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dimanche, 15 novembre 2015

En mai, fais ce qu'il te plaît

   Le réalisateur Christian Carion est de retour, six ans après L'Affaire Farewell. Il s'attaque à un épisode un peu négligé de la Seconde guerre mondiale, l'Exode de mai-juin 1940 (qui a toutefois été récemment évoqué dans Suite française).

   L'histoire débute par un prologue allemand bien conçu. Deux des personnages principaux vont fuir le régime hitlérien. Ils vont donner une autre image des Allemands, représentés dans le film essentiellement par des soldats dangereux et des nazis arrogants.

   Le caractère international est renforcé par la présence de troupes britanniques, dont l'un des membres (un Ecossais, interprété par Matthew Rhys) va rejoindre le village nordiste que les habitants viennent de quitter. Avant cela, on a droit à une reconstitution de la vie rurale de cette époque. L'image est soignée et les dialogues sont parfois truculents, avec le pinard qui coule à flots. On est à la limite de la carte postale mais, franchement, c'est bien fait.

   La deuxième partie de l'histoire montre le départ de la majorité des habitants, sous la conduite du maire (Olivier Gourmet, très bon, comme d'hab'). Cette caravane improbable associe une brochette de personnages secondaires bien campés, jeunes et vieux, hommes et femmes. Deux d'entre elles se distinguent : la bistrotière, compagne du maire (Mathilde Seigner, pour laquelle le rôle semble avoir été écrit) et l'institutrice (Alice Isaaz, une découverte).

   Si certains épisodes du parcours sont attendus (le mitraillage du convoi par l'aviation allemande, la dénonciation des profiteurs de guerre), ils sont bien mis en scène. D'autres aspects sont plus originaux, comme ces messages écrits à la craie sur des parois ou des portes, en route, pour informer les proches. J'ai aussi apprécié tout ce qui tourne autour de la réalisation du film de propagande par les nazis, avec un passage sur les soldats français issus des colonies.

   Pour être honnête, il faut ajouter qu'ici ou là, on note quelques facilités, un peu de mélodrame. J'ai aussi été à moitié convaincu par le personnage interprété par Laurent Gerra, qui incarne un paysan très attaché à sa cave, dont la collection de bouteilles remonte à son père. Il n'est pas mauvais mais, au bout d'un moment, j'ai été agacé par sa mimique (gonfler la peau autour des lèvres fermées pour se donner un air bonhomme). De plus, il n'est pas toujours bien dirigé, comme dans cette scène avec l'Allemand antinazi et l'Ecossais, jouée en français, en allemand et en anglais, deux langues que le paysan ne comprend pas... mais dont certains dialogues ne lui sont pas traduits, sans que cela le gêne.

   Sinon, cela reste un bon divertissement, sur fond d'histoire. L'intrigue s'arrête à la fin du printemps 1940, sur une note d'espoir. On nous évite les drames épouvantables qui ont suivi.

vendredi, 13 novembre 2015

Le Fils de Saul

   Ce film hongrois a suscité une grande émotion cette année au Festival de Cannes. Il nous fait suivre quelques jours dans la vie d'un Sonderkommando d'Auschwitz, un de ces détenus juifs employés de force par les SS dans leur machine de mort.

   Il faut souligner l'excellent travail des décorateurs. On a l'impression de se trouver dans une zone industrielle, parfois saturée de bruits. Il y a ceux produits par les déportés, criant, pleurant, frappant les portes des chambres à gaz. Il y a ceux de la machinerie des fours crématoires. Il y a ceux des ordres donnés en hurlant, des bastonnades et des fusillades... et il y a les chuchotements de ces détenus en sursis : l'action se déroule dans la seconde moitié de 1944 et, à cette époque, ils savent qu'on ne les gardera pas très longtemps en vie.

   On est saisi dès le début par la caméra centrée sur le héros Saul ("Cha-houle"), seul personnage à apparaître nettement à l'écran, les autres étant (à demi) flous. Du coup, c'est par bribes que l'on découvre son "travail", de l'arrivée d'un convoi au nettoyage de la chambre à gaz. L'acteur Géza Röhrig est excellent et le procédé cinématographique se révèle pertinent. Toutefois, à la longue, l'omniprésence de la caméra à l'épaule est un peu usante.

   Les Sonderkommandos constituent une sorte de tour de Babel, où l'on parle allemand, polonais, hongrois, yiddish... La tension est presque toujours palpable, qu'elle soit le résultat de l'action des SS ou le produit de la mésentente entre détenus.

   Un événement vient perturber la monotonie du massacre. Un jour, alors que les détenus vident l'une des chambres à gaz de ses "Stücke" (les pièces, comme aiment à les appeler les nazis), le héros entend une personne respirer. Un gamin a survécu au gazage ! Il est immédiatement l'objet de l'attention des médecins... qui ne sont pas là pour soigner les détenus, faut-il le rappeler. Ce garçon devient aussi la nouvelle raison de vivre de Saul, qui prétend aux autres détenus qu'il s'agit de son fils. L'histoire entretient le mystère à propos de cette paternité, à laquelle les autres ne croient pas.

   Mais, surtout, à partir de cet instant, celui qui n'était qu'un as de la survie, hyper-individualiste, va prendre des risques inouïs pour s'occuper du corps du jeune homme. Il part d'abord en quête d'un rabbin, dans l'objectif d'organiser un enterrement... oui, à Auschwitz-Birkenau !

   Commence alors une sorte de polar, qui voit le héros rencontrer une grande diversité de détenus. Il entre même en conflit avec l'ébauche de résistance mise en place là-bas, et dont les membres ont planifié une révolte (qui a réellement éclaté, en octobre 1944).

   J'aurais préféré que l'intrigue se concentre sur ces résistants de l'extrême, plutôt que sur la quête (pour moi vaine) du héros. Mais le film n'en reste pas moins très fort, incontestablement une des oeuvres majeures de l'année 2015.

   P.S.

   En complément (ou avant de voir le film), on peut lire un livret (très instructif) conçu par le Mémorial de la Shoah.

jeudi, 12 novembre 2015

Amours, larcins et autres complications

   Ce film palestinien est une comédie dramatique, au ton décalé. Le héros Mousa est une sorte de pied-nickelé, ouvrier du bâtiment peu consciencieux, fils indigne, amant égoïste et père absent. Il tire l'essentiel de ses revenus de divers trafics, parmi lesquels le vol de voitures et la revente des pièces détachées.

   Cette façade burlesque masque à peine le côté sombre de l'histoire. Le héros économise secrètement pour fuir la région. Au quotidien, il lui faut éviter aussi bien les milices patriotiques que les services secrets israéliens.

   Tout se complique le jour où il s'empare d'une voiture dans le coffre de laquelle il découvre un drôle de paquet-cadeau... dont il ne sait pas comment se débarrasser. Commence alors un jeu du chat et de la souris, doublé d'une course contre la montre. Entre son ex, le mari de celle-ci, les hommes de main du caïd local et le policier qui le traquent, Mousa ne sait plus où donner de la tête.

   L'une des meilleures séquences le montre perdu en pleine cambrousse, avec son encombrant "paquet-cadeau". Il se retrouve chez une vieille femme aveugle, pleine de fraîcheur.

   C'est assez drôle, bien que parfois maladroit. Le portrait de l'ex du héros est de surcroît un peu chargé, laissant le beau rôle à Mousa. Mais le film vaut aussi pour le tableau de la société palestinienne qu'il esquisse : les inégalités sont grandes et la corruption gangrène les institutions. Seule solution : la fuite.

samedi, 07 novembre 2015

Avril et le monde truqué

   Cette animation française s'inspire du graphisme des œuvres de Jacques Tardi. Ce n'est pas la première fois que l'univers du dessinateur se retrouve à l'écran. Il y a cinq ans, Luc Besson avait adapté une autre œuvre de Tardi : Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, avec de véritables acteurs.

   L'animation qui vient de sortir en France est une uchronie. L'histoire de notre pays est réécrite à partir de 1870, jusqu'en 1941. La IIIe République n'a pas été instaurée et à Napoléon III ont succédé Napoléon IV puis Napoléon V.

   Le deuxième élément perturbateur est de niveau scientifique. La disparition progressive des plus grands esprits de ce temps prive le monde de leurs découvertes. Certes, le Paris qui nous est montré bénéficie d'avancées technologiques, mais pas les mêmes que celles qu'il a réellement connues. Cela donne au film une ambiance à la Jules Verne vraiment réussie.

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   Avril (à laquelle Marion Cotillard prête sa voix) est la fille et petite-fille de scientifiques disparus. Elle vit dans un lieu tenu secret, en plein Paris, mais à l'écart du monde. C'est une chapardeuse professionnelle, dont toute l'énergie est consacrée à la recherche du remède miracle sur lequel ses parents ont jadis travaillé.

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   Au départ, il s'agissait d'un projet philanthropique, visant à améliorer le sort de l'Humanité. Pour Avril, c'est devenu une quête personnelle : elle doit trouver un moyen de sauver son chat. Prénommé Darwin, il est son unique compagnon, d'autant plus précieux qu'il parle... et qu'il lit ! (Il a la voix de Philippe Katerine.) C'est mon personnage préféré... parce que j'aime les chats... et parce qu'il est spirituel.

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   La suite ? Un roman d'aventures, au cours desquelles Avril va tenter d'échapper à de méchants policiers, ainsi qu'à de mystérieuses créatures, qui agissent en coulisses. Elle va pouvoir s'appuyer sur "Pops" (Jean Rochefort), un brillant scientifique, bien qu'un peu farfelu. Un jeune homme va aussi entrer dans sa vie, peut-être pour le meilleur et pour le pire...

14:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 05 novembre 2015

The Lobster

   C'est l'un des films dont on parle le plus ces jours-ci... et, à Rodez, on l'a eu en version originale sous-titrée, en sortie nationale ! La première moitié de l'histoire a un parfum de Meilleur des mondes (d'Aldous Huxley). On se trouve dans un futur proche, dans lequel il est interdit de ne pas vivre en couple. Une institution permet aux cœurs esseulés de (tenter de) retrouver l'âme sœur. Mais les conditions sont drastiques et le temps limité. En cas d'échec, le ou la célibataire est transformé(e) en l'animal de son choix. Le héros choisit le homard (lobster)... pour des raisons que je vous laisse découvrir. Bien évidemment, il n'a pas l'intention d'en arriver là. Il compte trouver une nouvelle compagne durant son séjour.

   A priori, quand on apprend que c'est Colin Farrell qui incarne le héros, on se dit que cela ne devrait pas être trop difficile... erreur grave ! Colin s'est fondu dans la peau de cet architecte terne et bedonnant, à tel point qu'il est parfois méconnaissable.

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   Il va croiser quelques "collègues" assez hauts en couleur, comme l'homme qui boîte ou le vieux gentil garçon. Mais ce sont incontestablement les personnages féminins qui attirent l'attention. Il y a la prédatrice sans cœur, la veuve prête à tout, la jeune beauté qui saigne du nez... sans oublier la patronne de l'hôtel, incarnée par Olivia Colman, découverte naguère dans Broadchurch. On remarque aussi une femme de ménage très impliquée dans son travail... et qui va se révéler pleine de ressources. Elle est interprétée par Ariane Labed, que l'on entend à un moment discuter en français avec Léa Seydoux. Celle-ci est très convaincante en leader charismatique d'un groupe que le héros rencontre dans la seconde partie de l'histoire.

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   C'est là que l'intrigue part complètement en vrille. N'allez donc pas plus loin si vous voulez garder entier le plaisir de la découverte.

   David va rejoindre une tribu de solitaires sauvages, qui ont rejeté la tyrannie du couple et ne veulent pas être transformés en animal pour autant. Cette improbable tribu a pour chef une jeune femme autoritaire et très bien organisée. David va vite s'apercevoir que ce groupe suit des règles presque aussi contraignantes que celui qu'il a quitté. Mais il va aussi y faire une rencontre déterminante, celle d'une femme myope (Rachel Weisz, géniale, comme dans Agora), avec laquelle il va nouer une relation aussi intense que (nécessairement) discrète...

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   Que dire de plus ? Le scénario est béton, les dialogues d'une grande finesse d'écriture et les interprètes excellents. La mise en scène est au cordeau : le réalisateur réussit à suggérer l'étrangeté ou le malaise à partir de plans a priori anodins. Mais, attention : c'est extrêmement morbide.

23:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 04 novembre 2015

Maryland

   Il y a trois ans, Alice Winocour s'était fait remarquer avec Augustine, une fiction à caractère historique très maîtrisée. Une relation homme-femme asymétrique est de nouveau au cœur de l'intrigue. L'homme est Vincent, un soldat français, de retour d'Afghanistan, souffrant sans doute de stress post-traumatique. Il est interprété par l'excellent Matthias Schoenaerts, révélé par Bullhead, vu récemment dans Suite française et Quand vient la nuit.

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   Dans l'attente de l'autorisation de repartir sur le terrain, le héros rejoint un pote et quelques collègues, qui assurent la sécurité de soirées VIP. Un jour, au cœur d'une immense propriété appelée Maryland, il croise Jessie,  l'épouse du client, une femme sublime dont la robe ne laisse rien ignorer des courbes parfaites de son corps. Elle est incarnée par Diane Kruger, d'abord confinée dans le rôle d'un objet précieux.

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   L'histoire se complique parce que Vincent va capter une partie d'une conversation dont le sujet n'est pas des plus vertueux. A partir de là, par petites touches, la réalisatrice instille le doute. Le jeune homme perçoit-il réellement les signes d'une catastrophe imminente, ou bien ses sens sont-ils perturbés par le mal dont il souffre ?

   La relation entre les deux personnages principaux va évoluer... et l'on découvre une Jessie plus "quotidienne", qui n'hésite pas à porter une banale culotte survêtement et s'inquiète pour son fils. On se pose quand même des questions à propos de Vincent : est-il en train de devenir un dangereux prédateur, ou bien ses qualités de soldat vont-elle sauver la vie de sa cliente ? Jusqu'à la fin, Alice Winocour laisse planer le doute sur ce que l'on voit et entend.

   C'est donc un très bon thriller, mis en scène avec brio (ah ces plans de derrière le crâne de Vincent...) et servi par une musique judicieusement choisie, suscitant le trouble ou l'angoisse. Ces dernières semaines, le cinéma français est décidément riche en bonnes surprises, avec les non moins remarquables Fou d'amour, L'Odeur de la mandarine, Par accident et Ni le ciel ni la terre.

21:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 02 novembre 2015

Une Jeunesse allemande

   Ce documentaire est uniquement constitué d'un montage d'images d'archives (actualités, films, émissions télévisées...) de l'époque de la "bande à Baader", surnom donné à la Fraction Armée Rouge, un groupe gauchiste qui a versé dans le terrorisme.

   L'intérêt est de confronter des sources différentes, certaines favorables aux révolutionnaires, d'autres hostiles. Autant le dire tout de suite : on sent derrière l'apparente objectivité du documentariste une évidente sympathie pour ces jeunes intellectuels devenus sanguinaires.

   J'ai franchement eu du mal au début. On nous sert un fatras de considérations marxisantes, dans un écrin pas très joli : c'est du format télé "gonflé" pour tenir sur un écran de cinéma. On découvre néanmoins les futurs protagonistes avant qu'ils ne deviennent des terroristes. On n'a toutefois pas interrogé leurs origines familiales. Il me semble que beaucoup des meneurs ont perdu au moins un de leurs parents jeunes. Il aurait fallu creuser sur la psychologie de ces intellos de gauche, peut-être pas très à l'aise avec la manière dont les membres de leur famille ont traversé le IIIe Reich.

   Il est toutefois une figure qui se détache nettement de la grappe de révolutionnaires : Ulrike Meinhof. Ses propos dénotent incontestablement une intelligence plus élevée que celle de ses comparses. Elle avait un discours structuré et, contrairement à d'autres, n'était pas narcissique. On la découvre jeune journaliste dans une revue "rebelle", Konkret. Par contre, le film peine à expliquer le passage à la violence la plus extrême. Il se limite à mettre en regard la brutalité de la répression judiciaire et policière. Cela ne suffit pas.

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   L'autre intérêt de la mise en lumière d'Ulrike Meinhof est la place accordée à la question féminine par une intellectuelle de gauche. On sent qu'elle a compris que, dans son propre camp, l'esprit phallocrate n'est pas absent. Un peu gênée lors d'un entretien, elle finit par se raccrocher à la lutte des classes comme meilleur moyen de faire triompher l'égalité des sexes, mais ce n'est guère convaincant.

   Le film ne cherche pas non plus à en savoir plus sur la mort des principaux leaders, supposés "suicidés" en prison. Pour Meinhof, le sens politique donné à cet acte est vraisemblable. Mais pour d'autres, on se demande si la pulsion suicidaire n'a pas été quelque peu "épaulée" par de secourables mains gantées...

   Je suis sorti de là mitigé. Ce n'est pas un "beau" film et, pour moi, le sujet n'est que partiellement traité.

   P.S.

   Sur le site du distributeur, on peut accéder à plusieurs documents complémentaires.

samedi, 31 octobre 2015

Seul sur Mars

   Matt Damon, Jessica Chastain, l'espace... tout cela fait diablement penser à Interstellar, d'autant plus que la séquence de la première tempête de sable rappelle celle des vagues monstrueuses sur la planète Miller... à ceci près que, chez Nolan, c'est bien mis en scène, alors qu'ici, c'est convenu, prévisible et surjoué.

   Mon inquiétude a grandi avec la première scène de conférence de presse. C'est très platement filmé et pas franchement utile à l'intrigue, qui s'étire sur deux heures vingt. De surcroît, Jeff Daniels, qui incarne le directeur de la NASA, ne semble pas beaucoup croire à son rôle. Le problème est qu'on le fait intervenir à intervalle régulier, pas pour le meilleur.

   Cela s'arrange ensuite, parce que Matt Damon "assure", notamment dans la scène d'auto-chirurgie, où Ridley Scott montre qu'il sait encore réaliser. Mais les moments les plus brillants du film sont sans conteste situés dans les quarante dernières minutes, quand la tension est à son comble. Notons que l'une des scènes est une référence à Mission to Mars... mais pas un décalque.

   Entre ces deux extrêmes, on nous propose d'abord un quasi-conte de fées, dans lequel Matt Damon crée un petit champ de pommes de terre martiennes. C'est quand même parfois drôle, parce que le héros utilise un engrais d'origine humaine... et qu'il ne réussit pas tout du premier coup, notamment quand il est question de produire de l'eau.

   Toutefois, l'ensemble est "très américain", comme j'ai entendu une spectatrice le dire après la séance. Même si tout ne fonctionne pas à la perfection, c'est un éloge de l'esprit pionnier des Etats-Unis et de leur maîtrise scientifique. Si besoin était, des drapeaux américains font régulièrement leur apparition à l'écran. On a concédé un peu de place à l'Allemagne et surtout à la Chine... mais c'est pour le business. Comme ce pays est devenu un énorme marché pour les productions cinématographiques, on a intégré certains éléments à l'intrigue : on y voit des personnages chinois et le programme spatial (secret) de Pékin va venir en aide aux Américains. Cela conduit les foules urbaines du "pays du milieu" à s'intéresser au devenir des astronautes, en temps réel.

   Cela m'amène à quelque chose qui m'a dérangé : l'aspect télé-réalité d'une partie de l'intrigue. Sur Mars, certaines des images montrant le héros seul sont censées être tournées par celui-ci, un peu comme si Antoine de Maximy s'était lancé dans le projet "J'irai dormir sur Mars"... Je suis conscient que cela introduit de la variété dans la mise en scène, mais j'ai trouvé ce procédé un peu facile. Cependant, le plus énervant vient des scènes de groupe. Je ne supporte plus de voir des grappes de personnages filmées en train d'applaudir. Cela n'apporte rien... et que dire de l'avalanche de gros plans, dont la seule fonction semble de mettre en valeur la dentition des acteurs... Je n'ai pas apprécié non plus la manière dont la tentative de sauvetage du héros est médiatisée : elle est diffusée en direct en mondiovision. C'est surtout l'occasion de montrer des foules de différents pays, histoire d'attirer du spectateur.

   Si on laisse de côté ces faiblesses, il reste un film à grand spectacle, qui se suit sans déplaisir, mais rien de plus.

   P.S.

   J'ai récemment revu Blade Runner, dans une version restaurée (celle qui correspond aux souhaits de Ridley Scott)... et ce n'est pas à l'avantage de Seul sur Mars. Alors que Blade date de plus de trente ans, il est bien plus inventif et emballant que la production qui vient de sortir sur les écrans.

10:30 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 30 octobre 2015

Ni le ciel ni la terre

   Le jeune réalisateur Clément Cogitore mêle deux styles très différents dans cette œuvre ambitieuse, dont l'action se déroule à la frontière afghano-pakistanaise.

   C'est d'abord un film de guerre, qui évoque l'action de l'OTAN (et plus particulièrement de l'armée française) contre les talibans, dans une zone reculée, très traditionaliste, où les villageois ont des coutumes qui peuvent sembler étranges, y compris à d'autres Afghans.

   Cela nous mène à l'autre angle d'attaque de l'histoire : l'intervention du surnaturel (ou de ce que l'on prend pour tel). Dans cette zone de combat, soudain, des soldats (des deux camps) commencent à disparaître, sans laisser la moindre trace. Le Projet Blair Witch débarque en pleine guerre contre le terrorisme !

   A l'écran, cela donne deux types d'images. Les soldats maîtrisent (ou pensent maîtriser) la situation le jour. On les suit dans leur vie quotidienne, pas trépidante... sauf quand se déclenche une escarmouche avec les talibans du coin. Les relations avec les paysans du village le plus proche ne sont pas non plus toujours très cordiales. Notons que le réalisateur a été sensible à la beauté minérale des paysages de montagne.

   Mais c'est la nuit que surviennent les véritables problèmes. Les personnages nous sont montrés à travers des caméras thermiques (ou des viseurs nocturnes). Cela renforce l'angoissante étrangeté de certaines scènes... et c'est filmé avec une incontestable maîtrise.

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   A cela s'ajoute une interprétation de grande qualité. Jérémie Renier (déjà remarquable dans Cloclo) crève l'écran... mais pas tout seul. Les seconds rôles sont eux aussi excellents. Ils donnent de l'épaisseur aux personnages de jeunes soldats, des hommes ordinaires qui se retrouvent confrontés à quelque chose qui les dépasse.

   Je mets quand même un gros bémol à mon enthousiasme : la conclusion de l'histoire. On sent que le réalisateur n'a pas trop su comment terminer. C'est dommage, mais cette déception mise à part, le film est très bon.

12:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 29 octobre 2015

Mune, le gardien de la Lune

   Cette animation française s'inspire, dans sa trame narrative, de ce que l'on appelait jadis les "romans de formation". Les trois jeunes héros vont, au cours d'une série d'aventures, gagner en maturité et (peut-être) connaître le bonheur.

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   Chacun incarne une population de cet étrange monde, tout droit sorti des contes de fées. A ma droite se trouve Mune, le héros éponyme, représentant le peuple de la nuit, adolescent insouciant et facétieux, qui va réaliser à quel point ses actes, même anodins, peuvent avoir de lourdes conséquences. A ma gauche se trouve Sohone, destiné à devenir le nouveau gardien du Soleil, pour le peuple du jour. Ce grand costaud arrogant va devoir en rabattre un peu. Au centre se trouve Cire, dont le corps ne supporte ni la chaleur extrême du jour ni la fraîcheur de la nuit noire. Son coeur va balancer entre le sportif jovial et le poète inventif.

   Mais, tout d'abord, ces gamins vont se rendre insupportables au public d'adultes : ils vont faire des bêtises. C'est toutefois indispensable au déroulement de l'intrigue : ils vont ensuite avoir un peu plus d'une heure pour tenter de remédier à la catastrophe qu'ils ont provoquée. Notons qu'ils ne sont pas les seuls à mal agir. L'un des adultes va pécher par ambition et jalousie, tandis que, dans l'ombre, s'affaire un méchant très très méchant.

   Cela devient donc un roman d'aventures, avec de multiples rebondissements... et de l'humour (qui passe notamment par les araignées et les acolytes du méchant très très méchant). L'histoire acquiert même une surprenante profondeur, quand il est question des anciens maîtres du Soleil et de la Lune, l'un d'entre eux jouant un rôle non négligeable dans l'intrigue. Les amateurs d'heroic fantasy ne seront pas dépaysés.

   Mais il faut surtout dire que le scénario est soutenu par une animation de grande qualité. J'ai particulièrement aimé les scènes de nuit, dans les teintes bleutées, absolument magnifiques. Les effets luminescents, avec des couleurs chatoyantes, sont splendides. C'est encore plus beau que dans Hôtel Transylvanie 2.

   Cela dure moins d'1h30 et c'est visible par les petits et les grands. C'est l'une des bonnes surprises de ce mois d'octobre.

22:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 26 octobre 2015

Elser

   Le régime nazi a suscité des oppositions et il n'a jamais, par des moyens légaux, obtenu le soutien de la majorité des Allemands. Le grand mérite de ce film est de faire découvrir un aspect méconnu de l'antinazisme allemand. Il y a quelques années, Hollywood nous a donné une version spectaculaire d'un complot militaire, dans Walkyrie. Plus intéressant était Sophie Scholl, sorti en 2006 et consacré à l'opposition d'étudiants catholiques. Trois ans auparavant, Rosenstrasse évoquait ce que l'on a appelé "la résistance des coeurs".

   L'intrigue est construite sur deux trames chronologiques. La principale démarre  la veille de l'attentat organisé par le menuisier Georg Elser (en novembre 1939) et se poursuit jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale (et même au-delà pour l'un des personnages). La seconde trame nous est proposée par des retours en arrière. Elle va des années 1920 jusqu'à la décision d'Elser d'organiser son attentat.

   Soulignons dès à présent la qualité de l'interprétation. Christian Friedel est un excellent Elser. Katharina Schüttler est troublante en femme insatisfaite, qui cherche sa voie dans ce monde d'hommes. Du côté des nazis se détachent Burghart Klaussner et Johann von Bülow (vu récemment dans Le Labyrinthe du silence).

   La double trame permet d'éviter de trop faire peser le poids de la fatalité sur cette histoire, dont on sait dès le début qu'elle se termine plutôt mal. Par contre, elle nous fait mieux découvrir la personnalité de cet opposant solitaire, plutôt de gauche mais réfractaire aux appartenances politiques. C'était d'abord un bon vivant, amateur de femmes, qu'il parvenait à séduire grâce à ses talents de musicien. Cela donne un tour joyeux à nombre de scènes. (Pour le public français, les séquences de baignade auront un petit goût de Front Populaire.)

   A l'opposé, on voit grandir progressivement l'emprise du nazisme. Ce film rappelle à ceux qui l'auraient oublié que les premières victimes du régime hitlérien ont été des Allemands. Il est aussi important que soit montrée la cruauté des nazis, à travers les tortures qu'ils infligent à leurs prisonniers.

   La réalisation est propre, classique. Les amateurs d'inventivité formelle seront déçus, mais ce n'est pas forcément ce que l'on attend de ce genre de long-métrage.

dimanche, 25 octobre 2015

Adama

   Cette animation réunionnaise a pour cadre la Première guerre mondiale et la contribution de l'Afrique de l'Ouest à l'effort de guerre français. La forme choisie est celle du conte, qui permet de s'affranchir du réalisme à tout crin... et qui laisse de la place aux inventions poétiques.

   J'ai lu ici ou là quelques critiques sur la qualité de l'animation. Certains regrettent une esthétique qui ressemblerait à celle des jeux vidéo. Il est certain que ce n'est pas une manière classique de faire du dessin animé. Le réalisateur se serait appuyé sur le travail d'un sculpteur pour mettre en forme(s) ses personnages. Voici ce que cela donne pour le héros éponyme :

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   Bon, c'est sûr, ce n'est pas aussi virtuose qu'une oeuvre de Miyazaki, ni aussi réussi qu'une autre animation française récemment sortie sur les écrans (Mune), mais, après une phase d'adaptation, j'ai trouvé que c'était adapté à la forme du conte. Cela donne un aspect d'étrangeté à l'histoire.

   Celle-ci se découpe en deux parties. La première se déroule dans le village africain. Elle dépeint la vie quotidienne des habitants et les problèmes qui agitent les hommes à cette époque, en 1916. Le frère aîné d'Adama a accepté l'or de mystérieux guerriers de l'extérieur. Il va fuir le village et devenir un soldat.

   La seconde partie raconte le périple d'Adama, parti à la recherche de son frère, d'abord en Afrique, puis en France métropolitaine... jusqu'à Verdun. En chemin, il va faire une multitude de rencontres, principalement de soldats (blancs et noirs). L'un d'entre eux est un griot, moitié sorcier, moitié voleur, qui va jouer un rôle déterminant.

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   J'ai particulièrement aimé le passage par Paris, où le héros tombe sur des gamins des rues, malins comme des singes... et pas très respectueux d'autrui. Fort heureusement pour Adama, une bonne âme va le prendre sous son aile.

   Cela nous mène à la séquence la plus forte, celle de Verdun, qui nous vaut les images les plus belles (mais les plus dures) du film.

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   Rassurons les parents : c'est visible par les petits... d'autant plus que l'histoire s'achève par une sorte de pirouette, bien dans l'esprit du conte, et qui dédramatise un peu la situation. Signalons que le film ne dure qu'1h20.

samedi, 24 octobre 2015

Fatima

   C'est le titre du nouveau film de l'un des meilleurs cinéastes français actuels, Philippe Faucon. Il y a trois ans et demi, il nous avait livré, avec La Désintégration, une œuvre prémonitoire et nuancée. Il récidive aujourd'hui avec un portrait de femme(s).

   Au cœur de l'histoire se trouve Fatima, le personnage éponyme, femme de ménage, mère de deux enfants et épouse abandonnée. Mais sa principale difficulté est d'ordre linguistique : immigrée algérienne, elle comprend difficilement le français et le parle encore moins. Cette femme courageuse, dévouée à la réussite de ses enfants, rappellera à nombre de "Français de souche" une mère ou une grand-mère du temps jadis. C'est aussi une personne ouverte sur son époque : elle porte le voile, mais ne l'a pas imposé à ses filles.

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   L'aînée Nesrine est une bonne élève. Elle va débuter sa première année de médecine, la plus difficile. Elle est tiraillée entre plusieurs aspirations. D'un côté, elle rêve de devenir médecin et voudrait combler les attentes de sa mère (et faire la nique aux mauvaises langues du quartier). D'un autre, elle est une jeune femme séduisante, sollicitée et, dans la ville universitaire, les tentations sont grandes. Sa colocataire, future infirmière, ne se prive d'ailleurs pas d'y succomber.

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   Sa sœur cadette, Souad, est beaucoup moins sérieuse. Ce pourrait être un garçon. Elle en a la tchatche et l'insolence. Elle fait sa crise d'adolescence au plus mauvais moment et se rebelle contre cette mère qu'elle juge trop soumise. Celle-ci finit par rappeler à la geigneuse tout ce dont elle bénéficie (notamment grâce à elle). L'ado, menteuse et capricieuse, est au second plan de l'histoire, mais elle apporte un contrepoint intéressant. Notons la justesse du jeu des actrices.

   A l'arrière-plan se trouvent les mecs, eux qui occupent habituellement les premières places. Ce qui est sous-entendu n'est pas à leur avantage. Le père des deux filles est visiblement celui qui a émigré le premier. Mais il a contracté un autre mariage en France, faisant de Fatima une compagne de second rang, bientôt délaissée. On le voit toutefois se préoccuper de l'avenir de ses filles. Il semble avoir prise sur Souad, sans doute parce qu'il incarne un exemple de réussite. L'aînée se méfie plus de lui et de ses idées conservatrices sur les femmes.

   Quant aux jeunes hommes, "gaulois" comme maghrébins, ils sont montrés comme superficiels, ne pensant qu'à s'amuser, écouter de la musique ou draguer. Mais ce propos est assez secondaire, l'essentiel portant sur le parcours des trois femmes.

   Tout ne passe pas par les dialogues. La gestuelle des corps dit beaucoup de choses et certains plans sont conçus pour que l'on comprenne sans les paroles, comme lors de la visite avortée de l'appartement à louer.

   L'histoire s'achève d'ailleurs sur un très joli cadrage, montrant l'une des héroïnes approchant son doigt d'une vitre, à travers laquelle elle parvient à déchiffrer quelque chose qui la met en joie.

   P.S.

   Les hasards de la vie cinématographique font que ce film sort quelques mois à peine après Une Seconde Mère, dans lequel une femme de ménage brésilienne se dévoue pour que sa fille puisse mener de brillantes études. Les contextes sont différents, mais le questionnement sociétal est proche de part et d'autre de l'océan Atlantique.

The Look of Silence

   Ce documentaire de Joshua Oppenheimer traite d'un gigantesque massacre méconnu, celui d'environ un million d'Indonésiens communistes (ou supposés tels), en 1965-1966, en pleine Guerre froide. Le "héros" de ce film est un ophtalmologue né deux ans après les événements, Adi Rukun. Il n'a pas connu son frère aîné, mort pendant les massacres. C'est donc à la fois une enquête sur ce qui est réellement advenu de ce frère (et sur ses assassins) et un portrait de famille : Adi s'occupe de ses parents âgés, en particulier de son père, quasi infirme.

   Le réalisateur suit l'ophtalmo dans sa quête, qui commence par des visites médicales. Tant de gens ont vu et entendu des choses, mais se gardent d'en parler ! La symbolique est claire : Adi essaie d'ouvrir les yeux de la population, au propre comme au figuré. Le film fonctionne très bien parce que l'ophtalmologue est d'un calme impressionnant. Même si, à certains moments, on sent poindre l'indignation en lui, il reste posé, conscient que tout éclat nuirait à la démarche engagée avec le réalisateur.

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   Cela nous donne des scènes à la limite du soutenable, durant lesquelles Adi (ou le metteur en scène) dialogue avec les assassins de son frère, devenus des grands-pères en apparence inoffensifs. Certains passages sont à peine soutenables, tant ce qui est dit (ou mimé) est cruel... et les tueurs sont très fiers de ce qu'ils ont fait ! D'autres personnes rencontrées, plus gênées, excipent de la menace communiste, du risque de troubles et/ou des ordres reçus de leurs supérieurs. Certains refusent d'évoquer le passé, voire menacent leur interlocuteur. Rouvrir les vieilles blessures ne mènerait à rien de bon. Il vaut mieux oublier ou conserver le silence. (On pense au récent Labyrinthe du silence, sur la gestion du passé nazi en Allemagne.)

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   A la vision de ce documentaire, on ne peut pas ne pas penser à d'illustres prédécesseurs, Shoah de Claude Lanzmann (sur l'extermination des juifs) et S-21 de Rithy Panh (sur le génocide cambodgien). Dans le détail, le massacre indonésien fait penser à la fois au Cambodge de Pol Pot (sauf qu'ici les communistes sont les victimes) et au Rwanda de 1994 (voir le récent entretien accordé par Jean Hatzfeld au Monde) : le meurtre de masse a été commis avec des moyens relativement rudimentaires, avec l'intervention déterminante de milices locales (liées à l'armée). De nos jours, les descendants des victimes côtoient parfois ceux des tueurs. (On en a un exemple dans le film.)

   The Look of Silence n'est pas un documentaire comme les autres aussi parce qu'il consacre une place non négligeable à la famille du "héros". On comprend à demi-mots qu'il a été conçu (par des parents qui n'étaient déjà plus si jeunes) pour remplacer le fils aîné assassiné. Très belles sont les scènes qui le montrent en train de s'occuper de son père. Elles pourraient sembler impudiques, mais ce n'est pas le cas. Et que dire de la mère, un sacré tempérament !

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   C'est vraiment un film choc, très beau mais très dur.

   P.S.

   Signe que le sujet est encore extrêmement sensible, une partie de l'équipe technique a tenu à rester anonyme, ce qui donne un aspect surréaliste au générique de fin.

   P.S. II

   Le site dédié est très bien conçu.

jeudi, 22 octobre 2015

Sicario

   Etymologiquement, un sicaire est un tueur au poignard, en général isolé. Dans le contexte de l'histoire qui nous est racontée, on pense a priori à un tueur à gages. Le scénario entretient longtemps le mystère sur ce mystérieux tueur, dont on se demande s'il n'est pas infiltré dans la police.

   Aux manettes on retrouve Denis Villeneuve, l'un des plus brillants réalisateurs de sa génération. Je l'avais découvert avec Incendies. L'an dernier, avec Enemy, il nous a livré l'un des films les plus mystérieux de la décennie. Il ne déçoit pas ici. Il réussit à créer une tension palpable en recourant assez rarement à la violence. Vu le sujet (la lutte contre les cartels mexicains de la drogue), je m'attendais à un abondant étalage de sauce tomate. Il y a bien quelques moments d'ultra-violence (à déconseiller aux âmes sensibles), mais l'essentiel est suggéré. De surcroît, certaines scènes font preuve d'une grande maîtrise, comme celles qui se déroulent autour et dans un tunnel.

   On est mis dans le bain dès la première séquence, celle de la découverte d'une cache des trafiquants, en plein Arizona, dans une zone pavillonnaire. Les enquêteurs du FBI ne sont pas au bout de leurs surprises. C'est l'occasion de nous présenter l'héroïne, une trentenaire divorcée, un peu à la ramasse sur le plan sentimental, mais percutante sur le plan professionnel. Dans le rôle de Kate Macer, Emily Blunt confirme tout le bien que l'on pense d'elle. Je regrette toutefois qu'on ait davantage insisté sur son côté fragile, loin de la femme d'action qu'elle incarnait avec panache dans Edge of tomorrow.

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   C'est que l'intrigue va tourner autour de quelques mecs : gros muscles, grosses burnes et gros flingues vont mener la danse... à tel point que Kate se demande ce qu'elle fait là. L'un des mystères à élucider est en effet de comprendre pourquoi, dans cette équipe de baroudeurs sans scrupules, on a placé cet agent du FBI.

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   Un autre mystère tourne autour d'Alejandro (Benicio Del Toro, excellent) : qui est-il exactement et quelles sont ses motivations ? Pour compléter le tout, sachez que l'un des principaux dirigeants du cartel de drogue est une sorte de fantôme : on connaît son nom, mais nul ne semble l'avoir jamais vu.

   Cela donne polar tendu, quasiment de la première à la dernière minute, avec une musique au diapason. Pour les amateurs du genre, c'est un régal. Pour les autres, ce n'est peut-être pas un film indispensable.

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mardi, 20 octobre 2015

Umrika

   Il a fallu du temps pour que ce film indien, sorti en juillet dernier, arrive à Rodez. L'histoire nous est racontée en partie par une voix-off, dont on finit par comprendre qu'elle est celle de l'auteur adulte de certaines lettres, jamais lues auparavant.

   L'action débute au milieu des années 1980, dans le nord de l'Inde. La région est très pauvre... et très éloignée psychologiquement du monde moderne incarné par les Etats-Unis, où certains jeunes hommes décident d'émigrer, pour changer de vie et tenter d'améliorer celle de leur famille. Le lien entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés est maintenu par des lettres, si possibles illustrées de photographies. Leur absence peut être lourde de conséquences.

   La première moitié de l'histoire est jouée sur le ton de la comédie. La vie au village est assez pittoresque. A un moment, le couple principal nous est même décrit comme l'équivalent du duo Reagan-Gorbatchev ! On se régale aussi de l'incompréhension née du fossé culturel qui sépare les Etats-Unis de l'Inde rurale.

   La deuxième partie se déroule quelques années plus tard. Elle voit Ramakant (le fils cadet de la famille principale) partir à la recherche de son aîné Udai, sur l'émigration duquel il a des doutes. Que lui est-il réellement arrivé ? S'il est mort, qui l'a tué ? S'il est vivant, où se trouve-t-il ?

   Il débarque dans une grande ville, où il va découvrir la promiscuité, la délinquance... et peut-être l'amour. D'un côté, il mène sa petite enquête pour tenter de retrouver les traces du passage de son frère. De l'autre, il économise pour pouvoir se payer le passage (clandestin) pour les Etats-Unis. Mais la vie de tous les jours n'est pas des plus simples et la ville recèle de nombreux dangers. Même si des éclairs d'humour surgissent de temps à autre, cette seconde partie est plus sombre. Les jeunes personnes dont nous suivons les efforts vont chacune devoir faire des choix cruciaux. Entre l'envie de vivre, l'appât du gain et l'honneur familial, le coeur balance...

   La réalisation est parfois un peu maladroite, ou théâtrale, mais l'humour et la tension créée par l'histoire emportent l'adhésion. C'est un bon film indien, qui s'écarte des clichés de Bollywood.

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lundi, 19 octobre 2015

Par accident

   Ce thriller social français part d'une soirée entre collègues (employés dans une blanchisserie), qui se conclut, pour l'une des protagonistes (Amra), par un accident de la circulation : l'attention occupée par son téléphone portable, elle perd de vue la route... et renverse un piéton.

   Amra est d'autant plus inquiète que sa situation en France est précaire : immigrée originaire d'Algérie, elle est en voie de régularisation. C'est pire pour son compagnon, travailleur clandestin qui vit dans l'angoisse d'un contrôle policier. L'héroïne est interprétée (avec talent) par Hafsia Herzi (révélée par La Graine et le mulet, remarquée aussi dans Héritage et La Marche).

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   L'une des trouvailles du scénario est de faire vivre le couple dans une cabane au fond des bois. Cela donne un aspect bucolique à certaines scènes. En revanche, les moments de tension prennent un tour plus inquiétant.

   L'intrigue gagne en épaisseur avec l'intervention d'un témoin providentiel, incarné par Émilie Dequenne (petit pincement au cœur du vieux cinéphile, pour qui elle restera à jamais la jeune Rosetta des frères Dardenne). Autant Amra est (au début) terne et renfermée, autant Angélique est (en apparence) vibrante et extravertie. Le courant passe bien entre les deux contraires, qui vont se découvrir et s'épauler. Il y a un côté "Thelma et Louise" dans cette relation asymétrique.

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   L'histoire gagne encore en complexité quand on découvre, petit à petit, que l'un des personnages semble faire preuve de machiavélisme. Qui manipule qui et pourquoi ? La réalisation nous laisse longtemps dans l'expectative, empêchant les spectateurs de trancher avec certitude entre plusieurs versions possibles. Cela nous mène à la séquence finale, au style trop appuyé à mon goût. Mais elle clôt logiquement l'intrigue.

   Si vous en avez l'occasion, allez voir ce film atypique, qui, mine de rien, dit des choses intéressantes sur les relations humaines et la société française contemporaine.

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dimanche, 18 octobre 2015

Fou d'amour

   Ce film de Philippe Ramos s'inspire d'un célèbre fait divers, l'affaire du curé d'Uruffe, avec laquelle il a pris quelques libertés pour organiser le récit. Celui-ci nous est conté par un homme qui a perdu la tête... au propre comme au figuré. Notons que le film commence par un beau plan-séquence. C'est indicateur du talent du réalisateur, qui fait preuve d'inventivité dans pratiquement chaque scène.

   Mais c'est d'abord le ton de la première partie qui retient l'attention. On se croirait presque dans un roman libertin, dont l'action se déroule dans la campagne rhône-alpine (de cheval). C'est que l'arrivée du nouveau curé ne manque pas de susciter de l'émotion dans le village. L'homme est jeune, cultivé, bien bâti. Il s'occupe avec passion de l'instruction religieuse mais aussi des loisirs des enfants. Il écoute avec patience les doléances des épouses... et, accessoirement, il en "besogne" quelques-unes, mettant un point d'honneur à leur faire atteindre le septième ciel. Dans le rôle, Melvil Poupaud s'en donne à cœur joie.

   L'intrigue bascule quand débarque une jeune aveugle, innocente et belle comme le jour. Le curé, qui n'était jusque-là qu'un hédoniste égaré en religion, tombe raide dingue de cette femme à nulle autre pareille. Le film le montre chuter de son piédestal, devenir finalement un homme comme les autres. Bref, il ne maîtrise plus la situation.

   Subrepticement, la mise en scène place davantage les femmes au centre. Au départ, elles ne sont que les objets du désir du curé. Signalons qu'elles sont interprétées avec talent, notamment par Dominique Blanc, excellente en châtelaine d'âge mur travaillée par le désir, une quasi-cougar avant l'heure !

   C'est aussi un film de mec. Le point de vue du curé est mis en valeur et la caméra s'attarde avec une certaine complaisance sur quelques superbes corps de femme, en particulier ceux de l'aveugle et de la laitière, celle-ci évidemment dotée d'une très avantageuse poitrine... Mais l'image est soignée. Bien que l'histoire soit très différente, on retrouve la même sensualité que dans Jeanne captive.

   Par souci d'honnêteté, le réalisateur a inséré sur la fin quelques plans pour éviter que l'empathie du spectateur envers le "héros" ne soit trop grande. Cela donne un très bon film, servi par d'excellents acteurs.

   P.S.

   Le site internet dédié au film est bien fichu.

   P.S. II

   Sur RTL, Jacques Pradel a consacré une émission de "L'heure du crime" à la célèbre affaire.

vendredi, 16 octobre 2015

Aferim !

   Le titre de cette coproduction tchéco-bulgaro-roumaine est une interjection turque, généralement traduite par "Bravo !". Vu les circonstances dans lesquelles elle est proférée, elle pourrait aussi être l'équivalent d'un "Dieu soit loué !" ou d'un "Inch Allah !"

   L'action se déroule en Roumanie (sans doute en Moldavie), en 1835, à une époque où les influences russe et ottomane s'entrechoquent dans cette partie des Balkans. Mais l'essentiel de l'intrigue traite des relations de la population orthodoxe avec les Roms, nommés ici Tziganes. On notera aussi le statut inférieur des femmes, épouses trompées, prostituées, concubines plus ou moins forcées.

   C'est d'abord un superbe noir et blanc, qui m'a, par instants, rappelé Heimat. L'image est souvent très belle, surtout dans les scènes nocturnes. On a aussi visiblement bien travaillé les décors.

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   On a beaucoup parlé des dialogues, truculents, mais dont on ne perçoit toutefois pas toute la saveur : faute de comprendre le roumain, on doit se contenter des sous-titres. Je recommande quand même l'une des séquences du début, faisant intervenir un pope très intolérant, qui tient des propos dont la cohérence intellectuelle n'est pas la première qualité...

   Nous voilà en compagnie d'une sorte de gendarme et de son assistant de fils, partis à la recherche d'un Rom qui, en plus d'être un esclave en fuite, a contre lui d'avoir copulé avec l'épouse légitime du potentat local.

   J'ai eu du mal à rentrer dans le film. L'intrigue met du temps à se mettre en place et les dialogues, aussi savoureux soient-ils (parfois), semblent placés là pour faire couleur locale. Heureusement, il y a les images et les détails de certains plans, que l'auteur a construits avec soin.

   Inexplicablement (pour moi), cela bascule dans la seconde moitié de l'histoire. A partir du moment où les gardes ont capturé le Rom, cela devient captivant. On comprend mieux le foisonnement des conditions sociales, en particulier la situation extrêmement précaire des Roms, victimes d'un esclavage organisé. (Le scénario est assez subtil pour suggérer qu'ils exercent aussi une sorte de fascination sur les autres habitants de la région.)

   Mais, ce sont toutes les catégories populaires qui souffrent. La perversité du système archaïque en place à l'époque est de monter les groupes (voire les individus) les uns contre les autres, pour le plus grand profit des dominants. Et l'on finit par se dire qu'à travers cette époque révolue, le réalisateur Radu Jude pointe discrètement certains travers du XXIe siècle.

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samedi, 10 octobre 2015

L'Odeur de la mandarine

   Cette odeur est celle qui émane du museau des chevaux. C'est aussi celle de la jument (qui porte le nom du fruit), lorsqu'elle a ses chaleurs. C'est donc évidemment une allusion à l'accouplement, celui des animaux et celui des humains, dont les chevaux sont des substituts.

   L'action se déroule à la fin de la Première guerre mondiale, entre juillet et novembre 1918, en Picardie, à proximité immédiate du Front (côté français). A plusieurs reprises, on perçoit un écho étouffé des combats, si proches et pourtant si lointains de la vie quotidienne des héros, qu'ils ont pourtant marqués au fer rouge.

(Je tiens à signaler que je suis très satisfait de la phrase précédente.)

   Ces héros sont un homme et une femme. A ma droite voici Charles, officier de cavalerie récemment amputé d'une jambe. C'est un célibataire endurci, qui n'a sans doute connu que des filles de joie. Il vit entouré de ses vieux domestiques... et de sa jument, Mandarine, qu'il a réussi à préserver des réquisitions. Est-il utile de préciser qu'Olivier Gourmet est remarquable dans le rôle ?

Mandarine 2.jpg

   A ma gauche voilà Angèle, l'infirmière douce, la veuve éplorée, hantée par la mémoire de l'amour disparu. C'est aussi une jeune femme indépendante, cultivée, dotée d'un sens de la répartie qui contribue à "épicer" l'intrigue. A la fois belle, drôle et émouvante, Georgia Scalliet est la révélation de ce film, auquel son personnage (et sa manière de l'interpréter) donne une épaisseur inattendue.

   Signalons que les seconds rôles sont à la hauteur, avec (notamment) Dimitri Storoge (vu l'an dernier dans Belle et Sébastien) en soldat-palefrenier inquiétant et Hélène Vincent en vieille nourrice dévouée.

   La première partie de l'histoire montre la naissance d'une complicité. Ces trois-quarts d'heure passent comme un rêve. Quand l'intrigue a pris un tour plus conflictuel, j'ai eu peur que le scénario ne tienne pas la route... et j'avais tort. On nous a ménagé de petits rebondissements, à intervalle régulier, sans que cela soit apparent.

   Il est bientôt question d'un soldat déserteur et de l'étalon qu'il traîne avec lui. Ce magnifique cheval noir est l'objet de toutes les convoitises. On songe notamment à l'accoupler avec Mandarine, dans une association que l'on est tenté de comparer avec les protagonistes qui se déplacent sur deux pattes (ou une et demi).

   Autre attrait du film : la qualité de l'image. C'est souvent superbe à l'écran. (Merci Yves Angelo.) Certaines scènes ont été tournées dans les forêts de Rambouillet et de Fontainebleau. Plusieurs moments-clés se déroulent à proximité d'un lac... et font intervenir un cerf majestueux, sorte d'esprit animal chargé de veiller sur la jeune femme.

   Moins strictement historique de La Peur (mais plus réussie sur le plan cinématographique), cette fiction est pour moi un film à voir absolument.

vendredi, 09 octobre 2015

Hôtel Transylvanie 2

   Sorti il y a deux ans et demi, le premier opus avait été une agréable surprise. On reprend l'histoire là où on l'avait laissée : la fille du comte Dracula (Virginie Efira, impeccable), amoureuse de son djeunse, va l'épouser... puis tomber enceinte. Eh, oui : même les monstres ont une vie "normale" !

   Le début est donc assez vaudevillesque, gentiment drôle sans être hilarant. On retrouve des références à La Famille Adams, ainsi qu'à Mon Beau-père et moi. De temps en temps, un détail piquant vient rappeler l'irrévérence du premier film. (J'ai ainsi été particulièrement sensible au vomi de mouton !)

   L'histoire se corse quand la question de la nature du bébé se pose : est-il un vampire ou un humain ? Pas facile à dire, vu que les rejetons des suceurs de sang peuvent attendre jusqu'à cinq ans avant de voir pousser leurs impressionnantes canines. Plus le moment fatidique approche, plus Dracula (Kad Merad, très bien) angoisse : il ne faudrait tout de même pas que sa descendance rejoigne le camp des humains ! Cela nous vaut plusieurs scènes très réussies, au cours desquelles le comte et sa bande de bras cassés tentent d'éveiller le gamin à sa "véritable nature".

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   Cela se complique un peu plus quand débarque celui que papy Dracula fait tout pour tenir à l'écart de la vie familiale : son propre père. Celui-ci, quoique plus tout à fait vaillant, dispose encore d'un considérable pouvoir de nuisance. Dans la version française, Michel Galabru prête sa verve à cet aristocrate ultraconservateur, doté d'un nez et d'un menton immenses... et dont la seule compagnie est constituée des monstres les plus horribles que la Terre ait sans doute portés.

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   Au niveau de l'animation, c'est du bon boulot. On a particulièrement travaillé le contraste des lumières. Certaines scènes de nuit, bleutées, sont superbes. Du côté des personnages, ce sont les chauves-souris qui m'ont le plus impressionné. La qualité est proche de celle de Ratatouille, c'est dire !

   Signalons que dans la dernière partie de l'histoire survient un affrontement assez inattendu, qui dégénère en quasi-pugilat général. Je recommande tout particulièrement ces cinq-dix minutes de folie, qui méritent à elles seules le détour.

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jeudi, 08 octobre 2015

Une Femme iranienne

   Tourné en 2011, ce film iranien n'est sorti en France qu'au printemps dernier... et il arrive en Aveyron au début de l'automne. La première partie de l'histoire, qui évoque la vie difficile d'une conductrice de taxi (par nécessité), n'est pas sans rappeler Taxi Téhéran et Ten. Ce n'est toutefois pas aussi habilement filmé. Cela vaut surtout par la description des difficultés de la jeune femme, dont le mari est en prison et qui doit rompre avec certaines convenances pour s'en sortir financièrement. Par petites touches, on a aussi un aperçu des tensions sociales qui traversent le pays.

   La deuxième partie de l'histoire m'a fait penser à Thelma et Louise. Deux femmes aux tempéraments très différents partent à l'aventure, en voiture, l'une d'entre elles fuyant un homme autoritaire. Notons que les deux actrices principales sont excellentes. C'est la mise en scène qui n'est pas toujours à la hauteur. Ne vous attendez pas non plus à une qualité d'image exceptionnelle. Mais ce n'est pas laid pour autant.

   Hélas, le film bascule ensuite dans le mélo. Le ton parfois ironique du début cède la place au style plaintif, le tout au service d'une défense appuyée, lourde, soulignée au gros feutre rouge du droit à la différence. J'ai trouvé plus intéressant qu'au second degré, la réalisatrice se serve du cas des "transgenres" pour soutenir le droit des femmes à choisir leur mari et à vivre leur quotidien avec plus d'autonomie.

samedi, 03 octobre 2015

Les Chansons que mes frères m'ont apprises

   Ces chansons, l'héroïne Jashaun va petit à petit les entendre au contact de membres de sa tribu (des Sioux, plus précisément des Lakotas), notamment des hommes de sa famille élargie. Elle découvre l'existence de la plupart d'entre eux à la suite du décès de son père : celui-ci a eu 25 enfants, de neufs femmes différentes !

   L'action se déroule dans des paysages magnifiques, ceux d'une réserve indienne (Pine Ridge) située dans le Dakota du Sud. A première vue, ce lieu n'évoque pas grand chose aux oreilles européennes. Lorsque l'on apprend que c'est dans cette zone que s'est produit le massacre de Wounded Knee, en 1890, on en comprend toute la charge symbolique.

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   Ce qu'il reste des Lakotas se débat dans de considérables difficultés. A l'intérieur de la réserve, 80 % des actifs sont au chômage et l'alcool, bien qu'interdit, fait des ravages. Il est introduit en douce par des trafiquants issus eux-mêmes de la réserve. Le frère de Jashaun, Johnny, sert de coursier à l'un d'entre eux. Au début, on nous présente le frère et la soeur comme entretenant une relation quasi fusionnelle, en harmonie avec leur environnement.

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   Mais le jeune homme ne pense qu'à partir, pour accompagner sa petite amie en Californie, où elle va poursuivre ses études pour devenir avocate. (Apparemment elle est l'une des rares bonnes élèves du lycée local). Au passage, on nous propose une séquence quasi surréaliste dans l'établissement scolaire, avec un enseignant qui ressemble davantage au gourou d'une secte qu'à un prof. Pendant le dernier cours, on remarque surtout que la plupart des élèves manipulent des animaux qui, dans le monde "civilisé", feraient fuir la population !

   En réalité, Johnny ne sait pas trop où il va. Il est dingue de sa petite amie (fort charmante il est vrai), mais il n'a qu'une vague idée de la vie qu'il va mener à Los Angeles. Il a encore l'espoir de percer dans la boxe, mais ses illusions vont tomber. Enfin, même son petit trafic est menacé par de potentiels rivaux.

   Si l'histoire nous est contée sous le regard des deux jeunes, c'est celui de la benjamine, âgée d'une douzaine d'années, qui prend le dessus. (L'actrice est épatante.) Ah, oui, j'oubliais : il y a un frère aîné, mais il est en prison. Quant à la mère, elle ne se distingue pas par son implication dans l'éducation des enfants.

   Présenté ainsi, le film pourrait paraître déprimant. Ce n'est heureusement pas le cas. D'abord, parce que la mise en scène est réussie, certaines scènes étant littéralement envoûtantes. Ensuite parce que la petite Jashaun va prendre son destin en mains. Elle va se rapprocher d'un étrange tatoueur (alcoolique lui aussi, mais sympa), dans l'espoir qu'il lui confectionne une robe traditionnelle pour un pow-wow. De plus, bien qu'attachée à la culture ancestrale, la pré-adolescente n'en manifeste pas moins de l'intérêt pour une activité "de Blancs" qui fascine les hommes : le rodéo.

   Cela donne un ensemble étonnant, d'une beauté douce et (parfois) triste. Signalons que la réalisatrice, Chloé Zhao, est née en Chine.

   P.S.

   Un musée virtuel de Wounded Knee est accessible (en anglais) sur la Toile.

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vendredi, 02 octobre 2015

La Peur

   Ce film est l'adaptation d'un roman qui avait été publié en 1930, avant d'être interdit. Sur le fond, le propos est assez antimilitariste, ceci expliquant peut-être cela.

   Mais c'est d'abord une œuvre de fiction, à la fois dure et d'une grande beauté plastique, par instants. Je pense notamment aux scènes de nuit et à la mort du cheval, qui m'a rappelé un plan saisissant de Jarhead, qui se déroule pourtant dans un contexte très différent (celui de la première guerre du Golfe). Le réalisateur est aussi très doué pour filmer les corps, ceux des "poilus" (en plus ou moins bon état) et ceux de jolies jeunes femmes (la compagne du héros et une infirmière, dont les spectateurs n'ignoreront plus rien de l'anatomie).

   Sur le fond, le scénario vise à l'exhaustivité, introduisant, au fur et à mesure de l'histoire, tous les aspects du conflit, de l'entrée en guerre plus ou moins joyeuse au soulagement de l'armistice, en passant par la dureté de la vie dans les tranchées, le fracas des armes et les relations parfois difficiles entre soldats et officiers. Le souci de réalisme a sans doute poussé le réalisateur à calquer certains plans sur des photographies anciennes ou des images d'actualité (en particulier quand on voit des soldats se mouvoir dans les tranchées).

   Pour moi, les meilleurs moments sont ceux qui se déroulent dans l'hôpital où atterrissent les blessés graves. Des acteurs truculents donnent vie à ces corps brisés, face à des infirmières présentées plutôt comme des objets que comme des sujets. J'ai aussi bien aimé la séquence avec le fou alcoolique, qui évolue dans les limbes de la guerre et de la conscience humaine.

   Tout cela devrait donc donner un excellent film. Et pourtant... c'est long et par moments un peu pénible, pour une raison : la diction des acteurs (sans doute mal dirigés), dont le jeu est excessivement théâtral. Ajoutons que le héros est un personnage assez fade, de surcroît incarné par un acteur peu charismatique. C'est vraiment dommage.

samedi, 26 septembre 2015

Agents très spéciaux - Code U.N.C.L.E.

   Guy Ritchie (le réalisateur de Sherlock Holmes) est aux manettes de cette nouvelle adaptation d'une série culte de la seconde moitié du XXe siècle. Quand elle avait été (re)diffusée en France, le public s'était divisé en deux camps : les fans de Napoleon Solo et ceux d'Illya Kuryakin. J'étais plutôt Kuryakin... surtout qu'il était incarné par un acteur que j'avais déjà vu auparavant dans L'Homme invisible : David McCallum (aujourd'hui plus connu pour son rôle de "Ducky" dans NCIS).

   Cette fois-ci, j'ai eu un peu de mal à m'habituer aux interprètes des personnages principaux. Henry Cavill (le Superman de Man of Steel) est un insupportable playboy américain, arrogant voire condescendant... mais il porte de très jolis costumes ! Face à lui (et bientôt à ses côtés), Armie Hammer (très bon dans J Edgar) est une boule de violence et d'opiniâtreté. Le côté "super agents quasi invulnérables" du début m'a agacé. Cela "passe" finalement très bien parce que, dès la séquence initiale, la réalisation est brillante. La course-poursuite au coeur du Berlin de la Guerre Froide est extraordinaire ! Et puis quelle musique ! Elle a le "cachet" des années 1960 et s'adapte parfaitement à l'action.

   C'est l'arrivée d'un troisième personnage principal qui va quelque peu dynamiter le schéma originel... et c'est une femme. Au départ, elle ne paie pas de mine, cette fille d'un ancien savant nazi, passé au service des Américains avant de subitement disparaître. Elle a les traits (charmants) d'Alicia Vikander, une actrice qui explose depuis sa révélation dans Royal Affair. (On a récemment pu la voir dans l'excellent Ex Machina.) On notera qu'en quelques semaines, c'est la deuxième Suédoise à damner le pion aux cadors de Hollywood dans un film d'action : personne n'a oublié la prestation de Rebecca Ferguson dans Mission impossible 5. Décidément, quel beau pays que la Suède !

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   Le rythme retombe toutefois un peu après l'éblouissante séquence berlinoise. Cela remonte une fois que la nouvelle mission est assignée à l'improbable équipe constituée des ennemis d'hier. Evidemment, l'histoire va jouer sur la rivalité qui persiste entre Solo et Kuryakin. Cela nous vaut plusieurs moments de comédie (très réussis), comme ceux insérés dans la séquence d'intrusion dans une mystérieuse usine (du découpage de la grille à l'ouverture du coffre-fort). J'ai aussi beaucoup aimé tout ce qui concerne une montre familiale, à laquelle l'un des héros est particulièrement attaché... et que dire de la séquence avec la chaise électrique, dont le fonctionnement se révèle assez approximatif !

   Le personnage Gaby Teller, incarné par Alicia Vikander, contribue aussi à "épicer" l'intrigue. Au départ, on nous la présente comme une simple garagiste (certes douée pour la mécanique). Mais elle semble se couler avec une facilité déconcertante dans le nouveau moule qui lui est assigné : assistante d'espions. Les deux jeunes hommes ne sont pas au bout de leurs surprises... en particulier Kuryakin, qui doit se faire passer pour le fiancé de la jeune Allemande. Les relations entre les deux vont prendre un tour volcanique, avec notamment une scène tordante qui voit ce petit bout de femme de moins d'1m70 flanquer deux retentissantes gifles à ce géant de presque deux mètres !

   De son côté, Solo assume sans peine son tempérament de gros queutard séducteur... jusqu'à mettre dans son lit la mystérieuse, la sublime, la redoutable Victoria Vinciguerra, grande bourgeoise italienne... et nostalgique d'un régime totalitaire disparu. Dans ce rôle tout d'un bloc, Elizabeth Debicki est une révélation.

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   Il y aurait encore plein de choses à dire sur ce film, qui fourmille d'inventions, sans effets spéciaux tapageurs. Signalons l'aspect polyglotte de l'intrigue, qui voit s'entremêler l'anglo-américain, l'allemand, l'italien, le russe et l'anglais (britannique)... en compagnie de quelques mots de français ! Tout cela est au service d'une histoire trépidante, à l'humour décapant. Ce film est l'excellente surprise de la rentrée.

   P.S.

   Restez pour le générique de fin !

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vendredi, 25 septembre 2015

Much Loved

   Ces femmes tellement aimées sont des prostituées de Marrakech, au Maroc. Le titre comporte une ambiguïté quant au sens du mot "aimées". On comprend vite qu'elles sont surtout des objets du désir. Rares sont les personnes qui les aiment vraiment. On les jalouse et surtout on les méprise. On retrouve cette dualité dans l'organisation de l'intrigue : les scènes de séduction contrastent avec des scènes plus sordides.

   Ce sont les premières qui ont semble-t-il choqué une partie du public... ou plutôt des gens qui n'ont sans doute même pas vu le film. Il n'y a rien de pornographique dans les scènes d'amour ou de séduction. C'est de toute évidence simulé... mais il est vrai que ce n'est pas un film pudique. Un public un peu prude peut "tiquer" devant la nudité des actrices et certains gestes "intimes". Mais les scènes qui montrent l'humiliation des jeunes femmes sont tout aussi réalistes.

   Si cela suscite autant de réactions, c'est d'abord parce que c'est bien joué. Les actrices crèvent l'écran, en particulier Loubna Abidal, très engagée dans son rôle. C'est l'astre de ce film. Elle est à la fois la grande soeur, la séductrice, mais aussi la chieuse, la putain vénale... et la rejetée.

   Le scénariste a voulu montrer que les prostituées sont des femmes comme les autres et que les hommes sont soit des enfoirés soit des hypocrites... voire les deux. En tête du classement des gros porcs se trouvent les riches Saoudiens, qui viennent s'encanailler à bon prix au royaume de Mohammed VI. Pas très loin se trouvent les Européens, réputés plus radins. Les Marocains, quant à eux, sont les moins friqués des mâles. C'est donc plutôt par la force qu'ils tentent de profiter des jeunes femmes. Le film met l'accent sur un policier corrompu et le petit ami d'une des prostituées, pas si sympa que cela.

   Il ne faut sans doute pas chercher plus loin la principale raison de la campagne de dénigrement dont le film a été victime. Il donne une très mauvaise image des ressortissants saoudiens, issus d'un pays ami du Maroc... et doté d'immenses moyens financiers. Quant aux machos marocains, ils n'ont pas dû apprécier le portrait qu'on brosse d'eux.

   Le propos porte d'autant plus que c'est globalement bien réalisé... avec toutefois un petit défaut : Nabil Ayouch (à qui l'on doit Les Chevaux de Dieu) aime les images "bien léchées". Du coup, au début, il rend la prostitution un peu trop sexy. C'est la principale limite du film, qui ne va pas très loin dans l'analyse sociale et comporte quelques aspects "paillettes".

jeudi, 24 septembre 2015

Prémonitions

   Ce polar métaphysique réunit une distribution haut-de-gamme, avec Anthony Hopkins (qu'on ne présente plus), Colin Farrell (sobre), Abbie Cornish (vue notamment dans 7 Psychopathes et Limitless) et Jeffrey Dean Morgan (un habitué des seconds rôles, très bon dans The Salvation).

   Mais c'est l'histoire qui m'a "accroché". Je voulais voir comment allait être mise en scène la collaboration du médium avec la police. C'est très intéressant quand on voit ce que, par le toucher, l'ancien médecin John Clancy perçoit du passé d'une personne. Le problème est, qu'à ces scènes de "resouvenance" sont mélangées des visions du futur... ou plutôt d'un futur possible. En gros, on pourrait diviser le film en deux : dans la première partie dominent les perceptions du passé (dans lesquelles on a glissé la prémonition essentielle), dans la seconde les visions du futur, auxquelles on a ajouté parfois de vrais souvenirs du personnage principal.

   J'ai nettement préféré la première partie, qui met en place l'intrigue et ménage pas mal de mystère... surtout si l'on a pris soin d'éviter de regarder les bandes-annonces qui sont sorties auparavant : elles en disent trop et gâchent un peu le plaisir.

   Les personnages sont bien campés, avec le médium qui est en fait un père brisé par le décès de sa fille, un enquêteur miné par un secret qu'il va devoir bientôt dévoiler et une psychologue belle comme tout, un brin pète-sec, mais fragile au fond.

   C'est après la rencontre entre le tueur et le médium que cela retombe. Pourtant, cette rencontre est brillamment mise en scène, dans un bar-restaurant fréquenté par des policiers et où se croisent tous les possibles. Mais, à la suite de ce moment fort, le pathos et le psychologisme l'emportent. Le suspens devient plus artificiel, même si l'on a envie de voir comment les scénaristes ont conclu l'intrigue. Tout cela se termine avec une petite révélation qui, sans bouleverser le sens de l'histoire, lui donne un peu plus de profondeur.

22:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 20 septembre 2015

Sur la ligne

   Inspiré d'une histoire vraie, ce film nous replonge dans la Guerre Froide, plus précisément le début des années 1980, quand les championnats du monde d'athlétisme et les Jeux Olympiques sont perçus comme des enjeux politiques pour les deux Blocs.

   L'héroïne est une jeune athlète tchécoslovaque prénommée Anna. C'est un joli brin de femme (elle ressemble un peu à Keira Knightley), pas idiote de surcroît (elle a eu son bac... rappelons que l'action se déroule en 1982).

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   ... mais sa mère, ancienne championne de tennis, a été cantonnée dans un emploi de femme de ménage. On apprend qu'elle a participé à la contestation de 1968 et que son mari et ancien entraîneur a fui à l'Ouest. De plus, elle est restée secrètement en contact avec un ancien amant, qui est aussi un militant anticommuniste.

   Le scénario mêle habilement les différentes thématiques. Au départ, Anna méprise l'activité militante de sa mère (et sa tendance à se laisser faire par certains hommes). Cela n'empêche pas les deux femmes de vivre dans une sorte de symbiose, du moins au début. L'évolution de la relation mère-fille va constituer l'un des axes de l'intrigue. L'héroïne a aussi du mal à se positionner vis-à-vis de ce père qui les a abandonnées.

   Le sport de compétition l'aide à se structurer. Elle est douée ; elle a été repérée. L'entraîneur, beaucoup plus âgé, pourrait représenter un père de substitution. Mais, pour exister au plus haut niveau (et rapporter à coup sûr des médailles à son pays), elle doit accepter de suivre un programme médical secret. De là naissent d'autres tourments. Jusqu'où aller pour réussir ? A qui faire confiance ? Comment rester pleinement une jeune femme quand on constate les effets secondaires du "traitement" ? C'est d'autant plus crucial pour Anna qu'elle est tombée amoureuse, d'un fils de bourgeois, musicien à ses heures, sympa et "cool".

   Les interprètes sont convaincants. On sent que la jeune actrice a dû fournir de gros efforts pour être crédible en sprinteuse. On peut le constater quand elle se retrouve aux côtés de figurantes affûtées, qui n'ont sans doute pas été sélectionnées sur leur maîtrise de l'art shakespearien. Les courses sont correctement filmées, dans un style qui s'éloigne volontairement (m'a-t-il semblé) de celui des retransmissions télévisées. Les entraînements sont encore plus réussis sur le plan cinématographique, avec, parfois, l'ajout d'une musique bien choisie.

   Signalons le sérieux du travail de reconstitution. On se sent pleinement dans les années 1980, tant au niveau des décors que des vêtements. Même la police politique fait "d'époque". On comprend ce que signifiait la mise sous surveillance de la population. C'est d'autant plus vraisemblable que l'on n'a pas fait des personnages principaux des héros hollywoodiens : ce sont des personnes ordinaires, avec leurs petites faiblesses. Même si l'on n'atteint pas l'intensité dramatique d'un chef-d'oeuvre comme La Vie des autres, on est captivé par l'aventure de ces femmes emportées par le vent de l'Histoire et qui tentent de trouver leur voie.

samedi, 19 septembre 2015

Le Prodige

   Quand j'ai vu que Tobey Maguire (l'acteur principal) produisait ce film, je me suis dit : "Ne tenterait-il pas de renouveler le succès (relatif) d'Une merveilleuse histoire du temps, afin de décrocher un oscar ?" J'ai donc redouté de me retrouver face à une oeuvre très très académique, d'où ressortirait l'éblouissante prestation de l'acteur vedette.

   Commençons par lui. Si Tobey Maguire n'est pas aussi étincelant qu'Eddie Redmayne dans le biopic de Hawking, il s'en sort plutôt bien pour quelqu'un qui tente de faire oublier qu'il incarna naguère Spiderman. Il est crédible aussi bien en jeune prodige des échecs qu'en adulte à moitié cinglé, devenu hypersensible et travaillé par les théories du complot. On saura gré à la production de ne pas avoir fait du personnage principal un type trop sympathique, parce que, dans la vraie vie, Bobby Fischer était devenu au fil du temps un pauvre type (d'aucuns diraient même un sale con).

   Maguire est épaulé par quelques excellents seconds rôles, au premier rang desquels figure Peter Sarsgaard, un visage connu de tous, mais dont on a peine à se souvenir où on l'a déjà vu. Pour moi, c'était notamment dans Flight Plan, Jarhead, Dans la brume électrique et Blue Jasmine. En face, côté bolchevik, Liev Schreiber se débrouille bien en Boris Spassky.

   La mise en scène vient parfois épauler ce beau monde. Pas assez souvent à mon goût. Pourtant, on sent bien qu'Edward Zwick n'est pas un manchot. On l'a vu à l'oeuvre dans Blood diamond et Les Insurgés. Il faut quand même se "fader" son quota de scènes hollywoodiennes, les pires étant à mon avis celles montrant l'admiration suscitée par le jeune génie des échecs, avec ces plans fixes d'hommes et (surtout) de femmes en extase devant une caméra ou leur écran de télévision. J'ai quand même bien aimé la manière dont la finale des championnats du monde (très médiatisée) est montrée, notamment avec ses à-côtés. Les scènes médiocres sont en partie contrebalancées par les moments troubles, en caméra subjective, durant lesquels on prend conscience de la paranoïa grandissante de Fischer.

   C'est aussi un bon film de propagande à l'américaine, qui n'est pas sans rappeler Rocky IV. Le challenger ricain se prépare dans des conditions plus précaires que son adversaire, présenté comme un ogre soviétique, a priori intouchable. Le Bien finira-t-il par triompher du Mal ? Les spectateurs tremblent d'angoisse !

   C'est donc finalement une oeuvre plus attrayante que ce à quoi je m'attendais, mais qui décevra les amateurs purs d'échecs : la représentation cinématographique de ce jeu extrêmement cérébral n'est guère inventive. De ce point de vue, un film comme La Diagonale du fou (avec Michel Piccoli) m'avait paru plus réussi.

   P.S.

   Coïncidence troublante : dans l'un des derniers épisodes de la série Blacklist à avoir été diffusé sur TF1 (Ruslan Denisov, dont j'ai parlé hier), l'antihéros Reddington fait allusion à une tactique inédite (et victorieuse) utilisée par Fischer contre Spassky, en 1972, à Reykjavik.



vendredi, 11 septembre 2015

Miss Hokusai

   Cette animation japonaise est consacrée à l'un des maîtres de la peinture extrême-orientale (l'auteur de Sous la vague au large de Kanagawa)... et à l'une de ses filles, elle aussi très douée pour le dessin... et qui a contribué à certaines de ses œuvres. L'intrigue se déroule toutefois en 1814, bien avant qu'Hokusai ne réalise la Vague.

   Cette histoire est d'abord une une réhabilitation, celle d'O-Ei, la fille méconnue, restée dans l'ombre d'un père ombrageux et narcissique. On nous la montre dotée d'un caractère bien trempé... et elle en a bigrement besoin, vu la faune masculine qu'elle fréquente au quotidien... à commencer par son père. Cet animé a donc le grand mérite de ne pas chercher à masquer les aspects déplaisants de la personnalité du Maître.

   Il nous offre ainsi un tableau de la condition féminine dans le Japon de l'époque, plus précisément à Tokyo, alors nommée Edo. En ville se croisent sans se mélanger deux principales catégories de femmes : les épouses et les prostituées. Devinez lesquelles sont les plus populaires auprès des artistes... Cela nous vaut toutefois plusieurs portraits saisissants des personnes qui louent leur corps (et leurs talents de divertissement), en particulier celui d'une femme qui dort dans un lit protégé par une moustiquaire très spéciale : elle a pour objet d'empêcher l'ectoplasme de sa tête quitter son corps lorsqu'elle est endormie. A l'écran, la séquence est saisissante et répond à une autre, qui montre les mains et les avant-bras d'Hokusai partir à l'aventure, là aussi durant la nuit.

   De manière générale, l'animation est "propre" sans être exceptionnelle. Les amateurs de l’œuvre de Miyazaki seront peut-être déçus, sauf à l'occasion  de ces séquences oniriques, la première d'entre elles mettant en scène un dragon fantasmagorique, dont Hokusai père et fille vont tenter de fixer l'image sur le papier.

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   C'est le moment de préciser que le réalisateur Keiichi Hara n'est pas un inconnu : on lui doit notamment Colorful, qui témoignait de la même fascination pour la peinture. Cela se voit sans certaines des scènes les plus "bluffantes" : on a réussi à représenter l'acte du dessinateur (ou de la dessinatrice). Cela n'a l'air de rien, mais c'est extrêmement difficile.

   Cette virtuosité est aussi parfois mise au service de l'humour, comme dans cette scène qui voit le chien de la famille et l'un des apprentis d'Hokusai se comporter de manière mimétique :

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   A travers cet exemple et bien d'autres, disséminés dans l'histoire, on retrouve l'intérêt, très présent chez les réalisateurs japonais, pour la représentation des animaux et des phénomènes naturels. Cela contribue à rendre ce film encore plus attrayant. Sa sortie confidentielle n'en est que plus scandaleuse. C'est pour moi l'un des meilleurs films du moment, qui pourtant peine à trouver sa place sur des écrans occupés par quantité de médiocrités.

11:42 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films