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samedi, 19 mars 2016

10 Cloverfield Lane

   C'est à cette adresse que va se dérouler une grande partie de l'histoire qui nous est contée. C'est à la fois un huis-clos, un thriller et (peut-être) une œuvre de science-fiction. Le mystère plane longtemps sur la réalité d'une attaque nucléaire ou d'une invasion extra-terrestre. On se demande aussi à quel point l'ancien militaire (incarné à la perfection par John Goodman) est givré, altruiste ou dangereux. C'est le grand talent de ce film que de ne pas se limiter à un genre cinématographique, laissant les spectateurs dans l'expectative.

   C'est d'abord un film de dialogues (parfois drôles), même si, à plusieurs reprises, ceux-ci sont absents de moments clés de l'intrigue. C'est donc un film d'acteurs, qui repose principalement sur les performances de John Goodman et de Mary Elizabeth Winstead, une illustre inconnue allez-vous me dire... sauf si vous avez vu Die Hard 4, dans lequel elle joue la fille rebelle de cette tête de lard de John McLane.

   Son personnage connaît d'ailleurs une évolution intéressante. Au départ, on nous présente Michelle comme une jeune femme fragile puis une victime. Petit à petit, elle va prendre de l'assurance, ses talents de styliste-couturière se révélant fort utiles à l'occasion. La dernière partie de l'histoire la voit passer un stade supplémentaire, que je me garderai de révéler.

   Le huis-clos, au fond du bunker, est parfaitement maîtrisé. Chapeau aux décorateurs ! La musique (parfois un peu trop présente) souligne les moments de tension, voire les suggère, se superposant aux dialogues. Le montage associe habilement les épisodes violents aux périodes de calme relatif, au cours desquelles il se passe pourtant tellement de choses...

   Mine de rien, on est pris par cette intrigue inhabituelle et, de temps à autre, on sursaute un peu. C'est un bon film de genre, pas trop long, idéal pour se changer les idées.

23:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 17 mars 2016

Triple 9

   Prenez un scénario retors. Ajoutez de très bons acteurs-vedettes, suppléés par des seconds rôles chevronnés. Lardez de rebondissements. Aspergez d'un peu de sang. Assaisonnez d'une musique oppressante. Mélangez le tout. Secouez bien fort... et vous obtenez un excellent divertissement de soirée (pour adultes).

   Kate Winslet est presque méconnaissable en marraine du milieu russo-israélien, tout comme Chiwetel Ejiofor (qui a pris un petit coup de vieux depuis 12 Years a Slave). Casey Affleck fait oublier certaines prestations médiocres (comme dans le récent The Finest Hours)... même si j'ai souvent eu l'envie de lui claquer le beignet tant son personnage m'énervait à force de mâcher du chewing-gum. Quant à Woody Harrelson... il fait du Woody Harrelson... et il le fait bigrement bien.

   Côté action, on est servi. Cela commence par un hold-up dont on apprécie le caractère millimétré, avant qu'un petit détail ne vienne enrayer une machine au départ parfaitement huilée. C'est une mise en abyme, puisque l'intrigue est à l'image de cette péripétie : des individus opiniâtres et très bien organisés croient pouvoir tromper leur petit monde et arriver à leurs fins... Presque tous vont se faire rattraper par le destin.

    En attendant ces moments salvateurs, on suit avec intensité la police d'Atlanta de Los Angeles batailler contre les gangs, dans ce qui ressemble à une véritable guerre urbaine. J'ai été particulièrement marqué par l'intervention des flics dans un quartier interlope, où ils ne savent pas qu'un traquenard a été tendu à l'un d'entre eux. C'est de surcroît excellemment bien filmé.

   Et comme le scénario est hyper malin, j'ai été emballé. C'est l'une des bonnes surprises de cette fin d'hiver, comme l'ont été naguère Sicario et Equalizer.

22:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 16 mars 2016

Saint Amour

   On m'avait déconseillé cette nouvelle œuvre du duo Delépine-Kervern... eh ben j'y suis zallé quand même ! J'ai gardé de bons souvenirs de Louise Michel, Mammuth et Le Grand Soir, même si ces films ne sont pas sans imperfection. On est un peu dans la même problématique ici, sauf qu'à la revendication sociale a succédé la recherche du bonheur, à travers la dégustation de pinard... et la baise.

   L'action démarre au Salon de l'agriculture, où l'on a sans doute tourné en prise directe, sans même avertir les visiteurs. Cette séquence inaugurale permet à ceux qui en doutaient d'être convaincus que Benoît Poelvoorde est l'un des plus grands acteurs de sa génération. Ici, il incarne un vieux garçon, fils unique d'un agriculteur veuf inconsolable (plus ou moins bien joué par Depardieu) et amateur de liquides fermentés. Les allées du Salon deviennent le théâtre d'une cuite mémorable, d'où le personnage de Bruno ne sort pas grandi. Mais Poelvoorde est aussi bon dans le pathétique que dans la gouaille. On sent que, par son engagement, il force un Depardieu un peu stoïque à rentrer dans le jeu.

   La suite est un pèlerinage œnologique à travers la France, en compagnie d'un chauffeur auto-entrepreneur limite tête-à-claques, très bien interprété par Vincent Lacoste. En chemin, l'improbable trio va faire d'étonnantes rencontres. Cela commence par une nuit chez l'habitant, que je ne peux pas raconter intégralement ici. Sachez que les héros sont reçus par le propriétaire, joué par un Michel Houellebecq plus dépressif que jamais... et un brin inquiétant ! C'est révélateur du style des réalisateurs : les saynètes sont construites de manière à nous emmener dans une direction, avant qu'une chute inattendue n'en change le sens.

   Cela se vérifie dans la séquence de la serveuse (pas la plus réussie toutefois) mais surtout celle de l'agence immobilière (avec Ovidie), qui commence de manière pitoyable pour Bruno/Poelvoorde, avant qu'elle ne prenne un tour invraisemblable... l'explication finale étant assez tordante.

   Les moments les plus poétiques sont peut-être ceux qui mettent en scène Depardieu et une veuve pas farouche (Andréa Ferréol épatante), qu'il rencontre à l'occasion d'un petit-déjeuner volé. Même le personnage du jeune chauffeur nous réserve quelques surprises, bien servi par un scénario qui sort des sentiers battus. L'apothéose est atteinte chez une étrange cavalière, qui se prend d'affection pour le trio de pieds-nickelés.

   Par contre, je regrette la mièvrerie de la fin. Il me semble avoir lu quelque part que les auteurs ont dû changer la conclusion de leur histoire (qui s'achevait au départ sur un suicide). Ils ont visiblement peiné à la réécrire. Mais l'ensemble mérite incontestablement le détour.

15:39 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 12 mars 2016

Les Innocentes

   Anne Fontaine est une réalisatrice au style particulier. Je l'avais découverte dans les années 1990, avec l'étonnant Augustin (sur un jeune homme quasi autiste). Dix ans plus tard, j'avais pu constater que son talent s'était affiné avec Entre ses mains (avec Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde). Dans Les Innocentes, elle s'attaque à un sujet délicat (et méconnu) : le viol de religieuses polonaises par les soldats de l'Armée rouge, à la fin de la Seconde guerre mondiale... et les conséquences.

   Cette coproduction franco-polonaise repose sur d'excellentes actrices (surtout polonaises). Celles qui incarnent les nonnes, enceintes ou pas, sont vraiment criantes de vérité. Elles font croire à leur personnage et elles nous font toucher du doigt le dilemme de ces jeunes femmes, vouées pour la plupart à la virginité et qui, non seulement ont perdu celle-ci, mais se retrouvent mères. Impressionnantes sont les scènes d'accouchement, dans lesquelles s'illustre aussi Lou de Laâge, la soignante française athée et sans doute communiste qui va se prendre d'affection pour ces incarnations d'une société conservatrice.

   Par contre, j'ai été moins convaincu par la prestation de Vincent Macaigne, pas totalement crédible en médecin juif revenu de tout. Ce personnage a au moins le mérite d'introduire un peu de rugosité dans une intrigue qui serait sinon un peu trop prévisible. On n'a pas cherché à en faire une victime, alors qu'il a perdu presque toute sa famille dans le génocide, et l'on découvre peu à peu que derrière le mec cynique se cache un homme sensible, capable d'altruisme.

   Les moments les plus forts n'en restent pas moins ceux tournés dans le couvent, un lieu éminemment cinématographique, dont la réalisatrice a su tirer pleinement parti. Dans la réalité, l'Eglise polonaise n'ayant pas autorisé le tournage dans un véritable couvent, c'est un monastère désaffecté qui a servi de cadre à cette histoire. (Les bénédictines polonaises ont d'ailleurs mal accueilli la sortie du film.) Par la rigueur de son cadrage et l'intensité qui se dégage de certaines scènes, Les Innocentes n'est pas sans rappeler Ida, l'un des éblouissements de l'année 2014 (et Oscar mérité du meilleur film étranger en 2015).

   Le résultat est une oeuvre poignante, faite d'amour et de rage, dans laquelle l'aspect documentaire finit par passer au second plan. On est captivé par cette aventure de femmes, jeunes et moins jeunes, polonaises et françaises.

   P.S.

   Les Polonaises ne sont pas les seules à avoir subi des viols massifs à cette époque. Les Allemandes en ont été tout autant victimes (par les soldats de l'Armée rouge). Sur le front Ouest, les GI n'ont pas été irréprochables non plus, même si, de ce côté, les crimes n'ont pas eu un aspect aussi systématique que dans les territoires "libérés" par les troupes soviétiques.

10:35 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 11 mars 2016

Les Premiers, les Derniers

   Je me suis décidé à voir le film de Bouli Lanners, un réalisateur qui ne m'emballe pas particulièrement (je le préfère en acteur), notamment en raison de la présence d'Albert Dupontel au générique. Il est indéniablement l'une des attractions de cette fiction décalée, tournée dans le plat pays de la région Centre.

   Fort heureusement, d'autres très bons comédiens viennent compléter la distribution. Serge Riaboukine et Lionel Abelanski incarnent avec fougue les petits chefs d'une sorte de tribu rurale, tandis que Max von Sydow et Michael Lonsdale donnent une saveur particulière à l'activité de croque-mort et au logement chez l'habitant.

   Je signale aussi la qualité des personnages féminins, deux en particulier, incarnés par Suzanne Clément et surtout Aurore Broutin, excellente en jeune femme fragile, un peu attardée.

   L'intrigue est celle d'un polar. C'est évidemment un prétexte à péripéties plus ou moins improbables, du vol d'un téléphone portable haut-de-gamme à la découverte d'un cadavre momifié, en passant par la description de la solitude des temps modernes. Le scénario rend hommage à des "gens de peu", SDF, femmes de ménage, artisans, alors que nombre de films mettent en exergue des bourgeois bien installés, dont les affres existentielles sont censées nous faire vibrer au tréfonds de notre âme. C'est l'une des manières de comprendre le titre, inspiré de la fin du chapitre 19 de l'Evangile de Matthieu. On n'est donc pas très surpris de voir débarquer un dénommé Jésus (Philippe Rebbot), un Messie pas trop dans le moule : s'il possède bien des stigmates, il n'hésite pas à se servir d'un pistolet !

   Cela donne une oeuvre très personnelle, vraiment belle sur le plan formel, un peu triste au fond.

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jeudi, 03 mars 2016

Georges Rouquier sur France Inter

   Aujourd'hui, sur la radio publique, l'émission La Marche de l'histoire a rendu hommage au cinéaste héraulto-aveyronnais, notamment à travers ses oeuvres les plus connues, Farrebique et Biquefarre. Rouquier fut peut-être l'inventeur du documentaire-fiction, un genre qui ne connut pas le succès immédiat, mais qui était appelé à un grand avenir.

   L'émission a le mérite de revenir sur la vie d'un homme intègre, habité par son art, mais qui n'avait pas oublié ses racines paysannes. Rappelons que le mythique Farrebique fut tourné sur plus d'un an chez les cousins aveyronnais du réalisateur. D'abord exclu de la sélection du premier festival de cinéma de Cannes, en 1946, il a été projeté hors compétition et, devant la qualité de l'oeuvre, récompensé d'un prix créé pour l'occasion.

   L'animateur Jean Lebrun n'est pas qu'historien. Journaliste, il a jadis couvert la sortie du deuxième opus, Biquefarre. Il apporte son témoignage dans la suite de l'émission qu'il présente. Il semble toutefois hésiter quant à la prononciation du nom de la commune où se trouve la ferme (Goutrens) : on entend tantôt "Goutrince", tantôt "Goutrence". (C'est évidemment la première qu'il faut choisir.)

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   Son invité est l'universitaire Dominique Auzel auteur d'un chouette livre sur le cinéaste, publié aux éditions du Rouergue :

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   Ceux qui se sont déjà intéressés à la vie et à l'oeuvre de Georges Rouquier n'apprendront pas grand chose de l'émission. Pour les autres, elle sera peut-être l'occasion de découvrir des films remarquables. Les anecdotes  (aussi bien celles de Lebrun que celles d'Auzel) donnent de la couleur aux propos. J'en profite pour rectifier une erreur de Dominique Auziel : lors de la première projection de Farrebique à l'opéra de Paris, en 1947, le président du Conseil de l'époque était présent... et pour cause, puisqu'il s'agissait de Paul Ramadier (et non pas Georges), longtemps député de l'Aveyron et maire de Decazeville.

   P.S.

   Sur la commune de Goutrens a été construit un musée qui permet de mieux connaître l'oeuvre du cinéaste.

dimanche, 28 février 2016

Le Garçon et la bête

   Trois ans et demi après Les Enfants Loups, Mamoru Hosoda revient avec un film d'animation qui puise dans la tradition japonaise. Ainsi, le garçon en question (que l'on voit grandir au cours de l'histoire) va devenir l'apprenti d'un ours-samouraï. Dans les scènes de combat, on perçoit nettement l'influence de l'univers du sumo et, lorsqu'un personnage quasi divin apparaît, c'est le fond bouddho-shintoïste des croyances qui est mis à contribution. L'histoire est aussi connectée au monde actuel, à travers un quartier du Tokyo d'aujourd'hui, celui dans lequel a d'abord vécu Ren (bientôt renommé Kyuta).

   De prime abord, on serait tenté de penser que la bipartition de l'intrigue suit un schéma binaire : monde réel / monde fictif, monde civilisé / monde sauvage ou monde de la raison / monde de l'imagination. C'est beaucoup plus subtil que cela, en réalité. Le monde moderne, celui des humains, est parfois d'une grande dureté avec les individus : le garçon a perdu sa mère et sa famille le coupe de son père ; il est aussi question de harcèlement à l'école. Toutefois, c'est dans ce monde que l'adolescent va pouvoir se construire un avenir.

   Dans l'autre monde ne vivent que des animaux, tous bipèdes, qui ont renoncé à dégainer le sabre et s'efforcent de vaincre leurs mauvais penchants. Le pouvoir suprême, perçu comme bienveillant, est l'enjeu d'un combat lorsque le titulaire sent qu'il est temps qu'il laisse la place. Le futur maître du garçon, ours irascible et solitaire, ambitionne de remporter ce combat. Face à lui risque de se dresser un adversaire modèle, pondéré et apprécié, qui a lui fondé une famille. Il y a donc tout un contexte sociétal à cette partie de l'intrigue.

   Mais c'est d'abord une bonne comédie, où l'on retrouve le ton de certains mangas destinés à la jeunesse. On note la présence d'un petit animal domestique, une boule de poils qui s'attache à Ren/Kyuta et trouve refuge dans son abondante chevelure ! Mais la principale source de gags est la cohabitation du jeune apprenti humain et du maître grincheux. Dans la version française, les dialogues ne sont pas "politiquement corrects". Les deux personnages jurent copieusement et même s'insultent... pour le plus grand plaisir des enfants présents dans la salle.

   Evidemment, une relation forte va se nouer entre le maître et l'élève. Le premier se lasse peut-être de sa vie de marginal, alors que le second est en quête d'une figure paternelle. L'intrigue est de ce point de vue assez originale, puisqu'elle dépasse le traditionnel rapport maître/élève : le second va aussi apprendre beaucoup au premier, signe que les adultes devraient de temps en temps écouter un peu ce que les jeunes ont à leur dire.

   La dernière demi-heure voit l'histoire basculer dans un fantastique plus convenu, très réussi sur le plan visuel (avec l'intervention d'une baleine !). On sent que l'auteur s'est évertué à concilier la violence (plus présente dans cette partie) et des aspects plus rassurants pour le jeune public.

   Cela donne une oeuvre originale, visible par les grands et les (pas trop) petits.

15:14 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 27 février 2016

The Revenant

   Quand on apprend que ce film ne devait (à l'origine) pas être réalisé par Inarritu et que ni DiCaprio ni Tom Hardy n'étaient prévus dans la distribution de départ, on se dit que le destin joue quand même de drôles de tours au monde du cinéma ! Parce que, autant le dire tout de suite, l'association des trois (et de tout le reste) donne une oeuvre magistrale.

   Commençons par la réalisation. L'an dernier, Inarritu en avait fait des tonnes avec Birdman, un très bon film au demeurant... mais surtout grâce à ses interprètes. Ici, la mise en scène est au service d'une histoire diablement forte. Cela commence par l'attaque du campement de trappeurs par des Amérindiens, dont une partie a été tournée en plan-séquence. Cela donne le ton de l'histoire, émaillée d'ultra-violence, mais sertie dans un magnifique écrin visuel.

   On continue peu après avec l'attaque de l'ourse (c'est sans doute une mère), qui mêle images réelles et retouches numériques, pour un rendu hyper réaliste. Quand on se prend ça en pleine face, dans la grande salle du cinéma de Rodez, on se fait tout petit dans son siège. (C'est -en partie- filmé en caméra subjective.) Ceci dit, on est quand même prié de croire à l'impossible, à savoir que le héros a survécu à ce déchaînement de fureur plantigrade... mais sans cela, il n'y aurait pas de film.

   C'est seulement à partir de ce moment-là que DiCaprio montre son savoir-faire. Pendant plus d'une heure, il ne va pratiquement pas dire un mot, d'abord parce qu'il ne peut quasiment rien articuler, ensuite parce qu'il ne croise personne (ou presque) avec qui causer. Le coeur de l'intrigue est la survie puis le rétablissement d'Hugh Glass, qui va ensuite chercher à venger l'assassinat de son fils, tout comme, des années auparavant, il avait vengé celui de sa compagne indienne. Le fond est donc très noir, puisque les Blancs (américains comme français) tuent les Indiens, les Indiens tuent les Blancs... mais les Blancs s'entretuent aussi volontiers, tout comme les "Peaux-rouges", les Pawnees et les Sioux ne s'entendant pas très bien.

   DiCaprio impressionne donc dans un jeu quasiment sans dialogue. Il grogne, souffle, gémit, mais surtout il bouge, guette, fuit, comme une bête sauvage, d'abord traqué... bientôt traqueur. Je trouve que la qualité de son jeu retombe dès qu'il a du texte à dire. Par contre, il est un autre acteur qu'on entend beaucoup et qui s'en sort remarquablement bien : Tom Hardy. Celui-ci EST John Fitzgerald, un type brut de décoffrage, hyper individualiste, dont on sent bien qu'il n'a pas été gâté par la vie... et qui n'a presque aucun scrupule. Les scénaristes ont toutefois évité d'en faire un salaud intégral ; ils laissent sa chance à leur personnage... d'autant plus qu'il est incarné par quelqu'un qui, à mon avis, vole parfois la vedette à la star DiCaprio.

   A l'arrière-plan, on distingue les Amérindiens et leurs coutumes. Elles donnent une épaisseur supplémentaire à l'intrigue. On les perçoit aussi à travers les yeux de Glass, qui en a assimilé certaines. L'une des plus belles séquences le voit rencontrer un Indien solitaire, qui va définitivement le requinquer. De manière générale, on remarque que les personnages qui savent vivre en harmonie avec la nature sont ceux qu'Inarritu valorise le plus. Celle-ci est de surcroît magnifiée à l'écran. Quand on pense que les scènes d'extérieur n'ont été tournées qu'en lumière naturelle, c'est épatant !

   C'est donc un film à voir, en sachant qu'il est émaillé de scènes d'une grande violence.

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vendredi, 26 février 2016

Anomalisa

   Le titre est le surnom donné à l'un des personnages féminins, au départ prénommé Lisa. Le film narre sa rencontre avec le héros, un quinquagénaire dépressif, et le début d'histoire d'amour qui va se nouer entre eux.

   La particularité de ce long-métrage est d'avoir été tourné en stop-motion, avec des poupées, dont certaines "coutures" sont visibles à l'écran, au niveau des visages. Cette technique réclame une patience et une minutie extrêmes, mais elle permet de faire faire n'importe quoi à ses personnages. On nous montre donc intégralement une scène de sexe. On a aussi pu introduire (rien à voir avec ce qui précède...) des éléments fantastiques dans l'intrigue : comme on nous présente essentiellement la vision du héros Michael Stone, on perçoit ses délires et ses cauchemars. D'ailleurs, une ambiguïté demeure quant à l'interprétation de certaines scènes : dans quelle mesure Michael n'a-t-il pas imaginé une partie de ce qui lui est arrivé ?

   Le fond de l'histoire est triste. Le héros est paradoxal : marié à une femme belle et intelligente, il a du succès dans son activité professionnelle et possède une chouette maison... mais il est en pleine crise de la cinquantaine, cherchant un sens à sa vie. Du coup, il se traîne et boit de l'alcool fort. (On finit par comprendre qu'il a aussi une grosse envie de niquer.)

   Il croit pouvoir retrouver l'allant de sa jeunesse en contactant l'une de ses ex, qui fut peut-être son grand amour. Pour cela, il profite d'un séminaire professionnel sans intérêt. Le hasard lui fait croiser la route d'une autre personne, d'un premier abord quelconque, mais qui va l'émouvoir.

   Le principal intérêt réside dans l'ambiance créée par la forme de l'animation et l'étrangeté qui entoure certaines scènes (à l'intérieur de l'hôtel), qui devraient pourtant être d'une totale banalité. Signalons que les interprètes principaux (David Thewlis et Jennifer Jason Leigh) sont très bons. Par contre, je ne suis pas parvenu à m'habituer au fait que tous les autres personnages (masculins comme féminins) aient la même voix, celle d'un homme.

   Du coup, je ne suis pas trop rentré dans l'histoire. Le héros ne m'est pas sympathique et je suis resté plutôt hermétique aux petites et grandes névroses des différents personnages. C'est un exercice de style pas inintéressant, mais assez creux, au fond.

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jeudi, 25 février 2016

The Finest Hours

   Les distributeurs ne se sont pas foulés pour la sortie de ce film, puisqu'ils lui ont laissé son titre anglais, incompréhensible pour un Français de base. S'ils avaient au moins fait l'effort de le traduire, cela aurait pu donner "Les plus belles heures" ou "Les heures décisives"... ou encore "Le moment de vérité". Il aurait peut-être été plus avisé de choisir "Le sauvetage", simple et explicite.

   Avant de rentrer dans le vif du sujet, on nous impose une loooongue introduction, pour présenter les personnages et leurs relations, en particulier du côté du Massachusetts. Il faut que l'on comprenne à quel point le héros est un gars timide et respectueux du règlement et que la jeune femme qu'il convoite est une beauté qui n'attend qu'un mot de lui. Autour d'eux, le milieu des garde-côtes forme une sorte de famille, avec les rapports parfois tendus que cela implique. C'est un peu caricatural, à l'image du jeu d'Eric Bana, qu'on a connu plus inspiré. Au second degré, on comprend la fascination qu'exercent sur nombre d'Américains les années 1950, quand le pays incarnait le Bien, qu'il y avait le plein-emploi et que l'ordre régnait... enfin, un certain ordre. (Du côté français, cela correspond à la nostalgie de la IIIe République, du temps où l'école remplissait son rôle où la France rayonnait sur le monde.)

   Fort heureusement, on découvre assez vite l'autre versant de l'histoire, sur le pétrolier en mauvais état. Là, l'ambiance change tout de suite. Les décors sont criants de vérité et servis par une réalisation efficace. Je pense notamment à un superbe plan-séquence, qui nous fait découvrir une partie de l'intérieur du bateau. L'équipage est composé d'une brochette de fortes personnalités qui, évidemment, ne s'entendent pas toutes entre elles. L'un des aspects de l'histoire est d'illustrer leurs tensions et le travail collaboratif auquel l'équipage amoindri va finalement se livrer. Cela fonctionne très bien parce que les acteurs sont bons et qu'on a choisi des "trognes". Je mets un bémol au niveau de la prestation de Casey Affleck, qu'on sent moyennement à l'aise... et pas uniquement à cause de son horrible coupe de cheveux.

   Dès que la tempête se déchaîne, la tension monte et, à l'écran, dans une grande salle, c'est vraiment chouette à voir, aussi bien quand le bateau est en un morceau qu'à partir du moment où il est divisé. Depuis Titanic (ou encore, dans une moindre mesure, Poséidon), il est difficile d'innover en matière de naufrage. The Finest Hours réussit néanmoins à surprendre (un peu).

   Les deux versants de l'intrigue vont finir par se rejoindre, puisqu'une petite équipe de garde-côtes (qui a compris qu'il n'y avait pas un mais deux pétroliers en détresse) tente de secourir le demi-bateau en perdition. Là aussi, c'est bien foutu. La coquille de noix des sauveteurs va devoir d'abord franchir un banc de sable rendu extrêmement dangereux par la tempête. Cela donne une séquence éblouissante. Le tout ensuite est de trouver le demi-bateau et de récupérer l'équipage restant. Qui va survivre ? Qui va mourir ? Les paris sont ouverts.

   Même si les dialogues ne sont pas transcendants (dans la version doublée), c'est un bon film de divertissement, qui comporte des scènes d'une grande force visuelle, jusqu'à la fin, lorsqu'une armée de voitures se rapproche d'un rivage noyé dans la nuit, mais qui va soudainement s'éclairer.

   P.S.

   Le début du générique de fin rend hommage aux héros méconnus de cette aventure, qui s'est réellement produite, en 1952. Elle est racontée sur un site historique local. On peut aussi trouver beaucoup de renseignements sur le site internet des garde-côtes américains.

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mercredi, 24 février 2016

Les "Riton" 2015

   La cérémonie des César approche (tout comme celle des Oscar)... et je me suis rendu compte que je n'avais pas dressé mon palmarès cinéphilique de l'année 2015. Il est donc grand temps de réparer cet oubli.

   Dans la catégorie "c'est dans les vieux pots qu'on fait (parfois) les meilleures soupes"

- Riton du péplum qui fait chier les intégristes : Exodus

- Riton du film où les animaux volent la vedette aux humains : Le Dernier Loup

- Riton du film sur des loups humains : Sicario

- Riton du film de gros queutard : Fou d'amour

- Riton du film de bagnoles : Mad Max - Fury Road

- Riton du film de gadgets : Mission impossible 5

- Riton du film de Guerre froide : Agents très spéciaux

 

   Dans la catégorie  "l'Histoire inspire la fiction"

- Riton du film féministe : Les Suffragettes

- Riton du film homophile : Imitation Game

- Riton du film arabophile : Loin des hommes

- Riton du film radioactif : Le Souffle

- Riton du film de couple atomique : L'Odeur de la mandarine

- Riton du film qui nous en apprend encore sur la Seconde guerre mondiale : Invincible

- Riton du film sur l'histoire allemande : Le Labyrinthe du silence

- Riton du film sur les répercussions de la Shoah : La Femme au tableau

- Riton du meilleur film de l'année 2015 : Le Fils de Saul

 

   Dans la catégorie "documentaire"

- Riton du film le plus emballant de l'année : Le Bouton de nacre (je sais, ça me fait deux "films de l'année"... et je ne parle pas de l'impossibilité de dégager un "Top 10")

- Riton du film évoquant un massacre méconnu : The Look of silence

- Riton du documentaire animalier : Au Royaume des singes

- Riton du documentaire de mode : Dior et moi

 

   Dans la catégorie "le Moyen-Orient est une région fascinante"

- Riton du film de toits : Les Terrasses

- Riton du film de toi et moi : Self Made

- Riton du film de citadin : Taxi Téhéran

 

   Dans la catégorie "le cinéma éclaire notre vision de la société"

- Riton du film de migrants : Mediterranea

- Riton du film d'intégration : Fatima

- Riton du film de galère : Bébé Tigre

- Riton du film justicier : Difret

- Riton du film sur les inégalités sociales : Une Seconde Mère

- Riton du film de looser magnifique : Une Belle Fin

- Riton du film mettant en scène l'oppression de l'homme par l'homme : La Loi du marché

 

   Dans la catégorie  "le polar est un genre majeur"

- Riton du polar vaguement optimiste : Jamais de la vie

- Riton du polar anticapitaliste : L'Enquête

- Riton du polar dénonçant une société patriarcale : La Isla minima

- Riton du polar flippant : Maryland

- Riton du polar automobile : Par accident

 

   Dans la catégorie "les (bonnes) comédies rendent la vie meilleure"

- Riton de la comédie qui se paie les grandes surfaces : Discount

- Riton de la comédie rurale : Béliers

- Riton de la comédie familiale : Papa ou maman

- Riton de la comédie anglophile : Connasse !

- Riton de la comédie sardonique : Les Nouveaux Sauvages

- Riton de la comédie de djeunses : Microbe et Gasoil

 

   Dans la catégorie "film d'animation"

- Riton de l'uchronie : Avril et le monde truqué

- Riton de l'animation française : Mune

- Riton de l'animation japonaise : Miss Hokusai

- Riton de l'animation chinoise : Les 108 rois-démons

- Riton de l'animation dinosaurienne : Le Voyage d'Arlo

- Riton de l'animation ovine : Shaun le mouton

- Riton de l'animation roboïde : Les Nouveaux Héros

- Riton de l'animation extraterrestre : En route !

- Riton de l'animation vampirique : Hôtel Transylvanie 2

- Riton de l'animation cérébrale : Vice Versa

 

   Dans la catégorie "film inclassable"

- Riton du film en harmonie avec son époque décadente : Night Call

- Riton du film qui a bien perçu les dangers de la technophilie béate : Ex Machina

- Riton du film sur une époque qui tue : Sea Fog

- Riton du film sur une époque révolue : Birdman

- Riton du film dystopique : The Lobster (ce serait mon troisième "film de l'année"...)

 

   Bilan ? 2015 fut une excellente année cinématographique, marquée par le retour du cinéma français sur les sujets sociétaux et la grande qualité des oeuvres d'animation. Tous les films de cette liste m'ont beaucoup plu. En rouge figurent ceux qui m'ont le plus emballé.

   Vive le cinéma !

23:59 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 23 février 2016

Le Prophète

   Cette animation pour adulte est un hommage au poète libanais Khalil Gibran. Même si son oeuvre a une portée universelle et intemporelle, le contexte historique est présent dans le film : les forces de l'ordre sont vêtues comme à l'époque ottomane, lorsque la Turquie contrôlait tout le Proche-Orient (avant la Première guerre mondiale).

   La trame narrative principale suit un poète beau gosse et populaire, à la fois rebelle et pacifiste, dont la détention est sur le point de s'achever, nous annonce-t-on. Il côtoie une mère célibataire, ravissante, qui fait office de cuisinière et de femme de ménage. Elle a une fille, une gamine incontrôlable, muette depuis la mort de son père. Une relation particulière va s'instaurer entre elle et le poète.

   A partir des propos de celui-ci, des digressions visuelles sont introduites. Elles sont l’œuvre de dessinateurs différents, tous talentueux, dans des styles variés. Ils illustrent tel ou tel passage du recueil de Gibran. Il est successivement question du couple amoureux, de la liberté, du mariage, du travail, de la nourriture et de la boisson... jusqu'à la mort. C'est visuellement souvent brillant, mais le propos n'est pas toujours très limpide. Si j'ai apprécié les considérations sur la liberté et l'amour, j'ai été déçu par le passage sur la nourriture et la boisson (pourtant illustré par Bill Plympton, dont on a pu voir il y a deux ans Les Amants électriques). Je dois reconnaître qu'à certains moments, je n'ai peut-être pas tout compris.

   J'ai aussi été irrité par le duo de personnages féminins, la mère que le scénario cantonne dans la posture de la jolie femme débordée par sa gamine et celle-ci, dont le moindre caprice est traité avec une complaisance excessive. Du coup, même si j'ai été touché par certaines séquences, je suis sorti de là mitigé.

dimanche, 21 février 2016

La Vache

   Au départ, je n'avais pas l'intention d'aller voir ce film. Mais, le bouche-à-oreille étant très bon et les comédies françaises non lourdingues se faisant rares, j'ai pris le risque. L'histoire se déroule en Algérie et en France. (Signalons toutefois que c'est au Maroc que les scènes nord-africaines ont été tournées. C'est peut-être lié au fait qu'il n'est pas dit que du bien du régime d'Abdelaziz Bouteflika... ou tout simplement à l'influence de l'un des coproducteurs du film, l'humoriste Jamel Debbouze, dont la famille est d'origine marocaine.)

   C'est d'abord une excellente comédie sociale, qui tourne en dérision les petits travers d'un village marocain algérien. Cela rappelle certains films d'antan, avec Fernandel ou Raimu, ou encore des comédies italiennes. Cela fonctionne grâce au talent de l'interprète principal, Fatsah Bouyahmed, parfait en idiot têtu. Il partage la vedette avec Jacqueline, une superbe vache de race tarentaise (on dit aussi tarine). Précisons qu'en réalité, ce sont deux vaches qui apparaissent à l'écran, une marocaine et une française.

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   L'humour continue de fonctionner quand le duo de héros débarque en France métropolitaine. On nous prend même un peu par surprise dans la scène avec la police douanière, qui se déroule de manière inattendue. Par la suite, j'ai trouvé très juste la séquence chez une agricultrice veuve, qui héberge temporairement le héros... et qui se prénomme Jacqueline !

   Cela se gâte un peu par la suite. Déjà, à Marseille, j'avais été un peu agacé de retrouver Jamel Debbouze dans son éternelle caricature de mec de banlieue qui a la tchatche. La rencontre, par la suite, du châtelain désargenté (un comte) incarné par Lambert Wilson accumule les clichés. De surcroît, l'acteur français n'est pas très bon. Il aurait fallu lui faire rejouer certaines scènes.

   Mais on est quand même emporté par l'histoire et par la fraîcheur de Fatsah Bouyahmed, qui va devenir le héros d'une soirée karaoké puis se retrouver coincé dans une manifestation de la FNSEA. Par contre, la mise en scène du rôle des réseaux sociaux est très convenue... et assez flatte-con. On n'a visiblement voulu prendre aucun public à rebrousse-poil... si bien que le héros algérien va traverser la France sans jamais se retrouver confronté à aucune marque de racisme. Si, d'un côté, on peut soutenir la volonté d'insister sur ce qui rapproche plutôt que sur ce qui sépare, à la longue, cette forme de "politiquement correct" est un peu lassante, particulièrement dans la séquence du salon de l'agriculture. L'ensemble n'en forme pas moins une comédie divertissante, qui (pour moi) a le mérite de révéler un acteur de talent.

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samedi, 20 février 2016

Zootopie

   Cette utopie animale nous vient de chez Disney, qui a eu recours aux services de deux réalisateurs chevronnés : Rich Moore s'est fait la main sur Les Simpson et Byron Howard s'est fait remarquer naguère avec Princesse Raiponce. Ils ont été épaulés par une petite armée de techniciens et d'animateurs, comme en témoigne le générique de fin. La production a visiblement mis le paquet... et ça se voit à l'écran.

   Le pelage des animaux est rendu avec une qualité qui n'est pas sans rappeler celle de Ratatouille... dont le producteur exécutif est le même : un certain John Lasseter (réalisateur de Cars et de Toy Story). Autre point commun entre ces deux films : le compositeur de la musique d'accompagnement, Michael Giacchino, un habitué des productions Pixar et de J-J Abrams, aussi bien au cinéma qu'à la télévision.

   Mais revenons à nos lapins. Ceux-ci incarnent les Américains moyens. On suit plus particulièrement une famille d'agriculteurs (qui cultivent principalement... des carottes !). Leur fille Judy est leur fierté. C'est une brillante étudiante... mais elle veut intégrer la police ! La première partie de l'histoire est donc un décalque des films qui montrent l'ascension d'un personnage modeste. C'est très drôle parce que la petite lapine va devoir surmonter des épreuves conçues a priori pour des animaux de plus grande taille. Son inadaptation se vérifie jusque dans les toilettes ! Evidemment, à force de courage et d'abnégation, elle va s'en sortir. Je renouvelle mes compliments sur la qualité de l'animation. Cette lapine est magnifique, avec ses grands yeux expressifs, son pelage soyeux, ses oreilles en mouvement... et ses impressionnantes pattes arrière !

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   Mais le plus dur est à venir pour Judy. Celle qui n'a connu que la campagne et les petites villes va découvrir la capitale et ses quartiers aux climats tranchés. Son arrivée est truffée de détails comiques, de clins d'oeil au monde des humains, dont les animaux sont bien entendu des substituts. Cela culmine dans le premier jour de la policière sur le terrain, durant lequel ses grandes oreilles vont se révéler d'une redoutable efficacité !

   L'intrigue bascule avec la rencontre d'un drôle de renard, à la personnalité assez complexe. L'évolution de sa relation avec la lapine constitue le fil rouge de l'histoire, avec l'enquête menée sur la disparition de mammifères et l'agressivité retrouvée de certains d'entre eux. A l'écran, c'est superbe et les péripéties sont menées sur un bon train, soutenu sans être trop rapide.

   Le scénario ménage de nombreux rebondissements et de multiples rencontres. Quelle belle galerie de personnages secondaires ! On a beaucoup parlé des paresseux, qui sont au coeur d'une séquence de guichet hilarante. (On revoit l'un d'entre eux à la toute fin, dans une posture totalement inattendue... mais poilante !) Il ne faudrait pas oublier les loups, au comportement si prévisible, ni les ours polaires, qui servent de gardes du corps à un charismatique chef mafieux que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.

   Il y aurait encore beaucoup à dire, tant les scènes sont inventives. C'est vraiment drôle et pas idiot sur le fond. La base de l'intrigue évoque les préjugés et les tensions raciales. Dans la seconde moitié du film, c'est de la gestion de l'insécurité dont il est question. Cette animation est à recommander absolument, aux petits comme aux grands !

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vendredi, 19 février 2016

Ave, César !

   Trois ans après le décevant Inside Llewyn Davis, les frères Coen reviennent avec un film consacré au monde du cinéma. Il fonctionne selon deux principes : l'hommage et le renversement. Commençons par ce dernier, illustré par le personnage principal, Eddie Mannix, un homme de l'ombre chargé de "mettre de l'huile dans les rouages" de la machinerie hollywoodienne. Il est incarné à la perfection par Josh Brolin, vu récemment dans Sicario et Sin City 2. C'est lui qu'on appelle quand on veut éviter la publication des photographies dénudées d'une starlette. C'est lui qui intervient pour trouver un père à l'enfant qu'attend une actrice célèbre... et officiellement célibataire. Il s'occupe aussi de payer la rançon d'une vedette enlevée par des communistes.. et, à l'occasion, il enfume la presse. Vu que sa conscience le travaille, il va quotidiennement se confesser... quitte à agacer le prêtre local.

   Comme ce personnage occupe le premier plan, les acteurs célèbres qui sont venus faire coucou passent au second plan, chacun ayant toutefois droit à son moment de bravoure. On croise ainsi George Clooney dans un péplum d'où la dérision n'est pas absente, Scarlett Johansson peu vêtue dans un film aquatique, Channing Tatum en marin dans une comédie musicale et Ralph Fiennes en réalisateur dépressif. Signalons aussi les performances de Tilda Swinton (qui incarne deux jumelles odieuses) et de Frances McDormand, impayable en projectionniste fumeuse et cravatée. Tous sont brillants et bien épaulés par des seconds rôles au poil.

   L'ensemble forme une mécanique très bien organisée, à laquelle il manque toutefois la folie qui caractérise certaines anciennes oeuvres des frères Coen. Le fil rouge de l'intrigue est de surcroît ténu. Il "reste" une série de cartes postales sensationnelles, qui rendent hommage à plusieurs genres cinématographiques.

   Clooney s'illustre donc dans un péplum chrétien, où les mouvements des soldats sont parfaitement dirigés et où l'humour est bon enfant, efficace et sans surprise. Plus inattendu est l'enlèvement de l'acteur par un groupuscule de scénaristes et figurants communistes ! Cela fait basculer l'histoire dans une ambiance de Guerre froide, qui culmine dans une séquence de sous-marin.

   C'est d'ailleurs dans le milieu aquatique que s'illustre Scarlett. Au départ, on pense assister à une scène classique, très glamour. Mais les auteurs se sont amusés à casser l'image de l'une de leurs actrices fétiches. On est certes toujours ébloui par la beauté de la jeune femme... mais quelle surprise lorsqu'on entend celle qui interprète une sirène s'exprimer comme une poissonnière ! C'est peut-être un hommage à Arletty et à un certain cinéma français des années 1940. Sinon, la séquence est éblouissante de virtuosité, avec un ballet nautique rigoureusement exécuté et, à l'écran, une qualité d'image saisissante.

   La chorégraphie est tout aussi maîtrisée dans l'épisode qui fait intervenir des marins en goguette. Leurs mouvements à l'intérieur du bar ont été conçus avec une précision millimétrique. L'habileté des frères Coen est d'introduire une mise en abyme, puisque l'on voit comment la séquence est censée être filmée, sur un plateau en mouvement. Les auteurs se paient aussi le luxe d'ironiser : certains déhanchements de ces jeunes hommes très virils suggèrent que leur intérêt ne se porte pas prioritairement sur les dames...

   Un autre moment de bravoure est constitué par le tournage d'une romance, où le rôle principal a été attribué à un jeune benêt, rendu célèbre par ses cascades dans des westerns. Pendant plusieurs minutes (à l'écran), le réalisateur s'échine à lui faire dire correctement son texte. On n'en voit pas la conclusion tout de suite. Il faut rester vigilant, parce qu'un peu plus tard nous est proposé un extrait du film achevé... et l'on s'aperçoit que le réalisateur a pu contourner la difficulté !

   Vous avez donc compris qu'il s'agit d'un kaléidoscope extrêmement brillant (à savourer de préférence en version originale sous-titrée). Certes, il manque d'unité et il sera peut-être hermétique aux spectateurs qui ne sont pas familiers de l'oeuvre des frères Coen. Mais cela demeure un très bon film, largement au-dessus de quantité de bouses qu'on nous a balancées ces dernières semaines.

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samedi, 13 février 2016

Chocolat

   L'acteur Roschdy Zem revient derrière la caméra pour son quatrième long-métrage, six ans après Omar m'a tuer. Ici encore, il s'agit de rétablir la mémoire d'un personnage oublié/décrié, l'artiste Rafael Padilla, qui s'est jadis fait connaître dans le rôle du clown Chocolat.

   Le réalisateur a voulu éviter de faire "un film de cirque". Il n'en est pas moins vrai que les séquences qui tournent autour de cet univers constituent l'un des attraits du film. Un gros travail a été effectué sur les costumes et les décors. Plus discrète mais non moins importante est l'intervention des éclairagistes. Le tout est servi par des interprètes excellents. Frédéric Pierrot et Noémie Lvovsky incarnent le couple qui dirige le cirque itinérant de province... pas tout à fait des Thénardier, mais il y a de l'idée. Olivier Gourmet fait contraste, en "manager" d'un établissement qui a pignon sur rue, à Paris.

   Mais l'attention est évidemment davantage attirée par le duo de héros, joués par Omar Sy et James Thierrée. Celui-ci ressemble de plus en plus à son célèbre grand-père maternel :

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   Le choix de cet acteur s'est avéré particulièrement pertinent, puisqu'il est aussi artiste de cirque. Par moment, on a même l'impression qu'il est en train de voler la vedette à son partenaire. Omar Sy (qui a fait du chemin depuis Intouchables) n'en confirme pas moins tout le talent qu'on a perçu en lui. Il joue sur plusieurs registres et donne une force considérable à son personnage, pas tellement dans le domaine comique, mais dans le domaine dramatique.

   Notons que Roschdy Zem n'a pas cherché à tourner une hagiographie. Il ne cache pas les faiblesses du héros, très porté sur les boissons fermentées et le jeu. Il avait aussi (comme beaucoup d'hommes) un rapport ambigu aux femmes. Ces personnages-là sont portés par des interprètes très convaincantes : Alice de Lencquesaing (la compagne du cirque de province) et Clotilde Hesme (la veuve rencontrée à Paris).

   La principale limite du film, à mon avis, est qu'il ne rend pas bien compte de la force comique du duo de clowns. Après une première partie "sociale" (dans le cirque de province), on a droit à la période de succès des deux acolytes. Si les à-côtés de la célébrité sont bien montrés, en revanche, j'ai eu du mal à comprendre ce qui faisait tant rire le public. C'est peut-être une question d'époque : la nature de l'humour évolue avec le temps. Comme le réalisateur n'est pas parvenu à nous le faire comprendre par l'image, cela nous est expliqué avec des mots.

   L'histoire comporte aussi un sous-texte : la dénonciation de la manière dont les "minorités visibles" ont été (et sont ?) traitées en France. C'est flagrant dans la séquence policière, de l'arrestation à l'emprisonnement du héros. C'est évidemment une référence au sort des actuels "sans-papiers". C'est aussi apparent dans la relation qui va se nouer entre Padilla et Victor, un intellectuel présenté comme haïtien mais dont le personnage pourrait (de manière anachronique) avoir été inspiré par Franz Fanon et Aimé Césaire. Il est (brillamment) interprété par Alex Descas (qui  a d'ailleurs déjà incarné le chantre de la négritude pour le petit écran).

   Au second degré, le film est aussi une mise en abyme de la vie et la carrière d'Omar Sy, devenu populaire (comme Padilla) en amusant le public (même si ce n'était pas en se prenant des coups de pied aux fesses), et qui est parvenu, non sans difficulté, à sortir du carcan comique dans lequel il était enfermé. Mais, dans ce cas précis, les préjugés qui sont à l'oeuvre ne sont pas de l'ordre du racisme. De grands acteurs comme Louis de Funès, Bourvil et Fernandel en ont été victimes... et ils n'étaient pas noirs, que je sache. Une partie du public trouve confortable de catégoriser les acteurs et accepte mal de les voir sortir de leur registre de prédilection.

   P.S.

   Peu avant la sortie du film a été inaugurée une plaque rendant hommage au duo de clowns, à Paris.

   P.S. II

   A Bordeaux se trouve une autre plaque, dans le cimetière où est enterré Rafael Padilla. C'est le seul élément qui émerge de la tombe, extrêmement rudimentaire.

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vendredi, 12 février 2016

La Cinquième Vague

   Je me suis laissé tenter par cette nouvelle adaptation d'un roman de science-fiction a priori plutôt destinée aux adolescents et jeunes adultes. On perçoit assez rapidement les ressemblances avec Hunger Games et Divergente (mais aussi la série Révolution), l'originalité scénaristique résidant ici dans l'intervention d'extraterrestres.

   Cela donne plusieurs scènes spectaculaires, notamment au début, quand sont relatées les premières vagues d'agression. Je recommande tout particulièrement la mise hors service des appareils électroniques et le gigantesque tsunami qui frappe une ville asiatique (sans doute Bangkok). Plus loin dans l'histoire, on retrouve ce souffle dans la séquence de la base militaire. Au niveau des effets spéciaux, il faut signaler l'ingéniosité de la représentation virtuelle des humains et des "autres". Même si ce film n'a pas bénéficié d'autant de moyens financiers que les prédécesseurs dont il s'inspire, le résultat est techniquement réussi.

   Au niveau des personnages, on sent le formatage pour le public-cible. Quatre jeunes occupent le premier plan, deux garçons et deux filles, de styles différents. Du côté féminin, on trouve inévitablement une blonde (l'héroïne, incarnée par Chloë Grace Moretz, vue récemment dans Equalizer) un peu effacée (au début) et une brune volcanique, tendance gothique bourge. Du côté masculin, on rencontre le-mec-cool-plein-de-charme-mais-qui-n-en-laisse-rien-paraître et le beau ténébreux baraqué.

   L'aspect physique a donc joué un rôle déterminant dans le choix des acteurs. Le scénario s'appuie d'ailleurs complaisamment sur les "qualités" des personnages. Il se trouve que l'héroïne va être blessée à la cuisse, prétexte à plusieurs scènes de pansement, qui ne permettent pas aux téléspectateurs d'ignorer à quel point Cassie est bien gaulée... Ringer la rebelle bénéficie d'une approche moins invasive : la caméra s'attarde juste sur son ravissant petit cul, moulé dans un pantalon hyper serré qui n'a sans doute pas été facile à enfiler. Quant à Evan le beau gosse, il a droit à une scène de baignade (un joli retournement par rapport à ce qu'on a pu voir jadis dans des films où la répartition des rôles est plus "traditionnelle"). Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que le bonhomme a dû passer un paquet d'heures sur le banc de musculation.

   La principale faiblesse du film réside dans ses dialogues (entendus en version française). Si, dans les scènes d'action, on ne remarque rien de préjudiciable, dans les scènes de transition, cela devient gênant. J'ai notamment en tête la séparation de Cassie et Sam, son petit frère, téléphonée comme c'est pas permis et inutilement languissante. Heureusement, les seconds rôles "adultes" assurent, à commencer par Liev Schreiber et Maria Bello, qui donnent du tonus à l'intrigue.

   Si malgré tout cela l'on n'arrive pas à "accrocher", on peut se livrer à un petit jeu. On apprend rapidement que les "autres" ont pris apparence humaine. Il est donc piquant de se demander qui, parmi les personnages principaux, est un extraterrestre infiltré. Sans me vanter, j'ai presque tout deviné !

10:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 06 février 2016

Beijing Stories

   C'est un premier film, du cinéaste chinois Pengfei Song, coproduit par la France. L'intrigue est construite autour de la vie de plusieurs personnages de la "Chine d'en-bas", tous citadins, habitant le Grand Pékin (entouré de plusieurs boulevards périphériques, dont la chronique des embouteillages occupe une partie de la programmation radiophonique). Mais tous ne sont pas originaires de la ville, loin de là. Au détour d'une conversation, on apprend qu'untel vient du Sichuan, une autre du Henan... Le Pékin d'aujourd'hui joue un peu le rôle du Paris d'autrefois en France.

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   Deux des personnages principaux logent dans le sous-sol d'un grand immeuble. Les caves ont été aménagées en studettes approximatives, douches et WC étant communs. [Ne croyez pas que cela se limite à la Chine. Dans la grande ville universitaire où j'ai fait mes études (au XXe siècle !), j'ai un jour fait la connaissance d'un gars au RMI, qui logeait dans ce type de sous-sol, juste un poil mieux aménagé que ce qui est montré dans le film. Dans sa chambre de 5-6 m², il avait entassé tous ses maigres biens, le plus précieux d'entre eux étant un petit poste de télévision -doté d'une antenne mobile- sur lequel il était parvenu à brancher un vieux magnétoscope.]

   Le jeune homme est une sorte d'auto-entrepreneur. A l'aide d'une vieille camionnette, il écume les nombreux chantiers de la ville, en quête de meubles abandonnés, qu'il revend. Le véhicule est à l'image de l'emploi du héros : il n'est pas fait pour lui mais, avec un peu d'ingéniosité, il s'y adapte très bien. Un accident va d'ailleurs rapprocher l'homme de la machine brinquebalante, l'empêchant d'exercer son activité. Mais ce mal va avoir des conséquences positives : il va se faire un ami... et rencontrer l'une de ses voisines, qu'il n'avait pas remarquée jusqu'à présent.

   Dans ces bas-fonds, on se croise sans se parler. Rares sont les relations de bon voisinage... d'autant plus que l'isolation phonique étant rudimentaire, on sait à peu près tout de la vie quotidienne des occupants d'à-côté... voire au-delà. Xiao semble être indifférente à tout cela. La jeune femme est du genre mutique, un paradoxe pour une "pole danseuse" qui joue aussi l'hôtesse dans un bar du centre. Lorsqu'elle change la déco de son cagibi, on se demande si ce n'est pas autant pour l'esthétique que pour gagner un peu d'intimité.

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   A l'écran, cela donne plusieurs plans très jolis, cadrés avec un réel sens de l'image. On perçoit cette habileté à d'autres occasions, comme lorsque le jeune homme devenu handicapé reçoit la visite de son nouvel ami. J'ai mis du temps à comprendre que l'image qui nous était proposée  était plus complexe que ce qu'elle paraissait : à côté de la porte-grille se trouve en fait un miroir, qui montre ce qui se trouve en face. Cela donne, dans le même plan, un joli champ-contrechamp !

   Plus loin, ce sont les conséquences de pluies diluviennes, dans l'un des escaliers de l'immeuble, qui sont mises en scène avec un talent certain. Le réalisateur excelle dans l'art de suggérer les sentiments des protagonistes avec des moyens visuels. Je recommande tout particulièrement les scènes où intervient la famille du troisième personnage principal (notamment les repas).

   Ce dernier habite à l'écart de l'hypercentre, dans un quartier en pleine "rénovation". Cela veut dire qu'on en expulse les occupants primitifs (propriétaires de maisons individuelles), d'abord en employant des arguments financiers, ensuite en utilisant d'autres moyens... Ce Lao Jin, sans doute frappé par le cancer, veut tirer le meilleur prix possible de sa baraque. Il refuse de vendre aux promoteurs immobiliers. Le voilà donc avec sa femme et son fils (évidemment unique), derniers occupants du quartier, auxquels on coupe l'électricité... et dont le sommeil est perturbé par les perpétuelles vocalises d'un oiseau qui a trouvé refuge dans l'arbre qui jouxte la maison !

   Il y a donc bien quelques moments de comédie dans cette histoire assez sombre. Chacun cherche à monter dans l'échelle sociale. Au niveau de l'immeuble, cela veut dire grimper de quelques étages. Mais, pour cela, il faut trouver un travail mieux payé ou gagner une grosse somme d'un coup. Cette quête perpétuelle d'argent risque de faire oublier l'essentiel aux personnages, à savoir l'amour, l'amitié et les relations familiales.

   Le film est donc riche des thématiques qu'il aborde... et pourtant, il ne dure qu'1h15. C'est avec regret qu'on quitte ces personnages, d'autant que l'intrigue s'achève sur une situation ouverte, du moins pour certains d'entre eux.

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vendredi, 05 février 2016

Tout en haut du monde

   Cette coproduction franco-danoise est une sorte de roman d'aventures à l'ancienne. Le réalisateur, Rémi Chayé, a officié naguère sur l'original Brendan et le secret de Kells. A l'écran, un oeil exercé en reconnaîtra la "patte", même si le style s'est affiné.

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   L'héroïne est Sasha, une jeune aristocrate russe très liée à son grand-père maternel. Celui-ci est l'archétype du noble dévoré par sa passion (ici l'exploration du Grand Nord), à la fois charismatique... et un peu dingo. On le perçoit principalement à travers les yeux de sa petite-fille, puisqu'il a disparu dans une expédition audacieuse.

   Comme l'adolescente ne manque pas de caractère, elle envisage très sérieusement de partir à la recherche de son papy. Mais elle doit respecter les convenances de haute société, dans laquelle son père si autoritaire tente de s'insérer. La séquence du bal joue un rôle décisif dans l'intrigue. Cela m'a rappelé les romans de Léon Tolstoï.

   Mais, à partir de là, c'est l'esprit de Jules Verne qui semble souffler sur l'histoire. Sasha va se lancer dans une improbable aventure et faire la rencontre de personnages plus ou moins bien disposés à son égard. La talent du scénario consiste à faire doucement évoluer les relations entre les protagonistes au cours de l'intrigue.

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   Dans un premier temps, c'est le ton de la comédie qui s'impose, avec le séjour obligé de la jeune dame dans une auberge fréquentée par des marins et des dockers. Il va falloir se lever très tôt, couper du bois, préparer des repas, porter des plats lourds... et supporter les remarques de la clientèle quasi exclusivement masculine. La patronne de la taverne est le seul autre personnage féminin d'importance.

   La suite montre le voyage dans le Grand Nord, riche en péripéties. Comme dans le récent Béliers, une tempête de neige (un blizzard, même) va jouer un rôle important. C'est très réussi sur le plan formel et, comme les dialogues sont bien écrits, les petits comme les grands passent un très bon moment.

   P.S.

   Sur le site dédié, on peut (entre autres) télécharger un dossier de presse très bien conçu.

13:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 31 janvier 2016

Le Dernier Jour d'Yitzhak Rabin

   Vingt ans après l'assassinat du Premier ministre israélien par un intégriste juif, le cinéaste Amos Gitaï revient sur le déroulement de ce 4 novembre 1995, mais aussi sur les événements qui l'ont précédé et sur l'enquête menée par la commission chargée d'examiner les dysfonctionnements au niveau de la sécurité. Le documentaire est au final un assemblage d'images d'archives, de scènes reconstituées et d'entrevues. On commence d'ailleurs par un entretien entre l'actrice Yaël Abecassis (vue récemment dans Rendez-vous à Atlit) et l'ancien président d'Israël (entre autres fonctions) Shimon Peres. Le vieillard est calme, très digne, face à une interlocutrice au charme de laquelle il est difficile de ne pas être sensible.

   Les amateurs d'images-chocs apprécieront la suite, qui montre l'impressionnante manifestation pour la paix, organisée à l'initiative d'Yitzhak Rabin... jusqu'à son assassinat, partiellement filmé en direct, par accident, par un caméraman qui n'aurait pas dû se trouver là. A partir de ce moment, les scènes reconstituées prennent le dessus... et le film prend une autre dimension.

   Il aurait d'ailleurs pu se limiter à ces scènes, tant elles sont bien interprétées et porteuses d'une grande intensité dramatique. La majorité montrent le travail de la commission d'enquête et l'audition de différents acteurs des événements : policier, membre du service de protection des personnalités, journaliste, militant pour la paix, enseignante d'une école religieuse, haut-magistrat...

   Quand on lit entre les lignes, on comprend que le réalisateur penche pour l'existence d'un complot pour assassiner le Premier ministre qui avait pactisé avec le "diable" (Arafat). Ainsi, le caméraman évoque ce membre des services secrets en civil, qui lui intime de dégager de la proximité de l'escalier... quelques minutes avant que Rabin ne s'y fasse tuer. Les policiers peinent à expliquer comment il est possible que le meurtrier ait pu se faufiler entre les mailles du filet de protection. En contrepoint, l'acteur qui incarne l'assassin (excellent) nous fait bien saisir ses motivations national-religieuses tout comme le caractère opportuniste de son passage à l'acte. C'est davantage le contexte de haine et les circonstances (le désordre généré par une manifestation monstre) qui expliquent que l'assassinat ait pu être possible. Même le petit retard du véhicule qui a emmené le corps du blessé à l'hôpital proche peut se comprendre... d'autant plus, qu'à l'époque, les téléphones portables n'occupaient qu'une place marginale.

   C'est sur ce qui s'est passé avant et après que la démonstration est la plus convaincante. Il semble qu'on ait cherché à corseter le travail de la commission d'enquête. Celle-ci finit par découvrir que l'instruction du procès de l'assassin a volontairement écarté certaines hypothèses. Formidable est la confrontation entre les membres de la commission et le haut-magistrat... dont on finit par comprendre qu'il est proche des religieux. Ces scènes d'interrogatoire ne sont pas sans rappeler de très bons films de procès.

   L'autre grand intérêt du film est la mise au jour (pour ceux qui l'ignoreraient) de l'influence de la droite religieuse israélienne. Cela va des colons de Cisjordanie aux rabbins fondamentalistes qui auraient lancé une sorte d'appel au meurtre. Remplacez la kippa par une calotte, la Torah par le Coran, et vous n'aurez guère de lignes de texte à changer pour vous retrouver chez les extrémistes musulmans. Cette dénonciation implacable, servie, je le rappelle, par d'excellents interprètes, est complétée par des images d'archives, dans lesquelles on reconnaît un visage familier, celui de Benyamin Nétanyahou, alors chef de l'opposition, aujourd'hui Premier ministre (depuis bientôt sept ans).

   Notons qu'un grand soin a été apporté à la réalisation des scènes reconstituées et que la musique est judicieusement choisie. Le seul bémol est la longueur de l'ensemble : 2h30, que l'on sent bien passer. On aurait sans doute pu se passer de certaines séquences. Mais cela reste un très bon film.

samedi, 30 janvier 2016

Les Saisons

   Six ans après Océans, Jacques Perrin revient avec un documentaire animalo-historico-écologique. C'est à la fois un hommage vibrant à la faune peuplant les forêts, un essai d'histoire de la vie sauvage (depuis la dernière glaciation) et un plaidoyer contre la destruction des milieux naturels (par l'être humain). On n'est finalement pas très loin d'Amazonia.

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   La première demi-heure est de toute beauté. Cela commence par la vision d'un troupeau de bisons (ou de boeufs musqués) sous la neige, certains s'ébrouant tels de très gros chiens empâtés... étonnant ! Impressionnante aussi est la scène qui montre des chevaux sauvages se poursuivre et se quereller, au besoin à grands coups de sabots ! Confortablement assis dans la salle 1 du cinéma de Rodez, j'ai savouré !

   Comme la première partie est censée se dérouler à la toute fin de l'âge glaciaire, l'accent est mis sur les animaux qui peuplent aujourd'hui les contrées polaires (ou proches). On ne s'étonnera donc pas de rencontrer le harfang des neiges (magnifique), des ours (bruns) et des loups.

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   Les plans mettant en scène les oiseaux sont souvent drôles, soit qu'on les montre tournant, penchant la tête (sans doute pour mieux regarder les preneurs d'images !), soit qu'on les filme dans leur nid, glissant la tête par l'ouverture creusée dans le tronc d'un arbre pour observer les environs. Les ours sont eux aussi liés aux arbres : ils adorent y grimper ! C'est un jeu courant chez les petits... et c'est visiblement un moyen de trouver un coin tranquille pour dormir chez les adultes. Les loups bénéficient d'un peu plus d'attention que les autres. On suit les évolutions des nouveaux-nés, vraiment mignons. On est moins attendri quand on voit chasser les adultes, en groupe, ou quand on voit les membres d'une meute s'entredéchirer pour un morceau de chair.

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   Du côté de leurs proies, ce sont les cervidés qui ont le beau rôle. Classiques mais toujours impressionnantes sont les scènes qui montrent les mâles en plein brame ou s'affrontant en entrechoquant leurs ramures. Les biches sont toutefois plus souvent à l'écran : elles sont convoitées par de nombreux prédateurs. Mais le moment le plus émouvant est sans conteste celui de la naissance du faon, qui prend les spectateurs au dépourvu... Silence complet dans la salle.

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   L'amateur de félidés que je suis a dû se contenter du lynx, qui tente successivement de boulotter un renard et une biche. Ce n'est pas le chasseur le plus habile ni le plus rapide... mais il est discret et diablement agile.

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   La deuxième partie du film ne fait que développer ce qui a été vu dans la première. On suit les animaux dans un environnement désormais tempéré. Ce n'est qu'au détour d'un sous-bois que l'on aperçoit le premier des humains. L'un d'entre eux va tenter d'apprivoiser un loup.

   Mais la présence humaine, qui ne cesse de croître, a surtout pour conséquence la dégradation de l'environnement des bêtes sauvages. Le propos se fait alors franchement militant. Aux agriculteurs du Néolithique succèdent les Romains, puis les chevaliers du Moyen Age, les chasseurs de l'époque moderne et ainsi de suite. Même si je partage l'inquiétude des auteurs, ce n'est pas la partie que j'ai préférée. D'un strict point de vue cinématographique, il aurait été à mon avis plus emballant de rester sur le ton de l'hommage grandiose à la nature, qui donne tant de force à la première demi-heure.

   P.S.

   Sur le site internet dédié, on peut consulter des extraits des livres qui accompagnent la sortie du film.

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dimanche, 17 janvier 2016

Belle et Sébastien : l'aventure continue

   J'ai fini par me décider à aller voir ce film, alors que j'avais apprécié sans plus le premier volet des aventures du gamin et du chien Montagne des Pyrénées. Le cinéphile que je suis en est ressorti partagé. C'est pourquoi je vais proposer deux critiques : l'une favorable, l'autre défavorable (celle-ci dévoilant certains aspects importants de l'intrigue). Faites votre choix !

LA CRITIQUE FAVORABLE

   On retrouve avec plaisir la plupart des héros du premier volet... d'autant plus que Tchéky Karyo, peut-être mieux dirigé par un réalisateur dont il est familier (Christian Duguay), semble plus à son aise. De surcroît, la distribution s'est enrichie de Thierry Neuvic, l'un des très bons seconds rôles du cinéma français, que l'on a pu voir jadis dans Au-delà, plus récemment dans L'Affaire SK1 et Antigang. Ce personnage d'aviateur grande gueule et (en apparence) égoïste donne du tonus à l'intrigue. J'ai aussi apprécié les rares apparitions du mécano (Jeffrey Noel, très bien), qui introduisent des moments de comédie.

   L'histoire ne bénéficie plus, comme dans le précédent film, de la tension créée par l'occupation allemande. L'action se déroule juste après la guerre. Du coup, les scénaristes ont imaginé un accident dont on ne connaît pas totalement les conséquences. Cela va amener les héros à entrer en contact avec des bûcherons italiens, l'enfant de l'un d'entre eux devenant proche de Sébastien.

   Signalons que les paysages sont toujours aussi beaux. De plus, un avion intervenant à plusieurs moments dans l'intrigue, on a droit à quelques vues aériennes de toute beauté. Mais le principal atout de l'histoire est sans conteste les animaux. Il y a bien sûr Belle, incarnée par trois (ou quatre) chiens différents à l'écran. On est stupéfait par ce que les dresseurs ont réussi à leur faire faire... et quelle magnifique trogne en gros plan !

   Ce deuxième volet propose régulièrement des plans mettant en scène d'autres animaux. On a beaucoup parlé de l'ours, impressionnant, mais, incontestablement, c'est la scène de migration des animaux de la forêt (fuyant le feu) qui est la plus réussie. Les spectateurs attentifs remarqueront aussi, ici ou là, la présence d'un insecte sur une pierre, d'un lièvre au coin du bois, d'un renard, d'un loup et même d'un rapace. Ce film est une ode à la nature, une sorte de paradis perdu, dans lequel il était possible de tremper sa gourde dans l'eau d'un ruisseau pour s'alimenter.

   C'est aussi une belle aventure humaine, celle d'un père et d'un fils qui vont se découvrir et, finalement, s'apprécier. Dans le même temps, les spectateurs en apprennent davantage sur le passé de Sébastien et de ses parents biologiques. Cela donne un beau divertissement familial, qui peut toutefois, par instants, effrayer les petits.

 

LA CRITIQUE DÉFAVORABLE

  

   Dans ce second volet, on réalise vite que le jeune Félix Bossuet n'a pas fait de progrès dans le métier d'acteur (ou qu'il est toujours aussi mal dirigé) : il dit son texte de manière toujours aussi maladroite. Les adultes s'en sortent en général un peu mieux.

   La grande découverte du début de l'histoire est celle de l'existence de son père, qui, curieusement, vit à seulement quelques kilomètres de là. Notons qu'en dix ans, personne ne semble avoir évoqué la possibilité que le gamin puisse être de lui. Là, on se dit que le papa aviateur ne doit pas être très futé. On en a la confirmation quand on le voit décoller sans s'être aperçu que Belle et Sébastien sont montés à bord, occasionnant tout de même une jolie surcharge !

   A proximité du lieu où l'avion se pose (en catastrophe), le gamin fausse compagnie à son paternel. Non seulement il se débrouille comme un chef, dans la forêt, avec son chien, mais, un peu plus tard, il  va tout aussi facilement s'éclipser du campement où se sont installés les pompiers et les bûcherons... sans réveiller aucun adulte, malgré le raffut qu'il fait ! Cependant, le fiston ne se révèle pas plus malin que son géniteur, puisqu'il est bien le seul à ne pas avoir remarqué dès le début que Gabriele, sous sa casquette, ne pouvait être qu'une fille. De surcroît, il entraîne sa nouvelle amie au cœur de l'incendie, dont super-papa (qui a enfin enfilé son costume de super-héros) va les tirer à coup de dynamite.

   Mais le pire est à venir. La petite troupe va parvenir à retrouver Angelina, la mère de substitution de Sébastien, qui se trouvait dans l'avion écrasé en forêt. Comme par hasard, c'est la seule survivante, alors que tous les autres passagers ont fini carbonisés. S'en est-elle sortie grâce à un parachute ? On n'en sait rien. En tout cas, on n'en voit pas la trace, dans l'anfractuosité rocheuse où elle a atterri. Comble de l'invraisemblance, elle est bloquée au fond d'une crevasse, alors que la bombe de fumée orange qui signale sa présence a été actionnée en haut. Comment est-ce possible ? On ne nous l'explique pas.

   Il convient donc d'être très indulgent pour profiter à son aise de cette histoire cousue de fil blanc.

12:52 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 16 janvier 2016

The Big Short

   Ce "casse du siècle" est le résultat d'un pari audacieux, celui que les titres boursiers constitués de prêts immobiliers étaient considérablement surévalués et qu'ils allaient s'effondrer, entraînant avec eux les banques et les épargnants.

   L'intrigue suit plusieurs mecs futés, qui ont compris avant les autres que le système était fragile... et même frauduleux. Quelques vedettes sont venues à la rescousse d'une histoire a priori un peu rébarbative, notamment Christian Bale, Ryan Gosling et Brad Pitt (qui coproduit). On les a un peu enlaidis, pour les faire davantage ressembler aux types qui se sont réellement fait du blé avec la crise des subprimes : Ryan Gosling est coiffé comme un maquereau, Brad Pitt pourrait sortir du bois avec une hache sur l'épaule et Christian Bale a du mal à supporter la prothèse dentaire qu'on lui a fourrée dans la bouche... (Mais, je rassure les dames, une scène de piscine confirme qu'il a gardé son corps d'athlète...)

   C'est symbolique de l'ambiguïté du film. Il dénonce le culte des apparences, l'argent facile, la malhonnêteté... et (de manière très américaine) il met en valeur la réussite d'un groupe de francs-tireurs, qui se sont montrés plus malins que le système... et qui sont, à bien des égards, tout aussi malhonnêtes et cupides. Seuls les personnages incarnés par Brad Pitt et Steve Carell se montrent, par instants, capables de regarder au-delà de leur nombril.

   Sur le fond, l'intrigue se veut pédagogique. L'enjeu était d'à la fois divertir et rendre compréhensible certains des mécanismes de la crise. Le résultat est moins aride qu'Inside Job, mais moins emballant que Margin Call ou encore Cleveland contre Wall Street. J'ai de plus moyennement apprécié le fait que certains personnages s'adressent de temps à autre à la caméra.

   Le films a même quelques aspects putassiers, à l'image du Loup de Wall Street. Il met en scène la fascination exercée par l'argent facile et le recours à des prostituées... mais sans aucun recul critique. C'est aussi visible dans deux scènes qui voient de charmantes jeunes femmes nous expliquer un élément complexe de la crise. A première vue, l'introduction de ces paraboles (du genre "La crise pour les nuls") n'est pas inintéressante. Cela a aussi le mérite d'introduire des personnages féminins présentés comme intelligents et cela va à l'encontre du cliché de la ravissante idiote... sauf que la mise en scène contredit en partie le discours : ces femmes (deux bimbos qui jouent leur propre rôle) sont d'abord montrées comme attirantes. Je pense que, dans l'esprit du réalisateur, c'est censé être drôle... mais c'est vraiment de l'humour de beauf.

   Comme c'est globalement bien joué (mais pas très bien doublé en français) et que le montage est efficace, on ne passe pas un mauvais moment. Mais le résultat est trop clinquant à mon goût. Il reste le plaisir de voir les banquiers se faire dénigrer par un film grand public, ce qui n'est pas mince.

11:44 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 15 janvier 2016

Cafard

   Cette animation belge n'est pas destinée aux enfants. Inspirée d'une histoire vraie, elle raconte le périple d'un champion (du monde) de lutte, pendant la Première guerre mondiale. Techniquement, les images sont construites à partir de captures de mouvements. Cela donne une esthétique étrange, proche de celle de certains jeux vidéo. Aux téléspectateurs de France Télévisions, cela rappellera un récent documentaire-fiction, Le Dernier Gaulois.

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   La réalisation n'en est pas moins soignée. De plus, les expressions des acteurs ont été très bien saisies. Cela donne parfois des plans superbes, comme l'un des premiers du film qui, hélas, aboutit à une scène atroce.

   L'histoire est donc très dure, avec, dès le début, ce qui arrive à la fille du héros (qui a déjà perdu son épouse à la naissance de l'enfant). Le public français découvrira aussi l'occupation allemande de la Belgique, pendant la Première guerre mondiale. Petit à petit, une troupe hétéroclite va se former autour de Jean Mordant (doublé par Benoît Magimel).

   Des soldats d'outre-Quiévrain vont se retrouver sur le front de l'Est, où les horreurs s'accumulent. Ils font parfois de drôles de rencontres, au premier rang desquelles une aristocrate russe (doublée par... Julie Gayet), qui va jouer un rôle grandissant dans l'intrigue.

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   Cela donne une formidable aventure, de l'Argentine à la Belgique, de la Russie d'Europe à l'extrême-Orient... et aux Etats-Unis. Les interprètes sont bons, les rebondissements nombreux, mais le fond est quand même souvent macabre.

20:08 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 11 janvier 2016

Les 8 Salopards

   Quentin Tarantino nous cueille dès le début avec un magnifique plan-séquence dans la montagne, centré sur un Christ enneigé autour duquel il fait progressivement évoluer sa caméra. C'est un peu la marque de fabrique de ce western à la fois contemplatif et ultra-violent : un virtuose de la réalisation se livre à un exercice de style, en s'appuyant sur une histoire somme toute ordinaire.

   Ce sont les interprètes qui ne le sont pas. Kurt Russell est truculent dans un rôle qui semble avoir été écrit pour le Christopher Waltz de Django unchained. On retrouve avec plaisir un Samuel L. Jackson autrement plus convaincant que dans Kingsman. On sent que les autres, premiers comme seconds rôles, ont eu plaisir à se couler dans les personnages hauts en couleur que Tarantino a construits. Mais, dans ce film de mecs, c'est une femme qui sort du lot : Jennifer Jason Leigh, que je n'avais pas vue en salle depuis In the Cut. Elle est formidable en Daisy Domergue (à entendre en version originale, rien que pour la manière dont son nom est prononcé), qui apparaît d'abord comme étant le souffre-douleur du chasseur de primes, avant de révéler tout le machiavélisme de son personnage.

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   Les dialogues sont au poil. C'est fou le talent qu'a Tarantino pour étirer une scène en apparence banale, pour en faire un petit morceau de bravoure. Je pense notamment aux moments où il est question, pour la diligence, de prendre des passagers supplémentaires. Je pense aussi à la mise en place d'un chemin de corde reliant l'auberge, la grange et le cabinet de toilettes, en plein blizzard. Je pense aussi évidemment à la scène (qui a outré certains spectateurs) dans laquelle l'un des "salopards" raconte ce qu'il a jadis fait subir au fils de l'un des sept autres.

   Paradoxalement si, peu après le début, des cadavres sont à l'écran, il faut attendre plus d'une heure pour que la première scène ultra-violente survienne. Mais cette première heure, entre voyage en diligence et installation à l'auberge, est une merveille d'ambiguïté. On comprend assez vite que presque tous les personnages ont quelque chose à cacher. Reste à savoir qui est avec qui... ou qui pourrait s'allier à qui.

   Les références aux westerns anciens (ce n'est pas un hasard si la musique a échu à Ennio Morricone) croisent donc une intrigue quasi policière, qui pourrait aussi rappeler certains films japonais. Une rupture intervient quand, aux deux tiers du film, on nous sert un retour en arrière. C'est un peu gros, mais je crois que Tarantino s'en fout... et qu'il se moque aussi de certains de ses confrères ou des manies de son époque. On s'est entiché du numérique ? Voilà qu'il tourne dans un format abandonné il y a des dizaines d'années. La mode est aux séries policières, un brin scientifique ? Il nous dit de suivre le bonbon qui n'est pas à sa place. L'ambiance est à l'oecuménisme, à la compréhension de l'autre ? L'intrigue met en scène une brochette de crapules, capables du pire... mais aussi presque toutes mues parfois par des sentiments plus nobles.

   Tarantino livre une oeuvre magnifique sur le plan formel, mais très sombre quant à sa vision du genre humain. Celui-ci est décrit comme fondamentalement cupide, égoïste et souvent raciste. Quelques lueurs d'entraide surgissent, mais je vous laisse découvrir si c'est suffisant pour sauver certains personnages de l'histoire.

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jeudi, 31 décembre 2015

Le Bouton de nacre

   Ce bouton est le prix payé pour acquérir un homme et c'est aussi la seule trace retrouvée d'une personne disparue. Entre ces deux histoires tragiques, le cinéaste chilien Patricio Guzmán navigue. Auteur il y a quelques années d'un Nostalgie de la lumière très remarqué, il revient avec un documentaire du même style qui, au lieu de se plonger dans le cosmos, baigne dans le milieu aquatique.

   On commence avec un très gros plan mystérieux, celui d'un glaçon dans lequel est emprisonnée une bulle d'air très ancienne. Il va donc d'abord être question d'une histoire qui s'étend sur le temps long. Cela nous vaut des plans magnifiques, aussi bien des glaciers que de l'eau qui coule. On savait déjà que le réalisateur était un grand formaliste, mais là, il ajoute la pureté des sons. Ce documentaire est donc d'abord un plaisir des sens, chose suffisamment rare pour qu'on la signale. A l'eau abondante dans le sud du Chili s'oppose l'aridité du désert d'Atacama (qui était au cœur du précédent film de Guzmán), elle aussi superbement rendue à l'écran.

   De la nature on passe aux peuples premiers, ceux qui vivaient dans le sud du Chili (la Patagonie occidentale) à l'arrivée des Européens. Dans cette région découpée en îles, au climat capricieux, il est indispensable de savoir construire, réparer et manœuvrer un canoë. Le réalisateur a recueilli les témoignages des derniers locuteurs des langues des cinq peuples autochtones. J'ai été marqué par la grand-mère qui semble avoir parcouru des distances phénoménales ! Impressionnantes aussi sont les images d'archives montrant les peintures corporelles de certains indigènes.

   Le réalisateur traite plus en détail le cas de "Jemmy Button", cet Amérindien acheté par un officier britannique, dans la première moitié du XIXe siècle. Emmené au Royaume-Uni avec trois autres autochtones, il a été initié à la civilisation occidentale. Ramené au Chili des années plus tard, il a préféré rester sur place, mais n'a pas réussi à complètement se réintégrer. En partie acculturé, il était désormais dans un entre-deux.

   Cela nous mène à l'histoire de l'île Dawson, située en pleine Terre de Feu :

Chili 1.jpg

   Une mission religieuse y fonda une école pour "civiliser" les jeunes Amérindiens. Les missionnaires récupérèrent des vêtements européens pour les distribuer aux Patagons. Mais la rencontre avec les personnes et les objets venus d'Europe, porteurs de germes, décima les Indiens.

   Par une curieuse ironie de l'histoire, au XXe siècle, l'île servit de centre de détention pour les opposants à la dictature de Pinochet. On y interrogea, tortura et tua... Le documentaire s'intéresse tout particulièrement à la manière dont on a fait disparaître les cadavres. Une très faible proportion des corps des quelque 1 400 victimes a été retrouvée. Guzmán s'appuie sur le témoignage d'un mécanicien d'hélicoptère et sur une scène reconstituée, à l'aide d'un spécialiste : on attachait les corps sur des portions de rail, puis on les recouvrait de plastique et de deux sacs de toile, avant que le "paquet" ne soit chargé dans un avion ou un hélicoptère, puis jeté dans l'océan Pacifique. On a fini par localiser les endroits où de nombreux corps ont été lâchés. On a retrouvé certains rails... et un bouton, seul reste d'une victime de la dictature.

   J'ai été emballé par ce film, qui allie la rigueur du propos à la recherche esthétique. Notons que, dans la version originale sous-titrée, le commentaire est dit par le réalisateur, d'un ton calme et profond.

   P.S.

   On peut glaner plus d'informations sur le site du distributeur Pyramide.

mercredi, 30 décembre 2015

Star Wars VII - Le Réveil de la Force

   J'ai fini par me décider à y aller, pensant qu'au bout de deux semaines, il y aurait un peu moins de monde... Erreur ! La séance (en 2D) à laquelle je me suis rendu a fait le plein, dans la salle 1 du cinéma de Rodez. Le public était intergénérationnel, puisque cela allait des moins de six ans (une choupinette que sa maman a fait l'erreur d'emmener voir un film trop complexe pour elle) aux retraités, assez nombreux dans la salle. Mais l'essentiel du public était constitué d'actifs un peu moins âgés et de lycéens-étudiants.

   Dès le début, on est emporté par LE fameux générique, qui nous remet immédiatement dans l'ambiance. C'est d'ailleurs la principale conclusion que l'on peut tirer de la vision du Réveil de la Force : JJ Abrams a abondamment puisé dans les épisodes IV-V-VI (les premiers sortis au cinéma). Ainsi, l'on découvre très vite le "nouveau" Dark Vador, qui a coutume de porter un casque qui ressemble beaucoup à celui de son illustre prédécesseur... alors que lui n'en a aucunement besoin.

Vador 1.jpg

   Alors, coquetterie ? Facilité scénaristique ? Oui... et non. La suite de l'histoire va nous permettre de comprendre quel est le lien entre l'ancien "super-méchant" et le petit nouveau, que j'ai bien envie de surnommer "Vadorounnet".

   Dès le début, on découvre un autre substitut, Poe Dameron (interprété par Oscar Isaac), pilote génial, très courageux, membre de la Résistance et accompagné d'un droïde (BB 8, R2-D2 en plus petit et moins ronchon)... C'est un mélange évident de Luke Skywalker et Han Solo. Comme beaucoup, j'ai adoré le nouveau droïde, qui se comporte un peu comme un animal domestique. C'est sans doute la meilleure trouvaille du film, qui introduit un humour salutaire (tout comme Chewbacca, que l'on retrouve avec plaisir).

   On pourrait continuer comme cela longtemps. Ainsi, le Skywalker qui finit par apparaître à l'écran est un clone de l'Obi-Wan Kenobi interprété par Erwan McGregor. (De surcroît, il s'est sans doute révélé aussi mauvais formateur que son maître.) Un autre personnage, qui n'est pas sans rappeler Alec Guinness (le Kenobi d'origine), subit un sort comparable. Quant à ceux qui ont encore en mémoire Le Retour du Jedi, ils en retrouveront des personnages secondaires, "réincarnés" et "modernisés".

   Comme dans le Star Wars originel, les héros vont devoir détruire une arme extrêmement redoutable. Comme dans L'Empire contre-attaque, on nous ménage une mini-surprise scénaristique (que tout spectateur doté d'une dizaine de neurones sent venir à des kilomètres). Comme dans Le Retour du Jedi, le super-méchant doute et l'on découvre l'influence d'un être maléfique. Notons qu'une scène située dans le dernier tiers du Réveil de la Force est un clin d'oeil à la fin de La Revanche des Siths.

   On est donc en terrain connu, et ce n'est pas gênant. L'action démarre très vite, avec le massacre des habitants d'un village. Plus loin, les combats qui se déroulent dans l'espace sont très bien filmés. Il en est de même des affrontements au sabre-laser, même si, les personnages n'ayant pas encore acquis une très grande maîtrise technique, on n'atteint pas les combats virtuoses auxquels on a pu assister dans de précédents épisodes. Même les scènes "psychologiques" ne font (en général) pas retomber la tension. Il est question de liens familiaux (que je vous laisse découvrir en détail). A ce propos, je pense que tout ne nous est pas dit. On se pose beaucoup de questions sur l'un des personnages, qui découvre qu'elle a la Force en elle : Rey. Incarnée par une jeune inconnue, Daisy Ridley, c'est la deuxième excellente trouvaille de ce volet de la saga (la troisième étant l'introduction d'un soldat du Mal qui change de camp). 

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   La concernant, tout nous porte à croire qu'elle a un lien "génétique" avec certains héros de la trilogie précédente. Comme Luke Skywalker, elle a passé son enfance sur une planète désertique. Comme lui, elle refuse dans un premier temps d'assumer son pouvoir. Notons qu'elle est aussi "reconnue" par le sabre de celui-ci. Ajoutons que Kylo Ren (Vadorounnet) se sent attiré par elle. La relation ambivalente qui naît entre les deux (futures) grandes figures de cette nouvelle trilogie est bien mise en scène.

   Bref, on passe un bon moment, sans réelle surprise... et l'on attend la suite !

   P.S.

   Le Vatican semble n'avoir pas du tout apprécié Le Réveil de la Force. Dans un article du Figaro, on découvre les arguments cinématographiques avancés. Mais il y a fort à parier que ce soit un élément visuel capital (présent sur la photographie qui illustre l'article) qui ait déplu au Saint-Siège : la forme du sabre-laser (modifiée par rapport aux précédentes trilogies), qui adopte une croix latine. Cela fait de Kylo Ren une sorte de chevalier croisé, alors que tout le reste dans l'intrigue incite un spectateur occidental à le rapprocher d'un adepte de Daech.

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lundi, 28 décembre 2015

Au-delà des montagnes

   Deux ans après le brillant et militant A Touch of sin, Jia Zhang Ke revient avec un mélodrame qui s'étend sur trois époques : 1999, 2014 et 2025, cette dernière partie se déroulant en Australie. On suit principalement trois personnages, même si, dans le troisième volet, deux autres vont à leur tour occuper le premier plan.

   L'histoire démarre en 1999, avec un trio amoureux que l'argent va faire déraper. A l'époque, la Chine commence à peine à goûter à la société de consommation. L'espoir d'une vie meilleure anime certains habitants de Fenyang, une "petite" ville (400 000 habitants tout de même) de la province de Shanxi (où est né le réalisateur), en rouge sur la carte :

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   C'est l'occasion de mettre en scène l'opposition entre le nouveau riche, qui croit que tout lui est dû, et l'ouvrier modeste et vertueux. Aux cinéphiles français, cela rappellera des choses. Je ne serais pas étonné d'apprendre que Jia Zhang Ke est un connaisseur du réalisme poétique hexagonal. L'autre versant de l'histoire est l'occidentalisation des moeurs, vue à travers l'alternance entre deux chansons populaires,  une britannique et une cantonaise. On voit aussi la fascination qu'exercent certains produits de consommation, au premier rang desquels une voiture de marque allemande... avec une scène cocasse sur ce qu'est la "Deutsche Qualität" !

   Entre les deux hommes, le coeur de l'héroïne balance. Et puis elle est jeune, pas très sûre de ce qu'elle doit faire... excepté qu'elle refuse d'être sous la coupe d'un mec et qu'elle veut vivre sa vie. Dans le rôle, Zhao Tao est lumineuse. Notons que ce premier volet est tourné en caméra numérique, en format carré. Par la suite, l'image s'élargit... comme l'horizon des héros.

   On retrouve Tao quinze ans plus tard, devenue riche à son tour. Cette deuxième partie est centrée sur la femme du trio et l'ouvrier, tombé malade. A l'image de certaines catégories populaires traditionnelles, il n'a pas bénéficié du "miracle chinois". On en voit quand même des aspects spectaculaires, comme le train à grande vitesse, une fierté nationale... mais qui n'a pas, pour l'héroïne, le charme des bons vieux omnibus. Là encore, le spectateur occidental aura l'impression que le réalisateur adapte à la sauce chinoise une thématique déjà traitée en Europe (et aux Etats-Unis). Dans cette histoire contemporaine, c'est l'amour entre une mère et son fils qui est perturbé par l'argent. L'occidentalisation est perçue à travers le désir de certains Chinois d'émigrer et la volonté des "élites" d'éduquer leurs enfants en anglais.

   La troisième partie, futuriste, est finalement la plus audacieuse. Elle a pour cadre principal une cité protégée de la côte australienne, où se sont réfugiés de riches Chinois qui ont quelque chose à se reprocher. Ceux-ci peinent à comprendre leurs propres enfants, complètement acculturés... à tel point qu'ils doivent suivre une formation pour se familiariser avec leur pays d'origine. On suit plus particulièrement "Dollar", qui a presque tout oublié de sa mère.

   Le scénario est encore plus "gonflé" que cela, puisqu'il montre une relation naissante entre le jeune homme (à peine majeur) et une femme plus "mûre" (interprétée par une actrice taïwanaise, à l'accent anglais parfait). Celle-ci, à l'image de sa mère,  a réussi dans la vie, mais la richesse ne l'a pas rendue plus heureuse pour autant.

   L'ensemble forme un film hétéroclite, où l'on retrouve la thématique sociale chère à Jia Zhang Ke, mais noyée dans un mélodrame bourgeois, plutôt bien joué, mais pas aussi emballant que la critique dithyrambique le laissait supposer.

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dimanche, 27 décembre 2015

La Chambre interdite

   Cette chambre est, au sens propre, une pièce (secrète) d'un sous-marin, où s'est réfugié le commandant, et où l'équipage n'ose se rendre, alors que sa survie en dépend. Les hommes vont finir par partir à la recherche de la chambre... mais là n'est pas la question. 

   La suite du film est constituée d'un enchaînement de séquences qui n'ont pas de réel lien les unes avec les autres, le réalisateur les raccordant de manière factice, à la manière d'un marabout-de-ficelle. La construction prend la forme d'un chiasme : on part du sous-marin, pour atterrir dans une étrange grotte, puis dans une maison où vit une femme aveugle (devenue veuve) et enfin dans un train, pour repartir ensuite chez la femme aveugle, dans la grotte et dans le sous-marin. Je vous passe quelques étapes.

   Sur la forme, c'est un hommage au cinéma muet des années 1920... et sans doute aussi aux films de genre des années 1940-1950. Un gros travail a été fait sur l'image, les sons et le montage. C'est donc une oeuvre expérimentale, remplie de clins d'oeil aux initiés.

   Le problème est que, pour moi, cela ne marche pas. L'écran est inutilement surchargé. L'intrigue n'est pas suffisamment travaillée : c'est au spectateur à faire le lien entre les séquences... ce qui évite surtout au cinéaste d'avoir à suivre une intrigue rigoureusement construite. De surcroît, les séquences ne sont pas d'un égal intérêt. La meilleure est pour moi celle du train, où pourtant l'on retrouve l'égocentrique Mathieu Amalric (ici plutôt bon).

   Je reconnais volontiers la virtuosité des auteurs mais, franchement, cela tourne à vide.

15:41 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 26 décembre 2015

Francofonia, le Louvre sous l'Occupation

   Alexandre Sokourov propose une vision de la culture française à travers le prisme de l'occupation allemande de sa capitale. Son film est à la fois un chant d'amour à Paris, une apologie de l'art européen (plutôt chrétien) et une oeuvre authentiquement russe.

   Ce dernier aspect est visible dans le montage des séquences. Aux images d'archives et aux scènes reconstituées répond l'époque actuelle, qui voit le réalisateur dialoguer par Skype avec le pilote d'un porte-conteneurs pris en pleine tempête avec, parmi son chargement, des pièces de musée. Je pense qu'il faut comprendre la chose au sens symbolique : les oeuvres d'art ont été ballottées par l'Histoire, au point parfois de disparaître complètement. (On notera que c'est lorsque Sokourov est absorbé par le destin du musée français que le bateau russe perd sa cargaison, en haute mer.)

   Russe aussi est le rappel des destructions subies par l'URSS, sur le Front de l'Est, notamment par la ville qui s'appelait alors Leningrad (redevenue Saint-Pétersbourg aujourd'hui), qui a subi un siège de 300 jours. C'est la ville du musée de l'Ermitage (dont les collections, comme celles du Louvre, ont été mises à l'abri) et la véritable capitale culturelle russe. Dans le ton de Sokourov, on sent presque poindre de la jalousie, quand il compare le sort de la ville fondée par Pierre le Grand à celui de Paris, curieusement épargnée par les nazis.

   Et pourtant, en 1940, l'accueil des troupes allemandes n'est pas chaleureux, y compris au Louvre. On le comprend à la vision des images d'archives et des scènes reconstituées, qui font principalement intervenir un officier allemand, le comte Wolff-Metternich, et le directeur du musée Jacques Jaujard (interprété par Louis-Do de Lencquesaing, vu récemment dans L'Antiquaire, dont la thématique est proche). Cependant, les deux hommes vont petit à petit tisser une relation de quasi-amitié, fondée sur l'amour de l'art et la protection des oeuvres. (On n'est finalement pas si loin que cela de ce qui est montré dans une fiction sortie en 2014, Diplomatie). C'est au point que le responsable allemand a été muté en 1942. La dernière partie du film évoque le destin des deux hommes après la Seconde guerre mondiale.

   Ici encore, on sent parfois poindre la jalousie de Sokourov : contrairement à Leningrad, Paris a fasciné les Allemands, y compris les nazis. De surcroît, une partie de la population locale s'est rapidement accommodée de la présence de l'occupant... Il croit trouver l'explication dans le voisinage des deux pays qui, malgré les conflits meurtriers qui les ont opposés, partagent une histoire pluriséculaire. A partir de là, il développe l'idée qu'il existe une culture européenne, qui englobe la Russie. Les nazis eux-mêmes auraient été (partiellement) sensibles à cet héritage.

   Le propos perd de sa pertinence quand on se rend compte que le réalisateur ne montre qu'un aspect de l'histoire. Il se garde bien d'aborder les destructions et surtout le pillage organisé des oeuvres d'art, notamment par Hermann Goering. Il aurait fallu sortir du Louvre et aller jusqu'au Jeu de Paume, où avaient été entreposées les oeuvres volées aux juifs. De cela il n'est pas question, pas plus que du rôle de Rose Valland (évoqué l'an dernier dans Monuments Men), pourtant bien plus important que celui de Jaujard.

   C'est dommage parce que, sur le plan formel, le film est vraiment bon. Le mélange des images de natures diverses fonctionne et, par instants, on retrouve la patte du grand réalisateur. J'ai aussi bien aimé la reconstitution graphique de l'histoire du site du château, très réussie. Quant au public français, il appréciera ou pas l'incarnation de deux "légendes nationales", Marianne et Napoléon, dont les évolutions dans le musée ne m'ont paru guère inspirées...