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samedi, 28 décembre 2024

Saint-Ex

   J'ai fini par aller voir cet hommage à Antoine de Saint-Exupéry, réalisé par Pablo Agüero, auquel on doit, entre autres, Eva ne dort pas et Les Sorcières d'Akelarre. J'ai retrouvé dans ce film-ci les qualités techniques des précédents : un certain souffle dans la mise en scène et une photographie parfois bluffante, en particulier lorsqu'on nous propose des vues de la Cordillère des Andes.

   Hélas, très vite, j'ai constaté des invraisemblances dans le déroulement des scènes. Ainsi, Guillaumet (Vincent Cassel, très bien) le mentor de Saint-Ex (Louis Garrel, tout droit sorti d'une publicité pour une marque de luxe), parvient à se poser sur une île minuscule... et à redécoller, en surcharge, avec deux hommes et... un phoque à bord !

   Un autre problème se pose au niveau des gros plans tournés lorsque les pilotes sont en altitude. En général, ils se trouvent (au minimum) à 3-4000 mètres et volent à plusieurs centaines de kilomètres/heure. Leur casque de cuir devrait donc être solidement fixé à leur visage et celui-ci soigneusement recouvert... mais l'on aurait alors du mal à reconnaître les personnages. On a donc décidé de les "démasquer".

   Je trouve aussi extrêmement caricaturale la caractérisation du duo d'aviateurs. Saint-Exupéry, alors âgé de trente ans, est présenté comme un adolescent attardé, irréfléchi et imprudent. Ne parlons pas non plus du soin avec lequel il traite son carnet de notes, dont des feuilles volantes s'échappent sans qu'il prenne la peine de les ramasser. Les spectateurs attentifs pourraient aussi s'amuser à relever quelques faux-raccords, notamment au niveau du port des gants.

   Je ne vais pas (trop) m'acharner, parce que j'ai quand même pris du plaisir à voir ces vues aériennes, de jour comme de nuit, à suivre le condor, à observer les reflets dans la glace. C'est quand même un bel ouvrage, rabaissé par ses incohérences.

   Les lecteurs de Saint-Exupéry peuvent aussi s'amuser à chercher les références à ses œuvres (presque toutes rééditées en collection de poche, chez Folio Gallimard). Le scénario s'appuie principalement sur Terre des hommes (qui relate, entre autres, le périple de Guillaumet), mais on y trouve aussi de la substance prélevée à Vol de nuit... et, bien entendu, quelques allusions au Petit Prince.

   Conclusion : lisez Saint-Exupéry.

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   P.S.

   L'histoire de l'épave du dernier avion piloté par Saint-Ex est elle-même très romanesque.

jeudi, 26 décembre 2024

Planète B

   Ce film militant est une dystopie, qui imagine, en 2039, une France (et une Europe) dictatoriale, ultra-policière, anti-immigrés... et sale (se limitant à ce qui ressemble à certains quartiers de Paris ou Marseille). Ce contrôle quasi total s'exerce à l'aide des technologies de pointe : identification oculaire, reconnaissance faciale, QR code, sandwich jambon-beurre, réalité virtuelle, drones de surveillance...

   Ça, c'est la planète A, où de gentils black blocks organisent de sympathiques attentats contre les méchantes télécommunications et leur vilains cerbères policiers. Au cours d'une "opération", l'héroïne Julia (Adèle Exarchopoulos, très bien) est faite prisonnière et se retrouve sur ce qui est appelé la "planète B". Autant la première est marquée par le plastique et le métal (un choix sans doute destiné à camper une atmosphère futuriste), autant la seconde, baignant dans une ambiance méditerranéenne (ou tropicale), est constituée de bois. Cette dissonance matérielle, alliée à des jeux de lumière et à un bon travail sur les décors, suffit à nous plonger dans l'étrangeté... une étrangeté de surcroît rapidement menaçante.

   Dans des conditions que je m'interdis de révéler, Julia va entrer en contact avec l'autre héroïne de l'histoire, Nour, femme de ménage dans une étrange base secrète... et surtout ancienne journaliste, qui a fui le Moyen-Orient. Souheila Yacoub campe efficacement ce personnage qui réussit à passer sous les radars... et pourrait avoir un rôle déterminant.

   Sur le fond, l'intrigue s'inspire des idées qui circulent au sein de la gauche radicale, ce qui n'empêche pas la réalisatrice, de temps à autre, de faire preuve de nuance. Je pense notamment à tout ce qui touche à l'un des CRS (et à sa famille) et aux tensions qui émergent entre les rebelles emprisonnés, les convictions de chacun ayant leurs limites...

   Aude Léa Rapin réussit à boucler son histoire en deux heures. L'un des ingrédients de la fin m'a toutefois paru invraisemblable (le choix opéré par l'une des protagonistes), mais je pense qu'il s'explique par un sous-entendu : alors que l'intrigue met en scène la naissance d'un lien de sororité (de plus en plus fort), du point de vue de l'une des deux femmes, il semble que cela devienne sentimental (mais, comme c'est très allusif, cela passe au-dessus de la tête d'une partie du public).

15:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 25 décembre 2024

Jamais sans mon psy

   A ma grande surprise, la salle était assez copieusement garnie pour cette comédie populaire descendue par la critique. Le public adolescent était peut-être là pour Baptiste Lecaplain et Rayane Bensetti, les personnes âgées pour Christian Clavier, alias Olivier Béranger.

   Clairement, celui-ci porte le film. Il y enfile à nouveau le costume de grand bourgeois condescendant, déjà vu dans la série des Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu et, plus récemment, dans Cocorico. J'ai trouvé qu'il n'en faisait pas des caisses. Au passage, son personnage (et celui de ses meilleurs amis) permet d'égratigner une partie de la profession médicale : le psy prend tout de même 180 euros de l'heure !

   Dans le rôle de Damien, le patient puis le (peut-être) futur gentil gendre, Lecaplain fait le job en jeune homme déconstruit. Sa relation avec Béranger fait un peu penser à Mon beau-père et moi.

   Le début est marrant, avec les problèmes psychologiques de Damien puis sa rencontre avec le meilleur ami (sourd) de sa dulcinée. Un quiproquo va naître autour de la langue des signes et de l'activité de Damien, en prison, où il a fait travailler les détenus sur du George Michael ! (Les succès de celui-ci, en solo ou avec le groupe Wham!, constituent la bande sonore du film.)

   C'est moins bien ensuite, dans la villa. J'ai certes été amusé par les procédés utilisés par le psy pour éloigner ce nouveau prétendant de sa fille unique chérie (tous les pères me comprendront), mais cela manque de tonus.

   Pour relancer le rythme, le scénario fait intervenir les meilleurs amis d'Olivier, puis l'ex de la fille, interprété par Bensetti. Celui-ci est pleinement investi dans son rôle (assez antipathique) et la production lui a même réservé un petit moment de gloire, mais son interprétation d'une chanson en play-back est tellement visible que cela en est gênant.

   Plus marrantes sont les interventions de Thomas VDB, une sorte de guérisseur montagnard, fan de fromages et d'alcool artisanal.

   Bon, voilà, cela ne va pas plus loin. On sait d'où l'on part et où l'on va sans doute nous mener. Mais cette comédie modeste, parfois un peu bas-de-gamme, m'a détendu (et elle ne dure qu'1h30).

10:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 24 décembre 2024

Kraven the Hunter

   Ambiance masculiniste (grosses voix, gros muscles, gros guns...) pour ce film de super-héros, issu de la galaxie Marvel, mais adapté par la Columbia, pas par Disney (ce qui a son importance). Ici, pas (trop) de "politiquement correct", mais de l'action et des sentiments forts.

   La première séquence nous montre le héros dans ses œuvres, en prison, en Russie. Il n'est pas tout à fait ce qu'il prétend être... mais je n'en dirai pas plus. Au niveau de l'ambiance, on pense un peu à Black Widow.

   La suite est un long retour en arrière, pour comprendre d'où vient Kraven le chasseur, Sergeï Kravinov de son vrai nom. Son papounet est un chef mafieux sans foi ni loi, interprété par Russell Crowe. Sergeï a un frère, Dimitri, plus "artiste" que lui. Popov Crowe les élève à la dure, les éloignant de leur mère (qu'il a peut-être fait zigouiller), voulant en faire de véritables prédateurs, au sens propre comme au figuré. Il ne pouvait pas prévoir que la séance de chasse programmée en Tanzanie allait changer l'un de ses fils à jamais.

   Cette séquence africaine est l'occasion de découvrir le principal personnage féminin de l'histoire, Calypso. Ravissante, courageuse et humaniste, elle est incarnée par la délicieuse Ariana DeBose, repérée notamment dans le West Side Story de Spielberg  et le récent Argylle.

   Des années plus tard, on retrouve l'adolescent mourant devenu un redoutable tueur. Comme il s'en prend à ces enflures de braconniers, aux connards de trafiquants et aux salopards de tueurs de la mafia, on ne peut que saluer son action de salubrité publique, même si elle s'éloigne quelque peu (par les méthodes) de celle d'une jeune et brillante avocate... qui ressemble bigrement à la jeune femme qui a jadis sauvé Sergeï.

   Sur la forme, c'est une grande réussite. Dans certains plans subjectifs, on a réussi à intégrer la nouvelle vision des choses que possède le héros, grâce aux transformations qui se sont opérées en lui. Rapide, précis et impitoyable, il est comme une nouvelle version de Wolverine. C'est dire... et ce n'est donc pas destiné au jeune public, tant c'est violent.

   Sur le chemin de Kraven vont se dresser deux redoutables adversaires, eux aussi dotés de super-pouvoirs. La manière dont il réussit à les vaincre, aidé par Calypso, est ma foi assez brillamment mise en scène. JC Chandor (repéré jadis avec Margin Call) ne s'embarrasse pas de subtilités et son principal interprète (Aaron Taylor-Johnson, vu récemment dans Bullet Train), musculeux à souhait, s'est parfaitement coulé dans le rôle.

   J'ai passé un excellent moment, tout comme les dames qui m'accompagnaient, l’œil luisant devant la plastique d'Aaron. (Riri, va falloir que tu te remettes sérieusement au sport !)

21:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Harriette Potter à l'école des Barbie

   J'ai failli commencer ce billet en écrivant que Wicked est le nouveau film de Noël de chez Disney. On y trouve du merveilleux (notamment des magiciennes), des paillettes, du rose, des animaux qui parlent (une ourse, un bouc...), une romance... et des chansons... à ceci près que ce film n'est pas une production Disney, mais Universal. Il n'en respecte pas moins les codes du genre, y compris au niveau de la "modernisation" des personnages : la foule d'étudiant(e)s comprend des Blancs, des Noirs, des Asiatiques, des gros, des sveltes et des maigres, des bien et mal coiffés, des hétéros et des homos.

   C'est plutôt épatant au niveau des décors, des costumes et des effets spéciaux. Je dois aussi reconnaître que les chorégraphies sont très réussies, quand bien même elles illustrent des chansons horripilantes (entendues en version originale).

   Outre ces chansons, plusieurs choses m'ont agacé, à commencer par deux des personnages principaux. La fée Galinda (incarnée par Ariana Grande, qui semble faite pour le rôle), est une insupportable pétasse, une caricature de blonde superficielle, qui ne pense qu'à devenir encore plus populaire. (C'est là que je me suis dit que l'absence de téléphone portable nuisait au caractère narcissique de nombreux personnages.) Le pire est qu'elle fait l'objet d'une admiration quasi unanime. Les autres étudiants (des moutons bouffés par le système) semblent encore plus crétins qu'elle...

   ... à l'exception notable d'Elpheba, l'un des rares personnages un peu consistants de cette histoire. Elle est interprétée par Cynthia Erivo, qui fait très bien le job (tout comme la gamine chargée de l'incarner jeune), mais qui est hélas trop âgée pour le rôle, ce qui, malgré les retouches numériques et les couches de maquillage, se voit assez souvent à l'écran.

   Complète ce duo d'adversaires devenues copines un dernier arrivant, le beau gosse de la fac, un prince aussi creux qu'un coquillage moisi, qui chante son désir de ne rien foutre dans la vie, à part claquer le pognon de ses parents faire la fête. Ce programme hautement démagogique recueille un franc succès, jusque dans la bibliothèque de l'école de magie. Voilà donc les modèles que l'on propose à notre jeunesse...

   On me rétorquera que Galinda comme le prince connaissent un début d'évolution, celui-ci se mettant curieusement à réfléchir, ce qui suscite la stupeur chez ses proches. (C'est l'un des rares gags du film). Galinda elle se veut plus gentille... à condition que cela la rende plus populaire.

   Dans cette meringue fric et toc s'insinue toutefois un fil narratif à contre-courant de ce "meilleur des mondes". Un mouvement anti-animaux qui parlent grandit et ceux-ci petit à petit disparaissent. Seule Elpheba semble s'en soucier, jusqu'au moment où l'apprentie magicienne rencontre le maître du monde merveilleux : le Magicien d'Oz. Sans en dire trop, je peux dire que Jeff Goldblum, tout comme Michelle Yeaoh, apportent un peu de finesse dans un jeu des acteurs globalement caricatural. (Mais je pense que les personnages ont été écrits comme ça.)

   Du coup, dans sa troisième partie, le film prend un tour plus intéressant et invite au final ses spectateurs à se méfier des apparences. Mais, avant cela, il faut se fader les deux heures du début... le tout (2h40) constituant la première partie d'un diptyque, la seconde devant sortir l'an prochain sur nos écrans.

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lundi, 23 décembre 2024

La Guerre des Rohirrim

- Alors, Henri, ça donne quoi cette préquelle du Seigneur des anneaux façon animation japonaise ?

- Sur le fond ou sur la forme ?

- Ça fait une différence ?

- Ben, oui.

- Bon, ben d'abord la forme, alors. Ça a tout de même été réalisé par Kamiyama, qui a travaillé sur des dérivés de Ghost in the shell !

- J'ai été déçu par l'animation. Les décors sont moches, les mouvements des animaux (notamment rapaces et chevaux) manquent de réalisme. C'est plus réussi au niveau des humains, mais leur apparence a (pour moi) un côté vintage : j'ai parfois eu l'impression d'être replongé trente à quarante ans en arrière, dans un vieux manga. Ce n'est pas déplaisant, mais l'animation a fait d'énormes progrès depuis !

- Tu as trouvé cela cheap ?

- Pas exactement. Plutôt maladroit, ou caricatural. Certes, on n'a mis "que" trente millions de dollars pour produire ce film (soit cinq fois moins que pour Vaiana 2 et presque sept fois moins que pour Mufasa), mais les Japonais nous ont déjà prouvé par le passé (et récemment avec Godzilla Minus One) qu'ils pouvaient réaliser des prodiges avec des moyens contraints.

- En gros, tu t'es fait chier !

- Eh ben, non, en fait. Le scénario est assez élaboré, même s'il débute de manière archiclassique, avec une histoire de rivalité entre familles nobles, et mariage à la clé. Le déroulé global est lui-même très prévisible, puisqu'on passe de la phase "puissance et gloire" (dans l'eau trouble d'un regaaaaaard) à la chute (en deux temps), puis à la résurrection (en plusieurs étapes). Mais c'est rythmé, avec pas mal d'action et de nombreuses péripéties intermédiaires, des châteaux-forts, des animaux fabuleux, un passage secret, de la magie, de l'héroïsme, des trahisons... un peu d'ailleurs comme dans les films de Peter Jackson.

- On voit bien les liens avec la trilogie d'origine ?

- Plus ou moins. Il est bien question des royaumes de Rohan et du Gondor, de la Terre du milieu, d'Isengard... et un tout petit peu du Mordor. On découvre aussi l'origine du nom du Gouffre de Helm. Du côté des personnages, on retrouve principalement Eowyn. On aperçoit quelques orques (qui collectent des anneaux...) et, très tard dans l'histoire, un mage qui, dans la version originale, a la voix de Christopher Lee (reconstituée par intelligence artificielle ?). A la toute fin, c'est le nom d'un autre magicien qui est mentionné : Gandalf.

- J'ai lu et entendu qu'on avait "modernisé" l'univers, notamment en accordant plus d'importance aux femmes dans l'action. T'en penses quoi ?

- Ben d'abord, dans les films d'origine, les personnages féminins ne sont pas absents, ni même impuissants. Mais il est vrai que la "communauté de l'anneau" est d'abord une bande de mecs. Ici, la princesse Hera est clairement l'héroïne de l'histoire, bien épaulée par Eowyn. Mais les autres protagonistes (en particulier Helm Hammerhand et Wulf, le grand méchant... loup ?) sont des mecs avec de gros muscles et de grosses burnes voix. J'ai aussi apprécié que l'on ne fasse pas de l'héroïne une énième "brindille" d'office capable de foutre une raclée à une bande de soudards hyper-entraînés. On constate une évolution du personnage... qui, de surcroît, n'a pas pour principale ambition de trouver "l'homme de sa vie". Son destin est autre, et il est beau.

- Bon, finalement, t'as aimé !

- Je n'ai pas détesté. L'intrigue est suffisamment feuilletonesque pour retenir l'attention. Si l'on s'habitue à la tessiture de l'image et aux mouvements de certains personnages, on passe plutôt un bon moment. Mais sans plus.

10:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 22 décembre 2024

Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres

   Ce documentaire allemand revient sur le parcours et la personnalité de celle qui fut une réalisatrice d'avant-garde... et un soutien du régime nazi, une image dont elle a ensuite tenté de se défaire.

   Le montage alterne des passages d’œuvres de Riefenstahl (qui constituent souvent, il faut le reconnaître, les plus beaux moments du film) et des extraits d'archives, surtout d'entretiens que la cinéaste a accordés tout au long de sa (longue) seconde vie, à la radio, au téléphone ou à la télévision. Du coup, le résultat n'est que partiellement chronologique, puisqu'il alterne principalement des déclarations des années 1970, 1980, 1990 et des images des années 1920, 1930 et 1940.

   Parmi les œuvres dont des extraits nous sont proposés, il y a La Lumière bleue, la première réalisation de Riefenstahl, qui y est aussi actrice. On y trouve les ingrédients de la future documentariste à succès : l'originalité des prises de vue, la qualité des images, un certain talent pour filmer les corps humains et l'espace qui les entoure. Riefenstahl aimait les corps jeunes et musclés, en particulier ceux des hommes... quelle que soit leur couleur de peau. Celles et ceux qui ont vu Olympia (Les Dieux du stade), consacré aux JO de 1936 (à Berlin), savent qu'elle y a mis en valeur tous les types d'athlètes, hommes comme femmes, blancs comme noirs (même s'ils n'étaient à l'époque pas très nombreux), avec une préférence évidente pour les hommes blancs.

   Par son montage, Andres Veiel s'évertue à placer Riefenstahl devant ses contradictions, voire ses mensonges. Très tôt, elle a été proche de dirigeants nazis, qui l'ont rapidement intégrée au "premier cercle" (les intimes d'Hitler et de Goebbels). Avec Magda Goebbels (l'épouse du chef de la propagande hitlérienne), elle a fait parfois office de "première dame" (avant que ne débarque Eva Braun). Les images d'époque contredisent lourdement les affirmations d'après-guerre de Riefenstahl, qui a prétendu n'avoir fait que son travail et avoir même, souvent, été forcée de collaborer avec le régime. La dame âgée finit toutefois parfois par relâcher sa vigilance et l'on nous la montre, revisionnant des images tournées dans les années 1930, se réjouissant de la qualité du travail technique (ce qui est fondé), négligeant l'aspect propagande du film, pourtant évident.

   Le documentaire de Veiel se fait un peu plus nuancé sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Il évoque en détail ce qui s'est passé à Konskie en 1939. Devenue correspondante de guerre officielle, la cinéaste veut  filmer une scène en Pologne envahie. Mais un groupe de travailleurs forcés (juifs) est présent dans le cadre. Elle demande à ce qu'on les enlève de là. Les soldats allemands ne font pas dans la demi-mesure : ils les exécutent... Le film montre qu'elle en a été choquée (et a demandé ensuite à être retirée du front Est), mais elle a quand même été à l'origine du massacre. Plus tard, elle a utilisé des détenus tziganes pour son nouveau film Tiefland, sans guère se préoccuper de leur sort. C'est là plus révélateur de son tempérament : être cinéaste, quoi qu'il en coûte, le reste important peu.

   Un autre aspect intéressant du documentaire concerne les relations que Riefenstahl a entretenues avec des hommes de pouvoir. Elle est devenue une intime d'Hitler, à tel point que, lorsque les services secrets occidentaux ont eu à gérer son cas, après-guerre, ils l'ont parfois qualifiée de "possible maîtresse" du Führer. (C'est lisible -en allemand- sur l'un des documents écrits montrés dans le film.) Elle fut aussi un temps très proche de Goebbels (comme celui-ci l'a noté dans son journal). Il était réputé coureur de jupons. Il est probable qu'il y ait eu quelque chose entre Leni et lui. Mais j'ai trouvé la cinéaste sincère quand, de manière plus ou moins allusive, au cours d'un entretien ultérieur, elle essaie de dire que Goebbels l'a violée. En revanche, elle est resté attachée toute sa vie à Albert Speer, l'architecte en chef d'Hitler. Il était bel homme, élégant, cultivé, amoureux des arts. On sent qu'il a existé une grande proximité entre eux. Après guerre, à plusieurs reprises, elle lui a demandé conseil (notamment pour la publication de ses mémoires).

   Le documentaire passe plus rapidement sur les travaux de Riefenstahl postérieurs à la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, il n'évoque pas sa nouvelle passion pour les mondes marins. Il fait le choix d'aborder ses séjours en Afrique, plus précisément au Soudan. Les (superbes) photographies prises à l'époque ont relancé la carrière de la cinéaste, avant que ne ressurgissent les polémiques liées à son passé. Veiel évoque l'épisode africain avec quelques idées en tête : montrer que Riefenstahl est toujours aussi fascinée par les corps masculins musclés... et qu'elle fait preuve de ce qu'on pourrait qualifier de "maternalisme autoritaire" avec les Soudanais. Elle n'en fut pas moins une authentique défenseure de leur civilisation.

   Ce n'est qu'après la mort du dernier compagnon de la cinéaste que des documents inédits ont été transmis aux archives publiques. On y a découvert quelques "perles" qui ont justifié le tournage de ce film-ci, sur une personne dont le grand talent a été dévoyé.

samedi, 21 décembre 2024

Hospital

   Ce documentaire de Frederick Wiseman constitue le deuxième volet  de la trilogie Il était une fois l'Amérique. Il y a deux semaines, j'ai déjà vu Law and order. J'espère que je pourrais attraper le dernier volet à l'occasion des fêtes de fin d'année.

   Un an après le premier volet (en 1969 donc), Wiseman se trouve à New York, dans un grand hôpital public. C'est le début de la présidence du républicain Nixon... et l'occasion de faire un état des lieux du système de santé, après les réformes sociales lancées par John Kennedy et son successeur Lyndon Johnson (sa Great Society, parfois éclipsée par l'aura de son prédécesseur).

   Avis aux âmes sensibles : on démarre dans le dur, avec le début d'une opération. Les médecins se préparent avec minutie, avant qu'une femme ne se fasse ouvrir le ventre... On passe ensuite à une séquence poignante. On y découvre une jeune femme noire, qui n'est pas une patiente, mais sa fille. Filmée en gros plan, elle est vraiment touchante. J'ai aussi été littéralement frappé aux tripes par le cas de cet homme âgé, travailleur modeste, souffrant du diabète, dont on découvre la dentition pourrie, lui-même finissant par comprendre qu'il a sans doute un cancer de la prostate.

   Dans ce service d'urgences, les médecins et infirmières sont très majoritairement blancs. (On aperçoit à deux-trois reprises un médecin noir et, furtivement, un interne sans doute sikh.) En revanche, la majorité des patients sont afro-américains... et pauvres. Faute d'argent et d'accès à un médecin traitant, ils utilisent les urgences comme certains patients d'aujourd'hui, en France (mais eux trop souvent par convenance personnelle).

   Comme dans Law and order, j'ai été impressionné par le calme et le professionnalisme des personnes agissant sous l'oeil de la caméra de Wiseman. Même si celui-ci ne s'autorise aucun commentaire ni même aucune  intervention dans le déroulement de l'action, on sent, par son montage, qu'il a voulu rendre hommage aux agents de ce service public.

   Cela ne l'empêche pas d'en pointer certains dysfonctionnements. Ainsi, quand on voit un jeune médecin s'entretenir au téléphone avec l'administration d'un autre hôpital new-yorkais, on comprend que l'une des patientes que l'on vient de nous montrer, arrivée dans un état grave (souffrant d'hémorragie) a été refusée par l'autre établissement. La raison avancée est le manque de place... mais ce n'est pas la première fois qu'elle est invoquée. Comme ladite patiente est afro-américaine, on se demande s'il n'y a pas autre chose derrière cela. (A l'époque, le pays est en pleine déségrégation, avec, ici et là, des réticences à peine masquées...)

   Un autre épisode marquant concerne un patient schizophrène, que le psychiatre de l'hôpital voudrait éviter de faire interner : il est capable de se débrouiller au quotidien, chez sa mère... à condition que quelqu'un l'y ramène. Le psychiatre essaie de convaincre une employée des services sociaux de résoudre ce petit problème. Au bout du fil, la personne semble traîner des pieds... pas emballée à l'idée de changer ses habitudes.

   Enfin, je ne peux pas ne pas parler du cas de cet enfant en bas âge, tombé du balcon de l'appartement de sa grand-mère, celle-ci incapable de s'occuper de lui. Les parents semblent être aux abonnés absents. Un examen médical confirme que le gamin, tombé d'une hauteur de cinq mètres (!), n'a aucune blessure décelable. Mais les infirmières se sont prises d'affection pour le garçon, calme et un peu éberlué. On sent de leur part un véritable élan du cœur. Ne serait-il pas possible de lui faire passer la nuit, en sécurité, dans le service pédiatrie ? Consultée par téléphone, la responsable de cette unité apparaît très procédurière... et pas très appréciée de ses collègues (qui la qualifient de « vieille bique »).

   D'autres enfants, non visibles à l'écran, se trouvent en situation délicate. Âgés de sept, neuf et dix ans, ils ont été laissés seuls au domicile d'un employé de bar, qui semble en très mauvais état mais voudrait quitter l'hôpital, même non soigné, pour retourner chez lui. La mère s'est barrée et lui (comme tant d'autres) ne semble pas avoir les moyens de payer son traitement.

   Certaines séquences sont plus attendues : l'hôpital accueille de jeunes drogués (dont un que je qualifierais de "roi du vomi"), une femme sans doute victime de violences conjugales et un délinquant qui a été "planté" par un concurrent. Tout cela est filmé de manière neutre, parfois frontale.

   Au-delà des souffrances physiques et des accidents de la vie, Frederick Wiseman a réussi à saisir la détresse morale de ces éclopés de la société. Pour certains, le seul réconfort vient de la salle de prière, où se retrouvent patients, proches et membres du personnel. Aide-toi et le ciel t'aidera...

samedi, 14 décembre 2024

Conclave

   A Rome, le Pape meurt soudainement, mais il était malade depuis plusieurs mois. L'élection de son successeur doit être rapidement organisée, sous la supervision du Doyen du Vatican (impeccablement interprété par Ralph Fiennes).

   Deux camps principaux semblent devoir s'affronter : les "libéraux", héritiers d'un souverain pontife progressiste (mais divisés entre plusieurs candidats possibles) et les "conservateurs", nombreux chez les cardinaux italiens, dont une frange envisage de revenir sur le concile de Vatican II. Un candidat africain vient perturber le jeu : sa désignation symboliserait le renouveau, mais il affiche des positions traditionalistes sur le plan des mœurs. D'autres personnages vont entrer dans la danse, jamais -bien sûr- par ambition personnelle, mais pour servir au mieux la Très Sainte Église.

   C'est donc un énorme panier de crabes en soutane qui va se retrouver confiné pendant plusieurs jours, croisant de temps à autre les petites mains du Vatican, si croyantes, si discrètes et si serviables : les religieuses.

   L'intrigue, qui prend la forme d'un polar politico-sociétal, mêle donc plusieurs thématiques : ambition personnelle, corruption, sexisme, homophobie, dialogue inter-religieux, tension entre tradition et modernité ...

   L'histoire est nourrie de rebondissements, mais feutrés. Ici, on ne s'affronte pas à coups de hallebarde sur le crâne, mais par la parole (l'argumentation comme les insinuations), l'influence voire l'intimidation (confraternelle, bien entendu). Parfois, on est proche du billard à trois bandes (au niveau de certaines manipulations).

   C'est passionnant à suivre. Les acteurs sont bons, les dialogues bien écrits et la mise en scène assez inventive. Edward Berger multiplie sans ostentation les angles de prise de vue, toujours justifiés pour mettre en valeur tel détail (une bague, un bulletin de vote) ou telle organisation générale (les cardinaux en promenade durant une pause ou statiques dans la salle de vote). Les plans sont construits avec minutie.

   Le suspens n'est toutefois pas insoutenable. Avant la fin du premier quart d'heure, j'étais quasiment certain de la personne qui allait remporter le scrutin et j'avais misé sur une salle en particulier pour un rebondissement tardif. Mais l'intrigue est suffisamment riche en surprises pour contenter tout le monde... avec un ultime coup de théâtre (inspiré d'une légende médiévale), qui m'a bien fait rigoler, mais qui n'est guère crédible.

23:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Il était une fois Michel Legrand

   Ce documentaire tente, en un peu moins de deux heures, de rendre compte de la vie artistique du compositeur franco-américain, décédé en 2019. Grosso modo, le plan est chronologique : l'enfance est (brièvement) abordée au début, la vieillesse et la mort à la fin. La première partie du film n'en montre pas moins le musicien âgé, encore excellent pianiste à quatre-vingts ans passés.

   Même si j'ai trouvé l'ensemble un peu long (surtout sur la fin), le film regorge de bons moments, mis en valeur par un montage efficace, qui croise de nombreuses images d'archives avec des entretiens réalisés plus récemment... et, surtout, des extraits des compositions de Legrand. Ce bain musical, à la fois classique et jazz, est réjouissant, d'autant que la plupart des airs sont connus : même sans le savoir, nous avons vécu dans un environnement musical en partie créé par Michel Legrand.

   J'ai bien aimé la séquence qui évoque ses années de formation, notamment auprès de la redoutable Nadia Boulanger. Assez jeune, celui qui pouvait envisager une brillante carrière dans la musique classique s'est tourné vers la chanson populaire (pour laquelle il fut arrangeur), le jazz (qui lui ouvrit des perspectives) et le cinéma  (son second coup de cœur, après la musique). L'homme était éclectique, puisqu'il a travaillé aussi bien pour la Nouvelle Vague que pour les comédies musicales et des films plus commerciaux... pas toujours de grandes réussites selon son propre aveu.

   L'un des intérêts de ce documentaire est de proposer (hélas à de rares reprises) une analyse de l'artiste créateur, grâce notamment à des enregistrements (audio) précieux et quelques extraits de reportages.

   Notons que, si le film est globalement à la gloire du musicien (le chanteur m'intéressant nettement moins), il ne masque pas le caractère exigeant et ombrageux du personnage. Il est à l'image d'autres "Géants", sans doute doués à la naissance, mais qui ont développé ce don grâce à un travail acharné. Le degré d'excellence atteint les rend peu tolérants à l'égard de la médiocrité ou de "l'assez bon".

   Toutefois, le film passe pudiquement sur les raisons qui ont poussé Legrand d'abord à demander la naturalisation américaine, puis à renoncer volontairement à toute allégeance française. Le sous-entendu est que c'était cohérent avec le tour pris par sa deuxième vie, outre-Atlantique (où il est devenu une référence pour de nombreux artistes américains)... mais je me demande s'il n'y a pas aussi des raisons fiscales là-dessous.

   Le plus important reste la musique, dont le documentaire nous propose de beaux extraits (avec un son de qualité). Croisés avec des passages de films plus ou moins restés dans les mémoires, cela donne un divertissement assez emballant, qui retrace indirectement un pan de l'histoire culturelle française.

vendredi, 13 décembre 2024

Génération 1951

   Après avoir nommé le plus vieux Premier ministre de la Cinquième République (et celui qui a duré le moins longtemps : trois mois), Emmanuel Macron surprend à nouveau en désignant François Bayrou, né le 25 mai 1951, soit seulement quatre à cinq mois après Michel Barnier ! Les deux hommes sont en effet de la même année... et ils ne sont pas les seuls.

   Au cas où le président de la République envisagerait de se limiter à ce millésime pour désigner les chefs de gouvernement, voici quelles sont les possibilités qu'il lui reste (pour peu qu'ils/elles survivent jusqu'à une éventuelle démission de François Bayrou).

   En tête de liste figure le philosophe (et ancien ministre de l’Éducation nationale, comme François Bayrou) Luc Ferry, né le 3 janvier (1951). C'est l'aîné de la bande, plus âgé encore que Michel Barnier. Tous les autres sont plus jeunes...

   ... à commencer  par Catherine Trautmann, ancienne ministre de la Culture de Lionel Jospin, née le 15 janvier.

   Lui succède (dans l'ordre chronologique des naissances) Jean-Louis Borloo, né le 7 avril et qui fut plusieurs fois ministre, sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. L'âge excepté, il aurait un bon profil de chef de gouvernement transpartisan.

   Un peu plus jeune est Corinne Lepage, née le 11 mai (pile deux semaines avant François Bayrou !), qui fut ministre dans le gouvernement d'Alain Juppé (sous Jacques Chirac).

   L'été nous fait mettre la barre à gauche avec d'abord Claude Bartolone, ancien ministre de Lionel Jospin (comme C. Trautmann) et ancien président de l'Assemblée nationale, qui fut naguère approché par Emmanuel Macron. Il est né le 29 juillet...

   ... deux semaines avant son camarade Jean-Christophe Cambadélis, qui a vu le jour le 14 août. Longtemps député, il a dirigé le PS peu avant Olivier Faure.

   Ironie de l'histoire, "Camba" est né cinq jours avant l'un de ses futurs camarades trotskystes de l'OCI, un certain Jean-Luc Mélenchon. Bien que figurant dans la liste des candidats virtuels à Matignon, je doute fort que ce dernier y soit un jour nommé...

   Un autre natif du Maroc (de Casablanca, contre Tanger pour Mélenchon) est dans le même cas. En effet, Roger Karoutchi, né le 26 août (1951), encore sénateur, a récemment dû céder la place à plus jeune que lui, à la tête du groupe LR.

   D'autres personnes auraient pu figurer sur cette liste, si elles n'étaient pas décédées prématurément : Olivier Dassault et Marielle de Sarnez, alter ego politique de... François Bayrou.

   J'ajoute que cette année 1951 n'a pas donné naissance qu'à des figures du monde politique. De nombreux artistes connus (décédés ou encore vivants) font partie de cette "génération 1951". Du côté des dames, on trouve : Anjelica Huston, Lynda Carter (la première Wonder Woman), Bonnie Tyler, Marie-Anne Chazel, Rose Laurens, Tonie Marshall... et La Cicciolina !

   Du côté des messieurs, on a Jean-Pierre Bacri, Fabrice Lucchini, Gérard Jugnot, Jacques Villeret, Gilbert Montagné, Jean-Jacques Goldman, Jules-Edouard Moustic, Plantu, Enki Bilal, Sting, Mark Harmon (Gibbs !), Mark Hamill, Michael Keaton, Phil Collins et Robin Williams !

   Quel cru !

mercredi, 11 décembre 2024

En fanfare

   Je me suis décidé à voir ce film sur la foi notamment du bouche-à-oreille, très favorable. Quelque part entre La Vie est un long fleuve tranquille et The Full Monty, Emmanuel Courcol propose une comédie dramatique organisée autour d'une relation fraternelle, dans un univers musical assez varié.

   Au début, deux scènes m'ont fait un peu peur : celle au cours de laquelle l'un des héros annonce sa maladie à sa sœur, et celle où il s'emporte contre celle qu'il hésite désormais à appeler maman. Dans la première scène, c'est la comédienne qui interprète la sœur dont je trouve le jeu approximatif. Dans la seconde scène, l'emportement de Thibaut (Benjamin Lavernhe, pourtant excellent dans le reste du film) m'est apparu un peu factice. Peut-être est-ce un problème de montage. (On a peut-être coupé un morceau de la scène qui aurait rendu l'emportement plus logique.)

   Fort heureusement, la suite est de bien meilleure facture. Pour moi, le film devient passionnant à partir du moment où le frère (Jimmy) apparaît à l'écran. Il est incarné par Pierre Lottin, qui nous prouve une nouvelle fois qu'il a du talent. (Il faudrait toutefois veiller à ne pas le cantonner dans les rôles de "cassos" ou de quasi-délinquant.)

   Les interactions entre les deux comédiens interprétant les frangins sont excellentes, bien complétées par les seconds rôles nordistes. On dit les choses sans fard, parfois de manière très crue... et c'est très bien. C'est à la fois réaliste et drôle.

   L'intrigue évite ensuite un autre piège : le conte de fées. Bien des embûches sont placées sur le chemin de Jimmy et Thibaut. Tout cela est traité avec délicatesse et dans un réjouissant bain musical, qu'il soit classique avec Beethoven, Verdi, Ravel ou populaire avec Aznavour, Sardou ou Johnny.

   Comme beaucoup de spectateurs, j'ai eu les yeux qui piquent à la fin. C'est une belle histoire, pleine d'humanité (un poil caricaturale toutefois sur le devenir industriel de la région).

16:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 08 décembre 2024

Vaiana 2

   Disney pioche dans ses vieux pots pour nous sortir de (prétendues) nouvelles sauces. L'été dernier, cela a marché (au niveau des entrées) avec le décevant Vice Versa 2. Du coup, huit ans pile après les premières aventures de la plus charmante des Polynésiennes, la voilà de retour, avec (presque) les mêmes acolytes et de nouveaux méchants.

   La première partie de l'histoire fait alterner deux intrigues en apparence séparées. D'un côté, le demi-dieu musclé-obèse vit des aventures extraordinaires, où la magie est omniprésente. De l'autre, Vaiana et sa famille sont confrontées à des problèmes plus matériels, dont la solution ne peut venir que de l'organisation d'une nouvelle expédition, en groupe cette fois. L'adolescente constitue une équipe de choc : son amie architecte fantasque, un jeune mec baraqué (bientôt obèse) pas très fut-fut, un vieil agriculteur râleur... sans oublier, bien sûr, le petit cochon et le coq, dont la présence semble destinée à faire rire les plus jeunes des spectateurs, qui risquent de ne pas comprendre grand chose à l'intrigue.

   Visuellement, c'est du beau boulot, avec du mouvement, des couleurs et, parfois, du brio, comme lorsqu'apparaît la baleine mystique. C'est hélas assez rare. (De manière générale, la quasi-absence de la grand-mère nuit à la qualité de l'histoire.) J'ai trouvé l'ensemble un peu tapageur, le mouvement presque perpétuel tentant de masquer le creux des dialogues. Mais, bon, on ne s'ennuie pas...

   ... si l'on supporte les chansons. Je crois qu'elles occupent entre 15 et 20 minutes au total. La majorité sont chantées par Vaiana (Cerise Calixte dans la version française). C'est tout aussi pénible que dans le premier épisode, quelque chose entre le Aller plus haut de Tina Arena et le Libérée, délivrée de La Reine des neiges. (Encore aujourd'hui, on ne mesure pas à quel point cette chanson, écoutée à l'infini, à pleins tubes, par quantité de gamines, a traumatisé des millions d'adultes...)

   Fort heureusement, l'humour est là. Il passe notamment par Anthony Kavanagh, qui double Maui. J'ai aussi aimé certains détails croquignolesques, comme la "vague de cheveux"... et la présence ponctuelle de vomissures et muculences, produites par d'étranges créatures.

   A part cela, le scénario est assez convenu. Sur le fond, un esprit pointilleux pourrait trouver à redire à la représentation des différents peuples du Pacifique (à la fin). Alors que le peuplement de la région s'est effectué à partir de l'Asie du Sud-Est, les illustrateurs semblent avoir voulu insister sur la parenté entre Polynésiens et Afro-américains. Des considérations commerciales et, peut-être, une certaine vision américaine du monde, ont pesé sur l'animation.

21:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Law and order

   Il y a cinq ans était sorti en France Monrovia, Indiana, un passionnant documentaire de Frederick Wiseman, tourné dans l'Amérique profonde, celle qui votait (et qui vote toujours) massivement Trump. Cette fin d'année voit la reprise de trois de ses plus anciens films, celui-ci ainsi que Hospital (datant de 1970) et Juvenile Court (1973). Law and Order a été tourné en 1968 à Kansas City, dans l'extrême-ouest du Missouri.

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   C'était une année électorale, celle qui a vu la victoire de Richard Nixon, dont on nous propose un extrait d'un discours de campagne, à la fin. Dans cette partie, Nixon s'en prend sans le nommer directement à Robert Kennedy, le frère de JFK, en qui il voit son principal adversaire. Comme celui-ci a été assassiné en juin 1968, on en déduit que la scène est antérieure. (Ironie de l'histoire : l'un des fils du très progressiste "Bobby", Robert Francis Kennedy, devrait devenir secrétaire à la santé dans le nouveau gouvernement Trump...)

   Dans son discours électoral, Nixon pointe l'insécurité dont souffriraient les États-Unis. On ne s'étonnera donc pas que l'essentiel du film montre les forces de l'ordre en action. Comme Kansas City est une ville à forte population afro-américaine, on s'attend à ce que les relations entre les policiers, majoritairement blancs, et cette minorité soient l'objet de la plupart des scènes. Wiseman surprend un peu son public en choisissant de commencer par des scènes où les personnes interpellées sont souvent blanches. On nous y montre des policiers à la fois fermes et courtois, face à des personnes qui semblent souvent être des "cas sociaux".

   Les scènes d'intervention (pour lesquelles Wiseman semble avoir obtenu l'autorisation de tout filmer) alternent avec des entretiens avec des policiers. Wiseman a particulièrement suivi un jeune récemment  intégré aux forces de l'ordre. Il montre aussi deux policiers, chacun dans sa voiture, comparant les situations dans différentes brigades. On parle notamment de salaire. Beaucoup sont payés 500-600 dollars par mois (800 étant considéré comme une somme incroyable... à comparer toutefois au coût de la vie, en particulier en Californie, où les policiers semblent mieux payés qu'ailleurs). Ces 600 dollars correspondent à 3 700 francs de l'époque, le SMIG français étant compris entre 500 et 600 francs.

   La majorité des scènes montrent les policiers (blancs, mais aussi, surtout dans la seconde partie, noirs) au contact des populations afro-américaines. Dans les conversations de l'époque, celles-ci sont nommées Negro, un terme qui, aujourd'hui, est banni du discours public (considéré comme offensant, bien que moins que nigger)... mais qui, à l'époque, est d'usage courant (avant qu'il ne soit d'abord remplacé par Black). Les rares fois où l'on entend le mot nigger, c'est dans la bouche d'un délinquant... noir, qui insulte les policiers (blancs !) qui l'arrêtent. Cette séquence est l'une des plus marquantes du film. On y voit deux gars en uniforme, assez costauds, tentant de maîtriser un jeune homme (musclé) qui s'est embrouillé avec d'autres habitants (noirs) du quartier, qu'il menace. On sent que tout le monde essaie de faire bonne figure devant la caméra de Wiseman : les policiers n'exercent pas la plus grande force dont ils sont capables et le délinquant cherche à se présenter sous un jour favorable... quand il se contrôle.

   Auparavant, on a assisté à une scène plus gênante, pleine de sous-entendus : l'interpellation d'une jeune prostituée (noire). L'immeuble où elle "officie" héberge d'autres péripatéticiennes. Il est connu des services de police. L'intervention a été provoquée par la plainte d'un voisin. La jeune femme s'est barricadée, mais n'oppose pas de résistance physique. Au cours de l'interrogatoire qui suit, on comprend qu'elle a peut-être dénoncé auparavant le comportement inapproprié d'un policier (qui risque des sanctions). Il me semble avoir aussi déduit de certains échanges qu'il arrive qu'un policier "s'isole" dans une pièce avec une prostituée... Comme il n'y a aucun commentaire et que cela date de plus de cinquante ans, la scène n'est pas complètement limpide.

   Ailleurs, les policiers sont plus affables, serviables même. Ils prennent en charge un gamin perdu dans la rue, aident une dame âgée aux prises avec un chauffeur de taxi malhonnête et protègent une épouse en fuite d'un mari jaloux (et peut-être violent). Tout ce petit monde est afro-américain. J'ai été marqué par la courtoisie et le calme des policiers, qui ont visiblement été bien formés. A ce sujet, Wiseman a été autorisé à filmer une scène de briefing, au cours de laquelle les officiers rappellent à leurs troupes ce qu'il convient de faire et de dire et ce qu'il faut éviter à tout prix. On sent que la vague de "politiquement correct" ne s'était pas encore enclenchée outre-Atlantique !

   Je pourrais continuer comme cela longtemps, tant ce documentaire (pourtant court : 1h20) est riche. (Une séquence forte implique trois jeunes hommes noirs, dont deux armés, dans un magasin de vêtements. Une autre a pour "vedette" une prostituée âgée, au commissariat...)

   Je le recommande vivement.

samedi, 07 décembre 2024

La plus précieuse des marchandises

   Deux ans et demi après le foutraque Coupez !, Michel Hazanavicius revient sur les écrans avec un genre totalement différent de film. Il s'agit de l'adaptation d'une sorte de conte, écrit par Jean-Claude Grumberg, dont l'action a pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale.

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   Mais, quand on n'a rien lu sur le sujet auparavant et qu'on s'est contenté de la bande-annonce, le début paraît mystérieux. Un couple de bûcherons vit chichement dans une forêt isolée, il y a des dizaines d'années, semble-t-il. La région est traversée par une unique voie ferrée, sur laquelle circulent des trains à vapeur, dans un sens comme dans l'autre.

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   Les couleurs et la texture de l'animation contribuent à accentuer l'ambiance à la fois de menace et d'étrangeté. Hazanavicius a choisi de ne pas tout dire dès le début, laissant la possibilité aux spectateurs qui ne connaîtraient pas cette histoire de la découvrir de manière cinématographique, par petites touches suggestives.

   Le peuple de bûcherons laborieux qui parcourt cette gigantesque forêt doit respecter les consignes des militaires présents dans les environs. Tous (ou presque) partagent la haine des « sans cœur » le surnom donné à la peuplade de « tueurs du Christ » qu'il ne faut surtout pas aider.

   C'est pourtant ce que va faire l'épouse du bûcheron, qui se désole de n'avoir pas d'enfant (ou d'avoir perdu le seul dont elle ait accouché). Un jour, de l'un des wagons de marchandises tractés par la locomotive fumante tombe un étrange petit paquet, enveloppé dans un châle blanc et bleu. La femme décide de s'occuper du petit être, à la fureur de son mari.

   La suite est à la fois une histoire de sentiments forts, d'amour, d'entraide, mais aussi de mort et de haine, parce que l'époque était terrible, et pas uniquement pour les familles qu'on envoyait dans ces camps installés en Europe de l'Est. J'ai apprécié que, tout en recourant à la douceur du conte, Hazanavicius ne cherche pas à dissimuler l'horreur de l'époque.

   L'intrigue familiale est ensuite complétée par une sorte de périple. Le film rebondit habilement, alors que l'histoire reste belle et terrible. Je suis resté scotché à mon siège du début à la fin, tout comme les autres spectateurs de la séance, adultes comme enfants. C'est peut-être aussi dû au talent des interprètes : Jean-Louis Trintignant avait prêté sa voix au conteur, tandis que les bûcherons sont interprétés par Dominique Blanc et Grégory Gadebois.

   Cette fin d'année 2024 aura décidément été riche en films d'animation de qualité, celui-ci formant avec Flow et Le Robot sauvage un remarquable triplé.

lundi, 02 décembre 2024

Les blaireaux du Palais Bourbon

   Alors que la dette publique française a dépassé les 3 200 milliards d'euros (soit 112 % du PIB), alors que le gouvernement français emprunte désormais à un taux plus élevé que celui de la Grèce, qui fut il n'y a pas si longtemps en quasi-faillite, alors que plus de 10 % des dépenses publiques (soit 52 milliards d'euros) sont utilisés (en 2024) au remboursement de la dette, au sein de l'Assemblée nationale semble en train de se former une incroyable coalition (celle qui risque de voter la censure du gouvernement Barnier) : l'alliance des extrêmes et de leurs affidés (LFI dominant la gauche et le RN la droite), pour refuser à la fois de diminuer les dépenses et d'augmenter les impôts.

   L'intérêt national et celui des générations futures est jeté aux orties par une majorité d'ambitieux et/ou d'imbéciles. Dans le meilleur des cas, conscients de l'état des comptes du pays, ils repoussent à leur (éventuelle) arrivée au pouvoir les réformes difficiles, choisissant de torpiller un septuagénaire sans ambition personnelle... mais qu'ils voient (peut-être) comme un rival plus jeune que Donald Trump, capable de la leur jouer comme Edouard Balladur jadis avec Jacques Chirac (ce dernier ayant quand même fini par être élu président, en 1995). Eh, oui, il n'est question que d'ambition personnelle...

   Dans le pire des cas, ce sont des incultes en économie, imaginant qu'à l'instar de ce qui s'est passé pendant la période Covid, ils pourront user de "l'argent magique", à volonté. C'est faire une double erreur. La première est que le contexte n'est plus le même. Dans la majorité des pays, l'économie s'est remise en marche... et la dette s'est réduite.

   La seconde erreur est de croire que l'appel aux créanciers est sans risque, sans contrepartie et sans limite. Or, plus de 50 % de notre dette publique est détenue par des "non-résidents", des banques et des investisseurs étrangers, qui pourraient très bien choisir, soit de prêter désormais à un taux de plus en plus élevé (ce qui semble être la tendance la plus récente), soit de se détourner de la France pour investir dans des pays réputés plus sûrs ou plus sérieux en matière de gestion.

   L'inconscience de certains de nos élus est bien croquée par l'un de mes caricaturistes préférés, Xavier Gorce, passé il y a quelques années du Monde au Point, et qui tient un blog sur lequel, du lundi au vendredi, un dessin est publié chaque jour. Voici celui daté de ce lundi :

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   Ici, il fait allusion au forcing des maires (par l'intermédiaire notamment des sénateurs), souvent aussi présidents d'intercommunalité, pour conserver le maximum de leur dotation d’État. Il faut dire que, comme l'a détaillé une étude parue en avril dernier, entre 1997 et 2022, l'emploi public a considérablement augmenté dans la FPT, contrairement à ce qui s'est passé dans la fonction publique d’État :

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   On me répondra que les transferts de responsabilités effectués par les gouvernements successifs de l’État vers les collectivités territoriales peuvent expliquer cette évolution... en partie.

   En observant attentivement le graphique ci-dessus, vous remarquerez qu'un regain de hausse s'est produit à partie de 2016. C'est à cette époque qu'est entrée en application la loi Notre, censée simplifier (un peu) le millefeuille territorial français (et mieux répartir les compétences entre les diverses collectivités territoriales). Concrètement, le nombre de régions a diminué (grâce à des regroupements) et toutes les communes ont été obligées de rejoindre une intercommunalité (communauté de communes, d'agglomération ou métropole), celle-ci de taille désormais plus importante (et donc issue de la fusions de plusieurs ex-intercommunalités). Logiquement, la suppression des doublons et les économies d'échelle auraient dû aboutir à une diminution de l'emploi public dans les collectivités... Pour cela, il aurait fallu que certains élus locaux renoncent à une certaine forme de clientélisme...

   Sur la caricature de Xavier Gorce, vous noterez le souci du détail, puisque l'indégivrable qui incarne le maire porte bien son écharpe conformément à la loi : de l'épaule droite au côté gauche, le bleu proche du cou.

   P.S.

   En guise de dessert, je vous propose le dessin de vendredi dernier, tout aussi sarcastique :

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dimanche, 01 décembre 2024

Flow

   J'ai enfin vu ce film réalisé en images de synthèse, dont le héros est un chat, errant dans un monde post-apocalyptique, où les humains ont disparu, et où ne subsistent que des animaux, sauvages comme domestiques.

   La catastrophe (peut-être d'origine climatique) ne doit pas être très ancienne, puisque la tanière de Flow est sans doute l'ancienne demeure de son maître, abandonnée... et parsemée de productions artistiques faisant référence aux félins. C'est ma fois assez original.

   La montée des eaux se poursuivant, Flow et d'autres animaux rencontrés en cours de chemin partent en quête d'un nouveau refuge. Le matou doit notamment s'accommoder de la présence de chiens, l'un d'entre eux, un labrador un peu stupide (mais gentil), étant particulièrement réussi.

   Concernant l'animation, je peux dire que c'est superbe sans être totalement réaliste. Le réalisateur, Gints Zilbalodis, assume le côté factice de ses personnages, même si, par leurs mouvements et leurs cris, il a essayé de les rendre les plus vraisemblables possibles. Ainsi, le plus souvent, Flow se déplace et se comporte comme un vrai chat, même si ses yeux ne ressemblent pas beaucoup à ceux de nos compagnons à quatre pattes.

   Une grande partie de l'intrigue se déroule sur un bateau, sorte de nouvelle Arche de Noé. Flow y côtoie notamment un chien, un lémurien, un gros rongeur (un capybara paraît-il) et un oiseau échassier, qui a rompu avec sa tribu d'origine.

   Vous l'aurez compris : les animaux sont des substituts d'humains, chacun étant doté d'un trait de caractère dominant. Le film véhicule un message d'entraide. Ceux qui, dans une vie "normale" se seraient soit entredévorés, soit battus pour l'accès à la subsistance, doivent collaborer pour survivre.

   C'est habilement mis en scène, parce que le film... ne comporte aucun dialogue. Le son y occupe donc une place très importante, entre les bruits d'ambiance et les différents cris des animaux. C'est l'une des grandes réussites du film, avec la beauté des images. Tout ce qui touche à l'eau est splendide et, globalement, on éprouve un plaisir contemplatif (qui pallie largement l'absence de dialogue). Dans la salle où je l'ai vu, les enfants n'ont pas moufté, captivés par l'histoire.

14:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 24 novembre 2024

Vera, force 13 !

   Presque un an jour pour jour après le début de la diffusion de la saison 12, la suivante est lancée ce dimanche soir sur France 3. En plus de nous permettre de retrouver l'inspectrice-cheffe Vera Stanhope et les paysages du Northumberland, cette programmation a le grand avantage de nous débarrasser des aventures insipides de policiers danois.

   La soirée commence donc par un épisode inédit, Délit de fuite, dont l'intrigue se déroule entre Newcastle et la petite ville fictive de Bentham, associée à un pont sur lequel est retrouvé le cadavre d'un jeune homme :

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   D'après un site créé par des cinéphiles installés au Royaume-Uni, il s'agit du pont de Wylan, autrefois traversé par une voie ferrée et aujourd'hui réservé aux piétons. Ce bourg se trouve à quelques kilomètres à l'ouest de Newcastle :

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   L'intrigue de cet épisode est particulièrement tortueuse, un poil sordide même. Le marché local est le lieu où se croisent tous les protagonistes, commerçants ou simples maraîchers. Chacun a ses petits secrets, qu'ils soient récents ou remontent à un passé lointain. Patiemment, Vera et son équipe vont démêler les fils de l'intrigue... en bénéficiant d'une aide inattendue, celle de l'ancien sergent Joe Ashworth, désormais lieutenant, et revenu au pays pour des raisons qu'on met du temps à nous dévoiler.

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   Dans cet épisode (et, semble-t-il, les suivants), il prend la place de... son remplaçant, le sergent Aiden Healy, parti pour l'Australie.

   Ce retour aux sources est aussi annonciateur d'une fin prochaine. A la saison 13 succèdera l'ultime saison (n°14). Brenda Blethyn n'est plus toute jeune. Pensez donc : elle a 78 ans, l'âge de Donald Trump !

   P.S.

   En deuxième et troisième parties de soirée, France 3 rediffuse deux très bons épisodes de la saison 11, Le Témoin idéal et La Voie de la guérison.

samedi, 23 novembre 2024

Gladiatornado

   Le fantôme de Russell Crowe / Maximus plane au-dessus de cette  (lointaine) suite tournée par Ridley Scott. L'acteur comme le personnage sont physiquement absents du film (pour une raison que celles et ceux qui ont vu Gladiator I connaissent), mais ils sont omniprésents dans l'ambiance et l'intrigue.

   On ne met pas longtemps à comprendre qu'Hanno le Nord-Africain, taiseux comme Maximus, doué pour le combat comme Maximus, blessé au bras comme Maximus, ayant perdu sa femme comme Maximus, n'est pas que le remplaçant du héros du premier opus : il est aussi son fils biologique, celui qui a échappé aux griffes de l'empereur Commode (qui ne l'était guère, comme me le souffle un collègue de travail espiègle).

   Le problème est que Paul Mescal, chargé de succéder à R. Crowe, n'a guère de charisme et peine à exprimer la moindre émotion authentique. Les heures passées sur le banc de muscu ne suffisent pas. C'est, pour moi, clairement une erreur de casting.

   Il se fait d'ailleurs voler la vedette par Denzel Washington, dans un rôle qui ne ressemble guère à ceux qu'on l'a vu récemment incarner... et ça fait du bien. L'un des rares intérêts de l'histoire est la narration de l'ascension de cet habile magouilleur, dont on ne sait jamais trop ce qu'il a réellement en tête. Par son action et son ambition, le personnage n'est pas si éloigné de ce que fut le véritable Macrinus, alors que la vie et le comportement des autres personnages historiques de l'intrigue sont la plupart du temps farfelus.

   Dans le premier Gladiator, Scott et ses scénaristes avait déjà tordu la vérité historique, pour en faire un levier de tension dramatique. Ainsi, Claudius Pompeianus, qui a sans doute inspiré le personnage de Maximus, était bien un glorieux général romain et il a bien eu un enfant avec Lucilla, fille de Marc-Aurèle... qu'il avait épousée. Il ne fut pas gladiateur.

   Dans cette suite abracadabrantesque, Lucilla est toujours en vie vers 200, alors que son frère Commode l'a fait assassiner des années auparavant. On n'est pas plus proche de la vérité historique avec les deux co-empereurs, deux frères, Geta et Caracalla. La première erreur est de présenter le premier aîné du second (alors que c'était l'inverse). La deuxième est de les montrer gouverner en accord, alors que ce ne fut pas le cas.

   Et puis il y a cette tendance sous-jacente, à systématiquement présenter les personnages homosexuels ou bisexuels comme des dépravés sans foi ni loi, ennemis du genre humain. Cela contraste vivement avec le camp du Bien, incarné par d'incontestables hétéros, mus par de beaux sentiments. (Je suis étonné que les professionnels de l'indignation sélective, si prompts à dénigrer le moindre supposé travers des hommes blancs, ne se soient pas insurgés contre la vision véhiculée par ce film.) Soit les auteurs (scénariste et réalisateur) sont pétris de préjugés, soit ils ont été trop dépendants de sources douteuses, qui caricaturent cette période de l'Empire romain.

   Ceci dit, même si le scénario et la caractérisation des personnages ne sont pas terribles, les scènes d'action, les décors et les effets spéciaux sont réussis. On comprend où sont passés les 250 (300 ?) millions de dollars de la production.

   J'ai aimé tout ce qui se passe au niveau du Colisée et des autres enceintes de combat, à la surface comme en sous-sol. Là, il y a du souffle, du rythme... même si, une fois de plus, les invraisemblances gâchent certaines scènes. Ainsi, l'introduction d'un rhinocéros, spectaculaire, n'est pas réaliste. C'est encore pire lors de la séquence de la naumachie. Il y en a bien eu quelques unes organisées au Colisée, mais pas avec des requins (qui auraient été bien en peine de nager dans une aussi faible profondeur d'eau). Les squales sont, comme les singes visibles au début de l'histoire, des créatures numériques, dont les évolution comme le comportement n'ont pas grand chose de naturel.

   Je ne voudrais pas avoir l'air de m'acharner, mais je dois signaler une autre énormité, entendue lors de l'introduction de la naumachie. Le présentateur affirme qu'elle commémore la bataille de Salamine (en 480 avant JC), qui aurait vu s'affronter Troyens et Perses. Or, ce sont les Grecs, notamment athéniens, qui ont vaincu les Perses à cette occasion ! Qu'une telle boulette ait pu passer le filtre des vérifications/relectures est la preuve d'une grande négligence.

   Bref, c'est techniquement réussi, mais, globalement, c'est du foutage de gueule.

14:51 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 20 novembre 2024

Le Choix

   C'est l'histoire d'un homme, un soir, pendant (environ) une heure, dans une voiture, dotée d'un téléphone, avec une destination précise (qu'on ne connaît pas au départ). Ce dispositif simple (simpliste diront certains) réunit (presque), de manière moderne, unité de temps, de lieu et d'action. Mais ce n'est pas une tragédie classique...

   ... et c'est la transposition en France, dans l'agglomération parisienne, de l'intrigue d'un film britannique, Locke (sorti en 2014), se déroulant principalement dans le Grand Londres. Parfois, la version française est un copié-collé, parfois un décalque intelligent : une entreprise allemande remplace une américaine, et Berlin, Chicago ; une Renault remplace une BMW, des ouvriers roumains des Hongrois...

   A quelques (rares) reprises, la version hexagonale s'écarte légèrement du modèle anglais. Ainsi, on nous a épargné le rhume qui frappe le héros de la version britannique. Surtout, dans la VF, l'écart d'âge qui sépare deux des protagonistes n'est pas du tout le même, pour la simple raison que, dans le film d'origine, le conducteur est incarné par Tom Hardy (à une époque où celui-ci faisait d'autres choix artistiques... et gagnait beaucoup moins d'argent), alors que l'adaptation française est portée par l'interprétation de Vincent Lindon (Joseph Cross).

   Si l'on met de côté quelques silhouettes entraperçues au tout début, c'est le seul acteur que l'on voit à l'écran. Il interagit avec les autres protagonistes uniquement par la voix. D'ailleurs, ce fut un plaisir d'entendre celles d'Emmanuelle Devos (l'épouse du héros) et de Grégory Gadebois (le supérieur hiérarchique de Joseph). En revanche, je trouve que Pascale Arbillot en fait trop dans le rôle de Béatrice.

   Au final, l'exercice de style tient la route, dans un bel emballage (les vues nocturnes d'une autoroute puis de la périphérie de Paris). Mais cela ne va pas plus loin.

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dimanche, 17 novembre 2024

Venom - The Last Dance

   Ce troisième volet vient clore une série commencée en 2018. La scénariste des premiers épisodes se trouve désormais aux manettes. Comme le film repose essentiellement sur des effets spéciaux et des scènes de dialogue parfois comiques, visuellement, on ne voit pas la différence avec les précédents.

   La première partie est engageante. On retrouve l'étrange couple formé par Eddie et son symbiote à grosse voix. C'est toujours aussi cocasse. En parallèle, ce début introduit de nouveaux méchants, qui ont l'air extrêmement redoutables. On en apprend plus sur l'origine du symbiote.

   La meilleure trouvaille scénaristique est de situer une partie de l'action dans la célèbre Zone 51. C'est vers elle que se dirige une famille de beatniks complotistes (dont le père est incarné par Rhys Ifans), que va rencontrer notre double héros.

   Après, cela se gâte. On a visiblement voulu introduire plus d'émotion dans ce prétendu dernier épisode. (C'est donc moins violent que dans le deuxième volet.) Pour moi, cela fonctionne à moitié. Il y a aussi trop de clichés dans la représentation des scientifiques et des militaires, avec une opposition très schématique entre celle qui veut à tout prix préserver la vie extraterrestre et celui qui n'hésite pas à (faire) tuer quand il estime que la menace est trop importante. (Juno Temple et Chiwetel Ejiofor ont du mal à faire vivre leurs personnages.)

   Cela nous amène à cette menace, d'origine extraterrestre. Au départ, elle constitue une nouvelle source de péripéties. Mais, très vite, on nous fait comprendre qu'elle est quasi invulnérable. (Je vous rassure : les héros vont finir par en venir à bout.) On comprend bien avant les dernières scènes comment tout cela va se terminer.

   Je suis sorti de là assez mitigé.

11:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 10 novembre 2024

Transformers : le commencement

   Ce film d'animation est une préquelle de la série de films sortie jadis et naguère (le dernier en 2023) sous la houlette de Michael Bay, qui demeure présent en tant que producteur. Le mélange d'acteurs réels et d'effets spéciaux numériques a donc laissé la place à un visuel entièrement composé d'images de synthèse, en général très réussies d'un point de vue formel. (Le réalisateur, Josh Cooley, est l'auteur de l'excellent Toy Story IV.)

   L'objectif de cet épisode est de montrer comment quatre des protagonistes de la série ont acquis leurs pouvoirs et d'où ils sont partis. Deux d'entre eux sont à l'origine de super-potes. (C'est très surprenant quand on connaît la suite !) On a donc droit d'abord à une sorte de buddy movie, avec un duo a priori mal assorti : Orion Pax est un jeune foufou, un casse-cou ne rêvant que de gloire, tandis que D-16 est un robot studieux, respectueux des règles, plutôt introverti. J'ai trouvé malicieuse cette caractérisation, parce qu'elle implique que rien n'est écrit d'avance. Celles et ceux qui connaissent la série savent qu'Orion est destiné à devenir un leader charismatique, pondéré, tandis que D-16 va bigrement bifurquer...

   Il y a aussi un arrière-plan social à cette histoire, puisque les héros sont issus de la classe inférieure des robots, celle qui n'est pas dotée d'un cog, une source d'énergie qui confère aux machines "supérieures" le pouvoir de se transformer... et une plus grande force. Les robots bas-de-gamme eux sont voués aux tâches ingrates : dans la mine ou au traitement des déchets. Nous voici donc face à une histoire très américaine, avec un p'tit gars de la base qui va faire son trou dans le monde des puissants.

   Cette première partie est assez drôle, en raison des aventures rocambolesques que connaît le duo. On n'est pas loin de Rush Hour ou de L'Arme fatale... même si le déroulé de l'intrigue rappelle plutôt La Guerre des étoiles (en particulier les épisodes I et IV : La Menace fantôme et Un Nouvel espoir) : le futur élu est un outsider, qui va s'illustrer dans une course dans laquelle en théorie il n'a aucune chance et son monde bascule en raison d'une haute trahison, que personne n'a vu venir ; le tout est placé dans le cadre d'une histoire quasi mythologique, avec de prestigieux anciens, aux pouvoirs fabuleux. Cela rappelle évidemment l'univers des Jedi.

   Le duo devient assez rapidement un quatuor, avec l'ajout d'un jeune crétin (l'usine à blagues du groupe, celles-ci pas toujours du meilleur goût) et d'un personnage féminin badass, Elita (doublée par Scarlett Johansson dans la VO, Audrey Fleurot dans la VF). Comme le chanterait Michel, elle a « réussi l'amalgame de l'autorité et du charme ». J'ai particulièrement aimé la scène où l'on voit cette pugnace combattante mater une bande de gros durs, façon maîtresse d'école. (Cela m'a rappelé un passage du récent A toute allure, avec Eye Haïdera "officiant" dans la seconde classe d'un avion long-courrier.)

   Une fois le complot démasqué, les héros vont tenter de retourner la situation, qui semble pourtant désespérée. Comme c'est une préquelle, et que les quatre zigotos sont visibles dans les épisodes suivants, on se doute que la fin n'est pas tragique. La dernière partie est donc très prévisible et, selon moi, moins réussie sur le plan visuel : j'ai parfois eu l'impression de me retrouver devant un jeu vidéo.

   Mais, comme c'est globalement bien foutu, avec une belle morale, je suis sorti de là très satisfait... en ayant attendu jusqu'au bout, l'ultime scène post-générique, qui voit naître les Decepticons.

   PS

   Actualité oblige, on pourrait aussi faire une lecture politique de l'intrigue et de l'utilisation des couleurs. Certes, traditionnellement, les gentils Autobots ont les yeux bleus, tandis que les méchants Decepticons ont les yeux rouges. Mais, comme le film est sorti en pleine année électorale, il m'a semblé que certains éléments n'avaient peut-être pas été choisis au hasard...

 

ATTENTION :

 

DIVULGÂCHAGES

 

!!!

 

   En effet, au départ, Sentinelle, figure tutélaire des machines, est présenté comme un personnage positif, charismatique et bienveillant. C'est un progressiste, qui joue le rôle d'un guide : il définit ce qui est bien pour la communauté. On l'identifie à la couleur bleue.

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   Hélas, les héros finissent par découvrir que c'est un traître. Celui qui joue un rôle majeur dans cette découverte (et sa révélation ultérieure aux autres robots) est Orion Pax, un gars du peuple, pas très cultivé et du genre franc-tireur. Il est identifié à la couleur rouge.

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   Vous voyez où je veux en venir ? Peut-être que je surinterprète, mais je pense que des spectateurs états-uniens (en particulier républicains) de ce film pourraient y lire une métaphore de la (supposée) trahison des élites démocrates (les Bleus), accusées d'avoir abandonné le peuple, qui du coup a tendance à se tourner vers les Rouges, à savoir les républicains. Josh Cooley et ses co-scénaristes ont-ils voté Trump ?... à moins que ce ne soit plutôt Michael Bay, très anti-Biden. En tout cas, à la fin du film, le nouveau guide des Autobots, Optimus Prime, concilie les deux couleurs.

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23:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

A toute allure

   Cette comédie romantique a notamment pour cadre un sous-marin tactique (nucléaire) de la marine française, dans lequel Marco, un chef de cabine (steward) impulsif s'est infiltré pour... retrouver l'élue de son cœur, Marianne, une lieutenante caractérielle et farouchement célibataire.

   Au départ, rien ne destinait les deux tourtereaux à se revoir. Lui (Pio Marmaï, délicieusement farfelu) est un coureur de jupons, fêtard, entre deux ruptures avec son hôtesse de l'air préférée. Elle (Eye Haïdera, vue récemment dans Barbès, little Algérie, percutante) n'est pas du genre à s'amouracher et se complait dans l'accumulation des "coups d'un soir", lors des escales du sous-marin.

   Le scénario renverse un peu les rôles traditionnels. En effet, même si c'est l'homme qui part à la poursuite de la femme, au départ, c'est lui le romantique qui doit convaincre celle qui se refuse à l'amour.

   ... et c'est d'autant plus difficile qu'il faut échapper à la vigilance du commandant du sous-marin, un psycho-rigide traditionaliste interprété avec charisme par José Garcia. Dans un premier temps, Marco se fait passer pour un cuistot de secours... et il s'évertue à se rendre sympathique à tout l'équipage (de manière assez savoureuse, ma foi). Évidemment, tout cela manque de réalisme... et c'est assumé.

   Bien que pris par l'ambiance du film, je me demandais comment le cinéaste allait pouvoir tenir 1h25 en milieu confiné. Le scénario bascule dans la seconde partie, puisque l'intrigue sort un peu du sous-marin, avec une kyrielle de scènes roboratives. La troisième partie nous propose un nouveau basculement : la sous-marinière va, en quelque sorte, rendre la monnaie de sa pièce au steward.

   C'est une petite comédie, sans prétention, qui m'a fait passer un très bon moment.

   P.S.

   En fond sonore, on entend la reprise d'un "tube" des années 1980, interprété (à l'époque) par Richard Cocciante.

08:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 09 novembre 2024

Croquette, le chat merveilleux

   C'est une animation britannique (regardez où se trouve le volant, dans les véhicules), destinée davantage aux enfants qu'aux parents. Le héros est, au départ, un chaton abandonné, qui est recueilli par Rose, une jeune chercheuse spécialisée dans les abeilles. Malheureusement pour Croquette, qui pense avoir trouvé le foyer idéal, il épuise très vite les dernières de ses neuf vies.

   Coup de bol pour lui : au paradis des chats, on lui donne une seconde chance. Il va donc retourner sur Terre, pour neuf vies supplémentaires... mais pas sous la même forme. Il sera successivement :

un blaireau

un rat

un cafard

un perroquet

un chien

un poisson

un cheval

une abeille

   Si vous avez bien compté, cela fait huit réincarnations. Je laisse aux spectateurs le plaisir de découvrir la neuvième.

   C'est souvent drôle, soit au détriment de Croquette (auquel il arrive de cocasses aventures), soit au détriment de l'un des humains qu'il croise : le directeur de recherches de Rose ou le compagnon de celle-ci, un djeunse prénommé Larry, très satisfait de lui mais pas très porté sur l'hygiène corporelle. (J'ai trouvé ce personnage particulièrement agaçant, même s'il s'améliore au cours de l'histoire.)

   Ces réincarnations sont aussi pour Croquette l'occasion de changer sur le plan moral. Le matou gâté pourri par sa maîtresse, très égoïste, doit faire preuve d'altruisme. Le message à destination de la jeunesse est donc positif, puisqu'on peut légitimement penser que c'est au chat que les enfants vont s'identifier.

   Sur le fond, le propos est teinté d'écologie. La chercheuse veut lutter contre l'effondrement des colonies d'insectes, alors qu'un autre protagoniste souhaite son échec pour promouvoir sa solution biotechnologique... bien plus rémunératrice.

   Toutefois, au niveau de la caractérisation des personnages, deux éléments m'ont gêné. Le premier concerne Larry. Je pense qu'il correspond à l'image du jeune homme moderne "cool" dans la tête des animateurs (sans doute majoritairement de sexe masculin). On présume que la jolie, gentille et travailleuse chercheuse doit s'accommoder des défauts de Larry pour en faire son compagnon. Même si celui-ci évolue dans le bon sens (et accepte son chat), c'est surtout la jeune femme qui s'adapte à lui.

   L'autre élément gênant concerne le méchant de l'histoire, qui avance masqué... mais que les adultes n'auront aucune peine à repérer. On finit par découvrir qu'il fut un élève victime de moqueries, voire de harcèlement. Il a jadis été mis à l'écart et veut prendre une revanche sur la vie. Je ne suis pas certain que ce portrait psychologique corresponde au profil des prédateurs de la planète.

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vendredi, 08 novembre 2024

Astrid et Raphaëlle, saison 5

   Une semaine après un médiocre épisode inédit (un croisement avec Alexandra Ehle, une série de moindre qualité), Astrid et Raphaëlle sont pleinement de retour sur France 2, pour la cinquième saison de leurs aventures. Ce vendredi soir, on nous a proposé un épisode double, la première partie étant intitulée "On ne meurt qu'une seule fois".

   J'ai apprécié de retrouver Sara Mortensen en documentaliste autiste, que les scénaristes ont l'habileté de ne pas faire évoluer à vitesse grand V (contrairement à ceux de la série américaine Good Doctor, qui m'a vite lassé). J'ai été moins convaincu par les péripéties de la grossesse de son acolyte qui, de surcroît, a tendance à se comporter comme une adolescente, alors qu'elle a plus de quarante ans.

   L'intrigue de cet épisode double est fouillée, avec un mystérieux tueur de la Mafia et l'intervention des services secrets, aussi bien français qu'états-uniens. Les références à d'anciens films (notamment les James Bond) ou d'anciennes séries (je pense au Bureau des légendes) sont nombreuses, avec un angle parodique. C'est ce qui m'a gêné. L'intrigue perd en vraisemblance, les interventions des espions étant souvent ridicules. De surcroît, je trouve qu'ils sont mal joués, y compris du côté français, avec un Aurélien Wiik très décevant. (Il était bien meilleur dans Meurtres en Berry.)

   Je rassure les fans de la série : les épisodes suivants (que j'ai tous vus) sont bien meilleurs. Ainsi, vendredi prochain sera diffusé "Mandala", dont l'intrigue a pour cadre un monastère bouddhiste. J'y ai retrouvé les qualités de la série : une enquête sur fond de mystère, la mise en scène du travail de déduction d'Astrid, de l'humour bienvenu... et, fait notable, une plus grande participation du personnage du commissaire, interprété par Jean-Louis Garçon.

   L'épisode 4, intitulé "Le Dernier des Aztèques", est passionnant. Il tourne autour de l'archéologie, de l'Amérique centrale... et du mythe de l'Eldorado. Au cours de l'enquête, Astrid est amenée à consulter le Codex Borbonicus, un somptueux manuscrit peint datant du début du XVIe siècle. (Je regrette toutefois que les dialoguistes n'aient pas fait préciser par la documentaliste qu'il vaudrait mieux appeler Mexicas ce peuple de la Méso-Amérique.)

   Changement total d'ambiance dans l'épisode 5 ("Le Baptême des morts"), qui nous transporte chez les Mormons. L'enquête policière est assez classique, avec notamment des secrets qui remontent du passé. J'ai apprécié qu'au passage les auteurs égratignent l'extrémisme religieux, qui n'est pas exclusivement mormon : certains comportements observés durant l'épisode existent dans d'autres communautés religieuses... En fils rouges de la saison, on a les relations de Raphaëlle avec sa mère (la policière étant montrée sous un jour plus mature), le possible mariage d'Astrid... et le retour d'un passé enfoui.

   "Loup y es-tu ?" est une fausse relecture des histoires de loup-garou. Dans cet épisode, le surnaturel se teinte fortement de social, avec l'évocation du sort de migrants et la défense des droits des femmes. Contrairement à ce qu'on peut constater dans nombre de fictions contemporaines (notamment françaises), je trouve que ces sujets sensibles sont amenés et traités avec une relative subtilité.

   L'intrigue de l'épisode 7 ("On achève bien les jockeys") évolue dans le monde hippique... et nous replonge dans le passé d'Astrid. C'est l'occasion de retrouver une jeune comédienne talentueuse, Sylvie Filloux, qui incarne Astrid jeune.

   La saison se conclut avec "Un Mariage et quatre enterrements", un nouvel épisode au titre en forme de clin d’œil (ici au film Quatre mariages et un enterrement). Cela commence comme chez l'inspecteur Colombo, puisqu'on voit l'assassin organiser son meurtre. Mais la suite nous réserve quelques surprises, avec notamment le retour d'une vieille connaissance de nos héroïnes (hélas toujours aussi mal interprété). L'histoire se termine sur un cliffhanger... ce qui nous laisse sur notre faim... mais annonce forcément une saison 6 !

The Substance

   Prix du scénario au dernier Festival de Cannes, ce film états-unien a été réalisé par une Française, Coralie Fargeat, qui en est aussi la scénariste. L'intrigue mêle la science-fiction à l'étude sociétale et au gore.

   Dans un avenir proche, il devient possible de vivre en symbiose avec un clone de soi, plus jeune, en alternance une semaine sur deux. Cette possibilité semble être proposée à des personnes vieillissantes, ou qui se considèrent comme telles. Pour que l'alternance fonctionne, il faut suivre des règles draconiennes... que bien évidemment les clients finissent par ne plus respecter.

   Un questionnement féminin (mais qui peut aussi concerner les hommes) est au cœur de l'histoire : passé un certain âge, est-on encore "bonne" à quelque chose ? Doit-on se résigner à vieillir ? Fargeat prend pour exemple le monde du spectacle, à travers l'animatrice d'une émission télévisée dédiée au bien-être, mais, au cours du film, d'autres personnages, annexes, sont montrés comme étant eux aussi victimes d'une sorte de dictature de l'apparence.

   Dans le rôle d'Elisabeth Sparkle, Demi Moore est excellente. D'abord présentée comme une quinqua sexy, elle apparaît très vite (filmée en très gros plan) comme une femme certes séduisante, mais sur le corps de laquelle les effets de l'âge se font cruellement sentir. De la part d'une comédienne qui a longtemps été une icône de beauté (et qui a eu -discrètement- recours à la chirurgie esthétique), c'est assez courageux.

   Son clone jeune (Sue) est incarné par Margareth Qualley, qu'on a beaucoup vue ces derniers temps, dans Drive-away Dolls (pas son meilleur rôle), Pauvres Créatures et Kinds of kindness. Ce personnage est filmé de manière extrêmement suggestive. Si cela avait été fait par un homme, je pense que la vision transmise aurait suscité des remarques critiques. En effet, si le projet est de dénoncer l'exploitation du corps des femmes, le résultat est très complaisant avec leur représentation hypersexualisée. La cinéaste semble, comme son personnage principal, fascinée par les corps féminins voluptueux, minces et fermes. Sa mise en scène, loin de susciter un regard critique, à mon avis, conforte l'idée qu'être jeune et bien gaulée est ce qu'il y a de mieux pour une femme. C'est tout de même gênant, vu le projet de départ.

   Le même regard complaisant est à l’œuvre dans la partie gore de l'intrigue. Cela se sent dès la "naissance" du clone, qui n'est pas créé en laboratoire, mais à l'issue d'une sorte de mue... totalement invraisemblable : l'enveloppe d'origine (humaine) libère un nouvel être... et conserve toute sa capacité à faire revivre l'individu d'origine !

   D'autres péripéties me sont apparues tout aussi farfelues. Ainsi, le personnage d'Elisabeth, qu'on voit à un moment dans la quasi-impossibilité de marcher, retrouve soudainement toute sa vigueur pour transporter un corps. De la même manière, Sue, à qui l'on a inséré les trois quarts d'une dose de potion létale, parvient à se réveiller pour, quasi immédiatement, se lancer dans une bagarre démentielle... Je pourrais aussi ajouter l'absence d'allusion au moindre paiement (pour la procédure de clonage), tout comme la disparition de la femme de ménage d'Elisabeth, dès que celle-ci s'engage dans sa dangereuse démarche. Cette absence sert (miraculeusement) le déroulement de l'intrigue, mais elle n'est pas expliquée.

   ... et pourtant, concernant cette femme de ménage, il y a une scène très signifiante, quand on la voit travailler dans le superbe appartement de la vedette de télévision, tandis que celle-ci découvre dans le journal qu'on cherche à la remplacer. Alors que la riche quinquagénaire, encore sexy, se désole de sa situation, elle ne voit pas la femme plus grosse, au visage mois attirant, effectuer un travail beaucoup moins rémunéré que le sien, auquel elle se consacre sans doute depuis des années. Je m'attendais à ce que le film explore cette inégalité de classe... eh ben non. On reste au niveau de ce qu'on appelle parfois le "féminisme à paillettes".

   S'ajoute à cela le fait que, pour développer son histoire, la scénariste a besoin que ses personnages principaux se comportent comme des imbéciles. C'est une faiblesse que l'on trouve dans nombre de films d'horreur, qui ont visiblement inspiré Coralie Fargeat. Ceci dit, je dois reconnaître que certaines scènes gores sont bien conçues, notamment celles situées vers la fin. Mais cet incontestable savoir-faire, qui s'appuie sur un montage efficace et des décors bien choisis, ne suffit pas, pour moi, à sauver un film un peu trop cliché et un peu trop "clipesque".

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mercredi, 06 novembre 2024

L'euro bulgare

   Je me suis récemment déplacé loin de l'Aveyron, pour des raisons familiales. Au retour, j'ai fait une pause dans une boulangerie proposant un espace de restauration. J'ai réglé ma commande avec un billet, glissé dans une caisse automatique. Dans un premier temps, je n'ai pas prêté une attention particulière aux pièces qui composaient le rendu de monnaie. Plusieurs avaient le même aspect, celui de pièces de deux euros. Ce n'est que bien plus tard, sur une aire d'autoroute, au moment de régler un café, que j'ai pris conscience que, parmi mes pièces de deux euros, une sortait du lot.

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   L'objet est bien bicolore (et bimétallique : composé de cuivre et nickel), mais il s'agit d'une pièce de monnaie bulgare qui, au taux de conversion actuel, vaut... seulement un euro. J'ai donc été escroqué de la même somme, par la caisse automatique de la boulangerie ! Voyons ce qui se trouve à l'avers :

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   La personnalité représentée est Païssii de Hilendar, un moine (orthodoxe) et historiographe bulgare du XVIIIe siècle (1722-1773), à une époque où la Bulgarie n'existait plus, passée depuis la fin du Moyen-Age sous la domination ottomane. (Païssii a d'ailleurs contribué à la "Renaissance bulgare", un mouvement qui allait déboucher sur l'indépendance de la Bulgarie.)

   Le risque de confusion est accentué par le fait que la Bulgarie, bien partie pour devenir le 21e État membre de la zone euro (peut-être en 2025), a déjà prévu la frappe de nouvelles pièces, la future de 2 euros ressemblant trait pour trait à celle de 2 leva :

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vendredi, 01 novembre 2024

Bambi

   Il s'agit d'un film en prises de vue réelles... mais ce n'est pas Disney qui en est à l'origine, malgré la tendance, ces dernières années, à retourner les classiques de l'animation avec de véritables acteurs (par exemple, Dumbo, ou Le Livre de la Jungle).

   En France, le lancement de ce faux documentaire a beaucoup misé sur la présence de Mylène Farmer (au commentaire). Les cinéphiles seront peut-être plus intéressés d'apprendre que le réalisateur, Michel Fessler, s'est d'abord fait connaître en tant que scénariste, sur des documentaires-fictions comme L'Odyssée de l'espèce, Le Sacre de l'Homme, AO. Il a aussi participé à l'aventure de La Marche de l'empereur et du Chêne (deux œuvres remarquables).

   Ici, l'histoire du roman de Felix Salten est traitée sous la forme documentaire. On y voit bien l'enfance de Bambi, la découverte de son environnement, la rencontre d'un lapin, d'oiseaux divers, d'un raton laveur (un sacré numéro, celui-là)... et les conséquences de la présence humaine (systématiquement négatives).

   Outre le remplacement de l'animation par des images réelles, la principale différence est qu'ici les animaux ne parlent pas. Le commentaire, la mise en scène (les animaux ayant été soit filmés dans leur milieu naturel, soit "guidés"... ce qui n'a pas plu à tout le monde) et le montage construisent l'histoire, celle de la naissance, des apprentissages et des débuts de la vie d'adulte du faon.

   Comme chez Disney, on a un peu édulcoré ce qui est montré à l'écran : on ne voit pas la mise-bas (juste la biche avant et le faon à peine né), pas plus que la mort de la mère (suggérée par les sons et la réaction des autres personnages). Comme chez Disney, la représentation des comportements animaux est anthropomorphisée, même si le procédé de filmage renforce l'impression de réalisme.

   Du coup, je suis sorti de là partagé : la qualité des images est indéniable, mais l'histoire (trop soulignée par la musique) est clairement destinée aux enfants.

   P.S.

   A l'occasion de cette sortie, j'ai appris que le roman d'origine a été censuré par les nazis, qui y ont vu une dénonciation déguisée de l'antisémitisme.

17:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 31 octobre 2024

Juré n°2

   Quatre ans après un excellent "film de droite" (Le Cas Richard Jewell), Clint Eastwood est de retour en Géorgie (État qui a mis en place une avantageuse politique d'incitations financières en faveur du cinéma).

   Ici encore, il va être question d'un individu lambda, un petit Blanc de la classe moyenne, qui risque d'être "broyé par le Système". On a donc droit à une sorte de variation sur le même thème, incluant un dilemme moral, le genre de question délicate que notre bon vieux Clint aime se coltiner.

   A la base, on nous propose un nouveau film de procès, de la constitution du jury au verdict final, en passant par les à-côtés (en particulier les débats au sein du jury). Les cinéphiles penseront inévitablement à Douze Hommes en colère, de Sidney Lumet. Cette impression sera accentuée par le résultat du premier vote au sein du groupe de jurés : 2 contre 10, le héros étant évidemment l'un des deux "moutons noirs", qui va tenter de convaincre les autres...

   ... sauf qu'ici il n'est pas motivé par le seul souci de justice. Il est directement concerné par cette affaire, sans que quiconque le sache au sein du tribunal. Eastwood pimente donc le polar judiciaire et s'éloigne ensuite de son auguste aîné pour traiter l'intrigue à sa manière.

   Au cœur de celle-ci se trouve un dilemme moral : le juré n°2 (Nicholas Hoult, ma foi plutôt bon) doit-il révéler ce qu'il sait, même si cela doit l'incriminer ? Est-il certain de ce qu'il a vu le soir de la mort de Kendall Carter (interprétée par une certaine Francesca Eastwood... eh oui, Fifille !) ?

   En attendant de résoudre ce problème éthique, Eastwood nous fait découvrir une galerie de personnages assez bien caractérisés. Le jury est multiethnique et le réalisateur joue avec les préjugés que les spectateurs pourraient avoir sur certains personnages. Par exemple, que cache l'acrimonie visible entre un juré noir et un juré blanc ? Pourquoi le retraité de la bande semble-t-il en savoir plus que les autres ? Les jeunes et certaines femmes très apprêtées sont-ils aussi superficiels qu'on pourrait le croire ?

   Le procès est aussi le lieu de l'affrontement entre deux anciens camarades d'études (qui furent peut-être un peu plus que cela...) : l'avocat commis d'office et la procureure. Le premier (Chris Messina)  apparaît comme un juriste compatissant, la seconde (Toni Collette, formidable malgré ses tailleurs pantalons portés avec des talons hauts) nous est présentée comme une ambitieuse, très rigide. A travers elle, Eastwood règle-t-il quelques comptes personnels ? La vision est cependant plus nuancée que ce qui transparaissait dans Le Cas Richard Jewell. Certes, la procureure est en campagne (peut-être pour devenir State Attorney, en gros la cheffe du Parquet de l’État de Géorgie), mais son ambition doit tout de même se plier aux impératifs de sa fonction. Elle fait passer le procès avant sa campagne et, quand un doute émerge, elle est prête à se remettre en question et à relancer l'enquête. Loin de la caricature, Eastwood réussit son principal personnage féminin, d'une épaisseur inattendue.

   C'est le cas aussi de l'épouse du héros, une professeure des écoles en congé maternité (elle est sur le point d'accoucher). Au cours du film, on apprend que l'histoire de ce couple est plus complexe que ce qu'il semble de prime abord. Le héros lui-même a un passé (que l'on ne tarde pas à découvrir), les révélations concernant le couple étant distillées au cours de l'intrigue.

   Les interactions entre les membres du jury révèlent aussi certains présupposés eastwoodiens. Des citoyens ordinaires, avec leurs compétences respectives et leur intégrité, font mieux le job que les professionnels impliqués dans l'affaire : des policiers pressés d'arrêter le premier suspect venu, une procureure incitée à rapidement conclure un procès qui peut lui servir personnellement et un médecin légiste qui enchaîne les autopsies, quitte à relâcher sa vigilance.

   Le dilemme moral est particulièrement crucial à la fin, y compris après l'énoncé du verdict. Une scène montre deux personnages assis côte à côté, sur un banc. La question à propos de laquelle leurs avis divergent est la suivante : la justice est-elle la vérité ? Derrière ce questionnement se trouve évidemment Eastwood le libertarien, pour lequel la défense des droits individuels doit primer sur l'application stricte de la loi, pourtant censée protéger ces mêmes droits. Néanmoins, le film ne se conclut pas de manière tranchée, puisque la toute dernière scène laisse la porte ouverte à (au moins) deux interprétations.

21:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 30 octobre 2024

Monsieur Aznavour

   Et c'est parti pour un biopic à la française, consacré à celui qu'on a parfois considéré comme "le Sinatra français". L'hommage est rendu par deux personnes qu'on pourrait penser plus proches des "musiques urbaines" que de la variété traditionnelle : Mehdi Idir et Grand Corps Malade. Ce serait méconnaître les points communs entre le crooner français et certains rappeurs contemporains : une ascendance immigrée, une jeunesse modeste voire pauvre, des débuts artistiques critiqués, une forte envie de reconnaissance et un certain goût pour les achats dispendieux, voire clinquants. Concernant Grand Corps Malade, il faudrait ajouter l'amour de la langue française et un talent indéniable pour la manier.

   Pour incarner celui qui fut une star internationale, Tahar Rahim a cherché le plus possible à se faire oublier derrière le personnage. On peut admirer les efforts... tout en constatant que cela se voit trop. Quasiment à chaque scène, on a l'impression que l'acteur nous dit : « Admirez ma performance. » Du coup, cet aspect-là m'a laissé plutôt froid, d'autant plus que, durant la première heure, Tahar Rahim se fait voler la vedette par... elle

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   Marie-Julie Baup (vue ces dernières années dans Délicieux et L'Esprit de famille) étincelle en Édith Piaf... et la production s'en est peut-être rendu compte, puisque ce personnage est totalement passé sous silence à partir du moment où Aznavour tente de prendre seul son envol.

   C'est pourtant cette première heure qui m'a le plus intéressé. Grâce à des retours en arrière, on revit l'enfance pauvre (mais pleine de chaleur humaine) de la famille (arménienne) Aznavourian. On suit plus tard le jeune Charles pendant l'Occupation, pendant qu'un autre génocide est à l’œuvre. Ce n'est pas toujours très bien joué, la mise en scène est parfois plan-plan mais, grosso modo, jusqu'à l'épisode québécois (inclus), il se passe quelque chose.

   Après, le film s'enlise. Pourtant, il est servi par les chansons les plus connues de l'artiste, mais le déroulé de sa vie, pourtant riche en péripéties, manque de saveur. Rahim cabotine toujours autant et, autour de lui, l'ambiance a comme un air de déjà-vu.

   Du coup, on sent bien les 2h15. Pour moi, l'émotion a du mal à passer, sauf quand les succès d'Aznavour sont intégrés à l'intrigue.

   P.S.

   J'ai au moins appris un truc pendant la vision de ce film : la reprise (en sample) du titre Parce que tu crois par un certain... Dr Dre. D'autres artistes a priori éloignés de l'univers d'Aznavour se sont inspirés de ses chansons, comme on a pu l'entendre récemment sur France Inter.