février 2016

Un métier à risques

   C'est peu après 11 heures, ce matin, que, sur mon lieu de travail, a commencé à se répandre la nouvelle du meurtre d'une jeune conseillère de la Chambre d'agriculture de l'Aveyron, sur la commune de Mayran.

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   Dès que cela a été possible, tout le monde s'est rué sur les sites des médias locaux et nationaux, où l'on a pu lire les informations basiques sur cet horrible fait divers. Ici ou là, quelques imprécisions ont été relevées, sur l'heure du meurtre (7h ? 7h30 ? 8h30 ?) ou l'âge de la victime (estimé selon les sources à 25, 26 ou 27 ans). Presque tous les médias n'ont publié que le prénom de la victime (Elodie). Son identité complète a été révélée notamment par L'Obs.

   Il serait déplacé de discuter ici des détails de l'agression dont la jeune femme a été la cible. La gendarmerie enquête. Laissons-la traiter cette affaire avec la circonspection qui s'impose. L'examen du contexte dans lequel ce meurtre s'est déroulé n'en est pas moins porteur d'enseignements sur quelques évolutions récentes du monde agricole et para-agricole.

   La victime, technicienne à la Chambre d'agriculture, a pu être parfois désignée sous le nom de "contrôleur laitier". Cela appelle deux remarques. La première est que, depuis au moins une dizaine d'années, le contrôleur laitier est de plus en plus souvent... une contrôleuse. La profession, comme tant d'autres, s'est féminisée... et rajeunie. Les agriculteurs ont vu débarquer dans leur ferme un autre profil de technicien-ne, auquel ils n'étaient pas accoutumés.

   Ces jeunes sont généralement issus de l'enseignement supérieur court. Ils (Elles) sont souvent titulaires d'un BTS, agricole ou pas. Ils (Elles) ont de plus en plus tendance à prolonger par une licence professionnelle. Ils (Elles) deviennent techniciens, à un poste où la rémunération dépasse rarement le SMIC. De surcroît, comme l'activité de conseil à laquelle ils (elles) se livrent ne se limite pas aux visites sur site (ils sont souvent contactés par téléphone... et pas qu'aux heures de boulot), on comprend vite que la fonction n'est pas des plus attractives. Du coup, dans certains départements, le turn-over est élevé, ce qui agace les agriculteurs plus âgés, habitués à garder longtemps le même interlocuteur, qui finit par comprendre à demi-mots les petits problèmes de ses "clients".

   La deuxième remarque porte sur le travail de ces "contrôleurs". Ce sont fréquemment de simples conseillers, dont la mission est d'aider les agriculteurs à améliorer leur production, dans le respect de la réglementation existante. C'est le prix à payer pour garder une agriculture de qualité, quoi qu'en pensent les grandes gueules promptes à beugler contre les "contraintes administratives". Mais, pour certains agriculteurs, ces conseillers sont parfois les seuls visiteurs qu'ils reçoivent de la semaine. Si une relation de confiance s'installe entre les deux parties, le conseiller peut se muer en confident. Si c'est la méfiance qui l'emporte, le conseiller peut devenir le bouc émissaire du mal-être d'un agriculteur dépassé par les événements.

   On pourrait penser que des femmes compétentes sur le plan technique sont mieux placées pour instaurer un dialogue apaisé avec des professionnels à cran. Mais, au quotidien, les jeunes femmes se retrouvent, de temps à autre, confrontées à des situations délicates... et à des individus qu'il serait difficile de qualifier de gentlemen. C'est qu'il peut s'en passer des choses, dans la quiétude d'une exploitation reculée ! Certaines garderaient une petite bombe dans leur sac. D'autres, plus sportives, se sentent suffisamment "entraînées" pour repousser un mec trop collant. Il y a aussi la solution du gros chien qui attend dans la voiture. Il paraît que ça calme bien des ardeurs...

   Tout ça pour dire que la fonction de technicien-ne à la Chambre d'agriculture n'est pas de tout repos et que, si ce fait divers horrible pouvait (indirectement) contribuer à améliorer le sort de ces agents, ce ne serait déjà pas si mal.

dimanche, 14 février 2016

Délinquance juvénile (suite)

   Cela fait partie des petits bonheurs de la lecture d'anciens journaux. Chaque semaine, l'hebdomadaire aveyronnais Le Villefranchois propose, dans un encadré, un extrait d'un numéro datant d'environ 100 ans. A l'époque, le journal s'appelait Le Narrateur. Voici ce qu'on peut lire dans l'exemplaire sorti jeudi dernier :

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   Comme cet organe de presse a été entièrement numérisé, on peut se rendre sur le site des Archives départementales de l'Aveyron pour vérifier que la citation est exacte :

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   Il s'agit bien d'un extrait du numéro du 12 février 1916. (Notons qu'une petite coupure a été pratiquée.) Dans la partie aveyronnaise des informations, on peut lire un article sur une nouvelle marraine de guerre, qui a accepté de correspondre avec un soldat prisonnier en Allemagne, père de six enfants. Un peu plus loin, il est question d'une éclipse de soleil et de nouvelles machines agricoles, dont la maniabilité a été testée.

   La première page du journal est consacrée aux informations nationales et internationales. Les nouvelles des combats sont assez vagues et peu intéressantes. Au niveau des anecdotes, on retiendra les funérailles des victimes des bombardements opérés par les dirigeables allemands (les fameux Zeppelins). A l'étranger, c'est la guerre civile en Chine qui est l'honneur, ainsi qu'un mystérieux incendie du parlement canadien, à Ottawa. L'article penche pour un complot allemand.

   Mais revenons à nos moutons aveyronnais. Les incivilités de 1916 ne sont pas sans rappeler (hélas) celles de notre époque, preuve que, d'un siècle à l'autre, la bêtise ne change guère. On en avait d'ailleurs déjà eu la preuve dans un précédent numéro du Villefranchois, paru il y a environ deux ans et demi.

   P.S.

   Concernant le Journal de l'Aveyron, dont les exemplaires ont eux aussi été numérisés, il conviendrait de mettre un peu d'ordre dans le classement des numéros. Quand on recherche ceux d'une année précise, on trouve les exemplaires présentés non pas par mois, mais en fonction du jour de parution, quel que soit le mois... si bien que, dans l'ordre des réponses pour l'année 1916, le numéro du 1er octobre arrive en tête, suivi de ceux du 2 janvier, du 2 avril, 2 juillet, 3 septembre, 3 décembre, 4 juin...

samedi, 13 février 2016

Chocolat

   L'acteur Roschdy Zem revient derrière la caméra pour son quatrième long-métrage, six ans après Omar m'a tuer. Ici encore, il s'agit de rétablir la mémoire d'un personnage oublié/décrié, l'artiste Rafael Padilla, qui s'est jadis fait connaître dans le rôle du clown Chocolat.

   Le réalisateur a voulu éviter de faire "un film de cirque". Il n'en est pas moins vrai que les séquences qui tournent autour de cet univers constituent l'un des attraits du film. Un gros travail a été effectué sur les costumes et les décors. Plus discrète mais non moins importante est l'intervention des éclairagistes. Le tout est servi par des interprètes excellents. Frédéric Pierrot et Noémie Lvovsky incarnent le couple qui dirige le cirque itinérant de province... pas tout à fait des Thénardier, mais il y a de l'idée. Olivier Gourmet fait contraste, en "manager" d'un établissement qui a pignon sur rue, à Paris.

   Mais l'attention est évidemment davantage attirée par le duo de héros, joués par Omar Sy et James Thierrée. Celui-ci ressemble de plus en plus à son célèbre grand-père maternel :

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   Le choix de cet acteur s'est avéré particulièrement pertinent, puisqu'il est aussi artiste de cirque. Par moment, on a même l'impression qu'il est en train de voler la vedette à son partenaire. Omar Sy (qui a fait du chemin depuis Intouchables) n'en confirme pas moins tout le talent qu'on a perçu en lui. Il joue sur plusieurs registres et donne une force considérable à son personnage, pas tellement dans le domaine comique, mais dans le domaine dramatique.

   Notons que Roschdy Zem n'a pas cherché à tourner une hagiographie. Il ne cache pas les faiblesses du héros, très porté sur les boissons fermentées et le jeu. Il avait aussi (comme beaucoup d'hommes) un rapport ambigu aux femmes. Ces personnages-là sont portés par des interprètes très convaincantes : Alice de Lencquesaing (la compagne du cirque de province) et Clotilde Hesme (la veuve rencontrée à Paris).

   La principale limite du film, à mon avis, est qu'il ne rend pas bien compte de la force comique du duo de clowns. Après une première partie "sociale" (dans le cirque de province), on a droit à la période de succès des deux acolytes. Si les à-côtés de la célébrité sont bien montrés, en revanche, j'ai eu du mal à comprendre ce qui faisait tant rire le public. C'est peut-être une question d'époque : la nature de l'humour évolue avec le temps. Comme le réalisateur n'est pas parvenu à nous le faire comprendre par l'image, cela nous est expliqué avec des mots.

   L'histoire comporte aussi un sous-texte : la dénonciation de la manière dont les "minorités visibles" ont été (et sont ?) traitées en France. C'est flagrant dans la séquence policière, de l'arrestation à l'emprisonnement du héros. C'est évidemment une référence au sort des actuels "sans-papiers". C'est aussi apparent dans la relation qui va se nouer entre Padilla et Victor, un intellectuel présenté comme haïtien mais dont le personnage pourrait (de manière anachronique) avoir été inspiré par Franz Fanon et Aimé Césaire. Il est (brillamment) interprété par Alex Descas (qui  a d'ailleurs déjà incarné le chantre de la négritude pour le petit écran).

   Au second degré, le film est aussi une mise en abyme de la vie et la carrière d'Omar Sy, devenu populaire (comme Padilla) en amusant le public (même si ce n'était pas en se prenant des coups de pied aux fesses), et qui est parvenu, non sans difficulté, à sortir du carcan comique dans lequel il était enfermé. Mais, dans ce cas précis, les préjugés qui sont à l'oeuvre ne sont pas de l'ordre du racisme. De grands acteurs comme Louis de Funès, Bourvil et Fernandel en ont été victimes... et ils n'étaient pas noirs, que je sache. Une partie du public trouve confortable de catégoriser les acteurs et accepte mal de les voir sortir de leur registre de prédilection.

   P.S.

   Peu avant la sortie du film a été inaugurée une plaque rendant hommage au duo de clowns, à Paris.

   P.S. II

   A Bordeaux se trouve une autre plaque, dans le cimetière où est enterré Rafael Padilla. C'est le seul élément qui émerge de la tombe, extrêmement rudimentaire.

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vendredi, 12 février 2016

La Cinquième Vague

   Je me suis laissé tenter par cette nouvelle adaptation d'un roman de science-fiction a priori plutôt destinée aux adolescents et jeunes adultes. On perçoit assez rapidement les ressemblances avec Hunger Games et Divergente (mais aussi la série Révolution), l'originalité scénaristique résidant ici dans l'intervention d'extraterrestres.

   Cela donne plusieurs scènes spectaculaires, notamment au début, quand sont relatées les premières vagues d'agression. Je recommande tout particulièrement la mise hors service des appareils électroniques et le gigantesque tsunami qui frappe une ville asiatique (sans doute Bangkok). Plus loin dans l'histoire, on retrouve ce souffle dans la séquence de la base militaire. Au niveau des effets spéciaux, il faut signaler l'ingéniosité de la représentation virtuelle des humains et des "autres". Même si ce film n'a pas bénéficié d'autant de moyens financiers que les prédécesseurs dont il s'inspire, le résultat est techniquement réussi.

   Au niveau des personnages, on sent le formatage pour le public-cible. Quatre jeunes occupent le premier plan, deux garçons et deux filles, de styles différents. Du côté féminin, on trouve inévitablement une blonde (l'héroïne, incarnée par Chloë Grace Moretz, vue récemment dans Equalizer) un peu effacée (au début) et une brune volcanique, tendance gothique bourge. Du côté masculin, on rencontre le-mec-cool-plein-de-charme-mais-qui-n-en-laisse-rien-paraître et le beau ténébreux baraqué.

   L'aspect physique a donc joué un rôle déterminant dans le choix des acteurs. Le scénario s'appuie d'ailleurs complaisamment sur les "qualités" des personnages. Il se trouve que l'héroïne va être blessée à la cuisse, prétexte à plusieurs scènes de pansement, qui ne permettent pas aux téléspectateurs d'ignorer à quel point Cassie est bien gaulée... Ringer la rebelle bénéficie d'une approche moins invasive : la caméra s'attarde juste sur son ravissant petit cul, moulé dans un pantalon hyper serré qui n'a sans doute pas été facile à enfiler. Quant à Evan le beau gosse, il a droit à une scène de baignade (un joli retournement par rapport à ce qu'on a pu voir jadis dans des films où la répartition des rôles est plus "traditionnelle"). Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que le bonhomme a dû passer un paquet d'heures sur le banc de musculation.

   La principale faiblesse du film réside dans ses dialogues (entendus en version française). Si, dans les scènes d'action, on ne remarque rien de préjudiciable, dans les scènes de transition, cela devient gênant. J'ai notamment en tête la séparation de Cassie et Sam, son petit frère, téléphonée comme c'est pas permis et inutilement languissante. Heureusement, les seconds rôles "adultes" assurent, à commencer par Liev Schreiber et Maria Bello, qui donnent du tonus à l'intrigue.

   Si malgré tout cela l'on n'arrive pas à "accrocher", on peut se livrer à un petit jeu. On apprend rapidement que les "autres" ont pris apparence humaine. Il est donc piquant de se demander qui, parmi les personnages principaux, est un extraterrestre infiltré. Sans me vanter, j'ai presque tout deviné !

10:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 09 février 2016

Indignité

   Hier lundi, l'Assemblée nationale a débattu de l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution. En réalité, je devrais plutôt écrire : une faible proportion des membres de l'Assemblée nationale était présente pour débattre de ce sujet capital. Selon Le Monde, seuls 136 des 577 députés se trouvaient au Palais Bourbon, soit 23,6 % du total... même pas le quart !

  Quand on analyse le détail du vote (sur le site de l'Assemblée nationale), on constate que le pourcentage de présents varie fortement d'un groupe politique à l'autre. La palme revient aux écologistes, avec 10 députés présents sur 18 (soit 56 %). C'est le seul groupe dont la majorité des membres se trouvait sur son lieu de travail. Arrive derrière le groupe "socialiste, républicain et citoyen", avec 110 députés présents sur 287 (soit 38 %). Vient ensuite la "gauche démocrate et républicaine", avec 3 présents sur 15 (un petit 20 %), juste devant les radicaux, qui comptaient 3 présents sur 18 possibles (soit 17 %).

   Du côté des "non inscrits", un seul des onze élus se trouvait là (soit 9 %)... davantage que pour l'U.D.I., dont les deux présents (sur 29) lui permettent d'atteindre le taux de présence (faramineux) de 7 %. La lanterne rouge est le groupe "Les Républicains" qui, en la circonstance, donnent un fort mauvais exemple de républicanisme : les dix députés présents (sur 196) ne représentent que 5 % du total !

   Et les élus aveyronnais dans tout cela ? En consultant la liste des votants socialistes, on tombe sur Marie-Lou Marcel. Par contre, il n'y a aucune trace des deux autres députés (Les Républicains) : ni le vétéran Yves Censi ni le fraîchement élu Arnaud Viala n'ont daigné participer à ce vote pourtant fondamental.

   Il faut dire qu'ils étaient occupés ailleurs... à cirer les pompes de l'ancien président Nicolas Sarkozy, venu faire son autopromotion prendre le pouls du "pays réel" dans la campagne aveyronnaise. Et regardez comme ils se pressent autour de lui, pour avoir leur bobine dans La Dépêche du Midi :

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   ... ou dans Centre Presse :

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   Ceux qui ont un peu de mémoire se souviendront de la précédente venue de Nicolas Sarkozy, dans le Carladez, en 2010. Les élus avaient fait montre du même comportement puéril. Au moins, à cette époque, on ne pouvait pas leur reprocher d'esquiver un débat d'importance à l'Assemblée nationale.

samedi, 06 février 2016

Beijing Stories

   C'est un premier film, du cinéaste chinois Pengfei Song, coproduit par la France. L'intrigue est construite autour de la vie de plusieurs personnages de la "Chine d'en-bas", tous citadins, habitant le Grand Pékin (entouré de plusieurs boulevards périphériques, dont la chronique des embouteillages occupe une partie de la programmation radiophonique). Mais tous ne sont pas originaires de la ville, loin de là. Au détour d'une conversation, on apprend qu'untel vient du Sichuan, une autre du Henan... Le Pékin d'aujourd'hui joue un peu le rôle du Paris d'autrefois en France.

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   Deux des personnages principaux logent dans le sous-sol d'un grand immeuble. Les caves ont été aménagées en studettes approximatives, douches et WC étant communs. [Ne croyez pas que cela se limite à la Chine. Dans la grande ville universitaire où j'ai fait mes études (au XXe siècle !), j'ai un jour fait la connaissance d'un gars au RMI, qui logeait dans ce type de sous-sol, juste un poil mieux aménagé que ce qui est montré dans le film. Dans sa chambre de 5-6 m², il avait entassé tous ses maigres biens, le plus précieux d'entre eux étant un petit poste de télévision -doté d'une antenne mobile- sur lequel il était parvenu à brancher un vieux magnétoscope.]

   Le jeune homme est une sorte d'auto-entrepreneur. A l'aide d'une vieille camionnette, il écume les nombreux chantiers de la ville, en quête de meubles abandonnés, qu'il revend. Le véhicule est à l'image de l'emploi du héros : il n'est pas fait pour lui mais, avec un peu d'ingéniosité, il s'y adapte très bien. Un accident va d'ailleurs rapprocher l'homme de la machine brinquebalante, l'empêchant d'exercer son activité. Mais ce mal va avoir des conséquences positives : il va se faire un ami... et rencontrer l'une de ses voisines, qu'il n'avait pas remarquée jusqu'à présent.

   Dans ces bas-fonds, on se croise sans se parler. Rares sont les relations de bon voisinage... d'autant plus que l'isolation phonique étant rudimentaire, on sait à peu près tout de la vie quotidienne des occupants d'à-côté... voire au-delà. Xiao semble être indifférente à tout cela. La jeune femme est du genre mutique, un paradoxe pour une "pole danseuse" qui joue aussi l'hôtesse dans un bar du centre. Lorsqu'elle change la déco de son cagibi, on se demande si ce n'est pas autant pour l'esthétique que pour gagner un peu d'intimité.

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   A l'écran, cela donne plusieurs plans très jolis, cadrés avec un réel sens de l'image. On perçoit cette habileté à d'autres occasions, comme lorsque le jeune homme devenu handicapé reçoit la visite de son nouvel ami. J'ai mis du temps à comprendre que l'image qui nous était proposée  était plus complexe que ce qu'elle paraissait : à côté de la porte-grille se trouve en fait un miroir, qui montre ce qui se trouve en face. Cela donne, dans le même plan, un joli champ-contrechamp !

   Plus loin, ce sont les conséquences de pluies diluviennes, dans l'un des escaliers de l'immeuble, qui sont mises en scène avec un talent certain. Le réalisateur excelle dans l'art de suggérer les sentiments des protagonistes avec des moyens visuels. Je recommande tout particulièrement les scènes où intervient la famille du troisième personnage principal (notamment les repas).

   Ce dernier habite à l'écart de l'hypercentre, dans un quartier en pleine "rénovation". Cela veut dire qu'on en expulse les occupants primitifs (propriétaires de maisons individuelles), d'abord en employant des arguments financiers, ensuite en utilisant d'autres moyens... Ce Lao Jin, sans doute frappé par le cancer, veut tirer le meilleur prix possible de sa baraque. Il refuse de vendre aux promoteurs immobiliers. Le voilà donc avec sa femme et son fils (évidemment unique), derniers occupants du quartier, auxquels on coupe l'électricité... et dont le sommeil est perturbé par les perpétuelles vocalises d'un oiseau qui a trouvé refuge dans l'arbre qui jouxte la maison !

   Il y a donc bien quelques moments de comédie dans cette histoire assez sombre. Chacun cherche à monter dans l'échelle sociale. Au niveau de l'immeuble, cela veut dire grimper de quelques étages. Mais, pour cela, il faut trouver un travail mieux payé ou gagner une grosse somme d'un coup. Cette quête perpétuelle d'argent risque de faire oublier l'essentiel aux personnages, à savoir l'amour, l'amitié et les relations familiales.

   Le film est donc riche des thématiques qu'il aborde... et pourtant, il ne dure qu'1h15. C'est avec regret qu'on quitte ces personnages, d'autant que l'intrigue s'achève sur une situation ouverte, du moins pour certains d'entre eux.

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vendredi, 05 février 2016

Tout en haut du monde

   Cette coproduction franco-danoise est une sorte de roman d'aventures à l'ancienne. Le réalisateur, Rémi Chayé, a officié naguère sur l'original Brendan et le secret de Kells. A l'écran, un oeil exercé en reconnaîtra la "patte", même si le style s'est affiné.

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   L'héroïne est Sasha, une jeune aristocrate russe très liée à son grand-père maternel. Celui-ci est l'archétype du noble dévoré par sa passion (ici l'exploration du Grand Nord), à la fois charismatique... et un peu dingo. On le perçoit principalement à travers les yeux de sa petite-fille, puisqu'il a disparu dans une expédition audacieuse.

   Comme l'adolescente ne manque pas de caractère, elle envisage très sérieusement de partir à la recherche de son papy. Mais elle doit respecter les convenances de haute société, dans laquelle son père si autoritaire tente de s'insérer. La séquence du bal joue un rôle décisif dans l'intrigue. Cela m'a rappelé les romans de Léon Tolstoï.

   Mais, à partir de là, c'est l'esprit de Jules Verne qui semble souffler sur l'histoire. Sasha va se lancer dans une improbable aventure et faire la rencontre de personnages plus ou moins bien disposés à son égard. La talent du scénario consiste à faire doucement évoluer les relations entre les protagonistes au cours de l'intrigue.

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   Dans un premier temps, c'est le ton de la comédie qui s'impose, avec le séjour obligé de la jeune dame dans une auberge fréquentée par des marins et des dockers. Il va falloir se lever très tôt, couper du bois, préparer des repas, porter des plats lourds... et supporter les remarques de la clientèle quasi exclusivement masculine. La patronne de la taverne est le seul autre personnage féminin d'importance.

   La suite montre le voyage dans le Grand Nord, riche en péripéties. Comme dans le récent Béliers, une tempête de neige (un blizzard, même) va jouer un rôle important. C'est très réussi sur le plan formel et, comme les dialogues sont bien écrits, les petits comme les grands passent un très bon moment.

   P.S.

   Sur le site dédié, on peut (entre autres) télécharger un dossier de presse très bien conçu.

13:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films