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mercredi, 20 décembre 2023

Perfect Days

   J'ai enfin pu accéder à la dernière fiction de Wim Wenders (qui m'a récemment enchanté avec son documentaire Anselm : le bruit du temps).

   Les dix premières minutes sont sans dialogue. On y découvre l'anti-héros, Hirayama, quinquagénaire taiseux, solitaire, qui vit dans un appartement modeste, aménagé (avec d'autres) dans ce qui ressemble à un ancien entrepôt. Très vite, on comprend qu'il a habilement tiré profit du moindre centimètre carré de son habitat. Chaque chose est à sa place.

   Le matin, il se réveille au bruit du balayeur. Il enchaîne le même rituel, qui le conduit du brossage de dents à sa camionnette de fonction, en route pour nettoyer les toilettes publiques de Tokyo.

   Une fois par semaine, cette succession d'actes habituels cède la place au jour de "repos", consacré au ménage, à la lessive, aux courses... et au développement des photographies prises avec un appareil argentique.

   Hirayama est consciencieux, méticuleux. Il nettoie avec soin les cabinets de toilettes, du sol au plafond, en passant par les glaces et les parois extérieures. (On notera toutefois que les "lieux", quand il les prend en charge, ne sont pas d'une saleté repoussante. Viens en France, mon gaillard, on verra si tu kiffes autant !)

   La mise en scène est d'une grande limpidité, ce qui ne signifie pas qu'elle soit insignifiante. A l'image de son personnage principal (interprété par Koji Yashuko, prix amplement mérité à Cannes), Wenders est parfois sur un nuage. Il réussit à rendre sa dignité aux gestes du quotidien et met en scène la beauté du simple (à moins que ce ne soit la simplicité belle).

   Ce personnage m'a un peu rappelé un facteur, que j'ai connu autrefois. On avait discuté de nos boulots respectifs et lui s'était déclaré content de son sort. Certes, il se levait très tôt le matin, mais il aimait l'ambiance des débuts de journée endormis. Il adorait faire sa tournée, discutant au passage avec les gens. Il terminait son travail en début d'après-midi ; il avait ainsi le reste de la journée à lui, sachant qu'il lui fallait se coucher tôt.

   Hirayama est de cette trempe. Après son travail, il va aux bains publics, boire un coup, se balade, lit un peu. C'est un habitué des commerces qu'il fréquente. Avec cette routine, il s'est constitué un triple cocon : celui de l'appartement, celui du travail et celui des loisirs. Tout cela est filmé avec empathie. On perçoit comme une petite musique du bonheur, rythmée par des titres anglo-saxons, souvent de style glam-rock.

   Bien que côtoyant des centaines de ses contemporains, le héros semble vivre sur une autre planète, sans télévision, ni ordinateur, ni smartphone, écoutant de vieilles cassettes, achetant des livres d'occasion, se déplaçant le plus souvent à bicyclette. Cette "sobriété heureuse" a visiblement séduit au moins autant que les qualités strictement cinématographiques du film.

   Et puis... cette rassurante petite routine va un peu se gripper. A cause de ce jeune collègue (IN-SU-PPOR-TABLE), paresseux et égocentrique. A cause de la nièce envahissante, qui compte sur l'oncle dont la famille a honte pour vaincre son mal-être. Il y a aussi de belles rencontres, comme celle de la petite copine du collègue, celle de la tenancière du bistrot et celle de son ex-mari. On attend (espère) aussi la rencontre avec l'auteur(e) du jeu glissé dans un recoin d'un cabinet.

   C'est beau, apaisant, parfois un peu agaçant (quand le petit con est à l'écran), parfois longuet. (Wenders étire un peu trop ses effets.) Mais c'est un film à nul autre pareil, d'un septuagénaire à l'apogée de son art, qui ne cherche à suivre aucune mode, aucun conformisme ambiant.

22:40 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 16 décembre 2023

Hunger Games - La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur

   Je n'ai lu aucun des romans de Suzanne Collins. J'ai fini par voir la quadrilogie d'origine (poussé par une mienne connaissance d'un âge moins avancé que le mien), mais je ne l'avais pas chroniquée. En gros, j'avais apprécié la mise en scène d'un régime totalitaire appuyé sur de la télé-réalité, mais les errements sentimentaux du personnage principal (interprété de surcroît par une actrice peu expressive au possible) avaient fini par me lasser.

   Je n'avais donc pas l'intention de rempiler avec ce préquelle... mais le bouche-à-oreille étant bon (voir notamment ce qu'en dit dasola), je me suis laissé tenter.

   Le début m'a fait un peu peur, parce que j'ai eu une impression de déjà-vu, avec la chanson en prime. Il ne faut pas le cacher : ce volet de la saga a un petit goût de The Voice. (Beurk...)

   Où réside l'intérêt ? Dans la formation intellectuelle et morale du futur dictateur Coriolanus Snow. On est 64 ans avant le temps du premier épisode sorti en salles et le jeune Snow, bien qu'issu d'une famille de l'élite, connaît une forme de déclassement social depuis le décès de son père. Il tente de s'élever par les études... mais c'est sa participation forcée (en tant que mentor) aux dixièmes Hunger Games qui pourrait lui servir de tremplin. Les choses se compliquent pour lui quand il commence à éprouver des sentiments pour sa "protégée", une semi-roulure du District 12 (celui de la future Katniss Everdeen... tiens, tiens), évidemment incarnée par une pure beauté.

   La suite est vraiment prenante. C'est un excellent film d'aventures, avec manigances, trahisons, coups fourrés, rebondissements, ruptures de rythme, de l'émotion, de l'action, du sang... et pas un poil de sexe. J'ai juste noté un gros temps mort, dans la troisième partie. On aurait pu et dû faire plus court... et un peu mieux travailler le profil psychologique du "héros". En gros, un jeune homme ambitieux, revanchard, privé de ses parents, connaissant un amour contrarié et ne devant sa survie qu'à la prise de décisions cornéliennes va devenir le maître du monde. (Je suis sûr qu'un jour ou l'autre, Hollywood va nous pondre un biopic pour nous expliquer qu'Adolf Hitler a connu une jeunesse difficile et, qu'au fond, c'était un type plutôt sympa. Quand on voit comment a été géré le récent scandale de l'université Harvard, on comprend qu'une partie de la supposée élite états-unienne commence à pourrir par la moelle.)

   Si on laisse de côté le fait qu'une future ordure fasse l'objet d'un film conduisant les spectateurs à éprouver de l'empathie pour lui, on peut se laisser aller à ces 2h30 divertissantes. C'est bien fichu.

 

   P.S.

 

ATTENTION !

 

DIVULGÂCHAGES

EN VUE !

 

 

   A plusieurs reprises, de petits détails sont insérés, soit pour préparer les épisodes suivants, soit pour relier de manière plus évidente ce préquelle à la saga d'origine.

   Ainsi, lorsque le couple de "héros" gambade dans les folles prairies de l'insouciance, la jeune Lucy Gray évoque sa fleur préférée, la katniss. Elle disparaît à la fin de cet épisode... et l'on ne peut pas croire que les scénaristes ne l'ont pas gardée sous le coude, ne serait-ce que pour accoucher. (Même si l'on n'a jamais vu les tourtereaux aller jusqu'à l'acte, il va sans dire qu'ils ont déjà joué au docteur...) Compte tenu de l'écart qui sépare ce film de la saga ayant pour héroïne Katniss Everdeen, il semble plausible d'imaginer qu'on va faire d'elle une descendante de Lucy et Coriolanus (une petite ou arrière-petite-fille ?). Le geai moqueur est-il apparenté à l'oiseau chanteur ? Le suspens est insoutenable...

21:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan

   Même si c'est peut-être principalement pour une raison commerciale, je trouve que la ressortie en salles du premier volet des aventures des mousquetaires est une excellente idée, le film étant tout de même conçu pour être d'abord vu au cinéma.

   Parmi les bonnes idées des scénaristes, il y a la volonté de s'émanciper un peu de la trame écrite jadis par Alexandre Dumas (et ses "assistants"...). Ainsi, dans le roman, le jeune d'Artagnan en route pour Paris ne croise pas aussi tôt le chemin de Milady. De même, Athos n'est pas enfermé à cause d'un complot contre sa personne... mais cela donne du tonus à un début d'intrigue qu'on croit connaître par cœur.

   C'est aussi dû au talent des acteurs. On sent notamment que Pio Marmaï et Romain Duris ont "kiffé" incarner respectivement Porthos et Aramis, de surcroît servis par de bonnes répliques. Vincent Cassel est ténébreux à souhait en Athos. Je trouve toutefois François Civil un ton en-dessous dans le rôle de d'Artagnan... mais la romance qui s'ébauche avec Constance Bonacieux est à la fois drôle et touchante, grâce sans doute au talent (et au charme) de Lyna Khoudri.

   Cela m'amène au principal personnage féminin (appelé peut-être à devenir le principal personnage tout court) : Milady, qui était déjà fascinante dans le roman et à laquelle Eva Green apporte sa beauté vénéneuse... mmm.

Milady 1.jpg

   Je ne voudrais cependant pas oublier les rôles secondaires (parfois déterminants dans l'intrigue) : Louis Garrel est très bon en Louis XIII, Marc Barbé impeccable en capitaine de Tréville... et Eric Ruf sulfureux en cardinal de Richelieu, un personnage particulièrement maltraité par Dumas, dont l’œuvre n'a pas grand chose d'historique. Celui qui, ici, est sur le point de devenir le principal ministre du roi, a consacré une grande partie de son labeur politique à lutter contre les factions et les complots, au service du royaume et non de ses intérêts propres.

   Fort heureusement, Dumas comme ses adaptateurs (contrairement à Ridley Scott) n'ont pas de prétention historique. Ils sont là pour nous divertir. On a donc droit à un foisonnement de péripéties, des complots, des poursuites, des enlèvements, des duels (sanglants quand il le faut...  ce n'est pas un film de Bisounours). C'est spectaculaire, enlevé (réalisation très efficace)... et joli à voir.

   J'ai beaucoup entendu parler du grain de l'image et de son aspect un peu sombre. Franchement, sur un grand écran, ce n'est aucunement gênant. (Évidemment, en téléchargement, cela doit moins "donner"...) Peut-être plusieurs scènes ont-elles été un peu moins éclairées pour masquer le fait que, dans certains plans (lors des combats à l'épée et de la poursuite à cheval), les acteurs ont parfois été remplacés par des doublures. Le procédé a d'ailleurs parfaitement fonctionné, puisqu'il est quasiment impossible de voir quand on a procédé à une substitution.

   Ce furent deux heures de grand spectacle, feuilletonnesque, et j'attends la suite avec impatience.

13:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 15 décembre 2023

Napoléon pour les nuls

- Dis tonton, pourquoi tu n'aimes pas ce film ?

- Eh bien, ma petite Apolline, tout d'abord parce qu'il est farci d'erreurs historiques... un comble pour ce qui se présente comme un biopic !

- Des erreurs... comme quoi ?

- Dès le début, dans la séquence sur Marie-Antoinette. Tu te rappelles ?

- Oui, elle a pourtant bien été guillotinée ?

- Oui, et en présence d'une foule hostile (voire hargneuse), ce que même des dirigeants révolutionnaires ont regretté. L'ex-reine de France a fait preuve à cette occasion d'une incontestable dignité... un beau contraste avec ce que fut son comportement passé.

- Alors, c'est vrai ?

- Pas totalement. Tout d'abord, d'après ce qu'on voit dans le film, elle aurait été exécutée dans la cour d'un château (Versailles ?)... alors que la scène a eu lieu à 30-40 kilomètres de là, en plein centre de Paris, place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). De plus, quand elle a été conduite sur le lieu de l'exécution, ses cheveux avaient été coupés (pour éviter qu'ils ne gênent le tranchant de la guillotine)...

- C'est super glauque !

- Les gros plans faits (dans le film) sur la main du bourreau retenant les cheveux le sont encore plus... parce qu'ils sont historiquement faux !

- Et Napoléon, il était bien là ?

- Eh non ! A cette époque, il se trouvait déjà à Toulon. En revanche, la manière dont est mise en scène la prise de la ville (et le départ des Anglais) n'est pas très éloignée de la réalité.

- Il a bien utilisé des canons alors ?

- Oui.

- Comme sur les pyramides ?

- Pas du tout. Il n'a pas fait tirer sur ces monuments... Les canons de l'armée française n'auraient pas été capables, à l'époque, de faire de genre de dégâts.

- Et Joséphine, c'était bien sa meuf ?

- Ah, ça, oui. Il en a même été raide dingue à une époque. Sur la fin de sa vie, malgré les rancœurs et les reproches, il avait gardé des sentiments pour elle. Mais, contrairement à ce qui est montré dans le film, c'est lorsqu'il se trouvait à l'île d'Elbe (lors de son premier exil) qu'il a appris sa mort, pas en arrivant en France métropolitaine.

- Elle l'a trompé, non ?

- Oui !... et plus d'une fois... tout comme lui, d'ailleurs.

- Avec la fille que sa mère lui a présentée ?

- Oui, mais cela ne s'est pas passé comme dans le film. Celui-ci montre Letizia Bonaparte comme une entremetteuse, alors que la liaison entre Napoléon et la jeune noble est plus née du hasard que d'un plan visant à vérifier sa capacité à avoir des enfants.

- Ils ont bien eu un fils ?

- Oui et on l'a appelé Léon (sans "Napo" devant). Il paraît qu'il ressemblait physiquement à son père biologique... mais qu'il n'avait pas ses qualités intellectuelles.

- Dis tonton, Napoléon s'est bien remarié avec une Autrichienne et ils ont eu un enfant ?

- Oui Apolline. La relation de couple entre l'empereur et la jeune Marie-Louise (petite-nièce de Marie-Antoinette !), qui avait 22 ans de moins que lui...

- Le vieux cochon !

- Oh, on a connu pire, avant et après. Ceci dit, le couple se serait bien entendu. Leur fils, celui qu'on a surnommé "le Roi de Rome" puis "l'Aiglon", n'a pas vécu très longtemps. Né en 1811, Napoléon II, emprisonné par les Autrichiens, appelé désormais duc de Reichstadt, était de santé fragile. Il est mort en 1832.

- Et avec Joséphine, Napoléon n'a pas eu d'enfant ?

- Non, et le film le montre bien. Elle avait eu deux enfants de son premier mariage, avec Alexandre de Beauharnais... dont Hortense, qui a épousé un frère de Napoléon (Louis), dont elle a eu un fils... le futur Napoléon III !

- Mais c'est Dallas, ton histoire, tonton !

- Et tu ne sais pas tout. Figure-toi que Joséphine était plus âgée que Napoléon. Étant née en 1763, elle avait six ans de plus que lui, contrairement à ce que montre le film (au moment de la signature du contrat de mariage). Autre erreur : la représentation du sacre. C'est bien Napoléon qui a posé la couronne sur sa tête et sur celle de Joséphine, mais cela n'a pas provoqué de mouvement de surprise dans l'assemblée, puisque ce rituel avait été négocié et programmé avec les services du Pape Pie VII. En outre, Ridley Scott, qui ne veut présenter Napoléon que comme un restaurateur de monarchie, "oublie" la suite de la cérémonie, quand le nouvel empereur prête serment de fidélité aux valeurs de la Révolution et promet de conserver les propriétés acquises sur les biens de l’Église et de la noblesse (ce qu'on a appelé les "biens nationaux").

- Dis donc, il n'aurait pas quelque chose contre la France, ce Ridley Scott ?

- Tu poses une bonne question, Apolline. On avait eu la même impression avec son Robin des Bois, une nouvelle version de la légende. Rappelle-toi, tu l'as vu à la télé.

- Oui. D'ailleurs, c'était pas terrible.

- Ici, il n'y a quasiment aucun personnage français à sauver. Napoléon est un dictateur, un général sanguinaire, un mauvais mari, mauvais amant. Les Françaises sont des "femmes faciles" (gros cliché qui a la vie dure chez les Anglo-Saxons). Les révolutionnaires sont soit des barbares soit des corrompus. Louis XVIII est un abruti... Cela se ressent jusque dans la représentation des batailles.

- Elles sont pourtant impressionnantes.

- Je le reconnais... et c'est peut-être la seule raison d'aller voir ce film, en salle. Il est toutefois dommage que Scott ait "zappé" la campagne d'Italie, au cours de laquelle le jeune officier corse a fait des merveilles avec peu de moyens. Mais la mise en scène de la bataille d'Austerlitz, bien qu'émaillée d'inexactitudes, ne manque pas de souffle. De même la campagne de Russie, bien qu'écourtée à l'extrême, témoigne d'un réel savoir-faire. Quant à Waterloo, elle n'est présentée que d'un point de vue favorable aux Anglais, qui ont sans doute été sauvés sur le fil par les Prussiens, tandis que Napoléon, malade, était moins alerte que d'habitude... et qu'il n'a pas pu compter sur les renforts attendus.

- En clair, c'est pas si nul que ça, mais c'est plus du roman que de l'histoire.

- Tu as tout compris.

dimanche, 10 décembre 2023

Fremont

   Le titre de cette fiction un peu austère, en noir et blanc, fait référence à une ville californienne, située au nord de la célèbre Silicon Valley... mais où vivent (et travaillent) des personnes moins fortunées que les geeks qui transforment notre monde.

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   On y trouve paraît-il la plus importante communauté afghane des États-Unis, y compris l'héroïne de l'histoire, Donya, ex-traductrice pour l'armée d'Oncle Sam, qui a réussi à fuir son pays avant de finir entre quatre planches...

   En s'installant aux States, elle a préservé sa liberté, mais connaît une forme de déclassement social : elle est simple employée dans une usine de fabrication de cookies fortune, ces petits gâteaux d'origine chinoise, dont la coque contient un papier sur lequel est inscrite une courte formule, en général sujette à plusieurs interprétations.

   Cette entreprise appartient à un couple de Sino-Américains, l'époux étant le fils du fondateur. Il est bienveillant avec la nouvelle employée, peut-être parce qu'elle est jolie, peut-être parce qu'elle est sérieuse... peut-être parce qu'elle lui rappelle ses propres débuts. C'est une autre migrante asiatique, qui tente de faire son trou au pays de la libre entreprise. L'épouse est beaucoup moins amicale avec le "petit personnel", comme on va pouvoir s'en rendre compte tout au long du film.

   Celui-ci est constitué d'un montage de plans presque tous fixes, souvent en champ-contrechamp, dans un nombre limité de lieux : l'usine de cookies, les logements des employées, le cabinet du psychiatre, le restaurant communautaire... On respire un peu plus vers la fin, quand la jeune femme tente de forcer son destin... (Je n'en dis pas plus.)

   Le début n'est pas le plus agréable à suivre. Il faut s'habituer au style du réalisateur (qui mise beaucoup sur l'implicite, le non-dit)... et supporter la description d'un quotidien au départ peu épanouissant.

   Petit à petit, cela s'éclaire, non pas tant parce que la situation s'améliore soudainement, mais parce que Donya se prend davantage en mains. Le cinéaste introduit aussi de rafraîchissantes petites pointes d'humour. Tout d'abord, il y a les circonstances dans lesquelles l'héroïne va connaître une promotion, au sein de l'entreprise. Il y a ensuite la drôle de relation médecin-patiente qui se noue, à tel point qu'on finit par se demander qui analyse l'autre ! Il y a aussi la découverte des messages dans les petits gâteaux... et les conséquences insoupçonnées de la tentative effectuée par Donya. (On ne sait jamais entre quelles mains peut tomber "son" message...) Il y a encore le comportement du patron du petit resto, accro à une sorte de télénovela afghane, et qui donne des conseils à sa cliente régulière. Il y a enfin la réaction de la jeune femme, à la fin, délicieuse.

   La plus belle des rencontres n'est pas celle qu'elle avait prévue, et c'est à ce moment-là que la caméra se fait plus libre et que la vie de la jeune femme gagne en saveur.

   J'ai trouvé cela très beau.

   P.S. I

   En lisant Le Canard enchaîné de cette semaine, j'ai appris que la personne qui incarne Donya, Anaita Wali Zada, est une ancienne présentatrice de télévision, qui a dû fuir l'Afghanistan en 2021. Ses débuts d'actrice sont prometteurs.

   P.S. II

   Avec mon ticket d'entrée (pour la séance de ce film), j'ai reçu un cookie fortune, qui contenait le message suivant :

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   (Ce serait extrait d'une de ses œuvres : Discours sur les sciences et les arts.)

   Je crois qu'une puissance immanente m'incite à enfin parler d'un biopic qui ne m'a guère enchanté.

samedi, 09 décembre 2023

Migration

   Séance familiale et pop corn pour ce film d'animation du studio Illumination (celui auquel on doit, entre autres, les Minions). Il est réalisé par Benjamin Renner, auteur du Grand Méchant Renard et (surtout) d'Ernest et Célestine.

   Le bouche-à-oreille a dû faire son effet : personne n'est arrivé en retard, pour ne pas rater le court-métrage introductif, intitulé Mooned. On y retrouve l'un des protagonistes du premier Moi, moche et méchant... et quelques Minions, pour agrémenter le tout. Cela confirme la sortie prochaine de Moi, moche et méchant 4.

   Ensuite débute l'histoire de la famille canard (colvert), que le papa aimerait voir cantonnée à sa sécurisante mare, loin des dangers représentés par la forêt proche et le reste du monde, plus lointain. Ce film réussit à jouer sur le double niveau de lecture, l'un pour les enfants, l'autre pour les adultes. Ainsi, le couple de parents bat de l'aile (si j'ose dire), papa canard étant très casanier, alors que maman cane aimerait voyager, peut-être pour retrouver la fougue de leur relation naissante. De leur côté, sans surprise, les canetons (un mâle ado et une femelle plus jeune) rêvent d'aventure et sont inconscients des dangers.

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   L'animation est de toute beauté. On a soigné les plumages et les visages, avec de grands yeux expressifs... dotés d'impressionnants sourcils. (Il ne faut bien sûr pas s'attendre à un rigoureux traité d'ornithologie.) L'humour est présent, à travers le personnage de l'oncle (en général ridicule) et les réflexions de la benjamine, qui excelle à susciter le malaise chez son aîné. Dans la salle, jeunes et moins jeunes rient, pas forcément aux mêmes moments. (Les -pas trop- petits sont surtout sensibles aux gadins et coups de théâtre.)

   La famille finit par décoller, direction la Jamaïque... avec quelques détours. En chemin, nos héros vont croiser d'étranges hérons, des pigeons pas très propres (mais plus sympas qu'il n'y paraît), un perroquet, des congénères adeptes du yoga... Ils vont aussi découvrir New York, avec ses gratte-ciel, ses lumières et ses dangers. C'est évidemment une métaphore d'humains provinciaux débarquant dans la grande ville.

   Sans surprise, les jeunes vont faire des bêtises, les parents (tenter de) se rapprocher de leurs enfants. Tout ce petit monde vit ce voyage comme un roman d'apprentissage, dont ils sortiront transformés, meilleurs... à condition d'échapper au méchant de l'histoire : un cuisinier réputé de Big Apple, ignoble personnage qui ne s'exprime que par rugissements et borborygmes. C'est le principal point faible de l'intrigue, un discours anti-viande manichéen, qui avance avec de gros sabots.

   Le film n'en est pas moins un très agréable divertissement.

   En sortant de là, je suis allé au resto et j'ai commandé du confit de canard. Je me suis régalé !

22:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Pierre Feuille Pistolet

   Le titre de ce documentaire est un décalque du nom du jeu "pierre feuille ciseaux", auquel a été ajouté un élément : l'arme à feu, qui ne l'emporte toutefois pas systématiquement, comme on peut le constater quand on voit une jeune Ukrainienne y jouer avec le caméraman.

   C'est donc de la guerre en Ukraine (sa première année) qu'il est question dans ce huis-clos automobile. Le réalisateur polonais Maciek Hamela s'est lancé dans l'action humanitaire, transportant des réfugiés ukrainiens des zones (parfois très) proches des combats vers l'ouest du pays, voire la Pologne. Au volant de son Espace, il discute au téléphone ou avec ses passagers et les personnes qu'il croise au cours de ses "courses", des autoroutes asphaltées aux chemins de campagne.

   Le dispositif n'est pas sans rappeler celui de Taxi Téhéran (qui était une fiction), à ceci près qu'une seule caméra (me semble-t-il) filme les scènes et que le cinéaste évite en général d'apparaître à l'écran.

   Le montage introduit une intensité dramatique. Le début évoque les difficultés du quotidien et la douleur du départ chez des Ukrainiens ordinaires. Une gamine voudrait qu'on lui prête un smartphone, celui de sa mère ayant sa batterie épuisée... le grand frère gardant le sien pour lui. Un trio de ruraux se désole d'avoir dû abandonner son chien et son unique vache, Beauté, dont on apprend qu'elle est vraiment exceptionnelle, vu qu'elle mange tout ce qu'on lui donne ! D'autres passagers sont séparés des membres de leur famille, soit que les hommes se soient enrôlés (dans le véhicule, on ne voit quasiment que des femmes, des enfants et des personnes âgées), soit que les adultes aient laissé les anciens sur place, pour diverses raisons.

   Ces témoins de la guerre m'ont semblé parfois très proches. Ils pourraient être nos voisins. Indirectement, à travers les vêtements et les objets du quotidien, le film montre que la classe moyenne ukrainienne a un mode de vie occidental, même si le pays n'était (avant guerre) qu'émergent. D'autres habitants (en particulier les personnes âgées vivant à la campagne) m'ont plus fait penser à des Européens de l'Est ou des Russes tels qu'on se les représente.

   Le coffre de la voiture est bien rempli. Les passagers ont tenté d'emporter le maximum, parfois jusqu'au chat de la famille, telle cette femme qui demande au chauffeur de procéder à un arrêt, pour que le minou puisse faire ses besoins à l'extérieur... évitant ainsi d'empester le véhicule.

   Il y a aussi ce qu'on ne dit pas, mais qu'on voit à l'écran. De temps en temps, le caméraman tourne son équipement vers l'extérieur du monospace. On ne voit pas de cadavre, mais des soldats à un point de contrôle, des chars, des véhicules de l'armée, parfois impressionnants, parfois camouflés, parfois à moitié détruits.

   La deuxième partie du film introduit des passagers qui ont des histoires moins gaies à raconter. Il est question de deuil, de tortures infligées par les soldats russes. Pour les spectateurs, c'est parfois un peu difficile à suivre, parce qu'il faut faire l'effort de lire des sous-titres (pendant 1h20), et parce que certaines histoires sont terribles, quand bien même il ne s'agit que de mots.

   Notons que ce film est polyglotte. On y entend parler ukrainien, russe aussi me semble-t-il, polonais, anglais... et même français.

   Alors que, dans le cœur des indignés professionnels, l'Ukraine a été (depuis longtemps) remplacée par d'autres causes à la mode, il est urgent de voir ce film. La guerre, que l'état-major poutinien comptait boucler en moins d'une semaine, dure depuis près de deux ans. Sans doute plus de 200 000 personnes (tous bords confondus) ont été tuées, sans parler des blessés.

vendredi, 08 décembre 2023

Ça tourne à Séoul !

   Aux cinéphiles français, le titre hexagonal de ce long-métrage sud-coréen rappellera le Ça tourne à Manhattan de Tom DiCillo, un autre film dans le film sur les affres de la création cinématographique. Seul le contexte change : les États-Unis de la fin du XXe siècle sont remplacés par la Corée du Sud dictatoriale de 1970. Cela "épice" quelque peu l'intrigue, puisque l'équipe de tournage doit ruser avec la censure gouvernementale... au besoin à coups d'alcool fort.

   On comprend vite que l'esprit de sérieux n'est pas la marque de fabrique de cette production un peu foutraque, qui commence par nous montrer un nanard en cours de réalisation. De surcroît, on ne comprend pas pourquoi le scénario fait référence à la descente d'escaliers d'un personnage féminin (alors qu'il les monte)... pas plus que la mention d'un plan-séquence, la scène retournée étant d'évidence montée. Mais l'on sent bien que le personnage du réalisateur a l'ambition de conclure son œuvre ainsi. La manière d'y parvenir consiste l'un des attraits de cette comédie autocentrée, qui joue sur les codes du petit monde du cinéma.

   La suite est un puzzle de types de scènes. Celles en noir et blanc nous proposent la version du film de 1970 en tournage. Les autres sont en couleurs. Elles évoquent soit le tournage du film, soit le passé de certains personnages (qui ont des choses à se reprocher), soit les hallucinations du réalisateur, qui se bourre de cachetons et, dans ses rêves, imagine la manière de boucler son film.

   L'équipe a deux jours pour retourner la fin de l'histoire (en fait près de la moitié du film). Le cinéaste va bien entendu collectionner les emmerdes, entre une productrice autoritaire, des acteurs à l'égo surdimensionné, les histoires de cul des uns et des autres... et les aspirations des "sans grade", qui aimeraient bien capter une part de la lumière.

   Cela fonctionne parce que les acteurs sont bons. Je ne suis toutefois pas particulièrement impressionné par la prestation de Song Kang-Ho (vu notamment dans Parasite). Ce sont les comédiennes qui m'ont épaté. Toutes interprètent deux personnages : le rôle du film de 1970 en cours de tournage et le rôle qui leur est assigné par le film du XXIe siècle, l'un étant parfois très éloigné de l'autre. Trois d'entre elles sont des actrices qui jouent des actrices. Toutes sont formidables. Il faut y ajouter le duo de productrices : la tante (autoritaire et un brin manipulatrice) et la nièce (une groupie du cinéaste, prête à cogner pour lui... et rêvant secrètement de passer devant la caméra).

   C'est bien fichu, souvent drôle, mais un peu long. Il aurait fallu pratiquer quelques coupes. On sent quand même bien passer les 2h10. Mais l'ensemble constitue un indéniable plaisir de cinéphile.

23:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 02 décembre 2023

The Marvels

   Les héroïnes sont au nombre de trois, trois jeunes femmes (deux adultes et une ado) possédant des pouvoirs assez proches, bien que d'intensités différentes. On se dit que Disney-Marvel tente de renouveler le succès de Spider-Man : no way home, version féminine, avec le multivers en bonus.

   Le début est engageant : on découvre la plus jeune des trois, une Américaine dont la famille vient sans doute d'Asie du Sud (gros potentiel de spectateurs dans cette partie du monde). Elle est fan de comic books en général, de Captain Marvel en particulier. Du coup, à l'écran, quand son imagination s'emballe, on a comme un petit air de Spider-Man : across the spider-verse. De surcroît, la comédienne qui incarne Kamala Khan (Iman Vellani) a du tempérament et de la tchatche. C'est sans doute de sa bouche que sortent les répliques les plus intéressantes, souvent drôles, le reste des dialogues étant d'une affligeante platitude (sauf quand ça se passe au sein de la famille Khan).

   Dans des circonstances que je ne révèlerai pas, les trois jeunes femmes (Captain Marvel, sa nièce travaillant désormais pour Nick Fury et la petite Khan) voient leurs pouvoirs s'entremêler, l'une prenant la place de l'autre quand elles utilisent simultanément leur énergie vitale. Cela donne naissance à des situations cocasses, culminant dans une baston se déroulant à la fois chez les Khan, dans l'espace et un monde lointain. C'est un bon délire, qui va se renouveler deux fois. Lors du deuxième combat, le trio est mis en échec par la méchante (qui, dans la BD d'origine, est un homme). Lors du troisième, celles qui sont devenues des amies se sont entraînées et ont élaboré un plan. C'est bien mis en scène, judicieusement monté. On ne s'ennuie pas. Les effets spéciaux sont de qualité.

   Sur le fond, par contre, ça ne décolle pas trop. Il fut un temps où les super-héros luttaient contre les délinquants, sauvaient la veuve et l'orphelin. Point de tout cela ici. C'est trop trivial. Il faut que ce soit grandiose, intersidéral, que l'on sauve ou détruise des univers. Cet aspect-là m'a un peu saoulé, d'autant que je doute de la vraisemblance de certains présupposés physiques énoncés avec aplomb. Soit c'est trop compliqué pour moi, soit c'est complètement débile.

   Fort heureusement, l'intérêt est relevé par la quatrième super-héroïne de l'histoire... Goose, le chat (découvert dans le premier Captain Marvel). Le minou s'est attaché à Carol Danvers... et force est de reconnaître qu'il est parfois d'une grande utilité.

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   Enfin, quand je dis « il », la V.O. dit « she », pronom utilisé indistinctement en anglais pour désigner les boules de poils, quel que soit leur sexe. Figurez-vous que, d'une manière que je m'interdis de dévoiler, Goose va en quelque sorte avoir des petits... et que ceux-ci vont jouer un rôle capital dans le sauvetage des occupants d'une station spatiale. Cette séquence constitue l'un des meilleurs moments du film. Dans la salle, les petits et les grands rient.

   En revanche, je n'ai pas du tout aimé la partie se déroulant sur la planète aqueuse, dont les habitants parlent en chantant. Ce fut un supplice, à tel point que je soutenais presque la méchante venue leur piquer toute leur eau.

   Le final essaie de concilier tout le monde. La méchante n'est peut-être pas si méchante que cela. (Normal, me diraient les producteurs : elle est noire.) En fait, la responsable de tout est cette pauvre Carol Danvers. Quand elle est en forme, la blonde anorexique est capable de niquer un univers ou de détruire une intelligence artificielle, avec d'incommensurables conséquences. (Cela rappellera un peu le personnage du Phénix noir aux vieux lecteurs de comics.) Le politiquement correct hollywoodien est donc sauf : ce sont les femmes qui peuvent sauver le monde et, quand une catastrophe se produit, c'est la faute de la Blanche.

23:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

L'Abbé Pierre

   J'ai mis du temps à me décider à aller voir ce film. Je n'ai pas gardé un excellent souvenir d'Hiver 54 (la précédente tentative, avec Lambert Wilson) et, pour moi, l'abbé Pierre était devenu un vieil homme un peu gâteux, tenant des propos parfois nauséabonds. Le biopic sorti le mois dernier n'élude d'ailleurs pas cette part d'ombre, même si elle est rapidement évacuée.

   Avant d'en arriver là, les spectateurs vont suivre une vie extraordinaire, celle d'un homme d'engagement(s), interprété avec brio par Benjamin Lavernhe (César en vue, à mon avis). Il ressemble physiquement à son personnage et demeure crédible dans le rôle, quel que soit son âge. Mais le film ne serait pas aussi puissant si un autre personnage ne rayonnait pas à ses côtés, celui de Lucie Coutaz, la cheville ouvrière d'Emmaüs, la petite main de l'ombre, incarnée de manière stupéfiante par Emmanuelle Bercot (qui avait déjà croisé la route de Lavernhe dans De Grandes Espérances). Un troisième larron, un peu en retrait, complète ce duo : Michel Vuillermoz, dans le rôle de Georges Legay, ex-taulard suicidaire devenu un nouvel apôtre de la bonne cause.

   J'ai tout de même eu du mal à entrer dans le film. Le début ne m'a pas emballé, notamment tout ce qui touche à la ferveur du jeune apprenti religieux. Pour moi, l'histoire décolle à partir de la Seconde Guerre mondiale, avec une séquence particulièrement réussie autour de la Résistance, mise en scène sans tambour ni pathos. C'est aussi le moment où Henri Grouès rencontre Lucie Coutaz, dans des circonstances qui vont forger une amitié amoureuse de près de quarante ans.

   A la réalisation, Frédéric Tellier (auteur notamment de L'Affaire SK1) réussit son coup. Je n'aime pas du tout les scènes tire-larmes, dont tant de films, français comme étrangers abusent. En général, cela me paraît factice ou surjoué. Tel n'est pas le cas ici. Que ce soit pour décrire les conditions de vie dans la France de l'immédiate après-guerre ou celles du redoutable hiver 1954, le réalisateur reste mesuré, soignant ses effets. Il n'a pas besoin de plus pour bien faire sentir l'horreur de la mort d'un enfant, dans un vieux bus stationné dans un bois. Même l'intervention du ministre est présentée avec doigté.

   On retrouve cette veine, plus tard, quand on nous montre ce qui ressemble à un vieux couple, retiré des affaires. Ils sont touchants tous les deux et la conclusion de leur "histoire" est vraiment poignante.

   J'ai beau tiquer un peu face à l'héroïsation du personnage principal et l'aspect militant d'une partie de la fin (autour des migrants), je trouve ce film très beau, instructif... et utile.

jeudi, 30 novembre 2023

Mars Express

   Le titre de ce film d'animation français évoque la navette aérospatiale qui relie la Terre à Mars, où s'est implantée une colonie humaine, dans un environnement ultra-technologique. Cette navette est empruntée deux fois : au début par le duo de héros et à la fin par d'autres personnages.

   L'univers futuriste de cette histoire fait immanquablement penser à une pelletée de romans de science-fiction (notamment ceux d'Isaac Asimov), ainsi qu'au manga Ghost in the shell (l'animé japonais, pas le laborieux pompage hollywoodien sorti il y a quelques années).

   Différentes catégories de personnages évoluent dans l'histoire : des humains "classiques" (tous "augmentés"), des humains "restaurés", des androïdes purs et durs... et une nouvelle espèce, organique, créée par des chercheurs un peu dingos et que je laisse à chacun(e) le plaisir de découvrir.

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   Le duo de héros est composé d'un humain "restauré" multitâche et d'une détective privée humaine. Ce sont des amis de longue date et leurs chamailleries ne manquent pas de saveur. C'est l'occasion de signaler que ce film d'animation ne fait pas dans le sentencieux. Il est traversé de salutaires moments d'humour, qui agrémentent une intrigue assez inquiétante sur le fond.

   Tout commence avec un meurtre mystérieux. Dans le même temps, on voit certains personnages en traquer d'autres. L'enjeu est le déblocage des androïdes, une activité parallèle (illégale) qui a parfois des conséquences inattendues (les robots devenus "libres" se mettant à faire un peu tout et n'importe quoi). J'ai aimé ce début mystérieux, notamment parce que, dans un premier temps, on a vraiment du mal à caractériser certains personnages comme "bons" ou "méchants".

   Sur le plan visuel, c'est emballant, en particulier au niveau des décors en extérieur (en intérieur, c'est plus classique). Les personnages sont dessinés un peu à la manière des jeux vidéo, un soin particulier ayant été apporté à certains détails.

   Cela dure moins d'1h30, mais on a l'impression d'avoir suivi une fresque de grande ampleur. On ne s'ennuie pas une seconde... et l'on peut interpréter la fin de deux manières, soit comme un complot qui a réussi, soit comme une libération.

   Je recommande vivement.

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mercredi, 22 novembre 2023

Complètement cramé !

   Cette expression qualifie à deux reprises le héros de ce film, le Britannique Andrew (John Malkovich... malkovichien !), la première fois, au début de l'histoire, dans la bouche de la cuisinière du manoir, la seconde, à la fin, dans la bouche d'un autre personnage.

   Andrew, très perturbé par le récent décès de son épouse, a du mal à comprendre pourquoi on le qualifie ainsi. Il est retourné en France, dans la propriété où il a jadis eu le coup de foudre pour la femme de sa vie. Il comptait s'y rendre en tant que client, mais, pour des raisons que je laisse à chacun le plaisir de découvrir, il va "faire le majordome". Sans surprise, Malkovich est d'une savoureuse onctuosité dans un rôle qui semble taillé pour lui.

   Les autres ne sont pas mal non plus. J'ai été particulièrement sensible au personnage interprété par Emilie Dequenne (vue cette année uniquement dans la mini-série Année zéro). Elle est la véritable cheville ouvrière du manoir, soucieuse du bien-être de son employeuse... et veillant à écarter les importuns.

   Sa tranquille solidité est perturbée par la présence d'un jardinier homme des bois, auquel Philippe Bas (l'ex-commandant Rocher de Profilage) prête son physique avantageux. Il incarne un type un peu frustre, mais gentil, au fond.

   Une jeune femme de ménage dépressive complète la liste du personnel, sous la houlette d'une châtelaine désargentée qui a les traits (liftés) de Fanny Ardant. J'ai été agréablement surpris par sa composition, celle d'une femme à la fois fière et compatissante.

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   Je ne peux pas clore la liste des protagonistes sans évoquer Méphisto, le chat de la cuisinière, la véritable vedette du tournage, qui a parfois fait tourner l'équipe en bourrique... et dont le personnage réserve une colossale surprise, à la fin !

   Le scénario est composite : on y trouve des lieux communs, des choses intéressantes mais déjà vues ailleurs... et quelques surprises, assez réjouissantes, ma foi. Les dialogues sont plutôt bien écrits, servis par de bons interprètes, qui se sont prêtés de bonne grâce à certaines situations cocasses.

   Sur le fond, chacun des personnages principaux a sa fêlure. L'arrivée du Britannique va jouer le rôle de catalyseur. Andrew s'évertue à améliorer la vie de ce qui ressemble de plus en plus à une nouvelle famille, tout en tentant de surmonter son propre chagrin. Malkovich est touchant (quand il n'est pas drôle) et les autres jouent bien leur partition.

   Ce film m'a fait du bien.

22:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 19 novembre 2023

Yôjinbô

   Ces dernières années, l’œuvre du cinéaste japonais Akira Kurosawa (décédé en 1998) connaît un regain d'intérêt en France. J'ai pu le constater en observant la programmation "patrimoniale" de certains cinémas du sud-ouest de la France et celle des cinémathèques (rétrospectives à celle de Toulouse en 2017 et celle de Paris en 2022).

   La "quinzaine japonaise" qui s'achève en Midi-Languedoc a été l'occasion de reprogrammer, outre des mangas (dont ceux d'Hayao Miyazaki), certains des films les plus marquants de Kurosawa. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de revoir Rashōmon (célèbre pour son intrigue criminelle à plusieurs voix) et Le Château de l'araignée (transposition captivante du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval).

   Sorti en France sous le titre Le Garde du corps (alors que Le Mercenaire ou Le Nervi aurait été un poil plus adapté), Yôjinbô, comme les deux précédemment cités, s'appuie sur la participation de l'acteur fétiche de Kurosawa, Toshirô Mifune, qui incarne un rōnin, c'est-à-dire un samouraï sans maître... mais pas sans valeurs.

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   Il débarque dans un bourg où dominent deux clans, qui s'affrontent... ou s'entendent pour contrôler les activités les plus lucratives de la région. Alors que l'action se déroule peu avant le début de l'ère Meiji (sans doute dans les années 1850-1860), l'un des dialogues du début, dans lequel un personnage se désole du comportement des "jeunes d'aujourd'hui" et de la course à l'argent facile qui change (en mal) la société traditionnelle, fait sans doute davantage écho à la situation du Japon au tournant des années 1950-1960 (cent ans plus tard, donc), qui amorçait une fulgurante croissance économique, doublée d'une modernisation sans précédent, le tout sous la houlette américaine.

   Très vite, l'étranger, redoutable sabreur, comprend qu'aucun des camps ne vaut mieux que l'autre... sans parler de l'autorité régionale, dont le représentant se révèle particulièrement sensible à la corruption. C'est donc tout seul... ou presque, que le rōnin en quête de cause va se muer en justicier, tentant de monter un clan contre l'autre. Ses tentatives de manipulation sont savoureuses à suivre, parce que, dans un premier temps, elles ridiculisent les sbires aux faciès menaçants, soit qu'ils se révèlent stupides, soit qu'ils apparaissent soudainement trouillards. Mais le fils de l'un des chefs, de retour de la ville avec une nouvelle arme (un révolver), va lui donner du fil à retordre.

   C'est filmé avec un incroyable brio. Kurosawa sait mettre à profit les contre-plongées et les prises de vue obliques. Il a de plus choisi de faire loger son héros dans une auberge d'aspect misérable... mais située au centre du bourg. A travers les planches amovibles qui masquent les ouvertures, on peut observer tout ce qu'il se passe sans être vu.

   Même si le film a un peu vieilli, il constitue un bon divertissement, avec finalement assez peu de moments d'action violente, mais pas mal de malice, des personnages parfois truculents et une musique d'accompagnement qui oscille entre le grandiose et l'ironique. On en vient presque à penser que le duo Leone-Morricone n'a pas inventé grand chose...

   P.S.

   Dans le cinéma où j'ai vu le film (le CGR Lapérouse, à Albi), la séance a été précédée d'une démonstration de sabre, accompagnée d'explications. Ce fut fort instructif... en tout cas plus intéressant que les bandes-annonces et plages de publicité, qui nous été épargnées !

01:04 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 11 novembre 2023

L'Enlèvement

   Le dernier film de Marco Bellocchio est consacré à ce qu'on a jadis appelé l'Affaire Mortara, du nom de cette famille italienne juive dont l'un des garçons a été enlevé, sur ordre des autorités religieuses, en 1858.

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   L'action démarre à Bologne, une ville du nord de l'Italie, mais qui, à l'époque, se trouve sous juridiction du Pape, celui-ci contrôlant un vaste territoire appelé "États de l’Église". Le prologue évoque l'année 1852, mais c'est à partir de 1858 que l'histoire s'emballe, en plein Risorgimento : la péninsule italienne, alors morcelée, commence à (re)faire son unité, s'inspirant davantage des idées de la Révolution française que du traditionalisme catholique.

   Il s'agit donc d'un film politique, qui dénonce le pouvoir temporel du Pape (celui-ci très bien interprété par Paolo Pierobon) et la suffisance d'un clergé sûr de détenir la vérité. On comprend sans peine que cette analyse ne se limite ni au XIXe siècle, ni à la religion catholique...

   C'est aussi un film spirituel, qui prône plutôt la compréhension entre les peuples et dénonce l'antijudaïsme du clergé. Il n'est cependant pas un film antireligieux : le point de vue des croyants fondamentalistes est amplement développé (afin, je pense, que l'on comprenne leur logique). C'est d'ailleurs la principale cause du malheur de la famille Mortara : chaque camp est sur ses positions, persuadé d'avoir seul raison.

   C'est enfin un drame familial, dans lequel la mère joue un rôle capital. Elle est incarnée par Barbara Ronchi (déjà remarquée dans Il Boemo), véritablement habitée par son rôle. Le paradoxe est que Bellochio la filme à la fois comme une mère juive traditionnelle et une figure mariale.

   J'ai toutefois trouvé la première partie trop longue, avec un peu trop de mélo. Je reconnais la qualité de la reconstitution historique ainsi que celle de l'interprétation, mais, franchement, parfois, cela manque de rythme. Bellochio aurait dû couper un peu dans ce matériau et développer l'aspect international de l'affaire, qui n'est évoqué que par des dialogues.

   Cela rebondit avec la séquence du procès, vraiment très bien, qui lance le film sur une dernière partie assez palpitante, toujours aussi bien interprétée.

   Du coup, en dépit de mes (petites) réserves, je recommande la représentation de cette histoire forte, un scandale qui fut retentissant à l'époque... avant de tomber dans l'oubli pour des dizaines d'années.

mercredi, 08 novembre 2023

Killers of the Flower Moon

   J'ai enfin pu voir (en version originale sous-titrée) le (très) long-métrage de Scorsese, consacré à l'affaire des meurtres d'Indiens Osage, aux États-Unis (en Oklahoma), dans l'Entre-deux-guerres.

   L'histoire marie l'immersion dans les traditions indiennes et la description d'une énorme série d'arnaques, assaisonnée de meurtres (plus ou moins) maquillés en accidents, suicides...

   Du côté des Osages, Scorsese met l'accent sur le personnage de Mollie (Lily Gladstone, une révélation), une jeune femme assez sûre d'elle, qui ne s'en laisse compter par personne... jusqu'au jour où un petit Blanc mal dégrossi réussit à capter son attention.

   Cet énergumène est incarné par Leonardo DiCaprio, que j'ai trouvé convaincant dans la première partie du film, avant que son jeu ne tourne à la caricature (avec menton proéminent). Dommage, d'autant qu'à l'origine, il devait incarner un personnage beaucoup plus positif, un agent du FBI naissant, qui débarque dans la contrée pour enquêter sur une série de morts suspectes.

   Scorsese a choisi de faire de King Hale le véritable (anti-)héros de l'intrigue... et, d'un point de vue cinématographique, il n'a pas eu tort, tant De Niro étincelle dans le rôle de cette fripouille manipulatrice, qu'il semble avoir pris grand plaisir à interpréter. Il est de plus bien servi par les dialogues. En revanche, les personnages d'Indiens hommes sont taillés à la hache. On n'a pas cherché à en faire émerger une figure positive charismatique, alors qu'il y avait pourtant le matériau, à travers notamment le groupe qui finit par se rendre à Washington.

   Scorsese aime les racailles de l'Amérique de l'envers comme il aime les mafieux. Cela nuit un peu à son intrigue, parce qu'il a visiblement répugné à faire tomber le King de son piédestal. Même emprisonné, celui-ci sort vainqueur par la parole et les manipulations. (De Niro est vraiment très fort dans la manière de faire ressortir cet aspect de son personnage.)

   Sur le plan visuel, on retrouve un cinéaste inspiré. On attendait bien sûr les grands espaces de l'Oklahoma... et ils sont magnifiés. J'ai été plus impressionné par la mise en scène de l'intime et des actions conspiratrices. Dans ces dernières, la ruse le dispute à la maladresse, voire la stupidité. Il est encore plus désolant que les Indiens en aient été victimes.

   Je doute toutefois que ce qui nous est montré à l'écran soit une représentation rigoureuse du passé. On entend par exemple un responsable indien parler, au début des années 1920, d'un "génocide" commis contre sa nation... à ceci près que le mot n'a été inventé qu'en 1944. On n'est pas non plus obligé de croire totalement à la version du personnage d'Ernest Burkhart que joue DiCaprio. L'un des nœuds de l'intrigue est constitué par son indécision, ses oscillations, entre d'un côté l'appât du gain (et la fidélité à son oncle) et, de l'autre, l'amour de plus en plus fort qu'il semble ressentir pour Mollie. Même si l'un des dialogues de la fin remet un peu les choses à plat, c'est (selon moi) de manière trop ténue : le vrai Burkhart était d'abord mû par la cupidité.

   Mais laissons à l'artiste sa liberté d'interprétation, d'autant qu'il rend un bel hommage aux Osages (notamment aux femmes). Le film est certes trop long, mais d'une incontestable beauté.

Saw X

   Lionsgate ressuscite John Kramer, le "tueur au puzzle", pour tenter de relancer la franchise du film d'horreur, après une petite escapade (il y a deux ans) du côté du "politiquement correct".

   En fait, ce bon vieux Johnny n'a pas ressuscité... puisque l'action se place entre celles de Saw I et Saw II... c'est-à-dire à l'époque des meilleurs films de la série. Le début nous montre le tueur en plein traitement contre son cancer, à l'hôpital où, parfois, il lui vient des envies de meurtre torture. C'est sympatoche, délicieusement cruel et cela nous fait patienter en attendant le gros œuvre, qui va mettre un petit moment à arriver.

   En effet, ensuite, on nous plonge dans un quasi-conte de fées. C'est très surprenant et cela présente Kramer sous un autre jour, notamment en raison des relations qu'il tisse, qui n'ont rien à voir avec sa mission sanguinairement rédemptrice. On espère se doute bien que cela ne va pas durer.

   Quand le tueur se remet à sa tâche, on nous balance du lourd. Les scénaristes se sont trituré les méninges... et je dois dire que le résultat (avec notamment deux retournements de situation) est plaisant à regarder... si l'on supporte le gore... vraiment gore... très très gore. Je recommande tout particulièrement la manière dont une infirmière et un médecin anesthésiste se font dézinguer...

   Même si j'ai senti venir le second twist d'assez loin, j'ai apprécié cette facétie scénaristique, qui relance l'intrigue... et les hectolitres coulis de sauce tomate. Je conseille aux spectateurs qui seraient tentés par l'aventure de ne pas quitter trop rapidement la salle. A la fin officielle du film, si l'on a bien suivi, Kramer n'a pas achevé sa vengeance. On nous a donc mitonné une petite scène post-générique en forme de clin d’œil. On a aussi laissé la porte ouverte à une nouvelle suite.

21:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 03 novembre 2023

Le Garçon et le héron

   Dans ma vie de (vieux) cinéphile ruthénois, il m'aura été donné le plaisir d'assister à la scène suivante : une file d'attente de spectateurs, avant la projection d'un film d'Hayao Miyazaki... en version originale sous-titrée, au CGR de Rodez ! 

   Il y a une dizaine d'années, j'étais sorti un peu déçu de la vision du Vent se lève. En 2019, l'espoir était revenu quand, au détour d'un documentaire consacré au Maître, il était annoncé la mise en chantier de son ultime long-métrage d'animation.

   Autant le dire tout de suite, Miyazaki conclut son œuvre cinématographique par l'un de ses plus beaux films, tant sur la forme que sur le fond. Sur le plan technique, l'animation est de grande qualité. On retrouve ce souci du détail, par exemple la volonté de transcrire au plus près de la réalité les mouvements des êtres vivants, humains comme animaux. Les décors sont soignés... et quel éblouissement dans certaines scènes ! Dès le début, on est cueilli par celle de l'incendie de Tokyo (hélas dramatique). La première discussion entre le garçon (Mahito) et le héron est aussi prétexte à virtuosité visuelle... assaisonnée d'humour. Dès qu'un oiseau est dans les parages (héron, pélican, perruche..), les humains se font chier dessus !

   Le film prend une ampleur supplémentaire quand le garçon pénètre dans le "monde magique", celui auquel mènent à la fois la Tour du mystérieux grand-oncle et la forêt proche, perçue comme dangereuse. Le héron perd sa grandiloquence du début pour devenir un acolyte gouailleur, tandis que surgissent de gigantesques perruches et d'adorables petites créatures blanches (des wakawaka ?).

   Que ce soit dans le "monde réel" (le Japon de la Seconde Guerre mondiale) ou dans le "monde magique", l'ambiance est celle du conte. Bien que baignant dans la culture japonaise, le film contient des références à des œuvres occidentales. Ainsi, les mamies qui accueillent le garçon à la campagne sont au nombre de sept... et de petite taille. L'une d'entre elles (la grincheuse) joue un rôle particulier dans l'intrigue. Dans le "monde magique", Mahito est guidé par une étrange jeune fille, sorte de décalque d'Alice... dont le véritable rôle sera compris par les spectateurs adultes avant même Mahito. Cette ambiance de conte n'est pas aseptisée (ce qui est conforme aux versions traditionnelles des histoires populaires). La nature est parfois cruelle, comme un troupeau de pélicans ou une armée de perruches, tous et toutes diablement affamés (comme les Japonais de 1944-1945 d'ailleurs).

   De plus, même si le héros est un garçon, on a quelques beaux personnages féminins : la mère, la tante, les mamies, la pêcheuse-pirate (au cœur d'une des séquences les plus brillantes) et cette étrange Himi. J'ai remarqué que c'est lorsque intervient un personnage féminin que l'animation se fait la plus virtuose.

   A l'arrière-plan se trouve le Japon de l'enfance de Miyazaki : impérialiste, militariste, affamé (sauf les élites)... et sur le point d'être vaincu par les États-Unis (qui n'apparaissent pas ouvertement dans l'intrigue). L'incendie dans lequel meurt la mère du héros est sans doute provoqué par l'un des bombardements de Tokyo, peut-être celui de mars de 1945 (rappel que, pour vaincre les nazis comme leurs alliés japonais, il a fallu parfois commettre des actions extrêmes... aucune guerre n'est propre). Le royaume des perruches, dictature populiste, est une référence au Japon impérial, le Maître des pierres (qui détient le pouvoir magique, mais ne gouverne pas réellement le pays) pouvant s'inspirer de la figure de l'empereur Hiro-Hito (dont Miyazaki nous livrerait là une version assez... édulcorée, pour être poli).

   A un autre niveau, le film est un drame psychologique. Le héros ne parvient pas à faire le deuil de sa mère, alors que débarque la nouvelle épouse de son père, déjà enceinte de ses œuvres ! Cela pourrait être lourdingue, excessivement mélo... mais, fort heureusement, ce n'est pas un film français. Miyazaki, à l'image de ce qu'on a pu voir récemment dans Le Château solitaire dans le miroir, insère subtilement le problème des relations familiales dans son intrigue fantastique.

   Au final, cela donne un film grandiose, que les (pas trop) petits peuvent se contenter de voir comme un conte, une histoire telle qu'on n'en raconte quasiment plus. Les adultes peuvent se plonger avec délectation dans les méandres des références et des possibilités d'interprétation, tout en profitant du spectacle visuel.

00:35 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 28 octobre 2023

3 jours max

   Trois ans après 30 jours max, Tarek Boudali revient derrière la caméra, avec ses potes de la bande à Lacheau au casting, toujours accompagnés de quelques "pointures" de la comédie, comme Marie-Anne Chazel, Chantal Ladesous et José Garcia.

   Toutefois, dans cet opus, ces glorieux anciens sont clairement mis au second plan, l'essentiel de l'action tournant autour du trio de potes (Boudali-Lacheau-Arruti)... et de Vanessa Guide, qui incarne le principal personnage féminin (déjà présent dans le précédent film, mais plus percutant ici). D'autres visages connus font une fugace apparition, Rossy de Palma se voyant octroyer une partition plus importante (mais dans une séquence à moitié ratée).

   Le début se passe dans un centre de recrutement des services secrets français. Une brochette de flics passe les tests pour tenter de devenir agent de terrain... mais, évidemment, tout ne se passe pas comme prévu. Le héros, Rayane, bien que courageux, se montre particulièrement maladroit.

   Le suite est du même tonneau : avec ses amis, il organise une expédition pour tenter de sauver sa grand-mère. La séquence aux Émirats arabes unis (qui louche à la fois sur James Bond et Mission : Impossible - Protocole fantôme) n'est pas mal du tout. Au niveau de l'action, cela tient la route. Au niveau de la distribution, on sent que la sélection a dû être éprouvante au vu du nombre de jolies jeunes femmes peu vêtues qui font de la figuration... Cela m'amène à l'ambiguïté du film quant aux personnages féminins. On a deux beaux exemples de femme forte, avec Stéphanie (Vanessa Guide) et l'espionne française (Elodie Fontan, dont le personnage s'inspire un peu de celui interprété par Sofia Boutella dans Kingsman). En revanche, presque toutes les autres sont des "bombasses" hyper-sexualisées, qui s'entichent d'hommes peu charismatiques, mais riches ou célèbres... A noter quand même une belle scène de combat, mettant en valeur l'un des personnages féminins.

   Il est vrai que la "masculinité toxique" reçoit quelques coups, souvent administrés par la compagne du héros. Quant à Tony (Philippe Lacheau, très à l'aise dans le rôle), il en prend pour son grade... mais il est aussi une source récurrente de gags, fondés sur la ressemblance entre son personnage et David Guetta. On en voit un exemple dans la bande-annonce, mais cela continue dans l'avion, à Dubaï, dans la jungle américaine...

   A la poursuite du diamant vert des émeraudes magiques, les héros voguent du Moyen-Orient à l'Amérique latine. Je trouve que les gags sont moins bons dans cette partie. Dans la salle, les enfants rient toujours, les adultes plus rarement. C'est franchement crétin et pas toujours réussi.

   Au final, j'ai trouvé cela un peu moins bon que 30 jours max... et surtout moins bon que les films écrits et mis en scène par Philippe Lacheau. Dans l'équipe, c'est lui qui a la vista. Tarek Boudali n'est pas sans talent, mais, dans ce film-ci, trop de gags sont poussifs.

   J'ai quand même passé un agréable moment, mais il ne fallait pas que cela dure davantage.

23:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 26 octobre 2023

Second Tour

   Quand j'ai appris quel était le sujet du dernier film d'Albert Dupontel, j'ai d'abord eu une impression de déjà-vu. En effet, il y a un peu plus de quinze ans, l'acteur-réalisateur a campé un homme politique briguant la magistrature suprême dans Président (de Lionel Delplanque).

   Ici, le scénario est plus alambiqué. En démêler les fils est le principal enjeu de la première heure. Deux complots sont à l’œuvre, un pour faire élire Pierre-Henry Mercier (Dupontel, que j'ai connu en meilleure forme), l'autre pour le faire tuer. S'ajoute à cela un secret de famille bien gardé.

   Plus que l'intrigue politique, qui fait un peu cliché, ce sont les pérégrinations du binôme de journalistes qui m'ont intéressé. Cécile de France, en rebelle qui ronge son frein en attendant de tomber sur un scoop, est le véritable moteur de l'histoire, épaulée par Nicolas Marié, caméraman érudit et un peu gaffeur. Tous les deux sont marrants, mais j'ai trouvé leur jeu trop appuyé. (Le sourire surgit aussi lors des interventions d'un duo de gardes du corps, deux impitoyables et charmantes jeunes femmes, formées au Mossad...)

   Les spectateurs les plus attentifs auront deviné avant l'heure fatidique quel est le fameux secret de famille... et la plus grande partie de la salle aura sans peine senti quelle supercherie allait être mise au point. Cela aurait pu être piquant, aérien, mais, malheureusement, Dupontel filme cela avec lourdeur. Cela culmine dans le débat de l'entre-deux-tours, qui oppose le candidat étiqueté libéral à un populiste d'extrême-droite : les interactions sont mal fichues et l'usage d'un dispositif secret n'est pas crédible.

   Pire : je ne retrouve pas le style mordant de Dupontel. La partie critique de l'intrigue manque de relief et, quand le réalisateur verse dans l'émotion, c'est pataud, surligné, avec une musique d'accompagnement limite insupportable.

   Du coup, en dépit de la première partie émaillée d'humour et un poil mystérieuse, je suis sorti de la séance déçu.

mercredi, 25 octobre 2023

Une Année difficile

   Je ne suis pas un grand fan du duo Nakache-Toledano. Dans leur filmographie, je retiens surtout Le Sens de la fête (plus qu'Intouchables)... mais je n'ai pas tout vu. Ici, j'ai été pris dès le début. Le film démarre par une bonne idée d'introduction, qui nous fait remonter le temps, et donne une indication sur la morale de l'histoire. Les auteurs ne sont partisans ni du "C'était mieux avant", ni du "Le monde est foutu". Du coup, les vieux cons comme les jeunes crétins risquent de ne pas apprécier.

   ... et pourtant, au départ, ces écologistes militants sont dépeints sous un jour favorable. La mise en scène nous les présente comme organisés, instruits, plutôt altruistes et pas bien méchants. Au blocage de l'entrée de l'hypermarché répondent les manifestations en extérieur. La réalisation est tonique, le montage donne du rythme et les acteurs sont convaincants, parfois percutants.

   Parmi eux, il faut bien entendu distinguer Pio Marmaï et Jonathan Cohen, celui-ci drôlissime et, au moins une fois, émouvant (quand il "hume"...). Le duo (inversé par rapport à ce qui était prévu au départ : Pio devait jouer le dépressif et Jonathan le magouilleur) fonctionne très bien. Le fait que tous les deux soient (au départ) très dubitatifs quant au combat des jeunes bobos donne peut-être une indication sur le point de vue des réalisateurs... mais, à la fin, ils ont évolué.

   Parmi les sources de gag, il y a l'usage des pseudos : Cactus, Quinoa, Antilope, Sirène, Poussin, Lexo... Les rires fusent dans la salle, encore plus quand l'idéalisme béat de certains écolos est confronté au matérialisme (parfois un peu gras) des deux surendettés, pour qui le climat passe après leur propre survie quotidienne.

   Dans ce marigot de mecs soit goguenards soit gauchisants, la sincérité de Cactus (Noémie Merlant, très bien) tranche. Elle est en quelque sorte le noyau atomique de la cellule militante, celle qu'on admire, celle qu'on suit aveuglément, celle dont on tombe amoureux. On comprend très vite que son militantisme extrême masque une sorte de "complexe de l'imposteur" : elle est issue d'une famille riche, a eu une vie de privilégiée. Elle se juge donc en partie responsable du désastre actuel et appréhende fortement la suite, ce qui l'empêche d'être heureuse. Il faudra ce qui ressemble à l'intervention du covid (d'une manière que je ne révèlerai pas) pour qu'elle envisage la vie autrement.

   C'est une jolie histoire, nourrie d'humour, qui fait passer un bon moment.

mardi, 24 octobre 2023

Anselm : le bruit du temps

   C'est à Wim Wenders que l'on doit ce documentaire consacré à l'artiste allemand Anselm Kiefer. Une partie des images a été tournée dans le gigantesque atelier de Barjac, dans le Gard, une ancienne filature où Kiefer a posé ses valises, au début des années 1990.

   Le film commence par des vues étonnantes de robes de mariée, qui semblent fixées à des mannequins sans tête. Assez vite, on se demande si cette installation (en partie en plein air) est composée de véritables robes ou bien de sculptures en plâtre imitant le tissu.

   On en sait un peu plus en pénétrant dans quelques-uns des imposants bâtiments, réaménagés à sa convenance par Kiefer, qui a toutefois laissé tels quels certains éléments, auxquels il a adapté ses créations. Wenders déploie travellings et panoramiques pour nous faire découvrir l'endroit et les déambulations du peintre. On le suit à l’œuvre, avec divers outils, de la palette au chalumeau.

   J'étais un peu dubitatif au début mais, franchement, quand on voit le résultat, on est sidéré par l'impression qu'il donne. Quand on a le nez sur le détail d'une toile en gestation, on ne voit que des tracés informes. Quand la caméra prend du recul, on a la vue d'ensemble... et c'est souvent impressionnant. (Le style est appelé néo-expressionnisme.) Notons que l'artiste s'appuie souvent sur des photographies, qu'il peut insérer dans ses œuvres, ou s'en servir comme matériau de départ, qu'il modifie à sa guise.

   Après cette démonstration, le film nous plonge dans le passé de Kiefer. Dès le début, l'insertion d'images d'archives (tournées en  1945, année de naissance du peintre) nous indique que sa jeunesse a été marquée par la pauvreté, dans une Allemagne vaincue et placée au ban des nations.

   La mémoire du nazisme fait partie intégrante de l’œuvre de celui dont le père a servi dans la Wehrmacht. C'est d'abord au philosophe Martin Heidegger (dont la compromission avec le régime hitlérien a été longtemps masquée, voire niée) qu'il règle son compte, à travers un cahier d'artiste décrivant la décomposition progressive du cerveau présumé du penseur allemand. Mais c'est une série de photographies le montrant faire le salut nazi, en des lieux naguère conquis par l'armée allemande, qui a attiré l'attention des médias et suscité la polémique. On l'a un temps soupçonné d'être un artiste inspiré par le fascisme (parce qu'il réemployait certains mythes allemands, qui avaient fait l'objet d'une récupération sous le nazisme)... mais c'était à une époque où, quand on n'était pas (au minimum) sympathisant communiste, on était accusé de tous les maux.

   Pour ces séquences anciennes, Wenders a mélangé des images d'actualité (y compris télévisuelles) à des scènes tournées avec deux acteurs. Le plus jeune d'entre eux (peut-être le propre petit-fils du cinéaste) incarne Kiefer enfant, quand il s'éveille à l'art. Un adulte (peut-être le fils du peintre) incarne l'artiste débutant, en Allemagne.

   Dès qu'il l'a pu, Kiefer s'est installé dans de grands bâtiments pour nourrir son inspiration. Cela commença par une grande maison perdue dans les bois, puis des immeubles industriels, comme une ancienne briqueterie ou la filature de La Ribaute, devenue aujourd'hui le siège d'une fondation, l'artiste ayant fini par déménager à proximité de Paris. On voit quelques images de son nouvel atelier, situé dans un ancien entrepôt de La Samaritaine.

   Le film se veut à l'image de l’œuvre, monumental et inspirant. Wim Wenders promène doucement sa caméra, permettant aux spectateurs de profiter des œuvres et d'observer le travail de Kiefer. Il convient d'être aussi attentif aux sons : bruits du quotidien, musique et chuchotements n'ont pas été insérés au hasard. Je trouve que Wenders (comme pour Le Sel de la terre) a réussi son coup.

dimanche, 22 octobre 2023

Promenade à Cracovie

   Ce documentaire polonais est le résultat d'un travail effectué entre 2016 et 2021 (de la recherche historique au montage, en passant par le tournage). Une fois que Roman Polanski (ici témoin, et non cinéaste) a donné son accord, il a fallu trouver une période au cours de laquelle lui et son ami le photographe Ryszard Horowitz soient disponibles pour retourner dans la ville de leur enfance, Cracovie.

   Cela débute avec les retrouvailles des deux octogénaires, dans une voiture où il prend l'envie à l'un des deux de couper les poils qui dépassent du nez de l'autre ! C'est un peu la marque de fabrique de ce film, qui évoque des moments souvent dramatiques, mais avec parfois un humour salutaire.

   Déambulant dans les rues de la Cracovie moderne (devenue une importante ville touristique, point de passage quasi obligé avant de se rendre à Auschwitz), les deux hommes retrouvent le vieux cinéma où, enfant, Polanski a connu ses premiers émois sur grand écran. Sa demi-sœur aînée l'y emmenait... mais pas forcément voir ce qui l'intéressait, lui.

   Ils pénètrent ensuite dans l'appartement où logeait la famille Liebling (qui n'a pris le nom de Polanski qu'après la guerre, au retour de la déportation). Il en est un autre dans lequel le cinéaste n'ose demander à pénétrer, de peur de voir de précieux souvenirs gâchés par les images du présent.

   L'un des moments forts du documentaire est la séquence au cimetière (biconfessionnel), où est enterrée une partie de la famille. La remémoration des obsèques du père est riche en anecdotes, certaines très drôles.

   La suite est plus triste, puisqu'il est question du "déménagement" dans le ghetto, créé après l'invasion allemande. Il ne reste quasiment plus aucune trace de celui-ci dans la Cracovie moderne... et pourtant, les souvenirs sont douloureux. Lors des déportations qui ont suivi, Polanski perd une partie de sa famille (notamment sa mère). Son père lui permet de s'échapper. De son côté, Horowitz, déporté à Auschwitz, a eu la chance de figurer sur la célèbre Liste de Schindler. Tous deux sont des exceptions : l'écrasante majorité des 70 000 juifs de Cracovie (sur une population avoisinant les 250 000 habitants  à la veille de la guerre) a été exterminée par les nazis.

   Parmi les rescapés, beaucoup ont fui la Pologne devenue communiste, où leur retour n'a pas toujours été bien accepté. Le film se voulant un pont entre les deux cultures du pays (la catholique et la juive), il se garde de rappeler qu'entre 1945 et 1970, il y eut plusieurs "piqûres de rappel" antisémites (par exemple en 1953 ou 1970). De leur côté, les familles Polanski et Horowitz (du moins, ce qu'il en restait) sont revenues en ville, le père se remariant très vite, au grand dam de son fils. Roman (surnommé Romek par son ami) a pris l'habitude de passer plus de temps chez les Horowitz, en particulier avec Ryszard, avec lequel il va ensuite développer son goût pour les arts et la culture.

   Un autre moment marquant est la rencontre entre Polanski et le petit-fils du couple de paysans polonais qui l'ont caché, au péril de leur vie, à la fin de la guerre. Cela débouche sur la cérémonie qui déclare les défunts "Justes parmi les Nations", à Yad Vashem.

   Si le documentaire est passionnant, sur le plan historique, je dois reconnaître qu'il est parfois difficile à suivre, ayant été tourné en polonais, sous-titré pour sa sortie en France. A la longue (1h15), c'est un peu usant, en dépit des moments humoristiques qui introduisent une salutaire légèreté.

   P.S.

   Mon billet aurait dû s'arrêter là... mais la séance a été suivie d'un mini-débat, au cours duquel l'un des intervenants a signalé que le film semblait avoir été victime d'une forme de boycott. Déjà, à sa sortie, l'été dernier, la distributrice s'était alarmée du petit nombre de salles ayant programmé le documentaire, certaines s'étant même rétractées.

   A Toulouse, aucun cinéma n'aurait accepté de diffuser le film. Les intervenants n'ont pas voulu insister là-dessus (ni nommer les cinémas). Rappelons simplement que, dans la "Ville rose", l'art et essai est très bien installé, avec l'ex-Utopia, renommé American Cosmograph (qui fut en travaux en juillet-août), l'Utopia Borderouge, l'ABC et Le Cratère (qui reprogramme des films déjà diffusés ailleurs). S'ajoutent deux mastodontes, le Pathé Wilson (ex-Gaumont) et l'UGC Montaudran (inauguré en 2021, deux ans après la fermeture de l'enseigne du centre-ville).

   Je n'aime pas cette sorte de néo-maccarthysme qui se développe dans notre  pays (très minoritairement, mais impliquant des gens influents). Des activistes peu soucieux de la vraie justice tentent d'imposer leur bien-pensance, au détriment de la présomption d'innocence... et de la liberté artistique.

samedi, 21 octobre 2023

Bernadette

   Je n'éprouve pas vraiment de sympathie pour l'ancienne Première Dame qui, à mon avis, avait une trop haute opinion d'elle-même (de par son statut social). Mais l'idée de tourner une comédie politique sous l'angle de l'épouse du président Chirac m'a paru bonne, surtout vu la distribution.

   Catherine Deneuve nous livre une nouvelle facette de son talent... et elle contribue à donner de son personnage une image un peu trop belle à mon goût. Ceci dit, j'ai quand même de la compassion pour l'épouse archicocufiée, aux ordres de son mari et (au départ) méprisée par l'entourage politique. Les images d'archive nous rappellent que Bernadette Chirac fut une jeune femme dotée d'un certain charme et, avec son caractère et son engagement, elle aurait très bien pu mener une vraie carrière politique sans se contenter d'évoluer dans l'ombre de son mari.

   Celui-ci est incarné avec un plaisir évident par Michel Vuillermoz qui, lui aussi, a tendance à rendre son personnage un peu trop sympathique. Toutefois, comme l'épouse finit par prendre un peu d'indépendance, la seconde partie du film est l'occasion d'égratigner (gentiment) un homme politique menteur, égocentrique et malhonnête, dont le bagout (et certains choix judicieux en politique étrangère) a fait oublier bien des défauts.

   La Comédie française est décidément bien représentée dans ce film, puisque outre M. Vuillermoz, on trouve Denis Podalydès en conseiller de la Première Dame et Laurent Stocker en Nicolas Sarkozy. Les apparitions de ce dernier sont toujours une source d'amusement.

   Dans la faune des conseillers de Chirac, il faut distinguer François Vincentelli, lui aussi visiblement ravi d'incarner Dominique de Villepin. A noter, dans la masse des seconds rôles, l'excellente performance d'Olivier Breitman en Karl Lagerfeld.

   Du côté féminin le casting est beaucoup plus restreint. (Ce film est d'ailleurs l'occasion de vérifier qu'au tournant des années 1990-2000, l'élite politique française est principalement constituée d'une meute de mâles dominants.) Sara Giraudeau est très bien en Claude Chirac (bien que moins tranchante que la vraie), cette fille au prénom androgyne qui est en fait le fils que Chirac n'a pas eu. J'ai trouvé aussi Maud Wyler convaincante dans le rôle de "l'autre fille", celle qu'on ne montre pas.

   Quand on a connu cette époque, on revit des moments de son passé, sous un angle particulier. Le film fourmille de situations cocasses et de bons mots. Cela ne va pas révolutionner l'histoire du cinéma, mais on passe un bon moment.

vendredi, 20 octobre 2023

The Creator - Hollywood décolonial

   Sur une Terre ravagée par une guerre opposant les méchants Occidentaux (qui ont banni les intelligences artificielles) aux gentils Asiatiques (qui vivent en harmonie avec elles), un agent infiltré tente de concilier sa mission et l'amour qu'il éprouve pour la fille d'une sorte de gourou des IA. Il croise la route d'une enfant de synthèse, considérée comme une arme extrêmement redoutable (et donc recherchée par les deux camps)... mais qui se révèle de plus en plus humaine.

   Sur un thème dont la présence ne cesse de croître sur les écrans de cinéma, Gareth Edwards (Rogue One tout de même) a bâti un scénario assez conventionnel, dont il est possible de prévoir presque toutes les péripéties. Dès le début, on sent comment va se terminer la séquence initiale. Il est aussi évident qu'un personnage important va changer de camp. Il est tout aussi prévisible que la gamine va s'attacher à lui... pour une raison de plus en plus transparente, à mesure que se développe l'intrigue. Enfin, quasiment depuis le début, on sent où l'histoire pourrait trouver sa conclusion et même de quelle manière.

   Cet assemblage de recettes faciles, un brin éculées, passe plutôt bien à l'écran parce que c'est réalisé avec un incontestable souffle. Les scènes aériennes sont emballantes, utilisant judicieusement des effets spéciaux très réussis (merci LucasFilm !) et les séquences de combat sont spectaculaires. Ajoutons qu'on a soigné les décors et que ce cher Hans Zimmer a apporté son incontestable savoir-faire à l'emballage musical.

   Un bémol toutefois : on note quelques erreurs de montage (des faux-raccords), par exemple quand un personnage court vers une plage, sur le point de rattraper un bateau qui embarque... et qu'on voit, deux secondes plus loin, au large... ou encore, quand une "méchante", après avoir examiné ce qu'il reste de conscience de l'un de ses soldats, retourne à son véhicule en laissant sur place le précieux équipement qui lui permet de fouiller dans les cerveaux... équipement qui a mystérieusement disparu quand, quelques minutes plus tard, un autre groupe arrive à proximité du cadavre...

   Précisons que cette "méchante" est américaine. Hollywood semble avoir un sérieux problème avec les femmes de pouvoir, quand elles sont blanches. Ces dernières années, on croise de plus en plus souvent ce type de personnage repoussoir, sans que cela semble choquer personne. Récemment, on y a eu droit notamment dans Wakanda Forever (avec l'ambassadrice française), Blue Beetle (avec une cheffe d'entreprise) ou encore Ninja Turtles (avec une femme d'affaires). Le fait que ces clichés dépréciatifs se répandent dans des œuvres populaires me paraît un peu inquiétant.

   Mais, sur le fond, il y a pire. Globalement, ici, les méchants sont les Blancs occidentaux (principalement américains), les populations "colorées" (asiatiques, mais aussi afro-américaines) étant présentées soit comme d'innocentes victimes, soit comme de méritantes combattantes de la liberté. Bref, comme on a mis tout le pognon dans les FX, il ne restait plus grand chose pour la subtilité scénaristique... ou alors (hypothèse audacieuse), c'est parce que l'intrigue a été rédigée... par une IA !

22:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 18 octobre 2023

Terminator 2

   Moins d'un an après la ressortie en salles de Terminator, le deuxième volet (le dernier signé James Cameron) a refait son apparition au cinéma CGR de Rodez, dans le cadre de ses fameux "plans cultes", qui proposent aux cinéphiles locaux d'alléchantes pépites.

   Au début, les spectateurs de l'époque ont dû avoir une impression de déjà-vu, avec ces deux hommes nus débarqués du futur, l'un pour tuer John Connor, l'autre pour le protéger... sauf que, pendant un bon quart d'heure, la mise en scène entretient le doute quant à la mission de chacun... d'autant qu'il s'agit de deux terminators, l'un plus perfectionné que l'autre.

  Ce début est d'autant plus emballant qu'il est émaillé d'humour, comme lorsque le personnage incarné par Schwarzy débarque dans un bar de bikers pour se procurer vêtements et moyen de locomotion. D'autres moments sont devenus cultes, comme lorsque le jeune John enseigne au tueur mécanique certaines subtilités des relations humaines... son (très grand) élève se révélant capable d'étonnants progrès !

   Au niveau de l'intrigue, c'est encore meilleur que dans le premier opus, puisque Sarah Connor y occupe une place plus grande, à tel point que, parfois, le culturiste californien passe au second plan. J'ai pris plaisir à retrouver Linda Hamilton en femme d'action, aux ovaires bien arrimés... et assez sexy, ma fois.

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   L'intrigue se déroule un peu moins de dix ans après celle du premier opus. On y croise un John Connor préadolescent, incarné par Edward Furlong... qui, rappelons-le, a repointé le bout de son nez, il y a quelques années (tout comme Linda Hamilton), dans Dark Fate.

   A l'époque, on avait souligné la qualité des effets spéciaux du film de Cameron. Ils ont un peu vieilli aujourd'hui, mais leur insertion dans l'intrigue est remarquable. Ils ne sont pas là juste pour faire joli.

   Ce Terminator est aussi marquant par ses scènes de poursuite, en moto, en voiture, en poids lourd, en hélicoptère... et ça canarde !

   En revanche, je ne regrette pas la mode capillaire de l'époque : on aperçoit plusieurs personnages dotés d'une coupe mulet (notamment le meilleur copain de John Connor), dont jusqu'à il y a peu, je me réjouissais qu'elle fût tombée en désuétude, passant pour un summum de ringardise.

   Sur le fond, l'histoire n'est pas idiote, avec la prémonition des dégâts qu'une sorte d'intelligence artificielle pourrait faire. A noter aussi l'évolution du personnage de Sarah Connor, tentée à un moment par une posture radicale, qui transforme le personnage en quasi-terminator humain (et féminin). Comme le déclare l'un des protagonistes, les humains possèdent l'étrange faculté de s'autodétruire et de s'entretuer, une réflexion hélas corroborée par la brûlante actualité...

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jeudi, 12 octobre 2023

Expend4bles

   Expendables, c'est, pour moi, le souvenir d'un film maté dans une chambre d'hôtel climatisée, au cours d'un déplacement professionnel, un début d'été caniculaire, il y a des années. Je me trouvais dans une zone périphérique peu animée... et je n'avais pas envie de ressortir, vu la chaleur qu'il faisait. Va donc pour le bouquet de chaînes d'un célèbre groupe privé. Ce soir-là, l'un des films de la franchise était diffusé. Je me suis endormi avant la fin de la première demi-heure...

   Mais, ce coup-ci, alléché par une bande-annonce promettant bastons spectaculaires et humour facile, j'ai tenté l'aventure de la salle obscure (avec une séance en version originale sous-titrée).

   Le début est percutant. Il est censé se dérouler en Libye (et pas en Lybie, contrairement à ce qu'annonce l'incrustation)... et ça dépote. Le nouveau méchant est impitoyable, organisé et maîtrise les arts martiaux.

   Ça tombe bien, parce qu'en face, la troupe de contractuels (vieillissants) de la CIA compte un certain Christmas (alias Jason Statham) dans ses rangs. Dans cet épisode, le grincheux acariâtre prend le pas sur Stallone et nous régale de quelques bagarres particulièrement bien chorégraphiées.

   Avis aux âmes sensibles : c'est hyper-violent et graphiquement très sanglant. Mais il ne me déplaît pas de voir cette bande de corsaires des temps modernes dézinguer plusieurs centaines de terroristes et trafiquants en tous genres.

   Les cascades sont top et les effets spéciaux plutôt corrects (mais un peu trop visibles). On y a sans doute mis plus d'argent que dans le scénario, parce que j'avais deviné qui était le fameux Ocelot (le mystérieux patrons des terroristes) au bout d'un gros quart d'heure.

   Il reste l'humour, pas d'une grande subtilité, mais efficace. Les gros bras de la troupe n'arrêtent pas de se chambrer. Soyez aussi attentifs aux détails de certaines scènes. Ils sont parfois croustillants, comme le support où la bague de Barney (Stallone) a été fixée après que celui-ci l'a perdue lors d'un pari.

   Après une journée de boulot et un bon repas, un soir, ça détend.

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Marie-Line et son juge

   C'est le titre du nouveau film de jean-Pierre Ameris, dont j'avais apprécié Les Folies fermières, sorti l'an dernier. J'ai aussi été attiré par la présence de Michel Blanc au générique. Le risque était qu'il incarne un personnage un peu trop proche de ce qu'on a vu au printemps dernier dans Les Petites Victoires. Ici, le travailleur manuel retraité et illettré cède la place à un juge bien actif, veuf (quasi) inconsolable et un brin alcoolique.

   Dans des circonstances que je me garderai bien de révéler, cet homme cultivé, gagné par la misanthropie, entre en contact avec une jeune serveuse, fille d'un docker victime d'un accident de travail, déscolarisée, un peu paumée, mais tenaillée par l'envie de vivre pleinement sa vie.

   Concernant ce personnage, je n'ai pas aimé le début ; je n'ai pas cru à la naissance de cette improbable histoire d'amour, où les ellipses semblent masquer la difficulté d'insérer des scènes crédibles.

   En revanche,  quand cela se gâte, en particulier quand devient patent le fossé culturel qui sépare Marie-Line de l'entourage de son nouveau petit copain, j'ai trouvé cela plutôt bien fichu, correctement joué et mis en scène.

   Petit à petit, on découvre les antécédents d'une ancienne bonne élève, traumatisée par la mort de sa mère et la dégringolade (physique et mentale) de son père, auquel elle est liée par une étrange relation, mélange d'incompréhension et de dépendance mutuelles. Dans le rôle du paternel, Philippe Rebbot est très bon.

   La réalisateur semble avoir voulu brosser le portrait d'une sympathique "cassos", qui déploie des efforts maladroits pour tenter de s'en sortir... et aurait besoin d'un coup de pouce, sans trop oser le demander. De son côté aussi le juge aurait besoin qu'on l'aide... mais il est trop fier (et acariâtre) pour le reconnaître... du moins au début. Dans le rôle de Marie-Line, Louane est crédible, son physique (empâté par rapport à ses débuts dans La Famille Bélier) se révélant un atout. A l'image de bien des jeunes femmes issues de milieux populaires, c'est une adepte de la malbouffe (ou, du moins, elle mange peu équilibré), avec les conséquences qu'on devine sur sa silhouette.

   L'histoire semble suivre un chemin balisé, avec deux personnages qui vont se découvrir, s'apprivoiser, s'engueuler, s'entraider... Cela nous réserve beaucoup de moments cocasses, qui reposent principalement sur les postures de l'acteur Blanc et les réflexions parfois brutes de décoffrage de la serveuse, devenue chauffeur... en attendant mieux.

   Ce film est une agréable petite chose, dont on sort de bonne humeur.

19:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 08 octobre 2023

Acide

   Il y a deux ans était sortie dans les salles La Nuée, de Just Philippot, qui m'avait agréablement surpris. Je me suis donc laissé tenter par ce long-métrage fantastique, qu'on aurait pu jadis (dans les années 1980) qualifier "d'anticipation" et qui, aujourd'hui (heureusement), est plutôt de la science-fiction.

   L'argument fantastique est constitué par les pluies (très acides), qui perforent de plus en plus de bâtiments et provoquent la mort des animaux et des hommes qui n'ont pas trouvé d'abri. C'est bien mis en scène, que cela se passe à l'extérieur ou à l'intérieur, avec des effets spéciaux saisissants.

   Mais, au départ, c'est un film social. La séquence introductive est filmée en caméra subjective, au smartphone ou en caméra-piéton. C'est de la violence brute, façon reportage de l'intérieur : des grévistes prennent le contrôle de leur entreprise (et le patron en otage) ; la police intervient et, de part et d'autre, la violence se déchaîne. L'habileté de la mise en scène permet à chacun de s'y retrouver, soit qu'on estime que la police en fait trop, soit qu'on juge que certains grévistes ont perdu les pédales.

   Le héros de l'histoire, père de famille, est présent dans cette scène... mais je ne dirai pas où. On le retrouve quelques mois plus tard, séparé de son épouse, dans une situation précaire, dans l'attente d'un procès. Cela perturbe la relation qu'il entretient avec sa fille, assez forte au départ, et qui va évoluer. Le père est (très bien) incarné par Guillaume Canet, qui joue un personnage à la Matt Damon, Tom Cruise ou Bruce Willis, un gars ordinaire qui, dans des circonstances extraordinaires, va tout faire pour sauver sa famille.

   Le film oppose deux comportements, un, tranché (celui du père), dans l'action, qui ne se pose pas trop de questions et l'autre, plus empathique (celui de la mère puis celui de la fille), pour qui tout n'est pas possible, en tout cas pas acceptable.

   Fantastique au départ, l'intrigue penche ensuite vers un bon vieux survival, entre le nord de la France (métropolitaine) et la Belgique. J'ai été pris par cette histoire familiale chaotique sur fond de chute d'une civilisation. On ne s'ennuie pas une seconde et certaines scènes sont d'une force inouïe. Je mettrais deux bémols à mon enthousiasme : l'évolution du personnage de la fille, une ado à fort caractère au départ, qui se mue en chialeuse invétérée (avec certes, une fois, une bonne raison de pleurer), et les dix-quinze dernières minutes, durant lesquelles, pour moi, l'intrigue sort du chemin rationnel suivi jusqu'alors, privilégiant l'émotion facile.

18:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 03 octobre 2023

Le Procès Goldman

   Dans la famille Goldman, c'est le petit jeune, Jean-Jacques, qui est devenu célèbre, et même une icône de la chanson populaire contemporaine. Seules quelques milliers de personnes (adeptes des mouvements qui vont de scission en scission) se souvenaient qu'il avait un (demi-)frère aîné, du genre teigneux, emprisonné, jugé pour meurtre et, finalement, assassiné.

   C'est à ce demi-frère maudit que le film de Cédric Kahn est consacré, à travers une tentative de reconstitution de son second procès aux Assises, en 1976. Nous voilà donc confrontés à un nouveau "film de procès" (un genre en vogue chez l'extrême-gauche branchouille), qui se veut à la fois une mise en scène de la Justice, une réflexion sur l'engagement révolutionnaire... et un peu un film de propagande, nourri de préoccupations plus contemporaines.

   Au centre de tout se trouve Pierre Goldman, incarné, habité même par Arieh Worthalter, qui porte le film sur ses épaules. Il n'a pas cherché à rendre son personnage sympathique, pas plus que le réalisateur d'ailleurs, qui filme tout cela de manière froide (un peu scolaire : c'est souvent du champ/contrechamp), avec suffisamment de détails pour permettre à différents types de public de s'y retrouver.

   Après une entame ratée (le dialogue entre les deux avocats -qui n'a pas existé- étant mal joué, le texte récité comme une leçon apprise par cœur), on rentre dans le vif du sujet avec un plan du "héros", d'abord mutique, assez impressionnant. L'ambiance du procès est bien rendue, avec un chahut très fréquent (on a reproché au président de la Cour de ne pas avoir su maîtriser les débats), celui mené par les soutiens gauchistes de Goldman, une agitation qui contraste fortement avec la dignité des familles des victimes, que souligne la mise en scène de Kahn.

   Indirectement, la situation fait un peu penser à une lutte des classes, mais pas dans le sens où le pensent les amis marxistes de Pierre Goldman. En effet, celui-ci est issu d'une famille de notables, le père étant un commerçant aisé (certes aux origines modestes), ancien résistant, bref une sorte de figure morale, qui a financé les errances scolaires de son fils aîné à une époque où seule une faible proportion d'une génération (autour de 10 %) accédait au baccalauréat. En face se trouvent des personnes appartenant à la petite classe moyenne (notamment l'employée de pharmacie, l'un des clients blessés et le policier agressé). L'aisance verbale de Goldman, au tribunal, contraste avec l'expression maladroite de certains de ses contradicteurs, qui n'ont pas reçu une éducation aussi soignée que lui, ni fréquenté d'aussi bonnes écoles... Tout cela est très bien rendu par les comédiens qui campent les seconds rôles.

   Au niveau du déroulé, le réalisateur essaie de montrer comment la Défense a démonté l'accusation, en décrédibilisant certains des témoins, parfois de manière outrancière. Ce fut le travail de Georges Kiejman, un avocat promis à un brillant avenir, mais dont Arthur Harari peine à faire passer le talent. (Il s'est naguère montré beaucoup plus habile derrière la caméra, avec Diamant noir et Onoda.) Le film n'évoque pas une autre piste possible dans l'enquête sur le double meurtre, piste qui aurait pu contribuer à innocenter Goldman.

   La plus grande gêne surgit au détour d'une scène pourtant très belle, celle de l'interrogatoire de la compagne antillaise du délinquant révolutionnaire. La comédienne est très bien... mais cette scène est une pure invention, au service (selon moi) d'une propagande qui ne dit pas son nom.

   Nous sommes en pleine fiction intersectionnelle. Scénaristes et réalisateur ont voulu mettre en scène un "peuple de victimes" (juifs, militants de gauche, Noirs, femmes), tous devenus les cibles d'une police supposée quasi intégralement raciste et d'une Justice aux ordres. La ficelle est un peu grosse, d'abord parce que, si second procès il y a eu (alors qu'à l'époque il n'est pas possible de faire appel d'une condamnation aux Assises), c'est en raison d'un généreux vice de forme : l'absence de la mention de la date sur un document officiel ! Dame Justice s'est donc montrée bien complaisante envers Pierre Goldman.

   Le film a quand même le mérite de montrer cette justice en fonctionnement. Le procès ne permettait pas de conclure de manière irréfutable à la culpabilité de Pierre Goldman (pas plus qu'à son innocence, d'ailleurs). Il était logique que le doute profite à l'accusé.

   Depuis, toutefois, on a appris que l'alibi de l'accusé était bidon... et l'ancien rebelle, devenu chroniqueur au Nouvel Obs puis à Libération, a déçu une partie de ses soutiens à gauche. On l'a découvert sans doute plus attiré par la violence physique qu'authentiquement révolutionnaire... et il s'est lié à de drôles de personnages...

   Cela nous mène à sa mort, à peine évoquée par des insertions à l'écran, dans le film. Un spectateur peu informé serait tenté de conclure de celles-ci que ce sont des policiers d'extrême-droite qui auraient assassiné Pierre Goldman. Aucune preuve n'a été trouvée en ce sens. En revanche, comme il est expliqué (notamment) dans un numéro de Rendez-vous avec X (une émission qui remonte à 2005), les relations troubles entretenues par Goldman avec des types du Milieu pourraient expliquer son exécution. Mais cette fin peu glorieuse ternit trop l'étoile de l'ancien rebelle pour avoir été retenue par les thuriféraires du braqueur soi-disant révolutionnaire.

DogMan

   A part l'amour des chiens, le dernier film de Luc Besson n'a pas grand chose à voir avec l’œuvre homonyme de Matteo Garrone, sortie en 2018.

   C'est vers d'autres films de genre que louche cette enquête à rebours, qui commence par l'arrestation d'une drag-queen handicapée, couverte de sang et se poursuit par son interrogatoire (par une psychiatre), entrecoupé de retours en arrière.

   On pense immanquablement au Silence des agneaux et au Joker de Todd Phillips, avec, comme dans ces deux prestigieux devanciers, un acteur exceptionnel, ici Caleb Landry Jones. Qu'il interprète un jeune handicapé énamouré, le directeur zélé d'un refuge pour chiens, une drag-queen souffreteuse ou un tueur psychopathe, le comédien est époustouflant, impressionnant par sa maîtrise technique tout en réussissant à susciter l'émotion. (Mon gars, ça mérite un Oscar !)

   Besson a eu la chance de bénéficier de la contribution de cet acteur de talent... mais, de son côté, il n'est pas manchot. La mise en scène campe plusieurs ambiances, du glamour au glauque, en passant par l'inquiétante tranquillité d'une banalité affligeante, le tout servi par une chouette musique, intégrée à la construction des plans.

   Et puis il y a ces chiens, de race ou bâtards, grands ou petits, propres ou sales, affectueux ou menaçants, utilisés de manière extraordinaire dans certaines scènes. (Chapeau à la dresseuse !)

   Bref, c'est prenant de bout en bout, la première partie étant plutôt psychologisante, tandis que dans le dernier tiers, on retrouve le Besson filmeur d'action, dans une séquence virtuose qui voit un éclopé entouré de chiens venir à bout d'une bande de voyous surarmés.

   En dépit de considérations religieuses oiseuses, ce film fait peut-être partie de ce que Besson a filmé de plus fort.

00:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films