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samedi, 23 avril 2016

Le Livre de la jungle

   La surprise n'est pas que Disney produise une adaptation avec acteur réel (on a déjà vu notamment Into the Woods et surtout Maléfique). La surprise est qu'elle en confie la direction à Jon Favreau (réalisateur, entre autres, d'Iron Man), dont les compétences se limitent généralement à la mise en images de bastons numérisées. C'est qu'ici on est dans un entre-deux, moitié film réel, moitié film en images de synthèse. On a capturé les mouvements des animaux et fabriqué des marionnettes à taille réelle de ceux-ci. Pour cela, on a eu recours au savoir-faire de la Jim Henson Company, qu'on a déjà vue à l’œuvre par exemple dans Max et les maximonstres.

   Sans surprise, l'intrigue est calquée sur celle du film d'animation de 1967, avec quelques nuances. Ainsi, alors que le dessin animé baignait dans une ambiance bon enfant, pleine d'humour et de chansons, la nouvelle adaptation de l'oeuvre de Rudyard Kipling est plus sombre (et donc plus fidèle à l'original). Si l'humour n'en est pas absent, l'histoire est assez dure et comporte plusieurs épisodes violents. C'est donc à déconseiller aux tout petits.

   Du côté du casting, on ne peut que se féliciter du choix du jeune Neel Sethi pour incarner Mowgli. Il bouge très bien et m'a paru très convaincant en gamin débrouillard de la forêt. Je n'ai quasiment rien à reprocher aux voix de doublage (celles de la version française, que j'ai vue). Lambert Wilson est très bon en Baloo, le personnage qui apporte les plus franches touches d'humour. Il est de surcroît visuellement particulièrement réussi. Face à lui se détache aussi Eddy Mitchell, excellent en roi des singes Louie. (D'ailleurs, je me demande s'il n'aurait pas été tout aussi bon dans le rôle de Baloo.) Chez les dames, la composition de Leïla Beikhti (en serpent Kaa) m'a plus marqué que celle de Cécile de France, plus classique en mère-louve. La séquence qui confronte le python à la "grenouille" est l'un des plus beaux moments du film.

   Quant à la panthère Bagheera, elle est doublée par Bernard Gabay, l'acteur qui assure la voix française de Robert Downey Jr. Du coup, je n'ai pas arrêté de penser à ce dernier pendant le film... et ça m'a un peu gâché le plaisir, parce que je trouve que cela ne correspond pas trop au personnage de la panthère, que par ailleurs j'aime beaucoup. (Qui plus est, visuellement, ce n'est pas le plus réussi.)

   Le scénario est linéaire, limpide, s'éloignant quand il le faut de ce que Kipling a écrit. Les puristes regretteront le manque de respect de l’œuvre littéraire, les autres se réjouiront que l'histoire soit accessible au jeune public. Cela donne un film d'aventures, rythmé, avec des rebondissements. Là, Jon Favreau est à l'aise et l'on comprend le choix de Disney. Dans une grande salle, on prend beaucoup de plaisir, avec, à l'écran, des images très soignées.

15:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 22 avril 2016

The Lady in the van

   Cette "lady" est une clocharde SDF assez âgée pour être à la retraite, viscéralement attachée à sa fourgonnette brinquebalante. (Par la suite, on découvre qu'elle en possède une seconde, plus récente, qu'elle a réussi à se faire payer par une bourgeoise compatissante... mais peu désireuse de la voir fréquenter son quartier.) Elle est incarnée par Maggie Smith qui, pour les jeunes générations, est l'inoubliable Minerva McGonagall dans la saga Harry Potter. Pour les cinéphiles confirmés, c'est une vieille connaissance, vue notamment dans des adaptations de pièces shakespeariennes et de romans d'Agatha Christie. Cette grande actrice n'hésita pas non plus à se commettre dans des productions grand public, comme le péplum Le Choc des Titans (celui de 1981), où elle prêta ses traits à la déesse Thétis :

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   C'est l'occasion de rappeler au jeune public que des comédiennes aujourd'hui grisonnantes et ridées ont souvent été jadis de (très) jolies femmes. Cela me rappelle une conversation que j'ai eue avec une adolescente, qui, sans doute influencée par certaines éructations médiatiques, sa gaussait du contraste entre le nom et l'apparence physique d'Eva Joly. Sachez mesdemoiselles à la peau douce, à la taille mince et aux chairs fermes, que la fleur de votre beauté se fanera un jour (peut-être pas si lointain) et que telle personnalité dont vous vous plaisez à vous moquer n'est pas plus laide que ce que vous deviendrez.

   Mais revenons à notre "lady". Le terme confine à l'antiphrase, tant le manque de propreté et le sans-gêne de Mary/Margareth la rapprochent peu (de prime abord) d'une personne distinguée. Notons toutefois qu'elle s'exprime dans une langue relevée, que l'on apprécie d'autant plus que le film est distribué en version originale sous-titrée. C'est un véritable bonheur que d'entendre parler du bon anglais, et pas cette bouillie mondialisée qui en est issue et qui nous est trop souvent servie par les médias anglo-saxons.

   Dans la première partie de l'histoire domine le ton de la comédie, avec l'irruption de cette mégère dans un quartier bourgeois de Londres. Comme les habitants se piquent de morale, ils n'osent pas la faire expulser. (Parmi ceux-ci, on reconnaîtra Roger Allam, alias l'inspecteur Thursday, le supérieur du jeune Morse dans la série qui raconte les débuts du célèbre enquêteur d'Oxford.) De temps à autre, ils lui font même de petits cadeaux, espérant qu'elle choisira de garer son fameux van à l'autre bout du quartier. Le plus drôle est que la "lady" ne leur en est nullement reconnaissante ! Elle va finalement échoir à un écrivain célibataire, très "maniéré" et qui reçoit de jeunes hommes tard le soir... à tel point que Mary se demande si un complot communiste n'est pas en train de se monter ! (L'action se déroule dans les années 1970-1980... et rappelons que c'est inspiré d'une histoire vraie)

   Concernant l'écrivain, la réalisation se fait originale, juxtaposant deux versions du personnage à l'écran, une vivant les épisodes racontés, l'autre les écrivant. C'est la source de nombreux gags, les deux versions de l'écrivain divergeant souvent sur la manière de se comporter avec la vieille dame !

   La seconde partie de l'histoire est plus riche en émotion. On en apprend davantage sur le passé de l'héroïne, qui fut infirmière, bonne sœur... et même pianiste. On comprend que sa vie n'a pas été souvent heureuse. De son côté, Alan (l'écrivain) culpabilise parce qu'il s'est trop peu soucié de sa mère, désormais veuve et touchée par une maladie neuro-dégénérative. On s'achemine tout doucement vers une conclusion prévisible, très émouvante. (Par moments, j'ai pensé à Philomena, même si le contexte est très différent.) Fort heureusement, le scénario s'achève sur une pirouette qui nous remet du baume au cœur.

   Et quelle actrice !

22:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 19 avril 2016

Midnight Special

   Voici donc le dernier film de celui qui est présenté comme le nouveau prodige du cinéma états-unien, Jeff Nichols. Le scénario pourrait (largement) tenir sur une demi-feuille de format A4. Les parents d'un garçon doté de pouvoirs extraordinaires tentent de préserver celui-ci pour ce qu'ils croient être sa "mission". Face à eux se dressent les membres d'une secte millénariste (pour qui le môme est le nouveau Messie) et le gouvernement des États-Unis, qui voit dans le gamin un potentiel à exploiter. Et puis il y a une quatrième catégorie d'intervenants, mal définie au départ, mais qui prend de l'importance au fur et à mesure que l'on progresse dans l'histoire.

   C'est diablement bien filmé. Compte tenu de l'état du garçon (affublé d'un horrible prénom : Alton... non mais franchement, cette quête de l'originalité à tout prix est vraiment pathétique), les fuyards voyagent de nuit, ce qui nous vaut de magnifiques scènes bleutées ou ocres, auxquelles s'ajoutent parfois les lumières issues du corps de gamin. Le tout baigne dans une ambiance musicale étrange et fascinante. (Le compositeur est David Wingo.)

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   Est-il besoin de préciser que les acteurs (y compris le garçon) sont très bons ? Le père est incarné par Michael Shannon, une "gueule" habituée des seconds rôles... mais aussi l'acteur fétiche du réalisateur. Sa compagne est jouée par une Kirsten Dunst méconnaissable : elle a pris quelques kilos (je sais : je suis un goujat) et on l'a habillée avec des fripes qu'on a dû trouver dans une solderie... Bref, on a voulu en faire une mère américaine (très) moyenne. Mission accomplie ! Mais, surtout, elle nous touche par la justesse de son jeu.

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   Comme le temps passe un peu lentement, on a tout loisir d'observer les autres personnages, interprétés par des figures souvent connues mais sur lesquelles on n'arrive pas forcément à mettre un nom, à l'exception du scientifique un peu "geek", qui a les traits d'Adam Driver, plus convaincant que dans le dernier épisode de Star Wars.

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   Attention toutefois : Jeff Nichols est une sorte d'anti-Spielberg. Alors que celui-ci (quand il nous livre une œuvre de science-fiction) utilise une vision stéréotypée de la famille et des rapports humains pour appuyer une intrigue en général assez fouillée, Nichols s'appuie sur un cadre fantastique sommaire pour faire l'éloge de la paternité (et de la maternité), dans une société oppressante. Cela donne une œuvre originale, souvent prenante, mais un peu trop sentencieuse à mon goût.

22:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 18 avril 2016

Truth : Le Prix de la Vérité

   Ce film nous replonge dans la présidence Bush (fils), plus précisément à la jonction de ses deux mandats, quand l'enquête menée par certains journalistes de télévision menaçait de faire basculer un scrutin qui s'annonçait serré (avec le démocrate John Kerry). C'est donc un hommage au travail du "quatrième pouvoir", cette fois-ci incarné par l'audiovisuel (et pas la presse écrite). On sent néanmoins les références aux Hommes du président, d'autant plus que les deux œuvres ont en commun la présence de Robert Redford au générique.

   Mais c'est une femme qui occupe le premier plan, la journaliste et productrice Mary Mapes, incarnée par la sublime Cate Blanchett :

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   Au passage, si vous allez voir le film, quand vous serez à ce moment de l'action, vous trouverez sans doute la beauté de l'actrice encore plus grande. Il semblerait que quelques retouches numériques aient été pratiquées, afin de masquer les imperceptibles traces que le temps qui passe a laissées sur le visage encore superbe de Catounette.

   Mais elle n'est pas que belle à tomber. C'est une femme de tête, intelligente, qui se bat pour ses convictions, tout en tentant de mener de front sa vie de famille, en compagnie d'un mari compréhensif et d'un enfant adorable.

   La première partie de l'histoire nous conte la marche quasi triomphale d'une improbable équipe d'enquêteurs vers ce qui semble être le scoop de l'année : non seulement George W. Bush s'est fait pistonner pour éviter d'être envoyé au Vietnam, mais il a de plus sans doute déserté son poste pour travailler pour le compte d'un élu républicain.

   La réalisation, assez plate, se contente de mettre en valeur les principaux personnages, les journalistes bien sûr, mais aussi les témoins (plus ou moins volontaires) et les autres acteurs importants de la chaîne CBS, du PDG à la juriste en passant par le directeur de l'information. C'est assez instructif sur la manière dont fonctionne (à l'époque, en 2004) une grosse machine médiatique.

   Puis vient le retournement. On connaît déjà la fin de l'histoire (la réélection de Bush). On se demande donc comment tout a pu "capoter". On découvre la contre-attaque républicaine, la violence des commentaires sur internet (déjà), l'oppressante présence des caméras jusque dans la vie privée et le lynchage médiatique orchestré... sans oublier les pressions sur les témoins. Le documentaire se fait polar, pour notre plus grand plaisir. (Fort heureusement, de temps en temps, le personnage joué par Dennis Quaid apporte de plaisants moments d'humour.)

   Notons aussi que, même si le scénario accorde la part belle aux journalistes, il ne cache pas leurs maladresses voire leurs erreurs. Les arguments des adversaires font parfois mouche, même si l'on comprend que leur but n'est pas de faire éclater la vérité mais de protéger le président sortant.

   Dans la dernière partie, cela tourne quasiment au film judiciaire, puisque les enquêteurs vont subir une sorte de procès en sorcellerie déontologie journalistique. Symptomatiques sont les scènes qui confrontent Mary/Cate à la commission, exclusivement masculine... et presque entièrement d'obédience républicaine. La conclusion est assez pessimiste : à la télévision, l'infotainment remplace l'enquête de terrain. Soyez aussi attentifs à la toute fin, qui évoque le devenir de l'héroïne.

   P.S.

   Aussi étrange cela puisse-t-il paraître, l'Aveyron n'est pas absent de cette œuvre américanissime. Ainsi, au cours de leur enquête, les journalistes vont trouver un document dans lequel il est question d'une fête agricole, avec des vaches Simmental (celles dont le lait constitue l'essentiel de la matière première du fromage Laguiole). Et puis, tout au long du film, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la troisième adjointe du maire de Rodez, Sarah Vidal,  chaque fois qu'est apparue à l'écran Elisabeth Moss, qui interprète l'un des membres de l'équipe d'enquêteurs :

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dimanche, 17 avril 2016

Grimsby, agent trop spécial

   Depuis The Dictator, Sacha baron Cohen me manquait un peu. Le voilà de retour au scénario et dans la peau du personnage principal, une sorte de Tuche britannique, fan de foot, alcoolique et bedonnant, défiguré par des rouflaquettes que même le plus ringard des fans de rock n'ose plus porter. Fidèle à son style, SBC joue sur le double langage : on peut aussi bien s'identifier à ce personnage débile (mais gentil, au fond) que jouir (avec mépris) de ses travers et de sa bêtise. Sa compagne est bien dans le t(h)on : elle est incarnée par Rebel Wilson, l'obèse vulgaire qui a réussi à faire croire à des Américains que le manque d'amour-propre pouvait faire office de talent. Mais je reconnais qu'elle est plutôt bien utilisée dans le film, en tout cas mieux que dans le dernier volet de La Nuit au musée. Je ne vais pas m'étendre sur les enfants du couple, dont les coupes de cheveux ont de quoi faire frémir les plus stupides footballeurs de Ligue 1.

   L'intrigue fonctionne sur l'effet de contraste entre les scènes d'action très bien foutues (le Frenchie Louis Leterrier est aux manettes) et les scènes d'humour trash, souvent drôles, parfois ratées... et parfois géniales. On en a un avant-goût dès les premières minutes du film, durant lesquelles on découvre le couple de beaufs en pleine action, puis le frère cadet du héros (Mark Strong, excellent) en agent secret impitoyablement efficace.

   On n'a vraiment pas mégoté sur les scènes d'action, qui dépotent, avec notamment l'utilisation de ce qui ressemble à des caméras gopro. Notons que les effets spéciaux sont très réussis. De son côté, l'aîné nous impressionne par sa capacité à faire intervenir un pénis, un vagin ou un anus... voire tout cela à la fois. J'ai évidemment goûté la parodie de Basic instinct, tout comme la séquence de "sucions". Mais les meilleurs moments sont sans conteste ceux passés aux côtés d'un troupeau d'éléphants. Je ne peux pas trop en dire, mais sachez que les gags y sont vraiment ENORMES !... dans tous les sens du terme !

   Je mets toutefois deux bémols à mon enthousiasme : le doublage n'est pas terrible et les retours en arrière sont trop premier degré. Si, dans un premier temps, on peut percevoir la volonté de tourner en ridicule un procédé scénaristique éculé, à la longue, on sent que le réalisateur y croit et tente d'ajouter (maladroitement) quelques touches d'émotion à son histoire. On aurait pu s'en passer, mais il est vrai que, même avec ces scènes sans intérêt, le film n'atteint pas l'heure et demie.

   A part cela, que dire d'autre ? Que le prolétariat britannique est vraiment mal barré dans la vie (que le Royaume-Uni soit dans l'UE ou pas). Que les méchants sont vraiment très méchants et que le foot est un sport qui abrutit les masses.

23:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 15 avril 2016

Desierto

   Ce thriller franco-mexicain confronte un groupe de migrants clandestins pénétrant aux Etats-Unis à une série de menaces dont on aurait de la peine à déterminer quelle est la plus grande. Est-ce ce fameux désert (situé du côté de la Californie), peuplé de serpents venimeux et où règnent régulièrement des températures caniculaires ? Est-ce ce red neck américain, vieux solitaire qui ne se sépare presque jamais de son fusil à lunette ou bien n'est-ce pas plutôt son chien, un agile berger allemand, très bien dressé ?

   Les paysages de ce désert rocheux sont superbement filmés et les acteurs sont globalement bons. On a beaucoup parlé de Gael Garcia Bernal, jadis découvert dans Carnets de voyage et revu dans La Science des rêves et Babel. J'ai été davantage marqué par les prestations d'Alondra Hidalgo et de Jeffrey Dean Morgan (que l'on a pu voir notamment dans Hôtel Woodstock, Prémonitions et surtout The Salvation).

   C'est un bon suspense, marqué par plusieurs scènes très violentes, sans fard, et qui aborde une question sensible : la détresse des migrants économiques. Mais il le fait de manière assez prévisible, l'intrigue ne comportant guère de surprises pour un "vieux" cinéphile. De surcroît, le fiston Cuaron (eh, oui : papa a réalisé Gravity !) abuse des "juste-à-temps". On pourrait se dire qu'il s'agit là d'un péché de jeunesse, ou la conséquence de l'influence mal digérée de la mécanique hollywoodienne. Mais c'est aussi une marque de fabrique du style de papa...

   Autre défaut du film, son côté manichéen, dans plusieurs sens d'ailleurs. Ainsi, il n'y a pratiquement aucun recul sur les meurtres perpétrés par le cowboy alcoolique. Ce personnage de "loup solitaire" n'est pas assez creusé : on ne sait pas vraiment ce qui l'a conduit à se muer en tueur en série des frontières. De leur côté, les victimes sont rarement présentées avec empathie. On pourrait se féliciter que le réalisateur n'ait pas un point de vue angélique sur les migrants. En réalité, il défend mordicus leur cause, mais uniquement à travers les deux personnages les plus séduisants... Encore Hollywood ! (Il s'est aussi bien gardé d'évoquer les sévices que ces mêmes migrants ont pu subir du côté mexicain de la frontière...)

 

ATTENTION : LA SUITE EVOQUE DES ELEMENTS CLES DE L'INTRIGUE, QU'IL VAUT MIEUX NE PAS CONNAITRE AVANT D'ALLER VOIR LE FILM.

 

   L'un des paradoxes de la réalisation est de rendre la mort du chien (pourtant auparavant montré comme une impitoyable bête traqueuse) plus touchante que celle des migrants. Dans le même ordre d'idée, le renversement de position (auquel on s'attend : le chasseur devient la proie) est un peu téléphoné et n'est pas très bien géré. On sent que le réalisateur n'a pas trop su sur quel ton tourner certaines scènes.

   Je suis donc sorti de là un peu mitigé, satisfait malgré tout d'avoir vu une oeuvre bien filmée, comportant de bons moments de tension, mais pas tout à fait aboutie.

   P.S.

   Pour la petite histoire, sachez que Tracker (le chien) est incarné par trois canidés différents, nommés (d'après le générique de fin) Gaston, Neron et Kraken !

   P.S. II

   Ce n'est pas la seule information donnée par la bande défilante. On y apprend aussi que les acteurs principaux ont été accompagnés de gardes du corps sur les lieux du tournage... au Mexique. Ainsi, dans la réalité, le pays le plus violent n'est peut-être pas celui que l'on croit.

22:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 10 avril 2016

Merci patron !

   Le documentaire militant de François Ruffin est enfin arrivé à Rodez, pour une petite semaine de projection. C'est l'occasion de découvrir pourquoi cette piqûre de moustique (un film à diffusion confidentielle ayant coûté moins de 200 000 euros) a pu subir à sa sortie ce qui ressemble à une forme de censure médiatique... qui l'a finalement bien servi.

   C'est d'abord un film social, qui évoque la condition des ménages ouvriers des "Hauts-de-France" comme il faut dire maintenant. Ruffin et son équipe sont partis à la rescousse d'un couple d'ouvriers licenciés. Au passage, on découvre (ou pas) l'un des paradoxes de notre économie : l'un de ses fleurons du luxe (LVMH) a bâti sa prospérité sur l'exploitation d'une main-d'oeuvre mal payée, d'abord française, aujourd'hui polonaise ou autre. A cet égard, je conseille la scène qui voit le réalisateur essayer un costume dans une boutique du groupe, tout comme celle tournée dans une usine polonaise. Tendez l'oreille pour saisir les chiffres, en particulier l'écart entre le coût de la main-d'oeuvre et le prix d'un costume...

   C'est aussi une satire politique, la "gauche de la gauche" ne se privant pas d'égratigner au passage la "gauche de gouvernement" (le PS), à travers la personne d'un élu socialiste, très proche de Bernard Arnault et bien vu de François Hollande.

   Mais c'est surtout une excellente comédie satirique, dans laquelle, le plus souvent, Ruffin adopte l'antiphrase et se fait passer pour un benêt (faussement) admirateur de Bernard Arnault, aussi bien devant l'ancienne déléguée CGT que devant les employés de LVMH. Il y a comme une parenté avec le style de l'humoriste Guillaume Meurice. On sent aussi l'influence de Pierre Carles.

   Au coeur du film se trouve une grosse entourloupe, la menace proférée par le couple d'ouvriers de lancer une campagne médiatique contre Bernard Arnault s'il ne les aide pas à rompre la spirale de l'endettement. Ce ménage, dont les ressources plafonnent à quelques centaines d'euros, en a des milliers à payer, la maison, construction d'une vie, risquant d'être saisie. Les deux ouvriers se prêtent de bon coeur à la manoeuvre de François Ruffin, qui a placé des caméras et des micros à leur domicile.

   Cela nous vaut certaines des plus belles scènes du film, avec une sorte d'homme à tout faire du groupe LVMH, un ancien policier engagé pour gérer les problèmes d'image qui peuvent se poser. Au départ méfiant, l'homme finit par s'exprimer avec une franchise déconcertante devant un couple qu'il sous-estime. Il n'est d'ailleurs lui-même pas méchant au fond. Il est le sbire d'un homme puissant, qu'il sert sans état d'âme, ce qui ne l'empêche pas d'être lucide.

   C'est donc drôle, militant, rageant parfois, accompagné d'une musique entraînante, d'où se détache une chanson méconnue des Charlots.

   P.S.

   Une soirée débat est programmée au Cap Cinéma de Rodez lundi 11 avril, à 20h :

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(La Dépêche du Midi, 8 avril 2016)

vendredi, 08 avril 2016

Gods of Egypt

   C'est le péplum du moment, réalisé par Alex Proyas, pas un spécialiste du genre, mais quand même auteur de Dark City et I, Robot. Au niveau du casting, on n'a pas cherché à faire preuve d'originalité : les mecs ont passé des heures sur le banc de musculation et les femmes portent d'invraisemblables tenues, qui ne permettent pas d'ignorer à quel point elles sont super bien gaulées.

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   Les acteurs les plus jeunes ne me sont pas connus. Il semblerait qu'ils se soient révélés dans des séries télévisées que je ne regarde pas. Du côté féminin, notons la présence d'une ravissante Frenchie, Elodie Yung, très crédible en déesse de l'amour.

   D'autres interprètes sont plus familiers aux "vieux" cinéphiles. L'architecte du dieu-roi est incarné par Rufus Sewell, découvert jadis dans Dark City. Le méchant Seth a les traits de Gerard Butler, vu naguère dans 300. On retrouve aussi avec plaisir Chadwick Boseman, remarqué dans Get on up, le biopic consacré à James Brown. Tous ces acteurs sont bons. Le personnage du méchant est particulièrement réussi, même si j'ai trouvé les scènes avec l'érudit et orgueilleux Thot (Boseman) plus savoureuses. La séquence qui se déroule dans sa cité-bibliothèque est excellente et le personnage en lui-même mérite le détour. J'ai par contre été déçu par la prestation de Geoffrey Rush, très poussif dans le rôle du dieu Râ.

   L'intrigue est des plus classiques. C'est une histoire d'amour(s) et de pouvoir. On la suit à deux niveaux : celui des dieux et celui des humains, qui s'entremêlent, au grand étonnement des divinités, peu habituées à frayer au quotidien avec ces créatures inférieures. A l'écran, c'est rendu par la juxtaposition de deux plans, qui permet de faire figurer ensemble des personnages aux tailles différentes, les dieux et déesses étant 1,5 à 2 fois plus grands que les humains. C'est évidemment une source de gags, notamment quand les deux héros masculins sont de la partie. J'ai beaucoup aimé ce duo improbable, formé par Horus le borgne et Bek le voleur, tous deux amoureux et courageux.

   Mais le principal atout du film est sans conteste ses effets spéciaux. Ajoutés aux costumes, aux décors et à la joaillerie, ils donnent beaucoup d'éclat aux scènes urbaines et, surtout, ils permettent d'introduire de spectaculaires moments d'action. Cela rend indulgent pour la faiblesse de certains dialogues et pour la médiocrité de certains scènes, dont on comprend immédiatement qu'elles ont été tournées devant un fond vert.

   Franchement, je n'ai pas vu les deux heures passer. Même si le film n'est pas du niveau d'un Gladiator ou d'Exodus, il est meilleur que le récent Pompéi et constitue un agréable divertissement, sans prise de tête.

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jeudi, 07 avril 2016

Remember

   Se souvenir est l'enjeu principal de cette histoire, dont le "héros" est frappé de sénilité (à éclipses). Chaque matin, il se réveille en cherchant son épouse, décédée depuis peu. Mais la mémoire est aussi celle d'un passé beaucoup plus lointain, qui remonte au début des années 1940, en Allemagne et en Pologne : Zev et son ami Max sont les derniers survivants d'un "block" d'Auschwitz. Les responsables de la mort des membres de leurs familles n'ont jamais été retrouvés... jusqu'à aujourd'hui.

   Max étant handicapé moteur, c'est Zev qui est chargé de "rendre justice". Comme il perd régulièrement le fil de ses pensées, Max lui a écrit un petit mémo, qu'il conserve dans la poche intérieure droite de sa veste... et qu'il doit relire régulièrement. L'autre problème est l'incertitude qui pèse sur l'identité du principal bourreau, qui s'est jadis enfui aux Etats-Unis, où il entré sous un faux nom. A la suite d'une longue enquête, Max est parvenu à resserrer les fils : il reste quatre candidats potentiels. Ce sont ces quatre personnes que Zev est chargé de contacter, l'une d'entre elles étant vouée à la mort.

   Il s'agit donc d'un film à suspens, d'autant plus prenant que le nouvel ange exterminateur évolue à son rythme. Bien qu'encore vaillant et déterminé, il commet quelques bévues, qui nuisent à sa mission. Il est quand même suffisamment malin pour passer la douane entre les Etats-Unis et le Canada et pour se faire accepter partout où il va sonner.

   L'un des intérêts de l'intrigue réside dans les rencontres que fait le héros. Les scènes tournées avec les jeunes enfants (le garçon dans le train, la fille à l'hôpital) sont assez touchantes. Mais on attend surtout la rencontre avec les quatre cibles potentielles. Qui est l'ancien SS d'Auschwitz ? Le père du policier raciste ? L'ancien militaire ? Le papy gâteau ? Le malade en phase terminale, cloué sur son lit ? Aucune des rencontres ne se déroule comme prévu. Le scénario est vraiment bien conçu (on découvre le passé par morceaux, comme dans un puzzle), ménageant des surprises, jusqu'à l'avant-dernière séquence, qui a tellement choqué certains critiques, mais qui est cohérente avec le reste de l'histoire.

   Au niveau de l'ambiance, on oscille entre l'humour, l'émotion et la tension. Atom Egoyan (le réalisateur) et Christopher Plummer (Zev) nous font ressentir ce que vit le héros, que la moindre contrariété dans le déroulement de sa vie quotidienne peut plonger dans un abyme de perplexité. L'angoisse du survivant de la guerre nous est transmise à travers certains éléments (pas toujours judicieusement choisis) : le pommeau d'une douche (...), la sirène d'alarme d'une carrière, les aboiements d'un berger allemand... Beaucoup de choses passent par les images. Il faut quand même rester vigilant, Egoyan étant passé maître dans les faux semblants. (Rappelez-vous Captives.)

   Cela donne un "thriller du troisième âge", très tendu et remarquablement interprété.

18:05 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 03 avril 2016

La Passion d'Augustine

   Les religieuses sont à l'honneur sur le grand écran, ces temps derniers. A ceux qui ne l'auraient pas encore vue, on peut conseiller de se précipiter à une projection des Innocentes, une excellente coproduction franco-polonaise. Ici, il s'agit d'une histoire québécoise, dont l'action se situe dans les années 1960, après le concile Vatican II. Les héroïnes sont les religieuses et les adolescentes d'un couvent réputé pour sa formation musicale, une orientation choisie jadis par la nouvelle mère, soeur Augustine, incarnée avec talent par Céline Bonnier.

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   La caméra s'attarde donc sur ces enseignantes et travailleuses du couvent, aux personnalités affirmées. Il y a bien sûr Augustine, dont la passion mêlée de rigorisme pour la musique masque un passé trouble. Il y a soeur Lise, plus pète-sec et traditionaliste... et donc l'objet des moqueries des élèves les plus rebelles. Il y aussi une soeur syndicaliste (la meilleure amie d'Augustine), une autre un peu farfelue (particulièrement bonne dans la scène de jeu de ballon et celle du cirage du parquet !), une autre cuisinière perfectible etc. Cela compose un tableau assez pittoresque de femmes finalement assez modernes pour leur époque... au contraire de la nouvelle mère supérieure de l'ordre auquel elles appartiennent.

   Cela nous mène aux menaces qui pèsent sur le couvent. Les plus sérieuses viennent apparemment du gouvernement laïc, prêt à investir dans l'enseignement public et donc désireux de récupérer certains élèves... notamment les jeunes filles. Mais, au cours de l'histoire, on découvre qu'il y a matière à négociations... La direction de l'ordre du Sacré-Coeur ne semble pas aussi flexible. Le couvent dirigé par Augustine est un peu trop hors-normes et l'héroïne est elle-même perçue comme un électron libre, que l'on veut soumettre. Les difficultés financières de l'ordre vont être le prétexte à une reprise en mains.

   Le salut pourrait venir des parents d'élèves, certains très fortunés (et influents). Le couvent mêle toutefois des publics divers, certaines filles étant d'origine modeste, souvent issues de familles nombreuses et croyantes, sur lesquelles pèse une juridiction inflexible, l'avortement étant considéré comme un crime. (Ce fut le cas jusqu'en 1988.)

   L'intrigue met ainsi au premier plan tour à tour les religieuses et les adolescentes, elles aussi très bien interprétées. On a beaucoup parlé de Lysandre Ménard, pianiste exceptionnelle que l'on voit à l'oeuvre, comme ses camarades, sans aucun trucage. C'est la force de ce film que d'insérer dans l'histoire des morceaux de musique classique, dont les airs sont connus du grand public, même s'il ne sait pas toujours mettre un nom ou un titre sur chaque morceau.

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   Et puis il y a les affres de l'adolescence. Ces jeunes femmes ont entre 15 et 18 ans. Elles sentent que leur corps change. Elles sont attirées par les garçons, qu'elles croisent à de rares occasions, notamment à la messe, où l'on voit officier un curé qui aurait pu figurer dans La Vie est un long fleuve tranquille. L'arrivée d'Alice sert de détonateur : la rebelle talentueuse apporte une bouffée d'air frais dans l'internat-caserne, contribuant à épanouir le vilain petit canard du groupe, une brune complexée qui bégaie. Cette dernière est jouée par une jeune actrice remarquable, souvent drôle ne serait-ce que par les expressions de son visage... et qui nous réserve une belle surprise (chantée) dans la dernière partie du film.

   Bref, j'ai été emballé par ce film qui ne rentre dans aucune case... et c'est très bien ainsi !

   P.S.

   Pour en savoir plus, on peut lire le dossier de presse mis en ligne par le distributeur KMBO.

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samedi, 02 avril 2016

Good Luck Algeria

   Voilà un titre anglais pour un film français traitant de "l'algéritude". En voyant la bande-annonce, j'ai immédiatement pensé à Rasta Rockett. Une fois dans la salle, d'autres similitudes me sont apparues, notamment avec Ma Petite Entreprise et Mémoires d'immigrés. Du coup, parfois, les "vieux" cinéphiles auront comme une impression de déjà-vu. L'assemblage des styles et des thématiques n'en demeure pas moins original, d'autant plus que le scénario s'appuie sur une histoire vraie, celle du frère du réalisateur Farid Bentoumi.

   C'est d'abord l'histoire d'une PME qui se retrouve au bord de la faillite. Notons que la vie des employés au quotidien est très bien mise en scène. On sent l'amour du travail bien fait (la fabrication de skis haut-de-gamme), dans une ambiance pas tout à fait familiale, mais où règne une grande proximité entre les différents membres de l'entreprise. Les passages par la banque ne manquent pas non plus de saveur, sans être caricaturaux. Les acteurs sont bons. Sami Bouajila (Sam) se détache, lui qu'on avait déjà apprécié il y a quelques années dans Hors-la-loi et Omar m'a tuer.

   C'est aussi une bonne comédie, surtout dans la première partie. Les débuts des deux acolytes (Sam et Stéphane, dont les skis portent le nom) dans la préparation des Jeux Olympiques d'hiver sont souvent cocasses. Il y a bien sûr la difficulté de l'entraînement. Il y a aussi, dans un premier temps, les efforts déployés pour masquer leur projet. Il y a encore la participation aux épreuves de coupe du monde et (enfin) la rencontre avec l'Algérie réelle (le pays d'origine du père du héros, pour lequel il va tenter de concourir). L'une des séquences balance quelques "piques" bienvenues sur la bureaucratie et la corruption du régime boutéflikien.

   Cela nous amène au "sous-texte" de l'intrigue : le fait d'être à cheval sur deux mondes, le français urbain et l'algérien rural. Pour le père (formidablement joué par un inconnu, Bouchakor Chakor Djaltia), c'est le pays des racines qui prime, même si la famille passe avant tout. Il a rallié son épouse française (Hélène Vincent, impeccable) à ses vues. Par contre, ses deux enfants, le garçon comme la fille, se sentent français et regardent les projets de leur père comme de dangereuses lubies. Un séjour "au pays" va débloquer pas mal de choses.

   Et la pratique du ski dans tout ça ? Elle fait l'objet de plusieurs scènes. Il faut reconnaître que voir de grands gaillards en costumes moulants glisser plus ou moins habilement sur de la neige n'est pas des plus passionnants. Mais, derrière, il y a l'enjeu de la qualification pour les Jeux et celui de la notoriété d'une entreprise au bord du gouffre. C'est une belle histoire, moins hilarante que celle de La Vache, mais plus ancrée dans la réalité.

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jeudi, 31 mars 2016

The Assassin

   Je pense que l'on peut aborder ce film de deux manières extrêmement différentes : soit, de crainte de n'y rien comprendre, on se renseigne un maximum avant la séance, et, durant celle-ci, l'on s'efforce de suivre attentivement les méandres de l'intrigue politique, soit on décide de ne pas chercher à tout comprendre et l'on se laisse porter par la mise en scène et l'interprétation.

   Il est vrai que cette histoire de rébellion n'est pas présentée de manière limpide. Il en est de même du versant sentimental, jusqu'à ce qu'une scène d'exposition un peu plan-plan ne vienne éclaircir la lanterne des spectateurs lambdas... au bout de trois quarts d'heure. S'ajoutent à cela une crise de couple, sur fond d'intrigues de cour... et diverses péripéties pas toujours compréhensibles. Comme, de surcroît, plusieurs personnages (féminins et masculins) se ressemblent physiquement, vous réalisez quel peut être le désarroi des spectateurs un peu mous du bulbe (ou tout simplement fatigués par une journée de boulot).

   Malgré ce refus de la simplicité de Hou Hsiao Hsien, il reste les images magnifiques, les plans brillamment construits, certains mouvements de caméras comme d'acteurs étant orchestrés avec brio, en particulier lors des affrontements au sabre et au poignard.

   Il faut souligner le talent de ces acteurs, sans doute formés au théâtre, en particulier Shu Qi, sorte de samouraï chinoise vouée à la solitude et à la mélancolie... mais combattante redoutable qui, malgré son tout petit couteau, met leur race à toute une floppée de mâles un peu trop fiers de leurs grands sabres dressés....

   Au-delà du plaisir que l'on éprouve à visionner cette oeuvre contemplative, il y a l'intérêt de pouvoir suivre plusieurs grilles de lecture. Au premier degré, ce n'est que la mise en images d'un drame historique. En réalité, c'est bien plus que cela. Je regrette quand même le rythme un peu trop lent.

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dimanche, 27 mars 2016

Médecin de campagne

   Avec l'instituteur laïc, le facteur à vélo, le pompier volontaire et l'employé d'EDF, le médecin de campagne fait partie de la mythologie républicaine française. Thomas Lilti, auquel on doit notamment Hippocrate, rend hommage à cette espèce en voie de disparition, en s'appuyant sur l'excellent François Cluzet, épaulé par Marianne Denicourt et une brochette de seconds rôles plus vrais que nature.

   Le cinéaste, qui a une formation médicale, a visiblement tenu à ce que les scènes d'auscultation soient irréprochables sur le plan du réalisme. Je pense donc ne pas être le seul spectateur à avoir revécu par écran interposé des moments passés dans un cabinet (ou à domicile) comme patient ou en compagnie d'un-e proche.

   C'est filmé avec une empathie évidente, une bienveillance qui débouche sur des instants d'humour ou d'émotion, sans voyeurisme aucun. Par contraste, les scènes d'extérieur procurent parfois d'appréciables bouffées d'oxygène, avec ces vues de la campagne normando-francilienne.

   Le scénario est de plus riche des thématiques abordées. Il y a bien sûr la désertification rurale, avec la disparition progressive des services privés et publics de base. Les habitants de ce bout de France abandonnée sont très dignes, bien que pas trop photogéniques. On y est un peu plus gros que la moyenne, un peu moins riche, un peu moins diplômé... un peu plus vieux aussi.

   C'est donc aussi un portrait social d'une France d'en-bas, celle de petits Blancs ruraux qui cachent leurs problèmes et vivotent à côté du monde moderne qui brille de mille feux. Habilement, le film pose aussi la question de la place des femmes dans cet univers. Les mentalités sont encore très patriarcales... même chez les jeunes. Il n'est donc a priori pas facile pour une doctoresse de s'imposer, surtout quand celui qu'elle supplée est un modèle de dévouement à ses paroissiens patients. Marianne Denicourt est formidable dans le rôle de cette ancienne infirmière citadine, un peu abîmée par la vie (et la chirurgie esthétique...), qui tente de refaire sa vie dans ce coin de l'Hexagone où l'animation du siècle est une soirée country, un peu à l'image de celle que l'on a pu voir dans Les Cowboys.

   Et puis il y a ce médecin exemplaire, nouvelle incarnation du cordonnier mal chaussé, puisqu'il découvre qu'il est atteint d'une tumeur cérébrale. Evidemment, il va vouloir le cacher à son entourage. Evidemment, il va être aidé un peu malgré lui. Evidemment, la relation au départ tendue avec sa remplaçante va progressivement s'adoucir. Mais cela ne va pas se faire sans mal.

   Entre ces deux points, on aura suivi les missionnaires médicaux dans leurs aventures quotidiennes et d'autres, plus exceptionnelles. Cela donne un "beau" film, plein d'humanité. Si l'humour domine dans la première partie, l'émotion l'emporte dans la seconde. Certains trouveront peut-être cela "cucul-la-praline", mais, moi, j'ai marché.

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vendredi, 25 mars 2016

Je ne suis pas un salaud

   Emmanuel Finkiel est un réalisateur un peu à la marge du monde du cinéma. Il ne cherche pas à tourner à tout prix et aborde des sujets d'une grande diversité. Je l'avais découvert en 1999 avec l'étonnant Voyages. Dans Je ne suis pas un salaud, il se place dans la continuité du "film français soci(ét)al", qui a repris de la vigueur l'an dernier, avec des oeuvres comme La Loi du marché, Jamais de la vie ou encore Fatima. En remontant un peu plus dans le temps, on tomberait sur Le Couperet (de Costa-Gavras), De bon matin (avec Jean-Pierre Darroussin) ainsi que certains des films de Laurent Cantet, Ressources humaines et L'Emploi du temps.

   C'est dire qu'il n'est pas facile d'innover dans ce genre. Finkiel y parvient, d'abord parce qu'il a un sujet, inspiré d'une histoire vraie (qu'il a retouchée dans un sens que je me garderai de révéler). L'intrigue est servie par une brochette d'acteurs au poil, les seconds comme les premiers rôles. On ne peut pas ne pas souligner la performance des deux principaux interprètes, Mélanie Thierry et Nicolas Duvauchelle. Ils se sont glissés avec une facilité déconcertante dans la peau de deux "petits Blancs", que nombre de spectateurs ont déjà dû croiser dans la vraie vie.

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   Eddie est un trentenaire au chômage. Il voudrait travailler dans la vente mais, franchement, il n'a pas trop le sens du contact. De plus, en dépit d'un physique plutôt avenant (sur lequel il a dû beaucoup se reposer dans sa jeunesse), il présente plutôt mal... et, au moins à une reprise, on sent que les nombreux tatouages qu'il porte le desservent dans sa quête d'emploi valorisant. Ajoutez à cela un penchant assez prononcé pour l'alcool et, vu de l'extérieur, pas grand monde ne s'étonnera de sa situation précaire. Pourtant, lui voit les choses d'une tout autre manière. Il se sent victime d'injustices.

   Il a quand même conscience d'avoir un peu "merdé" avec son épouse, qui s'est séparée de lui. Karine est une mère célibataire comme on en rencontre au détour d'une grande surface. Elle exerce un métier  qui n'a pas nécessité de longues études, mais elle est sérieuse, motivée, agréable avec la clientèle. Elle a de l'avenir dans sa boîte... et même plus qu'elle ne l'imagine, puisque son patron éprouve sans doute plus que de l'estime pour elle.

   L'agression dont est victime Eddie va changer sa vie. C'est d'abord une soirée qui se termine mal, avec la "rencontre" d'une bande de délinquants issus d'une cité voisine. Au réveil, à l'hôpital, le "héros" constate qu'on le traite avec douceur et respect, chose qui ne lui arrivait plus dans la vie quotidienne. Il va considérer cette agression comme sa bouée de secours, un tremplin pour récupérer son épouse, un travail régulier et peut-être des dommages et intérêts. Mais, pour cela, encore faudrait-il que ses agresseurs soient retrouvés et condamnés.

   L'intrigue bascule en même temps que la vie d'un autre jeune homme est chamboulée. Ahmed est sur le point de se mettre en ménage avec sa charmante copine. Bien qu'issu d'un quartier difficile, il a réussi sur le plan professionnel et décroché un CDI. Il est même montré en exemple à d'autres... et c'est lui qu'Eddie désigne comme étant l'un de ses principaux agresseurs.

   Nous voici donc partis pour plus d'une heure de tension. On a mal pour ces personnages qui gâchent parfois bêtement leur vie... et l'on se demande comment tout cela va se terminer. Notons que la musique se marie parfaitement aux images. Elle est l'oeuvre d'une artiste que je ne connaissais pas : Chloé.

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mercredi, 23 mars 2016

Seul contre tous

   Le "rêve américain" est au coeur de cette histoire vraie, celle d'un médecin nigérian émigré aux Etats-Unis, amoureux de sa seconde patrie, d'une indécrottable conscience professionnelle, et dont le travail va contribuer à dévoiler certains aspects peu reluisants du sport-spectacle d'outre-Atlantique.

   Le scénario entremêle habilement les intrigues. On suit avec plaisir ce médecin africain tiré à quatre épingles, qui parle aux cadavres qu'il autopsie (comme Ducky dans NCIS) et écoute de la musique noire grand public pendant qu'il charcute méticuleusement ses "clients". Du côté de sa vie privée, on sent que c'est le calme plat... jusqu'à ce qu'une ravissante immigrée kényane ne surgisse à la sortie d'une église.

   Mais le coeur de l'histoire est constitué par sa découverte progressive des ravages provoqués par la pratique intensive du football américain. On les voit d'ailleurs dès le début, à travers le personnage de l'ancienne gloire des stades Mike Webster, un géant au crâne et aux doigts déformés, prématurément vieilli. Dans le rôle, David Morse est sensationnel. On peut en dire autant des acteurs qui incarnent les autres éclopés de la vie que sont les anciens joueurs vedettes. Quant à Will Smith, il assure, étonnamment sobre.

   Commence alors une lutte du pot de terre contre le pot de fer. C'est l'occasion pour le héros de vérifier quels sont ses vrais amis. On prend aussi conscience du pouvoir économique de la Ligue de football américain. Le film invite les spectateurs à se demander qui est authentiquement américain : les défenseurs de ce sport identitaire (et, n'ayons pas peur de le dire, sans intérêt) ou l'étranger insensible à la beauté du spectacle qui dénonce le non-respect des valeurs fondamentales.

   C'est globalement assez prenant. Mais la réalisation est d'un classicisme limite ennuyeux. Toutefois, par instants, une scène tranche par son intensité dramatique (avec les anciens joueurs) ou, plus rarement,  par son inventivité formelle (pour démontrer les effets des chocs subis pendant les matchs).

 

ATTENTION : LA SUITE DEVOILE LA FIN DE L'HISTOIRE

 

   Si le docteur Omalu finit par faire reconnaître la validité de son diagnostic, le milieu sportif échappe à la remise en cause qui pourtant semblait s'imposer. Ainsi, Seul contre tous ne suit pas la trame convenue du combat douloureux qui s'achève par le triomphe du héros. Le football américain reste un sport ultra-violent, qui détruit à long terme la santé de ceux qui le pratiquent à haute dose.

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samedi, 19 mars 2016

10 Cloverfield Lane

   C'est à cette adresse que va se dérouler une grande partie de l'histoire qui nous est contée. C'est à la fois un huis-clos, un thriller et (peut-être) une œuvre de science-fiction. Le mystère plane longtemps sur la réalité d'une attaque nucléaire ou d'une invasion extra-terrestre. On se demande aussi à quel point l'ancien militaire (incarné à la perfection par John Goodman) est givré, altruiste ou dangereux. C'est le grand talent de ce film que de ne pas se limiter à un genre cinématographique, laissant les spectateurs dans l'expectative.

   C'est d'abord un film de dialogues (parfois drôles), même si, à plusieurs reprises, ceux-ci sont absents de moments clés de l'intrigue. C'est donc un film d'acteurs, qui repose principalement sur les performances de John Goodman et de Mary Elizabeth Winstead, une illustre inconnue allez-vous me dire... sauf si vous avez vu Die Hard 4, dans lequel elle joue la fille rebelle de cette tête de lard de John McLane.

   Son personnage connaît d'ailleurs une évolution intéressante. Au départ, on nous présente Michelle comme une jeune femme fragile puis une victime. Petit à petit, elle va prendre de l'assurance, ses talents de styliste-couturière se révélant fort utiles à l'occasion. La dernière partie de l'histoire la voit passer un stade supplémentaire, que je me garderai de révéler.

   Le huis-clos, au fond du bunker, est parfaitement maîtrisé. Chapeau aux décorateurs ! La musique (parfois un peu trop présente) souligne les moments de tension, voire les suggère, se superposant aux dialogues. Le montage associe habilement les épisodes violents aux périodes de calme relatif, au cours desquelles il se passe pourtant tellement de choses...

   Mine de rien, on est pris par cette intrigue inhabituelle et, de temps à autre, on sursaute un peu. C'est un bon film de genre, pas trop long, idéal pour se changer les idées.

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jeudi, 17 mars 2016

Triple 9

   Prenez un scénario retors. Ajoutez de très bons acteurs-vedettes, suppléés par des seconds rôles chevronnés. Lardez de rebondissements. Aspergez d'un peu de sang. Assaisonnez d'une musique oppressante. Mélangez le tout. Secouez bien fort... et vous obtenez un excellent divertissement de soirée (pour adultes).

   Kate Winslet est presque méconnaissable en marraine du milieu russo-israélien, tout comme Chiwetel Ejiofor (qui a pris un petit coup de vieux depuis 12 Years a Slave). Casey Affleck fait oublier certaines prestations médiocres (comme dans le récent The Finest Hours)... même si j'ai souvent eu l'envie de lui claquer le beignet tant son personnage m'énervait à force de mâcher du chewing-gum. Quant à Woody Harrelson... il fait du Woody Harrelson... et il le fait bigrement bien.

   Côté action, on est servi. Cela commence par un hold-up dont on apprécie le caractère millimétré, avant qu'un petit détail ne vienne enrayer une machine au départ parfaitement huilée. C'est une mise en abyme, puisque l'intrigue est à l'image de cette péripétie : des individus opiniâtres et très bien organisés croient pouvoir tromper leur petit monde et arriver à leurs fins... Presque tous vont se faire rattraper par le destin.

    En attendant ces moments salvateurs, on suit avec intensité la police d'Atlanta de Los Angeles batailler contre les gangs, dans ce qui ressemble à une véritable guerre urbaine. J'ai été particulièrement marqué par l'intervention des flics dans un quartier interlope, où ils ne savent pas qu'un traquenard a été tendu à l'un d'entre eux. C'est de surcroît excellemment bien filmé.

   Et comme le scénario est hyper malin, j'ai été emballé. C'est l'une des bonnes surprises de cette fin d'hiver, comme l'ont été naguère Sicario et Equalizer.

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mercredi, 16 mars 2016

Saint Amour

   On m'avait déconseillé cette nouvelle œuvre du duo Delépine-Kervern... eh ben j'y suis zallé quand même ! J'ai gardé de bons souvenirs de Louise Michel, Mammuth et Le Grand Soir, même si ces films ne sont pas sans imperfection. On est un peu dans la même problématique ici, sauf qu'à la revendication sociale a succédé la recherche du bonheur, à travers la dégustation de pinard... et la baise.

   L'action démarre au Salon de l'agriculture, où l'on a sans doute tourné en prise directe, sans même avertir les visiteurs. Cette séquence inaugurale permet à ceux qui en doutaient d'être convaincus que Benoît Poelvoorde est l'un des plus grands acteurs de sa génération. Ici, il incarne un vieux garçon, fils unique d'un agriculteur veuf inconsolable (plus ou moins bien joué par Depardieu) et amateur de liquides fermentés. Les allées du Salon deviennent le théâtre d'une cuite mémorable, d'où le personnage de Bruno ne sort pas grandi. Mais Poelvoorde est aussi bon dans le pathétique que dans la gouaille. On sent que, par son engagement, il force un Depardieu un peu stoïque à rentrer dans le jeu.

   La suite est un pèlerinage œnologique à travers la France, en compagnie d'un chauffeur auto-entrepreneur limite tête-à-claques, très bien interprété par Vincent Lacoste. En chemin, l'improbable trio va faire d'étonnantes rencontres. Cela commence par une nuit chez l'habitant, que je ne peux pas raconter intégralement ici. Sachez que les héros sont reçus par le propriétaire, joué par un Michel Houellebecq plus dépressif que jamais... et un brin inquiétant ! C'est révélateur du style des réalisateurs : les saynètes sont construites de manière à nous emmener dans une direction, avant qu'une chute inattendue n'en change le sens.

   Cela se vérifie dans la séquence de la serveuse (pas la plus réussie toutefois) mais surtout celle de l'agence immobilière (avec Ovidie), qui commence de manière pitoyable pour Bruno/Poelvoorde, avant qu'elle ne prenne un tour invraisemblable... l'explication finale étant assez tordante.

   Les moments les plus poétiques sont peut-être ceux qui mettent en scène Depardieu et une veuve pas farouche (Andréa Ferréol épatante), qu'il rencontre à l'occasion d'un petit-déjeuner volé. Même le personnage du jeune chauffeur nous réserve quelques surprises, bien servi par un scénario qui sort des sentiers battus. L'apothéose est atteinte chez une étrange cavalière, qui se prend d'affection pour le trio de pieds-nickelés.

   Par contre, je regrette la mièvrerie de la fin. Il me semble avoir lu quelque part que les auteurs ont dû changer la conclusion de leur histoire (qui s'achevait au départ sur un suicide). Ils ont visiblement peiné à la réécrire. Mais l'ensemble mérite incontestablement le détour.

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samedi, 12 mars 2016

Les Innocentes

   Anne Fontaine est une réalisatrice au style particulier. Je l'avais découverte dans les années 1990, avec l'étonnant Augustin (sur un jeune homme quasi autiste). Dix ans plus tard, j'avais pu constater que son talent s'était affiné avec Entre ses mains (avec Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde). Dans Les Innocentes, elle s'attaque à un sujet délicat (et méconnu) : le viol de religieuses polonaises par les soldats de l'Armée rouge, à la fin de la Seconde guerre mondiale... et les conséquences.

   Cette coproduction franco-polonaise repose sur d'excellentes actrices (surtout polonaises). Celles qui incarnent les nonnes, enceintes ou pas, sont vraiment criantes de vérité. Elles font croire à leur personnage et elles nous font toucher du doigt le dilemme de ces jeunes femmes, vouées pour la plupart à la virginité et qui, non seulement ont perdu celle-ci, mais se retrouvent mères. Impressionnantes sont les scènes d'accouchement, dans lesquelles s'illustre aussi Lou de Laâge, la soignante française athée et sans doute communiste qui va se prendre d'affection pour ces incarnations d'une société conservatrice.

   Par contre, j'ai été moins convaincu par la prestation de Vincent Macaigne, pas totalement crédible en médecin juif revenu de tout. Ce personnage a au moins le mérite d'introduire un peu de rugosité dans une intrigue qui serait sinon un peu trop prévisible. On n'a pas cherché à en faire une victime, alors qu'il a perdu presque toute sa famille dans le génocide, et l'on découvre peu à peu que derrière le mec cynique se cache un homme sensible, capable d'altruisme.

   Les moments les plus forts n'en restent pas moins ceux tournés dans le couvent, un lieu éminemment cinématographique, dont la réalisatrice a su tirer pleinement parti. Dans la réalité, l'Eglise polonaise n'ayant pas autorisé le tournage dans un véritable couvent, c'est un monastère désaffecté qui a servi de cadre à cette histoire. (Les bénédictines polonaises ont d'ailleurs mal accueilli la sortie du film.) Par la rigueur de son cadrage et l'intensité qui se dégage de certaines scènes, Les Innocentes n'est pas sans rappeler Ida, l'un des éblouissements de l'année 2014 (et Oscar mérité du meilleur film étranger en 2015).

   Le résultat est une oeuvre poignante, faite d'amour et de rage, dans laquelle l'aspect documentaire finit par passer au second plan. On est captivé par cette aventure de femmes, jeunes et moins jeunes, polonaises et françaises.

   P.S.

   Les Polonaises ne sont pas les seules à avoir subi des viols massifs à cette époque. Les Allemandes en ont été tout autant victimes (par les soldats de l'Armée rouge). Sur le front Ouest, les GI n'ont pas été irréprochables non plus, même si, de ce côté, les crimes n'ont pas eu un aspect aussi systématique que dans les territoires "libérés" par les troupes soviétiques.

10:35 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 11 mars 2016

Les Premiers, les Derniers

   Je me suis décidé à voir le film de Bouli Lanners, un réalisateur qui ne m'emballe pas particulièrement (je le préfère en acteur), notamment en raison de la présence d'Albert Dupontel au générique. Il est indéniablement l'une des attractions de cette fiction décalée, tournée dans le plat pays de la région Centre.

   Fort heureusement, d'autres très bons comédiens viennent compléter la distribution. Serge Riaboukine et Lionel Abelanski incarnent avec fougue les petits chefs d'une sorte de tribu rurale, tandis que Max von Sydow et Michael Lonsdale donnent une saveur particulière à l'activité de croque-mort et au logement chez l'habitant.

   Je signale aussi la qualité des personnages féminins, deux en particulier, incarnés par Suzanne Clément et surtout Aurore Broutin, excellente en jeune femme fragile, un peu attardée.

   L'intrigue est celle d'un polar. C'est évidemment un prétexte à péripéties plus ou moins improbables, du vol d'un téléphone portable haut-de-gamme à la découverte d'un cadavre momifié, en passant par la description de la solitude des temps modernes. Le scénario rend hommage à des "gens de peu", SDF, femmes de ménage, artisans, alors que nombre de films mettent en exergue des bourgeois bien installés, dont les affres existentielles sont censées nous faire vibrer au tréfonds de notre âme. C'est l'une des manières de comprendre le titre, inspiré de la fin du chapitre 19 de l'Evangile de Matthieu. On n'est donc pas très surpris de voir débarquer un dénommé Jésus (Philippe Rebbot), un Messie pas trop dans le moule : s'il possède bien des stigmates, il n'hésite pas à se servir d'un pistolet !

   Cela donne une oeuvre très personnelle, vraiment belle sur le plan formel, un peu triste au fond.

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jeudi, 03 mars 2016

Georges Rouquier sur France Inter

   Aujourd'hui, sur la radio publique, l'émission La Marche de l'histoire a rendu hommage au cinéaste héraulto-aveyronnais, notamment à travers ses oeuvres les plus connues, Farrebique et Biquefarre. Rouquier fut peut-être l'inventeur du documentaire-fiction, un genre qui ne connut pas le succès immédiat, mais qui était appelé à un grand avenir.

   L'émission a le mérite de revenir sur la vie d'un homme intègre, habité par son art, mais qui n'avait pas oublié ses racines paysannes. Rappelons que le mythique Farrebique fut tourné sur plus d'un an chez les cousins aveyronnais du réalisateur. D'abord exclu de la sélection du premier festival de cinéma de Cannes, en 1946, il a été projeté hors compétition et, devant la qualité de l'oeuvre, récompensé d'un prix créé pour l'occasion.

   L'animateur Jean Lebrun n'est pas qu'historien. Journaliste, il a jadis couvert la sortie du deuxième opus, Biquefarre. Il apporte son témoignage dans la suite de l'émission qu'il présente. Il semble toutefois hésiter quant à la prononciation du nom de la commune où se trouve la ferme (Goutrens) : on entend tantôt "Goutrince", tantôt "Goutrence". (C'est évidemment la première qu'il faut choisir.)

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   Son invité est l'universitaire Dominique Auzel auteur d'un chouette livre sur le cinéaste, publié aux éditions du Rouergue :

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   Ceux qui se sont déjà intéressés à la vie et à l'oeuvre de Georges Rouquier n'apprendront pas grand chose de l'émission. Pour les autres, elle sera peut-être l'occasion de découvrir des films remarquables. Les anecdotes  (aussi bien celles de Lebrun que celles d'Auzel) donnent de la couleur aux propos. J'en profite pour rectifier une erreur de Dominique Auziel : lors de la première projection de Farrebique à l'opéra de Paris, en 1947, le président du Conseil de l'époque était présent... et pour cause, puisqu'il s'agissait de Paul Ramadier (et non pas Georges), longtemps député de l'Aveyron et maire de Decazeville.

   P.S.

   Sur la commune de Goutrens a été construit un musée qui permet de mieux connaître l'oeuvre du cinéaste.

dimanche, 28 février 2016

Le Garçon et la bête

   Trois ans et demi après Les Enfants Loups, Mamoru Hosoda revient avec un film d'animation qui puise dans la tradition japonaise. Ainsi, le garçon en question (que l'on voit grandir au cours de l'histoire) va devenir l'apprenti d'un ours-samouraï. Dans les scènes de combat, on perçoit nettement l'influence de l'univers du sumo et, lorsqu'un personnage quasi divin apparaît, c'est le fond bouddho-shintoïste des croyances qui est mis à contribution. L'histoire est aussi connectée au monde actuel, à travers un quartier du Tokyo d'aujourd'hui, celui dans lequel a d'abord vécu Ren (bientôt renommé Kyuta).

   De prime abord, on serait tenté de penser que la bipartition de l'intrigue suit un schéma binaire : monde réel / monde fictif, monde civilisé / monde sauvage ou monde de la raison / monde de l'imagination. C'est beaucoup plus subtil que cela, en réalité. Le monde moderne, celui des humains, est parfois d'une grande dureté avec les individus : le garçon a perdu sa mère et sa famille le coupe de son père ; il est aussi question de harcèlement à l'école. Toutefois, c'est dans ce monde que l'adolescent va pouvoir se construire un avenir.

   Dans l'autre monde ne vivent que des animaux, tous bipèdes, qui ont renoncé à dégainer le sabre et s'efforcent de vaincre leurs mauvais penchants. Le pouvoir suprême, perçu comme bienveillant, est l'enjeu d'un combat lorsque le titulaire sent qu'il est temps qu'il laisse la place. Le futur maître du garçon, ours irascible et solitaire, ambitionne de remporter ce combat. Face à lui risque de se dresser un adversaire modèle, pondéré et apprécié, qui a lui fondé une famille. Il y a donc tout un contexte sociétal à cette partie de l'intrigue.

   Mais c'est d'abord une bonne comédie, où l'on retrouve le ton de certains mangas destinés à la jeunesse. On note la présence d'un petit animal domestique, une boule de poils qui s'attache à Ren/Kyuta et trouve refuge dans son abondante chevelure ! Mais la principale source de gags est la cohabitation du jeune apprenti humain et du maître grincheux. Dans la version française, les dialogues ne sont pas "politiquement corrects". Les deux personnages jurent copieusement et même s'insultent... pour le plus grand plaisir des enfants présents dans la salle.

   Evidemment, une relation forte va se nouer entre le maître et l'élève. Le premier se lasse peut-être de sa vie de marginal, alors que le second est en quête d'une figure paternelle. L'intrigue est de ce point de vue assez originale, puisqu'elle dépasse le traditionnel rapport maître/élève : le second va aussi apprendre beaucoup au premier, signe que les adultes devraient de temps en temps écouter un peu ce que les jeunes ont à leur dire.

   La dernière demi-heure voit l'histoire basculer dans un fantastique plus convenu, très réussi sur le plan visuel (avec l'intervention d'une baleine !). On sent que l'auteur s'est évertué à concilier la violence (plus présente dans cette partie) et des aspects plus rassurants pour le jeune public.

   Cela donne une oeuvre originale, visible par les grands et les (pas trop) petits.

15:14 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 27 février 2016

The Revenant

   Quand on apprend que ce film ne devait (à l'origine) pas être réalisé par Inarritu et que ni DiCaprio ni Tom Hardy n'étaient prévus dans la distribution de départ, on se dit que le destin joue quand même de drôles de tours au monde du cinéma ! Parce que, autant le dire tout de suite, l'association des trois (et de tout le reste) donne une oeuvre magistrale.

   Commençons par la réalisation. L'an dernier, Inarritu en avait fait des tonnes avec Birdman, un très bon film au demeurant... mais surtout grâce à ses interprètes. Ici, la mise en scène est au service d'une histoire diablement forte. Cela commence par l'attaque du campement de trappeurs par des Amérindiens, dont une partie a été tournée en plan-séquence. Cela donne le ton de l'histoire, émaillée d'ultra-violence, mais sertie dans un magnifique écrin visuel.

   On continue peu après avec l'attaque de l'ourse (c'est sans doute une mère), qui mêle images réelles et retouches numériques, pour un rendu hyper réaliste. Quand on se prend ça en pleine face, dans la grande salle du cinéma de Rodez, on se fait tout petit dans son siège. (C'est -en partie- filmé en caméra subjective.) Ceci dit, on est quand même prié de croire à l'impossible, à savoir que le héros a survécu à ce déchaînement de fureur plantigrade... mais sans cela, il n'y aurait pas de film.

   C'est seulement à partir de ce moment-là que DiCaprio montre son savoir-faire. Pendant plus d'une heure, il ne va pratiquement pas dire un mot, d'abord parce qu'il ne peut quasiment rien articuler, ensuite parce qu'il ne croise personne (ou presque) avec qui causer. Le coeur de l'intrigue est la survie puis le rétablissement d'Hugh Glass, qui va ensuite chercher à venger l'assassinat de son fils, tout comme, des années auparavant, il avait vengé celui de sa compagne indienne. Le fond est donc très noir, puisque les Blancs (américains comme français) tuent les Indiens, les Indiens tuent les Blancs... mais les Blancs s'entretuent aussi volontiers, tout comme les "Peaux-rouges", les Pawnees et les Sioux ne s'entendant pas très bien.

   DiCaprio impressionne donc dans un jeu quasiment sans dialogue. Il grogne, souffle, gémit, mais surtout il bouge, guette, fuit, comme une bête sauvage, d'abord traqué... bientôt traqueur. Je trouve que la qualité de son jeu retombe dès qu'il a du texte à dire. Par contre, il est un autre acteur qu'on entend beaucoup et qui s'en sort remarquablement bien : Tom Hardy. Celui-ci EST John Fitzgerald, un type brut de décoffrage, hyper individualiste, dont on sent bien qu'il n'a pas été gâté par la vie... et qui n'a presque aucun scrupule. Les scénaristes ont toutefois évité d'en faire un salaud intégral ; ils laissent sa chance à leur personnage... d'autant plus qu'il est incarné par quelqu'un qui, à mon avis, vole parfois la vedette à la star DiCaprio.

   A l'arrière-plan, on distingue les Amérindiens et leurs coutumes. Elles donnent une épaisseur supplémentaire à l'intrigue. On les perçoit aussi à travers les yeux de Glass, qui en a assimilé certaines. L'une des plus belles séquences le voit rencontrer un Indien solitaire, qui va définitivement le requinquer. De manière générale, on remarque que les personnages qui savent vivre en harmonie avec la nature sont ceux qu'Inarritu valorise le plus. Celle-ci est de surcroît magnifiée à l'écran. Quand on pense que les scènes d'extérieur n'ont été tournées qu'en lumière naturelle, c'est épatant !

   C'est donc un film à voir, en sachant qu'il est émaillé de scènes d'une grande violence.

23:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 26 février 2016

Anomalisa

   Le titre est le surnom donné à l'un des personnages féminins, au départ prénommé Lisa. Le film narre sa rencontre avec le héros, un quinquagénaire dépressif, et le début d'histoire d'amour qui va se nouer entre eux.

   La particularité de ce long-métrage est d'avoir été tourné en stop-motion, avec des poupées, dont certaines "coutures" sont visibles à l'écran, au niveau des visages. Cette technique réclame une patience et une minutie extrêmes, mais elle permet de faire faire n'importe quoi à ses personnages. On nous montre donc intégralement une scène de sexe. On a aussi pu introduire (rien à voir avec ce qui précède...) des éléments fantastiques dans l'intrigue : comme on nous présente essentiellement la vision du héros Michael Stone, on perçoit ses délires et ses cauchemars. D'ailleurs, une ambiguïté demeure quant à l'interprétation de certaines scènes : dans quelle mesure Michael n'a-t-il pas imaginé une partie de ce qui lui est arrivé ?

   Le fond de l'histoire est triste. Le héros est paradoxal : marié à une femme belle et intelligente, il a du succès dans son activité professionnelle et possède une chouette maison... mais il est en pleine crise de la cinquantaine, cherchant un sens à sa vie. Du coup, il se traîne et boit de l'alcool fort. (On finit par comprendre qu'il a aussi une grosse envie de niquer.)

   Il croit pouvoir retrouver l'allant de sa jeunesse en contactant l'une de ses ex, qui fut peut-être son grand amour. Pour cela, il profite d'un séminaire professionnel sans intérêt. Le hasard lui fait croiser la route d'une autre personne, d'un premier abord quelconque, mais qui va l'émouvoir.

   Le principal intérêt réside dans l'ambiance créée par la forme de l'animation et l'étrangeté qui entoure certaines scènes (à l'intérieur de l'hôtel), qui devraient pourtant être d'une totale banalité. Signalons que les interprètes principaux (David Thewlis et Jennifer Jason Leigh) sont très bons. Par contre, je ne suis pas parvenu à m'habituer au fait que tous les autres personnages (masculins comme féminins) aient la même voix, celle d'un homme.

   Du coup, je ne suis pas trop rentré dans l'histoire. Le héros ne m'est pas sympathique et je suis resté plutôt hermétique aux petites et grandes névroses des différents personnages. C'est un exercice de style pas inintéressant, mais assez creux, au fond.

22:46 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

jeudi, 25 février 2016

The Finest Hours

   Les distributeurs ne se sont pas foulés pour la sortie de ce film, puisqu'ils lui ont laissé son titre anglais, incompréhensible pour un Français de base. S'ils avaient au moins fait l'effort de le traduire, cela aurait pu donner "Les plus belles heures" ou "Les heures décisives"... ou encore "Le moment de vérité". Il aurait peut-être été plus avisé de choisir "Le sauvetage", simple et explicite.

   Avant de rentrer dans le vif du sujet, on nous impose une loooongue introduction, pour présenter les personnages et leurs relations, en particulier du côté du Massachusetts. Il faut que l'on comprenne à quel point le héros est un gars timide et respectueux du règlement et que la jeune femme qu'il convoite est une beauté qui n'attend qu'un mot de lui. Autour d'eux, le milieu des garde-côtes forme une sorte de famille, avec les rapports parfois tendus que cela implique. C'est un peu caricatural, à l'image du jeu d'Eric Bana, qu'on a connu plus inspiré. Au second degré, on comprend la fascination qu'exercent sur nombre d'Américains les années 1950, quand le pays incarnait le Bien, qu'il y avait le plein-emploi et que l'ordre régnait... enfin, un certain ordre. (Du côté français, cela correspond à la nostalgie de la IIIe République, du temps où l'école remplissait son rôle où la France rayonnait sur le monde.)

   Fort heureusement, on découvre assez vite l'autre versant de l'histoire, sur le pétrolier en mauvais état. Là, l'ambiance change tout de suite. Les décors sont criants de vérité et servis par une réalisation efficace. Je pense notamment à un superbe plan-séquence, qui nous fait découvrir une partie de l'intérieur du bateau. L'équipage est composé d'une brochette de fortes personnalités qui, évidemment, ne s'entendent pas toutes entre elles. L'un des aspects de l'histoire est d'illustrer leurs tensions et le travail collaboratif auquel l'équipage amoindri va finalement se livrer. Cela fonctionne très bien parce que les acteurs sont bons et qu'on a choisi des "trognes". Je mets un bémol au niveau de la prestation de Casey Affleck, qu'on sent moyennement à l'aise... et pas uniquement à cause de son horrible coupe de cheveux.

   Dès que la tempête se déchaîne, la tension monte et, à l'écran, dans une grande salle, c'est vraiment chouette à voir, aussi bien quand le bateau est en un morceau qu'à partir du moment où il est divisé. Depuis Titanic (ou encore, dans une moindre mesure, Poséidon), il est difficile d'innover en matière de naufrage. The Finest Hours réussit néanmoins à surprendre (un peu).

   Les deux versants de l'intrigue vont finir par se rejoindre, puisqu'une petite équipe de garde-côtes (qui a compris qu'il n'y avait pas un mais deux pétroliers en détresse) tente de secourir le demi-bateau en perdition. Là aussi, c'est bien foutu. La coquille de noix des sauveteurs va devoir d'abord franchir un banc de sable rendu extrêmement dangereux par la tempête. Cela donne une séquence éblouissante. Le tout ensuite est de trouver le demi-bateau et de récupérer l'équipage restant. Qui va survivre ? Qui va mourir ? Les paris sont ouverts.

   Même si les dialogues ne sont pas transcendants (dans la version doublée), c'est un bon film de divertissement, qui comporte des scènes d'une grande force visuelle, jusqu'à la fin, lorsqu'une armée de voitures se rapproche d'un rivage noyé dans la nuit, mais qui va soudainement s'éclairer.

   P.S.

   Le début du générique de fin rend hommage aux héros méconnus de cette aventure, qui s'est réellement produite, en 1952. Elle est racontée sur un site historique local. On peut aussi trouver beaucoup de renseignements sur le site internet des garde-côtes américains.

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mercredi, 24 février 2016

Les "Riton" 2015

   La cérémonie des César approche (tout comme celle des Oscar)... et je me suis rendu compte que je n'avais pas dressé mon palmarès cinéphilique de l'année 2015. Il est donc grand temps de réparer cet oubli.

   Dans la catégorie "c'est dans les vieux pots qu'on fait (parfois) les meilleures soupes"

- Riton du péplum qui fait chier les intégristes : Exodus

- Riton du film où les animaux volent la vedette aux humains : Le Dernier Loup

- Riton du film sur des loups humains : Sicario

- Riton du film de gros queutard : Fou d'amour

- Riton du film de bagnoles : Mad Max - Fury Road

- Riton du film de gadgets : Mission impossible 5

- Riton du film de Guerre froide : Agents très spéciaux

 

   Dans la catégorie  "l'Histoire inspire la fiction"

- Riton du film féministe : Les Suffragettes

- Riton du film homophile : Imitation Game

- Riton du film arabophile : Loin des hommes

- Riton du film radioactif : Le Souffle

- Riton du film de couple atomique : L'Odeur de la mandarine

- Riton du film qui nous en apprend encore sur la Seconde guerre mondiale : Invincible

- Riton du film sur l'histoire allemande : Le Labyrinthe du silence

- Riton du film sur les répercussions de la Shoah : La Femme au tableau

- Riton du meilleur film de l'année 2015 : Le Fils de Saul

 

   Dans la catégorie "documentaire"

- Riton du film le plus emballant de l'année : Le Bouton de nacre (je sais, ça me fait deux "films de l'année"... et je ne parle pas de l'impossibilité de dégager un "Top 10")

- Riton du film évoquant un massacre méconnu : The Look of silence

- Riton du documentaire animalier : Au Royaume des singes

- Riton du documentaire de mode : Dior et moi

 

   Dans la catégorie "le Moyen-Orient est une région fascinante"

- Riton du film de toits : Les Terrasses

- Riton du film de toi et moi : Self Made

- Riton du film de citadin : Taxi Téhéran

 

   Dans la catégorie "le cinéma éclaire notre vision de la société"

- Riton du film de migrants : Mediterranea

- Riton du film d'intégration : Fatima

- Riton du film de galère : Bébé Tigre

- Riton du film justicier : Difret

- Riton du film sur les inégalités sociales : Une Seconde Mère

- Riton du film de looser magnifique : Une Belle Fin

- Riton du film mettant en scène l'oppression de l'homme par l'homme : La Loi du marché

 

   Dans la catégorie  "le polar est un genre majeur"

- Riton du polar vaguement optimiste : Jamais de la vie

- Riton du polar anticapitaliste : L'Enquête

- Riton du polar dénonçant une société patriarcale : La Isla minima

- Riton du polar flippant : Maryland

- Riton du polar automobile : Par accident

 

   Dans la catégorie "les (bonnes) comédies rendent la vie meilleure"

- Riton de la comédie qui se paie les grandes surfaces : Discount

- Riton de la comédie rurale : Béliers

- Riton de la comédie familiale : Papa ou maman

- Riton de la comédie anglophile : Connasse !

- Riton de la comédie sardonique : Les Nouveaux Sauvages

- Riton de la comédie de djeunses : Microbe et Gasoil

 

   Dans la catégorie "film d'animation"

- Riton de l'uchronie : Avril et le monde truqué

- Riton de l'animation française : Mune

- Riton de l'animation japonaise : Miss Hokusai

- Riton de l'animation chinoise : Les 108 rois-démons

- Riton de l'animation dinosaurienne : Le Voyage d'Arlo

- Riton de l'animation ovine : Shaun le mouton

- Riton de l'animation roboïde : Les Nouveaux Héros

- Riton de l'animation extraterrestre : En route !

- Riton de l'animation vampirique : Hôtel Transylvanie 2

- Riton de l'animation cérébrale : Vice Versa

 

   Dans la catégorie "film inclassable"

- Riton du film en harmonie avec son époque décadente : Night Call

- Riton du film qui a bien perçu les dangers de la technophilie béate : Ex Machina

- Riton du film sur une époque qui tue : Sea Fog

- Riton du film sur une époque révolue : Birdman

- Riton du film dystopique : The Lobster (ce serait mon troisième "film de l'année"...)

 

   Bilan ? 2015 fut une excellente année cinématographique, marquée par le retour du cinéma français sur les sujets sociétaux et la grande qualité des oeuvres d'animation. Tous les films de cette liste m'ont beaucoup plu. En rouge figurent ceux qui m'ont le plus emballé.

   Vive le cinéma !

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mardi, 23 février 2016

Le Prophète

   Cette animation pour adulte est un hommage au poète libanais Khalil Gibran. Même si son oeuvre a une portée universelle et intemporelle, le contexte historique est présent dans le film : les forces de l'ordre sont vêtues comme à l'époque ottomane, lorsque la Turquie contrôlait tout le Proche-Orient (avant la Première guerre mondiale).

   La trame narrative principale suit un poète beau gosse et populaire, à la fois rebelle et pacifiste, dont la détention est sur le point de s'achever, nous annonce-t-on. Il côtoie une mère célibataire, ravissante, qui fait office de cuisinière et de femme de ménage. Elle a une fille, une gamine incontrôlable, muette depuis la mort de son père. Une relation particulière va s'instaurer entre elle et le poète.

   A partir des propos de celui-ci, des digressions visuelles sont introduites. Elles sont l’œuvre de dessinateurs différents, tous talentueux, dans des styles variés. Ils illustrent tel ou tel passage du recueil de Gibran. Il est successivement question du couple amoureux, de la liberté, du mariage, du travail, de la nourriture et de la boisson... jusqu'à la mort. C'est visuellement souvent brillant, mais le propos n'est pas toujours très limpide. Si j'ai apprécié les considérations sur la liberté et l'amour, j'ai été déçu par le passage sur la nourriture et la boisson (pourtant illustré par Bill Plympton, dont on a pu voir il y a deux ans Les Amants électriques). Je dois reconnaître qu'à certains moments, je n'ai peut-être pas tout compris.

   J'ai aussi été irrité par le duo de personnages féminins, la mère que le scénario cantonne dans la posture de la jolie femme débordée par sa gamine et celle-ci, dont le moindre caprice est traité avec une complaisance excessive. Du coup, même si j'ai été touché par certaines séquences, je suis sorti de là mitigé.

dimanche, 21 février 2016

La Vache

   Au départ, je n'avais pas l'intention d'aller voir ce film. Mais, le bouche-à-oreille étant très bon et les comédies françaises non lourdingues se faisant rares, j'ai pris le risque. L'histoire se déroule en Algérie et en France. (Signalons toutefois que c'est au Maroc que les scènes nord-africaines ont été tournées. C'est peut-être lié au fait qu'il n'est pas dit que du bien du régime d'Abdelaziz Bouteflika... ou tout simplement à l'influence de l'un des coproducteurs du film, l'humoriste Jamel Debbouze, dont la famille est d'origine marocaine.)

   C'est d'abord une excellente comédie sociale, qui tourne en dérision les petits travers d'un village marocain algérien. Cela rappelle certains films d'antan, avec Fernandel ou Raimu, ou encore des comédies italiennes. Cela fonctionne grâce au talent de l'interprète principal, Fatsah Bouyahmed, parfait en idiot têtu. Il partage la vedette avec Jacqueline, une superbe vache de race tarentaise (on dit aussi tarine). Précisons qu'en réalité, ce sont deux vaches qui apparaissent à l'écran, une marocaine et une française.

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   L'humour continue de fonctionner quand le duo de héros débarque en France métropolitaine. On nous prend même un peu par surprise dans la scène avec la police douanière, qui se déroule de manière inattendue. Par la suite, j'ai trouvé très juste la séquence chez une agricultrice veuve, qui héberge temporairement le héros... et qui se prénomme Jacqueline !

   Cela se gâte un peu par la suite. Déjà, à Marseille, j'avais été un peu agacé de retrouver Jamel Debbouze dans son éternelle caricature de mec de banlieue qui a la tchatche. La rencontre, par la suite, du châtelain désargenté (un comte) incarné par Lambert Wilson accumule les clichés. De surcroît, l'acteur français n'est pas très bon. Il aurait fallu lui faire rejouer certaines scènes.

   Mais on est quand même emporté par l'histoire et par la fraîcheur de Fatsah Bouyahmed, qui va devenir le héros d'une soirée karaoké puis se retrouver coincé dans une manifestation de la FNSEA. Par contre, la mise en scène du rôle des réseaux sociaux est très convenue... et assez flatte-con. On n'a visiblement voulu prendre aucun public à rebrousse-poil... si bien que le héros algérien va traverser la France sans jamais se retrouver confronté à aucune marque de racisme. Si, d'un côté, on peut soutenir la volonté d'insister sur ce qui rapproche plutôt que sur ce qui sépare, à la longue, cette forme de "politiquement correct" est un peu lassante, particulièrement dans la séquence du salon de l'agriculture. L'ensemble n'en forme pas moins une comédie divertissante, qui (pour moi) a le mérite de révéler un acteur de talent.

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samedi, 20 février 2016

Zootopie

   Cette utopie animale nous vient de chez Disney, qui a eu recours aux services de deux réalisateurs chevronnés : Rich Moore s'est fait la main sur Les Simpson et Byron Howard s'est fait remarquer naguère avec Princesse Raiponce. Ils ont été épaulés par une petite armée de techniciens et d'animateurs, comme en témoigne le générique de fin. La production a visiblement mis le paquet... et ça se voit à l'écran.

   Le pelage des animaux est rendu avec une qualité qui n'est pas sans rappeler celle de Ratatouille... dont le producteur exécutif est le même : un certain John Lasseter (réalisateur de Cars et de Toy Story). Autre point commun entre ces deux films : le compositeur de la musique d'accompagnement, Michael Giacchino, un habitué des productions Pixar et de J-J Abrams, aussi bien au cinéma qu'à la télévision.

   Mais revenons à nos lapins. Ceux-ci incarnent les Américains moyens. On suit plus particulièrement une famille d'agriculteurs (qui cultivent principalement... des carottes !). Leur fille Judy est leur fierté. C'est une brillante étudiante... mais elle veut intégrer la police ! La première partie de l'histoire est donc un décalque des films qui montrent l'ascension d'un personnage modeste. C'est très drôle parce que la petite lapine va devoir surmonter des épreuves conçues a priori pour des animaux de plus grande taille. Son inadaptation se vérifie jusque dans les toilettes ! Evidemment, à force de courage et d'abnégation, elle va s'en sortir. Je renouvelle mes compliments sur la qualité de l'animation. Cette lapine est magnifique, avec ses grands yeux expressifs, son pelage soyeux, ses oreilles en mouvement... et ses impressionnantes pattes arrière !

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   Mais le plus dur est à venir pour Judy. Celle qui n'a connu que la campagne et les petites villes va découvrir la capitale et ses quartiers aux climats tranchés. Son arrivée est truffée de détails comiques, de clins d'oeil au monde des humains, dont les animaux sont bien entendu des substituts. Cela culmine dans le premier jour de la policière sur le terrain, durant lequel ses grandes oreilles vont se révéler d'une redoutable efficacité !

   L'intrigue bascule avec la rencontre d'un drôle de renard, à la personnalité assez complexe. L'évolution de sa relation avec la lapine constitue le fil rouge de l'histoire, avec l'enquête menée sur la disparition de mammifères et l'agressivité retrouvée de certains d'entre eux. A l'écran, c'est superbe et les péripéties sont menées sur un bon train, soutenu sans être trop rapide.

   Le scénario ménage de nombreux rebondissements et de multiples rencontres. Quelle belle galerie de personnages secondaires ! On a beaucoup parlé des paresseux, qui sont au coeur d'une séquence de guichet hilarante. (On revoit l'un d'entre eux à la toute fin, dans une posture totalement inattendue... mais poilante !) Il ne faudrait pas oublier les loups, au comportement si prévisible, ni les ours polaires, qui servent de gardes du corps à un charismatique chef mafieux que je laisse à chacun le plaisir de découvrir.

   Il y aurait encore beaucoup à dire, tant les scènes sont inventives. C'est vraiment drôle et pas idiot sur le fond. La base de l'intrigue évoque les préjugés et les tensions raciales. Dans la seconde moitié du film, c'est de la gestion de l'insécurité dont il est question. Cette animation est à recommander absolument, aux petits comme aux grands !

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vendredi, 19 février 2016

Ave, César !

   Trois ans après le décevant Inside Llewyn Davis, les frères Coen reviennent avec un film consacré au monde du cinéma. Il fonctionne selon deux principes : l'hommage et le renversement. Commençons par ce dernier, illustré par le personnage principal, Eddie Mannix, un homme de l'ombre chargé de "mettre de l'huile dans les rouages" de la machinerie hollywoodienne. Il est incarné à la perfection par Josh Brolin, vu récemment dans Sicario et Sin City 2. C'est lui qu'on appelle quand on veut éviter la publication des photographies dénudées d'une starlette. C'est lui qui intervient pour trouver un père à l'enfant qu'attend une actrice célèbre... et officiellement célibataire. Il s'occupe aussi de payer la rançon d'une vedette enlevée par des communistes.. et, à l'occasion, il enfume la presse. Vu que sa conscience le travaille, il va quotidiennement se confesser... quitte à agacer le prêtre local.

   Comme ce personnage occupe le premier plan, les acteurs célèbres qui sont venus faire coucou passent au second plan, chacun ayant toutefois droit à son moment de bravoure. On croise ainsi George Clooney dans un péplum d'où la dérision n'est pas absente, Scarlett Johansson peu vêtue dans un film aquatique, Channing Tatum en marin dans une comédie musicale et Ralph Fiennes en réalisateur dépressif. Signalons aussi les performances de Tilda Swinton (qui incarne deux jumelles odieuses) et de Frances McDormand, impayable en projectionniste fumeuse et cravatée. Tous sont brillants et bien épaulés par des seconds rôles au poil.

   L'ensemble forme une mécanique très bien organisée, à laquelle il manque toutefois la folie qui caractérise certaines anciennes œuvres des frères Coen. Le fil rouge de l'intrigue est de surcroît ténu. Il "reste" une série de cartes postales sensationnelles, qui rendent hommage à plusieurs genres cinématographiques.

   Clooney s'illustre donc dans un péplum chrétien, où les mouvements des soldats sont parfaitement dirigés et où l'humour est bon enfant, efficace et sans surprise. Plus inattendu est l'enlèvement de l'acteur par un groupuscule de scénaristes et figurants communistes ! Cela fait basculer l'histoire dans une ambiance de Guerre froide, qui culmine dans une séquence de sous-marin.

   C'est d'ailleurs dans le milieu aquatique que s'illustre Scarlett. Au départ, on pense assister à une scène classique, très glamour. Mais les auteurs se sont amusés à casser l'image de l'une de leurs actrices fétiches. On est certes toujours ébloui par la beauté de la jeune femme... mais quelle surprise lorsqu'on entend celle qui interprète une sirène s'exprimer comme une poissonnière ! C'est peut-être un hommage à Arletty et à un certain cinéma français des années 1940. Sinon, la séquence est éblouissante de virtuosité, avec un ballet nautique rigoureusement exécuté et, à l'écran, une qualité d'image saisissante.

   La chorégraphie est tout aussi maîtrisée dans l'épisode qui fait intervenir des marins en goguette. Leurs mouvements à l'intérieur du bar ont été conçus avec une précision millimétrique. L'habileté des frères Coen est d'introduire une mise en abyme, puisque l'on voit comment la séquence est censée être filmée, sur un plateau en mouvement. Les auteurs se paient aussi le luxe d'ironiser : certains déhanchements de ces jeunes hommes très virils suggèrent que leur intérêt ne se porte pas prioritairement sur les dames...

   Un autre moment de bravoure est constitué par le tournage d'une romance, où le rôle principal a été attribué à un jeune benêt, rendu célèbre par ses cascades dans des westerns. Pendant plusieurs minutes (à l'écran), le réalisateur s'échine à lui faire dire correctement son texte. On n'en voit pas la conclusion tout de suite. Il faut rester vigilant, parce qu'un peu plus tard nous est proposé un extrait du film achevé... et l'on s'aperçoit que le réalisateur a pu contourner la difficulté !

   Vous avez donc compris qu'il s'agit d'un kaléidoscope extrêmement brillant (à savourer de préférence en version originale sous-titrée). Certes, il manque d'unité et il sera peut-être hermétique aux spectateurs qui ne sont pas familiers de l’œuvre des frères Coen. Mais cela demeure un très bon film, largement au-dessus de quantité de bouses qu'on nous a balancées ces dernières semaines.

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