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samedi, 03 juillet 2010

Liberté

   C'est l'un des avantages de la la Fête du cinéma : on peut essayer de rattraper son retard cinéphilique, certains établissements ayant la bonne idée de reprogrammer des films (pas trop anciens toutefois) sortis dans l'année... et restés peu longtemps à l'affiche.

   J'ai dû voir, il y a longtemps, un long métrage de Tony Gatlif à la télévision, mais c'est la première fois que j'en visionne un en salle. J'ai retrouvé dans Liberté cette description empathique du monde des Tziganes, sans que le propos soit angélique. Les tensions avec les sédentaires sont évidemment représentées, mais le contexte historique prend le dessus.

   Pendant la Seconde guerre mondiale, deux phases sont à distinguer. Dans un premier temps, les nomades sont assignés à résidence par le gouvernement de Vichy, avant que les Allemands n'en ordonnent la déportation, en vue de l'extermination. Il y a donc bien eu deux génocides pendant la guerre, les Tziganes nommant le leur Samudaripen.

   Le film se veut pédagogique. Par touches successives, des scènes montrent les tensions, les amitiés, les lâchetés, jusqu'à la complicité de génocide des autorités françaises de l'époque (bien relayées par les collabos).

   Mais on a confié à quelques acteurs "emblématiques" des rôles positifs : Marc Lavoine en maire-vétérinaire humaniste, Marie-Josée Croze en institutrice résistante et Rufus en petit vieux généreux. Face à eux, des habitants du village cantalien incarnent le renfermement et une forme de "beaufitude".

   Le grand talent de Tony Gatlif est d'avoir relié le destin tragique des Tziganes à celui des juifs (à travers le cas du gamin qui s'accroche aux basques des nomades... il y a aussi cette curieuse montre, trouvée sur une voie ferrée) et des résistants. Cela donne un film vraiment fort et digne.

   Fort heureusement, quelques moments de comédie ont été ménagés dans l'histoire. En général, ils naissent de la confrontation des Tziganes au mode de vie "moderne" des sédentaires. (Faut dire que nos héros sont vraiment crasseux...)

   L'interprétation est impeccable. A ceux que j'ai déjà nommés il faut notamment ajouter l'étonnant James Thierrée (un petit-fils de Charlie Chaplin), déjà remarqué dans Ce que mes yeux ont vu, et qui incarne un musicien très doué (lui-même sait jouer du violon) et un peu fou autour duquel se noue une partie de l'intrigue.

   La musique est évidemment omniprésente et entraînante. Elle est une part très importante de l'univers de Tony Gatlif, qui lui consacre un site internet.

vendredi, 02 juillet 2010

Millénium 2...

   ... La Fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette. Si l'on retrouve bien les deux héros du premier volet de la trilogie, Michael Blomqvist et Lisbeth Salander, c'est bien la jeune femme qui, plus encore que dans le précédent film, est au cœur de l'intrigue. Je précise que je n'ai lu aucun des livres.

   Sans trop en dévoiler, on peut dire qu'il est question d'un réseau de prostitution, d'une série de meurtres (attribués à Lisbeth)... et du passé de la jeune femme. Celle-ci est toujours aussi épatante, anticonformiste, indomptable. On a peur pour ce bout de femme d'1m60 (et 50 kg ?), alors que ce sont les mecs qu'elle part affronter qui devraient chier dans leur froc. De son côté, le journaliste (rappelons que Millenium est le nom du magazine géré collectivement par cette équipe d'investigateurs consciencieux) mène son enquête, tranquillou, passant ses nuits de temps à autre avec sa charmante collègue éperdue d'admiration pour lui, mais pensant au fond de lui à la jeune hackeuse qui fait battre son cœur (et grossir son sexe)...

   C'est toujours aussi dur. On nous épargne assez peu de violence... même s'il y a deux-trois ellipses... peut-être pas voulues (il semble qu'il y a eu des coupes par rapport à ce qui a été diffusé à la télévision). On sent toujours la volonté de dénoncer les injustices dont sont victimes les femmes (les coups, le viol, la prostitution forcée, le meurtre). Le contexte change par rapport au premier film. Ce n'est plus la période nazie qui se trouve en arrière-plan, mais la Guerre froide.

   C'est filmé de manière un peu plan-plan. En gros, n'y allez pas pour y observer la recherche dans la mise en scène. C'est juste du cinéma commercial, plutôt haut de gamme, un polar bien ficelé.

00:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : film, cinema, cinéma

jeudi, 01 juillet 2010

Summer Wars

   C'est un dessin animé japonais... Chouette ! Je regrette toutefois de n'avoir pas pu le voir en version originale sous-titrée. Entendre chanter "Joyeux anniversaire" en japonais, cela doit donner ! (Notons que l'on a "francisé" quelques aspects, puisqu'à un moment, il est question du pouvoir du "président" alors que, dans la version originale, c'était sans doute le Premier ministre ou l'empereur.)

   C'est donc l'histoire d'un anniversaire, celui de la matriarche d'une grande famille. Elle fête ses 90 ans, et, si son esprit est encore très vif (et son carnet d'adresses à jour... cela joue un rôle), le corps ne suit plus tout à fait. Les femmes sont chargées d'organiser le repas et la venue des invités, qui s'étalent sur quatre générations. Un intrus, invité par l'une des plus jeunes pour jouer le rôle de son petit ami, se glisse dans la réunion. Evidemment, de vieilles histoires enfouies vont ressurgir. Cette chronique familiale est souvent drôle. Voilà pour l'aspect "tradition".

   Là-dessus se greffe la modernité, avec un réseau social qui pourrait être une sorte de "Fesses-bouc" nippon, étendu au monde entier : "Oz". Les personnages ont un avatar dans ce jeu et une partie de l'intrigue s'y déroule. Il y a donc deux types d'animation dans ce film, l'un, proche de ce que l'on pouvait trouver dans certains dessins animés des années 1970-1980 (en plus élaboré toutefois : le réalisateur, Mamoru Hosoda, est aussi l'auteur de La Traversée du temps), l'autre tourné vers le style jeux vidéo (et dessins animés de baston des années 1990). Le mariage des deux est assez réussi, tant au niveau de l'image qu'au niveau de l'intrigue.

   La "vraie vie" a donc des répercussions dans le monde d'Oz et l'évolution des avatars dans le monde virtuel a des conséquences sur la "vraie vie". Cela nous amène au titre du film, Summer Wars ("les guerres de l'été") qui fait référence, à mon avis, à War Games, un film des années 1980 dont les héros sont ce que nous appellerions aujourd'hui en bon français des geeks. (La nuance à apporter est qu'à l'époque, on se gaussait de ces adolescents boutonneux passionnés d'informatique -même si dans le film, le héros est un beau gosse, alors qu'aujourd'hui, les jeunes complètement plongés dans le monde des nouvelles technologies, au point d'en oublier le monde réel, sont moins tournés en dérision.)

   Bref, l'action qui se déroule dans le monde virtuel d'Oz pourrait provoquer une catastrophe dans le monde réel et, du coup, toute la famille va être mise à contribution pour tenter d'éviter que le drame ne se produise. Cela nous donne notamment une séquence qui voit une vingtaine de personnes se connecter au site internet par tous les moyens possibles : ordinateur fixe, portable, téléphone mobile et console de jeux (une Nintendo DS sans doute). En parallèle, l'une des grand-tantes persiste à regarder un match de base-ball à la télévision : c'est une importante finale régionale et son fiston est le meilleur lanceur de l'équipe !

   On passe donc facilement du rire à l'angoisse, le tout baignant dans une humeur bon enfant : le film est plutôt destiné aux adolescents. Les adultes risquent donc d'être un peu déroutés par quelques niaiseries. Cet inconvénient est je pense largement compensé par toutes les qualités du film, notamment, si l'on est un peu observateur, par la description de pans de la civilisation japonaise à travers le vécu de cette incroyable famille.

12:23 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma

mardi, 29 juin 2010

L'Illusionniste

   Non, ce billet n'est pas consacré à l'actuel président de la République française ! J'en connais qui ont vraiment l'esprit mal tourné ! Les autres ont bien compris que j'allais causer du dernier long métrage de Sylvain Chomet, adapté d'un scénario de Jacques Tati. Notons que le cadre de l'action a été déplacé de la Tchécoslovaquie à l’Écosse, où Chomet s'est d'ailleurs installé il y a quelques années.

   Cela nous vaut quelques moments savoureux, très "couleur locale" : les Écossais aiment consommer des boissons fermentées (le bateau de l'un d'entre eux s'appelle même "Whisky") et c'est une époque (les années 1950-1960, apparemment) où l'on porte encore volontiers le kilt (avec une jolie scène de bateau, vent à la clé).

   L'histoire est très nostalgique. Il est question de ces artistes de cabaret (magiciens, ventriloques, acrobates...), qui peinent à gagner leur vie, concurrencés qu'ils sont par les nouvelles idoles (la musique pop-rock et la télévision). Le film s'évertue pourtant à mettre en valeur leur talent. Pour s'en sortir, il faut souvent désormais un deuxième métier. Cela donne des moments comiques (par exemple dans le garage ou dans la vitrine d'un grand magasin) mais aussi tristes voire tragiques (autour du clown).

   C'est aussi une histoire d'amour et d'amitié. Une relation père-fille se noue entre le héros, l'illusionniste donc, qui a des airs de Monsieur Hulot, et une jeune servante des hautes terres écossaises, qui va le suivre à Édimbourg. Le problème est que la vision de la femme est assez datée. Alice a fonction de ménagère, réclame de beaux habits (que lui offre l'homme du ménage, qui travaille pour gagner sa pitance) et rêve d'un prince charmant (forcément super beau gosse). Cet aspect scénaristique aurait pu être modernisé.

   L'un des personnages principaux du film est un être inanimé : l'hôtel bon marché où logent nombre des saltimbanques. Entre la lumière qui entre par les fenêtres, la musique du tourne-disque et les mouvements acrobatiques des triplés, on ne s'ennuie pas dans ce curieux établissement, tenu par des nains !

   L'animation est ma-gni-fique. Si l'on retrouve sans peine le style de l'auteur des Triplettes de Belleville, le trait s'est affiné, les mouvements sont plus détaillés, plus gracieux. On a semble-t-il ajouté des effets numériques (notamment dans les vues urbaines). On remarque aussi un apport asiatique (japonais et coréen, qui figure au générique... au fait, restez jusqu'à la fin), perceptible au niveau du personnage de la jeune fille, très nettement visible dans l'animation du lapin. Le résultat est éblouissant, l'image comprenant une profusion de détails, des jeux d'ombres et de lumières.

   J'aime aussi beaucoup la musique, douce, dans le ton de l'histoire.

   Reste que je déconseille aux dépressifs d'aller voir ce film, vu qu'il est particulièrement mélancolique. C'est à mon avis un reflet des sentiments éprouvés par Jacques Tati au début des années 1960. C'est l'époque où sa fille Sophie (à qui est dédié le film), adolescente, se détache un peu de lui, pour devenir adulte. On pourrait voir dans  la mue du personnage d'Alice une transposition (sublimée) de ce qu'a vécu Tati dans sa vie familiale : à la fin du film, le héros regarde une photographie, sur laquelle il m'a semblé reconnaître Sophie Tatischeff.

   P.S.

   Le site internet mérite le détour.

12:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema

lundi, 21 juin 2010

Life during wartime

   ... "La vie en temps de guerre", en français. Le titre a une double signification. Il est une allusion à la politique bushienne de "guerre contre le terrorisme" et, au second degré, il fait référence aux relations humaines, notamment intrafamiliales.

   Pour bien comprendre ce film de Todd Solondz (dont je recommande aussi Bienvenue dans l'âge ingrat, l'anti-film pour ados), il vaut mieux connaître un peu Happiness, dont il est la suite. Mais on peut quand même le voir sans cela. Sachez toutefois que la scène d'ouverture de Life during wartime est un décalque de celle de Happiness, les interprètes ayant changé et les personnages ayant évolué.

   On retrouve le style adopté par le réalisateur dans le précédent : des situations grotesques, souvent humiliantes pour au moins l'un des protagonistes, traitées sur un ton anodin, avec des dialogues supposés neutres, remarquablement bien écrits. Solondz est le cinéaste du refoulement, de l'innommable.

   Après la savoureuse scène de départ, on apprend la sortie de prison du père pédophile. A voir sa tête et à observer son comportement, on comprend qu'il a dû en baver durant sa détention... et qu'il n'est peut-être pas complètement guéri. Là, le réalisateur renonce à la comédie acide et ébauche une réflexion sur la vie de famille d'un criminel. C'est assez étonnant à dire (surtout quand on a vu les précédents films de Solondz), mais là, il travaille dans la dentelle.

   On revient à la comédie sardonique avec le portrait des trois soeurs, plus ravagées les unes que les autres. L'aînée (et épouse du pédophile) a fui le New Jersey pour la Floride où elle tente de refaire sa vie. L'intello (interprétée par Ally Sheedy, qui fut l'héroïne de War Games en 1983 !) vit avec un acteur célèbre et méprise toujours autant les autres. Enfin, la névrosée, qui semblait avoir retrouvé un équilibre, est en fait toujours aussi barge. C'est le retour de l'ancien violeur qui fait voler en éclat les faux-semblants.

   Il faut noter que Solondz a gardé son habileté à faire jouer des scènes délicates à des enfants. C'est, je pense, dû en partie à la qualité des dialogues qui, à l'aide de mots du quotidien, savent faire exprimer les pires horreurs.

   Son talent s'exprime aussi au niveau du cadrage : dans presque chaque scène il faut être attentif à un élément apparemment anodin (un drapeau israélien, un dessin de singes sodomites, un personnage flou qui traverse un coin de l'écran...), très significatif en fait.

   Il me semble que cette suite à Happiness insiste davantage sur la judéité de la famille, pour s'en moquer. Il s'agit de la classe moyenne bushiste (qui a voté McCain en 2008), pro-israélienne jusqu'à l'aveuglement. A plusieurs reprises, à travers le personnage de l'épouse qui tente de refaire sa vie, cette "judéité ostentatoire" est tournée en dérision.

   J'ai quand même été un peu déçu. Le film est beaucoup moins "rentre dedans" que le premier et il faut reconnaître que, parfois, les situations sont un peu vides. Cela reste un ovni cinématographique qui mérite le détour.

   P.S.

   Une des scènes d'anthologie de Happiness a inspiré de talentueuses internautes... Celle qui tient le nounours est excellente !

13:46 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film

vendredi, 18 juin 2010

Dream

   Derrière ce titre anglais se cache un film sud-coréen, de Kim Ki-Duk. Ce pays n'en a pas l'air, mais il a produit une brochette de réalisateurs talentueux, parmi lesquels on trouve Park Chan-wook (auteur de l'excellent Old Boy et du déroutant Je suis un cyborg), Im Sang-soo (dont je recommande The President's last bang, film politique qui dépote, et Le Vieux Jardin, sublime mélo) et Bong Joon-ho (créateur de l'un des meilleurs polars de la décennie, Mémories of murder, d'une fiction inclassable, The Host et de l'un des trois courts-métrages du film choral Tokyo !). Le tout-venant de la production locale (par exemple Le Roi et le clown, de Lee Jun-hik et The Chaser, de Hong-jin Na) n'est pas désagréable à regarder, même s'il est d'un niveau moindre.

   Dream se situe entre ces deux catégories : ce n'est pas un chef-d'oeuvre, mais c'est un bon film, très original.

   L'histoire lie fortement deux personnages qui ne se connaissent pas au début. Pendant que l'un rêve, l'autre agit en somnambule. Le problème est que lui veut récupérer son ex-petite amie, qui l'a quitté, alors qu'elle ne veut plus entendre parler de son ex-petit copain, qu'elle a largué. Quand on se rend compte que l'ex de l'un couche avec l'ex de l'autre, les choses se compliquent.

   L'intensité monte d'un cran quand les deux principaux protagonistes comprennent qu'ils ont besoin l'un de l'autre. Ils imaginent donc différents stratagèmes pour déjouer la tyrannie des rêves. Cela nous donne quelques moment comiques très réussis.

   L'action se déroulant essentiellement la nuit, un grand soin a été apporté aux effets de lumière, aux ombres (le contraste entre l'ombre et la lumière est à relier aux personnages, eux-mêmes alternativement vêtus de blanc et de noir... un côté yin et yang sous-jacent dans le film). Les lits occupent aussi une grande place dans l'intrigue... et les couettes sont fort jolies !

   Evidemment, un drôle de sentiment commence à rapprocher les héros. Les anciennes relations et leur peur de s'engager vont-elles les empêcher de commencer une nouvelle histoire ? Mystère et boule de billard... jusque dans le dernier quart d'heure, très très spécial, dont je me garderai bien de dévoiler la substance...

   P.S.

   Le dossier de presse (lourd, long à télécharger) est très complet.

16:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma

jeudi, 10 juin 2010

Ajami

   Ajami est un quartier de Jaffa, ville arabe de l'agglomération de Tel-Aviv, située à l'ouest d'Israël :

Israël.jpg

   Les personnages principaux sont donc des "Arabes israéliens", nom donné à cette catégorie particulière de citoyens israéliens, descendant des Palestiniens restés sur le territoire du nouvel Etat juif en 1948. Comme l'on se trouve à Jaffa, ils sont très souvent chrétiens (comme le coréalisateur Scandar Copti, qui incarne le personnage de Binj), à l'image de l'entrepreneur Abu Elias dans le film :

Arabes d'Israël 2006.jpg

Source : Hérodote

   Mais, là où le film devient passionnant, c'est quand il fait s'entrecroiser les destins de ces Arabes chrétiens avec celui de Palestiniens (musulmans) de Cisjordanie (qui tentent d'entrer en fraude en Israël, pour trouver du travail), de Bédouins franchement mafieux et de policiers israéliens juifs. Le montage s'inspire un peu de ce qui a été fait par Tarantino dans Pulp Fiction, mais aussi de la trilogie de Lucas Belvaux (Un Couple épatant, Cavale et Après la vie) : dans le cours du film, on voit certains moments sous différents angles, qui permettent de comprendre le point de vue d'autres protagonistes.

   Le premier chapitre met en scène le conflit entre Arabes, sur fond de délinquance.  Dès le début est présent celui qui narre une partie de l'histoire, ce jeune dessinateur aux crayonnés si talentueux. La suite nous montre l'un des héros à son nouveau travail (il a des dettes à honorer) et nous fait découvrir un adolescent dont la mère est gravement malade. Point commun de ces deux jeunes hommes : il leur faut trouver rapidement une grosse somme d'argent, ce qui les pousse à passer dans l'illégalité.

   C'est à ce moment qu'intervient le policier israélien qui, au-delà de son travail, poursuit une quête personnelle : son frère a disparu et quand il le retrouve, il décide de le venger.

   Le grand intérêt du film est de dépeindre les conditions économiques et culturelles de la vie quotidienne des différentes communautés. La conflit proche-oriental n'est suggéré qu'à l'arrière-plan. Les Israéliens ne sont pas montrés systématiquement comme les responsables des malheurs des Arabes. L'organisation mafieuse de certains quartiers et les mentalités archaïques s'ajoutent à la violence politique.

   Cela nous donne un polar bien fichu, très pessimiste sur le fond, un peu larmoyant à la fin, mais d'une grande habileté scénaristique.

mercredi, 09 juin 2010

Nothing but the truth

   Ce film de John Kani (qui dirige aussi le musée de l'Apartheid), a reçu l'Etalon d'argent au Festival panafricain de cinéma 2009 (l'Ethiopien Haile Gerima ayant décroché la récompense suprême avec Teza). Il se déroule dans l'Afrique du Sud post-Apartheid. On y découvre la vie un peu terne d'un vieil employé de bibliothèque et de sa fille, traductrice pour le tribunal dans le cadre de la commission Vérité et Réconciliation.

   Cela pourrait être tragique, car l'histoire débute avec la nouvelle du décès du frère du héros (réfugié jadis au Royaume-Uni, et jamais revenu au pays), dont le corps doit être rapatrié par sa fille. C'est là que la partie comédie commence, avec ce choc des cultures entre la jeune urbaine occidentalisée, très expansive, et l'oncle très traditionnaliste. Comme dans d'autres longs métrages (comme Joyeuses Funérailles, par exemple), l'organisation et la tenue de la cérémonie funèbre sont l'occasion de vider bien des querelles... autant de sources de moments comiques... ou d'émotion.

   La description du processus du deuil familial est quasi-ethnographique, l'aspect documentaire du film étant renforcé par quelques scènes consacrées à la gestion de l'héritage de l'Apartheid. Parce que le fils de Sipho (interprété par John Kani himself) a été tué par la police raciste, parce que le vieil employé espère qu'enfin l'Afrique multiraciale va lui permettre de décrocher le poste qu'il convoite, auparavant inaccessible aux Noirs, l'histoire personnelle s'entremêle avec l'Histoire.

   Le film, parfois maladroit dans la forme, est assez subtil sur le fond, quand il met en balance l'attitude des exilés glorieux (comme le frère du héros, un beau parleur paresseux et coureur de jupons) et la vie qu'ont menée ceux qui sont restés dans ce pays-prison que fut l'Afrique du Sud afrikaaner.

dimanche, 06 juin 2010

Teza

   C'est un film éthiopien de Haile Gerima, présenté dans les festivals (à Venise notamment, où il a reçu en 2008 le prix spécial du jury, à Ouagadougou, où il a décroché l'Etalon d'or en 2009), sorti en France seulement en 2010. C'est à la fois une fresque historique (sur l'Ethiopie des années 1970 aux années 1990, avec des références à la colonisation italienne), un conte et un portrait intimiste.

   Le montage est assez habile, entrelaçant les époques : la période estudiantine du héros dans les années 1970, en Allemagne, son retour en Ethiopie puis le nouveau départ, pour la R.D.A. et la vie "actuelle" dans l'Ethiopie des années 1990. Le découpage a un but : créer le mystère, les incertitudes trouvant leur réponse au fur et à mesure que l'on découvre le passé du personnage, qui a perdu la mémoire.

   "Teza", c'est la rosée (la première séquence du film nous en donne la signification, de manière poétique). Elle désigne peut-être cette jeunesse partie étudier à l'étranger et qui a cru pouvoir changer les choses en revenant au pays, une fois le régime du Négus aboli. Les scènes "anciennes" du début sont très "africaines" et quasi ethnographiques. Elles alternent avec celles présentant le retour du fils prodigue, qui a l'air très atteint (il a perdu une jambe). Le personnage de la mère est particulièrement réussi, très beau.

   Le style de la réalisation change avec le tableau des années 1970 en Allemagne : ces exilés se sont bien accommodés de la vie à l'occidentale. Ils ont noué des relations avec des Allemandes "progressistes". On a fait attention aux détails : les coupes de cheveux et les vêtements sont conformes à ce qu'on voyait à l'époque.

   L'époque du premier retour nous donne un aperçu de ce que pouvait être un régime communiste africain, avec sa bureaucratie tâtillonne, son idéologie inflexible et ses militants violents. C'est fou mais cette partie du film m'a irrésistiblement fait penser à d'autres longs métrages consacrés à d'autres pays africains : derrière le vernis communiste, il est question d'un pouvoir autoritaire et de la propension des groupes d'activistes à commettre des massacres.

   Ce n'est qu'à la fin que l'on apprend ce qui est arrivé à Anberber (le héros), même si un spectateur attentif a su décrypter les indices laissés en cours de route par le réalisateur. Le deuxième retour au pays se fait dans un contexte de violence : la chute du régime communiste de Mengistu est suivie d'une guerre civile encore plus intense, les soldats raflant les enfants pour gonfler leurs troupes (et éviter que leurs adversaires ne les récupèrent).

   Du coup, un des lieux prend une importance symbolique considérable : une grotte, peut-être occupée depuis la préhistoire, qui a servi de refuge à différentes époques. Ce fut d'abord une cachette pour les patriotes éthiopiens en lutte contre l'invasion italienne, puis pour les opposants au régime d'Hailé Sélassié, puis pour les enfants fuyant l'embrigadement, enfin pour une femme enceinte rejetée par la société patriarcale (fort bien décrite, sans a priori). On voit là toute la complexité du propos du réalisateur : le pays a souffert d'interventions étrangères (les fascistes italiens, les communistes d'obédiences soviétique, chinoise... et albanaise !), mais aussi de maux internes, en raison de sa difficulté à se moderniser. Même si le film est un peu long (2h20), il est une belle leçon de vie... et une nouvelle preuve que le cinéma africain peut avoir une vocation universelle.

   P.S.

   A signaler le dossier de presse, excellent, disponible sur le site d' Isabelle Buron (où l'on peut trouver les extraits du film auxquels mènent certains des liens précédents), une attachée de presse très branchée art et essai.

jeudi, 27 mai 2010

Les Murmures du vent

   C'est un court film (1h15 environ) de l'Iranien Shahram Alidi, un Kurde qui aborde de façon poétique la situation de son peuple à la fin des années 1980, en Irak, sous la riante dictature de Saddam Hussein, invisible dans le film, mais dont les troupes sillonnent les montagnes du Kurdistan en quête de civils à massacrer (c'est l'opération Anfal).

   Le héros est un messager d'un genre un peu spécial : un vieil homme, qui a perdu son fils, passant ses journées dans une fourgonnette équipée d'un haut-parleur, lui-même outillé, puisqu'il ne se sépare jamais de son magnétophone. Sa mission est d'enregistrer et transmettre des messages, dans cet immense territoire reculé, aux paysages contrastés et magnifiques.

   Même si l'histoire a l'air alléchante, elle n'est qu'un cadre et l'essentiel de l'intérêt est suscité par la mise en scène. On commence par une vision subjective, celle d'un client un peu bourré (le héros). On le retrouve plus tard sur le point de faire sa toilette, au bord d'un lac... mais il faut un petit moment pour se rendre compte de ce qui est en train de se passer : le réalisateur filme un reflet dans l'eau et, tant que le héros ne s'en approche pas, la limpidité de la surface nous empêche de réaliser qu'il ne s'agit que d'un reflet. Très fort !

   Le film est rempli de trouvailles visuelles (sans avoir eu besoin de recourir à des trucages numériques). Le héros rencontre un garçon qui écrit son message sur une paroi poussiéreuse, le texte apparaissant au spectateur à l'envers, la scène étant filmée de l'intérieur. Plus tard, il finit par arriver dans un village de femmes, sorte de refuge pour des rescapées qui ont toutes déjà perdu plusieurs proches dans les massacres commis par les sbires de Saddam Hussein. Les humains sont à l'image de ces tas de pierres, renversés la nuit par un vent impitoyable et hallucinant.

   La séquence du mariage clandestin est plus que pittoresque : spectaculaire et entraînante, avec la musique et les chants traditionnels (c'est peut-être un clin d'oeil à un autre bon film consacré au Kurdistan, Half Moon). Elle prend de surcroît une autre dimension quand on voit comment elle s'est achevée... J'ai aussi beaucoup aimé la séquence de l'arbre aux postes de radio, à un moment où le héros risque réellement sa vie.

   C'est donc un film assez pessimiste, mais duquel émane, en dépit de quelques maladresses, une vraie force de suggestion.

21:02 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema

dimanche, 23 mai 2010

Dans ses yeux

   "Le Secret de ses yeux" (traduction du titre original) est donc le film qui a privé Un Prophète de l'oscar du meilleur film étranger 2010. Cela a mis un peu les critiques parisiens à cran, vu qu'ils avaient encensé le film de Jacques Audiard (qui a récolté neuf récompenses aux César 2010) et qu'ils considéraient comme inévitable son succès à la cérémonie. Ils avaient peut-être négligé le fait que Juan José Campanella, le réalisateur argentin de Dans ses yeux, travaille aux Etats-Unis, sur des séries à succès.

   Le film est un mélange réussi de trois niveaux de narration. L'histoire principale alterne l'époque actuelle et les années 1970. S'ajoutent à cela des scènes imaginées par le juge qui tente d'écrire un roman à partir de cette affaire judiciaire à moitié résolue. Ses retrouvailles avec son ancienne collègue lui font revivre ce passé... et permettent aux spectateurs de découvrir, petit à petit, le fait divers sordide, et son arrière-plan politique. Il faut s'attacher aux regards, qui donnent les clés du polar et de l'intrigue sentimentale.

   La réalisation est habile. Soyez bien attentifs aux scènes du début, qui réapparaissent plus tard, d'une manière ou d'une autre : on finit par voir "en vrai" la partie romancée par le juge à la retraite. On sent un réel savoir-faire chez Campanella et son équipe, qui jouent habilement sur la focale dans certaines scènes.

   C'est donc un bon polar, qui surprend jusque dans le dernier quart d'heure, quand on croit que tout est terminé. Mais c'est surtout une histoire d'amour... deux en réalité. Il y a l'amour fou porté par l'employé de banque à la jeune femme victime du viol et celui, qui n'ose pas se déclarer, du héros Benjamin Exposito pour la sublime Irène (excellemment interprétée par Soledad Villamil). Cela nous donne tantôt des moments pleins de finesse et d'autres excessivement mélo... ce qui est assumé par le film, l'héroïne reprochant même à son acolyte d'en faire trop dans son roman ! Autre bémol : le vieillissement des personnages est plus ou moins réussi, les artifices étant particulièrement visibles sur les gros plans.

15:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma

samedi, 15 mai 2010

Mammuth

   La bande à Groland sévit de nouveau, plus particulièrement Gustave Kervern et Benoît Delépine (Michael Kael pour les intimes). La distribution oscille entre le nec plus ultra (Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Anna Mouglalis) et la bande de potes (Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Siné) et Yolande Moreau, qui fait le lien entre les deux, depuis l'excellent Louise Michel.

   Mammuth, c'est à la fois Serge Pilardosse et la vieille moto, qu'il n'a pas enfourchée depuis longtemps (on découvre pourquoi dans le film). Les deux refont connaissance à l'occasion de la retraite du vieux boucher. Cela commence fort avec la scène du pot de départ (et le cadeau minable offert par les collègues). Cela continue par la séquence à la maison, le soir, au cours de laquelle Catherine (Yolande Moreau géniale) houspille son mec... et insiste pour qu'il lève la lunette ! On embraye avec la séquence du supermarché, qui voit Serge s'engueuler avec un commis boucher nase (Gustave Kervern himself) et tenter de passer avec son chariot entre deux véhicules garés sur le parking !

   Serge part donc en quête de ses points retraite. Je ne vous raconte pas ce que le fossoyeur du cimetière lui demande en échange de sa collaboration. Ensuite, il rencontre des fortunes diverses. Il lui faut faire preuve d'ingéniosité pour récupérer ses papiers... et ne pas tomber dans les pièges qui lui sont tendus, notamment par une arnaqueuse putassière. Cela nous donne une séquence merveilleuse, pendant laquelle Catherine et sa meilleure amie envisagent de faire payer la donzelle.

   Les deux rencontres avec le personnage interprété par Benoît Poelvoorde sont de petits bijoux ! Après cela, vous ne regarderez plus les plages de la même manière...

   Par contre, les scènes avec le fantôme d'Adjani ne sont pas très bonnes, à l'inverse de la relation qui se noue entre Serge et sa nièce (on finira par apprendre ce qu'est devenu le frangin), très poétique. Et que dire du moment passé avec ce vieil ami, qui finit en branlette mutuelle... crampes à l'appui !

   Ce film de qualité, qui n'a hélas pas bénéficié de l'exposition qu'il aurait méritée, a rempli la petite salle du Royal qui lui avait été attribuée... ce qui a donné lieu à de surprenantes proximités. Mais la salle a globalement bien rigolé !

   Les coulisses du tournage sont racontées par les deux auteurs dans un entretien mis en ligne (en trois parties) sur le site de sinehebdo.

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vendredi, 14 mai 2010

Lignes de Front

   Ce n'est pas le premier film de fiction consacré au génocide des Tutsis. Il y a quelques années de cela Terry George avait réalisé (après bien des difficultés) le formidable Hôtel Rwanda, avec Don Cheadle (à l'affiche actuellement de Iron Man 2). De son côté, Jean-Christophe Klotz a déjà tourné un documentaire sur le sujet : Kigali, des images contre un massacre.

   Il y a donc une part d'autobiographie dans cette fiction. Le personnage (très bien) interprété par Jalil Lespert est une sorte de double du réalisateur, auquel il ressemble un peu physiquement. De plus, dans le film, il joue du piano, un air dont on apprend dans le générique de fin qu'il a été composé par Klotz (qui est pianiste). Celui-ci a donc voulu créer une oeuvre plus personnelle, plus subjective. Il y est donc bien question du génocide, mais aussi des questions qui taraudent le reporter, de sa perception du conflit.

   La première moitié du film nous fait suivre la quête de Clément, un Rwandais hutu qui vit en France mais est lié à une Tutsie restée au pays. Antoine va l'aider dans sa recherche tout en faisant son boulot de journaliste. Cette histoire dans l'histoire a le mérite de rappeler que tous les Hutus n'étaient pas des génocidaires (les modérés ont fait l'objet d'assassinats) et que la dictinction "raciale" (sur laquelle le colonisateur belge s'était fortement appuyé) laissait place à des comportements ouverts. On y rencontre aussi une assez grande palette de la francophonie, entre Rwandais hutus et tutsis, journalistes français, militaires canadiens et haïtiens, plus peut-être quelques Belges.

   La deuxième partie du film traite du retour en France du reporter (sans Clément, qui a disparu) puis de son nouveau départ pour le Rwanda, dans une démarche où le citoyen prend le dessus sur le journaliste. Il prend évidemment plus de risques, mais touche de plus près la réalité du génocide. La mise en scène se fait plus inventive, moins inspirée du documentaire. L'une des séquences (nocturne) m'a même fait penser à Apocalypse now.

   La politique africaine de la France ne sort pas grandie de ce film. (Pour être honnête ajoutons que la communauté internationale non plus.) Le régime hutu a été aidé pendant des années par les gouvernements français... et l'attitude de l'armée française est encore aujourd'hui l'objet de questions, abordées dans le rapport de la commission d'enquête présidée par Paul Quilès et dans celui d'une commission rwandaise, très accusateur celui-ci. Publié en 2007, dans un contexte d'affrontement entre la justice française et le pouvoir rwandais, il suscite beaucoup d'interrogations. On peut en trouver une bonne présentation sur les sites de RFI et de Rue89. On peut aussi lire avec profit le rapport de l'O.U.A. (Organisation de l'Unité Africaine), en particulier les pages 86 à 91 (sur le rôle de la France avant le génocide) et 135 à 141 (sur l'Opération Turquoise). Pour avoir le point de vue d'officiers français, on peut se diriger vers le site france-turquoise. Enfin, André Guichaoua, un universitaire qui vient de consacrer un gros bouquin au génocide, a créé un site internet sur lequel nombre de documents sont accessibles.

  

jeudi, 13 mai 2010

Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec

   J'ai failli me laisser influencer par la critique et l'image que Luc Besson ne dédaigne pas donner de lui. A la base, je ne fais partie ni du clan des inconditionnels ni du clan des détracteurs. En salle, je n'avais vu que trois de ses films : Le Grand Bleu (excellent souvenir adolescent), Le Cinquième Élément (du Besson grand public de qualité) et Arthur et les Minimoys. Sur petit écran, j'ai vu sans déplaisir Subway (son meilleur ?), Nikita (plus fort que le remake américain), Léon (sans plus) et Jeanne d'Arc (déroutant, à la fois film inspiré et daube hollywoodienne). De Besson scénariste, je retiens Wasabi (regardable) et Taken, trépidant mais limite facho.

   Le début du film a failli me conforter dans ma principale appréhension : me retrouver face à une pâle copie du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain. En effet, l'histoire (dont l'héroïne est une jeune femme pleine de ressources) démarre par une présentation avec voix grave de narrateur (pas aussi talentueux que Dussolier). Les trucages numériques ont servi à ressusciter le Paris ancien (celui de la "Belle époque", sous la présidence d'Armand Fallières, auquel le scénario accorde plus de pouvoir qu'il n'en avait réellement). De plus, le réalisateur abuse des gros plans de "trognes" d'acteurs au physique disgracieux (il arrive quelques mésaventures à l'un d'entre eux, un peu comme à l'épicier du film de Jeunet). Ce n'est pas nouveau-nouveau mais, en gros, cela marche.

   C'est d'abord dû au talent de l'interprète principale, Louise Bourgoin, vraiment épatante en journaliste qui n'a pas froid aux yeux. Elle est juste moins convaincante en sœur éplorée. En tout cas, elle fait vivre ce personnage aux répliques cinglantes... et plein de charme. La palette de seconds rôles est bonne, colorée.

   Les effets spéciaux sont bluffants, non pas tellement au niveau du Paris numérique que du ptérodactyle et des momies revenues à la vie. Toutes les séquences comprenant l'animal préhistorique sont vraiment bien fichues et le sommet est atteint avec les Egyptiens, notamment Patmosis, dont le comportement est source de gags.

   C'est là la principale qualité du film : au-delà de l'aventure, de la romance, du suspens, du merveilleux, c'est une comédie et une comédie réussie. On rit de voir tous ces hommes se faire bousculer par ce bout de femme intrépide. On rit aussi des échecs qu'elle connaît parfois, en dépit des trésors d'ingéniosité qu'elle déploie (notamment pour faire évader le vieux professeur Espérandieu). On rit de la chaîne de commandement téléphonique (et de la réduction progressive du délai accordé à chaque subalterne), qui court du président de la République à l'inspecteur de police, en passant par le ministre, le préfet et le commissaire. On rit encore de la balourdise du ptérodactyle, qui finit par se faire dompter par la courageuse donzelle. On sourit aussi, bouquet final, en voyant l'héroïne embarquer, en 1912, sur un bateau transatlantique au destin célèbre...

   P.S.

   Le site du film est sympatoche.

   P.S. II

   Ne partez pas trop vite : le générique, divisé en deux parties, réserve une surprise.

01:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma

mardi, 11 mai 2010

Iron Man 2

   Quand on a aimé le premier volet, on ne peut pas refuser d'aller voir le deuxième (et pas le second), surtout si l'une des nouveautés consiste en la présence de la délicieuse Scarlett Johansson. Elle est mystérieuse à souhait et surtout très sexy en Veuve Noire, dans sa combinaison sombre qui lui donne un petit côté Michelle Pfeiffer, l'inoubliable Catwoman -la seule, la vraie- dans Batman, le défi. (Je m'arrête là, sinon je vais bander.)

   Pourtant, les critiques ne sont pas très bonnes, le bouche-à-oreille pas dément... et les vingt premières minutes ne m'ont pas rassuré. C'est surjoué et Robert Downey Junior en fait des tonnes dans le genre beau gosse bling bling, surdoué et sauveur du monde. C'est filmé par un dessous-de-bras et le doublage est pitoyable, tant au niveau des intonations que de la synchronisation des lèvres.

   Et puis, ça décolle, après la première baston entre les deux potes. J'ai particulièrement aimé la séquence se déroulant pendant le grand prix de Monaco. Le couple Downey-Paltrow fonctionne à merveille et le méchant est très réussi... Normal, puisque c'est Mickey Rourke qui l'incarne !

   L'histoire n'est pas idiote, avec ces politiques qui veulent s'approprier l'arme ultime et ces compagnies du lobby militaro-industriel qui salivent devant les contrats du Pentagone. A ce propos, signalons la performance de Sam Rockwell, très bon en enflure arriviste.

   Mais le film vaut surtout par les trucages numériques. Stark aime faire mu-muse avec les images de synthèse... et c'est joli à voir ! Les scènes de combat déchirent, surtout celles qui se déroulent au sol. Toutefois, on a parfois l'impression de se trouver dans un jeu vidéo. Ajoutez à cela le fond musical, plutôt rock, pas dégueu.

   Bref, un film d'action efficace, pas génial mais qui fait bien digérer.

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vendredi, 07 mai 2010

Nénette

   Voilà un bien étrange titre. Qui peut bien être cette "Nénette" ? Une femme pour sûr. Mais une femme pas comme les autres : c'est peut-être l'orang-outan femelle la plus célèbre du monde. C'est l'une des attractions de la ménagerie du Jardin des Plantes, à Paris.

   Nicolas Philibert (remarqué jadis pour Etre et avoir, plus récemment avec Retour en Normandie) a eu l'idée de planter sa caméra en cet étrange lieu, la laissant braquée sur les animaux, le fond sonore étant constitué des commentaires des visiteurs ou de personnes que le réalisateur a fait venir devant la cage vitrée.

   Les commentaires des visiteurs sont souvent drôles, entre les enfants qui s'étonnent de la grosse poche qui pend sous le menton, les étrangers qui blaguent sur l'exiguïté (et le coût) des logements à Paris, d'autres qui se demandent si elle s'ennuie, s'il ne lui faudrait pas un compagnon (autre que l'un de ses fils).

   Les soigneurs (deux anciens et une nouvelle) racontent leur travail avec cette mamie (elle a 40 balais : elle est sans doute l'une des plus vieilles orangs-outans en vie !), arrivée toute jeune à Paris. Ces interventions coupent à intervalle régulier les commentaires des visiteurs et les séquences muettes, où les plans rapprochés et les gros plans incitent à la contemplation. On finit donc par apprendre l'histoire de Nénette, ses compagnons successifs, ses enfants, sa maladie. (Une partie des informations figure dans la plaquette du film et sur le site dédié.) 

   Sachez aussi que la dame prend la pilule... tous les jours !... avec son yoghourt, qu'elle déguste avec un plaisir évident, agrémentant parfois la chose avec du thé, qui lui est donné dans des bouteilles en plastique. C'est peut-être la plus belle scène de ce court film (1h10) qui voit l'héroïne, assise, savourer sa collation, tranquillement, sans plus se préoccuper de ce qui l'entoure.

   Plusieurs extraits sont disponibles sur le site de la maison de production.

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dimanche, 18 avril 2010

Fantastic Mr Fox

   Cela fait déjà un petit moment qu'il est sorti dans les salles, mais je ne l'ai vu que tout récemment. Le risque avec ce genre d'animation est de se retrouver avec une bande d'insupportables moutards dans la salle. Ceux qui ont vu le film avec moi étaient assez agités avant le début de la séance, se sont un peu calmés pendant les bandes-annonces. Durant le film, les plus âgés (10-15 ans) se sont complètement tus. Un des plus jeunes (moins de 6 ans, je dirais) a eu du mal à suivre : je crois qu'il a décroché au bout de trois quarts d'heure.

   Fantastic Mr Fox peut se voir comme un film d'adultes ou une animation élaborée, qui joue un peu le rôle de certains contes de fées d'antan : elle donne une morale en divertissant. Tout d'abord, ce ne sont pas des dessins qui nous sont proposés, mais des poupées articulées, qui sourient, parlent, pleurent, mangent, lèvent les sourcils... C'est vraiment bien foutu ! Le souci du détail a poussé les manipulateurs à faire bouger le pelage des renards en particulier.

   Les petits animaux sauvages (renards, belettes, taupes, opossum, blaireaux etc) sont opposés à de méchants fermiers industriels (un éleveur de poules, un de canards et un fabricant de cidre). Les chiens sont présentés comme des ennemis. L'histoire donne donc le beau rôle à des animaux souvent considérés comme nuisibles.

   Plusieurs éléments moraux sont glissés dans l'intrigue. Il y a l'insatiable voleur de poules, reconverti en journaliste gagne-petit, père de famille, qui ne fait pas le deuil de son ancienne vie de délinquant. Son égoïsme ainsi que son goût du flamboyant vont provoquer des dégâts considérables. Il y a aussi l'apprentissage de son fils, qui voudrait être à la hauteur de la réputation de son père, mais il est en plein âge con... De surcroît, un cousin vient lui voler la vedette !

   Si le film comporte peu de gags "hénaurmes", on sourit souvent. La musique d'accompagnement est chouette. On peut la retrouver sur le site officiel, excellent. Il contient de nombreux bonus. On peut accéder à des éléments de "making of"... et même à des jeux, comme la chasse aux poules et le whackbat, sorte de base-ball pour animaux sauvages !

16:58 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

Green Zone

   C'est la "zone verte" de Bagdad, celle à l'intérieur de laquelle est concentré le pouvoir occupant, celui des États-Unis après l'invasion de l'Irak. C'est de là que partent les initiatives plus ou moins foireuses (avec Washington en arrière-plan). Le héros, le commandant Miller (brillamment interprété par Matt Damon, récemment vu dans Invictus), est chargé de retrouver les armes de destruction massive que Saddam Hussein est censé avoir cachées... selon la propagande états-unienne.

   C'est donc à la fois un polar (dont tout Frenchie qui se respecte connaît une partie de la fin), un film de guerre, un film d'action et un film politique. On n'a pas confié ça à n'importe qui. Paul Greengrass est l'excellent réalisateur de Bloody Sunday, Vol 93 et de deux des films de la trilogie "dans la peau". C'est un spécialiste du "caméra à l'épaule", dont la maîtrise lui a jadis permis de décrocher un Ours d'or à Berlin. Sa technique est particulièrement au point ici et je peux vous dire que les scènes de poursuite sont magistrales. De manière générale, l'intensité de l'action peut se comparer à ce que l'on peut voir dans Die hard 4. C'est dire ! (Greengrass est toutefois plus habile que Len Wiseman : il n'a pas besoin de faire exploser autant de bâtiments ou de véhicules pour suggérer le tumulte : il filme un dédale urbain avec un art consommé.)

   Visuellement, ce film tourné en Espagne et au Maroc nous donne l'impression de nous retrouver au cœur de la capitale irakienne (merci les effets spéciaux). Les figurants s'expriment en arabe et deux personnages irakiens ont droit à un vrai rôle : "Freddy" le traducteur unijambiste et le général Al Rawi, dit "le valet de trèfle" :

 
DSCN2558.JPG

   Hé, oui ! Je possède un exemplaire du fameux jeu de cartes représentant les 52 dignitaires irakiens les plus recherchés à l'époque par l'envahisseur américain. (Pour la petite histoire, les facétieux Yesmen en ont créé un autre, pour les dirigeants occidentaux...)

   Mais revenons au film. Le scénario s'appuie sur la manipulation à l'origine de l'invasion de l'Irak. Une source locale, nommée "Magellan", supposée sûre, aurait donné des indications précises permettant de trouver les sites de stockage des armes de destruction massive. Pourquoi n'y trouve-t-on rien ? Qui est cette source ? Qu'a-t-elle dit exactement au représentant du gouvernement américain ?

   Le scénario modifie un peu l'histoire. Dans le film, la C.I.A. apparaît sous un jour favorable, alors qu'à l'époque elle a été "enfumée" par les inventions d'Ahmad Chalabi. Ce personnage est d'ailleurs présent dans le film, sans qu'il soit fait allusion à ses manipulations. La fin montre bien son échec politique... mais il essaie actuellement de revenir dans le jeu. D'autres personnages ne sont pas mieux traités, notamment la journaliste du Wall Street Journal Lawrie Dayne, qui a colporté les mensonges de l'administration Bush (elle représente une journaliste bien réelle, Judith Miller, du New York Times). Mais le pire sort est réservé à Paul Bremer, incarné par Greg Kinnear sous les traits de Clark Poundstone, un enfoiré de première.

00:13 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

lundi, 12 avril 2010

La Révélation

   Le titre original est Sturm (Tempête), à l'image des conséquences que des enquêtes commes celles menées par le T.P.I.Y. (Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie) peuvent avoir... à l'image aussi de ce qu'il se passe dans la tête de certains protagonistes.

   Cette fiction internationale, où l'on entend parler anglais, allemand et serbe, se veut didactique. A travers une histoire inventée (mais fortement inspirée par des événements réels), on nous fait découvrir le fonctionnement de cet étrange tribunal... et les pressions qui sont exercées sur lui.

   Les acteurs sont épatants. Il faut évidemment souligner la performance de Kerry Fox (que les cinéphiles avaient découverte dans Petits meurtres entre amis et retrouvée avec plaisir dans Intimité, de Patrice Chéreau), qui incarne la procureure Hannah Maynard... en réalité, Carla del Ponte, qui occupa cette fonction de 1999 à 2007. (Un documentaire lui a été consacré il y a trois ans.) Celle-ci a récemment publié un livre (où, apparemment, elle règle quelques comptes) qui a provoqué un scandale.

   Le film est multiple. C'est d'abord un portrait de femme(s), notamment l'héroïne, entre deux âges, pas tout à fait stable sur le plan sentimental et surtout d'une grande rigueur morale. Sa confrontation avec le monde politico-diplomatique, où tout n'est que concession, négociation, est parfois présentée comme le combat de David contre Goliath. Car, si le droit permet de protéger les faibles et de poursuivre les malfrats, ceux-ci, s'ils sont puissants, savent s'appuyer sur le droit (en plus de la force) pour tenter de passer entre les mailles du filet. L'autre beau personnage féminin est celui de la soeur du premier témoin, réfugiée en Allemagne, dont le rôle s'amplifie au fur et à mesure que l'intrigue suit son cours.

   On (re)découvre la guerre en ex-Yougoslavie avec toutes ses horreurs. L'accusé Duric pourrait être ce Mladic qui n'a toujours pas été arrêté, ou feu le milicien Arkan ou encore Vojislav Seselj.

   N'oublions pas que c'est d'abord un bon thriller. Il y a tout d'abord l'incertitude ménagée autour de ce que certains personnages ont vécu. Il y a aussi les risques que prennent ces personnages pour faire triompher la vérité. C'est vraiment un très très beau film... hélas peu diffusé dans notre pays.

   Un site dédié (hé, oui : c'est produit par la boîte de Luc Besson !) permet d'accéder à différents documents, notamment un dossier bien fichu.

P.S.

   Il est fort possible que l'écriture du scénario se soit inspirée du livre Paix et châtiment, écrit par Florence Hartmann, une ancienne journaliste du Monde, devenue porte-parole de la procureure du TPIY. Poursuivie par le TPIY pour divulgation d'informations confidentielles ("outrage au Tribunal", dans le jargon officiel), elle a été condamnée en première instance... à cause de quelques pages.

 

ALLEZ VOIR CE FILM !

jeudi, 08 avril 2010

Les Chèvres du Pentagone

   Et voilà ! Un mois après sa sortie, ce film débarque en Aveyron. Au moins, on l'a en version originale sous-titrée. L'histoire, complètement frappadingue, est pourtant (en partie) vraie, comme le révèle le livre d'un journaliste britannique recensé par Le Monde. Dans le long métrage, l'extension chronologique de l'histoire (du début des années 1980 à 2003) est restituée par des retours en arrière. (Je recommande à tous les passionnés de la capillicuture cloooneyenne les scènes dans lesquelles il apparaît avec une coiffure de djeunse, vierge de toute trace grisonnante...)

   La critique professionnelle a en général été assez dure avec ce film, auquel elle reproche de lorgner sur l'excellent Mash sans lui arriver à la cheville. En fait, ce film se veut le pendant d'une autre comédie ayant pour cadre l'Irak (mais celui de la première intervention américaine dans le Golfe) : Les Rois du désert, avec lequel la critique n'avait guère été plus tendre.

   Dans les deux films, la satire politique est mêlée à la franche déconnade et l'antihéros, incarné par George Clooney, est épaulé par une brochette d'acteurs affûtés. Dans les deux cas aussi, le résultat est inégal, meilleur en première qu'en deuxième partie. L'honnêteté me pousse à reconnaître que Les Rois du désert était globalement plus réussi (en particulier mieux rythmé).

   Néanmoins, pendant 45 minutes environ, Les Chèvres du Pentagone tient la route. Dès le début, on est cueilli par une série de réparties ironiques et un comique de situation assez réussi (assister à la mort filmée d'un hamster est une expérience cinématographique du plus haut intérêt). Quelques références parodiques (par exemple à Full Metal Jacket) parsèment les scènes les plus abouties.

   Mais, par la suite, une fois dans le désert, l'histoire s'enlise (s'ensable ?). C'est moins drôle et la critique des méthodes employées par l'armée américaine manque de mordant... d'autant plus que la réalisation semble être aux abonnés absents. C'est dommage, parce que l'idée de départ était originale et parce que certains moments permettent d'entrevoir ce qu'aurait pu être ce film, si un metteur en scène un peu plus "couillu" y avait mis sa patte... et si le scénario avait été plus abouti.

samedi, 03 avril 2010

Shutter Island

   J'ai mis le temps, mais j'ai enfin vu le dernier film de Martin Scorsese. J'ai tout d'abord été surpris par le décalage entre la bande annonce et le rythme de l'histoire : la première laisse à penser que l'on va se retrouver dans un thriller trépidant, alors que le film est plutôt lent (trop parfois), jouant sur la tension qui monte, qui monte...

   Le début m'a fait un peu peur. Il comprend des scènes parmi les plus mal réalisées, à mon avis. Les trucages numériques sont particulièrement visibles et j'ai eu un problème avec le doublage (j'ai vu le film en version française), pas très bon. Ceci dit, il faut être très attentif aux toutes premières images, qui, quand on y repense, avec le recul, donnent des clés pour la compréhension de l'histoire.

   Une fois les policiers arrivés sur l'île, cela démarre. L'ambiance est formidablement restituée par les décors, la musique (un peu trop appuyée parfois) et l'atmosphère au sens propre : le déchaînement des éléments. Cela devient un excellent film à suspense, avec des moments de grâce au niveau de la mise en scène : dans la chapelle, sur la falaise, dans la grotte et dans le bâtiment C. Scorsese est parvenu à restituer une ambiance de folie, à tel point qu'au bout d'un moment, on ne sait plus de quel côté est la "raison".

   Je me garderai bien de révéler le retournement, auquel les spectateurs attentifs s'attendent finalement. Cela nous conduit à repenser à certains scènes (notamment celles avec Mark Ruffalo et Ben Kingsley, remarquables)... et à trouver particulièrement bien foutu le dispositif du film !

   Sur le site dédié (aaah... superbe bruit de l'eau de l'océan qui s'échoue sur le rivage...), on peut accéder à de copieuses notes de production, très intéressantes.

11:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

jeudi, 11 mars 2010

La Rafle

   En dépit des critiques majoritairement négatives, je suis allé voir ce film dès sa sortie. Le sujet est délicat : la plus grande rafle de juifs jamais organisée en France, le 16 juillet 1942, rafle qui a été opérée par les policiers et gendarmes français, pour le compte de l'occupant nazi. Sur le site du film, on peut télécharger des documents intéressants : un dossier pédagogique (il n'y a pas de raison que seuls les enseignants en profitent, non mais), un dossier de presse et une présentation conçue pour la mairie de Paris.

   Cela démarre par des images d'archive montrant Adolf Hitler en visite touristique à Paris. Ach, Barisse et les bédides Fronzaizes ! Je trouve que c'est un bon choix. Il pose bien le problème de la collaboration, voulue par les dirigeants français, faut-il le rappeler.

   Pendant environ 1h15, c'est un bon moment de cinéma. Le début est très agréable, avec la description de la vie quotidienne de ces Parisiens juifs sous l'occupation, avec les peines et les joies familiales, les gamins qui font des conneries... et l'antisémitisme non dissimulé de certains "Français de souche". Les acteurs sont épatants et, parmi les enfants, j'ai été particulièrement touché par le bambin qui parle avec difficulté ("Nono" je crois)... vraiment trognon ! Du côté des adultes, Jean Reno et Gad Elmaleh sont sobres, efficaces. Thierry Frémont fait une composition remarquable. Isabelle Gélinas est craquante. Mélanie Laurent rayonne... ça va se terminer en César, moi je vous le dis ! (J'ai beaucoup moins goûté la prestation de Raphaëlle Agogué, qui m'a parue décalée, excessive... tout comme celle de Sylvie Testud, exceptionnellement décevante.)

   Ces scènes sont croisées avec les "moments d'histoire", durant lesquels on voit les dirigeants ou les hauts fonctionnaires français et allemands. Si les seconds couteaux sont bien interprétés, j'ai des réserves à émettre sur ceux qui incarnent Pétain (le père de Jean-François Copé... si !) et Hitler. (Pour Hitler en particulier, deux scènes sont ratées : celle au cours de laquelle, pendant que son médecin lui administre une piqûre, il affirme appliquer Mein Kampf à la lettre... ce qu'il n'a pas fait en réalité ; l'autre moment le voit, dans son "nid d'aigle", parler, à propos de la déportation des juifs, de "nuit et brouillard"... une expression qui s'applique au sort des résistants.) Par contre, le personnage de Pierre Laval est remarquablement joué.

   L'organisation minutieuse et le déroulement de la rafle sont très bien rendus. Quelques passages sont peut-être surjoués mais, dans l'ensemble, la réalisatrice a réussi à marier la reconstitution historique avec les drames familiaux et le film d'action. Les scènes censées se dérouler dans le fameux Vélodrome d'Hiver (le Vel' d'Hiv' quoi) sont parmi les plus intéressantes du film. On a pris soin de montrer toutes les gammes de comportement, de la résistance active au collaborationnisme en passant par l'attentisme à divers degrés. Du coup, la vision de l'époque est assez nuancée, même si l'action néfaste des forces de police est décrite en détail.

   C'est lorsque les détenus se trouvent dans le camp d'internement de Beaune-la-Rolande que cela se dégrade, en particulier dès qu'il est question de la phase ultérieure, la déportation en Europe de l'Est, toujours évoquée, jamais montrée. Là, l'émotion exacerbée prend le dessus. Je sais bien que ce sont des événements dramatiques, mais on tombe dans le pathos, alors qu'on aurait pu espérer un peu plus de pudeur. C'est peut-être une question d'époque ou de tempérament.

   Du coup, en sortant du cinéma, j'ai cherché à accéder à l'émission que France 2 a consacrée à la sortie du film, mardi 9 mars 2010. Jusqu'au 16, on peut la revoir en intégralité. Si vous pouvez passer les entretiens avec les acteurs (on remarquera que Marie Drucker n'a pas invité Gad Elmaleh... une manifestation de déontologie ?), ne manquez surtout pas les témoignages des rescapés, les interventions des historiens ainsi que les petits documentaires qui émaillent l'émission. Franchement, là, bravo le service public !... et l'audience a suivi.

16:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, histoire

mercredi, 10 mars 2010

12

   En dépit de ce titre, il ne s'agit pas d'un film aveyronnais. Il n'est pas plus consacré au plus beau département du monde. Non, c'est un (très) long métrage russe, signé Nikita Mikhalkov, sorte de "remake" de Douze Hommes en colère... un "vieux" film de 1957 qui mérite encore le détour, je vous le garantis !

   Il est question d'un jury d'assises, composé exclusivement d'hommes, entre deux âges ou vieux, qui sont un échantillon de la Russie du XXIème siècle. Pour la délibération, ils sont enfermés dans un gymnase un peu nase (à l'image de l'état de délabrement dans lequel les pouvoirs publics laissent trop souvent l'éducation... eh oui, il y a un discours politique dans ce film). Au départ, 11 sur 12 sont convaincus de la culpabilité de ce jeune Tchétchène, qui aurait assassiné son père adoptif, un officier russe qui l'avait sauvé de la poudrière du Caucase. Mais, dès le début, les morceaux de scènes, puis les scènes complètes, avec lesquelles Mikhalkov entrecoupe les discussions des membres du jury introduisent de l'incertitude.

   Tout le talent du film, à l'image de son inspirateur américain, est de s'appuyer sur ce huis-clos pour faire ressortir les contradictions des personnages et brosser ainsi un saisissant tableau de la Russie de Vladimir Poutine, gangrenée par la corruption et la violence, où les mâles dominants ont bien du mal à assumer.

   Les acteurs sont excellents. (Si vous avez vu l'ancien film, vous remarquerez que, dans la version russe, on retrouve les mêmes tempéraments, parfois des physiques proches... et plusieurs éléments de l'intrigue, voire de la mise en scène - comme le coup du couteau, ont été purement décalqués sur le modèle.) Mikhalkov se donne un beau rôle (faut pas déconner, non plus !), mais il l'interprète bien. Le "mouton noir" du groupe, qui  va essayer de convaincre les autres non pas de l'innocence du jeune Tchétchène, mais de la nullité de l'enquête qui a  abouti à son accusation, est un très beau personnage, parce que c'est un ancien homme brisé qui a complètement rétabli sa situation, en profitant du contexte russe.

   Son principal contradicteur est un macho tradi, un peu à la ramasse. L'un des points forts du film est la déconstruction du personnage qui intervient au fur et à mesure que les dialogues progressent.

   Les autres sont plutôt suivistes. On a un intello juif (qui se prend quelques remarques peu amènes...), un dirigeant de télé, un chirurgien originaire du Caucase, un saltimbanque (acteur et musicien), un directeur de cimetière, un chauffeur de taxi, un ancien cheminot... C'est un sacré florilège ! Parfois, les acteurs en font un peu trop, notamment le cheminot, qui a des difficultés d'élocution.

   On remarquera que beaucoup de ces jurés ont de forts préjugés. A travers eux, on sent la société russe traversée par la tentation raciste, aiguisée par la guerre en Tchétchénie. Du coup, à Moscou, on n'aime pas trop les "bronzés" (tchorny dans la langue de Pouchkine), les Caucasiens. Comme quoi, sous tous les cieux, on retrouve la tentation du bouc émissaire...

   Cela nous vaut un moment comique totalement imprévu, uniquement compréhensible par le public français. Pour cela, il faut lire attentivement les sous-titres, lorsque l'ancien cheminot Alexei Petrenko évoque l'agression dont il a été victime, ses bourreaux étant sans doute originaires du Caucase. Il dit que "lorsqu'il y en a un, ça va, mais là ils étaient quatre, ça n'allait plus du tout" ! Brice Hortefeux aurait-il inspiré les rédacteurs des sous-titres ? La question mérite d'être posée ! (Dans une partie de la salle, plus attentive que le reste sans doute, on a ricané sec.)

   Bref, c'est un chouette polar sociologique, un peu long même si je vous assure que les 2h30 passent assez vite.

15:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

vendredi, 05 mars 2010

Invictus

   J'ai mis du temps à voir ce film, parce que je redoutais qu'il ne soit un peu trop "politiquement correct". Mais, la personnalité du réalisateur, la distribution et le sujet m'ont finalement traîné dans une salle.

   C'est incontestablement un film "eastwoodien" : il est question d'hommes qui se dépassent (ou tentent de le faire) et de barrières qui tombent. C'est en général plutôt bien fichu : les scènes intimistes sont réussies, les séquences "rugbystiques" aussi (elles sont assez spectaculaires), mais les spécialistes de ce sport en sortiront déçus : le jeu au pied, pourtant fondamental, est quasiment absent. On ne voit que des drops et des pénalités, celles-ci toujours très bien placées par rapport aux poteaux. De plus, les sons ont été "grossis" pour accroître l'impression qui résulte des chocs des corps, lors des mêlées et des placages. Il est possible que, dans sa manière de filmer le rugby à XV, le bon vieux Clint ait été influencé par le football américain.

   Il faut aussi relever une séquence ratée : celle qui voit Freeman-Mandela (excellent) danser et fleureter avec une femme pulpeuse. La direction d'acteurs a péché (Eastwood a-t-il voulu la jouer "cool" avec son pote Morgan, qui est l'âme de ce film ?). De plus, on voit très bien que l'orchestre ne joue pas ! Clint ne nous avait pas habitués à laisser passer ce genre d'erreur.

   Le Français que je suis se doit de râler aussi sur le fond. Le scénario masque certains éléments très importants de la coupe du monde. Ainsi, si, à partir de la victoire inaugurale contre l'Australie, on nous présente le parcours intégral de l'équipe sud-africaine, la demi-finale contre la France est réduite aux pluies diluviennes et à des Français boueux et très déçus. Or, il ne fait aucun mystère que la victoire 19 à 15 de l'équipe locale est entachée d'irrégularités. On peut s'amuser à revisionner la toute fin du match, qui voit l'équipe de France marquer un essai que l'arbitre refuse très rapidement de valider, sans chercher à savoir vraiment si Abdelatif Benazzi avait franchi la ligne.

   Le film ne présente pas non plus la finale contre la Nouvelle-Zélande de manière objective : si le duel fut très physique, très "rugueux", les Néo-Zélandais étaient affaiblis par une intoxication alimentaire.

   Reste l'épopée antiraciste, bien rendue, d'abord grâce à la qualité de l'interprétation : on ne peut pas disjoindre la performance de Morgan Freeman de celle de Matt Damon... et n'oublions pas la foultitude de seconds rôles. Ainsi, le fond raciste de nombreux Blancs sud-africains (des Afrikaners) n'est pas caché, même si le film pêche par excès d'optimisme (à l'inverse de Disgrace) en les montrant presque tous "convertis" à la fin. La même démarche est à l’œuvre quand on veut nous faire croire que le rugby, jadis honni par les Noirs (qui lui préfèrent le football), va devenir un sport métissé, à l'image de la "nation arc-en-ciel" (quand on analyse la composition de l'équipe qui a remporté la coupe en 2007, on s'aperçoit que, si elle est un peu moins blanche qu'en 1995, avec 5 joueurs "de couleur", trois sont des remplaçants).

   C'est aussi une comédie, que l'on peut prendre le temps de savourer, vu que l'on connaît déjà la fin de l'histoire. Certains des moments les plus cocasses sont ceux qui voient les deux équipes de gardes du corps du nouveau président se côtoyer.

   Enfin, c'est un peu un film d'histoire (meilleur que Goodbye Bafana). Il fait revivre le contexte de l'époque, tout tournant autour de Mandela : ses gardes du corps sont persuadés qu'un Blanc fanatique va tenter de l'assassiner et lui se donne pour mission de réconcilier les communautés (dont la présentation est hyper simplifiée dans le film). On perçoit bien son intelligence politique, qui le pousse parfois à s'opposer aux personnes de son propre camp.

   Nelson Mandela a donc inspiré pas mal de monde... même très loin de son pays. Ainsi, si l'on cherche un président qui a porté le maillot national à l'occasion d'une coupe du monde, événement censé symboliser l'union des habitants d'un pays, quelle que soit leur origine... on tombe sur un certain Jacques Chirac ! La différence est que, si Mandela a d'abord pensé à son pays, l'ancien maire de Paris visait sa réélection. Le point commun est que, dans les deux cas, l'image d'unité ne fut qu'un écran de fumée... ou, si l'on est plus naïf, un fugace état de grâce. L'Afrique du Sud d'aujourd'hui n'est pas encore vraiment devenue une vraie "nation arc-en-ciel" et la France "black-blanc-beur" est la même que celle qui a porté Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 et la même que celle dont les banlieues sont enflammées par la violence, les inégalités et le désespoir.

jeudi, 18 février 2010

A serious man

   Je ne sais pas d'où vient cette manie de garder désormais presque systématiquement le titre anglais des films, même lorsqu'une traduction française semble évidente. Ici, plutôt que d'un "homme sérieux", il vaudrait mieux parler d'un "type bien". (C'est d'ailleurs le titre d'un film français, sorti en 1990.)

   Cela commence par un conte juif, en noir et blanc, en yiddish (je ne sais pas si cette partie a été doublée dans la version française, puisque j'ai vu le film en version originale sous-titrée), censé se dérouler en Europe de l'Est. C'est très "stylé", avec une épouse juive très volontaire... et une drôle de morale à la fin.

   Le "vrai" film commence ensuite, au coeur de l'Amérique des années 1960, dans une ville universitaire où se côtoient (à défaut de s'apprécier) juifs et protestants. Le héros est un "type bien", c'est-à-dire un homme honnête, travailleur, fidèle, respectueux, à l'écoute des autres, pacifique... bref, une victime toute désignée. Il se fait rouler dans la farine par son frère, qui squatte impunément chez lui, son épouse, qui le trompe, l'amant de celle-ci, qui essaie de placer la faute sur lui, ses enfants, qui le prennent pour un larbin et lui piquent du pognon, son voisin, qui empiète sans vergogne sur sa propriété, un de ses étudiants, qui veut tricher (soutenu par son père, d'ailleurs... scène absolument géniale qui voit les deux hommes tenter de dialoguer...)

   C'est donc à la fois une chronique de la soumission ordinaire et aussi la description d'un début d'émancipation. Le héros se fait conseiller successivement par trois rabbins... vraiment très originaux ! Dans le même temps, son fils se drogue, essaie d'échapper aux coups d'un copain de classe à qui il doit de la thune, jure comme un charretier avec ses potes dans le bus, a sans doute usurpé l'identité de son père pour obtenir un abonnement musical et cache à sa famille qu'il a été puni à l'école... Il lui faut absolument récupérer son poste FM ! Je vous laisse découvrir dans quelles circonstances cela survient...

   Le papa lui tente de réapprendre à vivre vraiment, à ne plus se laisser marcher sur les pieds. Pas facile... mais les circonstances sont parfois favorables.

   Le film est donc une jolie collection de saynètes, servies par d'excellents acteurs. Cependant, il se termine de manière abrupte. C'est dommage.

16:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

mercredi, 17 février 2010

Disgrace

   J'ai gardé l'orthographe du titre anglais (sans l'accent circonflexe donc), puisque, traduit en français, cela donnerait plutôt "honte" ou "déshonneur". Autant le dire tout de suite, ce film australo-sud-africain est dur, très dur même parfois, alors que pratiquement aucune violence physique n'est montrée à l'écran. Les moments de tension alternent avec des scènes apaisées, en pleine brousse africaine ou en ville. C'est très bien joué, superbement filmé.

   Il est question de l'Afrique du Sud actuelle, loin des clichés (et loin de l'optimisme béat d'Invictus), à travers l'histoire d'un prof de fac libidineux, de sa fille perturbée et des "relations interraciales" dans une métropole moderne (Le Cap) et un village perdu au fin fond de la brousse.

   C'est l'excellent John Malkovich qui incarne l'universitaire. Valmont a décidément bien vieilli. Dans la première partie du film, tout est fait pour nous rendre odieux ce libertin phallocrate. Les temps ont changé, et un grand bourgeois blanc aussi cultivé soit-il ne peut plus considérer les étudiantes comme son gibier pénien.

   Se greffent là-dessus les relations entre Blancs et Noirs (ou métis). La deuxième partie du film est à la fois une sorte de "punition" et une rédemption du héros. Eh oui, le fond chrétien est très présent, mais subrepticement. Le problème est que, dans tous les cas, ce sont les femmes qui dégustent : l'épouse trompée du "héros", l'étudiante violée, la fille qui accepte tout... Il n'y a guère que la vétérinaire, qui a renoncé à beaucoup de choses, qui s'en sorte. C'est d'ailleurs une marque de fabrique du film. Un petit côté protestant peut-être.

   Mais on pourrait aussi analyser le film comme étant une image en miroir de l'histoire de l'Afrique du Sud. Ce qui se passe dans la brousse n'est que la réponse du berger à la bergère : les rôles sont inversés, parce que ce sont les Noirs qui ont désormais le pouvoir. Cela peut paraître simpliste mais, si l'on met les Bancs à la place des Noirs et inversement, on peut recréer le contexte de l'implantation coloniale des Européens au XIXe siècle notamment.

   A la fin, le réalisateur semble avoir voulu laisser planer une certaine incertitude. En y réfléchissant bien, on se rend compte qu'en fait le personnage interprété par John Malkovich a pris une décision irrévocable...

15:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

mardi, 16 février 2010

Sumo

   Et voilà encore un film israélien ! Son titre anglais est A Matter of size. Cela dit presque tout. Bon, les mecs, vous en avez un peu marre que votre copine vous fasse remarquer que sur votre (ancien) corps magnifique soient apparues de fort disgracieuses poignées d'amour ? Alors, emmenez-la voir ce film !

   C'est l'histoire d'une bande de potes (4 hommes et une femme) israéliens, gras du bide de chez gras du bide, qui tentent désespérément de perdre du poids. L'un d'entre eux, Herzl, qui vit encore chez sa mère, finit par trouver un boulot dans un restaurant japonais... car il y a une communauté japonaise en Israël ! Les liens entre le Japon et la culture juive sont d'ailleurs plus anciens qu'il n'y paraît. Le patron du restaurant se dit sioniste et membre d'un groupe particulier, les Makuyas.

   C'est une comédie de moeurs, qui oscille entre le rire franc et un ton plus grave. Y est à l'oeuvre principalement un comique de situations : celles décrivant la vie quotidienne (pas facile) des héros (dont on rit de bon coeur... je sais, c'est pas gentil... mais c'est dans le film !) et celles dans lesquelles ils se retrouvent fourrés à partir du moment où ils décident de renoncer au régime pour devenir de vrais sumos. L'une des scènes les plus hilarantes voit les apprentis devoir quitter leur lieu d'entraînement (d'où leur guide japonais, furieux, est parti en emportant leurs affaires), en tenue (vous savez, les énormes strings noués à la taille...) pour rejoindre la ville...

   La gravité est présente dans la vie intime. Herzl et sa mère entretiennent des relations difficiles, sur lesquelles pèse la mort du père. Le jeune homme a de surcroît la fâcheuse tendance à mentir à sa copine obèse qui, elle, n'a pas renoncé au régime (c'est tout de même une jolie grosse). Le pote plombier finit par découvrir que sa petite amie le trompe, alors que l'un des membres du groupe va faire son coming out. (Excellent moment qui voit l'un des hétéros lui jeter un truc dans le genre : "Estime-toi heureux qu'on t'ait laissé en vie !")

   Derrière tout cela, il y a la recherche de la dignité, dans la vie intime comme dans la vie publique. Ces hommes vont tenter de réaliser quelque chose d'extraordinaire et de le médiatiser, un peu comme le strip-tease des ouvriers de The Full Monty.

   P.S.

   Le film a peut-être été inspiré par la venue d'un groupe de sumos en Israël, à Césarée, en 2006.

lundi, 15 février 2010

Lebanon

   C'est le premier film du réalisateur israélien Samuel Maoz. Ah oui, j'oubliais : le titre veut dire "Liban". Il est donc question de l'invasion de ce pays par l'armée israélienne en 1982, une opération nommée "Paix en Galilée". (C'est un sujet qui interpelle visiblement les cinéastes israéliens : le magnifique Valse avec Bachir se situait déjà dans le même contexte, même s'il traite d'un aspect différent de ce conflit.) Le film donne la vision des soldats qui se trouvent dans un (vieux) char... qui sont tous des appelés du contingent ! On peut d'ailleurs légitimement penser que le réalisateur a mis un peu de lui dans au moins trois des personnages (le conducteur arabophone, le chef et le contestataire).

   On a plutôt affaire à des pieds-nickelés qu'à des héros nationaux : le chef n'arrive pas à se faire obéir et il ne sait pas faire face à l'imprévu, le tireur pisse dans son froc, le conducteur ne pense qu'à sa mère et le chargeur attend avec une impatience évidente la fin de son service. Face à eux, si de temps à autre on voit un Palestinien, un Syrien ou un Libanais, la plupart du temps, c'est au militaire de carrière (israélien), gradé, très carré, que nos héros se trouvent confrontés.

   Une partie du film est en caméra subjective : la vision des spectateurs est celle des tankistes. La lunette d'observation n'est pas très perfectionnée... et le bruit qu'elle fait en pivotant (ou lors du changement de focale) devient vite un rituel. Les scènes d'intérieur sont vraiment bien maîtrisées. J'ai l'impression que l'auteur a été très influencé par les films américains sur la guerre du Vietnam, à la fois sur le fond (peut-on être un bon soldat sans devenir un salaud ?) et sur la forme (avec ces gros plans superbes des trognes crasseuses des tankistes).

   Les acteurs sont très bons, réussissant même à faire évoluer l'impression qu'on a de leur personnage. Plusieurs d'entre eux étaient à l'affiche de Beaufort, sorti en 2008. On notera  aussi, dans un rôle secondaire, la qualité de l'interprétation d'Ashraf Barhom, (vu récemment dans Agora), en phalangiste (libanais). (L'une des seules femmes visibles dans ce film, une mère de famille libanaise, est incarnée par Reymonde Ansellem, qui tenait le premier rôle dans 7 minutes au paradis.) L'un des moments les plus réussis est sans conteste ce bref épisode de repos, durant lequel le tireur relate le décès d'un membre de sa famille, moment dont il a surtout retenu son érection, provoquée par la sensation de la poitrine de la prof qui l'a serré contre lui !!

   Pour bien comprendre le sens de la première image, il faut attendre la toute fin du film. Le réalisateur a résisté à la tentation de faire un drame absolu. On oscille entre les moments de tension extrême (qui montrent la mort de civils libanais ou de soldats israéliens) et les scènes intimistes, parfois scabreuses (on ne nous cache pas grand chose de la vie quotidienne dans un char). C'est vraiment un Lion d'or 2009 mérité.

14:58 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

dimanche, 14 février 2010

La Princesse et la grenouille

   C'est le retour du conte de fées, version contemporaine, par Disney, sous la férule d'un producteur exécutif particulier, John Lasseter (qui, avant de fonder Pixar et de créer Toy Story ou Cars, avait réalisé Rox et Rouky). Cette fois-ci, la Cendrillon est pauvre et noire (cliché ?) et sa rivale (blanche et gosse de riche) est plus gentille que dans les contes de fées : dès le début on comprend que c'est une horrible pétasse, mais les scénaristes lui ont ajouté un grand coeur, ce qui contribue à redorer son blason plus loin dans le film.

   C'est donc très "politiquement correct" : cette histoire qui se déroule dans une Louisiane sans doute ségrégationniste ne montre pas une seule scène de racisme ! Même si un certain retournement est opéré au niveau de l'héroïne, celle-ci n'est nullement l'instrument d'une quelconque transformation sociale (le seul "révolutionnaire" est le serviteur gros et moche, comme par hasard ; il transgresse l'ordre établi et en est bien puni) : elle a deux boulots, travaille plus pour gagner plus... bref elle est à fond dans le système. Si vous ajoutez à cela l'imprégnation religieuse, très grande dans la dernière demi-heure (avec une fin grand-guignolesque pour une luciole), vous pouvez conclure que, sous une apparence de modernité, ce film est éminemment conservateur.

   Il n'en est pas moins bourré de qualités. Si l'histoire peine un peu à démarrer, les séquences s'enchaînent ensuite avec brio, à commencer par celle qui voit l'apparition du méchant (le magicien vaudou), d'une grande qualité visuelle (elle regorge d'inventivité, tant au niveau des ombres que de l'animation des cartes). J'ai aussi beaucoup aimé la première scène de grenouilles, puis la rencontre avec l'alligator jazzman, qui précède de peu le combat mené contre les braconniers, l'un des sommets du film. C'est drôle, bien dessiné, avec une musique entraînante. Les héros, parfois fadasses (comme ce prince beau gosse suffisant et plaintif, que je ne vois guère changer dans le film... à part l'amour particulier qu'il commence à nourrir pour l'héroïne), sont complétés par des personnages hauts en couleur, comme l'alligator, la vieille luciole mâle (Anthony Kavanagh impeccable) et Mama Odie (excellente Liane Foly dans la version française).

   C'est donc un bon divertissement, fondé toutefois sur des schémas mentaux auxquels on n'est pas obligé d'adhérer.

P.S.

Pour les curieux : soyez très attentifs au moment où (vers la fin) l'une des grenouilles se fait embrasser par une personne portant un rouge à lèvres très visible... Il y a une grosse erreur dans les dessins.

23:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema

vendredi, 12 février 2010

Océans

   C'est donc le nouveau documentaire signé Jacques Perrin, dont j'avais apprécié Microcosmos (il en était producteur) et Le Peuple migrateur (qu'il a produit et réalisé). Depuis une douzaine d'années, le documentaire "nature" effectue un retour remarqué dans les salles obscures. Celui-ci s'inscrit dans la lignée de La Planète bleue (où Perrin fait office de narrateur dans la version française) et La Planète blanche. Plus récemment, on a pu apprécier Les Ailes pourpres.

   Comme tout cela coûte hyper cher, il a bien fallu recourir à des mécènes... dont les noms figurent en tête de film. Cela m'a fait tout drôle de voir Total, Le Crédit Agricole, E.D.F. et Veolia sponsoriser un documentaire qui dénonce la pollution des océans.

   Pendant les trois-quarts du film, on a un peu l'impression de se retrouver dans un bel aquarium. Les eaux sont propres, souvent lumineuses, on n'y trouve aucun déchet et les animaux n'y croisent que leurs proies ou leurs prédateurs naturels. A l'écran, c'est magnifique. (J'aime tout particulièrement voir évoluer les otaries, les lions de mer et les phoques, qui me font un peu penser à des chats.) La musique accompagne sans être trop envahissante. Le commentaire ne sert par contre à rien, puisqu'il n'a aucun contenu scientifique. Du coup, le non-spécialiste en est réduit à des conjectures sur l'identité de telle ou telle bestiole. Visiblement, on part du principe que les spectateurs se sont renseignés avant, ou qu'ils vont se précipiter après sur l'excellent site internet (Je recommande tout particulièrement le dossier scientifique et le  trombinoscope des espèces.)... voire qu'il vont casser leur tirelire pour se procurer les ouvrages liés au film.

   C'est dans la dernière demi-heure que sont évoquées la pollution et la pêche sauvage, incontrôlée. Certaines scènes sont choquantes, à tel point que, même si, dans le générique de fin, il est précisé qu'aucun animal n'a été maltraité pour le tournage, je suis allé vérifier, notamment pour le cas du requin dont les ailerons sont tranchés (moment qui contraste fortement avec une autre scène, paisible, qui montre un plongeur accompagner un grand requin blanc). Dans un entretien, Jacques Perrin précise que même les thons  massacrés ne sont pas de vrais animaux.

   Un fort bel ouvrage donc, peut-être un peu trop "grand public".

17:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema