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mercredi, 03 juin 2015

Histoire de Judas

   Rabah Ameur-Zaïmeche aime les sujets borderline. Après la bande de Mandrin, voici qu'il s'attaque au duo formé selon lui par Jésus et Judas Iscariote (qu'il incarne d'ailleurs dans le film). Il s'inspire bien entendu des évangiles canoniques, qu'il interprète à sa façon, mais aussi d'un texte non reconnu par l'Eglise catholique, l'Evangile de Judas, qui semble avoir connu un certain succès dans les premiers siècles du christianisme, bien que rejeté par l'Eglise officielle.

   Autre particularité de ce film : il a été tourné avec des acteurs musulmans, en Algérie, mais en pays berbère, qui fut longtemps marqué par la culture juive (un aspect aujourd'hui méconnu dans le monde arabo-musulman).

   A l'écran, lorsque l'action se déroule en pleine campagne, on est porté par la beauté des paysages. Les scènes d'intérieur, durant lesquelles le réalisateur s'est plu à jouer sur les ombres et lumières, sont de beaux moments de théâtre. Néanmoins, parfois, on sent que le film a été tourné avec des bouts de ficelle, notamment lors de l'épisode des marchands du Temple. Ameur-Zaïmeche a beau placer habilement sa caméra, on se rend parfaitement compte que les personnages se trouvent plutôt devant une bicoque qu'à l'entrée d'un important lieu de culte.

   D'autres "passages obligés" sont portés à l'écran, comme l'onction de Béthanie (décrite dans trois des quatre évangiles), la "trahison" de Judas ou encore la rencontre de la femme adultère, une anecdote qui, par contre, ne figure que dans le plus récent des évangiles, celui selon Jean. (Dans deux des synoptiques, on peut reconnaître la tradition qui a donné naissance à l'histoire racontée par Jean : il y est question de la répudiation d'une épouse.)

   Le réalisateur se lance aussi dans une tentative d'explication des similitudes des évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion qu'il a sans doute existé une source primitive, dit source Q, qui pourrait être un proto-évangile, écrit du vivant même de Jésus ou juste après sa mort (soit bien avant les évangiles canoniques, qui datent des années 60-90). Le scénario fait donc intervenir un mystérieux scribe, qui va susciter la curiosité de Judas, présenté comme un disciple particulièrement vigilant.

   C'est là que le film choisit le texte gnostique (l'Evangile de Judas) plutôt que la "version officielle", qui fait de Judas un traître aux motivations louches. Marc et Matthieu évoquent l'appât du gain, tandis que Luc fait intervenir Satan, qui se serait emparé du bon disciple. Jean marie les deux thèses, Judas étant décrit comme un voleur dans l'épisode de l'onction de Béthanie, tandis qu'au moment de sa trahison (ici, lors de la Cène), l'intervention satanique est introduite. Pour l'Eglise catholique primitive, il fallait trouver une explication plausible à la trahison, qui avait mené à l'arrestation puis l'exécution de Jésus.

   L'Evangile de Judas (et le film de Rabah Ameur-Zaïmeche) va plus loin, faisant du supposé traître le meilleur disciple de Jésus, celui par lequel la volonté divine va le mieux se réaliser.

   Cela donne un film inclassable, qui invite à (re)lire les textes fondateurs du christianisme.

19:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 28 mai 2015

Mad Max : Fury Road

   George Miller relance le film post-apocalyptique, avec en têtes d'affiche Tom Hardy (vu récemment dans Enfant 44 et Quand vient la nuit) et Charlize Theron (qui m'avait jadis agréablement surpris dans Dans la vallée d'Elah). Le premier nous livre une nouvelle variante du beau ténébreux au regard de braise... va falloir changer un peu de registre, mon gars ! La seconde étonne (et séduit) dans un rôle qui aurait pu convenir à la jeune Sigourney Weaver.

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   De toute façon, même si les acteurs sont bons, c'est d'abord un film de mise en scène. L'histoire est construite autour de séquences d'action très spectaculaires, qu'il a fallu relier entre elles. Mission accomplie pour les scénaristes : à l'écran, l'intrigue tient la route et l'on n'a pas l'impression qu'on déroule la pellicule entre deux moments marquants.

   Ceux-ci sont vraiment très bien réalisés. C'est du film d'action haut-de-gamme, qui allie la rigueur de la construction des plans à des cascades véritablement chorégraphiées, le tout parachevé par des effets spéciaux qui déchirent sans être ostentatoires.

   On est pris à la gorge avec la seconde séquence, celle de la tentative de fuite du héros. Mais c'est la première attaque du camion-forteresse qui est à couper le souffle. Cerise sur le gâteau : on a soigné la photographie. Sans surprise, on se retrouve avec de beaux plans jaunes-ocres du désert (namibien, sud-africain ou australien)... mais aussi avec d'inattendues scènes crépusculaires ou nocturnes, bleutées, magnifiques. Et que dire de la séquence dans la tempête !

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   La première heure passe donc comme un rêve. La seconde réserve quelques surprises. On en apprend davantage sur les principaux personnages... et l'on fait la rencontre d'un étrange groupe d'amazones. Suite à cela, l'action-adrénaline est de retour, pour ne plus nous lâcher presque jusqu'à la fin.

   C'est donc pour moi un très bon divertissement qui, accessoirement, dit quelques petites choses sur le comportement humain... et qui accorde aux femmes une place inhabituellement importante dans les films de ce genre.

   PS

   Ceux qui tendent l'oreille reconnaîtront le thème principal, qui ressemble beaucoup à l'un des airs de la bande originale de 300 - La Naissance d'un empire... et pour cause : Junkie XL a œuvré pour les deux films.

23:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 24 mai 2015

La Loi du marché

   Vincent Lindon vient de remporter (à raison) le prix d'interprétation au Festival de Cannes, pour son rôle dans ce film très dur, mais en prise sur notre époque. En le voyant, on ne peut pas ne pas penser au très récent Jamais de la vie, de Pierre Jolivet, où se distingue un autre acteur formidable, Olivier Gourmet.

   Les deux longs-métrages se ressemblent pour leur aspect sociétal et le tournage en zone commerciale. Mais le film de Jolivet est d'abord un polar, assez stylisé dans la forme, alors que le film de Stéphane Brizé est une œuvre militante, à caractère documentaire, qui louche du côté des frères Dardenne.

   Ceux qui ne connaissent pas découvriront l'ambiance de réunions de chômeurs demandeurs d'emploi, l'organisation interne d'une grande surface, les rendez-vous avec la conseillère financière ou encore le directeur d'un centre éducatif spécialisé. Voilà pour le cadre.

   Autant le dire tout de suite : voir La loi du marché n'est pas de tout repos... alors qu'il n'y a aucune scène d'agression physique. C'est la grande force de la mise en scène que de suggérer la violence sociale à partir de scènes en apparence anodines. (L'une des plus marquantes ne joue qu'un rôle annexe dans l'intrigue : il s'agit de la négociation autour de la vente d'un mobile home. On y sent une énorme tension, entre le premier couple, qui doit vendre mais ne veut pas se faire arnaquer, et les acheteurs, en meilleure situation financière... mais qui n'ont pas l'intention de faire le moindre cadeau aux vendeurs.)

   Je trouve quand même qu'on a un peu chargé la barque au niveau du duo de héros : Karine de Mirbeck et Vincent Lindon (qu'on a vu récemment dans Le Journal d'une femme de chambre) incarnent un couple de la petite classe moyenne, dont l'époux se retrouve au chômage et qui élève un garçon handicapé. Celui-ci souffre de troubles moteurs : il est intelligent mais, au quotidien, il faut l'aider à se laver, s'habiller, se nourrir... et sans doute aussi à faire ses besoins. (Seules les trois premières activités sont montrées à l'écran.)

   Je pense avoir compris pourquoi le scénario est aussi appuyé. Cela sert la démonstration. Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, on se rend compte que ce n'est pas le handicap physique qui est le plus pénible dans la vie quotidienne, mais le handicap social. La perte de l'emploi, le déclassement, la peur du lendemain, le stress intense dans le nouvel emploi sont bien plus difficiles à supporter que la situation du gamin. Dans son cas, l'attention et l'amour aident beaucoup. Dans le monde du travail, c'est de plus en plus chacun pour soi.

   Les scènes en rapport avec celui-ci sont de deux types. Soit ce sont des dialogues extrêmement bien écrits, qui mettent à jour en général une situation de crise, soit ce sont des déambulations ou des visions, qui montrent (indirectement) les sentiments des personnages. (A ceux qui détestent la caméra à l'épaule, je recommande de ne pas trop manger avant la séance.)

   Vincent Lindon est épatant en ancien ouvrier pas content de Pôle Emploi, ou en désaccord avec l'ancien délégué syndical. Dans d'autres scènes, il n'a pas besoin de mots pour faire passer le message. C'est notamment le cas lorsqu'il est filmé de dos, à l'hypermarché. La caméra, mouvante, aide beaucoup, tout comme les acteurs dans les rôles secondaires. On a choisi des personnes aux physiques assez ordinaires pour incarner des caissières, des vigiles, des clients (jeunes ou vieux).

   Cela m'a fait aussi penser à Discount, sauf qu'ici, il n'y a guère d'espoir, pas d'utopie et qu'on se dirige droit vers un drame, mais qui ne sera pas celui qu'on croit. Le réalisateur nous prend au ventre sans nous avoir rien montré. C'est très fort, mais d'un pessimisme total sur la société française actuelle.

20:23 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 21 mai 2015

Good Kill

   L'expression, que l'on peut traduire par "Bon boulot", est utilisée quand le pilote d'un drone parvient à mettre hors d'état de nuire la cible qui lui a été désignée. Encore que... les spectateurs attentifs noteront que la formule n'est pas utilisée à la fin de chaque "mission"... parce qu'il en est certaines dont les protagonistes ne sont pas très fiers.

   C'est l'un des intérêts de ce film : nous montrer les questionnements des militaires qui participent aux assassinats (plus ou moins) ciblés, confortablement installés dans un conteneur climatisé en plein Nevada, loin, très loin de leurs cibles. Andrew Niccol (auteur, il y a quelques années, de Time Out) réussit une nouvelle fois son coup : susciter l'étrangeté en faisant se télescoper vie quotidienne et technologie (ici militaire).

   Il met pourtant en scène une véritable coupure entre le monde de l'armée et la vie civile. Du côté des militaires, une grande variété de tempéraments et d'opinions est représentée. Les acteurs sont bons... mais je trouve que la tête d'affiche Ethan Hawke en fait un peu trop dans le genre mec-travaillé-par-sa-conscience-qui-picole-pour-oublier-sans-pouvoir-en-parler-à-personne.

   Je dois reconnaître qu'il est très bien entouré : sa compagne est incarnée par January Jones (qu'on a pu voir récemment dans l'excellent Sherif Jackson), qui fait ce qu'elle peut, mais on se demande vraiment à quoi son personnage occupe ses journées et pourquoi elle s'est entichée de l'abruti d'aviateur qui fait office de mari. Bref, la crise de couple ne m'a pas convaincu.

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   Comme les scénaristes ont l'esprit foncièrement malsain, ils balancent entre les pattes du héros une nouvelle collègue, jeune bien roulée et pleine d'illusions. Au départ, on ne se méfie pas (en fait, moi si, parce que j'avais reconnu la donzelle). Mais, bon, sanglée dans son sac à patates magnifique uniforme, Zoë Kravitz ne semblait pas de prime abord particulièrement impressionnante :

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      Le regard de ses collègues va changer au cours d'une soirée, où elle se rend dans une tenue beaucoup moins protocolaire, à tel point que l'on pourrait avoir l'impression qu'il ne s'agit pas de la même personne. Je laisse aux mâles hétérosexuels le plaisir de découvrir la scène... mais voici de quoi les appâter :

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   Quand le regard se fait moins libidineux, on peut s'intéresser à la réalisation. Franchement, elle est brillante. Tout d'abord, on a vraiment l'impression que les personnages principaux pilotent des drones à distance. En réalité, les scènes se déroulant au sol (et vues du ciel) ont sans doute été tournées avant celles du conteneur, selon un plan précis. A charge ensuite aux acteurs assis dans la grosse boîte de faire comme s'ils étaient la cause des événements visibles sur leurs écrans.

   L'autre univers autour duquel tourne l'histoire est aussi méthodiquement mis en scène. Il est même parfois lui aussi filmé du dessus. Il s'agit d'une cité-dortoir de banlieue, bon chic bon genre. Derrière la façade rutilante se cachent des existences vides, où un sinistre barbecue entre voisins constitue l'événement du siècle.

   Il y a paradoxalement plus de vie dans ces contrées d'Afghanistan, du Yémen ou de Somalie, pourtant durement frappées par la misère, la guerre voire tout simplement la violence machiste. Ce n'est pas dans les scènes de potes ou de famille que l'on vibre le plus, mais lors des missions, pourtant parfois anecdotiques : il peut ne s'agir que d'observer la vie quotidienne de gens sans histoire ou bien d'assurer une veille protectrice pour des troupes au sol au repos.

   D'un point de vue idéologique, le film se veut critique du recours de plus en plus fréquent aux drones : aux dégâts "collatéraux" subis par les populations du Moyen-Orient s'ajoute la déstabilisation de la vie affective des "opérateurs". On n'est toutefois pas obligé d'adhérer à la façon manichéenne dont les agences sont représentées : le Pentagone apparaît comme un modèle de rigueur et de vertu, face à la CIA, chargée de tous les maux.

   PS

   Pas besoin de chercher très loin pour trouver un exemple de "bavure" américaine : le mois dernier, c'est un tir de drone qui a provoqué la mort de deux otages occidentaux, au Pakistan.

jeudi, 14 mai 2015

Les 101 Dalmatiens

   Ce classique du film d'animation bénéficie actuellement d'une ressortie en salles, dans le cadre du programme "Disney Heritage". En province, récemment, on a ainsi pu (re)voir Pinocchio et Le Roi Lion. Le truc est d'avoir un bambin sous la main qui n'ait pas déjà maté trois fois le film en DVD.

   Dès le départ, on est cueilli par un superbe générique, une animation en construction, sur fond de musique jazzy. L'histoire commence ensuite à nous être contée, par un narrateur dont on va assez rapidement découvrir la véritable identité.

   C'est souvent drôle, en particulier quand le héros, Pongo, se met en quête d'une compagne pour son maître... et pour lui. Plusieurs candidates s'offrent à ses yeux... et c'est fou comme chaque chienne ressemble à sa maîtresse ! (A moins que ce ne soit l'inverse...) La naissance et les premiers pas des chiots sont d'autres sources de gag, même si c'est d'abord sur le mode tendresse qu'ont été écrites ces séquences. 

   Si l'animation a un peu vieilli au niveau des décors, elle reste en revanche impressionnante de fluidité au niveau des personnages canins. Leurs évolutions sont l'un des principaux intérêts de l'histoire. Notons que les défauts de certains d'entre eux font rebondir l'histoire : le gourmand comme le fan de télévision vont mettre en péril toute la portée... et même au-delà, puisque les quinze petits de Perdita et Pongo vont rencontrer 84 autres dalmatiens ! Les chiots étant un substitut des enfants humains, il convient de saluer la prescience des scénaristes, qui, dès le début des années 1960, avaient compris quels allaient être certains des fléaux de la jeunesse : l'obésité et la fascination pour les écrans.

   Les méchants sont bien campés, de manière toutefois très stéréotypée : ils sont laids (y compris dans la fiction télévisée), alors que les gentils sont plutôt beaux. Le personnage le plus gratiné est sans conteste Cruella, ultra-maquillée, fumeuse, criarde, klaxonneuse et surtout amatrice de fourrures authentiques.

   L'ensemble est bon enfant, un peu naïf mais, franchement, j'ai passé un bon moment.

19:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 09 mai 2015

Le Labyrinthe du silence

   Ce film allemand est consacré à la genèse du procès de Francfort qui, en 1963-1965, a contribué à (r)éveiller en Allemagne la mémoire des crimes nazis, que les dirigeants de l'époque préféraient passer sous silence.

   L'intrigue, très documentée, s'inspire de l'action de personnes réelles. Mais le coup de génie est d'avoir créé un personnage principal fictif, dans lequel on a fusionné les trois procureurs qui ont enquêté à l'époque sur les camps d'Auschwitz. Cela a permis aux scénaristes de développer certains aspects "non historiques", qui donnent de l'épaisseur à l'intrigue. Ce procureur est incarné par Alexander Fehling, qu'en France on a pu voir dans Et puis les touristes, La Révélation et Inglourious Basterds.

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   Il est jeune, beau, brillant, ambitieux et doté d'une grande conscience morale. C'est presque une caricature de "gendre idéal". Mais il est vraiment très bien interprété. A ses côtés, on remarque Friederike Becht (vue dans Hannah Arendt), Johann von Bülow (un habitué des séries policières d'outre-Rhin) et Gert Voss, chargé d'incarner le chef du Parquet qui, dans l'ombre, a œuvré pour faire éclater la vérité.

   Ce ne fut pas facile, parce qu'en haut lieu, on ne veut pas remuer la merde... et parce que la grande majorité des anciens nazis (y compris certains des plus dangereux d'entre eux) ont été réintégrés à la société allemande. Le cas de Josef Mengele (dont la vie en Argentine a été récemment évoquée dans Le Médecin de famille) est symptomatique des compromissions de l'époque. L'un des intérêts du film est donc de montrer l'indulgence dont les criminels ont bénéficié... parfois pour de surprenantes raisons. Tous ceux qui ne voulaient pas rouvrir les "plaies du passé" n'étaient pas d'anciens nazis ni même des sympathisants de l'idéologie hitlérienne. Le contexte de Guerre Froide a aussi pesé lourd.

   Cela donne un bon polar, filmé de manière très classique. C'est aussi le portrait du début des années 1960, quand la RFA connaissait une période de forte croissance économique, quand les jeunes comme les moins jeunes ne pensaient souvent qu'à s'amuser.

   L'autre point fort de l'histoire est de montrer l'évolution des personnages principaux. On a vraiment cherché à produire quelque chose de subtil. Le héros lui-même n'est pas épargné. Ce fils de soldat héroïque, disparu sur le front de l'Est, auquel son père a transmis les "vraies valeurs", se pose de plus en plus de questions, matérialisées à l'écran par des scènes de cauchemar. Petit à petit, son enquête lui fait découvrir certains faits dérangeants, pour lui ou pour des personnes qu'il connaît. L'une des clés de compréhension est la relation qu'il va nouer avec un rescapé des camps, un peintre qui refuse au départ de parler du passé.

   C'est vraiment un très beau film, fort et pétri d'humanité.

   PS

   Sur le site du distributeur, on peut télécharger un dossier de presse très instructif.

   PS II

   Sur un site consacré aux Sonderkommandos, on peut lire les biographies des accusés de 1963.

dimanche, 03 mai 2015

Sea Fog

   Cette "brume de mer" est à la fois réelle et symbolique. C'est un brouillard, qui gêne le travail des pêcheurs... et des garde-côtes. C'est aussi un entre-deux, une zone où les règles de la vie en société n'ont plus cours et où les passions peuvent se déchaîner.

   Ce film sud-coréen a été réalisé par Sung Bo Shim, qui fut le coscénariste de l'excellent Memories of murder (mis en scène par Bong Joon Ho, auquel on doit récemment Snowpiercer).

   C'est d'abord un beau portrait de groupe, ces pêcheurs artisanaux durs à la tâche (à condition que le patron soit sur leur dos...) et gagne-petit. A leur tête se trouve un capitaine soucieux du sort de ses hommes, mais d'abord obsédé par la survie de "son" bateau, que l'on menace d'envoyer à la casse. Il est incarné par Yun-Seok Kim, que l'on a notamment vu dans The Chaser.

   La décision de convoyer un groupe de clandestins (des Sino-Coréens), pour le compte d'un trafiquant local, va changer leur destin. Le capitaine pense que c'est le seul moyen de sauver son bateau. L'équipage, réticent au départ, y voit un moyen de gagner rapidement beaucoup d'argent.

   Les premiers contretemps surviennent au moment du chargement des clandestins. Cette belle séquence nocturne se conclut de manière positive, mais sur des constatations peu optimistes : les passagers sont plus nombreux que prévu et, dans le groupe, se trouvent deux femmes, une source potentielle de troubles...

   L'action se passe majoritairement dans des ambiances sombres, parce que c'est la nuit, ou parce que l'on se trouve dans le brouillard, ou à l'intérieur du bateau, dans des pièces exiguës où néanmoins il est possible de se cacher. Les décors sont réussis, en particulier pour la salle des machines.

   Deux scènes nous font comprendre qu'un des personnages est en train de basculer : celle de la venue d'un inspecteur (qu'il faut corrompre) et celle des protestations de celui qui semble être le porte-parole des clandestins. De leur côté, les hommes jeunes de l'équipage ont l'esprit de plus en plus occupé par la présence des femmes...

   La suite ? Un mélange de film d'aventures romanesques et de thriller, qui culmine dans une séquence où l'on sent les références aux Dents de la mer, à Titanic, à Moby Dick... et à quelques autres longs-métrages sanguinolents. C'est (très) bien filmé, prenant et, incidemment, cela soulève d'intéressantes questions sur la nature humaine.

12:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 02 mai 2015

Night Run

   Cette folle course nocturne ressemble étrangement à la série de films Taken, qui a pour héros un (ancien) tueur incarné par le même acteur : Liam Neeson. Les amateurs du genre ont sans doute aussi en tête le récent John Wick, dans lequel Keanu Reeves interprète aussi un ancien tueur, qui va se retrouver face à son ancien patron, à cause du fils de celui-ci. (Les similitudes entre ces deux films vont assez loin, puisqu'ils sont tous les deux construits sur la base d'un grand retour en arrière.)

   On se dirige vers un truc assez prévisible. N'oublions pas toutefois qu'à la mise en scène, on a Jaume Collet-Serra, à qui l'on doit notamment Sans Identité et Non Stop (tous deux avec Liam Neeson). C'est un bon professionnel, qui filme remarquablement bien New York la nuit, même si l'on sent qu'il veut parfois nous en mettre plein la vue.

   Commençons par le gros point faible de l'histoire : la relation (chaotique) père-fils, très manichéenne... (Ceci dit, dans le rôle du rejeton du tueur, Joel Kinnaman -remarqué aussi dans Enfant 44- fait bien le job.) On a récemment vu plus subtil dans la série Rizzoli et Isles, où la médecin légiste est la fille naturelle d'un caïd de la pègre irlandaise de Boston. L'un des acteurs principaux de cette série est d'ailleurs visible dans Night Run : Bruce McGill a changé d'affectation, puisqu'il est ici un homme de main du parrain.

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   On appréciera aussi plus ou moins la thématique de la rédemption (on est aux States, hein) : celui qui a jadis été très très méchant va chercher désormais à faire le bien... pour sa famille. Si l'on arrive à supporter un certain nombre de ces stéréotypes, on peut profiter du reste avec gourmandise.

   L'action démarre vraiment avec le meurtre de deux mafieux albanais, suivi de celui du fils du caïd. Mais c'est la course-poursuite dans les rues de New York qui m'a "transporté". C'est vraiment très bien réalisé... et même comique, puisque, durant cette scène, c'est le truand devenu clean qui pourchasse des policiers corrompus !

   L'intrigue va désormais s'articuler autour de l'affrontement de deux monstres : Liam Neeson (meilleur que dans Taken 3... il a un petit côté Jean-Paul Belmondo) et Ed Harris, qui a vieilli mais tient encore bien la route.

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   Le face-à-face culmine dans une gare ferroviaire, avec une scène touchante entre les anciens amis, désormais à couteaux tirés. Le problème du héros est qu'il a d'autres adversaires sur le dos, à commencer par un ancien "collègue", un tueur à gages cruel et méthodique... et plus jeune que lui. Par dessus le marché, il doit échapper à un redoutable lieutenant de police, qui cherche à lui mettre la main dessus depuis qu'il a commencé à tuer pour la pègre irlandaise. Là encore on a soigné le casting, puisque c'est Vincent d'Onofrio qui incarne l'enquêteur. Si certains cinéphiles ont peut-être oublié l'un des acteurs les plus doués de sa génération (révélé par Full Metal Jacket), les téléphages reconnaîtront les traits de Robert Goren, l'atypique enquêteur de New York, section criminelle.

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   On retrouve l'acteur hélas aussi mal en point physiquement que dans les derniers épisodes de la série. (Un autre élément est une source d'irritation : dans la version française, ni lui ni Bruce McGill ne sont doublés par leur voix coutumière.) De surcroît, il est volontairement sous-utilisé dans l'histoire (un peu comme Forest Withaker dans Taken 3), sans doute pour qu'il ne fasse pas d'ombre à la vedette Liam Neeson.

   Heureusement, l'intrigue est menée tambour battant, avec notamment une excellente séquence se déroulant dans un immeuble d'appartements bon marché, où vivent majoritairement des locataires noirs. C'est là encore très bien réalisé et, cerise sur le gâteau, cela dit quelques petites choses sur la géographie urbaine de la mégapole de la côte Est. Dans le même genre, on a droit à quelques vignettes sur les petites mains de New York, comme ces ouvriers qui bossent la nuit, en plein centre-ville. L'image a beau être soignée, Jaime Collet-Serra n'est pas tombé dans les clichés habituels. Cette qualité, ajoutée aux précédentes, fait de Night Run un bon divertissement pour amateurs de films d'action.

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jeudi, 30 avril 2015

Connasse !

   Que l'on se rassure : je ne vais pas profiter de l'anonymat (relatif) que m'offre ce blog pour déverser ma bile injurieuse sur le dos d'une de nos contemporaines. Ce n'est pas le genre de la maison. Cette note est consacrée au film d'Eloïse Lang et Noémie Saglio, sous-titré "Princesse des cœurs". C'est évidemment une référence à feue Diana Spencer (très présente à l'écran), dont l'héroïne a décidé de conquérir l'un des fils, le prince Harry (le rouquin).

   Mais avant cela, on va découvrir la connasse en action, en France, à Paris. Camille Cottin, l'unique actrice de ce film tourné en caméras cachées, a un culot monstre. Elle incarne avec talent cette pétasse égocentrique, superficielle et raciste, dont nous allons suivre les aventures avec un plaisir quelque peu coupable. Je trouve quand même bien qu'on n'ait pas cherché à nous la rendre trop sympathique.

   Dès le début, j'ai ri de bon cœur, avec cette séquence de taxi dans Paris, dans laquelle l'héroïne déploie sa verve mais aussi sa bêtise, au détriment de touristes qui n'osent rien dire, tant ils sont tétanisés par l'aplomb de la demoiselle.

   Excellente aussi est la partie qui fait intervenir un notaire. (Les "secrets de tournage" d'Allociné nous apprennent qu'il a fallu essayer plusieurs professionnels avant de tomber sur celui qui sait si bien garder son flegme à l'écran.) Hilarantes sont les visions de l'héroïne, qui s'imagine dans presque toutes les situations maritales (pécuniairement avantageuses) possibles.

   Vient ensuite le moment de gagner la perfide Albion. On passe en mode bilingue et on est sidéré qu'en dépit du sabir auquel l'héroïne recourt pour s'adresser aux sujets de Sa Majesté, elle arrive à se faire relativement bien comprendre. Ses efforts méritoires pour s'approcher de l'héritier de la couronne lui valent néanmoins plusieurs séjours en cellule... Se détache dans cette partie la rencontre avec un professeur de bonnes manières, dont la patience est mise à rude épreuve ! J'ai aussi beaucoup aimé tout ce qui se passe autour d'un chien, qui va vivre de drôles d'aventures...

   Attention : tout n'est pas drôle dans cette courte histoire (1h20), mais le rythme est entraînant... et certains gags sont vraiment "hénaurmes" ! (Et ne partez pas trop tôt : à la fin de l'histoire succède un making-of qui a les allures d'un bêtisier.)

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lundi, 27 avril 2015

Enfant 44

   Sous cet énigmatique titre se cache un virulent pamphlet antistalinien, dont l'intrigue baigne dans une atmosphère digne de la série Esprits criminels. Il est question d'un tueur compulsif, qu'on ne nous montre pas, dans un premier temps. Il s'attaque à des proies faciles : des orphelins, de sexe masculin apparemment. Le contexte est celui de la dictature de Joseph Staline, l'essentiel de l'histoire se déroulant l'année précédant sa mort, dans une ambiance de paranoïa quasi généralisée.

   Le pamphlet veut prendre à rebours la propagande communiste, qui affirmait qu'au paradis soviétique, il ne pouvait exister de meurtrier. A la rigueur, seuls des individus contaminés par l'Occident ou par l'occupation nazie pouvaient "dévier".

   Le scénario veut démontrer exactement le contraire. Le régime stalinien est d'abord présenté comme l'organisateur d'un véritable génocide en Ukraine, auquel des historiens ont donné le nom d'Holodomor. Il est donc responsable des vies brisées de ces millions d'orphelins qui hantent les rues des villes ukrainiennes et russes. Par la terreur qu'il inspire, le régime broie les individus, les couples et même les familles. C'est l'ère de l'hypocrisie et du faux-semblant, tant on doute de ses collègues de travail voire de ses amis proches. Et, même quand on pense ne pas devoir se méfier, on peut être trahi. C'est ce que vont découvrir les deux héros du film, Leo Demidov (Tom Hardy, au jeu parfois trop appuyé) et son épouse Raisa (Noomi Rapace, excellente, même quand on la cantonne à des postures convenues).

   Le parcours de Leo, orphelin recueilli par un officier russe et devenu soldat puis enquêteur, est très bien rendu. Mais il est tout d'un bloc, un peu trop prévisible. Le personnage de l'épouse a plus d'épaisseur, même s'il est placé légèrement au second plan. Ceci dit, la séquence du train permet à Raisa/Noomi de montrer qu'elle peut déborder d'énergie ! J'ai par contre peu goûté le combat final, dans la boue. Il est typique d'une des faiblesses du film, qui abuse du "juste à temps" et aime un peu trop les brusques retournements de situation.

   Mais c'est quand même globalement bien mis en scène et les seconds rôles (notamment Gary Oldman et Joel Kinnaman) sont talentueux. Le doublage est supportable, même si je pense qu'il ôte de la force aux dialogues.

   Il reste cette enquête impossible, dans une URSS dont les dirigeants refusent de regarder la réalité en face. Le polar fonctionne et, sur le fond, rejoint l'argumentation politique : c'est le régime stalinien qui a créé le monstre.

   P.S.

   L'histoire s'inspire de la traque d'un authentique tueur en série, Andreï Tchikatilo, qui fut surnommé "le monstre de Rostov".

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mercredi, 22 avril 2015

La Promesse d'une vie

   Russell Crowe s'est lancé dans la réalisation. L'acteur néo-zélandais (qui s'est quand même attribué le premier rôle) n'a pas choisi n'importe quel sujet : la bataille de Gallipoli et ses suites, qui ont particulièrement meurtri les Turcs et le contingent australo-néo-zélandais, qui a ardemment participé à cette bataille, en 1915.

   La première partie de l'histoire se déroule en Australie. Elle nous présente la famille du héros, Joshua Connor (incarné donc par R. Crowe), un fermier qui semble doté d'un don pour trouver les sources d'eau (d'où le titre anglais du film : The Water Diviner). Il est très attaché à ses trois fils, qui vont partir à la guerre, loin, en Europe. Aucun ne revient. L'atmosphère est très bien campée : les images de l'arrière-pays australien sont superbes et l'on est touché par le deuil qui frappe les parents... et révolté par l'attitude du pasteur, qui n'est pas sans rappeler un épisode de Kingdom of Heaven, le chef-d'oeuvre de Ridley Scott.

   La deuxième partie nous montre le fermier débarquant en 1919 dans ce qui n'est plus tout à fait l'Empire ottoman et ce qui n'est pas encore la Turquie. Le pays est en pleine guerre civile et doit de plus affronter la Grèce pour le contrôle des côtes de la mer Egée. La population est agitée par un fort courant d'anglophobie. Fort heureusement, le héros n'est agressé par personne et un gamin débrouillard propose de l'aider. Il commence par faire faire un petit jogging dans les rues d'Istanbul à notre Russell, qui s'est empâté ces derniers temps.

   Le duo finit sa course devant une pension de famille un peu spéciale. Elle abrite quelques secrets et pas mal de tensions, que le héros va progressivement découvrir. Dès le début, on sent qu'entre la charmante veuve et le père éploré il y a quelque chose de possible. C'est hélas un peu trop souligné. De plus, Olga Kyrulenko ne m'a pas convaincu dans le rôle de l'épouse turque occidentalisée. Je reconnais toutefois que les scènes sont bien filmées. Un peu à l'image de George Clooney (quand il s'était lancé dans la mise en scène avec Good Night and Good Luck), Russell Crowe a voulu éviter qu'on puisse faire le moindre reproche technique à l'ancien acteur devenu réalisateur.

   L'intérêt remonte avec les séquences qui se déroulent sur l'ancien champ de bataille. Joshua Connor y fait une rencontre déterminante, celle d'un ancien (?) officier de l'armée ottomane (Yilmaz Erdogan, excellent), dont on devine qu'il a des sympathies kémalistes. Des retours en arrière (notamment sous la forme de rêves) nous font comprendre quelle a été la réalité de la bataille. C'est l'une des grandes qualités du film. Alors que la scène du début avait habilement laissé les spectateurs sur leur faim, la suite ne nous cache rien de la sauvagerie des combats au niveau des tranchées, ni de l'agonie de certains soldats, abandonnés, blessés, dans le no-man's-land.

   Le fantastique s'invite dans l'intrigue avec les pouvoirs du sourcier, qu'il met à contribution pour tenter de retrouver les cadavres de ses fils. Sa quête, l'amitié qui va le lier à l'officier turc ainsi que les sentiments qu'il éprouve pour la jeune veuve vont emmener le héros bien plus loin qu'il ne l'avait imaginé. Cela devient un bon film d'aventures, qui a pour cadre la Turquie dévastée, dont la situation ne s'est stabilisée qu'en 1923, avec la signature du traité de Lausanne.

   L'un des intérêts de cette partie est la présentation, sous un jour favorable, des nationalistes turcs, montrés comme plus ouverts que les partisans traditionalistes de l'Empire ottoman... et surtout moins sauvages que leurs adversaires grecs. Le film prend soin d'éviter toute référence à ce qui s'est passé juste quelques années auparavant, quand certains de ces soldats ont sans doute participé au génocide arménien. Globalement, le film fait l'éloge de la civilisation turque. Le barbare n'est pas forcément celui que l'on croit. Ici encore, R. Crowe a retenu les leçons de Kingdom of Heaven (dans lequel il n'a pas joué, mais je pense que les cinq films qu'il a tournés sous la direction de Ridley Scott ont laissé des traces).

   Au final, cela donne un divertissement grand public de qualité, qui, hélas, a été descendu en flèche par une critique décidément bien peu inspirée.

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lundi, 20 avril 2015

Jamais de la vie

   Pour beaucoup de cinéphiles, Pierre Jolivet restera d'abord l'auteur de Ma petite entreprise, un film qui prouve qu'il est possible d'associer ambition cinématographique et représentation du réel. Ici, on est un peu dans la même veine.

   Jolivet avait besoin d'un acteur "qui assure". A Vincent Lindon a succédé Olivier Gourmet, qu'on a vu récemment dans Le Temps des aveux, Terre battue et L'Affaire SK1. Cela risque de devenir banal le concernant, mais il est génial. (Le Monde lui a récemment consacré un très joli portrait.) Il s'est parfaitement coulé dans le personnage de cet ancien ouvrier syndicaliste, licencié puis devenu veilleur de nuit en CDD. Il a la cinquantaine, vit seul, est en mauvaise santé et sait qu'il aura une retraite de merde.

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   Mais la distribution ne se limite pas à Gourmet. Autour de lui évoluent notamment Valérie Bonneton, en conseillère de Pôle Emploi qui a du mal à joindre les deux bouts, et Marc Zinga (remarqué dans Qu'Allah bénisse la France), en collègue immigré qui vit séparé de sa famille. A noter aussi la prestation de Julie Ferrier en sœur casse-couilles.

   Vous aurez donc compris que l'intrigue a un fond sociétal important. L'action se déroule dans la banlieue parisienne. On suit la vie de travailleurs pauvres. Pour s'en sortir, il faut savoir ruser, saisir les occasions qui se présentent... et, parfois, contourner la loi. Le propos est engagé, sans que l'on tombe dans la bonne conscience sociologisante. Le scénario n'élude pas la délinquance urbaine, mais il la replace dans un contexte plus large. Exprimé ainsi, ça semble un peu lourdingue mais, dans le film, c'est assez subtilement mis en scène.

   L'un des plus beaux moments est la séquence qui voit le héros décider de prendre du bon temps. Un soir, il se rend au centre de Paris et s'offre un dîner dans un restaurant gastronomique. Un de ces restos chics où les clients débarquent en voiture haut-de-gamme. Un de ces endroits fréquentés par la classe moyenne aisée. Les clients sont plutôt jeunes et beaux. Ils semblent heureux, alors qu'à quelques kilomètres de là, certains de leurs concitoyens sont au bord du gouffre.

   Compte tenu de la profession du personnage principal, nombre de scènes se déroulent la nuit. C'est joliment filmé. L'atmosphère de mystère contribue à accroître la tension créée par le scénario. Peu à peu, on comprend que quelque chose se trame autour du centre commercial. Beaucoup de personnages vont y être mêlés, à des degrés divers. Le dénouement surprend un peu, mais il est bien amené.

dimanche, 19 avril 2015

Une belle fin

   Le distributeur français a choisi de modifier le titre d'origine (Still Life), sans doute parce que, dans l'Hexagone, il fait référence à un excellent film chinois, qui n'a pas grand chose à voir avec celui-ci. Encore que... tous deux mettent à l'honneur des individus d'origine modeste.

   Ici, le héros est un employé municipal d'apparence quelconque. Il est scrupuleux à l'extrême, propre sur lui, limite guindé, mais n'a rien d'éclatant. Il est incarné par Eddie Marsan, un abonné des seconds rôles, qui a notamment interprété l'inspecteur Lestrade dans les récentes adaptations cinématographiques des aventures de Sherlock Holmes :

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   A Londres, John May se dévoue aux morts anonymes, qu'il est chargé de répertorier, d'identifier voire d'enterrer. Il traite chaque cas avec la même humanité et pousse le dévouement jusqu'à mener des investigations approfondies pour découvrir d'éventuels proches ignorés. Ce boulot a phagocyté sa vie : il y consacre aussi ses loisirs et l'objet le plus précieux qu'il possède est un volumineux album de photographies, où sont représentés tous ces morts dont il a tenté de reconstituer la vie.

   La plupart du temps, ces personnes ont eu des existences chaotiques. Alcool, drogue, chômage, violence et solitude affective ont été leur lot commun. De la vieille dame qui n'a pour seule compagnie qu'un chat à l'ancien parachutiste qui a coupé les ponts avec toutes ses connaissances passées, le catalogue des vies brisées est édifiant.

   L'une d'entre elles va particulièrement toucher John May. Il se lance à corps perdu dans une drôle d'entreprise. Ce qui n'était au départ qu'une recherche d'informations basiques va devenir une véritable enquête policière. C'est à la fois passionnant et touchant, parce que le héros voit sa propre vie changer. Et s'il y avait autre chose à espérer que sa rassurante routine quotidienne ? La dernière partie du film navigue entre comédie sentimentale et drame social. C'est prenant, très fort. Tous les acteurs sont excellents.

 

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samedi, 18 avril 2015

En route !

   Cette nouvelle production DreamWorks démarre sur les chapeaux de roues, avec l'histoire d'un étrange peuple extraterrestre (les Boovs), qui fuit un ennemi en apparence irréductible et qui finit par s'installer sur notre planète. Assez étonnamment, les scénaristes ont choisi de les montrer en conquérants gentiment impitoyables : ils profitent de leur avance technologique pour organiser ce qu'on pourrait appeler une "épuration ethnique" (sans meurtre). C'est un aspect de l'intrigue qu'il est très surprenant de retrouver dans un film d'animation destiné au jeune public. (Pas trop jeune toutefois : les tout petits ne comprennent pas bien et décrochent vite.)

   C'est ensuite que démarre la véritable histoire, celle d'une improbable amitié, qui va naître entre "Tif" l'humaine et "Oh" le Boov (très bien doublé en français par Alex Lutz). Le personnage de la jeune fille est bien campé, je trouve, et l'extraterrestre gaffeur est drôle. La rencontre-choc entre les deux fonctionne donc à merveille.

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   J'ai failli oublier le troisième membre du trio : Porky, un chat grassouillet et ronronnant, qui va rapidement s'accommoder de la présence de ce petit bonhomme coloré à cinq jambes. Evidemment, au départ, sa maîtresse n'a pas du tout la même attitude envers l'envahisseur. Les aventures qu'ils vont vivre ensemble vont les rapprocher.

   Les péripéties s'enchaînent un peu vite au début, au risque de perdre le jeune public. L'action ralentit un peu dans la seconde moitié. C'est bourré d'humour, avec des clins d'oeil pour les adultes et du basique pour les gamins et les grands aussi (je pense notamment à un personnage qui pète par les antennes... et aux trois types de "commission"). J'ai aussi beaucoup aimé le jeu sur les couleurs des Boovs, qui varient en fonction de leurs sentiments.

   De surcroît, ce film n'est pas marqué par la francophobie présente dans de précédentes productions DreamWorks (de l'odieuse policière de Madagascar 3 au portrait caricatural d'Alain Prost dans Turbo, en passant par un brin de poujadisme dans Les Pingouins de Madagascar). Paris est au centre d'une partie de l'action, avec la Tour Eiffel en vedette. Même Jeanne d'Arc (la version d'Emmanuel Fremiet) vient mettre son grain de sel ! Et soyez attentifs à ce qui arrive à un objet emblématique de la "culture française"...

   Cerise sur le gâteau, le fond de l'histoire est chouette. C'est évidemment un éloge de la famille (même incomplète), de l'amitié et du dialogue entre les peuples : les conflits naissent du manque de communication... et, avec un peu de courage, ils peuvent être résolus. Seul point négatif (pour moi) : il faut se taper les chansons de Rihanna.

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vendredi, 17 avril 2015

L'Antiquaire

   Cette fiction est une version romancée d'une histoire vraie, qui est arrivée à la famille de l'une des co-cénaristes, Sophie Seligmann. Son grand-père était un collectionneur d'art juif. Il a été tué par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale et ses biens ont été spoliés.

   Cela nous mène au film, qui alterne les images de notre époque avec celles supposées avoir été tournées dans les années 1940. La partie contemporaine de l'histoire met en scène la petite-fille, une jeune journaliste, mariée à un commissaire-priseur, et dotée d'un caractère entier. Elle est interprétée par Anna Sigalevitch, sur les épaules de laquelle repose principalement le film.

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   Ses partenaires masculins sont qualité inégale. François Berléand, en père qui essaie de ne plus penser au passé, est très bon. Par contre, ses collègues nonagénaires m'ont un peu déçu. Michel Bouquet tient encore la route, mais, par moments, on sent qu'il a du mal. C'est pire pour Robert Hirsch, qui dessert son rôle. Du côté des jeunes, on peut signaler les prestations de Louis-Do de Lencquesaing (l'époux de l'héroïne) et de Niels Schneider, qui incarne un type très louche à deux âges différents... mais en gardant la même apparence physique.

   L'autre élément gênant est technique. Rien qu'en regardant les images, on comprend quand on nous projette celles qui sont censées avoir été tournées il y a environ 70 ans. Mais elles font trop "modernes" et le son n'est absolument pas altéré. Cela manque de crédibilité. C'est dommage parce que ces scènes sont bien jouées. Elles introduisent un élément de mystère... et de la nostalgie, celle d'un amour disparu.

   Le film n'est donc pas sans qualités. Le scénario est construit comme un polar. L'héroïne Esther mène une véritable enquête, à la fois sur sa famille et sur l'un des aspects les moins reluisants de l'histoire de France. Que sont réellement devenues les œuvres d'art qui appartenaient à sa famille ? Pourquoi son grand-père a-t-il été fusillé ? Le tout baigne dans une musique bien choisie. C'est souvent du classique... et parfois des chants en yiddish, cette langue aujourd'hui quasi disparue et qui était tant parlée jadis en Europe centrale et orientale.

   P.S.

   L'intrigue n'est pas sans lien avec celle de Monuments Men, qui abordait le sujet sous un angle hollywoodien (et un peu désinvolte).

   P.S. II

   Ceux qui aimeraient en savoir plus sur le sujet peuvent commencer par une note de synthèse, rédigée par une sénatrice, en 2013. Pour approfondir, on peut se plonger dans un rapport d'information rédigé par plusieurs députés, en 2014. Pour avoir des détails concrets (notamment en lien avec la famille Seligmann), il faut chercher dans la documentation disponible sur le site Rose-Valland (du nom de la résistante qui a permis la récupération de la majorité des œuvres volées ; elle est incarnée par Cate Blanchett dans Monuments Men).

   En 2014, un bilan a été effectué des œuvres classées "MNR" qui ont été restituées : 102 sur 2 000, depuis 1951, alors que, globalement, plus des trois-quarts de ce qui a été récupéré des pillages allemands a été restitué à ses propriétaires ou ayants droit. Pages 9-10 se trouvent les objets recouvrés par la famille Seligmann... en 1999-2000.

mercredi, 15 avril 2015

Taxi Téhéran

   Un jour (pas trop lointain, j'espère), quand nous serons débarrassés de l'impérialisme états-unien et du fondamentalisme musulman, l'Iran apparaîtra pour ce qu'il est : un pays de grande culture. En Occident, les cinéphiles en sont déjà persuadés. Ces dernières années, les œuvres originales et ambitieuses se sont succédé, Une Séparation d'Asghar Farhadi ayant sans conteste eu le plus grand retentissement.

   Ici, c'est d'un autre réalisateur dont il va être question. Jafar Panahi est plus caustique que les "grandes signatures" de son pays. C'est un cinéaste du quotidien, très sensible à la cause des femmes, et qui n'hésite pas à confier des rôles importants à des enfants, comme on a pu le voir naguère dans Le Miroir.

   Il renouvelle l'expérience dans Taxi Téhéran, tout en s'inspirant d'un illustre prédécesseur : en 2001, Abbas Kiarostami avait proposé, avec Ten, une passionnante fiction, dans laquelle c'était une femme qui conduisait le taxi et nous faisait découvrir la société iranienne.

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   Panahi a modifié et perfectionné le système. Il s'est mis en scène en tant que chauffeur de taxi et le film est un montage d'images issues de plusieurs supports : les mini-caméras placées dans le véhicule, un smartphone et l'appareil photo numérique de la nièce. Le but est de donner la plus grande impression de réalisme possible... alors que l'une des clés du film est de distinguer ce qui est réel de ce qui ne l'est pas. Le réalisateur joue sur les niveaux de lecture... mais l'on peut profiter du film sans se poser toutes ces questions !

 

ATTENTION ! LA SUITE ÉVOQUE DES ELEMENTS PRÉCIS DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT PEUT-ÊTRE MIEUX NE PAS CONNAITRE AVANT D'AVOIR VU LE FILM

 

   On commence par un plan fixe, qui montre un carrefour à grande circulation. A cette occasion comme à plusieurs autres reprises, les spectateurs attentifs remarqueront l'impressionnante proportion de voitures de la marque Peugeot (plutôt des modèles anciens... mais certains semblent très récents). Rappelons que l'Iran fut un temps le deuxième marché de la marque au lion (après la France), avant qu'un accord avec General Motors ne vienne tout fiche en l'air.

   Arrive la première séquence avec des clients. Se retrouvent à bord (outre le conducteur), à l'arrière une jeune femme (voilée, comme toutes celles que l'on verra dans le film), à l'avant un jeune homme aux opinions très arrêtées. S'engage une discussion animée, qui s'achève par la révélation de leurs professions respectives...

   Comme le souligne le client suivant, c'est évidemment une fiction. Les répliques sont trop bien écrites et les acteurs ne se coupent pas la parole ce qui, étant donné la vigueur de leur désaccord, n'est pas plausible.

   Débarque ensuite un blessé grave et son épouse, au bord de la crise de nerfs. C'est la moins bonne séquence du film. L'actrice surjoue et pleure sans verser la moindre larme. Quant aux blessures de l'homme, elles ont beau paraître sanguinolentes, elles ne laissent que quelques petites traces à l'arrière de la voiture... traces qui auront miraculeusement disparu dans la séquence suivante. Mais cette partie du film a pour principal objectif de montrer la fragilité du statut de l'épouse, qui se révèle toutefois assez avisée dans le maniement des téléphones...

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   On reste encore un peu avec le troisième client (le petit futé qui a reconnu le réalisateur... c'est évidemment du second degré), qui se livre, sous nos yeux, à un drôle de trafic. C'est l'occasion pour Panahi d'évoquer la place du cinéma dans son pays, cantonné au marché du DVD (souvent piraté).

   C'est la séquence suivante qui semble la plus proche de la réalité, avec deux dames âgées qui veulent relâcher deux poissons rouges dans un lac. Comme elles sont tombées sur un chauffeur maladroit et qui ne connaît qu'imparfaitement les rues de Téhéran, leur projet va être plus difficile à réaliser que prévu !

   C'est ensuite que débarque le véritable personnage principal du film : la (supposée) nièce du réalisateur, une charmante gamine à la langue bien pendue, qui ne pense qu'à réaliser un petit film pour l'école... et qui voudrait que le sien soit le meilleur... surtout si son tonton l'aide un peu !

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   Je dois reconnaître que la nièce (très éveillée) m'a fait craquer. Mais, outre l'apport comique qu'il représente, son personnage est un prétexte pour introduire des éléments de critique sociale. Comme dans la première séquence, il est question d'un délit (dont a été victime un ami du réalisateur). La discussion entre les deux hommes fait émerger la question des inégalités qui traversent la société.

   Voilà des aspects "sombres" qu'il ne faudrait surtout pas faire figurer dans un film "islamiquement correct". Très drôle est la scène qui voit la gamine énumérer la liste des interdits. On finit par se rendre compte que Taxi Téhéran les brave presque tous !

   C'est toujours en présence de la nièce que la question des inégalités ressurgit. L'enfant filme à peu près tout ce qui lui passe sous le nez, à commencer par un mariage (bourgeois), qui fait lui-même l'objet d'un tournage (sans doute commandé par les tourtereaux). On a juste le temps de constater cette nouvelle mise en abyme que débarque un gamin des rues, qui va se révéler assez hermétique aux aspirations artistiques de la nièce...

   Le dernier passager pris en charge est une femme, une avocate persécutée par le régime des ayatollahs. Le propos se fait ici ouvertement politique. N'oublions pas qu'officiellement, le réalisateur J. Panahi n'est plus autorisé ni à filmer ni à sortir de son pays.

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   L'histoire se termine par une référence à certains clients vus auparavant. Un événement inattendu survient. Là encore, le second (voire le troisième) degré est omniprésent. A l'image de l'ensemble du film, c'est fait avec des bouts de ficelle, mais aussi un paquet d'inventivité.

mardi, 14 avril 2015

Le Journal d'une femme de chambre

   Après The Grand Budapest Hotel, Léa Seydoux renfile le tablier de servante, pour occuper un rôle de premier plan, sous la direction de Benoît Jacquot, qu'elle retrouve quatre ans après Les Adieux à la reine.

   Pour nombre de cinéphiles, le titre du film évoque l’œuvre de Luis Bunuel (sortie en 1964), avec Jeanne Moreau, éclatante de talent et de volupté :

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   La tâche ne s'annonçait donc pas aisée pour Léa Seydoux, qui s'en sort plutôt bien. Il faut reconnaître qu'elle a le "physique" du rôle : c'est une belle plante, qui adopte une attitude plutôt hautaine, en dépit de la modestie de sa condition. Le film fait très bien ressentir les inégalités de classes, tout en montrant que le sexe rebat (très partiellement) les cartes.

   Jacquot est plus fidèle au roman d'Octave Mirbeau que Bunuel, qui en avait transposé l'intrigue dans les années 1930, époque de la montée des fascismes. Ici, nous sommes dans la France de l'Affaire Dreyfus, tout autant marquée par l'antisémitisme que celle du Front Populaire. L'ambiguïté du film tient dans le projet du réalisateur : tantôt on a l'impression qu'il est dans la reconstitution méticuleuse (avec quels magnifiques costumes, surtout ceux des dames !), tantôt on sent que son propos vise la France du XXIe siècle, où certaines mentalités archaïques ressurgissent.

   Fort heureusement, l'ambiance n'est pas toujours triste. Les discussions des employés de maison nous en apprennent de belles sur la vie de leurs maîtres. Certaines péripéties de l'intrigue en rajoutent, comme ce retour de voyage, qui voit un douanier particulièrement pointilleux demander à l'employeuse de Célestine d'ouvrir sa "boîte à bijoux"... Éclat de rire général dans la salle !

   Les acteurs sont tous (très) bons, les connus comme les moins connus (à l'exception de Vincent Lacoste, transparent en fils à maman malade). Jacquot a réussi à pousser un peu Léa Seydoux dans ses retranchements. Elle est très convaincante dans la scène de l'annonce du décès de sa mère et les retours en arrière (pas toujours présentés comme tels) nous donnent une idée de la vie que son personnage a menée, avant. Vincent Lindon incarne un bourru laconique au charme énigmatique, un rôle taillé sur mesure, à ceci près qu'ici il a une face maléfique. Les rapports entre ces deux-là ne sont pas simples, et il faut plus d'une heure pour que d'étranges liens se tissent. La morale de l'histoire ? Pour vivre libre, il faut être malhonnête.

   P.S.

   Quitte à réadapter le roman d'Octave Mirbeau, je pense qu'il aurait été plus intéressant de le situer à notre époque. Il existe encore des employés de maison, certains exploités comme des esclaves par de riches familles sans scrupules.

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dimanche, 12 avril 2015

Selma

   Cette ville du Sud des États-Unis (dans l’État d'Alabama) a été le théâtre d'un épisode de la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther King et ses partisans. Ce film en propose une version centrée sur le pasteur noir américain. (A l'époque -comme on peut l'entendre dans la version originale- on disait couramment "Negro", le terme insultant étant "nigger".)

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   La réalisation est en général très classique, sans effet marquant, sauf quand certains des personnages principaux apparaissent à l'écran. Ils sont filmés tantôt de biais, tantôt en contreplongée. C'est assez bien vu... et cela met en valeur la performance de certains acteurs. Le premier d'entre eux incarne le héros. On a choisi un quasi-inconnu, David Oyelowo, un Britannique d'origine nigériane, véritablement habité par son rôle :

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   A ses côtés gravite une troupe de militants et d'admirateurs, qui forme presque une seconde famille, unie par la volonté de faire respecter les droits des Noirs américains. Le portrait de groupe est réussi, même si les figures féminines sont à peine esquissées. On a aussi été très pudique sur les infidélités du pasteur. La séquence de la cassette audio sous-entend que tout est une machination du FBI. Certes, celui-ci a (presque ?) tout fait pour abattre King, mais, concernant sa vie privée, il n'a pas eu besoin d'inventer. Davantage d'honnêteté de la part de la réalisatrice aurait rendu le film encore plus fort : le militant exemplaire n'était pas un saint.

  Face à lui, il trouve une ribambelle de gros cons racistes (blancs). Ils sont interprétés avec beaucoup de conviction. La plus brillante composition est sans conteste celle de Tim Roth en George Wallace (le gouverneur de l'Alabama).

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   On appréciera aussi le portrait nuancé qui est brossé du président Lyndon Johnson, souvent traîné dans la boue par le cinéma d'obédience démocrate. On oublie que c'est à lui, plus qu'à John Kennedy, que l'on doit la plupart des avancées sociales des années 1960... même s'il a fallu parfois lui forcer la main. Il a ici les traits de Tom Wilkinson, habile à restituer l'ambiguïté du personnage :

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   Le public français sera peut-être surpris de la place qu'occupe la religion dans la lutte politique. Martin Luther King s'appuyait sur la Déclaration d'Indépendance pour affirmer que tous les humains ont été "créés égaux" (une formule moins laïque que le "naissent et demeurent libres et égaux en droits" de notre Déclaration, celle de 1789, pourtant inspirée de la précédente). Dans ses discours, le pasteur cite fréquemment la Bible et, quand le besoin s'en fait sentir, il puise dans la prière la motivation de son action.

   C'est au niveau du rythme que les faiblesses du film apparaissent. Il ne tient pas la durée (2 heures). Aux scènes militantes, marquantes, s'opposent les scènes intimes, trop longues, trop "léchées". De plus, quand on s'est déjà intéressé au sujet, on n'apprend pas grand chose. Je pense que si quelqu'un comme Spike Lee avait été aux manettes (revoyez Malcolm X), cela aurait pu donner un grand film. C'est juste une honnête fiction à caractère documentaire.

vendredi, 10 avril 2015

Crosswind

   Il n'est pas facile d'entrer dans ce film estonien, inclassable et très rigoureux dans la mise en oeuvre de son dispositif : dans la majorité des scènes, les acteurs sont immobiles et la caméra se déplace entre eux et autour d'eux, dans une sorte de ballet parfois virtuose.

   Reconnaissons-le : au début, c'est un peu dur. Il faut être attentif à la fois à la mise en scène, qui est porteuse de sens, et à ce que l'on entend, une voix féminine lisant (en estonien, une langue proche du finnois) les lettres qu'elle écrit à son époux, dont elle a été séparée.

   C'est une histoire vraie, celle de centaines de milliers d'Estoniens, qui ont été déportés pendant la Seconde guerre mondiale sur ordre de Staline. (Rappelons que les pays baltes -Estonie, Lettonie et Lituanie- étaient devenus indépendants de la Russie à la fin de la Première guerre mondiale.)

   Le début nous dépeint la vie de ces gens ordinaires, puis les conséquences de l'arrivée des Soviétiques. D'un point de vue historique, l'intrigue simplifie à l'extrême, négligeant de parler des Estoniens communistes qui étaient favorables à l'URSS. Surtout, le film passe totalement sous silence l'occupation allemande de 1941-1944.

   Une fois ces prolégomènes posés, on peut se plonger dans cette mise en scène particulière, qui nous fait découvrir l'action en un endroit sous toutes ses coutures. Au début, j'ai trouvé cela artificiel. Mais, à partir du milieu du film, cela devient brillant. J'ai en tête une séquence qui part d'une pièce sombre, où l'on est visiblement en train de juger (et de condamner) un pauvre bougre. Après avoir parcouru la salle dans tous les sens, la caméra s'échappe dans un couloir, qui mène à un autre, dont le sommet de l'un des murs est percé d'ouvertures. Par celles-ci, on découvre progressivement ce qui se passe à l'extérieur. A l'écran, on sent que l'auteur a voulu faire allusion à la déportation dans les camps de travail forcé. Il m'a aussi semblé percevoir l'influence de Francisco Goya, dont certaines oeuvres évoquent les ravages de l'occupation de l'Espagne par les troupes napoléoniennes.

   Plus "charnelle" est la suite, qui dépeint la vie dans un kolkhoze, loin de l'Estonie. Séparées de leur mari, certaines femmes, qui pensent ne jamais le revoir, refont leur vie avec un gars du coin. Ce n'est pas le cas de l'héroïne Erna, qui attend encore et toujours de pouvoir retourner dans son pays, espérant y retrouver son cher et tendre.

   Je me garderai bien de révéler comment cela se termine. L'une des dernières scènes montre Erna en gros plan. On voit l'aspect de son visage se modifier progressivement, sous l'effet des sentiments qui l'animent. Crosswind n'est pas qu'un exercice de style, c'est aussi une performance d'acteurs.

mercredi, 08 avril 2015

Chappie

   C'est le titre du nouveau film de Neill Blomkamp. Dès le début, on reconnaît le style "vigoureux" de ce réalisateur talentueux, révélé par District 9 et auteur il y a deux ans d'Elysium. On n'est pas assis depuis très longtemps que l'on nous offre une putain de scène d'action, avec des robots-policiers qui en prennent plein le disque dur. Au risque de décevoir quelques fans, je me dois de dire que c'est peut-être la meilleure du film : les autres pics d'adrénaline m'ont nettement moins emballé. Cela m'a paru ressembler à des extraits de (mauvais) jeu vidéo.

   Entre temps, il y a l'histoire de l'apprentissage de Chappie, ce robot à personnalité humaine, qui naît avec une maturité de bébé... mais qui apprend vite. Les relations qu'il entretient avec les différents protagonistes (gentils comme moins gentils) ne sont pas trop stéréotypées. Lui-même est plutôt attendrissant.

   Globalement, l'histoire tient la route, mais les dialogues ne brillent pas toujours par leur originalité...  A plusieurs reprises, j'ai eu de la peine pour Sigourney Weaver et Hugh Jackman, qui s'est acharné sur le banc de muscu à s'en faire péter les veines.

   Si l'on supporte la musique rap et les stéréotypes djeunses, on passe un moment très correct. Mais c'est quand même au-dessous de ce que peut donner ce réalisateur.

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mardi, 07 avril 2015

Shaun le mouton

   Derrière ce long-métrage d'animation se cachent les producteurs de Les Pirates, bons à rien, mauvais en tout et les créateurs des inoubliables aventures de Wallace et Gromit. D'ailleurs, deux des personnages principaux rendent hommage au célèbre duo : le fermier et son chien fidèle, qui occupe le poste de régisseur de l'exploitation.

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   On est tout de suite mis dans l'ambiance avec la succession des "travaux et des jours", une séquence fondée sur un efficace comique de répétition. On a à peine le temps de digérer cette agréable mise en train que survient l'épisode du complot des animaux de la ferme (principalement les moutons), pour mettre un terme à la succession terne et épuisante de leurs journées de servitude. Soyez particulièrement attentifs au rôle du canard...

   Evidemment, rien ne va se passer comme prévu... et l'histoire champêtre bascule dans le polar urbain. L'agriculteur va devenir un coiffeur à la mode... dans des circonstances que je vous laisse le plaisir de découvrir.

   De leur côté, les moutons se lancent à sa recherche. Ils vont devoir échapper au redoutable employé de la fourrière, un dangereux psychopathe, aux ressources insoupçonnées :

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   Cela nous vaut de belles scènes carcérales, auxquelles je préfère toutefois la séquence du restaurant, où les moutons débarquent incognito. La situation va rapidement dégénérer, dans une ambiance de folie qui n'est pas sans rappeler certains films des Marx Brothers ou de Charlie Chaplin.

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   A certains moments, les gags (et les clins d'oeil) fusent en rafale... et il y en a pour tous les publics, les grands et les petits. Bref, j'ai adoré et, si j'ai un conseil à vous donner, c'est de rester pendant le générique de fin, au cours duquel on découvre (entre autres) pourquoi l'un des pensionnaires de la fourrière regarde les autres aussi fixement...

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samedi, 04 avril 2015

Suite française

   C'est l'histoire d'une jeune Française mal mariée, qui vit sous la coupe d'une belle-mère acariâtre et que l'arrivée d'un officier allemand mélomane, en 1940, va troubler. Présentée ainsi, l'histoire pourrait sembler un peu "bateau". Encore un film sur la Seconde guerre mondiale ! Et encore un qui tente de montrer une image plus aimable de certains des occupants allemands, à une époque où il est de bon ton de ne pas froisser nos voisins d'outre-Rhin en leur jetant au visage le passé nazi de leur pays. Sauf que... cette histoire a été écrite il y a plus de soixante-dix ans, par Irène Némirovsky, une Française juive, morte à Auschwitz en 1942 avant d'avoir pu achever le roman qui est adapté ici.

   Le premier mérite de cette histoire est de présenter un épisode méconnu de la guerre, l'Exode de mai-juin 1940, au moment de l'invasion allemande. Je vous assure que les scènes du début, qui montrent la pagaille sur les routes et un bombardement de la Luftwaffe, sont impressionnantes. Par contre, le contexte de la mise en place du gouvernement de Vichy est bâclé. Ceux qui n'y connaissent rien ne retiendront que la collaboration avec l'occupant.

   Le coeur de l'intrigue est consacré aux relations entre Français(es) et Allemands. On a droit à une assez grande diversité de comportements, du pétainisme germanophile aux premiers actes de résistance. Le film a le mérite de montrer que les situations étaient parfois complexes, surtout quand les sentiments se heurtaient à la politique.

   C'est dans ce cadre que se situent les rapports entre la timide Lucile Angellier et le séduisant Bruno von Falk. La première est incarnée par Michelle Williams, vraiment très bien, très éloignée du rôle qu'elle a joué dans My Week with Marilyn. Le second a les traits de Matthias Schoenaerts, révélé naguère par Bullhead. Les personnages secondaires sont tout aussi bien campés. Dans le lot, je distingue Madeleine Labarie, Lambert Wilson et Kristin Scott-Thomas, excellente en belle-mère hautaine. Je regrette toutefois qu'on fasse subir à son personnage une évolution aussi radicale en si peu de temps.

   C'est peut-être le défaut principal de l'histoire. La période 1940-1941 est décrite avec les yeux de qui sait ce qui s'est passé ensuite. On a peut-être voulu trop en dire sur ces premiers mois d'occupation. Il reste une belle histoire d'amour impossible, au sein d'un tableau où les différences de classes sont très prononcées.

   P.S.

   Cette histoire si française (jusque dans la découverte du livre, édité des années plus tard... et récompensé par un prix posthume) est une oeuvre anglo-saxonne. Le tournage s'est déroulé en langue anglaise (avec quelques passages en allemand), davantage en Belgique qu'en France... avec TF1 aux manettes. Cela peut expliquer le tir de barrage que le film a subi à sa sortie, de la part de critiques à oeillères. Ce n'est absolument pas le navet décrit par certains. (Au passage, je pense qu'exceptionnellement, il vaut mieux le voir en version doublée en français : les acteurs francophones ont leur propre voix et les accents des Allemands sont sans doute plus réalistes que dans la version originale.)

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jeudi, 02 avril 2015

Voyage en Chine

   Le photographe Zoltan Mayer nous livre ici son premier long-métrage de fiction. Le début de l'histoire présente un vieux couple, où le temps semble avoir fait son oeuvre. Le coup de grâce vient de l'annonce du décès de leur fils unique, survenu en Chine. Yolande Moreau est plus convaincante que son partenaire masculin, au jeu plus stéréotypé.

   La mère éplorée est de surcroît confrontée à maintes difficultés pour rapatrier le corps du défunt. Aux différences de législation et de culture se superpose le fonctionnement bureaucratique de l'administration française. Du coup, la mère âgée et malade décide de faire le grand saut et de se rendre au "pays du milieu".

   Elle débarque à Shanghai, mais sa destination est une province de l'intérieur (célèbre pour ses pandas), le Sichuan.

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   Ironiquement, Liliane va découvrir qu'obtenir des papiers officiels est au moins aussi compliqué en Chine qu'en France. La barrière de la langue est un obstacle de plus à surmonter, même si parfois quelques bribes d'anglais peuvent s'avérer très utiles. Et puis, soudain, dans la rue, surgit une voix belge identifiable entre toutes... et le film bascule.

   Même si le deuil est un élément clé de l'histoire, l'intrigue est davantage tournée vers les rencontres que l'héroïne va faire, en Chine. On nous propose une belle galerie de personnages du quotidien, qui vont aider cette étrangère à moitié brisée par le chagrin. Cela nous vaut même quelques (rares) moments de comédie, comme la scène de la pâte et du vin, entre deux femmes que finalement seule la langue sépare :

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   Plus inattendue est la découverte par Liliane de la vie que son fils s'était construite, en Extrême-Orient. Les acteurs chinois sont remarquables de subtilité. C'est d'ailleurs la principale qualité de ce film, très délicat. Ce n'est à priori pas un genre qui m'attire mais, allez savoir pourquoi, ici, ça m'a touché.

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dimanche, 29 mars 2015

Birdman

   Le film aux quatre Oscar du Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu est enfin arrivé à Rodez, en version originale sous-titrée. C'est l'occasion de vérifier si, notamment, le scénario et la mise en scène ont mérité d'être placés au-dessus de la concurrence en février dernier.

   Le scénario repose sur une double mise en abyme. Comme Michael Keaton incarne un acteur sur le retour, autrefois très populaire pour son rôle de Birdman, on comprend qu'il s'agit d'une allusion à son interprétation de Batman, sous la réalisation de Tim Burton. (En dépit du respect que j'éprouve pour le travail de Christopher Nolan et le talent de Christian Bale, les deux longs-métrages de Burton restent pour moi les plus beaux.) Mais, comme, en plus, Thomson/Keaton joue dans une pièce qui évoque la vie ratée d'un homme qui ne s'estime pas assez aimé, on comprend qu'il y a de fortes résonances avec l'existence du personnage principal.

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   Toutefois, le principal intérêt du film réside dans la description du milieu new-yorkais, où se croisent artistes plus ou moins en vue et ce que nous (Français de province) appellerions des "bobos parisiens". Les relations entre les membres de la troupe sont aussi particulièrement remuantes. Les répliques fusent... et c'est fort réjouissant ! Dans la version originale, on remarque la récurrence du mot "balls" (les boules... c'est-à-dire les couilles). Elles donnent le ton dès le début, où il est fait mention de l'odeur (un peu renfermée) qui règne dans la loge du héros. Plus loin, il est question du courage dont un acteur doit faire preuve. Au sens propre, les boules en question sont bien visibles sous le slip de deux des personnages principaux. Lorsque deux-ci entrent en contact des actrices, la conversation prend souvent un tour sexuel, même si les dialogues ne sont pas exempts d'émotion.

   C'est le moment de souligner la qualité de l'interprétation, même si aucun des acteurs n'a été primé en février dernier. Du côté des messieurs, Michael Keaton est épatant... dans un rôle il est vrai taillé sur mesure. A un poste plus ingrat, Edward Norton (aussi visible dans The Grand Budapest Hotel) est tout simplement formidable, tantôt odieux tantôt émouvant. A ces deux "cadors" j'ajouterais Zach Galifianakis (rendu célèbre par Very Bad Trip), très bon en agent-avocat aux petits soins.

   Du côté des dames se distinguent particulièrement deux personnes. Sans surprise, Naomi Watts est excellente (et toujours pleine de charme), dans un rôle de composition, celui d'une actrice qui n'arrive pas à percer ! Elle est aussi la compagne "officielle" de Shiner/Norton, une tâche qui consomme pas mal d'énergie...

   Mais la grande révélation de Birdman est Emma Stone, récemment remarquée dans Magic in the Moonlight. Elle incarne la fille du héros... et les relations avec son géniteur sont tout sauf apaisées. Cela nous vaut une scène de dispute absolument sensationnelle, au cours de laquelle la fille se lâche complètement. Plus loin, c'est dans le registre de l'émotion qu'elle nous "cueille", en compagnie d'Edward Norton. Une relation complexe va se nouer entre ces deux-là, sur le toit du théâtre.

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   A ce brillant duo, on pourrait ajouter Lindsay Duncan, pour sa performance en critique vacharde du New York Times.

   Les toits sont aussi de bons endroits pour prendre son envol. C'est le désir qui sommeille en Riggan Thomson, de surcroît travaillé au corps par une petite grosse voix intérieure. Ici, Inarritu introduit un peu de fantastique. Cela passe très bien, y compris au niveau des "super-pouvoirs" de son héros. Je n'ai par contre pas été particulièrement emballé par la réalisation. On a un peu abusé du plan-séquence, qui oblige parfois les caméramans à voltiger autour des acteurs. OK pour la virtuosité, mais le rendu à l'écran n'est pas toujours convaincant. En revanche, j'ai beaucoup aimé la musique d'accompagnement (du batteur mexicain Antonio Sanchez), très jazzy. Elle se marie vraiment bien avec l'action.

   Cela donne au final un film inclassable, très nombriliste, mais infiniment plus réussi que Babel, par exemple.

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samedi, 28 mars 2015

Big Eyes

   Le nouveau film de Tim Burton est une sorte de biopic, consacré à Margaret Keane, une peintre que je ne connaissais pas, et qui a marqué son époque grâce principalement à des toiles représentant des enfants dotés d'énormes yeux.

   Ce n'est pas un biopic intégral, parce que l'action commence lorsque l'héroïne quitte son premier mari avec sa fille. Et l'histoire se conclut (de manière très américaine) par un procès. Le scénario s'est concentré sur la période au cours de laquelle Margaret Doris Hawkins va côtoyer Walter Keane, un autre peintre, plus classique... et surtout un bonimenteur de première. Alors que celle qui va devenir sa compagne est plutôt introvertie, lui a un don pour attirer le chaland et lui "vendre" la peinture. Le film montre comment, petit à petit, il étend son emprise sur son épouse... et comment il en tire gloire et profit.

   Le paradoxe du casting est que cette horrible fripouille est incarnée par Christopher Waltz, qui a un talent fou (dans Zero Theorem, Django unchained ou encore Carnage), mais qui tendrait parfois à nous rendre Keane un peu trop sympathique. Dans le rôle de l'héroïne, Amy Adams est formidable. L'actrice hollywoodienne s'est fondue dans le personnage, d'abord de femme au foyer complexée, puis d'artiste cachée et enfin de bigote sûre de son art.

   Si l'interprétation est de qualité, la mise en scène ne se signale pas par un brio particulier. Difficile de retrouver le réalisateur de Beetlejuice, d'Edward aux mains d'argent, de Batman (avant Christopher Nolan), de Mars Attacks !, de Sleepy Hollow ou, plus récemment, de Dark Shadows et de Frankenweenie. Il y a juste un moment, lorsque Margaret va faire quelques courses dans une supérette, où l'on reconnaît la "patte" de Tim Burton. Mais c'est à peu près tout.

   Le film n'en est pas moins très intéressant, mais il ne faut pas aller le voir en pensant y retrouver l'univers si particulier du réalisateur le plus inventif de sa génération.

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samedi, 21 mars 2015

Réalité

   Cette fiction est le nouveau bébé de Quentin Dupieux, réalisateur auquel on doit l'inventif Rubber et le très poussif Wrong Cops. Du coup, la question que l'on se pose en allant voir ce film est la suivante : s'agit-il d'une oeuvre originale et bien construite, ou bien Dupieux nous livre-t-il une nouvelle production paresseuse ?

   Le début de l'histoire laisse un peu perplexe. Deux intrigues, en apparence disjointes, nous sont présentées. D'un côté, on a l'histoire de cette gamine (prénommée Réalité) qui trouve, dans les entrailles d'un sanglier tué par son père, une cassette vidéo intacte. De l'autre, on a ce jeune présentateur d'émission débile, qui se croit victime d'un eczéma aussi foudroyant... qu'invisible.

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   C'est la caméra qui relie les deux histoires. On apprend vite que la fillette est l'héroïne du nouveau long-métrage d'un énigmatique réalisateur, nommé Zorg. Quant au présentateur, il est l'objet de l'attention d'un cadreur incarné par Alain Chabat. Celui-ci veut mettre en scène son premier film. Pour cela, il s'adresse à un producteur un peu perturbé, interprété par un Jonathan Lambert pas toujours convaincant. Or, il se trouve que ce même producteur est celui du vieux Zorg.

   De son côté, Alain Chabat est marié à une charmante psychanalyste, personnage auquel Elodie Bouchez prête sa plastique avantageuse et son indéniable talent. Parmi les clients de la psychanalyste se trouve un homme qui (rêve qu'il) s'habille en femme. Cet homme n'est autre que le directeur de l'école où étudie la gamine du début.

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   Une fois que l'on a assemblé le puzzle, on pense avoir fait une bonne partie du boulot. Que nenni ! Les apparences sont trompeuses. Ce qui semble rêve peut être réalité et ce qui semble réel peut n'être qu'une scène de fiction. On tombe dans la mise en abyme dans la mise en abyme et même, à un moment, l'histoire part complètement en vrille. Si l'on accepte cela, on passe un délicieux moment... mais il faut se taper les vingt premières minutes, pas les plus réussies du film.

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vendredi, 20 mars 2015

The Voices

   Ces voix sont celles qu'entend le héros Jerry, interprété de manière faussement ingénue par Ryan Reynolds (remarqué dans l'excellent Buried). En réalité, il ne les entend pas tout le temps... juste quand il arrête de prendre ses cachets. Ce n'est que très tard dans le film que l'on apprend pourquoi il est suivi par un médecin (Jacki Weaver, vue récemment dans Magic in the Moonlight) et pourquoi on lui a prescrit ces médicaments.

   Quelles voix entend-il ? Surtout celles de ses deux animaux domestiques, un chien fidèle (et un peu balourd) et un chat vicieux. A l'occasion, il peut aussi communiquer avec un élan mourant. (Je vous laisse découvrir dans quelles circonstances...)

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   Concernant les "mouvements des lèvres" des personnages animaliers, un gros travail a réalisé au niveau des effets spéciaux. Et, comme les dialogues sont assez incisifs (à savourer en version originale sous-titrée, de préférence), les scènes de discussion entre le grand benêt et les deux sacs-à-puces sont délicieuses.

   Tout le film n'est cependant pas du même acabit. Il y a des longueurs, des ruptures de rythme pas toujours maîtrisées. C'est le cas en particulier des scènes entre le héros et ses collègues féminines. Avec la bimbo de l'entreprise où il travaille, c'est très convenu... jusqu'au moment où il réussit à lui faire perdre la tête ! La suite, entre le réfrigérateur et la table du salon, est nettement plus réjouissante, en partie grâce à au talent de Gemma Arterton.

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   J'ai toutefois trouvé plus subtile et touchante Anna Kendrick (que j'avais déjà appréciée dans Into the Woods). Elle donne de l'épaisseur à son personnage qui, au départ, paraît un peu "nunuche". Cela nous mène à une très belle séquence sur les lieux où Jerry a passé son enfance.

   Il faut aussi être attentif aux couleurs et à la manière dont les scènes sont filmées. Lorsque l'on voit beaucoup de rose à l'écran (notamment sur le lieu de travail de Jerry), il faut se dire que l'on est sous l'emprise de la vision du personnage principal, qui survalorise un emploi peu gratifiant, mais qui lui permet de rompre sa solitude... et de côtoyer de charmantes jeunes femmes.

   Chez lui, dans l'appartement situé au-dessus d'un bowling désaffecté, le héros voit encore la vie en rose, du moins quand l'effet des médicaments ne se fait plus sentir. Le paradoxe est que, lorsqu'il suit son traitement, c'est la triste et sordide réalité qui s'offre à ses yeux. A l'écran, les tons se font plus sombres, tout comme lorsqu'un intrus pénètre chez lui.

   A mi-chemin de la comédie de moeurs et du thriller, ce petit film se suit sans déplaisir, mais ce n'est pas l'événement de l'année : on nous l'a un peu survendu. (De Marjane Satrapi, j'ai préféré Persepolis.)

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lundi, 16 mars 2015

Phoenix

   Berlin, année zéro (1945). Une déportée juive a miraculeusement survécu à Auschwitz et aux ultimes fusillades. On la suit d'abord dans un hôpital, où elle va pouvoir un peu se requinquer... et se faire reconstruire le visage (elle a été défigurée). Dans le rôle de Nelly, Nina Hoss est excellente. Très maigre, introvertie et pas très belle, elle rend son personnage très crédible. 

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   Ce film est un peu l'histoire de sa résurrection. La chanteuse de cabaret qu'elle fut va progressivement renaître de ses cendres. Pourtant, au départ, on a peine à y croire, tant elle a le profil d'une victime. Elle se fait dépouiller dans la rue et croit contre toute évidence que son pianiste de mari (non juif) ne l'a pas trahie. On sent qu'elle veut retrouver sa vie d'avant-guerre à Berlin, alors que son amie Lene (Nina Kunzendorf, formidable), en apparence plus forte, l'incite à partir s'installer en Palestine.

   S'engage alors, dans la seconde partie de l'histoire, un drôle de jeu du chat et de la souris entre le mari, qui n'a pas reconnu son épouse (mais voit en l'inconnue un moyen de récupérer les biens de celle-ci), et Nelly, docile en apparence, ravie de côtoyer à nouveau son homme, mais aussi curieuse de le percer à jour.

   L'intrigue suit son bonhomme de chemin, dans le quotidien sordide des Allemands de 1945. La photographie est de qualité mais sèche, sans l'artifice dans lequel baignait The Good German (de Soderbergh). Il me semble que le scénario a été écrit de manière à culminer dans la dernière scène, celle de la chanson, que je me garderai bien de raconter. Mais, rien que pour elle, ce film un peu laborieux mérite le détour.

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samedi, 14 mars 2015

Le Dernier Loup

   Pour son nouveau film, Jean-Jacques Annaud revient à un genre qu'il affectionne (et qui lui a valu le succès par le passé) : la fiction animalière. En fait, il réalise un film chinois, en adaptant  un roman autobiographique qui a connu un immense succès, Le Totem du loup.

   L'action se déroule pendant la Révolution culturelle (dans la seconde moitié des années 1960), au cours de laquelle des jeunes instruits des villes ont été envoyés dans les campagnes chinoises. L'intrigue présente leur venue dans le cadre d'une politique de sinisation et de modernisation. C'est à prendre avec recul...

   Pour ces Pékinois, c'est un peu le choc des cultures, puisqu'ils se retrouvent en Mongolie intérieure, une région autonome de la Chine, peuplée non pas de Hans (l'ethnie majoritaire) mais de nomades mongols, survivance d'un peuple qui domina jadis une grande partie de l'Eurasie.

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   Pour les spectateurs, c'est un choc visuel : les paysages sont souvent grandioses et les animaux filmés avec un soin particulier. Dans une grande salle, c'est un réel plaisir. Attention toutefois : l'histoire racontée est cruelle. Plusieurs scènes très violentes (simulées) émaillent l'intrigue. Un peu à l'image du récent White God, Le Dernier Loup montre les mauvais traitements pour mieux les dénoncer.

   A ma grande surprise, j'ai découvert un propos quasi écologiste. La protection du milieu naturel est au coeur du discours de certains des protagonistes et la notion de chaîne alimentaire est illustrée à plusieurs reprises. Ainsi, le vieux sage du village évoque la nécessité de laisser une partie des gazelles mortes à disposition des loups, qui ne viendront donc pas s'attaquer aux troupeaux de moutons des Mongols. Ces mêmes loups permettent de réguler la population de gazelles, sans quoi elle dévorerait tous les pâturages. Les loups sont aussi très utiles pour se débarrasser des nuisibles (notamment les rats)... Ces considérations sont bienvenues dans un film aussi grand public.

   Autre bonne surprise du scénario : la dénonciation de l'appât du gain (très en vogue actuellement à Pékin). Les personnages qui pensent prioritairement à l'argent sont les responsables des catastrophes. Ils contribuent aussi à détruire le lien social. Cet aspect révèle le recul qu'aujourd'hui en Chine on a pris sur la période de la Révolution culturelle. Cela ne va pas jusqu'à remettre en cause le rôle du Parti communiste. Le cadre local est un personnage plutôt positif, plus ouvert que la population locale (parfois représentée comme un peu arriérée).

   Quant à la mise en scène, si elle est globalement académique, elle nous réserve plusieurs moments de bravoure. La plus belle séquence est sans doute celle de l'attaque des loups, avec les chevaux, en pleine tempête de neige. Elle dure peut-être un quart-d'heure (voire plus). Quelle maîtrise !

   Cela fait oublier les dialogues, assez convenus. On remarque aussi que le choix des acteurs semble avoir suivi des critères très précis. C'est un peu "Hollywood en Asie", avec (au niveau des personnages principaux) ces jeunes hommes et ces jeunes femmes à la dentition parfaite.

   Concernant les loups (vraiment superbes, grands comme petits), je me pose quelques questions. L'histoire nous les présente tantôt agissant comme de véritables loups, tantôt adoptant un comportement quasi humain. C'est particulièrement visible dans l'attaque de la bergerie, mise en scène comme un cambriolage. La manière dont les loups s'enfuient est-elle plausible ? Enfin, un loup peut-il se suicider pour éviter de tomber entre les mains de l'homme ?

   Hormis ces réserves, le film constitue un bon divertissement grand public, mais pas pour les âmes sensibles.

 

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vendredi, 13 mars 2015

Imitation Game

   Le titre du film fait référence à une partie des travaux du mathématicien Alan Turing, connu pour être l'inventeur de l'ordinateur. Passionné par l'intelligence artificielle, il avait imaginé un test pour évaluer celle-ci. Il en explique le principe au cours d'un interrogatoire que lui fait subir la police britannique, qui va le poursuivre pour "perversion sexuelle" (il était homosexuel).

   Cette partie de l'histoire se déroule au début des années 1950. Dans le film, elle est croisée avec la jeunesse du héros (et son amitié intense avec un camarade doué comme lui pour les maths) et avec une autre période cruciale, celle de la Seconde guerre mondiale, à la conclusion de laquelle Turing apporta une contribution décisive, en "craquant" le code des machines Enigma utilisées par les sous-marins allemands.

   Il faut donc être attentif dès le début, où il est question d'un cambriolage dont on ne comprend pas de prime abord tous les tenants et aboutissants. On est toutefois vite pris par l'intrigue, tant les acteurs sont bons, à commencer par Benedict Cumberbatch :

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   Le concernant, ma grande crainte était qu'on lui fasse interpréter un clone de Sherlock, tant les points communs entre le détective de fiction et le mathématicien sont nombreux. Heureusement, ce n'est pas le cas. L'acteur s'est fondu dans le rôle. Certes, il interprète un as du raisonnement déductif, conscient de sa grande intelligence, assez méprisant vis-à-vis des autres, y compris des mathématiciens un peu moins doués que lui. Mais, physiquement, le personnage est clairement inspiré d'Alan Turing. On notera un gros travail sur les expressions du visage.

   Le héros est épaulé par une jeune femme, dont on sous-entend qu'elle serait peut-être encore plus brillante que lui. Elle a les traits (ravissants) de Keira Knightley (meilleure encore que dans Anna Karenine), dont la seule présence suffit à illuminer certaines scènes :

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   Mine de rien, le film dit quelques petites choses sur les populations victimes d'une oppression discrète en Occident, mais qui ont joué un rôle décisif dans la guerre. C'est plus marqué concernant Turing : rappelons qu'il fut contraint de subir une castration chimique, au Royaume-Uni, pays qui a mené le combat contre le régime nazi... qui persécuta les homosexuels.

   A travers Joan-Keira, c'est de la place des femmes qu'il est question. Cela nous vaut d'abord un beau moment de comédie, quand la jeune femme débarque le jour d'un test, dans une salle d'examen exclusivement masculine. Plus loin, on apprend (si on l'ignorait) à quel point les conventions sociales de l'époque pèsent sur le destin d'une personne qui voudrait vivre pleinement, en toute indépendance, mais qui doit d'abord tenir compte de la volonté de ses parents et du qu'en-dira-t-on.

   Parmi les rôles secondaires, je distingue celui de l'agent du MI6 Stewart Menzies. Mark Strong (vu récemment dans Kingsman) prête ses traits à cet espion très habile, souvent vêtu d'un costume à rayures...

   A ceux qui en ont la possibilité, je conseille de voir la version originale sous-titrée, pour mieux profiter des dialogues, parfois savoureux.

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