mardi, 28 novembre 2017
Les Conquérantes
Ce film suisse évoque le combat des femmes pour l'obtention du droit de vote... et de plus de respect au quotidien de la part des hommes. Le début des années 1970 est une époque de remise en cause, chez nos voisins alpins comme ailleurs. Les spectateurs qui ont un peu de kilomètres au compteur retrouveront dans cette Suisse rurale et patriarcale un peu de la France des années 1970-1980, à ceci près que, dans l'Hexagone, c'est depuis 1944 que les femmes peuvent voter.
Cela aurait pu donner un film pesant, militant, poussiéreux. Ce n'est heureusement rien de tout cela. C'est évidemment engagé, mais furieusement drôle, malgré la gravité des situations. Il y a d'abord le contraste entre ces femmes de la campagne, soumises bien qu'enragées de leur condition de bonnes à tout faire, et les jeunes qui ne veulent pas de la même vie de leur mère. Il y a aussi la beaufitude ridicule de certains hommes, vraiment pas subtils. Il y a enfin l'irruption de la révolution sexuelle, dans une scène hilarante au cours de laquelle des femmes revendiquent le mot "clitoris" et découvrent, pour certaines d'entre elles, qu'elles ont un tigre dans le moteur...
On suit plus particulièrement l'évolution de Nora, une timide femme au foyer qui doit se fader un beau-père acariâtre, deux fils égocentriques et un mari gentil mais très sensible au qu'en-dira-t-on. L'une des scènes du début la montre pédalant à vélo, dans l'un des rares moments de totale liberté dont elle jouit. Le déclic est la révolte de sa nièce, dont Nora ne supporte pas la répression. Dans le même temps, elle suit les débats sur le référendum portant sur le droit de vote... et elle se dit qu'elle pourrait reprendre un travail.
Cela fait beaucoup pour son mari Hans, un beau garçon maladroit qui ne l'a jamais fait jouir. Travailleur consciencieux, il est sur le point de bénéficier d'une promotion dans la scierie dirigée par une vieille bique ultraconservatrice. Son départ pour le service militaire va donner des ailes à Nora... et bouleverser le village.
L'héroïne va trouver des alliées : une retraitée à moitié sénile mais audacieuse, une restauratrice d'origine italienne de moeurs très libres et même sa belle-soeur, lassée d'un mari décevant.
Cela donne un ensemble instructif et très plaisant, toujours d'actualité à une époque où l'obscurantisme est loin d'avoir disparu.
lundi, 27 novembre 2017
France Inter dans l'Aveyron
Cette semaine est diffusée la série d'émissions du Jeu des 1000 euros enregistrée il y a quelques semaines dans le nord du département. Cela a commencé aujourd'hui à Mur-de-Barrez avec des candidats brillants, l'un entre eux portant le nom Lafortune... de bon augure !
Auparavant, l'émission Carnets de campagne s'est intéressée au sud du département (Saint-Jean-d'Alcapiès et Saint-Affrique). On peut juste regretter que Philippe Bertrand ait présenté Villefranche-de-Rouergue comme la deuxième plus importante ville du département (après Rodez)... Les Millavois ont dû bondir de leur siège !
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dimanche, 26 novembre 2017
Le Pérail sur France Info
Cet après-midi, j'étais en train de me livrer à l'exaltante activité qui consiste à repasser du linge lorsque j'ai entendu, sur la radio publique d'information, un sujet consacré au fromage aveyronnais.
J'ai posé le fer, lâché le linge et monté le son. Dans un premier temps, je me suis réjoui qu'une radio nationale évoque ce produit de la gastronomie aveyronnaise. Mais j'ai fini par tiquer devant quelques approximations. Elles concernent principalement l'obtention des labels AOC (au niveau français) et AOP (au niveau européen). Le journaliste les considérait comme acquises (et même depuis 2015 pour l'AOC), ce qui, sauf erreur de ma part, n'est pas (encore) le cas.
Sur le site de l'INAO, on peut télécharger le dossier du projet d'AOP. Il était soumis à consultation publique jusqu'en mai dernier. Depuis, on n'a pas de nouvelles officielles, même si les promoteurs avaient l'espoir d'aboutir pour le Salon de l'agriculture 2018.
Une incertitude demeure aussi concernant l'aire géographique (la zone de collecte du lait, qui induit la localisation des élevages de brebis laitières). Sur le site créé par les promoteurs du Pérail figure une zone très étendue :
Elle ressemble bigrement à une autre aire géographique, celle de l'AOP Roquefort, qui s'étend elle aussi sur six départements (principalement l'Aveyron, le Tarn et la Lozère, avec une portion du Gard, de l'Hérault et de l'Aude) :
A l'origine, cela pouvait paraître cohérent : les animaux élevés sont les mêmes (des brebis Lacaune), la région agricole aussi (les grands causses du sud du Massif Central). Mais, dans le dossier proposé à consultation par l'INAO, la zone est plus restreinte :
Les portions héraultaise et tarnaise sont plus petites, et l'Aude a disparu de la carte.
Je termine par une autre approximation. Dans le reportage de France Info, une confusion (très répandue) est faite entre le Pérail, fromage au lait cru, et Lou Pérac, une marque de Lactalis (qui possède aussi Société), mais une marque d'un fromage (industriel) au lait... pasteurisé. Ce n'est pas du tout pareil !
Je pense d'ailleurs que, derrière la démarche des éleveurs pour obtenir l'AOP, il y a la volonté de s'émanciper de l'influence de Lactalis-Société, qui domine la production de Roquefort, mais ne valorise pas suffisamment ce délicieux fromage au lait cru, selon certains éleveurs. Du coup, un petit groupe d'irréductibles (au départ) a voulu créer un nouveau produit et obtenir pour celui-ci un label qui permette d'éviter la confusion avec la marque du grand groupe. Ce projet semble sur le point d'aboutir, mais la radio publique est peut-être allée un trop peu vite en chemin.
22:40 Publié dans Aveyron, mon amour, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, presse, médias, journalisme
Thelma
Visible à Rodez en version française comme en version originale, ce film fantastique nous vient de Norvège. Il débute de manière assez classique, par une scène issue du passé : un père emmène sa fille à la chasse. Rien n'est dit, tout est suggéré, mais l'on comprend que, lorsqu'une biche surgit devant les personnages, la gamine aimerait bien que son père ne la tue pas. Je vous laisse deviner comment cette enfant "un peu spéciale" lui fait comprendre qu'il ne devrait pas tirer...
On retrouve Thelma des années plus tard. La petite fille de la campagne est devenue un joli brin de femme, étudiante dans une grande ville où elle a du mal à s'intégrer. Le réalisateur Joachim Trier part d'une vie quotidienne anodine pour suggérer que le feu couve sous la glace.
Thelma a été élevée par des parents très croyants. Elle a été surprotégée. Du coup, elle apparaît un peu coincée à ses camarades de fac : elle est timide, ne boit pas d'alcool, ne sort pratiquement pas le soir et, quand elle s'exprime, a des opinions qui tranchent par rapport à ses camarades. Chaque jour, elle a au moins l'un de ses parents au téléphone. Ce n'est que plus tard que l'on comprend que la jeune femme a un secret, que connaissent ses parents. Les dialogues entre eux sont donc à double sens, suffisamment bien écrits pour que la posture des parents chrétiens hyper-protecteurs tienne la route.
Cette deuxième partie un peu languissante voit Thelma se faire une amie, étudiante comme elle. Leur relation prend un tour inattendu, le tout filmé avec beaucoup de sensualité.
Evidemment, cela va finir par déraper. Le passé enfoui ressurgit, déteignant sur le présent. Le fantastique (ou le surnaturel) prend de plus en plus de place, sans que le réalisateur ait besoin de recourir à une tonne d'effets spéciaux. En gros, seules trois scènes (une dans une clinique, une chez l'amie de Thelma et une sur le lac) ont nécessité des retouches numériques. Les autres suscitent le trouble voire la crainte grâce au jeu des acteurs, à la mise en scène et au montage.
Le seul défaut du film est sa longueur. Je ne me suis jamais ennuyé, mais j'ai trouvé que, de temps en temps, on aurait pu accélérer le rythme. Notons toutefois qu'il se termine de manière surprenante, pas du tout "à l'américaine". Gageons qu'Hollywood va récupérer le scénario pour en produire une version plus conforme aux canons en vigueur outre-Atlantique.
11:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 25 novembre 2017
Detroit
Kathryn Bigelow (la réalisatrice très inspirée de Démineurs et Zero Dark Thirty) s'est penchée sur les émeutes de 1967, dans ce qui était alors la capitale de l'automobile américaine. Le film met principalement en scène les tensions entre (certains) Noirs et (certains) Blancs, alors que la ségrégation venait à peine d'être supprimée.
C'est une nouvelle fiction à caractère documentaire. La réalisatrice essaie de reconstituer ce qui s'est passé cette nuit-là, quasiment en temps réel, en suivant au plus près les principaux personnages, interprétés par des acteurs criants de vérité. Parmi ceux-ci, on reconnaît John Boyega (vu dans Le Réveil de la Force et The Circle) et Will Poulter (vu dans The Revenant).
On sent que le film est à la fois très écrit et nourri par une part d'improvisation. C'est vraiment très bien foutu. Bigelow filme Detroit comme une ville en guerre du Moyen-Orient. Et que dire de la montée de tension qu'elle instaure, au point de rendre étouffantes certaines scènes en apparence anodines.
Trois catégories de forces de l'ordre sont intervenues cette nuit-là : les militaires de la Garde nationale, des policiers de l'Etat de Michigan et ceux de la ville de Detroit, qui font plus penser à une milice désorganisée qu'à des défenseurs de la loi. C'est d'eux que vont surgir les dérapages.
En même temps, Bigelow ressuscite une époque, celle d'un furieux appétit de liberté de la part d'une partie de la jeunesse, sur fond de musique Black.
La limite du film est le décalage que j'ai ressenti par rapport à quasiment tous les personnages. Qu'ils soient des "bons", des "méchants" ou des "neutres", je n'ai pu m'identifier à aucun d'eux. Ils me sont apparus bouffis de préjugés ou lâches ou terriblement immatures. Alors que la mise en scène a pour but de nous immerger au coeur de l'intrigue, je suis resté un peu étranger à la représentation de cette flagrante injustice, pourtant très bien filmée.
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mercredi, 22 novembre 2017
Justice League
DC Comics essaie de la jouer comme Marvel, en lançant une série de films de super-héros liés les uns aux autres. Voilà pourquoi celui-ci contient des allusions à Man of Steel et Batman vs Superman. Cependant, cela ne débute pas sous les meilleurs auspices. Je ne sais pas si c'est la version française qui pêche, mais, franchement, la plupart des dialogues sont à chier... et j'ai vraiment du mal avec la groooossse voix dont on a affublé Ben Affleck (décidément pas le meilleur Batman).
Heureusement, à intervalle régulier, des traits d'humour viennent égayer l'intrigue, sans toutefois que cela soit aussi désopilant que dans le récent Thor : Ragnarok. L'une de ces saillies figure d'ailleurs dans la bande-annonce, à l'intérieur d'un dialogue entre Batman et un petit nouveau :
- Et vous, c'est quoi votre super-pouvoir ?
- Je suis riche.
De manière générale, tout ce qui tourne autour de Flash (Ezra Miller, très bien) est réussi. J'ai beaucoup apprécié ce personnage de djeunse maladroit et blagueur, qui n'est pas sans rappeler le Vif-Argent des X-Men.
L'humour est aussi de sortie à l'occasion de la résurrection d'un autre super-héros, dans une scène où celui-ci dialogue avec sa petite amie :
- Ça fait quoi d'être entre quatre planches ?
- Ça gratte.
[...]
- Tu sens bon !
- C'était pas le cas avant ?
Enfin, plus loin, au cours d'une baston, deux des valeureux combattants de la liberté échangent des propos de la plus haute intensité :
- Mais t'es dingue !
- C'est pas moi qui suis venu avec une grosse fourchette.
On retrouve un peu l'ambiance de 300 - La Naissance d'un empire, scénarisé par Zack Snyder, qui est ici derrière la caméra. Voilà pourquoi celle-ci s'attarde autant sur ces corps masculins bodybuildés (sacré Zack !), les personnages féminins étant nettement moins bien mis en valeur... à l'exception peut-être de Wonder Woman, qui a le charme et l'énergie de Gal Gadot, pourtant pas gâtée par son costume.
Ses congénères amazones sont d'ailleurs au cœur de la première séquence emballante du film, lorsque leur île est attaquée par Steppenwolf, un méchant très très vilain (et costaud). Il faut reconnaître que Snyder sait y faire côté baston. Il est servi par de très beaux décors et des effets spéciaux qui en jettent.
Bref, au bout d'un moment, on se fiche un peu du pourquoi et du comment et l'on digère agréablement, confortablement installé dans une grande salle.
22:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
L'outrage au drapeau
Cette question est au coeur de l'une des affaires qui sert de support à l'intrigue d'un épisode de la série Blue Bloods. En ce moment, le mardi, la chaîne W9 a cessé de se contenter des resucées pour diffuser la saison 6 (inédite sur la TNT). L'épisode 10 nous fait suivre comme d'habitude plusieurs membres de la famille Reagan (d'ardents patriotes d'origine irlandaise, à l'honnêteté chevillée au corps). Le plus jeune, Jamie, s'attache à une adolescente dont le père a été abattu par un policier. Son frère Danny (policier lui aussi) et sa soeur Erin (assistante du procureur) sont préoccupés par la possible libération d'un tueur condamné sur la base de preuves frauduleuses.
Mais c'est l'affaire traitée par le père Frank (incarné par Tom Selleck) qui a retenu mon attention. Celui-ci, en tant que chef de la police de New York, est amené à se prononcer sur l'organisation d'une manifestation anti-guerre, au cours de laquelle le drapeau des Etats-Unis pourrait être brûlé en public. A la surprise peut-être de certains spectateurs, aux Etats-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression (pour le meilleur comme pour le pire, d'ailleurs), est invoqué par le "commissioner" pour autoriser la manifestation, en dépit de ses sentiments personnels. C'est parfaitement conforme à la jurisprudence états-unienne, en dépit de récentes velléités d'élus républicains ultra-conservateurs.
Et en France ? Avant 2003, s'en prendre au drapeau français était mal vu, mais pas réprimé par la loi. Cette année-là a été introduit dans notre code pénal l'article 433-5-1, qui sanctionne l'outrage au drapeau, dans certaines circonstances. Il a été complété en 2010 par un décret, qui a connu sa première application en juillet de la même année.
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mardi, 21 novembre 2017
Carbone
Olivier Marchal signe un nouveau polar, dont l'intrigue s'inspire de l'affaire la fraude à la TVA sur les quotas de carbone. En août dernier, Le Monde a consacré une excellente série de papiers à cette arnaque tarabiscotée, qui a sombré dans le macabre.
Par précaution et peut-être aussi pour mieux gérer la tension dramatique, les scénaristes se sont parfois un peu éloignés de l'histoire. Ainsi, le personnage principal, incarné par Benoît Magimel (correct, mais pas transcendant), est un mélange d'Arnaud et de Fabrice (pour ceux qui connaissent l'affaire). On a de plus rendu son personnage plus sympathique que dans la réalité... sinon il n'y aurait pas eu de film : les spectateurs lambdas n'auraient pas pu s'identifier à des escrocs minables et des salauds sans scrupule.
Le début est un peu lourd, avec l'insistance mise sur ce courageux chef de PME que le fisc emmerde et qui, de surcroît, doit supporter la morgue de son richissime beau-père (Depardieu, potable). Les meilleures scènes surviennent quand il se retrouve avec ses potes, très bien interprétés. Parmi eux, je distingue Mickaël Youn et surtout Idir Chender, qui incarne le mec immature, qui ne va pas parvenir à gérer la pression et à qui le succès va faire perdre les pédales. Il est vraiment très convaincant. Signalons aussi la composition de Dany en matrone juive. Laura Smet n'est pas mal non plus en compagne du vainqueur du jour.
Le principe de l'arnaque est expliqué sans trop de détails. Le but n'est pas de créer une fiction à caractère documentaire. Marchal veut manier la pâte humaine, à l'américaine, et brosser le tableau de l'ascension et de la chute d'une bande de potes. Au passage, il se vautre un peu dans la représentation du luxe ostentatoire (musique assourdissante, filles affriolantes, sexe, drogue, alcool, grosses voitures et montres rutilantes). Mais, comme c'est filmé avec style, ça passe. La tension monte efficacement, notamment à partir du moment où des truands patentés vont vouloir prendre leur part du gâteau... voire celle des autres.
Le fait que cette arnaque ait été mise en oeuvre par des minorités (et que Marchal n'ait pas cherché à atténuer cet aspect communautaire) a gêné certains critiques (notamment celui du Monde). Oui les premiers arnaqueurs étaient presque tous des juifs du Sentier, oui leurs associés étaient des trafiquants maghrébins et oui les blanchisseurs de l'argent sale étaient d'origine chinoise. Et alors ?
On peut très bien s'émanciper du contexte et se contenter de savourer un film d'action efficace, comme le cinéma français en propose peu.
20:59 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
lundi, 20 novembre 2017
Une vacherie du Salon de l'agriculture
Une fois n'est pas coutume, hier, le quotidien aveyronnais a poussé un petit coup de gueule contre la manière dont la toute nouvelle notoriété de Haute (la vache Aubrac égérie du Salon de l'agriculture 2018) est gérée :
Quand je pense qu'une agence de com' est chargée de l'image de Haute... Si cela se passe comme avec Fine l'an dernier, notre vache aveyronnaise devrait tenir un compte twitter... ou quand l'apparence et le clinquant priment sur le contenu.
Sur la même page du journal, on peut lire un vrai faux entretien avec la vache Aubrac, qui se reconnaît comme principal défaut une "tendance à ruminer un peu trop souvent" ! Presque tout l'article est du même tonneau, vraiment drôle.
Le tout est complété par un dessin de Z'lex, qui ironise sur le statut de vedette de Haute :
Notons que le dessinateur officie aussi dans La Volonté Paysanne, où il lui est déjà arrivé (notamment en 2014) de caricaturer la plus célèbre bête à cornes aveyronnaise :
17:11 Publié dans Aveyron, mon amour, Presse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : actualité, france, presse, médias, journalisme, société
dimanche, 19 novembre 2017
Borg/McEnroe
Au tournant des années 1970-1980, la rivalité entre ces deux joueurs de tennis a contribué à augmenter l'intérêt du public pour ce sport, de mieux en mieux servi par la télévision. Cette fiction à caractère documentaire est une véritable tranche de vie, une sorte de coupe géologique d'une époque, au coeur de laquelle se trouve le tournoi masculin de Wimbledon, en 1980. Le réalisateur est Janus Metz Pedersen, auquel on doit un très bon documentaire (sorti en 2010), Armadillo.
Sans surprise, le début insiste sur ce qui oppose les deux hommes. John McEnroe (Shia LaBeouf, pas mal) est le jeune qui monte. Il a du tempérament (trop, disent certains), aime le rock'n'roll et déploie un tennis d'attaque qui en fait un adversaire très dangereux sur surface rapide. Il gagne déjà assez bien sa vie, mais ne peut pas (encore) se permettre de vivre dans le grand luxe. Il n'est pas très populaire en dehors des Etats-Unis.
Au contraire, Björn Borg, la vedette du moment, fréquente les palaces, est l'objet de l'adulation des foules, en particulier les jeunes femmes et les fans de tennis. Il est calme, poli, intraitable sur le court, mais sans émotion apparente, jouant un tennis moins flamboyant que son jeune adversaire... mais diablement efficace. Il est incarné par Sverrir Gudnason, la révélation de ce film : j'ai vraiment eu l'impression de me retrouver face à la réincarnation du champion suédois.
En lisant ce qui précède, les plus jeunes seront tentés de faire le rapprochement avec la rivalité Nadal-Federer. Mais, dans ce cas précis, c'est le joueur de fond de court (l'Espagnol) qui est explosif, l'attaquant (le Suisse) étant doté d'un tempérament plus flegmatique, ce qui (en plus de son jeu très agréable à regarder) lui a d'ailleurs valu les faveurs du public de Wimbledon.
Le film gagne en épaisseur quand il dépasse l'opposition apparente, pour montrer ce qui rapproche les deux joueurs. Comme c'est une production suédoise, c'est la jeunesse de Borg qui est le plus montrée (et la finale de 1980, plutôt que celle de 1981). Les fans de tennis seront peut-être surpris d'apprendre que, dans son enfance et au début de son adolescence, Björn Borg était un gamin très expansif, hargneux, dont le caractère fougueux a failli torpiller la carrière tennistique. De surcroît, c'était un amateur de hockey sur glace, une pratique qui lui a servi dans le tennis, mais qui n'a pas contribué à en faire un type calme. L'un des enjeux de l'intrigue est de nous montrer comment il a changé, comment il a été façonné par son mentor. Des années plus tard, en dépit des apparences, il se reconnaît un peu en McEnroe.
Celui-ci est issu d'une famille aisée, mais qui ne tient pas le tennis en très haute estime. Le père a semble-t-il des ambitions scientifiques pour son fils, auquel il fait travailler le calcul mental et les échecs. Lorsque le jeune John se prend de passion pour le tennis, les médias commencent à parler d'un prodige suédois dont les photographies vont orner la chambre de l'Américain : Borg.
Le film montre bien que, pour réussir au plus haut niveau, les deux jeunes hommes ont dû "se battre contre". Pour eux, le tennis n'est pas qu'un sport, un moyen de rencontrer des filles ou de (bien) gagner sa vie : c'est une question de survie, au moins pendant l'adolescence et le début de l'âge adulte. On comprend mieux les sacrifices que chacun a dû faire.
Incidemment, l'histoire pointe du doigt les dérives de ce sport-spectacle, avec l'arrivée massive de l'argent des sponsors et le poison de la presse de caniveau (mais la grande, la respectable, n'est pas gâtée non plus par le film). Les "partenaires commerciaux" des joueurs les poussent à disputer de juteux matchs-exhibition, sans se soucier du contexte politique. A la longue, c'est épuisant et cela a sans doute contribué à écourter la carrière de Borg, qui n'a vécu que pour le tennis de 15 à 25 ans et qui n'a sans doute pas supporté de risquer de ne devenir que le numéro 2 ou 3 mondial.
Sur le plan de la réalisation, on peut signaler la qualité des échanges de tennis mis en scène (à Wimbledon), malgré leur brièveté. Alors que, comme dans le football, la représentation de ce spectacle a atteint aujourd'hui un haut degré de savoir-faire (sur le plan technique), ce modeste film de fiction réussit à rendre compte du mouvement et de la tension créés par un match. Il mérite vraiment le détour.
10:39 Publié dans Cinéma, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 17 novembre 2017
Phagocytose cinématographique
Hier après-midi, quand la nouvelle est tombée, en Aveyron, elle a fait l'effet d'un coup de tonnerre : le groupe CGR va absorber son concurrent Cap Cinéma et ainsi devenir provisoirement (en nombre d'établissements, pas en nombre d'écrans) le premier exploitant de salles de France.
Immédiatement une foule de questions se pose. Les multiplexes (tel celui de Rodez, inauguré en 2013) vont-ils changer de nom ? La programmation va-t-elle subir le contrecoup de cette sorte de fusion-acquisition ? On peut nourrir quelques inquiétudes quand on se souvient de la médiocrité de l'offre cinématographique des salles d'Albi, quand CGR gérait le Lapérouse et le Tivoli. (Pour nos amis tarnais, c'est donc une sorte de retour aux sources, puisque les cinémas albigeois, récemment passés des mains de Cinémovida à celles de Cap Cinéma, étaient auparavant sous l'étendard CGR. Ce groupe n'aura toutefois pas eu à financer la modernisation des salles albigeoises, ni la construction et l'aménagement du complexe des Cordeliers...)
Notons que Philippe Dejust, le PDG de Cap Cinéma, n'a pas vendu l'intégralité des établissements de son groupe. De nombreux médias ont cité le nombre de 22 sur 24, ce qui a suscité quelques inquiétudes, notamment à Beaune, en Côte-d'Or. CGR aurait-il refusé d'acquérir quelques "canards boiteux", qui se retrouveraient désormais isolés, sans l'appui d'un grand groupe ? En réalité, Philippe Dejust a voulu conserver ses "petits bébés", les cinémas de Blois.
Enfin, l'analyse des emplacements des cinémas des deux groupes (en noir ceux de CGR, en rouge ceux de Cap Cinéma) débouche sur une conclusion aussi surprenante qu'évidente : ils sont très complémentaires :
En aucun lieu Cap Cinéma et CGR ne sont véritablement concurrents. C'est dans l'agglomération parisienne que leurs établissements respectifs sont les plus proches. Mais, dans ce cas, la clientèle est tellement abondante qu'il serait malhonnête d'affirmer qu'ils se gênent mutuellement. Finalement, ce rapprochement pourrait s'avérer fructueux. Tout dépend de la manière dont la fusion va être gérée.
mercredi, 15 novembre 2017
Cocori... meuh !
Les spéculations allaient bon train. Depuis que l'on avait su que la figure emblématique du prochain Salon de l'agriculture serait une vache Aubrac, tout le monde se demandait quel élevage allait être distingué par le choix de l'animal (forcément photogénique).
La logique voulait que la vache soit choisie dans le bassin d'origine de la race, à savoir la région naturelle se trouvant à cheval sur les départements de l'Aveyron, du Cantal et de la Lozère. Certes, depuis une dizaine d'années, on voit ces ravissantes bêtes à cornes dans un nombre croissant de départements français (et même à l'étranger), mais il ne pouvait être question d'ignorer le berceau de la race.
En Aveyron, il était non moins évident que c'était une bête locale qui devait être désignée. Même si les liens sont forts avec les voisins cantaliens et lozériens, il apparaissait logique qu'hommage soit rendu au travail de fond fourni d'abord sur le versant rouergat. Un jour, peut-être, on saura quels trésors de lobbying la mafia communauté des Aveyronnais de Paris a déployés pour soutenir une candidate issue de la Mère Patrie.
Enfin, aujourd'hui, la décision est tombée : l'heureux élu est un GAEC situé sur la commune de Curières, voisine de Laguiole, frontalière du Cantal... et quasi-frontalière de la Lozère !
Comme quoi, le hasard fait bien les choses ! Il le fait d'autant mieux que cette exploitation agricole est gérée par un couple de trentenaires, un beau symbole pour une agriculture en quête de renouvellement.
Quant à la vache, elle s'appelle Haute, un nom tout à fait adapté à cette zone de montagne.
19:45 Publié dans Aveyron, mon amour, Presse, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, presse, médias, journalisme, gastronomie, france, terroir
lundi, 13 novembre 2017
Zombillénium
C'est l'adaptation de la bande dessinée d'Arthur de Pins (par lui-même, entre autres). Dès 2010, pour la sortie du tome 1, une courte vidéo avait été mise en ligne sur Youtube. Plus récemment, les personnages de l'histoire ont été mêlés aux membres du groupe Skip The Use, dans le clip (très sympa) illustrant la chanson Nameless World.
Le style des dessins est assez original, avec un grand soin apporté à leur animation. Alors que nombre de productions numériques se contentent de mouvements hachés, manquant de fluidité, ici, le résultat est vraiment remarquable, avec de surcroît un bon sens du rythme. C'est en partie lié à la musique, qui mélange le rock et un ersatz de classique usuel dans les films d'action.
Ceux qui connaissent rien à cet univers seront parfaitement mis dans le coup par le générique de début, qui raconte à lui seul tout une histoire. On comprend très vite que derrière l'humour noir (lié à la mort et aux monstres) se cache une virulente critique sociale, que je laisse à chacun le plaisir de découvrir. (Ce n'est pas pour rien qu'une des musiques d'accompagnement s'inspire d'une célèbre chanson de Pierre Bachelet...)
Très vite, on découvre une galerie de personnage hauts en couleur : un loup-garou menaçant, une sorcière (horriblement gothique et sexy), une momie farceuse, un squelette syndicaliste, des zombis maladroits, un patron vampire... et des humains, notamment un père de famille carriériste, qui s'occupe trop peu de sa fille, malgré le décès de la mère de celle-ci.
Le bureaucrate va se retrouver piégé dans le parc d'attraction devenu le repaire de divers monstres, dont les vampires tentent de prendre le contrôle, sous la houlette d'un beau gosse infatué qui a les traits d'un héros de Twilight ! C'est l'occasion de préciser que les scènes regorgent de clins d'oeil, à des vedettes du "chaud bise", à des films de fiction... et aux travers de nos contemporains. J'ai particulièrement aimé la propension des visiteurs du parc à se prendre en photographie à n'importe quelle occasion.
Attention toutefois : il y a des méchants dans l'histoire, au premier rang desquels figure le Diable, qui communique avec ses subordonnés (et sa fille en stage) par visioconférence sulfureuse... Il peut s'appuyer sur quelques créatures maléfiques, comme ce terrible chien à trois têtes, qui, dans une scène hilarante, va finir par trouver son maître...
C'est vraiment drôle, entraînant et porteur de sens. Les (pas trop) petits rigoleront de bon coeur et les grands passeront un bon moment.
18:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 12 novembre 2017
Un simple oubli ?
Ce ne sont que quelques lignes, perdues dans l'un des nombreux articles du Canard enchaîné paru mercredi dernier (en page 2). Que disent-elles ? Que certain-e-s député-e-s récemment élu-e-s ont eu besoin de retoucher leur déclaration d'intérêts et d'activités, accessible sur le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (l'une des bonnes réformes de la présidence Hollande).
Pourquoi donc ? Eh bien, ces élu-e-s de la République ont négligé d'indiquer la profession qu'ils-elles exerçaient avant de devenir député-e-s, ce qui est pourtant une obligation, à laquelle est consacré le premier paragraphe de cette déclaration :
J'ai pris l'exemple d'une députée aveyronnaise, Anne Blanc, infirmière de son état, dont la fiche n'a pas été mise à jour à l'heure où j'écris ces lignes. (Nul doute que la rectification ne saurait tarder.) Le plus cocasse est que sur la page Facebook de LREM figure une publication remontant à mai dernier, présentant la candidate aux législatives comme une infirmière :
On va me dire que ce ne sont là que des peccadilles en comparaison du comportement de certains rentiers de la République. Certes, mais, à la fin du printemps dernier, un grand mouvement de "dégagisme" a bénéficié à de nombreux candidats LREM. Il ne faudrait pas qu'ils oublient que, désormais, les électeurs ne supportent plus les petits (et grands) accommodements de leurs élus.
L'autre intérêt de la lecture des déclarations est de pouvoir estimer le revenu total que leur procurent leurs différents mandats. (Là encore, merci Hollande pour la loi sur le non-cumul.) Ainsi en 2016, lorsque Mme Blanc était maire de Naucelle, présidente de la communauté de communes et conseillère départementale, elle touchait environ 5 500 euros bruts par mois (presque 1 900 en tant que maire, un peu moins de 1 600 de la communauté et 2 100 du Conseil départemental). La question qui se pose est : s'y ajoutait-il un revenu au titre d'infirmière ? Si oui, comment trouvait-elle le temps de tout faire ?
19:49 Publié dans Politique, Politique aveyronnaise, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, actualité, presse, médias, journalisme
samedi, 11 novembre 2017
Brooklyn Yiddish
Cette courte (1h20 environ) fiction américaine fera découvrir à certains spectateurs la communauté hassidique new-yorkaise, plus précisément celle (originaire d'Europe orientale) parlant le yiddish, ce mélange d'allemand et d'hébreu dont on a pu entendre quelques phrases ces dernières années dans des films aussi différents que A serious man, Sous la ville, L'Antiquaire, l'excellent Fils de Saul et, l'an dernier, Les Enfants de la chance. A ce sujet, on remarque qu'à certaines occasions, le yiddish se mâtine d'anglo-américain et l'on reconnaît des mots comme homework, business, telephone ou job.
Le héros Menashe est incarné par un acteur qui a vécu à peu près la même histoire : son épouse est décédée et on lui a retiré la garde de son fils. C'est une sorte de loser juif, maladroit, gaffeur, un peu obèse et pas d'une hygiène irréprochable. Mais c'est un chic type, qui tente de s'en sortir avec ses moyens et de vivre sa vie de père avec son gamin, sur lequel la belle-famille a mis la main. Au-delà du caractère communautaire de l'arrière-plan, c'est un sujet universel.
Le film nous fait découvrir la communauté hassidique, excessivement pieuse... et assez réac. Les croyants en sont à se disputer à qui sera le plus fidèle à la Torah. Au début, on voit le héros se montrer très pointilleux quant à l'alimentation casher et l'observation du shabbat (devant ses coreligionnaires)... avant de se retrouver, plus tard, en difficulté face à son beau-frère hyper-rigoriste.
L'histoire réserve aussi quelques moments poétiques, en particulier autour du poussin recueilli par le héros et qui va servir de lien avec son fils. Au départ, je trouvais cela un peu bateau, mais les scènes suivantes m'ont convaincu, tant elles sont réussies.
Même si le ton n'est pas franchement à la comédie, on rit assez souvent, notamment des erreurs de Menashe... mais aussi de certaines situations. Je pense en particulier à une cérémonie commémorative, autour d'un déjeuner principalement constitué d'un kugel affreusement brûlé... et arrosé de vodka.
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vendredi, 10 novembre 2017
Dans un recoin de ce monde
Ce film d'animation japonais est l'oeuvre de Sunao Katabushi, qui a auparavant travaillé pour des studios prestigieux. Ici, il adapte le manga éponyme, créé par une dessinatrice née à Hiroshima, Fumiyo Kono. La particularité de cette histoire est que l'héroïne est une jeune femme d'Hiroshima, douée pour le dessin et dont nous allons suivre la vie dans les années 1930-1940.
Au départ, j'ai trouvé le dessin un peu naïf et pas particulièrement brillant. C'était trompeur. Certaines scènes voient le brio de l'auteur éclater, comme quand il montre l'héroïne en train de dessiner. Sous nos yeux, l'animation prend forme, avec une précision déconcertante. Superbes aussi sont les scènes décrivant la manière dont l'observation de la nature inspire la jeune dessinatrice.
L'intrigue nous conduit à suivre l'histoire japonaise à travers le regard de l'adolescente qui devient femme. Elle est bientôt mariée (sans qu'on lui demande trop son avis) au fils d'une famille de Kure, une grande ville proche d'Hiroshima et qui constitue la principale base navale de la mer Intérieure.
La militarisation du Japon et son entrée en guerre (d'abord contre la Chine, puis contre les Etats-Unis) nous sont montrées par les yeux d'une épouse soumise et travailleuse... qui ne renonce pas toutefois à son passe-temps artistique, d'autant plus que l'époux qu'on lui a choisi se révèle un type attentionné. Délicates sont les scènes qui évoquent l'intimité du couple.
Avec le reste de la belle-famille, les relations ne sont pas toujours faciles, d'autant qu'avec la guerre, la population souffre de pénuries grandissantes. La jeune Suzu va faire son apprentissage de femme au foyer, de belle-fille, de belle-soeur et de voisine. Touchante aussi est sa découverte de la grande ville, au cours d'une sortie qui la voit se perdre dans le quartier des prostituées.
C'est donc moins "engagé" que le Gen d'Hiroshima de Keiji Nakazawa. On n'en perçoit pas moins les échos de la politique japonaise (avec l'intrusion de la redoutable Kempetai) et de la guerre, avec notamment les bombardements de la base navale de Kure, la voisine (et industrielle) Hiroshima semblant curieusement préservée.
Vous vous doutez bien que, petit à petit, le film mène les personnages vers le 6 août 1945. L'explosion est filmée de manière indirecte, mais les conséquences elles sont clairement montrées à l'écran. Cela donne certaines des scènes les plus fortes de ce film, qui n'est pas sans rappeler le récent Lumières d'été.
18:51 Publié dans Cinéma, Histoire, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
vendredi, 03 novembre 2017
Opération Casse-noisette 2
Comme le premier volet (sorti il y a trois ans et récemment diffusé sur France 4) m'avait plu, je me suis laissé tenter par la suite des aventures des animaux sauvages en environnement urbain. Dans cet épisode, ils vont devoir affronter un maire cupide, sa fille psychopathe et des sbires violents (mais pas très futés).
Quoi qu'en aient dit certains critiques, l'animation est plutôt de bonne qualité : les mouvements des personnages sont très bien rendus et le pelage des deux écureuils est superbe sur un grand écran. Ce n'est certes pas aussi splendide que les meilleures productions Pixar, mais cela se regarde avec plaisir.
L'intrigue est pétrie de morale. Il y a tout d'abord la condamnation de l'oisiveté des animaux, au début, qui se contentent de satisfaire leurs désirs immédiats en fournissant le moins d'effort possible. L'opiniâtre et charmante Roussette se charge de leur rappeler les vraies valeurs de la vie, celles du travail et de la persévérance. Voilà un message digne d'être entendu par nos chères têtes blondes (brunes, rousses...).
Par certains côtés, c'est un film de gauche, pourfendant le capitalisme sans scrupule, la corruption des politiques et le non-respect de l'environnement. La charge est même très appuyée, les grands méchants de l'histoire étant un rouquin obèse et sa fille, non moins rouquine et déjà bien grasse. J'ai été un peu gêné par cette caricature. Il aurait été plus audacieux (et moins stigmatisant) de camper un duo de vilains plus proche de la réalité, avec par exemple un maire portant beau et une gamine mince et jolie, histoire de montrer que la méchanceté peut se cacher sous des dehors engageants.
La principale nouveauté de cet opus est l'introduction de M. Feng et de sa "petite" communauté, une armée de souris aussi mignonnes qu'impitoyables :
C'est l'occasion de préciser que la coproduction américano-sud-coréenne s'est enrichie d'un partenaire chinois (une boîte de Shanghai), ceci expliquant peut-être cela. Quoi qu'il en soit, l'animation des visages (en particulier des yeux) des personnages est très réussie (même si, depuis la série des Shrek et Le Chat Potté, on est moins surpris).
L'histoire est rythmée, avec de l'action, des rebondissements, de l'humour (les enfants ne comprendront pas forcément les jeux de mots). Ce n'est pas aussi drôle que le premier film, mais j'ai quand même passé un agréable moment.
21:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Y a comme un loup
Aujourd'hui, les quotidiens aveyronnais (notamment Centre Presse et Midi Libre) se sont faits l'écho d'un rapport de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) consacré à l'étude de la compatibilité entre l'élevage ovin extensif et la présence du loup sur les grands causses aveyronnais. L'étude porte sur la majorité du territoire du PNR des Grands Causses, au total 45 communes du sud-est du département :
Précisons qu'au nord de la zone, seule une partie de la commune nouvelle de Sévérac-d'Aveyron est concernée : les anciennes communes de Sévérac-le-Château, Lapanouse et Lavernhe (Buzeins et Recoules-Prévinquières étant exclues).
L'étoile verte est placée sur le territoire de la commune de Saint-Jean-et-Saint-Paul, où se trouve une unité expérimentale de l'INRA, depuis 1965. Entre l'Aveyron et l'institut, c'est donc une longue histoire d'amour... quelque peu perturbée ces dernières années par l'augmentation du nombre d'attaques dont sont victimes les ovins (trois rien qu'en avril dernier), à l'image de ce qui se passe à l'échelon national.
D'après la version intégrale du rapport, à l'intérieur du périmètre d'étude, les attaques d'ovins et de caprins d'élevage (et le nombre de victimes) n'ont cessé de croître, depuis 2014 (date à laquelle la présence du loup en Aveyron est certifiée) :
Notons que les auteurs de l'étude ont eu l'honnêteté de distinguer les types d'attaques. Celles qui sont qualifiées de "loup non écarté" sont celles qui sont attribuées au loup (le contraire étant "loup écarté"). C'est important pour les éleveurs concernés, parce que cela donne droit à des indemnisations. (Mais celles-ci ne compensent pas la perte génétique d'un troupeau issu souvent de dizaines d'années de sélection, sans parler de la souffrance animale, un aspect de la question qui ne semble guère émouvoir les défenseurs acharnés du loup.) Quoi qu'il en soit, tous les types d'attaque sont en augmentation, que les responsables soient des loups, des chiens errants ou divagants. La présence de canis lupus n'est donc pas le seul problème qui se pose aux éleveurs de brebis. C'est l'occasion de rappeler que les maires sont tenus de faire appliquer le code rural, dans ce domaine comme dans les autres. C'est un aspect du problème qui, s'il ne doit pas faire oublier les dégâts provoqués le loup, est curieusement passé sous silence.
J'ai quelque peu modifié l'histogramme du rapport de l'INRA pour permettre la comparaison de deux augmentations, celle du nombre total de victimes (en orange) et celle du nombre de victimes attribuées au loup (en rouge). C'est ce nombre-là qui connaît la plus forte hausse, peut-être parce qu'auparavant, on hésitait davantage à attribuer certaines attaques au loup. Il apparaît aussi que le nombre de victimes par attaque est en augmentation. Ce ne sont pas toutes des bêtes croquées par le prédateur ; dans le lot, on trouve notamment des brebis effrayées par la présence de celui-ci et qui se sont jetées d'un talus ou d'une falaise. (Ne rigolez pas, cela se produit plus fréquemment qu'on ne le pense. Les ovins peuvent rapidement adopter un comportement que nous jugerions irrationnel.)
Les trois quarts des élevages d'ovins présents dans la zone ont fait l'objet de l'étude. Ce sont les plus importants (comptant chacun plus de 100 animaux reproducteurs), représentant au total plus de 98 % du cheptel ovin de la zone. En fonction de leurs caractéristiques, les élevages ont été classés en plusieurs catégories, chacune ayant été soumise à plusieurs scenarii fictifs... mais envisageables (quatre au total).
La première conclusion importante est qu'au niveau des grands causses, une troisième zone (aveyronnaise) de présence permanente du loup est peut-être en train de se former. (Les deux premières se trouvent sur l'Aubrac et dans l'extrême-sud du département.) Dans deux communes (à Millau et Cornus), la présence du loup est considérée comme régulière. (Amis Millavois, ne vous emballez pas, le croqueur de moutons ne rôde pas dans la zone urbaine, mais dans la partie rurale de la Cité du gant, vaste de près de 170 km².) De plus, aucune des communes de la zone d'étude ne peut être considérée comme étant à l'abri d'une attaque de loup :
D'après la carte (ci-dessus) publiée dans la version intégrale du rapport, on s'aperçoit que seules des portions de quelques communes (en bleu) connaissent un risque faible (mais pas inexistant), la majorité du territoire étant soumise à un risque moyen (en orange), l'est du territoire (en brun) étant la zone la plus sensible... et c'est logique, puisque c'est une région limitrophe de la Lozère, département où le loup est encore plus menaçant... surtout quand des personnes mal intentionnées procèdent à un lâchage sauvage. (D'ailleurs, qu'en est-il de l'enquête à propos de cet acte délictuel ?)
La suite de l'étude se concentre sur la viabilité (économique, écologique et sociétale) de l'activité d'élevage selon le type d'exploitation et les mesures prises par les agriculteurs et les autorités. Les deux premiers scenarii sont fondés sur la mise en place d'une protection forte (avec clôtures, filets et chiens), les deux autres sur la minimisation du risque par une tactique de repli... quitte, dans le scenario 4, à sortir de l'AOP Roquefort !
Les chercheurs ont effectué des simulations, aboutissant à une estimation des coûts directs (achat et entretien du matériel, des chiens, emploi de personnel supplémentaire...) et indirects (modification de l'organisation de l'exploitation, augmentation des achats de fourrage, baisse du prix du lait...), en partant du principe qu'on ne touchait pas au loup.
Résultats ? En fonction du scénario adopté, de 25 % à 85 % des exploitations seraient désormais non viables (en incluant les aides publiques !), les scenarii de repli étant les moins "performants" sur le plan économique... avec, de surcroît les plus graves conséquences environnementales et sociétales : la fermeture de pans entiers du paysage et une perte en matière d'attractivité touristique. (Dans ces domaines, les conséquences sont aussi globalement négatives avec les scenarii 1 et 2.)
Cependant, même avec des protections subventionnées, même avec une adaptation de l'élevage, ce sont 25 % à 40 % des exploitations qui ne seraient plus viables. Et encore, l'étude ne mesure pas l'augmentation de la pénibilité professionnelle, ni la perte d'attractivité du métier (déjà incontestable). Cerise sur le gâteau, les chercheurs sont partis du principe que, quel que soit le scénario, les mesures prises permettaient de contenir les attaques de loups...
On en arrive donc à un constat proche de celui que faisait par exemple José Bové dès 2012 (et encore en 2015) : la progression du nombre de loups est incompatible avec le maintien d'un élevage extensif viable dans la région. Il convient donc, non pas d'exterminer, mais de limiter la présence de ce prédateur (dans une zone où il avait complètement disparu depuis 70 à 100 ans, rappelons-le)... sans oublier de lutter contre les dégâts provoqués par les chiens errants ou divagants.
00:32 Publié dans Aveyron, mon amour, Economie, Presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, environnement, société, presse, médias, journalisme
jeudi, 02 novembre 2017
Laissez bronzer les cadavres
Ce film de genre se place visiblement dans la lignée des oeuvres de Sergio Leone, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. On ne s'étonnera donc pas de la profusion de (très) gros plans, de la construction en puzzle ni des retours en arrière. On ne s'offusquera pas non plus que les femmes soient filmées comme des objets sexuels (et incarnées par des actrices au corps sublime), ni que les hommes soient de gros durs mal rasés et/ou d'horribles traîtres (pas mieux rasés).
Dans le lot, les cinéphiles reconnaîtront Bernie Bonvoisin, Marc Barbé et Elina Löwensohn (dont on a entendu la voix l'an dernier dans La Jeune Fille sans mains). ll ne faut cependant pas attendre des miracles des dialogues, pas d'une grande finesse et pas toujours déclamés avec une ardente conviction.
C'est essentiellement une oeuvre visuelle (s'appuyant sur une bande son "morriconienne"), filmée au plus près des corps et des visages. Il y a une volonté évidente de recherche (au-delà de l'hommage). Alors c'est parti pour des angles inhabituels, le contre-jour et un découpage volontairement déstabilisant.
Cela aurait pu constituer un bon film de débutants, fraîchement sortis de l'école de cinéma. Le problème est que les auteurs commencent à avoir de la bouteille. Ils auraient donc pu un peu mieux travailler leur scénario... et faire rejouer certaines scènes.
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mardi, 31 octobre 2017
Thor : Ragnarok
En dépit de tous les efforts déployés par Disney-Marvel pour inciter le public à voir tous les films de l'univers des super-héros (ou à acheter les DVD), il n'est pas nécessaire de s'être tapé l'ensemble des superproductions du genre (loin d'être toutes des réussites d'ailleurs) ni d'avoir des connaissances très fraîches sur leurs intrigues. Il y a juste quelques allusions (notamment au premier Avengers), mais qui n'ont guère d'importance dans le déroulement des péripéties.
Cela commence par une séquence très enlevée, qui montre le héros apparemment en mauvaise posture face à un gros méchant diabolique. Cela va évidemment se conclure par une baston d'enfer, remportée (est-il utile de le préciser ?) par le dieu au marteau. Entre temps, on a pu goûter les pointes d'humour qui donnent toute sa saveur à une histoire un peu trop balisée.
La dérision est d'ailleurs au cœur d'une des séquences suivantes, qui se déroule chez Docteur Strange. (Une scène post-générique du film sorti en 2016 annonçait les prochaines aventures de Thor.) Les dialogues sont bien écrits, mais, dans ce cas, ils sont plus que complétés par un montage facétieux.
Les scènes se déroulant sur Asgard sont moins intéressantes. C'est en général de l'heroic fantasy de base. J'en excepte les interventions de Cate Blanchett, qui a visiblement pris du plaisir à incarner la maléfique (et excitante) Hela. J'ai aussi aimé la scène qui la voit se bâtir une armée, dans les tréfonds du palais. (Les inconditionnels de mythologie scandinave seront définitivement fâchés avec Marvel quand ils découvriront la généalogie de la méchante, complètement farfelue, tout comme celle de Loki d'ailleurs.)
Mais la partie la plus dense de l'intrigue se joue sur une sorte de planète-déchetterie, dirigée par un tyran organisateur de combats de gladiateurs. Jeff Goldblum est très bien et les relations entre Thor et Hulk sont une source appréciable d'effets comiques. Leur affrontement est l'un des plus spectaculaires moments du film. C'est aussi l'occasion de découvrir un autre personnage attachant, celui d'une valkyrie... alcoolique ! (Elle est incarnée par Tessa Thompson, qu'on pu voir dans Selma.)
Évidemment, les personnes qui se disputent vont finir par unir leurs efforts pour vaincre la méchante... et son redoutable animal domestique, hélas peu exploité dans le film. Cela n'en reste pas moins un divertissement plaisant à voir, pas tellement pour les scènes d'action que pour les chamailleries et l'ironie qui émaillent l'intrigue, la plus belle trouvaille scénaristique étant peut-être le moyen grâce auquel les héros vont fuir la planète-déchetterie : un énorme anus ! (Quoi de plus logique pour sortir du trou du cul du monde ?)
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lundi, 30 octobre 2017
Numéro Une
Emmanuelle Devos a été longtemps considérée comme "une actrice Desplechin". Heureusement pour elle, elle est bien plus que cela. C'est sous la direction d'autres metteurs en scène qu'elle a joué ses plus beaux rôles, dans Sur mes lèvres (de Jacques Audiard), Ceux qui restent (d'Anne Le Ny), Le Fils de l'autre (de Lorraine Lévy) et, plus récemment Moka (de Frédéric Mermoud).
Ici, Tonie Marshall lui a confié le personnage d'Emmanuelle Blachey, une cadre supérieure d'une entreprise du secteur de l'énergie (qu'elle contribue à développer dans le secteur des éoliennes), à laquelle on va suggérer de viser plus haut et de briguer le poste de PDG d'une très grosse boîte, Anthéa (un décalque d'Engie ou de Vivendi).
Son style comme son parcours ne sont pas sans rappeler ceux d'Anne Lauvergeon (ancienne PDG d'Areva), même si le film s'ingénie à brouiller les pistes. L'histoire n'est pas inspirée de la vie d'une seule femme. Les témoignages de plusieurs dirigeantes ont été mis à contribution. L'écriture du scénario a aussi bénéficié du renfort d'une journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué, qui connaît bien les arcanes du pouvoir parisien.
C'est d'ailleurs à proximité de celui-ci que se déroule la majeure partie de l'action, que ce soit dans de luxueux immeubles de la capitale ou dans l'une des tours du quartier de la Défense, dont la terrasse constitue le dernier refuge des fumeurs (les cadres sup, la valetaille allant s'en griller une sur l'esplanade, en bas)... et un lieu où s'isoler du reste du monde. De temps à autre, on voit qu'Emmanuelle est un peu seule, comme lorsqu'elle attend ses collègues, dans la salle de réunion où elle est arrivée la première (toujours se montrer meilleure que les autres...) et où elle a le temps d'observer la collection de photographies représentant les cadres dirigeants, tous masculins...
C'est filmé avec soin. L'image est propre, bien léchée, même quand ce qu'elle montre est dégueulasse. C'est un peu à l'image de ce milieu, où les apparences brillantes cachent des appétits sordides... et des manoeuvres plus ou moins légales. C'est que la désignation du nouveau PDG d'Anthéa fait l'objet d'une intense lutte d'influence, dans laquelle (presque) tous les coups sont permis. Les principaux adversaires d'Emmanuelle sont incarnés par Richard Berry et Benjamin Biolay, un beau duo d'enfoirés !
Le film met aussi en valeur la vie intime de l'héroïne. Elle doit gérer l'éducation des enfants, la maladie de son père (un ancien prof de philo de gauche que le CAC 40 ne fait pas vibrer...), sa relation avec son compagnon avocat d'affaires... et ses propres interrogations, comme celles suscitées par la mort d'une inconnue, sur une plage de Deauville. L'ingénieure férue de mandarin, habituée à évoluer dans un monde d'hommes, n'est au départ pas particulièrement féministe. Une série de rencontres (des femmes de pouvoir aux employées d'un chantier de construction d'éoliennes) va la faire changer d'avis.
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dimanche, 29 octobre 2017
Au revoir là-haut
Quatre ans après la sortie de 9 mois ferme, j'attendais avec impatience la nouvelle œuvre d'Albert Dupontel. L'an dernier, on l'a vu jouer dans Les Premiers, les Derniers, mais, là, il a adapté l'excellent roman de Pierre Lemaitre (disponible en collection de poche).
Faut-il avoir lu le roman avant d'aller voir le film ? Non, d'autant plus que Dupontel a opéré plusieurs modifications dans l'intrigue et qu'il en a changé la fin. Ne pas avoir lu le roman laisse le plaisir total de la découverte... mais l'avoir lu avant permet d'en savourer mieux l'originalité.
La première est ce grand retour en arrière, sur lequel est bâtie l'histoire. Il n'existe pas dans le roman, dont la trame suit une chronologie classique des événements. L'arrestation d'Albert Dupontel/Maillard est elle aussi une invention scénaristique. L'intrigue (bien que simplifiée par rapport au roman) étant foisonnante, l'ajout du commentaire de l'un des personnages principaux est apparue nécessaire pour faciliter la compréhension des péripéties par le grand public.
Comme l'action débute pendant la Première guerre mondiale, Dupontel se savait attendu au tournant à propos des scènes de tranchées. Il ne déçoit pas, même si cet épisode fondateur est considérablement allégé : le romancier avait beaucoup développé la psychologie des personnages, un aspect que Dupontel n'a conservé que pour celui qu'il incarne !
Ceci dit, les autres personnages principaux sont servis par des interprètes haut de gamme, certains correspondant parfaitement à l'image que je me faisais d'eux en lisant le roman. C'est le cas pour Niels Arestrup (Marcel Péricourt, le père du défiguré), Albert Dupontel, Héloïse Balster (la Gavroche à laquelle l'artiste ancien combattant va s'attacher) et surtout Laurent Lafitte (le rôle du lieutenant -puis capitaine- Pradelle semblant avoir été écrit pour lui). Nahuel Perez Biscayart est une révélation pour moi, dans le rôle de la "gueule cassée". On peut signaler aussi les excellentes compositions de Mélanie Thierry, de Michel Vuillermoz, de Philippe Uchan et d'Emilie Dequenne. Comme les dialogues sont très bien écrits (un peu moins truculents que dans le roman, toutefois), cela nous vaut d'excellents moments de comédie et quelques morceaux de bravoure, en matière de confrontation d'acteurs.
Quand j'y réfléchis, dans presque toutes les scènes majeures intervient Laurent Lafitte. Il y a sa manière de persécuter les poilus, sa rivalité avec Péricourt/Arestrup et sa relation ambiguë avec la fille de celui-ci, qui débouche sur une scène magistrale, dans la chambre à coucher, se concluant par un plan filmé de derrière le lit, la caméra saisissant l'expression de Pradelle à travers les barreaux.
C'est dire si la réalisation est soignée. Dupontel n'abuse pas des effets de caméra, mais c'est souvent brillant, les plans étant visiblement construits avec une extrême minutie, notamment au niveau des déplacements des personnages. Ajoutez à cela une photographie vraiment superbe et vous obtenez une œuvre ambitieuse sur le plan graphique.
Sur le fond, Dupontel reprend la petite musique antimilitariste du roman, ainsi que la dénonciation des puissants. Il y ajoute une dose d'anticléricalisme, particulièrement sensible lors du séjour d'Edouard à l'hôpital militaire. Albert doit se jouer des religieuses pour parvenir à soulager son camarade de combat.
Ensemble, les deux hommes vont monter une arnaque "héneaurme", autour de la fabrication (fictive) de monuments aux morts, pendant que le désormais capitaine Pradelle s'enrichit de son côté grâce à un autre type de fraude, lié à la création des cimetières militaires. (Historiquement, la première est fausse, alors que la seconde s'inspire de faits réels.)
Pour faire tenir son film en deux heures, Dupontel a dû pratiquer quelques coupes (la plupart judicieuses... j'aurais néanmoins aimé qu'il en laisse davantage sur l'affrontement Pradelle-Péricourt). Les changements qu'il a opérés dans la dernière partie de l'histoire sont sans doute liés aux messages qu'il veut faire passer. Dupontel est un moraliste, ce qui permet de comprendre ce qui arrive à l'un des "méchants"... et pourquoi l'arrestation d'Albert prend un tour très inattendu, à la toute fin.
C'est incontestablement l'un des meilleurs films de l'année.
23:47 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 28 octobre 2017
CoeXister
- Aujourd'hui, pas de guerre, quelle qu'elle soit, pas de film d'animation, pas de film de gangster non plus... et pas de documentaire iranien svp !
- On va voir quoi, alors ?
- Une co-mé-die ! Et basique de préférence.
- Française ?...
- Il y en a de bonnes !
- Je sais bien ! On a vu Le Sens de la fête il n'y a pas longtemps !
- Il y en a d'autres au programme... On va quand même éviter Les Nouvelles Aventures de Cendrillon...
- Ça c'est bon pour tes collègues de boulot, les gros beaufs !
-Tsss... et je ne te sens pas très "chaud" pour L'Ecole buissonnière...
- Celui-là, tu iras le voir avec ta mère !
- Pendant ce temps-là, toi, tu iras voir tout seul un film art et essai ouzbek sur un mendiant borgne qui découvre une caisse à outils dans un hamburger !... Bon, du coup, il ne nous reste plus que... CoeXister, tiens ! Un curé, un imam et un rabbin qui chantent ensemble ! Tu vas a-do-rer !
Et c'est parti pour une séance de cinéma populaire, dans une salle assez bien garnie, de personnes âgées de dix à soixante-dix ans, à peu près.
Je dois dire que le début m'a agréablement surpris. Certes, j'ai toujours un problème avec Fabrice Eboué. Il sait écrire un scénario qui tient à peu près la route, il filme correctement, mais, franchement, il ne joue pas très bien. Il aurait dû embaucher un mec pour tenir le rôle de Nicolas.
Par contre, les gugusses qu'il a recrutés pour former le trio de chanteurs font le boulot avec un bel entrain. Pour moi, le meilleur des trois est Jonathan Cohen (vu l'an dernier dans Papa ou maman 2). Son personnage souffrant de sautes d'humeur assez importantes, il lui a fallu interpréter tantôt le juif dépressif, tantôt le rabbin arrogant, tantôt le type survolté. Il s'en sort très bien. Les deux autres jouent davantage sur leurs acquis. Ramzy fait du Ramzy (en faux imam). Guillaume de Tonquédec incarne de nouveau un mec coincé du cul (le curé). Mais, à travers les trois, Eboué fait passer quelques messages salutaires et se moque (gentiment) des religions. (Au passage, comme je sais que les producteurs français se ruent régulièrement sur ce blog, je leur conseille de dégoter un scénariste qui bâtisse une histoire solide autour d'un tueur en série ou d'un flic torturé, lequel aurait les traits de Guillaume de Tonquédec, un excellent acteur hélas sous-utilisé.)
Le début m'a plu parce qu'il contient une séquence tordante, celle de la découverte des "démos" envoyées par d'apprentis-artistes qui se croient bourrés de talent. On a donc droit à des rappeurs homosexuels très très virils, une lolita vulgaire et un couineur boboïsant, sorte de mélange de Grégoire, Bénabar et Vincent Delerm (vidéos à l'appui). Dans sa voiture, Nicolas écoute la suite, un pot-pourri de ce que l'industrie du disque produit de plus débile... C'est réjouissant, tout comme les auditions qui suivent !
C'est d'autant plus drôle que, lors de cette séquence, on découvre Sabrina, l'assistante du héros, interprétée par Audrey Lamy, qui est sensationnelle. En réalité, c'est elle qui porte le film, avec sa gouaille et son charme... ses gaffes aussi. Dans un rôle complètement différent (la patronne autoritaire et âpre au gain), Mathilde Seigner est elle aussi très bonne.
Evidemment, au début, rien ne marche. Bien que Nicolas et Sabrina pensent avoir trouvé les bons chanteurs, ceux-ci ne s'entendent pas. Au-delà des opinions généreuses que chacun professe, il y a beaucoup de préjugés et des rancoeurs. Eboué en profite pour lancer quelques piques, tout en restant dans le registre de l'humour. Du coup, c'est parfois ambigu, puisque toutes les idées reçues et les propos dégradants ne sont pas explicitement condamnés. Chacun y voit ce qu'il veut y voir. Le film cherche visiblement à ratisser large. Quant aux premières productions du groupe, elles sont nunuches et sans saveur. Le clip vidéo constitue un bon moment de dérision.
La suite semble être un décalque de Stars 80. Cette bande de branquignols va finir par rencontrer le succès, mais à partir du moment où les abcès auront été crevés et où c'est la sincérité qui l'emporte sur le produit fabriqué. Le succès va poser d'autres problèmes, sources de nouveaux gags. Le tout se dirige vers une fin prévisible (avec la formation d'un couple qu'on sent venir à des kilomètres), mais, franchement, j'ai passé un bon moment.
PS
Au niveau du message, j'ai apprécié que Fabrice Eboué ne tombe pas dans le politiquement correct à la mode, à savoir que la tolérance consiste à accepter les différences des autres (y compris celles qui nous paraissent parfois choquantes). C'est l'amour et les plaisirs de la vie qui réunissent les personnes de toutes origines et de toutes opinions (sauf les extrêmes).
22:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Fermeture d'une autre librairie à Rodez
L'année 2017 aura décidément été fatale au commerce de livres en tout genre à Rodez. Après la fermeture de la petite libraire Mot à Mot en mars dernier, c'est au tour de Cubik (ex-Culture BD) d'annoncer la baisse (définitive) du rideau pour le 1er décembre prochain. En quelques mois, c'est un pan de l'histoire économique récente de Rodez qui aura disparu.
Remontons un peu dans le temps. Sur le Piton, depuis des années, c'est la Maison du Livre (numéro 1 sur le plan) qui tient le haut du pavé. Fondée au sortir de la Seconde guerre mondiale, cette librairie (religieuse au départ) a un peu bougé dans la ville, puisque avant de s'installer Passage des Maçons (à la fin des années 1950), elle a été localisée boulevard Denys-Puech puis rue Louis Blanc (où se trouvent aujourd'hui les locaux de La Dépêche du Midi).
En 2008, elle a profité de la récente fermeture du cinéma Le Family (le premier ouvert dans la ville, en 1922, dans les locaux de l'ancien couvent Notre-Dame !) pour récupérer le bâtiment et en faire une annexe dédiée à la papeterie et aux bandes dessinées (numéro 1 bis sur le plan). Il me semble que l'opération a été facilitée par la proximité capitalistique qui a autrefois existé entre les Cinémas de Rodez et la Maison du Livre. (Je crois aussi que le fait de récupérer l'espace du cinéma a permis de rapatrier le stock en centre-ville, alors qu'auparavant, un local était loué du côté du boulevard du 122e RI, à l'intersection de la rue Saint-Michel, tout à gauche du plan ci-dessus.) Voici l'aspect extérieur actuel, comparé à une vue ancienne (datant sans doute du début des années 1920, puisque Le Cheikh, avec Rudolph Valentino, est à l'affiche) :
La Maison du Livre se porte donc bien. Elle serait l'une des principales librairies indépendantes de la région Midi-Languedoc (la deuxième de l'ancienne Midi-Pyrénées)... et, en 2013, elle a racheté un établissement toulousain, Privat (preuve que la ville de Rodez n'est pas la seule où les librairies connaissent des difficultés).
Si l'on remonte dans le temps, on constate que la situation était quelque peu différente à Rodez, il y a une vingtaine d'années. Place de la Cité (dans les locaux d'une actuelle agence de voyages, numéro 2 sur le plan) se trouvait la librairie-papeterie Majuscule, qui a fermé au tout début du XXIe siècle, l'activité papeterie étant relocalisée sous un autre nom, sur le tour de ville, boulevard Ramadier (numéro 2 bis).
Avec la fermeture de Mot à Mot, ouverte rue Saint-Cyrice (numéro 3) au milieu des années 1990, ce sont donc deux concurrents de la Maison du Livre qui ont disparu. Un troisième va bientôt fermer ses portes. En 2001, un jeune homme entreprenant (Rodolphe Cosson) ouvrait la première librairie de bandes dessinées de l'Aveyron, place du Bourg (numéro 4 sur le plan), dans ce qui fut la maison natale du peintre Maurice Bompard (anecdote rappelée par une plaque située au-dessus du magasin).
Je suis un client irrégulier, partageant mes achats avec l'annexe de la Maison du Livre (où je me suis par exemple procuré le dernier album des aventures d'Astérix). L'ouverture de celle-ci, en 2008, a dû porter un coup au chiffre d'affaires de l'ex-Culture BD. (Apparemment, en 2014, le bénéficie ne s'est monté qu'à 4 500 euros....)
Mais je pense que c'est l'essor d'un autre concurrent qui lui a fait le plus de mal (à lui et aux autres) : l'Espace culturel Leclerc. Quand celui-ci a ouvert (lui aussi au tout début du XXIe siècle, me semble-t-il), il était beaucoup plus proche du centre-ville de Rodez, puisqu'il se trouvait entre le carrefour Saint-Eloi et le rond-point Saint-Félix (numéro 5 sur le plan), où il a été remplacé depuis par un "drive" du même groupe. L'emplacement semblait excellent : à proximité immédiate d'une zone à forte circulation, doté d'un parking gratuit (mais vite saturé), bientôt complété par une station d'essence. Là où les patrons de Leclerc ont eu du nez, c'est quand ils ont décidé de déplacer l'Espace culturel sur la zone du Comtal (à Sébazac-Concourès), à proximité de l'hypermarché inauguré en 2006. Ils ont compris qu'une part non négligeable de la clientèle veut se garer le plus près possible des commerces, quitte à faire de la route. Surtout, ne pas marcher !
Quand j'habitais au Faubourg, il m'arrivait de me rendre à l'Espace culturel. Quand il a déménagé, j'ai décidé de réserver mes achats aux librairies du centre-ville. Mais j'aurais peut-être dû me rendre plus souvent chez Cubik. Incontestablement, c'est l'établissement le plus "pointu" en matière de BD sur le Grand Rodez. J'espère que les associés ont trouvé une solution de repli, sur le plan professionnel.
12:59 Publié dans Economie, Livre, Loisirs, Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, livres, bd, bande dessinée, bande-dessinée
vendredi, 27 octobre 2017
Autour de "Blade Runner"
Aux Etats-Unis, la sortie de Blade Runner 2049 été précédée par la mise en ligne de trois courts-métrages évoluant dans l'univers des films, et faisant le lien entre le premier et le deuxième.
L'intrigue de Black Out 2022 se situe trois ans après celle du premier Blade Runner. C'est un film d'animation de Sinichiro Watanabe, un Japonais auquel on doit notamment Cowboy Bebop. On suit les aventures de deux réplicants (un homme et une femme), qui semblent avoir une mission à accomplir :
Ce n'est pas un travail bâclé en vue d'une banale promotion. La réalisation est soignée et l'intrigue donne des éléments permettant de comprendre le changement d'atmosphère sur Terre entre les deux films ainsi que la cause de la disparition des archives numériques. A l'écran, les images sont parfois superbes :
Les deux autres courts-métrages sont signés Luke Scott (l'un des fils de Ridley) et ont la même signature visuelle que le film sorti cette année, dont ils constituent des scènes additionnelles. 2036 : Nexus Dawn met en scène Niander Wallace (interprété, comme dans le film, par Jared Leto). L'entrepreneur rencontre des pontes gouvernementaux, pour tenter de les convaincre de le laisser relancer la production de réplicants.
Enfin, 2048 : Nowhere to run nous présente le personnage clé du début du deuxième film, Sapper Morton, un "vieux" réplicant. On comprend comment il a réussi à survivre dans sa ferme pendant toutes ces années et l'on découvre pourquoi il a fini par être débusqué.
Comme les héros du film d'animation, il cherche à comprendre ce que c'est qu'être humain. A certains égards, il fait d'ailleurs preuve de plus d'humanité que les authentique humains... ce qui va causer sa perte.
12:10 Publié dans Cinéma, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 26 octobre 2017
Rien de tel qu'une mante en terrasse !
Aujourd'hui, j'ai quelque peu bricolé sur ma terrasse. Elle est au calme (elle ne donne pas sur l'une des rues de Rodez), orientée plein sud... et il y circule quantité d'êtres vivants, de l'escargot à l'abeille, en passant par l'araignée, le lézard, la mouche, le moustique, la scolopendre et... le chat ! (Celui-ci a la bonne idée de faire ses besoins dans le jardin... des voisins.)
Ce matin, c'est un autre insecte qui m'a rendu visite, puisque la dame ci-dessous a profité que j'étais occupé dans un coin pour s'approcher doucement de la porte-fenêtre :
Là, elle m'a repéré et s'est ensuite figée comme une brindille. Comme je lui ai gentiment indiqué la direction opposée à ma porte-fenêtre (à l'aide d'un outil de jardin), elle l'a mal pris, se mettant à boxer celui-ci dans le vide, un peu comme un type aux bras trop courts dans une bagarre déséquilibrée.
La voici de nouveau aux aguets. A-t-elle repéré la scolopendre qui a décampé en quatrième vitesse de dessous la porte ? Recherche-t-elle le petit lézard qui fréquente les lieux depuis quelques jours ? En tout cas, elle semble toujours m'en vouloir, puisque, dès que mon ombre lui passe dessus, elle se remet frénétiquement à boxer !
14:20 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, photographie, environnement, nature, biodiversité
Des Rêves sans étoiles
Ce documentaire iranien suit un groupe d'adolescentes et de jeunes femmes, âgées de 15 à 20 ans environ, toutes incarcérées dans une prison spéciale, sorte de refuge carcéral où sont envoyées les jeunes délinquantes et les fugueuses. Il a sans doute été tourné il y a plusieurs années puisque, la seule fois que l'on voit les héroïnes parler politique, elles mentionnent le président Mahmoud Ahmadinejad, en poste de 2005 à 2013.
On commence avec du lourd. La première que l'on voit à l'écran a été mariée de force à 14 ans et a eu son premier enfant à 15. Âgée de 17 ans au moment du tournage, elle n'a pas revu son enfant depuis 7 mois. Elle était sous la tutelle d'un oncle, drogué et trafiquant, qui l'a forcée à participer à son "commerce". Elle n'avait pas de soutien à attendre de sa mère, elle-même droguée, qui n'hésitait pas à battre sa fille... voire à la brûler au réchaud à gaz.
L'histoire de l'une des suivantes (Khatereh) n'est pas plus réjouissante. Elle a été violée par son père (me semble-t-il) et, rejetée par sa famille, s'est retrouvée à la rue, où elle est devenue une voleuse. Lorsqu'elle a été arrêtée, elle menaçait les gens avec une arme à feu, pour leur prendre leur voiture. Il lui est déjà arrivé auparavant de poignarder des personnes... et pourtant, cette jeune femme est lumineuse, malgré son désespoir. Elle fait partie de celles qui considèrent cette prison comme un havre de paix, faute de mieux. Un peu plus tard dans le film, on découvre qu'elle tient un journal intime (dans lequel le père est surnommé "Supplice"...), qu'elle illustre de ses dessins. Elle passe tellement bien à la caméra qu'elle pourrait être actrice. Mais, parfois, quand elle ne voit pas le bout du tunnel, elle craque, comme une enfant.
Toutes ces jeunes femmes sont touchantes, chacune dans son style. Il y a la rebelle, qui ne porte pas le voile, se fout de la religion... et joue la comédie au tribunal. Il y a celle qui a connu une histoire d'amour avec un pauvre type et qui s'empare du micro-perche pour chanter à tue-tête. Il y a plusieurs jeunes mères qui se désespèrent de ne pas revoir leurs enfants. (L'une d'entre elles va gagner le droit de s'occuper de son nourrisson.) Il y a celle qui a tué son père, qui battait sa mère à coups de chaise. Il y a celle qui a fui le domicile familial, après avoir été violée par un oncle (supposé très pieux), le même qui avait abusé de sa sœur aînée. Une autre, droguée sévère, battait sa mère. Quant elles n'ont pas subi de violence dans le cercle familial, les jeunes femmes ont été rejetées par leurs proches, pour des raisons diverses.
A l'arrière-plan, on perçoit les efforts des travailleurs sociaux, qui tentent de démêler le vrai du faux dans les déclarations des uns et des autres, et qui ont pour objectif principal de réinsérer les détenues, pour qu'elles retrouvent une ambiance familiale (au besoin auprès de grands-parents, quand les géniteurs sont défaillants). C'est donc, au-delà du cas des adolescentes, un portrait de société que nous offre ce film. C'est à la fois une tranche de vie iranienne (qui montre les ravages de la drogue et les problèmes sociaux) et une œuvre à portée universelle, tant les difficultés évoquées ne sont pas inconnues des autres pays.
Les rares visites que reçoivent les jeunes femmes revêtent une importance capitale, tout comme les coups de fil autorisés sous la surveillance d'un agent de la prison. Au quotidien, elles sont rassemblées dans un dortoir, où elles disposent d'une chaîne hi-fi et de la télévision. Cette prison-refuge semble adepte de méthodes ouvertes concernant le traitement des délinquantes. On les informe à propos du sida. On les initie au maniement des marionnettes (qui vont faciliter leur prise de parole, avec la distanciation nécessaire)... et on leur impose le culte hebdomadaire, avec un imam qui débat avec elles de sujets de société... sans trop de succès, apparemment. On en voit aussi plusieurs lire... ô surprise !... des bandes dessinées : les aventures de Tintin et Milou !
Dans la seconde partie du documentaire, le ton se fait plus optimiste, avec le cas d'une fugueuse qui va se réconcilier avec sa famille et ceux d'autres détenues qui trouvent une porte de sortie. Celles qui restent sont autorisées à préparer une fête pour le nouvel an persan, avec des tapis d'occasion, des décorations... et de la musique dance ou techno !
Ce court documentaire (1h15) est une fabuleuse pépite, à saisir si elle passe près de chez vous.
00:41 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 25 octobre 2017
Barry Seal
C'est l'histoire d'un mec, pilote doué, qui s'ennuyait à convoyer des civils dans des avions de ligne, à l'intérieur des Etats-Unis. L'occasion lui est donnée de travailler dans l'intérêt de son pays... et de se faire un max de blé. Le tout n'est pas sans risques, mais, comme le jeune homme est à la recherche de sensations fortes, il ne va pas trop se faire prier.
Tordant quelque peu la réalité des faits, l'intrigue mêle trafic de drogue, lutte anti-communiste et jeux politiques washingtoniens, pour déboucher sur un film d'action drôle et rythmé, presque complètement immoral, mais qui a le mérite de mettre à jour certains aspects de l'interventionnisme états-unien en Amérique latine, au début des années 1980.
Tom Cruise (qui n'en finit plus de rajeunir) incarne avec fougue le jeune pilote qui rêve d'une vie moins conventionnelle. Attention toutefois : s'il va enfreindre quantité de lois, il reste fidèle à son épouse bien aimée (qu'il couvre de cadeaux) et, quand il s'éclate, il boit de l'alcool mais ne consomme pas de cocaïne. C'est qu'il fallait un héros positif à cette histoire remplie de crapules. (Dans la réalité, si Barry Seal était bien un pilote doué -mais pas aussi beau gosse que Cruise, c'était un type foncièrement malhonnête, qui n'a pas eu besoin des agences gouvernementales pour tomber du côté obscur du commerce de marchandises... et sa vie privée fut plus chaotique que ce qui nous est dit.)
Mais, bon, tout cela nous est présenté de manière humoristique, dans un habillage vintage. Ce n'est pas sans rappeler le récent Infiltrator, qui traite d'un sujet très proche. L'un des atouts du film est le choix des retours en arrière, commentés par le "héros". Cela donne davantage de recul à l'histoire.
Celle-ci est drôle parce qu'on y croise une brochette de pieds-nickelés qui vont considérablement s'enrichir en profitant du contexte de Guerre froide. La description de la corruption politique en Amérique centrale vaut aussi son pesant de cacahuètes. Quant aux Contras nicaraguayens, ils sont un peu facilement réduits à une bande de désoeuvrés, surtout attirés par les lunettes de soleil, le whisky et les revues porno que Barry Seal leur apporte pour les amadouer. Ah, le Rêve américain...
Toutes ces facilités passent parce que c'est bien mis en scène. Le réalisateur Doug Liman n'est d'ailleurs pas un inconnu : on lui doit, entre autres, La Mémoire dans la peau et Edge of tomorrow (avec Tom Cruise). Les avions sont très bien filmés... et c'est important, au vu du rôle qu'ils jouent dans l'intrigue. (Dans la réalité comme dans la fiction, ce fut parfois très limite.) J'ai aussi aimé les scènes qui montrent la problématique accumulation de pognon (illégal), qu'on cherche à stocker par tous les moyens possibles (après en avoir déjà beaucoup dépensé). Le réalisateur (tout comme le trafiquant) sait aussi jouer avec les cabines téléphoniques publiques, dont les appels sont à l'époque intraçables. L'un des moments les plus drôles reste celui d'un atterrissage forcé de Barry, qui finit couvert de poudre, dans un quartier défavorisé, s'enfuyant sur un vélo trop petit pour lui !
Voilà. C'est techniquement très bien fait. Mais les aspects négatifs des activités du héros sont atténués voire passés sous silence. On ne nous dit rien des ravages causés par la drogue et on n'a qu'un petit aperçu de la violence dont les trafiquants colombiens étaient capables.
PS
L'histoire se déroule sous les présidences de Jimmy Carter et Ronald Reagan. Mais l'on entend et aperçoit trois autres (futurs) présidents. Ainsi, la procureure de l'Arkansas reçoit un coup de téléphone du gouverneur de l'époque, un certain... Bill Clinton. De son côté, Barry, quand il se retrouve à la Maison Blanche, discute brièvement avec un jeune homme qui lui dit avoir été pilote dans la Garde nationale. Très vite, "Junior" est prié d'entrer dans un bureau, dont on devine qu'il s'agit de celui du vice-président de l'époque, George Bush, son père, accessoirement ancien chef de la CIA et coordonnateur de la lutte anti-drogue...
13:17 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 24 octobre 2017
Les Oubliés
J'avais raté ce film à sa sortie. Il n'était resté qu'une semaine au programme à Rodez, en version française, à des horaires peu compatibles avec mon emploi du temps. Actuellement, il continue à tourner dans quelques cinémas et il est sorti en DVD.
Il raconte l'histoire vraie de soldats allemands (ici des adolescents mobilisés à la fin de la Seconde guerre mondiale), faits prisonniers et envoyés déminer les plages danoises, en 1945. C'est un type de sujet qu'on a évité d'aborder pendant des années : l'armée allemande ayant commis tant de crimes horribles, on n'a pas jugé utile de dénoncer le sort de ces jeunes soldats. Rappelons tout de même que ces mines avaient été posées par l'occupant allemand. Les gamins eux-mêmes avaient subi l'endoctrinement des Jeunesses hitlériennes... et il n'est pas impossible que certains d'entre eux fussent des fils de SS.
Le film pose la question de la responsabilité collective. Alors que les Danois, à l'image de tant de peuples européens, ont souffert à cause des Allemands pendant la guerre, devaient-ils le faire payer aux enfants de ces soldats ?
On leur a confié une tâche délicate et ultra-dangereuse. Ils n'ont reçu qu'une formation express, suffisante toutefois pour effectuer un travail basique, insuffisante quand ils se trouvent face à un dispositif plus élaboré... voire vicieux (une mine en cachant une autre).
Au départ, le sous-officier danois (Roland Møller, vu dans Hijacking, excellent) qui s'occupe d'eux se montre extrêmement dur, déversant sur eux sa haine des Allemands. Mais, petit à petit, il réalise que ce ne sont que des gamins et qu'on fait peser sur leurs épaules une charge qui n'est pas de leur âge. Au fur et à mesure que le temps passe, la petite troupe s'amenuise, amputée de ceux qui périssent dans une explosion. Notons que, si la mise en scène joue avec nos nerfs, elle ne tombe pas dans la facilité. Le réalisateur a voulu éviter que certains événements ne soient trop prévisibles. De la même manière, l'amélioration des relations entre le tuteur danois et la troupe de jeunes démineurs ne suit pas une courbe régulière. Il y a des hauts et des bas.
Je trouve que tous les acteurs sont bons, qu'ils incarnent les Allemands ou les Danois, les civils ou les militaires. Sur un sujet casse-gueule, le réalisateur a construit un film subtil, qui se conclut par un acte d'une grande humanité.
21:40 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
C'est le titre original (traduit) du roman qui a inspiré le film Blade Runner. Je ne sais plus si je l'avais déjà lu. En tout cas, il ne faisait pas partie de ma bibliothèque. La récente sortie (au cinéma) de la suite, Blade Runner 2049, m'a donné envie de me (re)plonger dans l'oeuvre de Philip K. Dick.
Le livre a d'ailleurs été récemment réédité en collection de poche. Je note que, bien que J'ai lu soit une filiale de Flammarion (maison d'édition française), elle-même intégrée au groupe Madrigall (une holding contrôlée par Gallimard), l'exemplaire que j'ai acheté en librairie a été imprimé... en Slovaquie.
Mais revenons au roman. A sa lecture, on constate que Ridley Scott y a apporté de nombreux changements que, grosso modo, j'approuve. Ils ont contribué à rendre le film plus romantique et plus poétique que l'oeuvre d'origine, qui est noire voire empreinte de désespoir. (Et je ne parle pas de l'ambiance visuelle, ni de la musique de Vangelis, qui n'ont pas peu contribué au succès du film.)
Dans le roman, Rick Deckard est marié... et pas très heureux en ménage. Tout cet aspect de sa vie quotidienne a été gommé, pour mettre l'accent sur sa rencontre avec Rachael, qui est moins romantique que dans le film.
De manière générale, les "réplicants" sont présentés comme plus froids que dans le film, où Scott a insisté sur leur part d'humanité. Question spectacle, leur chasse par Deckard comporte plus de péripéties que dans l'oeuvre de Dick, à part un épisode, qui a été exclu de l'adaptation : Deckard se fait arrêter par d'autres policiers, certains étant des humains, d'autres des "réplicants". Les scénaristes ont préféré resserrer l'intrigue, mais sans négliger complètement le matériau de départ, qui introduit le doute quant à la nature même de Deckard.
Un autre élément du fond du roman a disparu au moment de l'adaptation : l'aspect religieux, avec le mercérisme, sorte de doctrine officielle, propagée par la télévision et qui sert en quelque sorte d'opium du peuple (en complément des drogues autorisées, que les habitants de la Terre s'auto-administrent). Ce n'est pas qu'un décorum, puisque, vers la fin, un événement surnaturel sauve la mise à Deckard, qui n'était pas censé survivre à la traque des trois derniers "réplicants" en fuite.
Quant au contexte post-apocalyptique (nucléaire), il est utilisé dans la suite se déroulant trente ans plus tard... en fait trente ans après le premier film, le roman (écrit dans les années 1960) situant l'action en 1992. De ce point de vue, c'est bien une oeuvre de Guerre froide, qui imagine que tôt ou tard, la rivalité entre les deux Blocs va dégénérer. (Le roman a été écrit quelques années après la crise de Cuba de 1962.) Mais, en 1966, Philip K. Dick voit encore des policiers soviétiques en 1992...
Toutes ces différences rendent le roman encore plus passionnant à lire. Je l'ai dévoré presque d'une traite. Dans l'édition que j'ai eue entre les mains se trouve une postface, qui donne quelques éléments d'explication et des informations inédites. Sachez que les producteurs du film voulaient au départ que Dick réécrive son roman, en fasse l'équivalent d'une novélisation qui aurait remplacé l'oeuvre originale. L'écrivain a refusé, ce qui a conduit à l'embauche de scénaristes pour reformater l'intrigue, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
12:23 Publié dans Cinéma, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, littérature, cinéma, film, cinema, films