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mercredi, 30 août 2017

Petit Paysan

   Cet agriculteur a repris la ferme de ses parents (restés vivre à proximité) et élève une trentaine de vaches laitières (des Prim'Hostein), en Haute-Marne (entre Paris et la Lorraine). On le suit dans le quotidien du travail de paysan, du soin aux bêtes à la gestion du stock fourrager, en passant par la traite. On assiste aussi à une mise-bas, à laquelle le jeune homme (35 ans) doit faire face seul, un peu comme l'héroïne d'Une Hirondelle a fait le printemps avec ses chèvres.

   La comparaison entre les deux films ne s'arrête pas là. Le cheptel de Pierre va être touché par un mal mystérieux, semblant atteindre les animaux au hasard. Il veut protéger son troupeau, menacé d'un abattage total si la maladie (la fièvre FHD dans le film) est détectée. Cette maladie n'existe pas : elle est un substitut de l'encéphalopathie spongiforme bovine (dont les symptômes sont différents), qui  a frappé l'ancien troupeau de Michel Serrault dans Une Hirondelle.

   Cette fiction a donc un caractère documentaire et elle mêle deux époques : celle des années 1990 (pour la crise de la vache folle) et la nôtre, qui voit un agriculteur recourir à des applications professionnelles sur son ordiphone, un autre utiliser quotidiennement internet et un dispositif pour surveiller à distance ce qu'il se passe dans son étable. L'influence du passé se voit à travers l'exploitation du héros, très modeste. De nos jours, on ne laisserait plus s'installer en élevage conventionnel un jeune agriculteur disposant d'un troupeau de seulement 30 vaches, surtout depuis la fin des quotas laitiers.

   Au fur et à mesure que l'intrigue se déploie, l'aspect documentaire cède la place à une sorte de thriller rural. Pierre (formidable Swann Arlaud, déjà vu dans Michael Kohlhaas, Ni le ciel ni la terre et plus récemment Une Vie) va se murer dans le mensonge et le déni. Il veut s'en sortir tout seul, ne comptant à la rigueur que sur l'appui de sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau, très bien). Sans rien révéler, je peux dire que cela va le mener assez loin, à tel point que jusqu'à la fin, on se demande comment le réalisateur va conclure son récit.

   C'est très prenant, très fort, très noir aussi, avec d'excellents interprètes. Outre ceux que j'ai déjà cités, on peut mentionner Isabelle Candelier (la mère), Bouli Lanners (le paysan belge complotiste), Marc Barbé (le responsable DSV) ou encore India Hair en boulangère qui en pince pour le jeune paysan. (On peut la voir occuper un rôle plus important dans Crash Test Aglaé.)

   C'est de surcroît bien filmé, avec une attention toute particulière portée aux vaches (et au veau, qui devient l'animal de compagnie du héros). Dans ma jeunesse, chez mes grands-parents, j'ai côtoyé ce genre de bêtes, dont on a fait des "pisseuses de lait". (J'ai encore des souvenirs des moments où j'allais nourrir les veaux avec ma grand-mère.) Je crois qu'elles n'ont jamais été aussi bien filmées. C'est aussi un hommage au travail du paysan, un besogneux qui aime ses bêtes... peut-être plus que tout.

samedi, 26 août 2017

Les Proies

   Opération casse-gueule pour Sofia Coppola (réalisatrice un peu surestimée chez nous) : proposer une nouvelle traduction cinématographique du roman jadis adapté par Don Siegel avec Clint Eastwood. L'idée est de montrer l'histoire du point de vue des femmes, le virilissime Clint étant remplacé par le métrosexuel Colin Farrell.

   Celui-ci remplit bien son office : il incarne (au départ) l'objet du désir (ou de la curiosité) des personnages féminins. La première à "s'occuper" de lui est la directrice du pensionnat, interprétée par Nicole Kidman (très bien dans le rôle, même si ses "retouches" esthétiques lui donnent parfois un aspect spectral). La scène de la toilette est emblématique du désir que le corps du jeune homme suscite chez cette femme mûre, qui ressent à nouveau des émois qu'elle croyait disparus. Mais elle sait garder le contrôle, trouvant d'autres satisfactions dans l'éducation des jeunes filles et le respect de certaines règles. (Un psy vous dirait qu'elle est parvenue ainsi à sublimer sa frustration sexuelle.)

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   Mais, en réalité, la première à entrer en contact avec le soldat yankee est Amy, la gamine de dix ans qui trouve le blessé dans le bois situé à proximité du pensionnat. Le caporal McBurney (qu'on suppose bien "burné"... il fallait la faire) va incarner à ses yeux à la fois la victime blessée (que son éducation chrétienne conduit à aider) et un substitut de père ou de grand frère. La jeune actrice (Oona Laurence) est formidable... et j'adore ses nattes !

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   Dès le début, on sent qu'une relation particulière pourrait naître entre le caporal et Edwina, qui doit avoir à peu près son âge, mais demeure célibataire, sans doute à cause de la guerre. Coppola a confié ce personnage clé à Kirsten Dunst (qu'on a revue récemment dans Midnight Special et Les Figures de l'ombre), son actrice fétiche et peut-être son alter-ego devant la caméra. L'ancienne égérie des ados confirme qu'elle a pris de la bouteille.

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   Sa principale rivale n'est pas la directrice du pensionnat mais Alicia, une adolescente dans tout l'éclat de sa beauté... et dans l'attente de l'homme qui saura la saisir. Le rôle semble avoir été écrit pour Elle Fanning, qui occupe peut-être la place qui aurait été celle de Kirsten Dunst il y a quinze ans.

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   Les autres personnages sont au second plan, mais bien caractérisés. On a la charmante jeune pianiste, très hostile aux Nordistes à cause desquels sa famille a tout perdu. Il y a aussi un petit laideron timide, imprégné de religion... mais encore plus curieuse de découvrir le nouvel arrivant ! Toutes ces femmes/filles doivent concilier l'expression de leurs sentiments avec la bienséance qu'on leur a inculquée et qui reste de mise dans le pensionnat. C'est aussi une œuvre sur les apparences et l'hypocrisie.

   C'est bien filmé, de manière classique. L'intrigue prend son temps, ce qui a dérouté certains imbéciles appartenant sans doute à la confrérie des handicapés de l'ordiphone. On est ici au XIXe siècle (en 1864). Le téléphone n'existe pas encore. Les nouvelles sont transmises avec lenteur. Du coup, le moindre détail de la vie quotidienne prend une grande importance.

   Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées. J'ai notamment en mémoire le premier dîner qui réunit le caporal et les femmes. Au moment du dessert, celles-ci (qui ont déployé d'importants efforts vestimentaires en l'honneur de leur "invité") rivalisent pour se faire bien voir du jeune homme. Il y a celle qui a réalisé le gâteau, celle qui en a conçu la recette, celle qui a cueilli les pommes... et celle dont c'est le dessert préféré ! Très drôle aussi est ce dialogue entre femmes, dans le salon, où il est question de champignons. Je ne peux pas trop en dire, mais sachez que la manière dont intervient une petite ingénue vaut à elle seule la vision du film...

   Sans que cela soit le chef-d’œuvre de l'année, Les Proies permet de passer un très agréable moment.

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jeudi, 24 août 2017

Lumières d'été

   Jean-Gabriel Périot (auquel on doit le médiocre Une Jeunesse allemande) mêle ici fiction et documentaire pour parler d'Hiroshima et de ses conséquences.

   Dans la salle où j'ai vu le film, il était précédé d'un court-métrage du même auteur, 200 000 fantômes, constitué d'un diaporama construit à partir de la superposition de vues du Dôme de Genbaku, le seul bâtiment resté debout au niveau de l'épicentre de l'explosion atomique. En fond sonore, on entend un poème dit en anglais (et non traduit). Le concept de base est intéressant, mais le résultat manque de lisibilité. Les images défilent trop vite et pas dans un ordre strictement chronologique. On comprend quand même que les vues présentent le Dôme avant l'explosion, juste après et dans les phases de reconstruction de la ville.

   Le film en lui-même démarre ensuite, par une séquence dont tout le monde a parlé : le témoignage d'une hibakusha, une rescapée de l'explosion atomique. J'ai beau avoir beaucoup lu et vu sur le sujet, j'ai été saisi par les paroles de cette vieille femme digne. J'ai repensé au formidable manga Gen d'Hiroshima, dont l'auteur Keiji Nakazawa était (il est mort en 2012) un autre rescapé du bombardement. Cette séquence est d'autant plus réussie que le témoin est... une actrice.

   Le réalisateur du documentaire, un Japonais qui vit à Paris, sort quelque peu bouleversé de cet entretien. Il se trouve dans le parc de la Paix lorsqu'il fait une curieuse rencontre : Michiko, une jeune femme en kimono, délicieusement désuète, qui semble en savoir beaucoup sur la ville d'Hiroshima et les conséquences de l'explosion atomique. Voilà qu'on nous embarque dans une déambulation romantique, à pieds, en train, en ville, au bord de la mer. On assiste à une partie de pêche, un repas entre amis, une cérémonie en l'honneur des ancêtres et un concours de lueurs. Même si on comprend assez vite qui est la jeune femme, c'est assez inattendu, plein de délicatesse et de poésie, culminant dans une scène de chant indescriptible.

   Certains critiques ont beau faire la fine bouche, j'ai été très touché par cette histoire, portée par deux actrices formidables : Mamako Yoneyama et Akane Tatsukawa.

mercredi, 23 août 2017

Nés en Chine

   Ce documentaire est produit par Disneynature, auquel on doit entre autres Félins, Grizzly, Au Royaume des singes et même cette année L'Empereur. Les cinéphiles avertis remarqueront d'ailleurs quelques parentés entre ce film et certains de ses prédécesseurs.

   C'est dû au choix des animaux suivis par les caméramans. A l'écran, on voit principalement les singes dorés, les pandas, les panthères des neiges et des sortes d'antilopes. On croise aussi des grues du Japon (en Chine !), quelques rapaces, des yaks, des moutons, un loup... et un panda roux (qui ressemble davantage à un raton-laveur ou à un renard qu'à un panda), le célèbre emblème du navigateur Mozilla Firefox.

   Actualité oblige, nombre de spectateurs vont se ruer dans les salles pour voir des pandas en liberté (c'est quand même mieux que dans un zoo). On suit une mère et son bébé, que l'on voit grandir, tâtonner, s'aventurer... jusqu'à devenir autonome :

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   Du côté des singes, la cellule familiale prend la forme d'une tribu, dont sont progressivement écartés certains mâles. L'un d'entre eux a retenu l'attention des preneurs d'images. C'est un jeune qui, dans un premier temps, va préférer la vie dans le groupe de mâles turbulents (voire facétieux), avant de tenter de regagner le cocon familial :

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   Maternité et famille sont encore à l'honneur (on est chez Disney, ne l'oubliez pas) avec les antilopes, dont on nous explique les étranges migrations saisonnières, avec les dangers qu'elles comportent :

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   Mais les séquences les plus emballantes sont sans conteste (pour moi) celles qui mettent en scène les superbes panthères des neiges, ces gros chats à longue queue et aux énormes pattes arrière :

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   La mère a fort à faire pour nourrir ses deux petits, les protéger des prédateurs et défendre son territoire contre ses congénères menaçants. A la base, j'aime les félins, mais là, je suis comblé. Les prises de vue sont exceptionnelles ; on suit les évolutions tout en souplesse de la redoutable chasseuse, qui ose parfois s'attaquer à du gros gibier.

   Les images sont de grande qualité, avec des gros plans magnifiques... et des paysages somptueux, qui n'ont pu être filmés qu'au prix de l'abnégation des caméramans. On en a la confirmation dans le mini making-of qui est inséré dans le générique de fin. (Ne quittez donc pas la salle trop vite.) On y découvre aussi des scènes coupées, qui montrent que le choix des animaux-vedettes a dépendu des circonstances... et de la chance.

   PS

   A lire, sur un site compagnon de Disney, une présentation détaillée du film.

23:34 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 22 août 2017

Bastille Day

   Ce film a peu connu les salles françaises, puisque, sorti dans l'Hexagone le 13 juillet 2016, il a été retiré des écrans juste après l'attentat de Nice. Seule la coïncidence au niveau de la date peut expliquer cette mesure, les circonstances de l'acte terroriste étant très différentes dans le film.

   Il me semble qu'il a été diffusé à la télévision cet été, mais je me le suis procuré à l'occasion d'une opération "4 DVD pour 20 euros", dans une grande surface. Cela ramène le coût unitaire à 5 euros... et j'ai pu visionner le long-métrage en version originale sous-titrée, ce qui m'a permis de constater que la majorité des dialogues est en français.

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   C'est d'abord un (assez) bon film d'action, qui pioche dans la saga Jason Bourne, dans la trilogie Taken et peut-être aussi dans Equalizer. On a son lot de bastons, de poursuites en voiture (plus une sur les toits, très réussie), de trahisons. Les rues de Paris sont bien utilisées.

   Le problème est l'incohérence du scénario. On a appliqué un schéma états-unien à la France : l'attentat est le fruit d'un complot mêlant policiers et hauts fonctionnaires et non pas l'oeuvre de terroristes islamistes. C'est totalement irréaliste... et en contradiction avec les faits, que l'actualité ne cesse hélas de confirmer. Ceci dit, la mise en scène des tensions communautaires n'est pas si mal que cela, même si l'on sent de quel côté cela penche.

   Du côté de l'interprétation, ce n'est ni très bon ni très mauvais. C'est stéréotypé et professionnel. Je sauverai Charlotte Le Bon (remarquée dans Le Secret des banquises), qui nous livre une vraie composition, alors qu'Idris Elba nous la joue gros-dur-indestructible-qui-a-quand-même-un-coeur (comme dans La Tour sombre).  Si l'on arrive à faire abstraction des a priori merdiques du scénario, on peut apprécier la mécanique des scènes d'action. Mais il n'y a pas de quoi sauter au plafond.

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dimanche, 20 août 2017

La Tour sombre

   C'est l'histoire d'un gamin orphelin de père et dont la mère est un clone de Scarlett Johansson. Il est doué pour le dessin, qui lui sert à exorciser ses cauchemars... sauf que ce ne sont pas des cauchemars, mais des visions. Le gamin a un shining surpuissant, qui lui fait entrevoir l'entre-deux-mondes, où règne Walter, un méchant sorcier (Matthew McConaughey, très vilain, mais plutôt bien fringué), qui veut conquérir la Terre. Pour cela, il doit détruire la Tour sombre, à l'aide des pouvoirs qu'il extirpe d'enfants surdoués.

   Nikolaj Arcel (remarqué naguère pour Royal Affair) s'est donc lancé dans l'adaptation de certains des bouquins de Stephen King. Vu la tendance à Hollywood ces temps-ci, cela aurait pu donner trois films de plus de deux heures chacun. On nous a ficelé cela en un seul long-métrage de moins d'1h40. Du coup, l'intrigue est réduite au corps principal, s'évitant toute digression superflue. Les fans pourront le regretter, mais cela a l'avantage de resserrer l'histoire, pour donner un film d'action-épouvante tendu et maîtrisé.

   On ne s'embarrasse pas de fioritures, avec un héros (Idris Elba, doté d'une expression et demie) qui est un mélange de chevalier de la Table ronde et de Lucky Luke... et qui possède une fulgurante capacité de guérison ! La scène emblématique est celle de son combat épique contre les horribles sbires de Walter, qu'il va tous dézinguer sans se prendre la moindre égratignure. Il tire dans toutes les positions et, surtout, recharge ses révolvers à la vitesse de la lumière... effets spéciaux garantis !

   Les décors sont beaux. On ne nous propose pas de la marchandise frelatée. De surcroît, au détour d'un plan, on peut détecter un effet de mise en scène. On peut d'ailleurs en voir un dès le début, qui nous présente une scène de jeux en famille, qu'on croirait extraite de l'Amérique traditionnelle... jusqu'à ce que le champ s'élargisse. On peut aussi s'amuser à repérer les références à d'autres oeuvres, mais je conseille plutôt de se caler tranquillement dans le fauteuil et de se taper une tranche de bon spectacle. Cela sera sans doute vite oublié, mais cela fait agréablement digérer un bon repas.

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mercredi, 16 août 2017

Memories of murder

   L'été est propice à la ressortie de classiques du cinéma, souvent dans une version restaurée. A Rodez, nous avons récemment eu droit à l'étonnant Fight Club (de David Fincher). Cette semaine, c'est au tour d'un des meilleurs thrillers du début du XXIe siècle, Memories of murder, de Joon-Ho Bong, un réalisateur sud-coréen auquel on doit, notamment, Snowpiercer et The Host.

   L'action débute dans la campagne sud-coréenne, dans la seconde moitié des années 1980, une époque à laquelle le pays commence à se démocratiser, mais reste contrôlé par les militaires pro-américains. Les policiers du coin, habitués à gérer les petits délinquants, ont un oeil sur les mouvements politiques et ne semblent pas toujours durs à la tâche...

   Survient une série de meurtres de jeunes femmes, assez "tordus". Un jeune officier de la ville, rompu aux techniques modernes d'enquête, débarque de Séoul pour prêter main-forte aux policiers locaux. Mais chacun a sa culture et ses méthodes de travail. Ils vont devoir mettre leurs désaccords sous le tapis s'ils veulent résoudre le mystère du tueur en série.

   Comme tout bon film de genre, il propose un portrait social de la Corée du Sud, pays très patriarcal, où les forces de l'ordre ont coutume d'arracher les aveux par tous les moyens. La démocratisation en cours exige toutefois que les policiers changent... surtout s'ils veulent trouver le véritable coupable, au lieu de se contenter du premier pauvre type prêt à avouer. Cela nous vaut de beaux portraits de flics, avec leurs faiblesses. On voit aussi émerger le rôle des femmes. L'une des policières est sous-estimée par ses collègues, qui la jugent juste bonne à taper à la machine et apporter le café. C'est pourtant elle qui va découvrir un indice capital pour la résolution de l'énigme.

   Au niveau de la mise en scène, c'est brillant. Joon-Ho Bong utilise superbement les paysages (champs, prés, forêt) et l'eau. J'ai rarement vu la pluie aussi bien filmée. C'est d'autant plus important qu'elle joue un rôle clé dans l'intrigue.

   Le polar est très bien ficelé. On met longtemps à dénouer les fils et, même à la fin, une incertitude demeure. C'est aux spectateurs de se faire leur propre idée. Cela n'empêche pas le réalisateur de parfois jouer avec nous, comme lorsqu'il filme en caméra subjective le tueur tapi dans la forêt, hésitant entre deux victimes potentielles qui se présentent à lui (un procédé que l'on retrouve dans le récent I Wish).

   C'est donc un très bon spectacle, assez long (2h10), qui a été copié en Corée et ailleurs. L'an dernier est sorti en France un gros succès au box-office coréen, The Strangers, un thriller surestimé à mon goût, mais qui doit beaucoup à Memories of murder.

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mardi, 15 août 2017

Fermeture d'un cinéma à Albi

   Il y a quelques semaines, la nouvelle est tombée : l'un des trois cinémas d'Albi, le Lapérouse, allait fermer définitivement ses portes au mois de juillet. Les raisons avancées sont le coût des travaux à effectuer et le nombre insuffisant d'entrées. Pourtant, il a été refait à neuf en 2007 (et retouché en 2009, pour le passage au numérique) et sa fréquentation, en hausse ces quatre dernières années, aurait dû permettre son maintien. L'autre raison est le montant du loyer (5000 euros par mois en 2015). Le propriétaire parisien aurait refusé de baisser celui-ci. Déjà, en 2015, un signe avant-coureur était perceptible : la vacance estivale du cinéma, sa fermeture définitive étant envisagée pour la fin de l'année ou l'été 2016. Cela aura pris un peu plus de temps que prévu : début 2016 encore, le directeur des Cordeliers se félicitait de la hausse de la fréquentation et disait ne pas prévoir de fermeture à court terme...

   C'est le résultat d'une longue histoire. Il y a une vingtaine d'années, le "marché " cinématographique albigeois était clairement réparti entre deux offres : le grand public aux deux établissements CGR (1 le Lapérouse, déjà, mais pas tout à fait avec la même orientation, et 2 le Tivoli) et l'art-et-essai à la salle Arce de l'Athanor (3), qui faisait référence à l'époque.

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   Le centre-ville était configuré différemment. On circulait allègrement place du Vigan, où les piétons avaient peu droit de cité, et on entrait à l'Athanor non par le côté mais par le devant (l'entrée actuelle du multiplexe des Cordeliers), légèrement en hauteur, quelques marches menant à un imposant parking de plein air (vite plein la journée en semaine).

   Le premier grand changement est survenu en 2004, quand CGR a vendu ses salles (du Lapérouse et du Tivoli) à Cinémovida. Pour les cinéphiles, ce fut une bouffée d'air. D'importants travaux ont été engagés (surtout au Lapérouse) et la programmation art-et-essai a connu une embellie, avec des tarifs attractifs.

   Mais, à mesure que le temps passait, on sentait bien que le Tivoli avait besoin de plus que d'un rafraîchissement. Et puis, avec huit salles (4 du Tivoli, 3 du Lapérouse et celle de l'Athanor, rénovée) dont la majorité comportait peu de sièges, l'offre semblait insuffisante. Cinémovida s'est donc lancé dans la construction d'un multiplexe, qui s'insérait dans les travaux programmés à Albi : construction d'un nouveau vaisseau amiral théâtre, déplacement du parking de l'Athanor sous terre, piétonisation partielle (avec création d'une esplanade)... Cela ne vous rappelle rien, amis aveyronnais ? Eh, oui, l'immense chantier du Foirail, qui a conduit à la construction d'une nouvelle salle des fêtes, du musée Soulages et, surtout, à l'inauguration du multiplexe Cap Cinéma, en octobre 2013... plus de deux mois avant son alter-ego albigeois... Nananèreux !

   Ceci dit, les Aveyronnais n'avaient pas que des raisons de se réjouir. L'ouverture du multiplexe ruthénois, si elle s'est traduite par une incontestable amélioration de l'offre (en terme de confort, de nombre de films et d'horaires), a eu aussi pour conséquence une augmentation des tarifs. A Albi, Cinémovida restait aux commandes, pour l'instant. De plus, désormais, le Lapérouse était voué entièrement à l'art-et-essai, un pari audacieux et qui faisait d'Albi un pôle cinématographique presque aussi ambitieux que le centre-ville de Toulouse. Toutefois, même après qu'elle fut rentrée dans ses murs (une fois les travaux du multiplexe achevés), la salle Arce de l'Athanor n'a pas retrouvé toute l'ampleur de sa programmation précédente.

   Le changement suivant est intervenu assez vite : dès 2014, Cap Cinéma a pris le contrôle de Cinémovida. Cela s'est traduit par une augmentation du prix des places, même si les cinémas d'Albi ont conservé quelques particularités, notamment la pratique du tarif réduit le mercredi et le lundi.

   Au niveau des entrées, si, comme je l'ai dit plus haut, le Lapérouse a vu sa fréquentation augmenter (de 25 000 à 45 000 entrées), pour les Cordeliers, l'évolution a été inverse : 290 000 entrées la première année (2013-2014), 282 000 la deuxième (2014-2015) et 275 000 la troisième (2015-2016). C'est dans ce contexte aussi qu'il faut comprendre la fermeture du Lapérouse. Le paradoxe est qu'on a "puni" un établissement qui marchait certes modestement, mais de mieux en mieux, alors que le multiplexe peine à décoller. L'une des pistes à suivre est peut-être l'animation de l'esplanade, avec la récente ouverture du Crokciné.

   PS

   Les locaux de l'ancien cinéma Tivoli (fermé définitivement lors de l'ouverture du multiplexe des Cordeliers), qui appartiennent aux précédents propriétaires de Cinémovida, seraient toujours à vendre.

   PS II

   Depuis la fermeture du Lapérouse, Albi ne possède plus que 9 salles intra-muros (les 8 du multiplexe et celle de l'Athanor)... contre 10 à Rodez ! Notons que, contrairement à son homologue albigeois, le multiplexe ruthénois connaît une fréquentation en (légère) hausse : environ 315 000 entrées en 2014, 318 000 en 2015 et 333 000 en 2016.

14:24 Publié dans Cinéma, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 14 août 2017

Crash Test Aglaé

   Cette Aglaé est une jeune femme souffrant de T.O.C. (et, sans doute, d'un autisme léger). Son obsession compulsive du détail et son obstination font d'elle une excellente technicienne d'un centre d'étude de l'accidentologie automobile. (Dans le rôle, India Hair, déjà vue dans Camille redouble, est formidable.) Mais elle y est considérée un peu comme une bête curieuse. Elle n'a que deux amies, Marcelle, une fan de mots croisés proche de la retraite (Yolande Moreau, épatante), et Liette, la copine du délégué syndical, qui désespère d'avoir un enfant (Julie Depardieu, que je suis ravi de retrouver en aussi bonne forme).

   Peu après le début de l'histoire, on apprend que l'usine dans laquelle travaillent les trois femmes va être délocalisée en Inde, alors qu'elle dispose pourtant d'un carnet de commandes bien rempli. C'est l'aspect social de l'intrigue, qui dénonce les effets pervers de la mondialisation des échanges... tout en manifestant une belle ouverture à la diversité culturelle.

   Les trois héroïnes vont se lancer dans un improbable périple, de la France métropolitaine à l'Inde, en passant notamment par la Suisse, l'Allemagne, la Pologne, la Russie et le Kazakhstan. Sans trop dévoiler la suite, je peux dire que les trois n'arriveront pas au bout. Entre temps, on aura croisé un milliardaire hypocondriaque, une belle-mère bisexuelle (et bordélique), des musiciens en caravane, un douanier chanteur, un soldat amoureux... et un médecin transgenre ! C'est dire le kaléidoscope de rencontres que nous propose cette histoire invraisemblable, qui tient la route grâce à trois actrices très attachantes, qui rendent totalement crédibles leurs personnages.

   On notera que le réalisateur a placé au premier plan des femmes qui ont du charme, mais qui ne sont pas des reines de beauté. On en voit quelques-unes, au détour d'une séquence : la DRH érotomane, la chanteuse du mariage, la directrice polonaise... mais elles se trouvent au second plan, au service des autres personnages.

   Le film vaut par la qualité de son humour. Le réalisateur (Eric Gravel) a un vrai sens du cocasse. J'ai davantage ri qu'en regardant Cars 3 ! On sent aussi l'empathie pour tous les personnages. Même le syndicaliste cégétiste, plutôt ridicule au départ, a droit à sa chance. Et puis, à partir du moment où l'héroïne se trouve en Asie centrale, on nous propose de magnifiques paysages, dans lesquels Aglaé va évoluer à pieds, à bicyclette, en moto, têtue comme une mule, obsédée par son idée de retrouver son travail en Inde. (Et quelle superbe scène qui voit Aglaé pédaler sur une route déserte, au milieu d'une pluie de parachutistes !)

   Mais, comme tout voyageur le sait, dans ce genre de périple, le chemin emprunté compte souvent plus que le but à atteindre. Jusqu'à la fin, le film continue à surprendre, entre émotion et dérision.

   Pour moi, c'est la comédie de l'été !

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vendredi, 11 août 2017

Cars 3

   A Rodez, ce film d'animation marche du feu de Dieu. Adultes, enfants et mêmes adolescents se ruent dans les salles pour suivre les (dernières ?) aventures de Flash McQueen et de ses amis. Dans la version française, les oreilles des spectateurs reconnaîtront des familières, celles de Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Nicolas Duvauchelle, Samuel Le Bihan, Cécile de France... et d'une nouvelle venue, Alice Pol (vue récemment dans Raid dingue), dans le rôle d'une coach hyper-dynamique... et un peu fantasque. Par son jeu, l'actrice apporte de la fraîcheur à un ensemble très balisé, millimétré même.

   Du point de vue de l'animation, il n'y a rien à dire. C'est de la "qualité Pixar", impeccable sur le plan technique, parfois magnifique à l'écran. Les courses sont bien filmées (mais pas forcément très vraisemblables dans leur déroulement). Les carrosseries comme les décors sont superbes. La plus belle séquence est pour moi celle de la course de stock-car, dans un bled paumé, dans la boue, au milieu des red-necks. : c'est virtuose sur le plan de l'animation, riche en humour (pas si fréquent que cela dans le film) et c'est le tournant de l'histoire (je vous laisse découvrir pourquoi).

   Comme dans le premier volet, la nostalgie est présente. On sent le regret des courses d'antan, lorsque la débrouillardise palliait le manque de moyens. C'est aussi une leçon de vie : il faut savoir passer la main. C'est donc un film à réserver à des enfants pas trop petits (les moins de six ans présents dans la salle n'ont pas compris grand chose, à mon avis). Moins drôle que Cars 2 (riche en clins d’œil), ce troisième volet clôt la série de manière assez mature.

   PS

   Les spectateurs attentifs pourront remarquer quelques petites erreurs. Ainsi, lorsque le héros arrive dans le bâtiment créé par son nouveau sponsor, on le voit discuter avec le patron en champ/contre-champ. Mais, alors qu'au début de la scène Flash McQueen commence à pénétrer dans une pièce, on le voit plus tard encore sur le pas de la porte, quand on devrait nous le montrer déjà entré.

   Un problème de vraisemblance se pose aussi concernant les grands camions de transport des voitures. Ceux-ci ne sont pas assez larges pour permettre la réalisation d'un demi-tour à l'intérieur. Pourtant, à plusieurs reprises, on voit sortir d'un de ces camions une voiture (notamment McQueen) dans le sens opposé à celui dans lequel elle y était entré.

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jeudi, 10 août 2017

L'ambassadeur des ombres

   C'est le titre de l'album des aventures de Valérian et Laureline dont Luc Besson s'est le plus inspiré pour son film (bien plus que de L'Empire des mille planètes).

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   L'action se déroule principalement dans Point central, sorte de tour de Babel spatiale qui a servi de modèle à Alpha, la cité intergalactique du film. La comparaison entre les deux est intéressante. Besson a ajouté deux prologues à l'histoire, le second (celui narrant la destruction de la planète Mül) empruntant à des éléments situés en fin d'album. Le scénariste a aussi densifié l'intrigue, lui ajoutant des versants qui contribuent à la dramatisation.

   Au niveau visuel, quelles que soient les qualités de la BD, on ne peut que constater le talent avec lequel cet univers a été adapté sur grand écran. Même les personnages pittoresques sont plus évocateurs dans le film, à commencer par le transmuteur grognon (dont tout le potentiel comique n'a hélas pas été exploité) :

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   Quant aux Shingouz, ils rendent très bien, encore mieux que dans la bande dessinée :

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   Le principal reproche que l'on peut faire à l'adaptation est d'avoir minimisé le rôle de Laureline, qui est la véritable héroïne de cet album, Valérian y faisant office de figurant. (A ce sujet, l'épisode le plus symptomatique est celui de la rencontre du polymorphe qui, dans l'album, prend l'apparence d'un éphèbe pour séduire... Laureline.)

   PS

   A ceux qui voudraient savoir à quel point Christin et Mézières ont été pillés par inspiré Hollywood, je recommande ce site.

mercredi, 09 août 2017

La Planète des singes : suprématie

   Ce troisième volet de la série réinitialisée en 2011 place les personnages simiesques au premier plan. Seuls deux humains (le chef des méchants et la gamine) les concurrencent, de temps à autre, à l'écran. Le résultat est que les relations entre singes sont montrées avec une grande subtilité et un sens du détail étonnant. Par contre, presque tout le temps, les humains sont réduits à l'état de posture.

   L'exception est peut-être la gamine muette, dont on ne connaîtra pas le véritable nom. Son arrivée dans le groupe de héros est tragiquement accidentelle. Mais elle est la source de la première d'une série de scènes très poétiques : le dialogue sans mot entre l'orang-outan Maurice et celle qui va ensuite s'appeler Nova. Plus loin, c'est un autre compagnon de César qui place une fleur dans la chevelure de l'enfant, émerveillée par la floraison d'un arbre en pleine montagne enneigée.

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   L'interprétation est dominée par Andy Serkis, excellent en César, chef d'un peuple persécuté qui voit son salut dans la fuite. Cet exode (vers une Terre promise) est évidemment une référence à celui des Hébreux. L'identification des singes aux juifs est confirmée dans la deuxième partie du film, qui met en scène un camp qui fait immanquablement penser à ceux de la Seconde guerre mondiale. Ajoutons que le projet des humains est d'exterminer les singes, après les avoir exploités en tant que manœuvres.

   Woody Harrelson prête ses traits au grand méchant de l'histoire. Il incarne le chef autoritaire de rescapés nord-américains fascisants (qui vivent sans la moindre femme à leurs côtés... il y a quelques incongruités dans l'histoire, j'y reviendrai). A beaucoup de cinéphiles, il a fait penser au colonel Kurtz d'Apocalypse now. J'ai trouvé qu'il en faisait trop (ou qu'on lui avait demandé d'en faire un peu trop). Heureusement, le scénario nous réserve des développements intéressants concernant ce personnage.

   Il est l'une des références au chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola, plus clairement désigné par un graffiti présent dans un tunnel, sous le camp : "Ape-pocalypse now" (que la version française peine à traduire). Les scènes de jungle du début, qui montrent les soldats progressant lentement à l'approche d'une position détenue par les singes, font aussi penser aux films consacrés à la guerre du Vietnam.

   Les effets spéciaux sont de grande qualité, en particulier ceux qui rendent les personnages simiesques vraisemblants. C'est (presque) aussi virtuose que dans Valérian, mais moins tape-à-l’œil, affirme-t-on parfois. Disons simplement qu'ici, les trucages numériques sont au service de l'intrigue et n'ont pas pour objectif principal de faire de la belle image. Je regrette toutefois la manière esthétisante dont certains combats sont filmés. Même si les aspects horribles de la guerre sont montrés, on semble avoir aussi voulu plaire au public fana-mili.

   Bien que de très grande qualité, le film comporte quelques faiblesses : des invraisemblances. Le fait que la gamine puisse évoluer dans le camp sans se faire repérer est difficile à admettre, tout comme le fait qu'aucun soldat ne remarque les premiers trous créés par les singes se trouvant dans les tunnels. On pourrait aussi ergoter sur la capacité de certains personnages à échapper aux balles tirées par leurs adversaires.

   Mais, au bout du compte, ce ne sont que des broutilles, noyées dans une intrigue fouillée, nourrie de références historico-politiques, et qui ménage son lot de surprises. Elle s'appuie sur de nombreuses scènes ne comportant quasiment pas de dialogues en anglais/français (selon la version vue). Cela donne un ensemble très prenant, qui tient parfaitement la (longue) distance.

   PS

   J'ai lu ici ou là que c'était le dernier volet de la série. Or, ce film (qui ne se réclame plus de l’œuvre originelle de Pierre Boulle) n'évoque pas la possibilité d'un voyage dans le temps. Pourtant, le fait qu'un des fils de César se prénomme Cornélius trace un lien avec les adaptations du passé, tout comme certains paysages. Il n'est pas impossible que la production envisage, plus tard, une nouvelle trilogie qui intègre les éléments qui avaient contribué au succès des premiers films.

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dimanche, 06 août 2017

Valérian et la cité des mille planètes

   Luc Besson nous livre sa lecture de la bande dessinée de science-fiction, en puisant dans le patrimoine cinématographique : son film regorge de références, à sa propre œuvre (notamment Le Cinquième Élément) et à celles de ses collègues (on pense à Avatar, Star Wars, Indiana Jones...).

   On commence avec une superbe séquence de paradis perdu, sans un seul mot en français. C'est gonflé et cela passe grâce aux effets visuels, vraiment époustouflants. Est introduit un personnage-clé de l'histoire, qui ne parle pas : un animal domestique, capable de déféquer des perles énergétiques ! N'est-ce pas qu'il est trognon ?

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   Ensuite seulement débarquent les héros, Valérian et Laureline. Autant je suis emballé par le personnage féminin (Cara Delevigne prenant la suite de précédentes égéries de Besson : Isabelle Adjani, Anne Parillaud et Milla Jovovich), autant je suis réservé sur Valérian, énième variation sur le thème de l'homme séduisant, brillant, mais horripilant, un Don Juan qui va tomber amoureux de la seule femme qui lui résiste (un peu). Le cabotinage entre les deux ne manque pas d'intérêt, mais l'aspect sentimental est mal traité.

   Heureusement, il y a une intrigue (sans voyage dans le temps), avec pas mal de rebondissements, des mystères, des trahisons, un complot. Besson a l'habileté de laisser sa chance au méchant de l'histoire (avec sans doute, au second degré, une critique du militarisme états-unien). Du point de vue visuel, c'est très imaginatif, en particulier avec cette séquence qui alterne monde virtuel / monde réel. L'humour est présent, à travers les chamailleries des héros ainsi que l'intervention de trois personnages très pittoresques :

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   Contrairement à d'autres, je n'ai pas été emballé par la prestation de la chanteuse Rihanna, que j'ai trouvée putassière, inutilement racoleuse. Par contre, l'idée de son personnage polymorphe est excellente. (Encore bravo aux effets spéciaux.)

   Même si Besson abuse du "juste à temps", il a construit un bon divertissement, splendide sur le plan visuel, si bien que l'on pourrait presque s'affranchir de l'histoire pour, dans une grande salle, simplement jouir de la contemplation.

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mardi, 01 août 2017

Les As de la jungle

   Je ne connaissais pas la série d'animation, mais j'en avais entendu parler. Va donc pour ce "dessin animé" made in France, qui accumule les références. On a beaucoup parlé d'Indiana Jones, il y a peut-être aussi un peu de Karaté Kid, du Seigneur des anneaux, de Rocky voire de Batman. On ne peut pas ne pas penser non plus à d'autres films d'animation, américains ceux-là : Madagascar et Kung Fu Panda.

   L'intrigue tourne autour de deux groupes de justiciers de la jungle et d'une famille recomposée de héros : la mère, une tigresse aussi redoutable qu'affectueuse, le fils adoptif, un pingouin champion des arts martiaux, et le petit-fils adoptif, un poisson inoxydable, hébergé dans un bocal quasi indestructible :

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   Autour d'eux gravitent des figures plus ou moins charismatiques, toutes avec une qualité ou un défaut principal. Notons que les méchants sont un koala mégalomane, un crabe débrouillard et une bande de babouins stupides. C'est évidemment une source de gags. Mais peu sont hilarants (pour les adultes). Si les enfants qui étaient dans la salle ont visiblement aimé, j'ai souvent souri, mais rarement ri. (J'ai néanmoins été très sensible à la naissance d'un amour qui, au départ, se veut très discret.)

   Ce film mérite le détour pour la qualité de son animation. Franchement, en gros plan, c'est parfois superbe, surtout si l'on se trouve dans une grande salle. (Je reste toutefois sceptique quant à la gueule de la tigresse, alors que son pelage est réussi.)

   Au niveau du scénario, c'est assez élaboré : vu le nombre de rebondissements qui surviennent, on ne s'ennuie pas. Mais ce n'est pas d'une rigueur absolue : on est dans la fantaisie récréative, avec une leçon de vie sur les relations parents-enfants et la nécessaire persévérance pour réussir. Ce n'est déjà pas si mal.

   PS

   De nombreuses voix paraîtront familières aux spectateurs : les artistes qui les ont "prêtées" sont des spécialistes du doublage, notamment de films et séries américains.

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samedi, 29 juillet 2017

I Wish - Faites un voeu

   Ce petit film d'épouvante a été fait par des spécialistes du genre, pour un public ciblé : si je laisse de côté une dame qui accompagnait enfants et petits-enfants, j'étais le plus vieux dans la salle, principalement garnie d'adolescents, pas toujours disciplinés. Méfiez-vous donc si ce film vous tente : c'est un attrape-blaireaux.

   Le schéma narratif est hyper-balisé. Cela commence par une séquence du passé, censée expliquer une partie de l'intrigue. Cela continue par la caractérisation (basique) des personnages : une héroïne pauvre, mal dans sa peau, un groupe d'amies soudées (une extravertie, l'autre timorée), mais mises à l'écart par les vedettes du lycée, des bourges prétentieux. On notera que la situation de départ est saupoudrée d'un chouia de lutte des classes.

   Et puis il y a cette étrange boîte à musique... une boîte à vœux, en fait. Elle est d'origine chinoise, avec des inscriptions en vieux mandarin. (Fort opportunément, l'héroïne a dans ses relations un garçon dont la cousine sino-américaine pourrait déchiffrer le texte....) On ne saura rien de sa création, ni de sa plus ancienne apparition, mais les héros finiront par découvrir une partie de son histoire, un élément assez bien vu, mais hélas peu exploité.

   L'essentiel des efforts porte sur la réalisation des vœux de Clare... et sur la contrepartie de chacun d'entre eux. Au début, c'est très prévisible. Mais, à une ou deux reprises, je dois avouer que le scénario a été un peu plus inventif. On nous fait mariner un petit moment avant de nous montrer comment l'une des victimes va périr et, surtout, après l'un des vœux, la mise en scène place en parallèle deux destins, l'incertitude planant sur celui/celle qui va s'en sortir.

   La majorité des personnages sont des lycéens, l'actrice principale est une adolescente et le message s'adresse aux ados : il ne faut pas que l'accessoire fasse oublier l'essentiel. Clare est gagnée par la démesure et l'égoïsme, ce que ses amies tentent de lui faire comprendre. A ce sujet, on notera la bonne composition de Sydney Park, une actrice que les spectateurs de la série Les Experts Manhattan ont pu voir dans le rôle d'Ellie Danville, la fille adoptive d'une enquêtrice de la police scientifique.

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   Voilà. C'est correctement interprété, mais cela ne va pas renouveler le genre. Pour amateurs.

   PS

   Le scénario, bien que parfois habile, contient au moins une grosse invraisemblance. Attention : je vais révéler des éléments clés de l'intrigue.

   On comprend que c'est la mère de l'héroïne qui, quand celle-ci était jeune, a jeté la boîte à musique. Or, une douzaine d'années plus tard, le père la retrouve par hasard dans la poubelle d'une immense demeure désaffectée. On découvre bientôt qu'elle appartenait à un richissime homme d'affaires, avant qu'il ne meure dans l'incendie de sa maison. Mais comment la boîte était-elle arrivée entre les mains de la mère ? Mystère.

   D'autre part, il y a une grosse incertitude sur le motif du suicide de la mère. A priori, elle subit le sort de ceux qui ont formulé leurs sept vœux. Cependant, elle avait conservé son mari, sa fille et son chien, qui auraient dû mourir auparavant en tant que "prix du sang". La deuxième hypothèse est que la mère a compris, dès le premier vœu réalisé, l'aspect démoniaque du marché. La troisième hypothèse, plus tordue (qui aurait donc mes faveurs...) est que la mère se pend bien après son septième vœu, qui l'a ramenée à sa situation de départ, avec son mari et sa fille, qui étaient sans doute décédés à l'occasion de la réalisation des six premiers vœux. Je suis conforté dans cette opinion par le dénouement du film, qui voit sa fille prendre la même décision et tenter à son tour se débarrasser de la boîte.

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mercredi, 26 juillet 2017

Baby Driver

   Ce film d'action est construit autour des bagnoles (rapides) et des musiques rythmées des années 1960-1970-1980. Cela donne un mélange d'hyper-modernité et de rétro, incarné par l'association du baladeur numérique et des cassettes audio. Les spectateurs sont plongés dans l'environnement sonore du héros, qui vit presque en permanence des écouteurs vissés sur les oreilles.

   Ce "gamin-chauffeur" est un prodige du volant, à moitié autiste, dont la personnalité allie style tape-à-l'oeil et fragilité masquée. Les autres protagonistes de l'histoire sont des "gueules". Il y a le baroudeur, la bimbo, le tatoué, le psychopathe (Jamie Foxx, très bien)... et le parrain, incarné par un Kevin Spacey un peu poussif.

   Cela démarre sur les chapeaux de roue, avec une excellente séquence de braquage et, bien sûr, une poursuite de voitures au menu. Juste après, le réalisateur continue de nous en mettre plein la vue avec un plan-séquence très réussi, centré sur la livraison de cafés.

   L'humour vient heureusement contrebalancer les montées d'adrénaline et l'apologie d'une certaine forme de délinquance. Je ne parlerai même pas de l'utilisation des armes à feu... Ceci dit, quand on considère la situation du point de vue de la fin de l'histoire, on se dit qu'il y a peut-être une morale derrière cette débauche de clinquant.

   On assiste aussi à la naissance d'une histoire d'amour. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux dans le film. J'ai préféré la progressive découverte de la vie du héros. Au fond, c'est un gentil, qui essaie de ne pas se noyer dans un monde de requins. Le plus dangereux d'entre eux n'est pas forcément celui que l'on croit. Cela va se régler dans un duel final en voitures, grosses cascades et effets spéciaux à la clé.

   C'est bien fichu, pas très subtil. On passe un bon moment.

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lundi, 24 juillet 2017

I am not Madame Bovary

   Ce titre est une adaptation (pour le public occidental) du titre originel, qui signifie "Je ne suis pas Pan Jinlian". Cela nous est expliqué dès le début, par une voix off masculine que l'on entend à quelques reprises au cours de l'histoire. De nos jours, en Chine, une Pan Jinlian est une femme de mauvaise vie.

   C'est ce pour quoi l'entêtée Li Xuelian ne veut absolument pas passer. Son (ex) mari lui a joué un mauvais tour. Alors qu'ils avaient mis au point une combine (un faux divorce) pour pouvoir récupérer un appartement en centre-ville, l'ex en a profité pour se mettre en ménage avec une autre femme, abandonnant l'héroïne, dont on a du mal à déterminer si elle est furieuse d'avoir perdu l'homme qu'elle aime ou si elle se sent humiliée d'avoir été dupée par un sacripant.

   Elle va tenter d'obtenir gain de cause en justice. C'est le début d'une série de "scènes de la vie provinciale", filmées avec un cadre circulaire, à l'image de certaines peintures chinoises traditionnelles. Cela donne un côté exotique à l'intrigue... et cela sous-entend que l'épouse trompée est victime d'une société d'un autre âge. D'un point de vue visuel, cela concentre la vision des spectateurs sur un espace assez réduit... et cela donne de l'importance au hors-champ. De surcroît, le réalisateur Feng Xiaogang semble avoir recherché les formes circulaires ou semi-circulaires, notamment au niveau architectural (bâtiments, ponts...). C'est vraiment original.

   Une minorité de scènes a été filmée avec un cadre carré, lorsque l'héroïne (interprétée par Fan Bingbing) se rend à Pékin... parce que cette affaire va remonter jusqu'à l'Assemblé populaire ! Face à une bureaucratie chinoise inefficace ou dépassée par les événements, la "paysanne" comme on l'appelle met en branle un mouvement qui va déstabiliser une partie de l'appareil dirigeant. Songez qu'elle conteste la décision du juge local, contre lequel elle porte plainte, tout comme contre le chef de district et le préfet ! Cela prend des proportions ubuesques, l'affaire s'étalant sur une dizaine d'années ! (Elle a même tenté de faire son tuer son ex-mari !)

   Le caractère empesé des relations sociales est heureusement contrebalancé par des traits d'humour, comme lors du repas entre les pontes locaux, ou lorsque l'héroïne tente d'amadouer le juge local, en prétendant lui être apparentée (elle serait la cousine du neveu du mari de sa belle-soeur, ou un truc dans le genre). Du coup, quand le juge est dans de bonnes dispositions, il l'appelle "cousine"... mais quand elle lui casse les pieds ou risque de lui nuire, il adopte une attitude moins "familiale".

   La troisième partie voit le retour du cadre circulaire. L'action revient en province. La rebelle, qui ne voit toujours rien venir malgré les promesses, s'entête. Elle est désormais sous surveillance policière, alors que les hiérarques qu'elle a mis en cause cherchent à sortir de la crise sans faire de vagues. C'est délicieusement absurde.

   L'intrigue va rebondir grâce à un aspect sentimental, que je me garderai de dévoiler. Cela va ramener l'héroïne à Pékin, pour une nouvelle séquence en cadre carré, pleine de péripéties (et beaucoup plus trépidante que les précédentes).

   On croit que c'est fini... eh bien, non ! Un épilogue, se déroulant quelques années plus tard, nous est proposé dans un cadre rectangulaire, plus familier aux spectateurs contemporains. On y découvre deux secrets, qui permettent de comprendre l'obstination de l'héroïne.

   Je crois pouvoir dire que c'est un grand film, à la fois comique et politique, suffisamment habile pour avoir passé la censure chinoise. Mais il n'est pas d'un accès facile, notamment en raison de son rythme lent et de sa longueur (2h20 !). Mais il en vaut la peine.

23:48 Publié dans Chine, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 23 juillet 2017

Sales Gosses

   Cette comédie estivale joue sur les codes des "films de djeunses", pour les retourner (en partie) : les personnages dont le comportement va déraper sont des personnes (très) âgées.

   Mais le héros est un de ces djeunses : Alex (Thomas Solivérès) pense qu'il va se faire des vacances super cool (avec plans-cul à la clé) à s'occuper d'enfants en colo. Cependant, durant toute une partie du film, il va être la victime des autres : son père (qui lui fait un drôle de cadeau), sa mère (qui l'inscrit à la "mauvaise" colo), les retraités (qui vont lui mener la vie dure) et même ses collègues moniteurs, ravis de tomber sur un mec un peu naïf pour faire le boulot à leur place.

   Autant le dire tout de suite : l'humour n'est pas très raffiné... mais efficace. Cela commence par le gag du T-shirt, pour continuer avec l'embarquement de la troupe de vieillards exigeants voire acariâtres. Le bus prend la route sous de joyeux auspices : "Tout le monde est chaud ? C'est normal, y a pas la clim' !"

   La première partie du séjour vire au calvaire pour Alex, auquel les pensionnaires vont en faire voir de toutes les couleurs. C'est qu'ils ont envie de kiffer la life ! Albert Delpy (le papa de Julie, qu'on a vu à l'oeuvre dans 2 days in New York) est fidèle à lui-même, cabotin et libidineux. Carmen Maura (dont la critique semble avoir oublié qu'elle s'est fait connaître dans les premiers films d'Almodovar, les plus déjantés) se lâche un peu, mais ce sont Michèle Moretti et Liliane Rovère qui assurent le spectacle, par leur truculence et leur véhémence.

   Deux autres actrices se distinguent, dans un autre registre. Barbara Bolotner est chargée d'incarner la monitrice psychologisante, grande lectrice de Françoise Dolto. Frédérique Bel (hélas trop souvent cantonnée aux productions télévisuelles) interprète la directrice du centre de vacances, avec un sacré potentiel comique !

   Dans la deuxième partie de l'histoire, Alex va se rebeller et une petite guerre se déclare entre lui et les papys-mamies. Bien évidemment, tout ce beau monde va se réconcilier et finir par s'amuser ensemble. Au-delà de ses aspects graveleux, le film véhicule un message généreux, celui de l'entente entre les générations. Cela donne un sympathique divertissement d'1h25.

23:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 22 juillet 2017

Dunkerque

   Trois ans après Interstellar, Christopher Nolan revient avec un film de guerre, un genre dans lequel jusqu'à présent il ne s'était pas illustré, même si certaines de ses précédents oeuvres (notamment The Dark Knight Rises) ne sont pas sans parenté avec ce type de film.

   Il y appose sa marque : c'est un thriller guerrier dans lequel, paradoxalement, on voit très peu le sang couler (même s'il y a des morts). Je pense que ce n'est pas un hasard si la scène la plus sanglante (au sens strict) est celle d'un accident (dans un bateau).

   C'est surtout la terreur qui est mise en scène. Elle est à l'oeuvre dès le début, avec ces soldats qui fuient un ennemi invisible, mais qui les asperge de balles. Un gros travail a été effectué sur le son : les bruits sont l'un des personnages principaux de l'histoire. Outre ceux des balles, il y a ceux des bombes, des torpilles, des avions en piqué, de la tôle des navires qui plie voire se fracture. Associés à la musique de Hans Zimmer, ces sons constituent un habillage auditif très marquant.

   Nolan a aussi déconstruit son récit. On nous annonce très vite que l'on va suivre différentes catégories de personnages : les soldats qui attendent pour embarquer, les aviateurs qui sont chargés de les protéger et les marins qui vont quitter les côtes anglaises pour se porter à leur secours. A partir de là, l'éventail se déplie : on va suivre différentes catégories de soldats et les parcours de deux aviateurs vont diverger. Cela forme un puzzle qu'il faut faire l'effort d'assembler, les scènes n'étant pas présentées dans un ordre strictement chronologique. Certains épisodes vont nous êtres montrés plusieurs fois, de points de vue différents.

   Cela crée un effet dramatique supplémentaire : on ne sait pas toujours à quel moment de la journée on se trouve exactement. Derrière cela, je pense qu'il y a aussi un objectif : insister sur le courage dont plusieurs catégories de personnes ont fait preuve... sans cacher les faiblesses et les lâchetés.

   La réalisation est impeccable. Nolan est aussi bon dans les scènes d'intérieur (dans les bateaux) que dans celles d'extérieur, avec notamment des plans assez originaux pris des avions.

   A côté de cela, les acteurs sont des pions, qui s'en sortent plus ou moins bien. Les jeunes sont très crédibles, sauf peut-être Cillian Murphy (qui incarne un soldat victime d'un stress post-traumatique), au jeu maladroit (ou alors il a été mal doublé). Les "anciens" sont sous-exploités, en particulier Kenneth Brannagh (le commandant), dont Nolan fait une simple statue. Son personnage n'en est pas moins important pour la compréhension de l'intrigue : ses répliques donnent des informations précieuses sur le contexte historique. (Pour en savoir plus, on peut se reporter au livre de Jacques Duquesne, récemment publié... et moins anglo-centré.) Mark Rylance s'en sort un peu mieux, mais dans un rôle monolithique.

   Malgré ces quelques réserves, c'est vraiment un bon film, tout en tensions, du début jusqu'à la fin... mais Dieu que ça manque de femmes !

vendredi, 21 juillet 2017

Un Vent de liberté

   Une partie de la critique a fait la fine bouche devant ce film iranien. Pourtant, depuis une vingtaine d'années, on ne nous a pas épargné les engouements factices pour des productions parfois d'un ennui sidérant. On a de plus comparé ce film aux oeuvres d'Asghar Farhadi (notamment Une Séparation), en sous-entendant que cela y ressemblait, en moins bien.

   Je trouve que c'est injuste. Le réalisateur (Behnam Behzadi) n'est pas un maladroit et il a déjà fait ses preuves en tant que scénariste (sur Half Moon). Il est vrai que certains des acteurs ont été vus chez Farhadi, notamment la principale, Sahar Dolatshahi (qui a un très joli sourire) :

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   Elle incarne une femme célibataire, sans enfant, qui dirige son propre atelier de couture, dans lequel travaillent uniquement des femmes. C'est peut-être ce personnage indépendant (pour l'Iran) qui a déconcerté. Pourtant, le réalisateur n'en a pas fait une virago ni une révolutionnaire ; on a visiblement donné à l'actrice la consigne de jouer en douceur (surtout au début)... ce qui n'exclut pas la fermeté.

   Elle en a bien besoin dans le contexte familial. C'est elle qui s'occupe principalement de sa mère, avec laquelle elle habite. Celle-ci souffre gravement des bronches, un mal qu'accentue la pollution de Téhéran. Notons que la ville est très bien filmée, pas tant du dessus qu'au ras du goudron, avec son bouillonnement d'activités. (Les spectateurs attentifs remarqueront, comme dans d'autres films iraniens urbains, la forte présence de voitures de marque française.)

   Niloofar doit surtout gérer des relations un peu tendues avec ses aînés. Sa soeur est un modèle de respectabilité, mariée et mère de deux enfants (dont une superbe adolescente, subrepticement rebelle et dotée de sourcils impressionnants !). C'est sans doute une femme au foyer, qui ne songe pas à "s'amuser" dans un atelier... Le frangin gère (difficilement) une boutique de prêt-à-porter. On est dans la petite bourgeoisie, qui a du bien (immobilier), mais qui dégage peu de revenu.

   Les tensions familiales s'exacerbent quand il est question d'envoyer la mère souffrante à la campagne. Qui va s'en occuper ? L'idée est d'éviter de payer une infirmière ou une aide à domicile. Les deux aînés vont se liguer contre la benjamine, d'autant plus que Farhad (le frère) a des soucis financiers (contrairement à sa soeur, dont l'atelier tourne à plein régime ; il est même question de l'agrandir).

   L'intrigue prend deux directions. Il y a d'abord le conflit, de moins en moins sous-jacent, entre Niloofar et ses aînés. Le réalisateur, habile, évite de tomber dans le manichéisme. Même s'il y a une part d'égoïsme dans l'attitude de Farhad et de la soeur aînée, on nous fait comprendre quelles sont les contraintes qui pèsent sur eux. Chaque personnage a sa chance. Le film montre surtout l'incompréhension qui s'est installée entre Niloofar et les autres. Elle reçoit toutefois le soutien de sa nièce, dont on sent qu'elle souhaite, à l'avenir, ressembler plutôt à sa tante qu'à sa mère.

   Le deuxième volet de l'intrigue est la relation sentimentale qui (re)naît entre Niloofar et un entrepreneur très séduisant, gentil, compréhensif, qu'elle connaît depuis l'adolescence. Il est revenu travailler au pays et semble vouloir refaire sa vie à Téhéran. Là aussi le réalisateur s'écarte du chemin balisé qui s'offrait devant lui pour s'engager dans une intrigue amoureuse qui se complexifie, notamment en raison du contexte familial de Niloofar. Mais l'un des personnages a un secret, dont le dévoilement va faire rebondir l'histoire.

   J'ai beaucoup aimé. Comme d'autres oeuvres du Moyen-Orient, celle-ci réussit l'exploit de bâtir un portrait de la société iranienne, à partir d'histoires de la vie privée, par petites touches. Ce n'est certes pas le film de l'année, mais c'est l'un de ceux à voir en ce moment.

mardi, 18 juillet 2017

Le Dernier Vice-Roi des Indes

   Il s'agit de Lord Mountbatten, un membre de la famille royale, qui a suivi une carrière militaire et administrative. Au début de 1947, il est envoyé en Inde pour gérer le plus rapidement (et pacifiquement) possible la passation de pouvoir entre les autorités britanniques et le gouvernement indépendant de la future ancienne colonie. Celle-ci, qu'on devrait plutôt appeler les Indes, s'étendait sur un territoire occupant les actuels Pakistan, Inde et Bangladesh. (Elle a même inclus, à une époque, la Birmanie et la Sri Lanka.) Elle abritait une population bigarrée, multiculturelle. Mais l'époque n'était pas à l'entente, plutôt à l'affrontement.

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   La réalisatrice d'origine indienne Gurinder Chadha (à laquelle on doit, entre autre, Joue-la comme Beckham) met bien en scène les tensions principalement entre hindous et musulmans. Elle montre aussi les divergences qui existent entre les principaux dirigeants politiques. Mais elle ne se hasarde pas à tenter d'expliquer la cause des premiers massacres intercommunautaires, qui vont bientôt dégénérer.

   Elle a préféré mettre au premier plan une histoire d'amour impossible comme Bollywood les aime tant, ici entre un hindou ouvert d'esprit et une musulmane promise à un autre homme. Il est d'ailleurs intéressant de noter à quel point ce film britannique emprunte aux codes du cinéma grand public indien. C'est très coloré, avec un souci de reconstitution louable... mais c'est horriblement mélo. Les amoureux ont un côté "nunuche" parfois insupportable... et qu'est-ce qu'ils peuvent se répéter ! Le pire arrive à la fin (que je me garderai de raconter) : c'était tellement convenu que je me suis attendu à ce que la foule se mette à applaudir puis à danser...

   G. Chadha ne s'embarrasse donc pas de subtilité : le jeune hindou (bien de sa personne) est le nouveau valet du vice-roi, alors que sa dulcinée est la nouvelle dame de compagnie de la fille de celui-ci. Quelle coïncidence ! Lui qui, quelques mois auparavant, était un policier affecté à la prison où le père de sa future chérie était incarcéré ! Ce scénario abracadabrantesque sert le propos de la réalisatrice : le palais du vice-roi (et la petite ville qui l'entoure) est un résumé de l'Inde.

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   Les acteurs européens s'en sortent un peu mieux. Certes, j'ai tiqué devant Hugh Bonneville, un peu trop vieux et empâté pour le rôle, mais il tient la route, faisant ressortir la volonté de négocier de Mountbatten. Surtout, le couple qu'il forme avec Gillian Anderson (excellente) fonctionne à merveille. J'ai aussi apprécié la brochette de seconds rôles britanniques, très bien campés. Je suis plus partagé sur les grandes figures indiennes. Si l'acteur qui incarne Nehru lui ressemble physiquement, je n'ai pas trouvé son jeu très convaincant. Cela marche mieux avec Ali Jinnah. Quant à Gandhi, je l'ai déjà vu tellement de fois à l'écran (soit dans des films d'archives soit dans des fictions) que j'ai éprouvé un sentiment d'étrangeté face à l'interprétation qui nous est proposée.

   Concernant le contexte historique, le film montre bien que le pouvoir change de mains. Assez vite, le couple Mountbatten réalise qu'en dépit du respect qu'on lui manifeste, les décisions se prennent à Londres et que la force est désormais du côté des Indiens.

   Toutefois, un élément de l'intrigue aurait mérité d'être expliqué aux spectateurs. Le couple est resté en Inde après l'indépendance. A la fin, on voit les Mountbatten participer à une action humanitaire, l'ancien vice-roi portant un uniforme (beaucoup moins prestigieux que le précédent). A quel titre se trouve-t-il là ? Eh bien, il était devenu gouverneur général de l'Inde, le pays ayant, dans un premier temps, conservé le roi d'Angleterre comme souverain (Nehru étant Premier ministre), avant de devenir une république en 1950.

   C'est donc un film aux qualités assez limitées. Sur le plan dramaturgique, on est proche de la soupe bollywoodienne. Sur le plan historique, c'est intéressant pour quelqu'un qui ne connaît pas grand chose au contexte de l'indépendance de l'Inde... mais il faut savoir que les scénaristes ont introduit un gros mensonge dans l'intrigue : l'existence d'un plan (secret) de partition de la colonie, élaboré alors que Churchill dirigeait le gouvernement (avant juillet 1945 donc). C'est une invention. Il faut y voir la volonté de régler quelques comptes avec l'ancien Premier ministre britannique. C'était un homme plein de qualités... et de défauts. Parmi ceux-ci, il y avait le refus obstiné de l'indépendance des colonies. Ceci explique peut-être cela.

lundi, 17 juillet 2017

Ozzy, la grande évasion

   Cette animation familiale s'inspire de films carcéraux et joue sur le thème de l'abandon des animaux domestiques, ici des chiens. La première partie nous décrit la vie joyeuse mais chaotique d'une famille américaine pas tout à fait ordinaire, puisque les parents travaillent tous les deux à domicile, dans la bande dessinée, activité pour laquelle ils s'inspirent de leur chien Ozzy. Celui-ci fait la joie de la fille unique du couple, qu'il entraîne dans ses bêtises. On a aussi droit à un tableau du quartier résidentiel, où les chiens sont très nombreux. Même le livreur de journaux (un des rares personnages antipathiques de cette première partie) en a un, et pas n'importe lequel !

   L'intrigue bascule lorsque la famille d'Ozzy est invitée au Japon, dans le cadre d'un festival de bandes dessinées. Les chiens y sont interdits, d'où la recherche d'une nounou pour un mois. Le couple finit par se résoudre à laisser Ozzy dans une institution canine, qui se présente comme le must de la garderie. Ils partent rassurés.

   Leur chien va rapidement découvrir l'envers du décor. Nous voilà plongés dans le film carcéral, avec ses personnages caricaturaux. Le directeur est une pourriture, les matons des gros bras sans pitié et les détenus pensionnaires des teigneux, qui redoutent l'influence d'un caïd dont je vous laisse découvrir à quel point il est impressionnant. Le héros va quand même se faire des amis : un rigolo, un vieux sage et un malabar. Ensemble, ils vont tenter de s'évader, alors qu'une course de chiens est organisée dans l'enceinte de la prison.

   C'est hyper-balisé, mais cela se regarde sans déplaisir. L'animation est correcte, mais pas virtuose. Il est vrai que, depuis que les "dessins animés" ont atteint, pour certains, un niveau exceptionnel, on a tendance à faire la fine bouche. Celui-ci souffre de la comparaison avec Moi, moche et méchant 3 (le meilleur en salles pour un public familial), Le Grand Méchant Renard (pour les plus jeunes) et Hirune Hime (pour les ados et les adultes). J'ai ri trois ou quatre fois durant le film. Sur un sujet approchant, Comme des bêtes était plus réussi. Ce n'est pas un mauvais film, mais il faut savoir qu'il y a mieux.

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dimanche, 16 juillet 2017

Entre deux rives

   Cette histoire prend naissance à la frontière des deux Corée, une ligne de démarcation entourée d'une zone démilitarisée (très surveillée), afin de prévenir toute agression, les deux pays étant encore officiellement en guerre : le précédent conflit (celui de 1950-1953) ne s'est achevé que par un armistice, et non un traité de paix.

   Cette ligne de démarcation traverse plusieurs cours d'eau, mais c'est un lac que le réalisateur Kim Ki-duk a choisi pour noeud de l'histoire. En cherchant bien (sur Google Earth), j'ai fini par trouver un plan d'eau qui pourrait correspondre à la situation du film (même si l'on sait que l'intrigue est fictionnelle) :

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   Au passage, vous noterez que les images sont récentes, alors qu'il s'agit d'un coin paumé d'Asie orientale. Pour la Corée du Sud, le logiciel s'approvisionne en partie auprès du Département d'Etat (le ministère des Affaires étrangères) des Etats-Unis. Les vues les plus anciennes datent de 2015. C'est dire si les grandes puissances (il est aussi question de la Chine dans le film) s'intéressent à la région.

   Le titre français évoque le sort de la population non militante des deux Corée, qui se retrouve (à l'image de nombreuses familles) écartelée entre deux pays, otage d'un conflit qu'elle n'a pas voulu. Le titre coréen fait référence au filet du pêcheur, cause de ses soucis, mais aussi métaphore de son sort : il va se retrouver empêtré dans une affaire qui le dépasse.

   Au départ, j'ai trouvé le propos du film louable. Mais, au fur et à mesure que l'histoire avançait, j'ai ressenti un certain malaise. Kim Ki-duk a d'abord choisi de dénoncer l'extrémisme de certains Coréens du Sud. J'ai assez vite compris que l'on aurait ensuite droit à la version nord-coréenne et j'ai pensé que le réalisateur voulait les renvoyer dos-à-dos. C'était déjà assez gonflé (et tendancieux) : les deux pays sont principalement perçus à travers le fonctionnement de leurs polices spéciales et l'aspect totalitaire du régime de Kim Jong-un n'est pas vraiment abordé.

   Mais le pire est qu'on pourrait avoir l'impression que la balance penche en faveur de Pyongyang. Le film passe plus de temps à dénoncer les défauts de la démocratie sud-coréenne... peut-être parce que c'est le pays que connaît le mieux le réalisateur. La rencontre (à Séoul) entre le héros et la prostituée est menée de manière assez lourde (et la jeune femme ne joue pas très bien). Mais le discours sur le fait que la liberté ne suffit pas au bonheur (au sud), alors qu'on peut être (relativement) heureux dans la frugalité (au nord) n'est pas sans fondement. On pourrait lui répondre qu'au sud aussi on peut être heureux dans la frugalité et qu'il y a moins de pauvres (et plus de liberté) de ce côté-ci de la frontière. Mais le réalisateur n'a visiblement pas envie de nuancer son propos. Les relations de couple sont elles aussi peintes à la truelle. Au début, on assiste à un quasi-viol conjugal et l'une des scènes de la fin (quand les époux se retrouvent) est ridicule. Que dire encore du cas de la peluche : la gamine préfère finalement son vieux jouet mal rapiécé à celui tout neuf rapporté du sud par son père ! (Entendons-nous bien : en soi, l'attitude de la gamine est vraisemblable -cela m'est d'ailleurs arrivé enfant- mais ce geste masque une symbolique vraiment lourdingue.)

   Concernant les personnages, on trouve une construction en miroir, avec un grand méchant de chaque bord et un jeune plus ouvert du côté communiste (le soldat qui refuse d'abattre le pêcheur) comme du côté occidental (le policier humaniste, dont un grand-père est originaire de la même région que le héros). Concernant les "méchants", le réalisateur a voulu montrer qu'ils ont été façonnés (au moins en partie) par les circonstances. L'inquisiteur sud-coréen a des raisons familiales d'en vouloir au régime communiste. En face, l'enquêteur nord-coréen n'est pas un aussi indéfectible soutien du régime qu'il le prétend : on comprend qu'il n'est pas opposé à la prostitution, ce "vice occidental", et il conserve les dollars trouvés sur le pêcheur, en les partageant avec ses subordonnés. J'ai aussi trouvé qu'il y avait de l'exagération dans le jeu des acteurs, ce qui ne renforce pas la vraisemblance des situations.

   Au final, le film n'est pas inintéressant, mais il n'est pas très bien joué et propose une version partiale des tensions à l'oeuvre dans la région.

The Circle

   Le distributeur français n'a même pas pris la peine de traduire le titre, qui fait allusion à la forme du bâtiment principal du futur siège d'Apple, la marque étant aussi reconnaissable à travers les produits numériques que brandissent ses adeptes (ordiphone, tablette). Mais l'entreprise qui est au coeur de l'intrigue est un mélange de la firme de Cupertino et de Google (avec une pincée de Facebook), dont le siège social semble avoir servi de modèle dans sa manière de fonctionner. De plus, le logo de The Circle est un C majuscule stylisé, qui n'est pas sans évoquer un G. Enfin, les deux dirigeants semblent être une transposition du duo Larry Page / Sergey Brin... même si l'Eamon Bailey qu'incarne Tom Hanks fait furieusement penser à feu Steve Jobs. Ce savant mélange a l'immense avantage d'éviter d'éventuelles poursuites pour diffamation...

   Nous allons suivre l'ascension de Mae Holland, une travailleuse intérimaire dont le père est gravement malade. Grâce à l'appui d'une amie, elle parvient à intégrer le siège de la Grande Entreprise, par la petite porte. A elle de faire ses preuves, dans un environnement qu'on nous présente comme étant a priori exceptionnel.

   Le film met en scène le déchirement de l'héroïne (Emma Watson, chou comme tout, même quand elle porte des espadrilles... et en plus elle conduit une Peugeot... pas le tas de boue du début, hein, la seconde voiture, celle qu'elle peut se payer à partir du moment où elle travaille pour la Grosse Boîte). D'un côté, Mae aimerait rester fidèle aux valeurs de ses parents et à ses amis d'enfance (très bien interprétés par Ellar Coltrane et surtout Karen Gillan). De l'autre, elle voit les occasions qui s'offrent à elle... Rastignac va-t-il l'emporter sur Cincinnatus ? Le suspens est intense...

   Au début, tout est beau, propre est riche. Les gens sont sympas, les lieux sont magnifiques, les avantages incroyables pour quelqu'un qui a connu la précarité. L'entreprise va même prendre en charge le traitement médical de son père, que la mutuelle des parents refusait de rembourser. On comprend quand même qu'en échange, la "communauté" attend que son nouvel élément se dévoue corps et âme à la réussite du groupe. Chaque employé est d'ailleurs évalué en permanence, en temps réel. Notre héroïne commence avec une note de plus de 80 sur 100, un bon résultat pour une "guppy"... mais son "rayonnement social" est par contre très mauvais : elle est au-delà de la 10 000ème place ! (Ces deux classements évoluent par la suite... soyez attentifs aux écrans d'ordinateur.) Il faut dire que la demoiselle a coupé son activité tout un week-end, passé chez ses parents. Elle a pratiqué du kayak sans en informer quiconque sur les réseaux sociaux, dont elle ne passe pas des heures à lire les milliers de messages inutiles... Damnède !

  A partir de là, on réalise qu'elle est entrée dans une sorte de secte (Tom Hanks a vraiment des allures de gourou technologique), mais une secte qui dit promouvoir la démocratie et le bien-être... au prix de la suppression de presque toute intimité (je vous laisse deviner les exceptions). Pour des Anglo-Saxons pas trop incultes, c'est une évidente allusion au Big Brother de George Orwell (dans le roman 1984). Hélas, nulle part dans le film il n'est fait explicitement référence à cette oeuvre majeure du XXe siècle. Il y a peut-être une raison...

   J'ai aimé la manière dont est dénoncée l'exposition ultime de la vie privée, notamment avec des incrustations à l'écran (partiellement traduites en français, hélas... faut lire vite). Evidemment, à un moment, cela va déraper et l'héroïne va se poser des questions. Elle va essayer de prendre ses patrons à leur propre jeu. Le gros problème est que la morale de l'histoire ne va pas dans le sens de la protection de la vie privée. Je ne suis pas du tout satisfait de la conclusion du film qui, de surcroît, laisse beaucoup de choses en suspens. C'est un peu trop "gentil" à mon goût. On n'a de plus pas assez exploité l'un des personnages (un des fondateurs, devenu rebelle) ni l'un des lieux secrets du complexe : un souterrain relié à la baie de San Francisco, où il aurait pu se passer davantage de choses. Le scénario n'est pas abouti, il s'arrête à mi-chemin et, surtout, il épargne un peu trop des dirigeants âpres au gain, dont l'enrichissement est en partie fondé sur le pillage du travail d'autrui.

   PS

   Indirectement, le film illustre le fossé qui peut exister entre beaucoup (de moins en moins) de parents (les vieux cons dans mon genre) et la majorité des jeunes d'aujourd'hui, qu'on qualifie de "digital natives" (nés dans le numérique) et qui, à mon avis, ne sont pas suffisamment conscients des dangers d'un monde ultraconnecté.

   Un des aspects est la naissance d'une relation amoureuse. L'héroïne est célibataire et semble hésiter entre deux jeunes hommes, son ami d'enfance et le fondateur devenu rebelle. Mais aucune des deux relations n'est possible dans le cadre de l'hypertransparence que The Circle veut imposer. A ce sujet, l'une des incrustations d'écran (qui sont les commentaires écrits sur le réseau social mondial créé par l'entreprise), fait remarquer qu'aucun des gentils membres (dont on peut tout savoir) ne semble avoir d'enfant (à l'exception des dirigeants, plus âgés).

01:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 14 juillet 2017

Les Hommes du feu

   Ces hommes sont aussi... des femmes. On en voit au moins deux qui ont embrassé la carrière : l'héroïne Bénédicte (incarnée par Emilie Dequenne) et une seconde, travaillant dans une autre caserne, mais qui a épousé le beau gosse Martial, un des nouveaux collègues de "Béné". Les autres femmes de l'histoire sont des épouses trompées, d'anciennes compagnes ou des coups d'un soir. (On aperçoit aussi l'épouse d'un accidenté, une suicidée et une femme battue... pas très positif tout ça.)

   De la filmographie de Pierre Jolivet, je ne connais que Ma Petite Entreprise et Jamais de la vie. Que du bon, donc. Là, je dois avouer que j'ai été un peu déçu. Concernant l'intégration de la nouvelle adjudant-chef, on a droit à tous les passages obligés, du mini-bizutage aux réflexions misogynes, en passant par l'erreur professionnelle et la vie personnelle qui déguste.

   C'est lié à l'aspect documentaire du film, qui veut visiblement rendre hommage aux "soldats du feu". C'est tout à fait louable, mais cela a conduit Pierre Jolivet à limer les aspérités de son récit : le bizutage est vraiment très très gentil, la misogynie est concentrée sur un personnage (qui évolue, bien entendu), le dégoût ressenti face aux agressions des "racailles de banlieue" est certes évoqué, mais très rapidement. De plus, j'ai trouvé que le personnage interprété par Emilie Dequenne manquait un peu de pêche. (Elle était meilleure dans Par accident et Chez nous.)

   A trop vouloir en dire, Jolivet n'a pas suffisamment approfondi son histoire. A part aller chercher un chat sur un toit, on voit les pompiers à peu près tout faire dans cette heure et demie. (Et encore : le sauvetage du chat nous est raconté au cours d'une scène festive.) Par contre, l'histoire du pyromane est assez mal traitée. Elle donne toutefois naissance à une très belle scène, entre Roschdy Zem (quasi irréprochable) et un adolescent mal dans sa peau. C'est bien mené, porteur de sens, mais cela conduit à amputer la dramaturgie du film.

   Du coup, même si c'est du travail bien fait, je suis resté un peu sur ma faim.

jeudi, 13 juillet 2017

Hirune Hime - Rêves éveillés

   Cette animation japonaise a l'ambition de mêler plusieurs thématiques fortes. Il y est question d'innovations technologiques, des futurs jeux olympiques de Tokyo, d'un drame familial et de la vie quotidienne dans une petite ville de province japonaise, le tout sur fond de polar.

   L'originalité du scénario est d'alterner les séquences de la réalité et celles des rêves, ceux de l'héroïne Kokone. On y retrouve les mêmes personnages que ceux de la vie de la lycéenne, mais dans des rôles différents. Ils évoluent dans un monde qui allie technologie et magie. (D'un point de vue visuel, cela m'a rappelé Steamboy, de Katsuhiro Otomo, l'auteur d'Akira.) La fille du roi y est considérée comme une quasi-sorcière, à enfermer, alors qu'elle a peut-être les pouvoirs de tout arranger. On peut aussi y voir des robots animés (et c'est beaucoup moins chiant que Transformers). Attention toutefois : dans ce monde des rêves, un des personnages n'est pas exactement celui que l'on croit.

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   Dans la réalité, Kokone est une lycéenne bien élevée mais un tantinet rebelle, très attachée à son père, un mécanicien surdoué. Tous deux souffrent de l'absence de la mère de l'héroïne, morte dans un accident. Kokone se demande si elle va poursuivre ses études à Tokyo... un moyen peut-être de retrouver son ami Morio, un geek très gentil. Quant au père, il doit gérer les pressions d'une entreprise automobile, qui le menace d'un procès. Comme dans le monde des rêves, une mystérieuse tablette numérique semble être au coeur de l'intrigue.

   J'ai vraiment été emballé par ce film. L'histoire est bien ficelée, avec cette alternance de séquences aux ambiances très différentes. Une fois qu'on en a compris le principe, on comprend comment ce que vit l'héroïne dans la réalité influence le monde des rêves. Cela devient encore plus passionnant quand, à son tour, le monde des rêves commence à avoir un impact sur la réalité.

   C'est mené avec brio et une certaine douceur dans le traitement des personnages. Certes, il y a des méchants, mais l'accent est mis sur les personnages positifs, qui arrivent le plus souvent à leur échapper voire à les tourner en ridicule. C'est amusant sans être enfantin et c'est visible par tous. Au second degré, le film montre comment une adolescente tente de gérer son deuil. C'est de plus très bien réalisé. A la qualité photographique des images s'ajoute la virtuosité de certains plans, surtout dans les séquences des rêves.

   PS

   Restez pour le générique de fin.

15:14 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mardi, 11 juillet 2017

Moi, moche et méchant 3

   Trois ans après Moi, moche et méchant 2 (très réussi) et deux ans après le décevant Les Minions, voilà notre grande famille recomposée de retour... pour s'agrandir : Gru découvre qu'il a un frère jumeau (chevelu, lui) et qu'on ne lui a pas raconté toute la vérité à propos de son père. Cette histoire familiale va quelque peu parasiter l'intrigue principale, pour le plus grand bonheur des spectateurs.

   On commence sur les chapeaux de roue avec la séquence dont des extraits ont été déjà abondamment diffusés : l'attaque du navire par le méchant de l'histoire, Balthazar Bratt, aussi ridicule que redoutable. Sa confrontation avec Grut recueille l'adhésion de la salle, déjà mise en appétit par la scène pré-générique, avec trois minions en pleine forme.

   J'ai retrouvé avec plaisir le cocktail qui a fait le succès de la série : des scènes d'action parodiques, des moments familiaux tendres et drôles... et les interventions des Minions, bien dosées, souvent hilarantes. Rappelons qu'ils sont tous doublés par Pierre Coffin, coréalisateur du film. Tendez bien l'oreille et, au coeur de leur incroyable sabir, vous distinguerez quelques grossièretés et beaucoup de références à la nourriture ! Dans la version française, Audrey Lamy est toujours aussi percutante en Lucy. La bonne idée de l'épisode est d'avoir confié la voix de Dru (le frère de Gru) à Arié Elmaleh, qui donne ainsi la réplique à son frangin Gad (qui lui incarne Gru).

   La personnalité du méchant Bratt (rivé à son walkman) a incité les auteurs à parsemer le film de références musicales aux années 1980. Cela m'a rappelé mon adolescence... Le choix des titres n'est pas innocent. Au début, Bratt préfère le Bad (de Michael Jackson) au Take my breath away (de Berlin), puisqu'il se veut un vilain garçon. Quant aux Minions, ils adoptent le plus récent Maria (de Ricky Martin) pour lancer leur teuf. D'autres succès de l'époque illustrent certaines scènes : Take on me (de A-ha) et Sussudio (de Phil Collins). A côté de cela, les musiques additionnelles m'ont paru bien fades.

   A intervalle régulier, les Minions se rappellent à notre souvenir. Leurs pérégrinations vont (temporairement) s'éloigner de celles de Grut. Presque toute la troupe se retrouve en prison, où ils matent sans peine les gros caïds et se lancent dans leur propre Jailhouse Rock !

   Le film est une grande réussite parce qu'il varie les péripéties, les personnages principaux vivant des aventures parfois distinctes. De surcroît, l'humour est suffisamment diversifié pour s'adresser aux adultes comme aux enfants. Il ne reste plus qu'à espérer que le deuxième opus consacré aux Minions (programmé pour 2020) sera plus abouti que le premier.

22:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Le Caire confidentiel

   Cette coproduction occidentale a été tournée principalement en arabe, à Casablanca, mais, de l'avis de ceux qui connaissent Le Caire, on a vraiment l'impression qu'elle a tournée en Égypte. La mise en scène fait ressortir l'image d'une ville grouillante, foisonnante, aux écarts de richesse importants. Les projets immobiliers lancés par des proches du président Moubarak s'enchaînent, alors que dans les taudis s'entassent des immigrés soudanais, soutiers de la croissance économique égyptienne.

   Le nœud de l'intrigue est l'assassinat d'une chanteuse tunisienne, auquel semble être mêlé un ami du fils du président. (L'histoire s'inspire du meurtre de Suzanne Tamim, une chanteuse libanaise.) Des pressions sont exercées sur les policiers pour clore rapidement l'affaire, au besoin en concluant au suicide. La chose semble faisable, puisque tous les membres des forces de l'ordre sont, à un degré ou à un autre, véreux. Il est de même pour la justice. Ajoutez à cela des entrepreneurs magouilleurs et des politiciens corrompus, et vous aurez une idée de l'ambiance dans laquelle baigne l'histoire. C'est dire si cet assassinat n'était pas destiné a priori à déclencher une tempête.

   Le petit grain de sable qui va enrayer la machine est une femme de ménage soudanaise, qui travaille dans l'hôtel Hilton où a eu lieu le meurtre. Elle n'a pas vu le crime se dérouler, mais elle a entendu une dispute et vu deux personnes sortir, à quelques minutes d'intervalle, de la chambre où se trouvait la chanteuse. On va la suivre pendant tout le film, entre son travail, sa vie dans un taudis où se sont regroupés d'autres immigrés soudanais comme elle, ses relations avec la police et sa fuite. L'actrice (inconnue) qui l'interprète s'appelle Mari Malek.

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   L'autre acteur sur les épaules duquel repose l'intrigue est Fares Fares, qui incarne le capitaine Noureddine Mostafa, un flic un peu moins malhonnête et un peu plus consciencieux que les autres. Il est vraiment excellent, à la hauteur des acteurs américains et français que l'on a vus dans les polars des années 1960-1970-1980. Le scénariste n'a pas choisi d'en faire un chevalier blanc de la police, ce qui aurait peut-être manqué de réalisme. L'officier va basculer "du bon côté" en partie pour une raison sentimentale : il s'amourache de la meilleure amie de la victime, qui est évidemment une femme fatale. A partir de là, sa petite vie peinarde va diablement se compliquer, comme l'intrigue, qui nous plonge dans la société égyptienne contemporaine de manière vertigineuse.

   C'est de surcroît bien réalisé. Il y a beaucoup de scènes de tension, très bien conçues, sans que la violence soit explicite. On sent que chaque personnage doit gérer des contraintes, qui pèsent sur la résolution de l'enquête. Comme de nombreuses scènes se déroulent le soir ou la nuit, on a droit à de beaux plans de vie urbaine. Le réalisateur a réussi à créer une ambiance, un élément indispensable dans ce genre de film.

   C'est une pépite de l'été, à ne pas rater si vous avez l'occasion de la voir.

lundi, 10 juillet 2017

Cherchez la femme

   Nous devons cette comédie sociale à une jeune femme d'origine iranienne, Sou Abadi. Son originalité est de faire se télescoper deux milieux que des Occidentaux mal informés pourraient penser proches, mais que beaucoup de choses séparent. Le héros Armand est le fils de réfugiés iraniens laïques, vivant dans le XVIe arrondissement de Paris, alors que l'héroïne Leila est issue d'un couple mixte (sans doute franco-algérien) et vit dans une cité de banlieue. C'est à Sciences Po que les amoureux se sont rencontrés, sans que les familles en soient informées. J'ai trouvé les deux acteurs (Félix Moati et Camélia Jordana) très convaincants.

   Les ennuis commencent quand Mahmoud, le frère de Leila, revient du Yémen converti au salafisme. Dans la cité, il fréquente de jeunes barbus qui ont les mêmes idées rétrogrades que lui. Le portrait qu'en fait la réalisatrice est assez nuancé. A l'aide de petites touches, elle montre que chacun des quatre copains a des raisons différentes d'adhérer au fondamentalisme. Mahmoud (William Lebghil, très bon) est un peu perdu ; il semble en quête d'absolu, en tout cas d'un sens à sa vie. C'est pour cela qu'il est tombé sous la coupe du caïd du quartier, pour qui la religion est un moyen de garder le contrôle. Son acolyte l'a sans doute suivi sans réfléchir, lui qui continue à fumer du shit en douce ! Mais le plus beau de la bande est Fabrice, un converti qui voit dans l'islam intégriste un moyen de s'élever socialement (dans le quartier). Il est au coeur d'un running-gag : alors qu'en changeant de religion, il a pris pour prénom Farid, presque toutes ses connaissances continuent à l'appeler Fabrice...

   Du côté des Franco-Iraniens, on a des parents juristes, bourgeois, madame portant la culotte. Elle s'est d'ailleurs mise en tête de marier son fils chéri, qui a jusqu'à présent fait échouer toutes ses tentatives. Cette partie-là de l'histoire fonctionne moins bien, notamment en raison du manque de naturel d'Anne Alvaro, qui incarne la mère. La comparaison de son histoire personnelle (musulmane, elle a fui l'intégrisme) avec celle de jeunes Françaises qui choisissent de porter le voile, ne manque toutefois pas d'intérêt.

   C'est donc un voile intégral qui va faire rebondir l'intrigue. Il est la source de plusieurs quiproquos, sur lesquels repose l'essentiel de l'humour. Il y a bien sûr Mahmoud qui va tomber amoureux de la mystérieuse Shéhérazade. Il y a aussi les parents d'Armand, qui s'inquiètent de son intérêt soudain pour l'islam... et de la présence, dans le quartier, d'une intégriste sans doute envoyée par Téhéran pour les tuer ! Même le petit frère de Leila et Mahmoud s'y laisse prendre, lui qui finit par croire que sa soeur est devenue lesbienne !

   Cela donne un ensemble hétéroclite, qui fonctionne plutôt bien. Toutes les scènes ne sont pas réussies, mais j'ai souvent ri et, mine de rien, cette comédie est plus réfléchie qu'elle n'en a l'air.

dimanche, 09 juillet 2017

Le Vénérable W.

   Le titre de ce documentaire est doublement trompeur, pour le public occidental. Il n'est nullement question de l'ancien président des Etats-Unis George Bush fils (surnommé W, initiale de son deuxième prénom) et le personnage principal n'est absolument pas vénérable, bien qu'il soit vénéré.

   W est l'initiale du nom d'un moine birman charismatique, Ashin Wirathu, adepte d'un souverainisme identitaire, qui voit dans la minorité musulmane la cause de tous les maux dont souffre son pays... et une menace pour l'avenir. Ces Rohingyas sont désignés par un terme péjoratif ("kalars"), qui renvoie à la période coloniale.

   Le réalisateur Barbet Schroeder (auquel on doit notamment L'Avocat de la terreur) a retiré ses interventions du montage, laissant ses interlocuteurs s'exprimer, avec pour seul ajout une voix off (Bulle Ogier... bof) incarnant une forme de pensée bouddhiste.

   Devant la caméra, Wirathu s'exprime remarquablement bien, calmement, posément, bien sanglé dans son impeccable toge, sa phablette à portée de main. Il développe un discours argumenté, qui ne se veut pas haineux, seulement analytique. En contrepoint, des images d'archives nous font découvrir son passé, sa formation dans plusieurs monastères et son emprisonnement, sous la dictature militaire. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que cet opposant à la dictature, qui fait figure d'érudit, soit lui-même partisan de l'instauration d'un régime que l'on pourrait qualifier de fasciste.

   La deuxième partie du film montre ses adeptes en action, que ce soit le mouvement 969 ou l'association Ma Ba Tha. Les affrontements intercommunautaires entretiennent l'esprit de vengeance, à l'image de ce qui s'est passé naguère en Inde ou au Sri Lanka. Wirathu a réussi à faire voter des lois "sur la race et la religion", un comble dans ce pays multiethnique, où cohabitent 135 groupes de population différents, parlant une centaine de langues.

   Mais l'on pourrait aussi rapprocher l'idéologie de ce moine de celle des populistes occidentaux. Lui-même dit souhaiter la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle états-unienne. La manière dont il le déclare est aussi révélatrice : son sourire et l'expression de son visage indiquent qu'il ne tient pas en très haute estime le milliardaire mal coiffé... mais il a reconnu en lui un homme de son camp.

   Plus subtilement, à travers quelques plans, Barbet Schroeder semble sous-entendre qu'il y a une réelle parenté entre ce moine, ses partisans et les intégristes musulmans. A deux ou trois reprises, on nous montre des bouddhistes psalmodiant des textes sacrés, tout en se balançant d'avant en arrière. Dans les discours, les femmes ne sont pas considérées comme les égales des hommes etc. Cela concours à présenter Wirathu comme une sorte d'ayatollah Khomeini birman. Il finit par tomber le masque, à la fin, lors d'un meeting au cours duquel il n'est peut-être pas conscient d'être filmé par le documentariste. Il y dénigre une représentante de l'ONU dans des termes orduriers.

   Face à lui se dressent d'autres moines bouddhistes, eux aussi emprisonnés jadis sous la dictature militaire. On sent que ces voix peinent à se faire entendre face à la mécanique bien huilée de leurs adversaires (qui, à mon avis, s'inspirent un peu des télévangélistes américains) et aux tensions communautaires. Le pouvoir politique, longtemps indulgent, a commencé à réagir.

   Sur le fond, je ne partage pas le point de vue de l'auteur, que l'on sent transparaître de temps à autre. Il promeut visiblement la cohabitation pacifique de tous les cultes, en pensant que leur libre expression sans heurts est possible. Je suis plutôt d'avis que c'est la trop grande présence du fait religieux dans l'espace public (quelle que soit la religion) qui est la source de tensions. C'est de (davantage de) laïcité dont la Birmanie a besoin.