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samedi, 11 janvier 2025

Panda

   TF1 vient de commencer la diffusion de la deuxième saison de cette série française, que l'on peut qualifier de comédie policière. Ses ingrédients sont puisés à deux sources : la tradition des enquêtes à deux et l'univers (réel ou supposé) du chanteur Julien Doré, qui incarne le héros éponyme, Victor Pandaloni, surnommé (par apocope) Panda.

   La partie la moins novatrice est cette énième version d'un duo d'enquêteurs au départ mal assortis mais qui, inéluctablement, vont finir par se rapprocher. Ophélia Kolb (qu'on voit beaucoup à la télévision) fait bien le job dans la peau d'une capitaine tenace, un peu rude de prime abord. A ses côtés, Julien Doré (Panda) occupe la place habituelle du consultant un peu "décalé".

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   En fait, il s'agit d'un ancien flic, qui a tout laissé tomber... mais qui pourrait reprendre du service. Sa rencontre avec la policière (dans le premier épisode de la saison 1) ne manque pas de saveur (voir ci-dessus). Celle-ci pense d'abord n'avoir à faire qu'au gérant baba-cool d'une paillote quelconque.

   Il faut dire que Panda est assez déconcertant. Très branché méditation et non-violence, ce végétarien ne se déplace qu'à vélo, porte des sandales d'une célèbre marque germanique, ne possède pas d'ordinateur ni de smartphone... mais il va reprendre goût à la traque des criminels.

   Le scénario comme la mise en scène jouent de l'image de Julien Doré, qui lui-même sait faire preuve d'autodérision. Je pense qu'à plusieurs reprises, certaines péripéties font référence à des détails de ses chansons.

   Le duo de protagonistes est complété par des seconds rôles plutôt bien campés. Si je suis moyennement convaincu par Gustave Kervern en commissaire, je trouve Hélène Vincent remarquable en maman de substitution, ancienne braqueuse qui veille désormais sur Panda... et son fils adoptif, un djeunse assez agaçant. J'aime aussi beaucoup le personnage de la médecin-légiste (une petite coquine...) ainsi que celui du subordonné des enquêteurs, un certain Stan, reconnaissable à son horrible coupe-mulet (qui, dans un pays normalement constitué, devrait lui valoir plusieurs années de prison). Il est interprété par Maxence Lapérouse, que l'on a pu voir dans César Wagner (tout comme Ophélia Kolb, d'ailleurs).

   Les intrigues sont correctement écrites, émaillées d'humour. C'est de plus bien filmé, avec de belles images de la Camargue. J'ajoute que la musique s'insère parfaitement dans l'ensemble. On la doit à Adrien Durand.

   En replay, sur TF1+, on peut actuellement (re)voir l'intégralité de la saison 1, ainsi que les deux premiers épisodes de la saison 2 : Le Chant des sirènes, dont l'intrigue "aquatique" semble avoir été écrite pour coller le plus possible à Julien Doré, et Un Mariage, un enterrement, qui, en parallèle d'une enquête autour d'un enterrement de vie de jeune fille qui s'est mal terminé, explore davantage les relations entre les deux policiers (Panda et Lola).

   Cela ne révolutionne pas le genre, mais, cela fait passer un bon moment.

vendredi, 10 janvier 2025

Criminal Squad : Pantera

   Pour profiter pleinement de ce film d'action moulé à la louche, roulé sous aisselles, il n'est pas nécessaire d'avoir vu le premier volet, sorti il y a sept ans.

   En revanche, je conseille de choisir une séance en version originale sous-titrée, le plurilinguisme des dialogues contribuant au sel de l'intrigue. Pensez donc : les deux "héros" sont citoyens états-uniens (parlant donc l'anglo-américain, leurs tentatives dans d'autres langues se révélant en général pathétiques), ils vont s'associer avec de redoutables braqueurs originaires des Balkans (parlant le serbo-croate... et sans doute inspirés de la bande des Pink Panthers), se retrouver confrontés à une mafia italienne (pudiquement appelée Octopus...), le tout se déroulant d'abord à Anvers (avec quelques Flamands, pas roses du tout), puis à Nice (en fait aux Canaries, mais bon, on va pas chipoter...).

   Du coup, on entend souvent causer dans la langue de Molière François Bayrou, par d'authentiques acteurs francophones... et par d'autres, s'exprimant dans ce qu'on appelle parfois "le français de Hollywood", qui peut passer pour du français pur jus aux oreilles d'un public anglo-saxon qui n'est jamais venu en vacances dans l'Hexagone.

   Deux braquages sont au cœur de l'intrigue. Le premier n'est qu'un avant-goût, mais il est efficacement mis en scène. Toutefois, avant qu'on nous serve le plat de résistance de ce film (la séquence du second braquage, vraiment très réussie), il faut attendre un peu et supporter plusieurs scènes plus ou moins bien jouées/dirigées. On a ainsi droit à quelques idées reçues sur les Frenchies (en retard à leurs rendez-vous, bouffeurs de croissants, obnubilés par le football et pas très futés). Quelques traits d'humour font mouche, mais le bilan global est plus que mitigé.

   C'est un peu à l'image de la distribution. Gerard Butler (qui coproduit le film, notamment avec le rappeur 50cent...) ne cesse de décliner physiquement. Resplendissant jadis dans 300, il avait encore de l'allant dans La Chute de Londres, beaucoup moins dans La Chute du président et Mayday. Il est désormais proche de la clochardisation. Le réalisateur Christian Gudegast filme avec putasserie gourmandise l'ancien héros qui a perdu de sa superbe... et qui doit désormais compter au moins autant sur son intellect que sur son physique. C'est pas gagné...

   Fort heureusement, il est bien entouré. Plusieurs seconds rôles sont incarnés par des vedettes de MMA, musculeuses et teigneuses comme il faut... la plus redoutable étant pourtant Jovanna, une organisatrice aussi séduisante qu'intelligente et déterminée, interprétée par Evin Ahmad, peut-être la révélation de ce film, où elle fait chavirer le cœur de quelques gros bras (sans parler de ceux des spectateurs masculins de la salle).

   Complot, faux-semblants, cascades, gadgets numériques et poursuite en voiture sont au programme. On ne s'ennuie pas... mais l'on se désole de l'ultime coup de théâtre, aussi invraisemblable qu'inutile.

22:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 05 janvier 2025

Le retour de César Wagner

   Ce mois de janvier voit le retour sur France 2 du plus atypique des capitaines de police français, dont j'ai découvert les aventures il y a deux ans. La chaîne publique nous propose des rediffusions et, surtout, deux épisodes inédits.

   Vendredi 3 janvier, nous avons eu droit au dixième volet de ses aventures, intitulé Les Raisins de la Koehler, un jeu de mots entre le titre du roman de Steinbeck et le nom de famille de la supérieure hiérarchique de Wagner, la commissaire, interprétée par Joséphine de Meaux (actuellement à l'affiche d'Un Ours dans le Jura). L'enquête policière met en cause des cousins de celle-ci, l'un d'entre eux étant interprété par Bruno Solo (qui en fait un peu trop en vigneron bourru).

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   L'intrigue est assez tortueuse... et comique. Olivia Côte (Élise) est toujours aussi savoureuse en médecin-légiste déjantée et les T.O.C. du capitaine sont assez bien mis en scène, avec une nouveauté dans cet épisode : l'utilisation d'une montre connectée, dont le capitaine pense qu'elle l'aidera à gérer son stress. C'est une source régulière de gags... et l'objet va jouer un rôle dans la résolution de l'énigme.

   Vendredi prochain, 10 janvier, sera diffusé Hors jeu, le onzième épisode. Son intrigue a un fond assez sinistre, fait de harcèlement dans le milieu sportif. S'y mêle un aspect cocasse : le concours de morts bizarres qui oppose les légistes de France et de Navarre. S'ajoute à cela un contexte très délicat pour Élise : son père est frappé par cette saloperie d'Alzheimer.

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   Dans le rôle, j'ai eu le plaisir de revoir Rufus et j'ai trouvé Olivia Côte très touchante, dans un autre registre que celui de la gaudriole. J'ai été d'autant plus touché que je suis passé par là. Il est terrible de voir une personne que l'on aime changer complètement de personnalité, puis dépérir de manière inéluctable.

   Au-delà de certains aspects macabres, sans que je puisse trop l'expliquer, je trouve que la série distille une bonne humeur communicative, à laquelle contribue sans doute une agréable musique d'ambiance.

samedi, 04 janvier 2025

Six jours

   Au début de l'histoire, ces six jours sont ceux qu'il reste à la police pour boucler une enquête criminelle (ou, du moins, trouver de nouveaux éléments permettant d'obtenir le prolongement du délai) avant que la prescription ne soit atteinte. Aujourd'hui, le délai a été porté à trente ans mais, à l'époque, il ne courait que sur dix ans.

   Une partie du film est donc constituée d'une course contre la montre, celle que mènent un commandant de police obstiné (Sami Bouajila, impeccable) et la mère d'une enfant (Julie Gayet, surprenante), une cadre sup' qui n'a pas coutume de renoncer. A cette trame principale se mêlent des événements s'étant déroulés dix ans auparavant... et d'autres, se produisant, à l'inverse, des mois plus tard. C'est l'occasion de souligner la qualité du montage, à deux niveaux. D'une part, il croise habilement les époques, celles-ci étant identifiables sans peine. D'autre part, à certains moments, une scène est volontairement coupée pour que nous n'en connaissions pas immédiatement la conclusion. Cela provoque un effet de suspens et nous oblige à nous poser des questions quand on voit une scène ultérieure, sans savoir exactement comment la précédente s'est achevée.

   Vous me sentez emballé par ce film (et c'est le cas)... et pourtant, au début, j'ai eu très peur. La première séquence m'est apparue trop mélo, larmoyante, avec une grosse musique pour souligner le drame. De surcroît, j'avais du mal à comprendre précisément comment un personnage pouvait être décédé. Il convient toutefois d'être très attentif à ce qu'on nous montre, parce que nous allons revivre cette séquence à deux reprises. Du point de vue d'une femme, on passe à celui d'un homme (qui revit ce moment traumatique), puis à celui d'un troisième personnage, vers la fin.

   C'est donc une histoire très bien conçue, bien filmée (par l'auteur d'Insensibles), même si l'on a parfois un peu abusé de la pluie (ce qui peut s'expliquer par le fait que l'intrigue est inspirée de celle d'un film sud-coréen). Les acteurs sont épatants. Bouajila et Gayet sont (efficacement) épaulés par des figures de la fiction télévisuelle : Marilyne Canto, Manon Azem (une ex de Section de recherches), Philippe Resimont, Dimitri Storoge, Yannick Choirat, Gilles Cohen.

   Je ne vais pas trop en rajouter, mais sachez que l'intrigue comporte une sorte de twist et que celui-ci est porteur de sens. Comme dans le récent Juré n°2 d'Eastwood, à un moment, certains personnages se demandent si la morale est compatible avec le strict respect de la loi. Même si leurs histoires sont différentes, ces deux films mettent en scène de manière convaincante un dilemme moral. Cela permet à ce modeste polar d'attendre un niveau inattendu. C'est l'excellente surprise de ce début d'année 2025.

23:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Sarah Bernhardt, la Divine

   Ce faux biopic entrelace plusieurs périodes marquantes de la vie de la célèbre comédienne, en particulier 1896 (avec la journée hommage organisée en son honneur) et les années 1914-1923, les dernières de son existence tumultueuse. Diverses allusions à d'autres époques (notamment les années 1870 et 1880) parsèment l'intrigue, afin de brosser un portrait sensé être fidèle d'une femme hors du commun.

   Pour l'incarner, il fallait une actrice d'exception : Sandrine Kiberlain, entourée d'une fine équipe empruntée à la Comédie française, à laquelle l'héroïne a d'ailleurs appartenu.

   Derrière la caméra se trouve Guillaume Nicloux, qui nous a ravis l'an dernier avec Dans la peau de Blanche Houellebecq. Hélas, la plupart du temps, son talent n'est guère perceptible... à part dans la scène du début, qui n'est pas ce qu'elle semble être de prime abord. La suite est beaucoup plus conventionnelle, comme un film de commande.

   Je suis aussi partagé à propos des dialogues. On a certes ménagé de nombreuses saillies au personnage principal (qui n'avait pas la langue dans sa poche et faisait souvent preuve d'une déstabilisante franchise), mais, trop souvent, on place des répliques littéraires dans la bouche d'acteurs qui ont l'air engoncé dans leurs beaux habits. (Ces tenues, tout comme les décors, flamboyants, sont toutefois à porter au crédit du film.)

   Concernant le fond, là encore je ne suis guère enthousiasmé. J'ai eu l'impression qu'on juxtaposait des épisodes, plus précisément des rencontres : Sarah Bernhardt et la Guerre de 14, Sarah Bernahrdt et l'Affaire Dreyfus, Sarah Bernhardt et Victor Hugo, Sarah Bernardt et Edmond Rostand, Sarah Bernhardt et Sacha Guitry, Sarah Bernhardt et Emile Zola (à propos duquel le film affirme -de manière erronée- que c'est la comédienne qui l'aurait poussé à écrire son J'Accuse !)... Je pense qu'on a aussi exagéré la place occupée par sa liaison avec Lucien Guitry (très bien incarné par Laurent Lafitte, ceci dit).

   La volonté de faire l'éloge d'une femme libre, intellectuellement et sexuellement, est tout à fait respectable, mais le résultat, sans être déshonorant, est un peu "pompier".

vendredi, 03 janvier 2025

Un Ours dans le Jura

   Comme le déclarent assez vite deux des protagonistes de cette histoire, il n'y a pas d'ours dans le Jura... ou plutôt il n'y en a plus, depuis le milieu du XIXe siècle. Et pourtant... la première séquence nous présente un plantigrade d'assez grande taille, ma foi... en tout cas assez grand pour foutre la trouille aux humains qu'il croise. L'effet domino provoqué par sa présence, croisée avec celle de trois groupes d'humains, est efficacement mis en scène et monté.

   Cela m'a mis dans de bonnes dispositions... et heureusement, parce que la suite n'est pas sans défauts, ni invraisemblances. Ainsi, quand Michel, le père de famille (Dubosc, plus ou moins convaincant) raconte ce dont il est responsable, il ne veille pas à ce que son fils n'entende pas. Plus loin, d'un plan à l'autre, son épouse (Laure Camaly, excellente) porte ou ne porte pas de gants, à un moment où c'est particulièrement crucial. Je pourrais aussi parler d'un téléphone portable, qu'une personne montre à un gendarme et qu'elle semble oublier de reprendre quand elle quitte le poste...

   Néanmoins, globalement, la mécanique du rire fonctionne. Une ambiance à la Fargo règne dans cette partie du Jura, dont les habitants ne sont pas particulièrement futés... et où l'on prend parfois quelques libertés avec le respect strict de la loi. Compte tenu de la place que prend le personnage de Cathy (qui a les couilles que semble avoir perdues son mari), j'ai aussi pensé à Bonne conduite, où Laure Calamy s'était déjà distinguée.

   Les autre seconds rôles sont en général bien campés. Emmanuelle Devos nous gratifie d'une jolie prestation en tenancière du Cupidon, un établissement pour adultes consentants... et les truands sont particulièrement redoutables, interprétés par des acteurs qui ont des tronches patibulaires (mais presque). Poelvoorde incarne un major de gendarmerie à la fois dépressif et débonnaire... mais le personnage de sa fille est vraiment agaçant (même si sa petite aventure nocturne ne manque pas de saveur). De manière générale, je trouve qu'on nous représente des parents plutôt laxistes avec leurs enfants. Quant au curé, je l'ai trouvé joué de manière appuyée (à l'image de certaines scènes d'ailleurs). Dubosc vise le comique de base, il ne fait pas dans la dentelle... et cela fonctionne.

   Le film se veut aussi rassembleur sur certains thèmes. Ainsi, le couple formé par Cathy et Michel bat de l'aile et cette aventure va le ressouder. Dans le même ordre d'idée, les gendarmes sont dépeints comme bienveillants, notamment avec les migrants clandestins, qui sont tous des gars gentils. Enfin, le "pognon de dingue" récupéré dans le sac de sport va susciter beaucoup de convoitises... et finir par "ruisseler" sur le village. (On notera toutefois que certains bénéficiaires se lancent dans des achats qui n'ont pas grand chose à voir avec la subsistance.)

   Au final, j'ai passé un bon moment, mais cela ne restera pas dans les mémoires.

   P.S.

   Aux spectateurs qui restent jusqu'à la fin, on propose une scène supplémentaire, qui voit le retour d'un protagoniste du début (indice : il s'appelle Valentin)...

13:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 02 janvier 2025

Irrational

   J'ai récemment découvert cette série américaine (sur ma box mais les épisodes sont aussi accessibles sur le site de M6).

   C'est un procedural, c'est-à-dire une série policière dont les épisodes suivent une certaine routine, chacun présentant une affaire complète (et, a priori, résolue à la fin). On a droit à un énième duo d'enquêteurs a priori mal assortis (ils ont divorcé l'un de l'autre) : Marisa, une gradée du FBI et Alec, un professeur de psychologie comportementale dans une université (fictive) de Washington DC. (Ses locaux sont ceux d'une fac de Vancouver, au Canada.) On pense à d'autres séries, associant des duos improbables. La plus proche (parmi celles que je connais) me semble être Perception.

   La première saison compte onze épisodes, liés par un fil rouge : la réouverture d'une enquête ancienne, à propos d'une explosion dans une église, au cours de laquelle Alec a été gravement brûlé. Le traumatisme subi lui a fait oublier une partie des faits.

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   Alec est incarné par Jesse L. Martin (à gauche ci-dessus), que les amateurs de série policière connaissent bien : pendant une dizaine d'années, il a incarné Ed Green, l'un des principaux inspecteurs de New York, Police judiciaire.

   Son personnage est en partie inspiré de quelqu'un de réel (à droite ci-dessus) : Dan Ariely, un chercheur en psychologie et analyse comportementale, qui a connu un grand succès avec le livre C'est (vraiment ?) moi qui décide, dont le titre d'origine, Predictably Irrational, a inspiré celui de la série. J'ajoute qu'il a été lui aussi marqué dans sa chair par une explosion (accidentelle). Ici s'arrêtent les ressemblances, les scénaristes ayant tenu à construire un personnage différent... notamment par la couleur de peau. (Personne n'a hurlé à "l'appropriation culturelle", ce qui aurait peut-être été le cas dans la situation inverse : un acteur blanc incarnant un personnage réel noir de peau.) Une grosse moitié des protagonistes est afro-américaine (ce qui est cohérent vu que l'essentiel de l'action se déroule dans l'agglomération de Washington).

   A priori, je suis client de ce genre de programme, si le scénario est bien écrit et si les personnages ont du tempérament, le tout assaisonné d'humour. C'est le cas ici. Jesse L Martin est très bien en psychologue avisé, mais un peu torturé par ses vieux démons. Dans la VF, il est doublé par l'excellent Frantz Confiac. Au quotidien, il côtoie sa jeune sœur, informaticienne de génie (homosexuelle et un peu excentrique), ainsi que ses deux assistants à la fac, deux étudiants parmi ses plus brillants. Il enquête donc aux côtés de son ex... et du nouveau petit ami de celle-ci. Débarque aussi en cours de saison une spécialiste de la protection rapprochée, ancienne du MI 6... et excessivement charmante.

   Les intrigues mêlent mystère, humour, charme et questions de société, sans que cela soit introduit de manière lourdingue. Cela ne vise pas le chef-d’œuvre, mais fait passer de bons moments. La première saison se termine sur un coup de théâtre, donnant très envie de voir la suite.

mardi, 31 décembre 2024

Les "Riton" 2024

   Voici venu le temps des rires et des chants des palmarès en tout genre. Comme le veut la tradition inaugurée il y a 18 ans (comme le temps passe...) sur ce blog, je vais proposer mon palmarès cinématographique de l'année écoulée. Pas plus que pour les précédentes promotions, je n'ai pu effectuer un choix limité à un podium, ni même à dix films.

   Cette année 2024 a été marquée, pour moi, par un retour gagnant de la comédie. C'est d'ailleurs l'une d'entre elles (que je n'inclus pas dans ce palmarès), qui arrive en tête des entrées, en France : Un p'tit truc en plus.

Riton de la comédie malpensante : Dans la peau de Blanche Houellebecq

Riton de la comédie misanthrope : Dîner à l'anglaise

Riton de la comédie incisive : Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (un des films de l'année)

Riton de la comédie mordante : Le Procès du chien

Riton de la comédie sépulcrale : Beetlejuice Beetlejuice (un des films de l'année)

Riton de la comédie qui tombe à l'eau : A toute allure

Riton de la comédie qui tombe à pic : The Fall Guy (un des films de l'année)

Riton de la comédie casse-gueule : Le Deuxième Acte

Riton de la comédie sans queue ni tête : Daaaaaali ! (un des films de l'année)

 

   2024 fut aussi un bon cru pour les polars, plus ou moins déjantés.

Riton du polar (presque) sans queue : Drive-away Dolls

Riton du polar "burné" : LaRoy (un des films de l'année)

Riton du polar au masculin : A Man

Riton du polar maternel : Sons

Riton du polar de gonzesses : Santosh (un des films de l'année)

Riton du polar juridique : Le Fil

Riton du polar historique : Le Tableau volé

 

   Cela m'amène tout naturellement aux films à caractère historique, peu nombreux dans ce florilège, mais marquants.

Riton du film antiraciste subtil : Chien blanc

Riton du film anti-communiste efficace : Rendez-vous avec Pol Pot

Riton du film archi-mémoriel : Une Vie

Riton du film extra-concentrationnaire : La Zone d'intérêt (un des films de l'année... peut-être même LE film de l'année, pour moi)

 

   2024 a aussi vu la sortie en salles de plusieurs documentaires particulièrement bien conçus.

Riton du biopic féminin : Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres

Riton du biopic matriarcal : Bye bye Tibériade

Riton du biopic musical : They shot the piano player

Riton du biopic sociétal : Hospital (un des films de l'année, à classer avec Law and order et Juvenile Court)

Riton du biopic générationnel : La Ferme des Bertrand  (un des films de l'année)

 

   De nombreuses fictions, françaises comme étrangères, ont abordé des thèmes sociétaux, avec plus ou moins de talent et de subtilité. Voici celles qui m'ont marqué :

Riton de la famille déconstruite : En fanfare

Riton de la famille persécutée : Le Dernier des Juifs

Riton de la femme persécutée : La Jeune Fille et les paysans

Riton de l'oubli de la persécution : Memory

Riton des persécuteurs stupéfiants : Blink Twice

Riton  des persécuteurs en uniforme : Heroico

Riton du coupable moral : Juré n°2 (un des films de l'année)

 

   Certaines bonnes fictions ont l'apparence de documentaires :

Riton d'une société moyen-âgeuse : Chroniques de Téhéran (un des films de l'année)

Riton du juridisme européen : Une Affaire de principe

Riton d'une société injuste : Si seulement je pouvais hiberner

 

   La catégorie des films d'animation demeure une valeur sûre, même si, pour moi, ce ne fut pas une année particulièrement enthousiasmante, certaines œuvres très attendues ayant déçu.

Riton de l'animation féérique : Krisha et le Maître de la forêt

Riton de l'animation maléfique : La plus précieuse des marchandises (un des films de l'année)

Riton de l'animation passéiste : Détective Conan : l'étoile à un million de dollar

Riton de l'animation futuriste : Mon Ami Robot

Riton de l'animation catastrophiste : Le Robot sauvage

Riton de l'animation survivaliste : Flow

Riton de la suite réussie : Kung Fu Panda IV

 

   Je termine par une brochette de films inclassables, tous de grande qualité.

Riton du feuilleton à l'ancienne : Le Comte de Monte-Cristo (un des films de l'année)

Riton du petit nouveau de la galaxie : Kraven the Hunter

Riton du Marvel le plus jouissif : Deadpool & Wolverine (un des films de l'année)

Riton brillant et déjanté : Pauvres Créatures (un des films de l'année)

 

   Si j'ai bien compté, cela fait 46 très bons films, parmi lesquels je distingue quinze œuvres particulièrement emballantes, seule peut-être La Zone d'intérêt se plaçant au-dessus du lot.

Archives "ritonnesques" :

- les "Riton" 2023

- les "Riton" 2022

- mes César pour 2021

- les "Riton" 2020

- les "Riton" 2019

- les "Riton" 2018

- les "Riton" 2017 

- les "Riton" 2015 : non décernés

- les "Riton" 2014

- les "Riton" 2013

- les "Riton" 2012

- les "Riton" 2011

- les "Riton" 2010

- les "Riton" 2009

- les "Riton" 2008

- les "Riton" 2007

- les "Riton" 2006

 

18:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 29 décembre 2024

Juvenile Court

   Ce documentaire clôt la trilogie Il était une fois l'Amérique, de Frederick Wiseman. Après avoir passé une partie de l'année 1968 à Kansas City, pour Law and order et 1969 à New York, pour Hospital, le réalisateur s'est rendu (en 1972) dans l'ouest du Tennessee, à Memphis, pour y suivre l'activité du tribunal pour enfants. (J'ai le fol espoir de voir un jour en salles Welfare, sorti en 1975, qui complète les trois précédents.)

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   Le documentaire nous montre le travail de différentes catégories de personnes. Il n'a filmé qu'un seul juge des enfants, un type droit, un peu terne, soucieux à la fois de protéger la société et de préserver les intérêts des mineurs. Parfois, cela semble assez facile (quand les cas sont limpides). Parfois, c'est particulièrement complexe. Le magistrat travaille en étroite collaboration avec des policiers, des procureurs, des avocats, des assistantes sociales (dont une vraiment très très jolie... et douce avec ça), des médecins, des psychiatres, des membres d'associations. On assiste par exemple à un entretien préliminaire, au cours duquel trois des cinq personnes présentes dans le bureau s'expriment : le juge bien sûr, mais aussi le psychiatre et l'assistante sociale. Il s'agit de déterminer le profil du mineur dont il est question, ainsi que d'évaluer l'ambiance familiale dans laquelle il évolue.

   Les mineurs dont il est question sont soit les victimes, soit les auteurs des méfaits... mais il arrive qu'un primo-délinquant soit aussi une victime. On ne nous le dit pas, mais on peut le déduire du montage des différents entretiens, y compris les interrogatoires par le juge, qui précèdent une éventuelle audience. Dans son bureau se succèdent Noirs comme Blancs, davantage de garçons que de filles. Celles-ci sont en général plutôt des fugueuses, ou des voleuses, voire des droguées, soupçonnées de se livrer à la prostitution. Cette question se pose notamment pour une gamine de onze ans (!!!), visiblement peu surveillée par ses parents, sa mère ne vivant officiellement que de l'aide sociale... mais, comme l'un des adultes s'enquiert d'éventuels rapports sexuels, on est amené à se poser diverses questions. (La gamine pourrait déjà ne plus être vierge -à onze ans...- et sa mère pourrait tirer l'essentiel de ses revenus d'une prostitution occasionnelle...) Plus tard, on voit aussi une petite fille accompagnée de sa mère, qui accuse un garçon, chargé de garder ses enfants, de s'être livré à des attouchements sur sa fille.

   Les faits reprochés aux mecs sont en général plus graves : agression sexuelle, vol à main armée, consommation et vente de drogues... Tous les types de famille semblent touchés, puisque, lorsqu'on voit les parents, il apparaît que certains d'entre eux sont issus de la classe moyenne (voire aisée).

   Ceci dit, dans les séquences qui nous sont proposées, tout le monde (ou presque) est bien habillé (les costumes des policiers semblant de moins bonne facture que ceux du juge et des avocats). Peut-être est-ce dû au fait que les acteurs de ces procédures ont été au préalable informés qu'il allaient être filmés. Sinon, c'est peut-être lié à la solennité des lieux. Presque toutes les scènes ont été tournées dans l'enceinte du tribunal, un bâtiment qui en impose.

   Il n'est d'ailleurs pas composé que de l'accueil et de la salle d'audience. De multiples bureaux ont été installés (sans doute dans les étages). Je crois avoir remarqué la présence d'une infirmerie, d'un vestiaire (pour habiller les enfants en cas de besoin)... et même d'un salon de coiffure ! D'autres images nous montrent des chambres de ce qui ressemble à un internat.

   Cela nous amène à ce que risquent les mis en cause. Ce peut être juste un rappel à la loi ou une mesure éducative. Le plus souvent, on parle d'un placement en famille d'accueil ou de l'envoi dans un centre de redressement. La prison n'est évoquée qu'exceptionnellement et les intervenants sont en général d'accord pour estimer qu'elle n'est pas la solution pour leurs "clients", sauf ceux qui semblent sur le point de devenir des criminels endurcis.

   Contrairement aux eux précédents films, assez brefs (1h20-1h25), celui-ci s'inscrit dans la durée (2h25). S'il aborde une assez grande diversité de cas, Wiseman a suivi particulièrement certains d'entre eux, presque du début à la fin : la jeune fugueuse, le drogué récidiviste touché par la foi, le babysitteur pervers, le chauffeur du braqueur de commerces.

   C'est passionnant. Je recommande vivement.

Ernest Cole, photographe

   Ce documentaire retrace la vie du photographe sud-africain, connu pour avoir été l'un des premiers à révéler, par ses images, le fonctionnement du régime raciste d'apartheid mis en place en Afrique du Sud, après la Seconde Guerre mondiale. Le commentaire du réalisateur Raoul Peck est dit à la première personne, comme si Cole racontait sa propre histoire.

   La première partie est pour moi la plus intéressante. A l'aide d'images d'époque, on nous fait découvrir l'Afrique du Sud au sortir de la guerre, avec ses villes modernes où les Noirs et métis ne sont autorisés à circuler que s'ils ont un permis de travail... et avec ses bidonvilles, où sont concentrés les "indésirables", à commencer par la famille de Cole. Son quartier a d'ailleurs été détruit à l'occasion d'une opération immobilière.

   Une partie des photographies qui nous sont proposées sont celles prises par le jeune homme. Elles sont complétées par d'autres et par des extraits de films, soit d'actualité (quand un dirigeant du Parti National est concerné), soit de reportage (je pense notamment à certaines vues urbaines). Je trouve que la profusion est trop grande. On n'a pas souvent l'occasion de s'arrêter aux détails de ce qui nous est montré, sauf à une ou deux occasions, quand telle photographie est décryptée. Si ce procédé avait été plus souvent reproduit, le film aurait été passionnant.

   La deuxième partie évoque la vie de Cole après son départ d'Afrique du Sud, en Europe puis aux États-Unis. Il y publie le recueil de photographies qui va le rendre célèbre, House of Bondage... et qui rend tout retour impossible dans son pays d'origine, tant que l'apartheid y persistera.

   Cette période nord-américaine voit Cole s'intéresser tout particulièrement à la cohabitation entre Blancs et Noirs, à une époque où le pays sort de la ségrégation. Il a beaucoup pris en photo les couples mixtes. Il a aussi voulu documenter les conditions de vie des Afro-Américains aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Là encore, la profusion d'images (la plupart non commentées) finit parfois par nuire au film. En général, quand les photographies ne sont pas de Cole, c'est précisé, tout comme leur source. C'est rarement le cas des extraits filmiques.

   La dernière partie est consacrée à la déchéance de Cole, qui finit dans la misère, complètement démoralisé, ne prenant plus de photographie. Les causes de cette déchéance ne sont pas bien expliquées. Le réalisateur avance le mal du pays. Il réfute tout dépendance à une drogue. La fin de vie d'Ernest Cole conserve une part de mystère (il est mort d'un cancer à quarante-neuf ans)... tout comme le parcours de centaines de ses négatifs, que l'on croyait disparus, et qui ont été retrouvés dans le coffre d'une banque... suédoise.

   Le documentaire mérite le détour, surtout pour sa première partie, mais, vu la manière dont le film a été encensé, je m'attendais à mieux.

samedi, 28 décembre 2024

Saint-Ex

   J'ai fini par aller voir cet hommage à Antoine de Saint-Exupéry, réalisé par Pablo Agüero, auquel on doit, entre autres, Eva ne dort pas et Les Sorcières d'Akelarre. J'ai retrouvé dans ce film-ci les qualités techniques des précédents : un certain souffle dans la mise en scène et une photographie parfois bluffante, en particulier lorsqu'on nous propose des vues de la Cordillère des Andes.

   Hélas, très vite, j'ai constaté des invraisemblances dans le déroulement des scènes. Ainsi, Guillaumet (Vincent Cassel, très bien) le mentor de Saint-Ex (Louis Garrel, tout droit sorti d'une publicité pour une marque de luxe), parvient à se poser sur une île minuscule... et à redécoller, en surcharge, avec deux hommes et... un phoque à bord !

   Un autre problème se pose au niveau des gros plans tournés lorsque les pilotes sont en altitude. En général, ils se trouvent (au minimum) à 3-4000 mètres et volent à plusieurs centaines de kilomètres/heure. Leur casque de cuir devrait donc être solidement fixé à leur visage et celui-ci soigneusement recouvert... mais l'on aurait alors du mal à reconnaître les personnages. On a donc décidé de les "démasquer".

   Je trouve aussi extrêmement caricaturale la caractérisation du duo d'aviateurs. Saint-Exupéry, alors âgé de trente ans, est présenté comme un adolescent attardé, irréfléchi et imprudent. Ne parlons pas non plus du soin avec lequel il traite son carnet de notes, dont des feuilles volantes s'échappent sans qu'il prenne la peine de les ramasser. Les spectateurs attentifs pourraient aussi s'amuser à relever quelques faux-raccords, notamment au niveau du port des gants.

   Je ne vais pas (trop) m'acharner, parce que j'ai quand même pris du plaisir à voir ces vues aériennes, de jour comme de nuit, à suivre le condor, à observer les reflets dans la glace. C'est quand même un bel ouvrage, rabaissé par ses incohérences.

   Les lecteurs de Saint-Exupéry peuvent aussi s'amuser à chercher les références à ses œuvres (presque toutes rééditées en collection de poche, chez Folio Gallimard). Le scénario s'appuie principalement sur Terre des hommes (qui relate, entre autres, le périple de Guillaumet), mais on y trouve aussi de la substance prélevée à Vol de nuit... et, bien entendu, quelques allusions au Petit Prince.

   Conclusion : lisez Saint-Exupéry.

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   P.S.

   L'histoire de l'épave du dernier avion piloté par Saint-Ex est elle-même très romanesque.

jeudi, 26 décembre 2024

Planète B

   Ce film militant est une dystopie, qui imagine, en 2039, une France (et une Europe) dictatoriale, ultra-policière, anti-immigrés... et sale (se limitant à ce qui ressemble à certains quartiers de Paris ou Marseille). Ce contrôle quasi total s'exerce à l'aide des technologies de pointe : identification oculaire, reconnaissance faciale, QR code, sandwich jambon-beurre, réalité virtuelle, drones de surveillance...

   Ça, c'est la planète A, où de gentils black blocks organisent de sympathiques attentats contre les méchantes télécommunications et leur vilains cerbères policiers. Au cours d'une "opération", l'héroïne Julia (Adèle Exarchopoulos, très bien) est faite prisonnière et se retrouve sur ce qui est appelé la "planète B". Autant la première est marquée par le plastique et le métal (un choix sans doute destiné à camper une atmosphère futuriste), autant la seconde, baignant dans une ambiance méditerranéenne (ou tropicale), est constituée de bois. Cette dissonance matérielle, alliée à des jeux de lumière et à un bon travail sur les décors, suffit à nous plonger dans l'étrangeté... une étrangeté de surcroît rapidement menaçante.

   Dans des conditions que je m'interdis de révéler, Julia va entrer en contact avec l'autre héroïne de l'histoire, Nour, femme de ménage dans une étrange base secrète... et surtout ancienne journaliste, qui a fui le Moyen-Orient. Souheila Yacoub campe efficacement ce personnage qui réussit à passer sous les radars... et pourrait avoir un rôle déterminant.

   Sur le fond, l'intrigue s'inspire des idées qui circulent au sein de la gauche radicale, ce qui n'empêche pas la réalisatrice, de temps à autre, de faire preuve de nuance. Je pense notamment à tout ce qui touche à l'un des CRS (et à sa famille) et aux tensions qui émergent entre les rebelles emprisonnés, les convictions de chacun ayant leurs limites...

   Aude Léa Rapin réussit à boucler son histoire en deux heures. L'un des ingrédients de la fin m'a toutefois paru invraisemblable (le choix opéré par l'une des protagonistes), mais je pense qu'il s'explique par un sous-entendu : alors que l'intrigue met en scène la naissance d'un lien de sororité (de plus en plus fort), du point de vue de l'une des deux femmes, il semble que cela devienne sentimental (mais, comme c'est très allusif, cela passe au-dessus de la tête d'une partie du public).

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mercredi, 25 décembre 2024

Jamais sans mon psy

   A ma grande surprise, la salle était assez copieusement garnie pour cette comédie populaire descendue par la critique. Le public adolescent était peut-être là pour Baptiste Lecaplain et Rayane Bensetti, les personnes âgées pour Christian Clavier, alias Olivier Béranger.

   Clairement, celui-ci porte le film. Il y enfile à nouveau le costume de grand bourgeois condescendant, déjà vu dans la série des Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu et, plus récemment, dans Cocorico. J'ai trouvé qu'il n'en faisait pas des caisses. Au passage, son personnage (et celui de ses meilleurs amis) permet d'égratigner une partie de la profession médicale : le psy prend tout de même 180 euros de l'heure !

   Dans le rôle de Damien, le patient puis le (peut-être) futur gentil gendre, Lecaplain fait le job en jeune homme déconstruit. Sa relation avec Béranger fait un peu penser à Mon beau-père et moi.

   Le début est marrant, avec les problèmes psychologiques de Damien puis sa rencontre avec le meilleur ami (sourd) de sa dulcinée. Un quiproquo va naître autour de la langue des signes et de l'activité de Damien, en prison, où il a fait travailler les détenus sur du George Michael ! (Les succès de celui-ci, en solo ou avec le groupe Wham!, constituent la bande sonore du film.)

   C'est moins bien ensuite, dans la villa. J'ai certes été amusé par les procédés utilisés par le psy pour éloigner ce nouveau prétendant de sa fille unique chérie (tous les pères me comprendront), mais cela manque de tonus.

   Pour relancer le rythme, le scénario fait intervenir les meilleurs amis d'Olivier, puis l'ex de la fille, interprété par Bensetti. Celui-ci est pleinement investi dans son rôle (assez antipathique) et la production lui a même réservé un petit moment de gloire, mais son interprétation d'une chanson en play-back est tellement visible que cela en est gênant.

   Plus marrantes sont les interventions de Thomas VDB, une sorte de guérisseur montagnard, fan de fromages et d'alcool artisanal.

   Bon, voilà, cela ne va pas plus loin. On sait d'où l'on part et où l'on va sans doute nous mener. Mais cette comédie modeste, parfois un peu bas-de-gamme, m'a détendu (et elle ne dure qu'1h30).

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mardi, 24 décembre 2024

Kraven the Hunter

   Ambiance masculiniste (grosses voix, gros muscles, gros guns...) pour ce film de super-héros, issu de la galaxie Marvel, mais adapté par la Columbia, pas par Disney (ce qui a son importance). Ici, pas (trop) de "politiquement correct", mais de l'action et des sentiments forts.

   La première séquence nous montre le héros dans ses œuvres, en prison, en Russie. Il n'est pas tout à fait ce qu'il prétend être... mais je n'en dirai pas plus. Au niveau de l'ambiance, on pense un peu à Black Widow.

   La suite est un long retour en arrière, pour comprendre d'où vient Kraven le chasseur, Sergeï Kravinov de son vrai nom. Son papounet est un chef mafieux sans foi ni loi, interprété par Russell Crowe. Sergeï a un frère, Dimitri, plus "artiste" que lui. Popov Crowe les élève à la dure, les éloignant de leur mère (qu'il a peut-être fait zigouiller), voulant en faire de véritables prédateurs, au sens propre comme au figuré. Il ne pouvait pas prévoir que la séance de chasse programmée en Tanzanie allait changer l'un de ses fils à jamais.

   Cette séquence africaine est l'occasion de découvrir le principal personnage féminin de l'histoire, Calypso. Ravissante, courageuse et humaniste, elle est incarnée par la délicieuse Ariana DeBose, repérée notamment dans le West Side Story de Spielberg  et le récent Argylle.

   Des années plus tard, on retrouve l'adolescent mourant devenu un redoutable tueur. Comme il s'en prend à ces enflures de braconniers, aux connards de trafiquants et aux salopards de tueurs de la mafia, on ne peut que saluer son action de salubrité publique, même si elle s'éloigne quelque peu (par les méthodes) de celle d'une jeune et brillante avocate... qui ressemble bigrement à la jeune femme qui a jadis sauvé Sergeï.

   Sur la forme, c'est une grande réussite. Dans certains plans subjectifs, on a réussi à intégrer la nouvelle vision des choses que possède le héros, grâce aux transformations qui se sont opérées en lui. Rapide, précis et impitoyable, il est comme une nouvelle version de Wolverine. C'est dire... et ce n'est donc pas destiné au jeune public, tant c'est violent.

   Sur le chemin de Kraven vont se dresser deux redoutables adversaires, eux aussi dotés de super-pouvoirs. La manière dont il réussit à les vaincre, aidé par Calypso, est ma foi assez brillamment mise en scène. JC Chandor (repéré jadis avec Margin Call) ne s'embarrasse pas de subtilités et son principal interprète (Aaron Taylor-Johnson, vu récemment dans Bullet Train), musculeux à souhait, s'est parfaitement coulé dans le rôle.

   J'ai passé un excellent moment, tout comme les dames qui m'accompagnaient, l’œil luisant devant la plastique d'Aaron. (Riri, va falloir que tu te remettes sérieusement au sport !)

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Harriette Potter à l'école des Barbie

   J'ai failli commencer ce billet en écrivant que Wicked est le nouveau film de Noël de chez Disney. On y trouve du merveilleux (notamment des magiciennes), des paillettes, du rose, des animaux qui parlent (une ourse, un bouc...), une romance... et des chansons... à ceci près que ce film n'est pas une production Disney, mais Universal. Il n'en respecte pas moins les codes du genre, y compris au niveau de la "modernisation" des personnages : la foule d'étudiant(e)s comprend des Blancs, des Noirs, des Asiatiques, des gros, des sveltes et des maigres, des bien et mal coiffés, des hétéros et des homos.

   C'est plutôt épatant au niveau des décors, des costumes et des effets spéciaux. Je dois aussi reconnaître que les chorégraphies sont très réussies, quand bien même elles illustrent des chansons horripilantes (entendues en version originale).

   Outre ces chansons, plusieurs choses m'ont agacé, à commencer par deux des personnages principaux. La fée Galinda (incarnée par Ariana Grande, qui semble faite pour le rôle), est une insupportable pétasse, une caricature de blonde superficielle, qui ne pense qu'à devenir encore plus populaire. (C'est là que je me suis dit que l'absence de téléphone portable nuisait au caractère narcissique de nombreux personnages.) Le pire est qu'elle fait l'objet d'une admiration quasi unanime. Les autres étudiants (des moutons bouffés par le système) semblent encore plus crétins qu'elle...

   ... à l'exception notable d'Elpheba, l'un des rares personnages un peu consistants de cette histoire. Elle est interprétée par Cynthia Erivo, qui fait très bien le job (tout comme la gamine chargée de l'incarner jeune), mais qui est hélas trop âgée pour le rôle, ce qui, malgré les retouches numériques et les couches de maquillage, se voit assez souvent à l'écran.

   Complète ce duo d'adversaires devenues copines un dernier arrivant, le beau gosse de la fac, un prince aussi creux qu'un coquillage moisi, qui chante son désir de ne rien foutre dans la vie, à part claquer le pognon de ses parents faire la fête. Ce programme hautement démagogique recueille un franc succès, jusque dans la bibliothèque de l'école de magie. Voilà donc les modèles que l'on propose à notre jeunesse...

   On me rétorquera que Galinda comme le prince connaissent un début d'évolution, celui-ci se mettant curieusement à réfléchir, ce qui suscite la stupeur chez ses proches. (C'est l'un des rares gags du film). Galinda elle se veut plus gentille... à condition que cela la rende plus populaire.

   Dans cette meringue fric et toc s'insinue toutefois un fil narratif à contre-courant de ce "meilleur des mondes". Un mouvement anti-animaux qui parlent grandit et ceux-ci petit à petit disparaissent. Seule Elpheba semble s'en soucier, jusqu'au moment où l'apprentie magicienne rencontre le maître du monde merveilleux : le Magicien d'Oz. Sans en dire trop, je peux dire que Jeff Goldblum, tout comme Michelle Yeaoh, apportent un peu de finesse dans un jeu des acteurs globalement caricatural. (Mais je pense que les personnages ont été écrits comme ça.)

   Du coup, dans sa troisième partie, le film prend un tour plus intéressant et invite au final ses spectateurs à se méfier des apparences. Mais, avant cela, il faut se fader les deux heures du début... le tout (2h40) constituant la première partie d'un diptyque, la seconde devant sortir l'an prochain sur nos écrans.

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lundi, 23 décembre 2024

La Guerre des Rohirrim

- Alors, Henri, ça donne quoi cette préquelle du Seigneur des anneaux façon animation japonaise ?

- Sur le fond ou sur la forme ?

- Ça fait une différence ?

- Ben, oui.

- Bon, ben d'abord la forme, alors. Ça a tout de même été réalisé par Kamiyama, qui a travaillé sur des dérivés de Ghost in the shell !

- J'ai été déçu par l'animation. Les décors sont moches, les mouvements des animaux (notamment rapaces et chevaux) manquent de réalisme. C'est plus réussi au niveau des humains, mais leur apparence a (pour moi) un côté vintage : j'ai parfois eu l'impression d'être replongé trente à quarante ans en arrière, dans un vieux manga. Ce n'est pas déplaisant, mais l'animation a fait d'énormes progrès depuis !

- Tu as trouvé cela cheap ?

- Pas exactement. Plutôt maladroit, ou caricatural. Certes, on n'a mis "que" trente millions de dollars pour produire ce film (soit cinq fois moins que pour Vaiana 2 et presque sept fois moins que pour Mufasa), mais les Japonais nous ont déjà prouvé par le passé (et récemment avec Godzilla Minus One) qu'ils pouvaient réaliser des prodiges avec des moyens contraints.

- En gros, tu t'es fait chier !

- Eh ben, non, en fait. Le scénario est assez élaboré, même s'il débute de manière archiclassique, avec une histoire de rivalité entre familles nobles, et mariage à la clé. Le déroulé global est lui-même très prévisible, puisqu'on passe de la phase "puissance et gloire" (dans l'eau trouble d'un regaaaaaard) à la chute (en deux temps), puis à la résurrection (en plusieurs étapes). Mais c'est rythmé, avec pas mal d'action et de nombreuses péripéties intermédiaires, des châteaux-forts, des animaux fabuleux, un passage secret, de la magie, de l'héroïsme, des trahisons... un peu d'ailleurs comme dans les films de Peter Jackson.

- On voit bien les liens avec la trilogie d'origine ?

- Plus ou moins. Il est bien question des royaumes de Rohan et du Gondor, de la Terre du milieu, d'Isengard... et un tout petit peu du Mordor. On découvre aussi l'origine du nom du Gouffre de Helm. Du côté des personnages, on retrouve principalement Eowyn. On aperçoit quelques orques (qui collectent des anneaux...) et, très tard dans l'histoire, un mage qui, dans la version originale, a la voix de Christopher Lee (reconstituée par intelligence artificielle ?). A la toute fin, c'est le nom d'un autre magicien qui est mentionné : Gandalf.

- J'ai lu et entendu qu'on avait "modernisé" l'univers, notamment en accordant plus d'importance aux femmes dans l'action. T'en penses quoi ?

- Ben d'abord, dans les films d'origine, les personnages féminins ne sont pas absents, ni même impuissants. Mais il est vrai que la "communauté de l'anneau" est d'abord une bande de mecs. Ici, la princesse Hera est clairement l'héroïne de l'histoire, bien épaulée par Eowyn. Mais les autres protagonistes (en particulier Helm Hammerhand et Wulf, le grand méchant... loup ?) sont des mecs avec de gros muscles et de grosses burnes voix. J'ai aussi apprécié que l'on ne fasse pas de l'héroïne une énième "brindille" d'office capable de foutre une raclée à une bande de soudards hyper-entraînés. On constate une évolution du personnage... qui, de surcroît, n'a pas pour principale ambition de trouver "l'homme de sa vie". Son destin est autre, et il est beau.

- Bon, finalement, t'as aimé !

- Je n'ai pas détesté. L'intrigue est suffisamment feuilletonesque pour retenir l'attention. Si l'on s'habitue à la tessiture de l'image et aux mouvements de certains personnages, on passe plutôt un bon moment. Mais sans plus.

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dimanche, 22 décembre 2024

Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres

   Ce documentaire allemand revient sur le parcours et la personnalité de celle qui fut une réalisatrice d'avant-garde... et un soutien du régime nazi, une image dont elle a ensuite tenté de se défaire.

   Le montage alterne des passages d’œuvres de Riefenstahl (qui constituent souvent, il faut le reconnaître, les plus beaux moments du film) et des extraits d'archives, surtout d'entretiens que la cinéaste a accordés tout au long de sa (longue) seconde vie, à la radio, au téléphone ou à la télévision. Du coup, le résultat n'est que partiellement chronologique, puisqu'il alterne principalement des déclarations des années 1970, 1980, 1990 et des images des années 1920, 1930 et 1940.

   Parmi les œuvres dont des extraits nous sont proposés, il y a La Lumière bleue, la première réalisation de Riefenstahl, qui y est aussi actrice. On y trouve les ingrédients de la future documentariste à succès : l'originalité des prises de vue, la qualité des images, un certain talent pour filmer les corps humains et l'espace qui les entoure. Riefenstahl aimait les corps jeunes et musclés, en particulier ceux des hommes... quelle que soit leur couleur de peau. Celles et ceux qui ont vu Olympia (Les Dieux du stade), consacré aux JO de 1936 (à Berlin), savent qu'elle y a mis en valeur tous les types d'athlètes, hommes comme femmes, blancs comme noirs (même s'ils n'étaient à l'époque pas très nombreux), avec une préférence évidente pour les hommes blancs.

   Par son montage, Andres Veiel s'évertue à placer Riefenstahl devant ses contradictions, voire ses mensonges. Très tôt, elle a été proche de dirigeants nazis, qui l'ont rapidement intégrée au "premier cercle" (les intimes d'Hitler et de Goebbels). Avec Magda Goebbels (l'épouse du chef de la propagande hitlérienne), elle a fait parfois office de "première dame" (avant que ne débarque Eva Braun). Les images d'époque contredisent lourdement les affirmations d'après-guerre de Riefenstahl, qui a prétendu n'avoir fait que son travail et avoir même, souvent, été forcée de collaborer avec le régime. La dame âgée finit toutefois parfois par relâcher sa vigilance et l'on nous la montre, revisionnant des images tournées dans les années 1930, se réjouissant de la qualité du travail technique (ce qui est fondé), négligeant l'aspect propagande du film, pourtant évident.

   Le documentaire de Veiel se fait un peu plus nuancé sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Il évoque en détail ce qui s'est passé à Konskie en 1939. Devenue correspondante de guerre officielle, la cinéaste veut  filmer une scène en Pologne envahie. Mais un groupe de travailleurs forcés (juifs) est présent dans le cadre. Elle demande à ce qu'on les enlève de là. Les soldats allemands ne font pas dans la demi-mesure : ils les exécutent... Le film montre qu'elle en a été choquée (et a demandé ensuite à être retirée du front Est), mais elle a quand même été à l'origine du massacre. Plus tard, elle a utilisé des détenus tziganes pour son nouveau film Tiefland, sans guère se préoccuper de leur sort. C'est là plus révélateur de son tempérament : être cinéaste, quoi qu'il en coûte, le reste important peu.

   Un autre aspect intéressant du documentaire concerne les relations que Riefenstahl a entretenues avec des hommes de pouvoir. Elle est devenue une intime d'Hitler, à tel point que, lorsque les services secrets occidentaux ont eu à gérer son cas, après-guerre, ils l'ont parfois qualifiée de "possible maîtresse" du Führer. (C'est lisible -en allemand- sur l'un des documents écrits montrés dans le film.) Elle fut aussi un temps très proche de Goebbels (comme celui-ci l'a noté dans son journal). Il était réputé coureur de jupons. Il est probable qu'il y ait eu quelque chose entre Leni et lui. Mais j'ai trouvé la cinéaste sincère quand, de manière plus ou moins allusive, au cours d'un entretien ultérieur, elle essaie de dire que Goebbels l'a violée. En revanche, elle est resté attachée toute sa vie à Albert Speer, l'architecte en chef d'Hitler. Il était bel homme, élégant, cultivé, amoureux des arts. On sent qu'il a existé une grande proximité entre eux. Après guerre, à plusieurs reprises, elle lui a demandé conseil (notamment pour la publication de ses mémoires).

   Le documentaire passe plus rapidement sur les travaux de Riefenstahl postérieurs à la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, il n'évoque pas sa nouvelle passion pour les mondes marins. Il fait le choix d'aborder ses séjours en Afrique, plus précisément au Soudan. Les (superbes) photographies prises à l'époque ont relancé la carrière de la cinéaste, avant que ne ressurgissent les polémiques liées à son passé. Veiel évoque l'épisode africain avec quelques idées en tête : montrer que Riefenstahl est toujours aussi fascinée par les corps masculins musclés... et qu'elle fait preuve de ce qu'on pourrait qualifier de "maternalisme autoritaire" avec les Soudanais. Elle n'en fut pas moins une authentique défenseure de leur civilisation.

   Ce n'est qu'après la mort du dernier compagnon de la cinéaste que des documents inédits ont été transmis aux archives publiques. On y a découvert quelques "perles" qui ont justifié le tournage de ce film-ci, sur une personne dont le grand talent a été dévoyé.

samedi, 21 décembre 2024

Hospital

   Ce documentaire de Frederick Wiseman constitue le deuxième volet  de la trilogie Il était une fois l'Amérique. Il y a deux semaines, j'ai déjà vu Law and order. J'espère que je pourrais attraper le dernier volet à l'occasion des fêtes de fin d'année.

   Un an après le premier volet (en 1969 donc), Wiseman se trouve à New York, dans un grand hôpital public. C'est le début de la présidence du républicain Nixon... et l'occasion de faire un état des lieux du système de santé, après les réformes sociales lancées par John Kennedy et son successeur Lyndon Johnson (sa Great Society, parfois éclipsée par l'aura de son prédécesseur).

   Avis aux âmes sensibles : on démarre dans le dur, avec le début d'une opération. Les médecins se préparent avec minutie, avant qu'une femme ne se fasse ouvrir le ventre... On passe ensuite à une séquence poignante. On y découvre une jeune femme noire, qui n'est pas une patiente, mais sa fille. Filmée en gros plan, elle est vraiment touchante. J'ai aussi été littéralement frappé aux tripes par le cas de cet homme âgé, travailleur modeste, souffrant du diabète, dont on découvre la dentition pourrie, lui-même finissant par comprendre qu'il a sans doute un cancer de la prostate.

   Dans ce service d'urgences, les médecins et infirmières sont très majoritairement blancs. (On aperçoit à deux-trois reprises un médecin noir et, furtivement, un interne sans doute sikh.) En revanche, la majorité des patients sont afro-américains... et pauvres. Faute d'argent et d'accès à un médecin traitant, ils utilisent les urgences comme certains patients d'aujourd'hui, en France (mais eux trop souvent par convenance personnelle).

   Comme dans Law and order, j'ai été impressionné par le calme et le professionnalisme des personnes agissant sous l'oeil de la caméra de Wiseman. Même si celui-ci ne s'autorise aucun commentaire ni même aucune  intervention dans le déroulement de l'action, on sent, par son montage, qu'il a voulu rendre hommage aux agents de ce service public.

   Cela ne l'empêche pas d'en pointer certains dysfonctionnements. Ainsi, quand on voit un jeune médecin s'entretenir au téléphone avec l'administration d'un autre hôpital new-yorkais, on comprend que l'une des patientes que l'on vient de nous montrer, arrivée dans un état grave (souffrant d'hémorragie) a été refusée par l'autre établissement. La raison avancée est le manque de place... mais ce n'est pas la première fois qu'elle est invoquée. Comme ladite patiente est afro-américaine, on se demande s'il n'y a pas autre chose derrière cela. (A l'époque, le pays est en pleine déségrégation, avec, ici et là, des réticences à peine masquées...)

   Un autre épisode marquant concerne un patient schizophrène, que le psychiatre de l'hôpital voudrait éviter de faire interner : il est capable de se débrouiller au quotidien, chez sa mère... à condition que quelqu'un l'y ramène. Le psychiatre essaie de convaincre une employée des services sociaux de résoudre ce petit problème. Au bout du fil, la personne semble traîner des pieds... pas emballée à l'idée de changer ses habitudes.

   Enfin, je ne peux pas ne pas parler du cas de cet enfant en bas âge, tombé du balcon de l'appartement de sa grand-mère, celle-ci incapable de s'occuper de lui. Les parents semblent être aux abonnés absents. Un examen médical confirme que le gamin, tombé d'une hauteur de cinq mètres (!), n'a aucune blessure décelable. Mais les infirmières se sont prises d'affection pour le garçon, calme et un peu éberlué. On sent de leur part un véritable élan du cœur. Ne serait-il pas possible de lui faire passer la nuit, en sécurité, dans le service pédiatrie ? Consultée par téléphone, la responsable de cette unité apparaît très procédurière... et pas très appréciée de ses collègues (qui la qualifient de « vieille bique »).

   D'autres enfants, non visibles à l'écran, se trouvent en situation délicate. Âgés de sept, neuf et dix ans, ils ont été laissés seuls au domicile d'un employé de bar, qui semble en très mauvais état mais voudrait quitter l'hôpital, même non soigné, pour retourner chez lui. La mère s'est barrée et lui (comme tant d'autres) ne semble pas avoir les moyens de payer son traitement.

   Certaines séquences sont plus attendues : l'hôpital accueille de jeunes drogués (dont un que je qualifierais de "roi du vomi"), une femme sans doute victime de violences conjugales et un délinquant qui a été "planté" par un concurrent. Tout cela est filmé de manière neutre, parfois frontale.

   Au-delà des souffrances physiques et des accidents de la vie, Frederick Wiseman a réussi à saisir la détresse morale de ces éclopés de la société. Pour certains, le seul réconfort vient de la salle de prière, où se retrouvent patients, proches et membres du personnel. Aide-toi et le ciel t'aidera...

samedi, 14 décembre 2024

Conclave

   A Rome, le Pape meurt soudainement, mais il était malade depuis plusieurs mois. L'élection de son successeur doit être rapidement organisée, sous la supervision du Doyen du Vatican (impeccablement interprété par Ralph Fiennes).

   Deux camps principaux semblent devoir s'affronter : les "libéraux", héritiers d'un souverain pontife progressiste (mais divisés entre plusieurs candidats possibles) et les "conservateurs", nombreux chez les cardinaux italiens, dont une frange envisage de revenir sur le concile de Vatican II. Un candidat africain vient perturber le jeu : sa désignation symboliserait le renouveau, mais il affiche des positions traditionalistes sur le plan des mœurs. D'autres personnages vont entrer dans la danse, jamais -bien sûr- par ambition personnelle, mais pour servir au mieux la Très Sainte Église.

   C'est donc un énorme panier de crabes en soutane qui va se retrouver confiné pendant plusieurs jours, croisant de temps à autre les petites mains du Vatican, si croyantes, si discrètes et si serviables : les religieuses.

   L'intrigue, qui prend la forme d'un polar politico-sociétal, mêle donc plusieurs thématiques : ambition personnelle, corruption, sexisme, homophobie, dialogue inter-religieux, tension entre tradition et modernité ...

   L'histoire est nourrie de rebondissements, mais feutrés. Ici, on ne s'affronte pas à coups de hallebarde sur le crâne, mais par la parole (l'argumentation comme les insinuations), l'influence voire l'intimidation (confraternelle, bien entendu). Parfois, on est proche du billard à trois bandes (au niveau de certaines manipulations).

   C'est passionnant à suivre. Les acteurs sont bons, les dialogues bien écrits et la mise en scène assez inventive. Edward Berger multiplie sans ostentation les angles de prise de vue, toujours justifiés pour mettre en valeur tel détail (une bague, un bulletin de vote) ou telle organisation générale (les cardinaux en promenade durant une pause ou statiques dans la salle de vote). Les plans sont construits avec minutie.

   Le suspens n'est toutefois pas insoutenable. Avant la fin du premier quart d'heure, j'étais quasiment certain de la personne qui allait remporter le scrutin et j'avais misé sur une salle en particulier pour un rebondissement tardif. Mais l'intrigue est suffisamment riche en surprises pour contenter tout le monde... avec un ultime coup de théâtre (inspiré d'une légende médiévale), qui m'a bien fait rigoler, mais qui n'est guère crédible.

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Il était une fois Michel Legrand

   Ce documentaire tente, en un peu moins de deux heures, de rendre compte de la vie artistique du compositeur franco-américain, décédé en 2019. Grosso modo, le plan est chronologique : l'enfance est (brièvement) abordée au début, la vieillesse et la mort à la fin. La première partie du film n'en montre pas moins le musicien âgé, encore excellent pianiste à quatre-vingts ans passés.

   Même si j'ai trouvé l'ensemble un peu long (surtout sur la fin), le film regorge de bons moments, mis en valeur par un montage efficace, qui croise de nombreuses images d'archives avec des entretiens réalisés plus récemment... et, surtout, des extraits des compositions de Legrand. Ce bain musical, à la fois classique et jazz, est réjouissant, d'autant que la plupart des airs sont connus : même sans le savoir, nous avons vécu dans un environnement musical en partie créé par Michel Legrand.

   J'ai bien aimé la séquence qui évoque ses années de formation, notamment auprès de la redoutable Nadia Boulanger. Assez jeune, celui qui pouvait envisager une brillante carrière dans la musique classique s'est tourné vers la chanson populaire (pour laquelle il fut arrangeur), le jazz (qui lui ouvrit des perspectives) et le cinéma  (son second coup de cœur, après la musique). L'homme était éclectique, puisqu'il a travaillé aussi bien pour la Nouvelle Vague que pour les comédies musicales et des films plus commerciaux... pas toujours de grandes réussites selon son propre aveu.

   L'un des intérêts de ce documentaire est de proposer (hélas à de rares reprises) une analyse de l'artiste créateur, grâce notamment à des enregistrements (audio) précieux et quelques extraits de reportages.

   Notons que, si le film est globalement à la gloire du musicien (le chanteur m'intéressant nettement moins), il ne masque pas le caractère exigeant et ombrageux du personnage. Il est à l'image d'autres "Géants", sans doute doués à la naissance, mais qui ont développé ce don grâce à un travail acharné. Le degré d'excellence atteint les rend peu tolérants à l'égard de la médiocrité ou de "l'assez bon".

   Toutefois, le film passe pudiquement sur les raisons qui ont poussé Legrand d'abord à demander la naturalisation américaine, puis à renoncer volontairement à toute allégeance française. Le sous-entendu est que c'était cohérent avec le tour pris par sa deuxième vie, outre-Atlantique (où il est devenu une référence pour de nombreux artistes américains)... mais je me demande s'il n'y a pas aussi des raisons fiscales là-dessous.

   Le plus important reste la musique, dont le documentaire nous propose de beaux extraits (avec un son de qualité). Croisés avec des passages de films plus ou moins restés dans les mémoires, cela donne un divertissement assez emballant, qui retrace indirectement un pan de l'histoire culturelle française.

vendredi, 13 décembre 2024

Génération 1951

   Après avoir nommé le plus vieux Premier ministre de la Cinquième République (et celui qui a duré le moins longtemps : trois mois), Emmanuel Macron surprend à nouveau en désignant François Bayrou, né le 25 mai 1951, soit seulement quatre à cinq mois après Michel Barnier ! Les deux hommes sont en effet de la même année... et ils ne sont pas les seuls.

   Au cas où le président de la République envisagerait de se limiter à ce millésime pour désigner les chefs de gouvernement, voici quelles sont les possibilités qu'il lui reste (pour peu qu'ils/elles survivent jusqu'à une éventuelle démission de François Bayrou).

   En tête de liste figure le philosophe (et ancien ministre de l’Éducation nationale, comme François Bayrou) Luc Ferry, né le 3 janvier (1951). C'est l'aîné de la bande, plus âgé encore que Michel Barnier. Tous les autres sont plus jeunes...

   ... à commencer  par Catherine Trautmann, ancienne ministre de la Culture de Lionel Jospin, née le 15 janvier.

   Lui succède (dans l'ordre chronologique des naissances) Jean-Louis Borloo, né le 7 avril et qui fut plusieurs fois ministre, sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. L'âge excepté, il aurait un bon profil de chef de gouvernement transpartisan.

   Un peu plus jeune est Corinne Lepage, née le 11 mai (pile deux semaines avant François Bayrou !), qui fut ministre dans le gouvernement d'Alain Juppé (sous Jacques Chirac).

   L'été nous fait mettre la barre à gauche avec d'abord Claude Bartolone, ancien ministre de Lionel Jospin (comme C. Trautmann) et ancien président de l'Assemblée nationale, qui fut naguère approché par Emmanuel Macron. Il est né le 29 juillet...

   ... deux semaines avant son camarade Jean-Christophe Cambadélis, qui a vu le jour le 14 août. Longtemps député, il a dirigé le PS peu avant Olivier Faure.

   Ironie de l'histoire, "Camba" est né cinq jours avant l'un de ses futurs camarades trotskystes de l'OCI, un certain Jean-Luc Mélenchon. Bien que figurant dans la liste des candidats virtuels à Matignon, je doute fort que ce dernier y soit un jour nommé...

   Un autre natif du Maroc (de Casablanca, contre Tanger pour Mélenchon) est dans le même cas. En effet, Roger Karoutchi, né le 26 août (1951), encore sénateur, a récemment dû céder la place à plus jeune que lui, à la tête du groupe LR.

   D'autres personnes auraient pu figurer sur cette liste, si elles n'étaient pas décédées prématurément : Olivier Dassault et Marielle de Sarnez, alter ego politique de... François Bayrou.

   J'ajoute que cette année 1951 n'a pas donné naissance qu'à des figures du monde politique. De nombreux artistes connus (décédés ou encore vivants) font partie de cette "génération 1951". Du côté des dames, on trouve : Anjelica Huston, Lynda Carter (la première Wonder Woman), Bonnie Tyler, Marie-Anne Chazel, Rose Laurens, Tonie Marshall... et La Cicciolina !

   Du côté des messieurs, on a Jean-Pierre Bacri, Fabrice Lucchini, Gérard Jugnot, Jacques Villeret, Gilbert Montagné, Jean-Jacques Goldman, Jules-Edouard Moustic, Plantu, Enki Bilal, Sting, Mark Harmon (Gibbs !), Mark Hamill, Michael Keaton, Phil Collins et Robin Williams !

   Quel cru !

mercredi, 11 décembre 2024

En fanfare

   Je me suis décidé à voir ce film sur la foi notamment du bouche-à-oreille, très favorable. Quelque part entre La Vie est un long fleuve tranquille et The Full Monty, Emmanuel Courcol propose une comédie dramatique organisée autour d'une relation fraternelle, dans un univers musical assez varié.

   Au début, deux scènes m'ont fait un peu peur : celle au cours de laquelle l'un des héros annonce sa maladie à sa sœur, et celle où il s'emporte contre celle qu'il hésite désormais à appeler maman. Dans la première scène, c'est la comédienne qui interprète la sœur dont je trouve le jeu approximatif. Dans la seconde scène, l'emportement de Thibaut (Benjamin Lavernhe, pourtant excellent dans le reste du film) m'est apparu un peu factice. Peut-être est-ce un problème de montage. (On a peut-être coupé un morceau de la scène qui aurait rendu l'emportement plus logique.)

   Fort heureusement, la suite est de bien meilleure facture. Pour moi, le film devient passionnant à partir du moment où le frère (Jimmy) apparaît à l'écran. Il est incarné par Pierre Lottin, qui nous prouve une nouvelle fois qu'il a du talent. (Il faudrait toutefois veiller à ne pas le cantonner dans les rôles de "cassos" ou de quasi-délinquant.)

   Les interactions entre les deux comédiens interprétant les frangins sont excellentes, bien complétées par les seconds rôles nordistes. On dit les choses sans fard, parfois de manière très crue... et c'est très bien. C'est à la fois réaliste et drôle.

   L'intrigue évite ensuite un autre piège : le conte de fées. Bien des embûches sont placées sur le chemin de Jimmy et Thibaut. Tout cela est traité avec délicatesse et dans un réjouissant bain musical, qu'il soit classique avec Beethoven, Verdi, Ravel ou populaire avec Aznavour, Sardou ou Johnny.

   Comme beaucoup de spectateurs, j'ai eu les yeux qui piquent à la fin. C'est une belle histoire, pleine d'humanité (un poil caricaturale toutefois sur le devenir industriel de la région).

16:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 08 décembre 2024

Vaiana 2

   Disney pioche dans ses vieux pots pour nous sortir de (prétendues) nouvelles sauces. L'été dernier, cela a marché (au niveau des entrées) avec le décevant Vice Versa 2. Du coup, huit ans pile après les premières aventures de la plus charmante des Polynésiennes, la voilà de retour, avec (presque) les mêmes acolytes et de nouveaux méchants.

   La première partie de l'histoire fait alterner deux intrigues en apparence séparées. D'un côté, le demi-dieu musclé-obèse vit des aventures extraordinaires, où la magie est omniprésente. De l'autre, Vaiana et sa famille sont confrontées à des problèmes plus matériels, dont la solution ne peut venir que de l'organisation d'une nouvelle expédition, en groupe cette fois. L'adolescente constitue une équipe de choc : son amie architecte fantasque, un jeune mec baraqué (bientôt obèse) pas très fut-fut, un vieil agriculteur râleur... sans oublier, bien sûr, le petit cochon et le coq, dont la présence semble destinée à faire rire les plus jeunes des spectateurs, qui risquent de ne pas comprendre grand chose à l'intrigue.

   Visuellement, c'est du beau boulot, avec du mouvement, des couleurs et, parfois, du brio, comme lorsqu'apparaît la baleine mystique. C'est hélas assez rare. (De manière générale, la quasi-absence de la grand-mère nuit à la qualité de l'histoire.) J'ai trouvé l'ensemble un peu tapageur, le mouvement presque perpétuel tentant de masquer le creux des dialogues. Mais, bon, on ne s'ennuie pas...

   ... si l'on supporte les chansons. Je crois qu'elles occupent entre 15 et 20 minutes au total. La majorité sont chantées par Vaiana (Cerise Calixte dans la version française). C'est tout aussi pénible que dans le premier épisode, quelque chose entre le Aller plus haut de Tina Arena et le Libérée, délivrée de La Reine des neiges. (Encore aujourd'hui, on ne mesure pas à quel point cette chanson, écoutée à l'infini, à pleins tubes, par quantité de gamines, a traumatisé des millions d'adultes...)

   Fort heureusement, l'humour est là. Il passe notamment par Anthony Kavanagh, qui double Maui. J'ai aussi aimé certains détails croquignolesques, comme la "vague de cheveux"... et la présence ponctuelle de vomissures et muculences, produites par d'étranges créatures.

   A part cela, le scénario est assez convenu. Sur le fond, un esprit pointilleux pourrait trouver à redire à la représentation des différents peuples du Pacifique (à la fin). Alors que le peuplement de la région s'est effectué à partir de l'Asie du Sud-Est, les illustrateurs semblent avoir voulu insister sur la parenté entre Polynésiens et Afro-américains. Des considérations commerciales et, peut-être, une certaine vision américaine du monde, ont pesé sur l'animation.

21:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Law and order

   Il y a cinq ans était sorti en France Monrovia, Indiana, un passionnant documentaire de Frederick Wiseman, tourné dans l'Amérique profonde, celle qui votait (et qui vote toujours) massivement Trump. Cette fin d'année voit la reprise de trois de ses plus anciens films, celui-ci ainsi que Hospital (datant de 1970) et Juvenile Court (1973). Law and Order a été tourné en 1968 à Kansas City, dans l'extrême-ouest du Missouri.

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   C'était une année électorale, celle qui a vu la victoire de Richard Nixon, dont on nous propose un extrait d'un discours de campagne, à la fin. Dans cette partie, Nixon s'en prend sans le nommer directement à Robert Kennedy, le frère de JFK, en qui il voit son principal adversaire. Comme celui-ci a été assassiné en juin 1968, on en déduit que la scène est antérieure. (Ironie de l'histoire : l'un des fils du très progressiste "Bobby", Robert Francis Kennedy, devrait devenir secrétaire à la santé dans le nouveau gouvernement Trump...)

   Dans son discours électoral, Nixon pointe l'insécurité dont souffriraient les États-Unis. On ne s'étonnera donc pas que l'essentiel du film montre les forces de l'ordre en action. Comme Kansas City est une ville à forte population afro-américaine, on s'attend à ce que les relations entre les policiers, majoritairement blancs, et cette minorité soient l'objet de la plupart des scènes. Wiseman surprend un peu son public en choisissant de commencer par des scènes où les personnes interpellées sont souvent blanches. On nous y montre des policiers à la fois fermes et courtois, face à des personnes qui semblent souvent être des "cas sociaux".

   Les scènes d'intervention (pour lesquelles Wiseman semble avoir obtenu l'autorisation de tout filmer) alternent avec des entretiens avec des policiers. Wiseman a particulièrement suivi un jeune récemment  intégré aux forces de l'ordre. Il montre aussi deux policiers, chacun dans sa voiture, comparant les situations dans différentes brigades. On parle notamment de salaire. Beaucoup sont payés 500-600 dollars par mois (800 étant considéré comme une somme incroyable... à comparer toutefois au coût de la vie, en particulier en Californie, où les policiers semblent mieux payés qu'ailleurs). Ces 600 dollars correspondent à 3 700 francs de l'époque, le SMIG français étant compris entre 500 et 600 francs.

   La majorité des scènes montrent les policiers (blancs, mais aussi, surtout dans la seconde partie, noirs) au contact des populations afro-américaines. Dans les conversations de l'époque, celles-ci sont nommées Negro, un terme qui, aujourd'hui, est banni du discours public (considéré comme offensant, bien que moins que nigger)... mais qui, à l'époque, est d'usage courant (avant qu'il ne soit d'abord remplacé par Black). Les rares fois où l'on entend le mot nigger, c'est dans la bouche d'un délinquant... noir, qui insulte les policiers (blancs !) qui l'arrêtent. Cette séquence est l'une des plus marquantes du film. On y voit deux gars en uniforme, assez costauds, tentant de maîtriser un jeune homme (musclé) qui s'est embrouillé avec d'autres habitants (noirs) du quartier, qu'il menace. On sent que tout le monde essaie de faire bonne figure devant la caméra de Wiseman : les policiers n'exercent pas la plus grande force dont ils sont capables et le délinquant cherche à se présenter sous un jour favorable... quand il se contrôle.

   Auparavant, on a assisté à une scène plus gênante, pleine de sous-entendus : l'interpellation d'une jeune prostituée (noire). L'immeuble où elle "officie" héberge d'autres péripatéticiennes. Il est connu des services de police. L'intervention a été provoquée par la plainte d'un voisin. La jeune femme s'est barricadée, mais n'oppose pas de résistance physique. Au cours de l'interrogatoire qui suit, on comprend qu'elle a peut-être dénoncé auparavant le comportement inapproprié d'un policier (qui risque des sanctions). Il me semble avoir aussi déduit de certains échanges qu'il arrive qu'un policier "s'isole" dans une pièce avec une prostituée... Comme il n'y a aucun commentaire et que cela date de plus de cinquante ans, la scène n'est pas complètement limpide.

   Ailleurs, les policiers sont plus affables, serviables même. Ils prennent en charge un gamin perdu dans la rue, aident une dame âgée aux prises avec un chauffeur de taxi malhonnête et protègent une épouse en fuite d'un mari jaloux (et peut-être violent). Tout ce petit monde est afro-américain. J'ai été marqué par la courtoisie et le calme des policiers, qui ont visiblement été bien formés. A ce sujet, Wiseman a été autorisé à filmer une scène de briefing, au cours de laquelle les officiers rappellent à leurs troupes ce qu'il convient de faire et de dire et ce qu'il faut éviter à tout prix. On sent que la vague de "politiquement correct" ne s'était pas encore enclenchée outre-Atlantique !

   Je pourrais continuer comme cela longtemps, tant ce documentaire (pourtant court : 1h20) est riche. (Une séquence forte implique trois jeunes hommes noirs, dont deux armés, dans un magasin de vêtements. Une autre a pour "vedette" une prostituée âgée, au commissariat...)

   Je le recommande vivement.

samedi, 07 décembre 2024

La plus précieuse des marchandises

   Deux ans et demi après le foutraque Coupez !, Michel Hazanavicius revient sur les écrans avec un genre totalement différent de film. Il s'agit de l'adaptation d'une sorte de conte, écrit par Jean-Claude Grumberg, dont l'action a pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale.

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   Mais, quand on n'a rien lu sur le sujet auparavant et qu'on s'est contenté de la bande-annonce, le début paraît mystérieux. Un couple de bûcherons vit chichement dans une forêt isolée, il y a des dizaines d'années, semble-t-il. La région est traversée par une unique voie ferrée, sur laquelle circulent des trains à vapeur, dans un sens comme dans l'autre.

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   Les couleurs et la texture de l'animation contribuent à accentuer l'ambiance à la fois de menace et d'étrangeté. Hazanavicius a choisi de ne pas tout dire dès le début, laissant la possibilité aux spectateurs qui ne connaîtraient pas cette histoire de la découvrir de manière cinématographique, par petites touches suggestives.

   Le peuple de bûcherons laborieux qui parcourt cette gigantesque forêt doit respecter les consignes des militaires présents dans les environs. Tous (ou presque) partagent la haine des « sans cœur » le surnom donné à la peuplade de « tueurs du Christ » qu'il ne faut surtout pas aider.

   C'est pourtant ce que va faire l'épouse du bûcheron, qui se désole de n'avoir pas d'enfant (ou d'avoir perdu le seul dont elle ait accouché). Un jour, de l'un des wagons de marchandises tractés par la locomotive fumante tombe un étrange petit paquet, enveloppé dans un châle blanc et bleu. La femme décide de s'occuper du petit être, à la fureur de son mari.

   La suite est à la fois une histoire de sentiments forts, d'amour, d'entraide, mais aussi de mort et de haine, parce que l'époque était terrible, et pas uniquement pour les familles qu'on envoyait dans ces camps installés en Europe de l'Est. J'ai apprécié que, tout en recourant à la douceur du conte, Hazanavicius ne cherche pas à dissimuler l'horreur de l'époque.

   L'intrigue familiale est ensuite complétée par une sorte de périple. Le film rebondit habilement, alors que l'histoire reste belle et terrible. Je suis resté scotché à mon siège du début à la fin, tout comme les autres spectateurs de la séance, adultes comme enfants. C'est peut-être aussi dû au talent des interprètes : Jean-Louis Trintignant avait prêté sa voix au conteur, tandis que les bûcherons sont interprétés par Dominique Blanc et Grégory Gadebois.

   Cette fin d'année 2024 aura décidément été riche en films d'animation de qualité, celui-ci formant avec Flow et Le Robot sauvage un remarquable triplé.

lundi, 02 décembre 2024

Les blaireaux du Palais Bourbon

   Alors que la dette publique française a dépassé les 3 200 milliards d'euros (soit 112 % du PIB), alors que le gouvernement français emprunte désormais à un taux plus élevé que celui de la Grèce, qui fut il n'y a pas si longtemps en quasi-faillite, alors que plus de 10 % des dépenses publiques (soit 52 milliards d'euros) sont utilisés (en 2024) au remboursement de la dette, au sein de l'Assemblée nationale semble en train de se former une incroyable coalition (celle qui risque de voter la censure du gouvernement Barnier) : l'alliance des extrêmes et de leurs affidés (LFI dominant la gauche et le RN la droite), pour refuser à la fois de diminuer les dépenses et d'augmenter les impôts.

   L'intérêt national et celui des générations futures est jeté aux orties par une majorité d'ambitieux et/ou d'imbéciles. Dans le meilleur des cas, conscients de l'état des comptes du pays, ils repoussent à leur (éventuelle) arrivée au pouvoir les réformes difficiles, choisissant de torpiller un septuagénaire sans ambition personnelle... mais qu'ils voient (peut-être) comme un rival plus jeune que Donald Trump, capable de la leur jouer comme Edouard Balladur jadis avec Jacques Chirac (ce dernier ayant quand même fini par être élu président, en 1995). Eh, oui, il n'est question que d'ambition personnelle...

   Dans le pire des cas, ce sont des incultes en économie, imaginant qu'à l'instar de ce qui s'est passé pendant la période Covid, ils pourront user de "l'argent magique", à volonté. C'est faire une double erreur. La première est que le contexte n'est plus le même. Dans la majorité des pays, l'économie s'est remise en marche... et la dette s'est réduite.

   La seconde erreur est de croire que l'appel aux créanciers est sans risque, sans contrepartie et sans limite. Or, plus de 50 % de notre dette publique est détenue par des "non-résidents", des banques et des investisseurs étrangers, qui pourraient très bien choisir, soit de prêter désormais à un taux de plus en plus élevé (ce qui semble être la tendance la plus récente), soit de se détourner de la France pour investir dans des pays réputés plus sûrs ou plus sérieux en matière de gestion.

   L'inconscience de certains de nos élus est bien croquée par l'un de mes caricaturistes préférés, Xavier Gorce, passé il y a quelques années du Monde au Point, et qui tient un blog sur lequel, du lundi au vendredi, un dessin est publié chaque jour. Voici celui daté de ce lundi :

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   Ici, il fait allusion au forcing des maires (par l'intermédiaire notamment des sénateurs), souvent aussi présidents d'intercommunalité, pour conserver le maximum de leur dotation d’État. Il faut dire que, comme l'a détaillé une étude parue en avril dernier, entre 1997 et 2022, l'emploi public a considérablement augmenté dans la FPT, contrairement à ce qui s'est passé dans la fonction publique d’État :

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   On me répondra que les transferts de responsabilités effectués par les gouvernements successifs de l’État vers les collectivités territoriales peuvent expliquer cette évolution... en partie.

   En observant attentivement le graphique ci-dessus, vous remarquerez qu'un regain de hausse s'est produit à partie de 2016. C'est à cette époque qu'est entrée en application la loi Notre, censée simplifier (un peu) le millefeuille territorial français (et mieux répartir les compétences entre les diverses collectivités territoriales). Concrètement, le nombre de régions a diminué (grâce à des regroupements) et toutes les communes ont été obligées de rejoindre une intercommunalité (communauté de communes, d'agglomération ou métropole), celle-ci de taille désormais plus importante (et donc issue de la fusions de plusieurs ex-intercommunalités). Logiquement, la suppression des doublons et les économies d'échelle auraient dû aboutir à une diminution de l'emploi public dans les collectivités... Pour cela, il aurait fallu que certains élus locaux renoncent à une certaine forme de clientélisme...

   Sur la caricature de Xavier Gorce, vous noterez le souci du détail, puisque l'indégivrable qui incarne le maire porte bien son écharpe conformément à la loi : de l'épaule droite au côté gauche, le bleu proche du cou.

   P.S.

   En guise de dessert, je vous propose le dessin de vendredi dernier, tout aussi sarcastique :

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dimanche, 01 décembre 2024

Flow

   J'ai enfin vu ce film réalisé en images de synthèse, dont le héros est un chat, errant dans un monde post-apocalyptique, où les humains ont disparu, et où ne subsistent que des animaux, sauvages comme domestiques.

   La catastrophe (peut-être d'origine climatique) ne doit pas être très ancienne, puisque la tanière de Flow est sans doute l'ancienne demeure de son maître, abandonnée... et parsemée de productions artistiques faisant référence aux félins. C'est ma fois assez original.

   La montée des eaux se poursuivant, Flow et d'autres animaux rencontrés en cours de chemin partent en quête d'un nouveau refuge. Le matou doit notamment s'accommoder de la présence de chiens, l'un d'entre eux, un labrador un peu stupide (mais gentil), étant particulièrement réussi.

   Concernant l'animation, je peux dire que c'est superbe sans être totalement réaliste. Le réalisateur, Gints Zilbalodis, assume le côté factice de ses personnages, même si, par leurs mouvements et leurs cris, il a essayé de les rendre les plus vraisemblables possibles. Ainsi, le plus souvent, Flow se déplace et se comporte comme un vrai chat, même si ses yeux ne ressemblent pas beaucoup à ceux de nos compagnons à quatre pattes.

   Une grande partie de l'intrigue se déroule sur un bateau, sorte de nouvelle Arche de Noé. Flow y côtoie notamment un chien, un lémurien, un gros rongeur (un capybara paraît-il) et un oiseau échassier, qui a rompu avec sa tribu d'origine.

   Vous l'aurez compris : les animaux sont des substituts d'humains, chacun étant doté d'un trait de caractère dominant. Le film véhicule un message d'entraide. Ceux qui, dans une vie "normale" se seraient soit entredévorés, soit battus pour l'accès à la subsistance, doivent collaborer pour survivre.

   C'est habilement mis en scène, parce que le film... ne comporte aucun dialogue. Le son y occupe donc une place très importante, entre les bruits d'ambiance et les différents cris des animaux. C'est l'une des grandes réussites du film, avec la beauté des images. Tout ce qui touche à l'eau est splendide et, globalement, on éprouve un plaisir contemplatif (qui pallie largement l'absence de dialogue). Dans la salle où je l'ai vu, les enfants n'ont pas moufté, captivés par l'histoire.

14:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 24 novembre 2024

Vera, force 13 !

   Presque un an jour pour jour après le début de la diffusion de la saison 12, la suivante est lancée ce dimanche soir sur France 3. En plus de nous permettre de retrouver l'inspectrice-cheffe Vera Stanhope et les paysages du Northumberland, cette programmation a le grand avantage de nous débarrasser des aventures insipides de policiers danois.

   La soirée commence donc par un épisode inédit, Délit de fuite, dont l'intrigue se déroule entre Newcastle et la petite ville fictive de Bentham, associée à un pont sur lequel est retrouvé le cadavre d'un jeune homme :

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   D'après un site créé par des cinéphiles installés au Royaume-Uni, il s'agit du pont de Wylan, autrefois traversé par une voie ferrée et aujourd'hui réservé aux piétons. Ce bourg se trouve à quelques kilomètres à l'ouest de Newcastle :

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   L'intrigue de cet épisode est particulièrement tortueuse, un poil sordide même. Le marché local est le lieu où se croisent tous les protagonistes, commerçants ou simples maraîchers. Chacun a ses petits secrets, qu'ils soient récents ou remontent à un passé lointain. Patiemment, Vera et son équipe vont démêler les fils de l'intrigue... en bénéficiant d'une aide inattendue, celle de l'ancien sergent Joe Ashworth, désormais lieutenant, et revenu au pays pour des raisons qu'on met du temps à nous dévoiler.

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   Dans cet épisode (et, semble-t-il, les suivants), il prend la place de... son remplaçant, le sergent Aiden Healy, parti pour l'Australie.

   Ce retour aux sources est aussi annonciateur d'une fin prochaine. A la saison 13 succèdera l'ultime saison (n°14). Brenda Blethyn n'est plus toute jeune. Pensez donc : elle a 78 ans, l'âge de Donald Trump !

   P.S.

   En deuxième et troisième parties de soirée, France 3 rediffuse deux très bons épisodes de la saison 11, Le Témoin idéal et La Voie de la guérison.

samedi, 23 novembre 2024

Gladiatornado

   Le fantôme de Russell Crowe / Maximus plane au-dessus de cette  (lointaine) suite tournée par Ridley Scott. L'acteur comme le personnage sont physiquement absents du film (pour une raison que celles et ceux qui ont vu Gladiator I connaissent), mais ils sont omniprésents dans l'ambiance et l'intrigue.

   On ne met pas longtemps à comprendre qu'Hanno le Nord-Africain, taiseux comme Maximus, doué pour le combat comme Maximus, blessé au bras comme Maximus, ayant perdu sa femme comme Maximus, n'est pas que le remplaçant du héros du premier opus : il est aussi son fils biologique, celui qui a échappé aux griffes de l'empereur Commode (qui ne l'était guère, comme me le souffle un collègue de travail espiègle).

   Le problème est que Paul Mescal, chargé de succéder à R. Crowe, n'a guère de charisme et peine à exprimer la moindre émotion authentique. Les heures passées sur le banc de muscu ne suffisent pas. C'est, pour moi, clairement une erreur de casting.

   Il se fait d'ailleurs voler la vedette par Denzel Washington, dans un rôle qui ne ressemble guère à ceux qu'on l'a vu récemment incarner... et ça fait du bien. L'un des rares intérêts de l'histoire est la narration de l'ascension de cet habile magouilleur, dont on ne sait jamais trop ce qu'il a réellement en tête. Par son action et son ambition, le personnage n'est pas si éloigné de ce que fut le véritable Macrinus, alors que la vie et le comportement des autres personnages historiques de l'intrigue sont la plupart du temps farfelus.

   Dans le premier Gladiator, Scott et ses scénaristes avait déjà tordu la vérité historique, pour en faire un levier de tension dramatique. Ainsi, Claudius Pompeianus, qui a sans doute inspiré le personnage de Maximus, était bien un glorieux général romain et il a bien eu un enfant avec Lucilla, fille de Marc-Aurèle... qu'il avait épousée. Il ne fut pas gladiateur.

   Dans cette suite abracadabrantesque, Lucilla est toujours en vie vers 200, alors que son frère Commode l'a fait assassiner des années auparavant. On n'est pas plus proche de la vérité historique avec les deux co-empereurs, deux frères, Geta et Caracalla. La première erreur est de présenter le premier aîné du second (alors que c'était l'inverse). La deuxième est de les montrer gouverner en accord, alors que ce ne fut pas le cas.

   Et puis il y a cette tendance sous-jacente, à systématiquement présenter les personnages homosexuels ou bisexuels comme des dépravés sans foi ni loi, ennemis du genre humain. Cela contraste vivement avec le camp du Bien, incarné par d'incontestables hétéros, mus par de beaux sentiments. (Je suis étonné que les professionnels de l'indignation sélective, si prompts à dénigrer le moindre supposé travers des hommes blancs, ne se soient pas insurgés contre la vision véhiculée par ce film.) Soit les auteurs (scénariste et réalisateur) sont pétris de préjugés, soit ils ont été trop dépendants de sources douteuses, qui caricaturent cette période de l'Empire romain.

   Ceci dit, même si le scénario et la caractérisation des personnages ne sont pas terribles, les scènes d'action, les décors et les effets spéciaux sont réussis. On comprend où sont passés les 250 (300 ?) millions de dollars de la production.

   J'ai aimé tout ce qui se passe au niveau du Colisée et des autres enceintes de combat, à la surface comme en sous-sol. Là, il y a du souffle, du rythme... même si, une fois de plus, les invraisemblances gâchent certaines scènes. Ainsi, l'introduction d'un rhinocéros, spectaculaire, n'est pas réaliste. C'est encore pire lors de la séquence de la naumachie. Il y en a bien eu quelques unes organisées au Colisée, mais pas avec des requins (qui auraient été bien en peine de nager dans une aussi faible profondeur d'eau). Les squales sont, comme les singes visibles au début de l'histoire, des créatures numériques, dont les évolution comme le comportement n'ont pas grand chose de naturel.

   Je ne voudrais pas avoir l'air de m'acharner, mais je dois signaler une autre énormité, entendue lors de l'introduction de la naumachie. Le présentateur affirme qu'elle commémore la bataille de Salamine (en 480 avant JC), qui aurait vu s'affronter Troyens et Perses. Or, ce sont les Grecs, notamment athéniens, qui ont vaincu les Perses à cette occasion ! Qu'une telle boulette ait pu passer le filtre des vérifications/relectures est la preuve d'une grande négligence.

   Bref, c'est techniquement réussi, mais, globalement, c'est du foutage de gueule.

14:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 20 novembre 2024

Le Choix

   C'est l'histoire d'un homme, un soir, pendant (environ) une heure, dans une voiture, dotée d'un téléphone, avec une destination précise (qu'on ne connaît pas au départ). Ce dispositif simple (simpliste diront certains) réunit (presque), de manière moderne, unité de temps, de lieu et d'action. Mais ce n'est pas une tragédie classique...

   ... et c'est la transposition en France, dans l'agglomération parisienne, de l'intrigue d'un film britannique, Locke (sorti en 2014), se déroulant principalement dans le Grand Londres. Parfois, la version française est un copié-collé, parfois un décalque intelligent : une entreprise allemande remplace une américaine, et Berlin, Chicago ; une Renault remplace une BMW, des ouvriers roumains des Hongrois...

   A quelques (rares) reprises, la version hexagonale s'écarte légèrement du modèle anglais. Ainsi, on nous a épargné le rhume qui frappe le héros de la version britannique. Surtout, dans la VF, l'écart d'âge qui sépare deux des protagonistes n'est pas du tout le même, pour la simple raison que, dans le film d'origine, le conducteur est incarné par Tom Hardy (à une époque où celui-ci faisait d'autres choix artistiques... et gagnait beaucoup moins d'argent), alors que l'adaptation française est portée par l'interprétation de Vincent Lindon (Joseph Cross).

   Si l'on met de côté quelques silhouettes entraperçues au tout début, c'est le seul acteur que l'on voit à l'écran. Il interagit avec les autres protagonistes uniquement par la voix. D'ailleurs, ce fut un plaisir d'entendre celles d'Emmanuelle Devos (l'épouse du héros) et de Grégory Gadebois (le supérieur hiérarchique de Joseph). En revanche, je trouve que Pascale Arbillot en fait trop dans le rôle de Béatrice.

   Au final, l'exercice de style tient la route, dans un bel emballage (les vues nocturnes d'une autoroute puis de la périphérie de Paris). Mais cela ne va pas plus loin.

23:54 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films