dimanche, 30 avril 2023
Sur les chemins noirs
Presque sept ans après Dans les forêts de Sibérie, un autre livre de Sylvain Tesson fait l'objet d'une adaptation cinématographique. J'ai un peu tardé à me risquer dans une salle obscure pour le voir en raison d'une erreur de base concernant la zone qu'il a parcourue à pieds. En effet, dès le début, on nous parle de la « diagonale du vide », une partie de la France métropolitaine à faible densité de population (et où, souvent, elle a tendance à diminuer), qui s'étend de la frontière belge à la frontière espagnole. (Elle est grossièrement délimitée par les traits verts ci-dessous.)
Or, dans le film, le parcours effectué par Pierre (le double de fiction de Tesson) va grosso modo du Mercantour (dans les Alpes) à la pointe du Cotentin, en Normandie. (Il est représenté en tiretés noirs ci-dessus.) Ça plus la tendance au narcissisme de Tesson m'avaient dans un premier temps dissuadé. Mais, comme le bouche-à-oreille est bon et que le parcours passe par la Lozère et le Cantal, voisins de l'Aveyron, j'ai fini par me laisser tenter.
On a beaucoup critiqué l'abus de retours en arrière. Ceux-ci sont surtout présents dans la première moitié du film, dont la trame principale suit l'extraordinaire marche réalisée par Pierre. Je pense que la fréquence de ces flash-back a du sens. Au début, le héros est encore imprégné de sa vie urbaine et des conséquences de son accident, qui lui reviennent souvent en mémoire. Mais, plus il avance, plus il se détache de ce passé récent. Les retours en arrière s'espacent, signe que, peut-être, à la fin de son périple, il ne va pas reprendre sa vie d'avant, ou du moins pas exactement la même. On note que les derniers flashs évoquent des événements cruciaux (la "rupture douce" avec son amie et la chute qui aurait pu être mortelle).
Mais là n'est pas le plus important. Le plus important est ce que l'on voit à l'écran, un homme à demi brisé, orgueilleux, qui reprend goût à la vie dans un cadre superbe, mais parfois rude, celui d'une France rurale, souvent montagneuse, où les sons sont en général ceux de la nature. Dujardin s'impose sans peine à l'écran (même s'il est sans doute physiquement un peu trop empâté pour le rôle). Il a une présence folle et sa belle voix grave (en off) passe très bien. On n'est cependant pas obligé de toujours souscrire au commentaire. (Je pense notamment à l'évocation du loup, au tout début, typique du citadin qui redécouvre la nature. Cela s'améliore par la suite.)
Pierre n'est pas tout le temps seul dans son périple. Il croise des habitants du coin qu'il traverse (une jeune éleveuse, le client d'un café...), un autre marcheur (un djeunse dont il semble très éloigné au départ, mais avec lequel des liens vont se tisser)... et des proches : sa tante (incarnée par Anny Duperey), son meilleur ami (qui l'a rejoint, brièvement) et l'une de ses sœurs (Izïa Higelin, formidable), dans l'une des meilleures séquences du film.
Le marcheur que je suis (bien que moins intensément qu'autrefois) a apprécié le cheminement, souvent difficile, parfois exaltant, du principal personnage. J'ai aussi trouvé plutôt bien mis en scène les moments d'écriture, au fil de la route, sous le coup de l'inspiration.
Il faut voir cela sur grand écran, pour jouir des paysages et s'imprégner de cette marche rurale, qui nous fait prendre un bon bol d'air, loin de la technologie (le héros utilise de classiques cartes IGN). On sort de là apaisé et revigoré.
10:48 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, france
samedi, 29 avril 2023
L'Etabli
Adapté du livre éponyme du philosophe Robert Linhart, ce film militant nous replonge dans les Trente Glorieuses, juste après les "événements" de Mai 68. L'essentiel de l'action se déroule au sein d'une usine secondaire du groupe Citroën (en plein Paris). Quelques scènes "de respiration" ont pour cadre un appartement bourgeois et un café.
Ce film engagé suscitant des réactions contrastées, j'ai choisi d'en rédiger deux critiques, une de gauche et une de droite.
LA CRITIQUE DE GAUCHE
Mathias Gokalp, brillant cinéaste au talent mésestimé (remarqué jadis pour Rien de personnel), réussit le pari de l'adaptation d'un livre réputé inadaptable. Sa mise en scène habile et percutante ressuscite l'ambiance d'une chaîne de montage et des différents ateliers de l'usine Citroën. S'appuyant sur des comédiens (connus ou inconnus) investis dans leur rôle, il nous embarque dans cette palpitante aventure ouvrière, qui est une aventure humaine, en révolte contre le capitalisme arrogant.
L'intrigue nous fait découvrir de manière assez fouillée le travail manuel en usine, à cette époque. Elle détaille aussi les tensions et les contradictions au sein de la classe ouvrière, entre Français et étrangers, entre immigrés anciens et ceux de fraîche date, entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux. Face à eux, le patronat apparaît dans toute sa vulgarité et sa misogynie, exploitant sans vergogne les classes populaires, mettant en œuvre un racisme systémique dans le monde du travail.
Les scènes de famille (absentes du livre) apportent un utile contrepoint aux péripéties de l'usine. Le réalisateur n'esquive pas le problème du statut de « l'infiltré », évitant de surcroît de faire du héros un homme parfait. Ses doutes et ses faiblesses nous sont présentés sans détour, parfois avec humour. La solidarité dont font preuve certains ouvriers leur permet de contester le joug capitaliste, sans que cela débouche toutefois sur une victoire totale. Mais l'essentiel était bien d'initier le mouvement.
C'est un grand film de société, à projeter dans toutes les écoles pour transmettre à notre jeunesse une vision objective du monde du travail qui les attend.
Comme ce qui est écrit ci-dessus ne correspond que partiellement à ce que j'ai vu sur l'écran, je me dois de compléter ce billet. Voici donc...
LA CRITIQUE DE DROITE
Mathias Gokalp, cinéaste médiocre qui n'est pas parvenu à percer, s'est jeté sur un livre culte de la gauche intellectuelle française pour tenter de relancer sa carrière. De L’Établi, il a modifié la structure et certains éléments clés pour servir un propos outrancier, dont on sent bien qu'il se rapporte plus à la France de 2022 qu'à celle de 1968 ou 1978.
Tout d'abord, parmi la série d'ateliers auxquels le héros a été affecté (d'après le livre), il en est un où l'on ne voit jamais Robert évoluer dans le film : la soudure. En revanche, il travaille au boulonnage/rivetage, à la sellerie et aux balancelles. Cela pourrait se justifier par la volonté d'écourter le film (qui dure déjà deux bonnes heures...) et, peut-être, par la difficulté de filmer un atelier de soudure, surtout avec des comédiens novices en la matière. D'un autre côté, cela conduit le cinéaste à nous présenter l'usine d'abord sous l'aspect du travail à la chaîne, le boulonnage évoquant immanquablement (chez le public cultivé) Les Temps modernes de Chaplin (où le rythme était cependant beaucoup plus élevé que chez Citroën).
Dans tous les cas, il est un détail d'importance qui a été modifié dans le film : la présence de gants. Dans le livre, à presque chaque poste l'ouvrier en bénéficie, alors que, dans le film, leur absence est un motif de revendication... et l'occasion de faire de belles images de « la momie », surnom donné à Robert à partir du moment où on le voit travailler les mains enveloppées dans des bandelettes de tissu.
D'autres éléments ont été tordus quasi systématiquement pour dénigrer un "camp" ou pour en survaloriser un autre. Ainsi, avant de tenter de revenir sur les concessions faites aux syndicats en mai 1968 (en faisant travailler les ouvriers trois quarts d'heure de plus chaque jour, sans augmentation de salaire), la direction de l'usine avait commencé par... réduire le temps de travail, la durée quotidienne passant de 10h à 9h15. (Mais de cela les spectateurs ne sont pas informés.)
La manière dont sont traités les immigrés, certes injuste, est bien plus dégueulasse dans le long-métrage. Le personnage d'un collègue noir de Robert (à la sellerie) est développé pour le film, uniquement pour pour mettre en scène le racisme (supposé) des cadres de l'usine. (Ceux-ci sont d'ailleurs présentés de manière plus nuancée dans le bouquin, même si certains d'entre eux ont droit à des qualificatifs injurieux.) La même tactique est utilisée pour décrire le renvoi de certains de ces immigrés des foyers où ils logeaient, pour briser leur participation à la grève. Dans le livre, ces ouvriers découvrent leurs valises faites à l'entrée, lorsqu'ils retournent au foyer, alors que, dans le film, leurs affaires sont balancées sans ménagement sur le sol, à la sortie de l'usine.
On pourrait aussi discuter de la nécessité de transformer un trio d'ouvriers masculins (yougoslaves) en trio féminin. Certes, cela permet d'introduire des questions intéressantes, mais celles-ci sont presque absentes du livre. (Le réalisateur aurait cependant pu introduire une scène concernant une ouvrière mère de famille, qui se fait bien voir de l'un des cadres. Dans le livre, Robert se montre compréhensif, à l'inverse de certains ouvriers.) Plus grave : pour éviter de nuire à l'image de certains ouvriers africains, le livre passe sous silence l'épisode au cours duquel l'un d'entre eux fait étalage de ses préjugés antisémites devant le héros.
Au final, l'adaptation du livre se rapproche plus d'une fiction de propagande que de la fidèle représentation d'une époque révolue.
L'Etabli
Adapté du livre éponyme du philosophe Robert Linhart, ce film militant nous replonge dans les Trente Glorieuses, juste après les "événements" de Mai 68. L'essentiel de l'action se déroule au sein d'une usine secondaire du groupe Citroën (en plein Paris). Quelques scènes "de respiration" ont pour cadre un appartement bourgeois et un café.
Ce film engagé suscitant des réactions contrastées, j'ai choisi d'en rédiger deux critiques, une de gauche et une de droite.
LA CRITIQUE DE GAUCHE
Mathias Gokalp, brillant cinéaste au talent mésestimé (remarqué jadis pour Rien de personnel), réussit le pari de l'adaptation d'un livre réputé inadaptable. Sa mise en scène habile et percutante ressuscite l'ambiance d'une chaîne de montage et des différents ateliers de l'usine Citroën. S'appuyant sur des comédiens (connus ou inconnus) investis dans leur rôle, il nous embarque dans cette palpitante aventure ouvrière, qui est une aventure humaine, en révolte contre le capitalisme arrogant.
L'intrigue nous fait découvrir de manière assez fouillée le travail manuel en usine, à cette époque. Elle détaille aussi les tensions et les contradictions au sein de la classe ouvrière, entre Français et étrangers, entre immigrés anciens et ceux de fraîche date, entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux. Face à eux, le patronat apparaît dans toute sa vulgarité et sa misogynie, exploitant sans vergogne les classes populaires, mettant en œuvre un racisme systémique dans le monde du travail.
Les scènes de famille (absentes du livre) apportent un utile contrepoint aux péripéties de l'usine. Le réalisateur n'esquive pas le problème du statut de « l'infiltré », évitant de surcroît de faire du héros un homme parfait. Ses doutes et ses faiblesses nous sont présentés sans détour, parfois avec humour. La solidarité dont font preuve certains ouvriers leur permet de contester le joug capitaliste, sans que cela débouche toutefois sur une victoire totale. Mais l'essentiel était bien d'initier le mouvement.
C'est un grand film de société, à projeter dans toutes les écoles pour transmettre à notre jeunesse une vision objective du monde du travail qui les attend.
Comme ce qui est écrit ci-dessus ne correspond que partiellement à ce que j'ai vu sur l'écran, je me dois de compléter ce billet. Voici donc...
LA CRITIQUE DE DROITE
Mathias Gokalp, cinéaste médiocre qui n'est pas parvenu à percer, s'est jeté sur un livre culte de la gauche intellectuelle française pour tenter de relancer sa carrière. De L’Établi, il a modifié la structure et certains éléments clés pour servir un propos outrancier, dont on sent bien qu'il se rapporte plus à la France de 2022 qu'à celle de 1968 ou 1978.
Tout d'abord, parmi la série d'ateliers auxquels le héros a été affecté (d'après le livre), il en est un où l'on ne voit jamais Robert évoluer dans le film : la soudure. En revanche, il travaille au boulonnage/rivetage, à la sellerie et aux balancelles. Cela pourrait se justifier par la volonté d'écourter le film (qui dure déjà deux bonnes heures...) et, peut-être, par la difficulté de filmer un atelier de soudure, surtout avec des comédiens novices en la matière. D'un autre côté, cela conduit le cinéaste à nous présenter l'usine d'abord sous l'aspect du travail à la chaîne, le boulonnage évoquant immanquablement (chez le public cultivé) Les Temps modernes de Chaplin (où le rythme était cependant beaucoup plus élevé que chez Citroën).
Dans tous les cas, il est un détail d'importance qui a été modifié dans le film : la présence de gants. Dans le livre, à presque chaque poste l'ouvrier en bénéficie, alors que, dans le film, leur absence est un motif de revendication... et l'occasion de faire de belles images de « la momie », surnom donné à Robert à partir du moment où on le voit travailler les mains enveloppées dans des bandelettes de tissu.
D'autres éléments ont été tordus quasi systématiquement pour dénigrer un "camp" ou pour en survaloriser un autre. Ainsi, avant de tenter de revenir sur les concessions faites aux syndicats en mai 1968 (en faisant travailler les ouvriers trois quarts d'heure de plus chaque jour, sans augmentation de salaire), la direction de l'usine avait commencé par... réduire le temps de travail, la durée quotidienne passant de 10h à 9h15. (Mais de cela les spectateurs ne sont pas informés.)
La manière dont sont traités les immigrés, certes injuste, est bien plus dégueulasse dans le long-métrage. Le personnage d'un collègue noir de Robert (à la sellerie) est développé pour le film, uniquement pour pour mettre en scène le racisme (supposé) des cadres de l'usine. (Ceux-ci sont d'ailleurs présentés de manière plus nuancée dans le bouquin, même si certains d'entre eux ont droit à des qualificatifs injurieux.) La même tactique est utilisée pour décrire le renvoi de certains de ces immigrés des foyers où ils logeaient, pour briser leur participation à la grève. Dans le livre, ces ouvriers découvrent leurs valises faites à l'entrée, lorsqu'ils retournent au foyer, alors que, dans le film, leurs affaires sont balancées sans ménagement sur le sol, à la sortie de l'usine.
On pourrait aussi discuter de la nécessité de transformer un trio d'ouvriers masculins (yougoslaves) en trio féminin. Certes, cela permet d'introduire des questions intéressantes, mais celles-ci sont presque absentes du livre. (Le réalisateur aurait cependant pu introduire une scène concernant une ouvrière mère de famille, qui se fait bien voir de l'un des cadres. Dans le livre, Robert se montre compréhensif, à l'inverse de certains ouvriers.) Plus grave : pour éviter de nuire à l'image de certains ouvriers africains, le livre passe sous silence l'épisode au cours duquel l'un d'entre eux fait étalage de ses préjugés antisémites devant le héros.
Au final, l'adaptation du livre se rapproche plus d'une fiction de propagande que de la fidèle représentation d'une époque révolue.
vendredi, 28 avril 2023
Désordres
Une vallée située dans le canton de Berne semble être, dans les années 1870-1880, un centre de développement de l'idéologie anarchiste (à travers la Fédération jurassienne). On y croise des Russes, des Français, des Italiens, des Allemands... et, bien sûr, des Suisses, qui travaillent soit dans l'agriculture soit dans l'horlogerie, dominée par une grande entreprise familiale, qui semble quasi omnipotente dans le canton.
Les revendications politiques sont fortes, les tensions sociales intenses... mais tout cela s'exprime de manière feutrée. Ainsi, c'est courtoisement que le policier municipal demande à des militants au drapeau rouge de s'éloigner. C'est avec courtoisie qu'un duo de promeneurs désobéit à un autre policier. C'est tout aussi courtoisement qu'un groupe de militantes chante sa détestation du capitalisme et des patrons âpres au gain. La courtoisie n'est pas moindre quand un chef du personnel annonce leur licenciement à quatre ouvrières en horlogerie... et c'est sans faire de grabuge qu'elles quittent les lieux, après avoir reçu leurs indemnités.
Cela donne un tour quasi surréaliste à certaines scènes, d'une indéniable violence symbolique, mais très policées dans la forme.
... du moins c'est ainsi que je l'ai perçu. Une autre personne présente dans la salle a trouvé que les acteurs jouaient mal, toujours sur le même ton, avec un inconvénient supplémentaire : les scènes de groupe étant filmées en plan large, il faut en général un petit moment pour distinguer parmi les personnages présents quels sont ceux dont on est en train d'entendre le dialogue. Cela a le mérite de forcer les spectateurs à être attentifs à chaque plan. C'est donc un film qui se mérite.
Au centre de l'intrigue se trouvent les montres. La fabrication et la fixation de leurs rouages font l'objet de plans passionnants, tandis que le maintien de la "bonne" heure est l'obsession d'une partie de la population... d'autant que, dans la vallée, selon l'endroit où l'on se trouve, on est soit à l'heure de la gare (et du télégraphe), soit à celle de la fabrique (d'horlogerie), soit à celle de l'église... Il y a plusieurs minutes d'écart entre ces repères, ce qui n'est pas sans conséquence sur le temps de travail des ouvrières... et leur paie !
A l'arrière-plan se trouve le progrès technologique : la mesure du temps se précise et prend une place grandissante dans la vie quotidienne des Suisses, tout comme la photographie, le chemin de fer... et la cartographie. C'est l'activité qu'exerce Pierre Kropotkine, futur idéologue de l'anarchisme, qui découvre la région.
Le film est à la fois passionnant et déroutant, ressemblant parfois à du théâtre filmé.
22:06 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Désordres
Une vallée située dans le canton de Berne semble être, dans les années 1870-1880, un centre de développement de l'idéologie anarchiste (à travers la Fédération jurassienne). On y croise des Russes, des Français, des Italiens, des Allemands... et, bien sûr, des Suisses, qui travaillent soit dans l'agriculture soit dans l'horlogerie, dominée par une grande entreprise familiale, qui semble quasi omnipotente dans le canton.
Les revendications politiques sont fortes, les tensions sociales intenses... mais tout cela s'exprime de manière feutrée. Ainsi, c'est courtoisement que le policier municipal demande à des militants au drapeau rouge de s'éloigner. C'est avec courtoisie qu'un duo de promeneurs désobéit à un autre policier. C'est tout aussi courtoisement qu'un groupe de militantes chante sa détestation du capitalisme et des patrons âpres au gain. La courtoisie n'est pas moindre quand un chef du personnel annonce leur licenciement à quatre ouvrières en horlogerie... et c'est sans faire de grabuge qu'elles quittent les lieux, après avoir reçu leurs indemnités.
Cela donne un tour quasi surréaliste à certaines scènes, d'une indéniable violence symbolique, mais très policées dans la forme.
... du moins c'est ainsi que je l'ai perçu. Une autre personne présente dans la salle a trouvé que les acteurs jouaient mal, toujours sur le même ton, avec un inconvénient supplémentaire : les scènes de groupe étant filmées en plan large, il faut en général un petit moment pour distinguer parmi les personnages présents quels sont ceux dont on est en train d'entendre le dialogue. Cela a le mérite de forcer les spectateurs à être attentifs à chaque plan. C'est donc un film qui se mérite.
Au centre de l'intrigue se trouvent les montres. La fabrication et la fixation de leurs rouages font l'objet de plans passionnants, tandis que le maintien de la "bonne" heure est l'obsession d'une partie de la population... d'autant que, dans la vallée, selon l'endroit où l'on se trouve, on est soit à l'heure de la gare (et du télégraphe), soit à celle de la fabrique (d'horlogerie), soit à celle de l'église... Il y a plusieurs minutes d'écart entre ces repères, ce qui n'est pas sans conséquence sur le temps de travail des ouvrières... et leur paie !
A l'arrière-plan se trouve le progrès technologique : la mesure du temps se précise et prend une place grandissante dans la vie quotidienne des Suisses, tout comme la photographie, le chemin de fer... et la cartographie. C'est l'activité qu'exerce Pierre Kropotkine, futur idéologue de l'anarchisme, qui découvre la région.
Le film est à la fois passionnant et déroutant, ressemblant parfois à du théâtre filmé.
22:06 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Donjons et dragons
Il y a longtemps, très longtemps, lorsque j'étais plus jeune (et vaillant) qu'aujourd'hui, je me suis risqué dans une salle obscure pour voir la première adaptation cinématographique du célèbre jeu vidéo. J'en suis ressorti fort marri. Porté par un bouche-à-oreille très favorable, j'ai retenté l'expérience, avec une séance en version originale sous-titrée.
Dès le début, j'ai été emballé. Il s'agit de l'arrivée d'un détenu ultra-dangereux dans une prison forteresse. J'ai bien entendu apprécié l'ambiance faite de mélange de Moyen-Age et de science-fiction. J'ai de surcroît été agréablement surpris par le souci du détail, par exemple au niveau de l'emboîtement de la cellule roulante et de la porte d'entrée. A plusieurs reprises, plus loin dans le film, on retrouve ce travail méticuleux au niveau des décors, mais je crois que c'est au tout début que c'est le plus impressionnant.
La suite n'est pas mal non plus, grâce notamment à des effets spéciaux bluffants. On s'y attend à propos des pouvoirs magiques de plusieurs personnages (la sorcière rouge, le jeune magicien et la fée polymorphe) et des animaux fantastiques (dont un dragon obèse, aussi pathétique que redoutable...)... mais ça ne se limite pas à cela.
Les amateurs d'heroic fantasy sont en terrain connu. On ne peut pas ne pas penser au Seigneur des anneaux, mais aussi à Hunger Games, voire à Harry Potter. Au niveau de l'intrigue, on ne s'ennuie pas. Entre les complots, les trahisons, les stratagèmes, les coups de théâtre et les retournements de situation, il y a de quoi occuper l'esprit.
Les acteurs sont plutôt bons, mais le casting est tout de même inégal. Chris Bite Pine cabotine un peu trop à mon goût, tout comme Hugh Grant, mais ils sont bien dans leurs rôles. Quelques autres se prennent trop au sérieux, ou doivent s'adapter à un personnage taillé à la hache. C'est du côté féminin que viennent les bonnes surprises : Michelle Rodriguez, entre deux Fast & Furious, vient jouer la walkyrie de contrebande, Daisy Head est parfaite en sorcière maléfique et la jeune Sophia Lillis est adorable en fée mutante.
Une autre qualité est l'humour dont regorge l'histoire. Quasiment chaque scène est marquée par un trait d'esprit, ou un gag, ou une chute. J'aime que cette grosse meringue numérique ne se prenne pas trop au sérieux. Mention spéciale à la séquence du cimetière.
Notons qu'on a soigné la diversité ethnique de la distribution : la moitié des protagonistes ne sont pas blancs. Ajoutons que l'intrigue regorge de femmes fortes (et mignonnes, faut pas déconner non plus)... avec un peu trop d'hommes faiblards à mon goût. Mon petit doigt me dit que c'est pour complaire au public masculin visé...
Au final, c'est divertissant. J'ai passé un très bon moment.
00:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Donjons et dragons
Il y a longtemps, très longtemps, lorsque j'étais plus jeune (et vaillant) qu'aujourd'hui, je me suis risqué dans une salle obscure pour voir la première adaptation cinématographique du célèbre jeu vidéo. J'en suis ressorti fort marri. Porté par un bouche-à-oreille très favorable, j'ai retenté l'expérience, avec une séance en version originale sous-titrée.
Dès le début, j'ai été emballé. Il s'agit de l'arrivée d'un détenu ultra-dangereux dans une prison forteresse. J'ai bien entendu apprécié l'ambiance faite de mélange de Moyen-Age et de science-fiction. J'ai de surcroît été agréablement surpris par le souci du détail, par exemple au niveau de l'emboîtement de la cellule roulante et de la porte d'entrée. A plusieurs reprises, plus loin dans le film, on retrouve ce travail méticuleux au niveau des décors, mais je crois que c'est au tout début que c'est le plus impressionnant.
La suite n'est pas mal non plus, grâce notamment à des effets spéciaux bluffants. On s'y attend à propos des pouvoirs magiques de plusieurs personnages (la sorcière rouge, le jeune magicien et la fée polymorphe) et des animaux fantastiques (dont un dragon obèse, aussi pathétique que redoutable...)... mais ça ne se limite pas à cela.
Les amateurs d'heroic fantasy sont en terrain connu. On ne peut pas ne pas penser au Seigneur des anneaux, mais aussi à Hunger Games, voire à Harry Potter. Au niveau de l'intrigue, on ne s'ennuie pas. Entre les complots, les trahisons, les stratagèmes, les coups de théâtre et les retournements de situation, il y a de quoi occuper l'esprit.
Les acteurs sont plutôt bons, mais le casting est tout de même inégal. Chris Bite Pine cabotine un peu trop à mon goût, tout comme Hugh Grant, mais ils sont bien dans leurs rôles. Quelques autres se prennent trop au sérieux, ou doivent s'adapter à un personnage taillé à la hache. C'est du côté féminin que viennent les bonnes surprises : Michelle Rodriguez, entre deux Fast & Furious, vient jouer la walkyrie de contrebande, Daisy Head est parfaite en sorcière maléfique et la jeune Sophia Lillis est adorable en fée mutante.
Une autre qualité est l'humour dont regorge l'histoire. Quasiment chaque scène est marquée par un trait d'esprit, ou un gag, ou une chute. J'aime que cette grosse meringue numérique ne se prenne pas trop au sérieux. Mention spéciale à la séquence du cimetière.
Notons qu'on a soigné la diversité ethnique de la distribution : la moitié des protagonistes ne sont pas blancs. Ajoutons que l'intrigue regorge de femmes fortes (et mignonnes, faut pas déconner non plus)... avec un peu trop d'hommes faiblards à mon goût. Mon petit doigt me dit que c'est pour complaire au public masculin visé...
Au final, c'est divertissant. J'ai passé un très bon moment.
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mardi, 25 avril 2023
Les Complices
Le titre de cette comédie macabre franco-belge fait penser aux Compères, de Francis Veber, qui mettait en scène le duo Gérard Depardieu - Pierre Richard. En voyant évoluer François Damiens et William Lebghil (tous deux très bons), on ne peut pas ne pas penser à d'autres associations entre un dominant, plutôt violent (outre Depardieu, il faudrait citer Lino Ventura et Gérard Lanvin) et un dominé, plutôt peureux ou inconscient (comme Jacques Brel, Francis Perrin, Benoît Poelvoorde...).
La nouveauté consiste en la présence d'un troisième élément, une femme, Stéphanie, la compagne de Karim, incarnée avec fougue par Laura Felpin (une découverte pour moi). Ce couple travaille dans une société de télémarketing en immobilier, sous la houlette d'une patronne acariâtre et de cadres méprisants.
De son côté Max (F. Damiens) ne peut plus exercer sa lucrative activité comme auparavant : il est tueur à gages, mais devient allergique à... la vue du sang. A la source de cette pathologie (d'après son médecin) se trouve un événement traumatique... mais pas l'un des assassinats qu'il a perpétrés, non : le fait que son épouse le quitte.
Cela donne le ton de cette comédie sans filtre, bien interprétée. D'un côté, Max doit échapper aux sicaires de la Loutre, l'organisation qu'il veut quitter. De l'autre, les employés téléconseilleurs ont une revanche à prendre sur la société et sont prêts à donner un coup de main au tueur, pour lequel ils se prennent de sympathie... et c'est réciproque.
Nous voilà embarqués dans un drôle de périple, au cours duquel on croise quelques invités, comme Vanessa Paradis (l'épouse) et Bruno Podalydès (l'homme à tout faire de la Loutre, qui réserve quelques surprises).
Cela dure à peine plus d'1h30 et l'on sort de là assez content, d'autant que la scénariste-réalisatrice (Cécilia Rouaud) conclut sur un clin d’œil sympathique.
12:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Les Complices
Le titre de cette comédie macabre franco-belge fait penser aux Compères, de Francis Veber, qui mettait en scène le duo Gérard Depardieu - Pierre Richard. En voyant évoluer François Damiens et William Lebghil (tous deux très bons), on ne peut pas ne pas penser à d'autres associations entre un dominant, plutôt violent (outre Depardieu, il faudrait citer Lino Ventura et Gérard Lanvin) et un dominé, plutôt peureux ou inconscient (comme Jacques Brel, Francis Perrin, Benoît Poelvoorde...).
La nouveauté consiste en la présence d'un troisième élément, une femme, Stéphanie, la compagne de Karim, incarnée avec fougue par Laura Felpin (une découverte pour moi). Ce couple travaille dans une société de télémarketing en immobilier, sous la houlette d'une patronne acariâtre et de cadres méprisants.
De son côté Max (F. Damiens) ne peut plus exercer sa lucrative activité comme auparavant : il est tueur à gages, mais devient allergique à... la vue du sang. A la source de cette pathologie (d'après son médecin) se trouve un événement traumatique... mais pas l'un des assassinats qu'il a perpétrés, non : le fait que son épouse le quitte.
Cela donne le ton de cette comédie sans filtre, bien interprétée. D'un côté, Max doit échapper aux sicaires de la Loutre, l'organisation qu'il veut quitter. De l'autre, les employés téléconseilleurs ont une revanche à prendre sur la société et sont prêts à donner un coup de main au tueur, pour lequel ils se prennent de sympathie... et c'est réciproque.
Nous voilà embarqués dans un drôle de périple, au cours duquel on croise quelques invités, comme Vanessa Paradis (l'épouse) et Bruno Podalydès (l'homme à tout faire de la Loutre, qui réserve quelques surprises).
Cela dure à peine plus d'1h30 et l'on sort de là assez content, d'autant que la scénariste-réalisatrice (Cécilia Rouaud) conclut sur un clin d’œil sympathique.
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lundi, 24 avril 2023
La Conférence
Le titre de ce film allemand fait évidemment allusion à la Conférence de Wannsee, qui s'est tenue le 20 janvier 1942. Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, dans la banlieue chic de Berlin, une brochette de cadres nazis discute de la déportation et de l'extermination des juifs, prudemment désignées par l'expression « Solution finale ».
Tous les participants sont des nazis convaincus, et ce depuis des années. Mais le film s'attache à montrer que deux profils se détachent : les SS (au premier rang desquels l'organisateur de la conférence, Reinhard Heydrich) et les "secrétaires", membres du gouvernement (et du NSDAP, le parti nazi), qui représentent un ministère, dont ils sont en général le numéro 2. Au contraire de certains SS et des gouverneurs des territoires envahis par le IIIe Reich, ces hauts fonctionnaires sont très diplômés : ils sont allés jusqu'à la thèse, ce qui fait qu'on se donne fréquemment du "Doktor" (ce qui équivaudrait à "Professeur", en français). Il est toutefois nécessaire de préciser que tout ce petit monde a achevé ses études secondaires et que presque tous ces hommes possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur, sans être forcément allés jusqu'à la thèse. De ce fait, ils appartiennent à une "élite" (moins de 5% de la population), et une élite plutôt jeune, qui témoigne de l'adhésion massive des (anciens) étudiants allemands des années 1920-1930 aux idées nazies.
Les dialogues comme les interprètes excellent à nous faire sentir la morgue de ces nazis issus de l'université, à la fois arc-boutés sur les prérogatives de leur ministère et peu désireux de passer sous le commandement de ces brutes de SS, fût-ce pour se débarrasser des juifs. Par rapport au film, j'apporterai toutefois une nuance. Peut-être pour éviter de trop plomber l'ambiance, les scénaristes ont choisi de faire émerger un ou deux profils un peu plus « humanistes » (tout est relatif) que les autres. Je pense au contraire que tous les participants à cette réunion étaient des antisémites forcenés (plus ou moins policés dans leur manière de s'exprimer), que le sort des juifs n'émouvait aucunement.
Cette réunion a donc un fort enjeu de pouvoir. A qui revient de gérer « l'évacuation » et le « traitement spécial » des juifs ? (On notera l'utilisation d'euphémismes quasiment tout au long de la conférence.) L'ambitieux Heydrich (dont il est légitime de penser qu'il espérait succéder un jour à Hitler) veut que la SS (plus précisément le RSHA, l'Office central de la sûreté du Reich) soit maître d’œuvre dans cette opération. Il faut qu'il en convainque les autres participants, en maniant l'efficacité, la flatterie et, éventuellement, la menace. Ce n'est pas pour rien qu'il a à ses côtés son principal adjoint, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller (très bien interprété par Jakob Diehl).
Au niveau des arguments "techniques", c'est un autre subordonné d'Heydrich, Adolf Eichmann (dont le rôle a été réévalué par les historiens) qui intervient. Je trouve que le comédien Johannes Allmayer réussit parfaitement à faire ressortir le mélange de technocratie et d'inhumanité qui caractérisait le personnage :
En face, du côté des "secrétaires", c'est le représentant du ministère de l'Intérieur qui se révèle le plus coriace. Ce n'est pas n'importe qui. Wilhelm Stuckart (Godehard Giese, excellent) est l'un des rédacteurs des lois de Nuremberg et, à l'époque du film, il est un peu considéré comme un ministre-bis, que Heydrich ne peut pas se permettre de traiter comme du menu fretin.
Il me reste à dire deux mots de l'interprète principal. Philipp Hochmair est chargé d'incarner le principal protagoniste (Heydrich), à une époque où il devient très puissant, mais quelques mois à peine avant qu'il ne se fasse assassiner. (Merci la résistance tchèque !)
Le film nous montre un manager du nazisme. Le régime, bien que pyramidal (avec Hitler à sa tête) et dictatorial, mettait en concurrence différents centres du pouvoir. Pour mener à bien son projet (l'extermination des juifs d'Europe), Heydrich a besoin de coordonner leur action. Pour assouvir son ambition, il doit les convaincre de le laisser diriger cette entreprise. L'acteur est convaincant dans le rôle du manager charismatique, mais il rend presque son personnage sympathique. Il n'apparaît pas assez impitoyable à mon goût. Bien que s'exprimant dans une autre langue que l'allemand, Jason Clarke m'a semblé plus percutant dans HHhH.
10:04 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
La Conférence
Le titre de ce film allemand fait évidemment allusion à la Conférence de Wannsee, qui s'est tenue le 20 janvier 1942. Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, dans la banlieue chic de Berlin, une brochette de cadres nazis discute de la déportation et de l'extermination des juifs, prudemment désignées par l'expression « Solution finale ».
Tous les participants sont des nazis convaincus, et ce depuis des années. Mais le film s'attache à montrer que deux profils se détachent : les SS (au premier rang desquels l'organisateur de la conférence, Reinhard Heydrich) et les "secrétaires", membres du gouvernement (et du NSDAP, le parti nazi), qui représentent un ministère, dont ils sont en général le numéro 2. Au contraire de certains SS et des gouverneurs des territoires envahis par le IIIe Reich, ces hauts fonctionnaires sont très diplômés : ils sont allés jusqu'à la thèse, ce qui fait qu'on se donne fréquemment du "Doktor" (ce qui équivaudrait à "Professeur", en français). Il est toutefois nécessaire de préciser que tout ce petit monde a achevé ses études secondaires et que presque tous ces hommes possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur, sans être forcément allés jusqu'à la thèse. De ce fait, ils appartiennent à une "élite" (moins de 5% de la population), et une élite plutôt jeune, qui témoigne de l'adhésion massive des (anciens) étudiants allemands des années 1920-1930 aux idées nazies.
Les dialogues comme les interprètes excellent à nous faire sentir la morgue de ces nazis issus de l'université, à la fois arc-boutés sur les prérogatives de leur ministère et peu désireux de passer sous le commandement de ces brutes de SS, fût-ce pour se débarrasser des juifs. Par rapport au film, j'apporterai toutefois une nuance. Peut-être pour éviter de trop plomber l'ambiance, les scénaristes ont choisi de faire émerger un ou deux profils un peu plus « humanistes » (tout est relatif) que les autres. Je pense au contraire que tous les participants à cette réunion étaient des antisémites forcenés (plus ou moins policés dans leur manière de s'exprimer), que le sort des juifs n'émouvait aucunement.
Cette réunion a donc un fort enjeu de pouvoir. A qui revient de gérer « l'évacuation » et le « traitement spécial » des juifs ? (On notera l'utilisation d'euphémismes quasiment tout au long de la conférence.) L'ambitieux Heydrich (dont il est légitime de penser qu'il espérait succéder un jour à Hitler) veut que la SS (plus précisément le RSHA, l'Office central de la sûreté du Reich) soit maître d’œuvre dans cette opération. Il faut qu'il en convainque les autres participants, en maniant l'efficacité, la flatterie et, éventuellement, la menace. Ce n'est pas pour rien qu'il a à ses côtés son principal adjoint, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller (très bien interprété par Jakob Diehl).
Au niveau des arguments "techniques", c'est un autre subordonné d'Heydrich, Adolf Eichmann (dont le rôle a été réévalué par les historiens) qui intervient. Je trouve que le comédien Johannes Allmayer réussit parfaitement à faire ressortir le mélange de technocratie et d'inhumanité qui caractérisait le personnage :
En face, du côté des "secrétaires", c'est le représentant du ministère de l'Intérieur qui se révèle le plus coriace. Ce n'est pas n'importe qui. Wilhelm Stuckart (Godehard Giese, excellent) est l'un des rédacteurs des lois de Nuremberg et, à l'époque du film, il est un peu considéré comme un ministre-bis, que Heydrich ne peut pas se permettre de traiter comme du menu fretin.
Il me reste à dire deux mots de l'interprète principal. Philipp Hochmair est chargé d'incarner le principal protagoniste (Heydrich), à une époque où il devient très puissant, mais quelques mois à peine avant qu'il ne se fasse assassiner. (Merci la résistance tchèque !)
Le film nous montre un manager du nazisme. Le régime, bien que pyramidal (avec Hitler à sa tête) et dictatorial, mettait en concurrence différents centres du pouvoir. Pour mener à bien son projet (l'extermination des juifs d'Europe), Heydrich a besoin de coordonner leur action. Pour assouvir son ambition, il doit les convaincre de le laisser diriger cette entreprise. L'acteur est convaincant dans le rôle du manager charismatique, mais il rend presque son personnage sympathique. Il n'apparaît pas assez impitoyable à mon goût. Bien que s'exprimant dans une autre langue que l'allemand, Jason Clarke m'a semblé plus percutant dans HHhH.
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dimanche, 23 avril 2023
Earwig
Ambiance sombre et crasseuse pour ce nouveau film de Lucile Hadzihalilovic. Quelques indications nous permettent de comprendre que l'action se déroule dans les années 1950, mais les vêtements comme le mobilier pourraient situer l'intrigue dans l'Entre-deux-guerres. Il y a une part d'intemporel dans cette histoire, qui ressemble parfois à un conte.
Il met en scène un homme entre deux âges et une petite fille (Mia), qui pourrait être la sienne, ou une orpheline qu'il a recueillie... ou bien un otage qu'il détient. En tout cas, Albert en prend grand soin, la nourrit convenablement et change régulièrement son étrange appareil dentaire, fixé autour du visage : Mia n'a pas de dents, ou plutôt l'appareil lui permet d'en avoir, en glace.
Les deux personnages échangent peu de mots. Leurs relations sont faites de rituels, plus ou moins bien acceptés. Le moindre petit changement prend la forme d'un événement. La réalisatrice est donc soucieuse du moindre détail, au niveau des vêtements comme du décor. Un grand soin a été apporté aux petits bruits du quotidien, à l'éclairage et aux jeux de lumière (avec les verres de l'armoire d'Albert, avec les nouvelles dents de Mia...).
Albert reçoit des ordres par téléphone. Il doit préparer Mia à un voyage. Il commence donc à l'habituer au monde extérieur. Attention toutefois : les scènes ne nous sont pas montrées dans un ordre strictement chronologique. Cela conduit d'ailleurs à se demander s'il n'y a pas eu deux enfants enfermés dans la maison.
Cela donne une œuvre parfois déroutante, mais qui (dans mon cas) captive. On cherche des réponses aux nombreuses questions qui se posent, tout en savourant la construction de certains plans. La fin ne répond pas à tout, mais on aura passé un moment hors du temps dans un univers particulier.
11:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Earwig
Ambiance sombre et crasseuse pour ce nouveau film de Lucile Hadzihalilovic. Quelques indications nous permettent de comprendre que l'action se déroule dans les années 1950, mais les vêtements comme le mobilier pourraient situer l'intrigue dans l'Entre-deux-guerres. Il y a une part d'intemporel dans cette histoire, qui ressemble parfois à un conte.
Il met en scène un homme entre deux âges et une petite fille (Mia), qui pourrait être la sienne, ou une orpheline qu'il a recueillie... ou bien un otage qu'il détient. En tout cas, Albert en prend grand soin, la nourrit convenablement et change régulièrement son étrange appareil dentaire, fixé autour du visage : Mia n'a pas de dents, ou plutôt l'appareil lui permet d'en avoir, en glace.
Les deux personnages échangent peu de mots. Leurs relations sont faites de rituels, plus ou moins bien acceptés. Le moindre petit changement prend la forme d'un événement. La réalisatrice est donc soucieuse du moindre détail, au niveau des vêtements comme du décor. Un grand soin a été apporté aux petits bruits du quotidien, à l'éclairage et aux jeux de lumière (avec les verres de l'armoire d'Albert, avec les nouvelles dents de Mia...).
Albert reçoit des ordres par téléphone. Il doit préparer Mia à un voyage. Il commence donc à l'habituer au monde extérieur. Attention toutefois : les scènes ne nous sont pas montrées dans un ordre strictement chronologique. Cela conduit d'ailleurs à se demander s'il n'y a pas eu deux enfants enfermés dans la maison.
Cela donne une œuvre parfois déroutante, mais qui (dans mon cas) captive. On cherche des réponses aux nombreuses questions qui se posent, tout en savourant la construction de certains plans. La fin ne répond pas à tout, mais on aura passé un moment hors du temps dans un univers particulier.
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jeudi, 20 avril 2023
C'est mon homme
J'ai longtemps hésité avoir d'aller voir ce film. Pourtant, le sujet (celui d'un poilu revenu amnésique de la Première Guerre mondiale) m'intéressait, mais je ne lisais et n'entendais que des critiques mitigées.
J'ai fini par tenter ma chance... et je ne le regrette pas.
Le film nous prend dès le début par une scène en apparence anodine (un couple qui vient se faire photographier chez une professionnelle), mais dont le sel n'apparaît que lorsque les amoureux se déplacent. Le dialogue précédent prend alors une autre saveur.
J'aime l'ambiguïté créée autour du passé du "héros". Le réalisateur nous fait d'abord suivre l'épouse photographe (Leïla Bekhti, très bien), avant que ne débarque l'épouse danseuse de cabaret (Louise Bourgoin, tout aussi convaincante dans un autre registre). On penche tour à tour pour telle ou telle... tout comme l'amnésique, un peu timide au départ, mais qui se laisse ensuite volontiers séduire par les deux !
Je sais que certains spectateurs sont sortis de la salle sans avoir tranché entre les deux épouses, alors qu'à mon avis, la mise en scène et le montage font pencher la balance d'un côté. L'ambiguïté persiste peut-être en raison du jeu de Karim Leklou, sobre, qui paraît presque étranger à sa propre vie.
J'ai aussi apprécié que l'intrigue joue avec les "valeurs" de l'époque. On s'attend à ce que le soldat, recouvrant peu à peu la mémoire, choisisse forcément de retourner auprès de sa légitime épouse. Mais la raison de son choix peut être tout autre : l'intérêt personnel (Quelle vie lui semble la plus intéressante : celle avec la photographe ou celle avec la danseuse ?)... ou l'amour inattendu, celui qui naît entre deux étrangers qui, sans la guerre, ne se seraient pas rencontrés.
J'ai été pris par cette histoire, pas flamboyante certes, mais qui, par petites touches, dit beaucoup de choses de l'humanité.
23:50 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
C'est mon homme
J'ai longtemps hésité avoir d'aller voir ce film. Pourtant, le sujet (celui d'un poilu revenu amnésique de la Première Guerre mondiale) m'intéressait, mais je ne lisais et n'entendais que des critiques mitigées.
J'ai fini par tenter ma chance... et je ne le regrette pas.
Le film nous prend dès le début par une scène en apparence anodine (un couple qui vient se faire photographier chez une professionnelle), mais dont le sel n'apparaît que lorsque les amoureux se déplacent. Le dialogue précédent prend alors une autre saveur.
J'aime l'ambiguïté créée autour du passé du "héros". Le réalisateur nous fait d'abord suivre l'épouse photographe (Leïla Bekhti, très bien), avant que ne débarque l'épouse danseuse de cabaret (Louise Bourgoin, tout aussi convaincante dans un autre registre). On penche tour à tour pour telle ou telle... tout comme l'amnésique, un peu timide au départ, mais qui se laisse ensuite volontiers séduire par les deux !
Je sais que certains spectateurs sont sortis de la salle sans avoir tranché entre les deux épouses, alors qu'à mon avis, la mise en scène et le montage font pencher la balance d'un côté. L'ambiguïté persiste peut-être en raison du jeu de Karim Leklou, sobre, qui paraît presque étranger à sa propre vie.
J'ai aussi apprécié que l'intrigue joue avec les "valeurs" de l'époque. On s'attend à ce que le soldat, recouvrant peu à peu la mémoire, choisisse forcément de retourner auprès de sa légitime épouse. Mais la raison de son choix peut être tout autre : l'intérêt personnel (Quelle vie lui semble la plus intéressante : celle avec la photographe ou celle avec la danseuse ?)... ou l'amour inattendu, celui qui naît entre deux étrangers qui, sans la guerre, ne se seraient pas rencontrés.
J'ai été pris par cette histoire, pas flamboyante certes, mais qui, par petites touches, dit beaucoup de choses de l'humanité.
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samedi, 15 avril 2023
Chili 1976
Avant de passer derrière la caméra, Manuela Martelli a été actrice, notamment dans Mon Ami Machuca, dont l'action se déroule en 1973, au tout début de la dictature d'Augusto Pinochet.
Elle a choisi de planter son intrigue trois ans plus tard, alors que le régime est installé, la surveillance de la population bien en place... et la répression aussi discrète qu'efficace.
Pourtant, le début de l'histoire semble loin de ces préoccupations politiques. On suit une famille de la grande bourgeoisie, l'épouse du médecin chef d'un hôpital de Santiago supervisant les travaux d'embellissement de leur résidence secondaire, sur la côte Pacifique. La maîtresse de maison voudrait que tout soit prêt pour l'anniversaire de l'une de ses petites-filles. Tout cela ne nous est pas dit frontalement, mais suggéré au fur et à mesure des scènes, par petites touches. C'est l'un des grands mérites de ce film que de ne pas sombrer dans un didactisme pesant, tout en étant très engagé.
L'autre grand atout de cette histoire est la comédienne Aline Küppenheim, présente -je crois- dans toutes les scènes, à travers son personnage de Carmen. L'épouse distinguée a du temps libre, qu'elle consacre à sa maison, ses petits-enfants... et aux nobles causes que lui suggère le prêtre progressiste du coin. Bien que d'apparence assez épanouie, elle n'est pas fondamentalement heureuse : elle a jadis renoncé à ses études de médecine pour devenir mère au foyer et elle suit depuis plusieurs années un traitement contre la dépression. Un jour, le service particulier que lui demande le prêtre va donner un sens à sa vie.
A la chronique sociale du début (mettant discrètement en scène certaines inégalités de richesse) succède un quasi film d'espionnage, qui fait parfois sourire, mais au cours duquel on sent tout de même progressivement monter la tension. De coups de téléphone discrets en rendez-vous secrets, la bourgeoise prend de plus en plus de risques...
C'est passionnant. Dans la salle, la ribambelle de vieillard(e)s pipelet(te)s a fermé son clapet dès le début, pour ne le rouvrir qu'au générique de fin. C'est dire.
A signaler le rôle de la musique d'accompagnement. Elle n'est heureusement pas omniprésente, plutôt savamment dosée... et ce n'est pas une musique d'époque, mais contemporaine, qui se marie bien avec l'intrigue.
P.S.
La Peugeot 404 que l'on voit l'héroïne conduire était, à l'époque, passée de mode en France... mais sa production continuait dans plusieurs pays étrangers, en particulier en Argentine, d'où devait venir le modèle acheté par le mari de Carmen.
23:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Chili 1976
Avant de passer derrière la caméra, Manuela Martelli a été actrice, notamment dans Mon Ami Machuca, dont l'action se déroule en 1973, au tout début de la dictature d'Augusto Pinochet.
Elle a choisi de planter son intrigue trois ans plus tard, alors que le régime est installé, la surveillance de la population bien en place... et la répression aussi discrète qu'efficace.
Pourtant, le début de l'histoire semble loin de ces préoccupations politiques. On suit une famille de la grande bourgeoisie, l'épouse du médecin chef d'un hôpital de Santiago supervisant les travaux d'embellissement de leur résidence secondaire, sur la côte Pacifique. La maîtresse de maison voudrait que tout soit prêt pour l'anniversaire de l'une de ses petites-filles. Tout cela ne nous est pas dit frontalement, mais suggéré au fur et à mesure des scènes, par petites touches. C'est l'un des grands mérites de ce film que de ne pas sombrer dans un didactisme pesant, tout en étant très engagé.
L'autre grand atout de cette histoire est la comédienne Aline Küppenheim, présente -je crois- dans toutes les scènes, à travers son personnage de Carmen. L'épouse distinguée a du temps libre, qu'elle consacre à sa maison, ses petits-enfants... et aux nobles causes que lui suggère le prêtre progressiste du coin. Bien que d'apparence assez épanouie, elle n'est pas fondamentalement heureuse : elle a jadis renoncé à ses études de médecine pour devenir mère au foyer et elle suit depuis plusieurs années un traitement contre la dépression. Un jour, le service particulier que lui demande le prêtre va donner un sens à sa vie.
A la chronique sociale du début (mettant discrètement en scène certaines inégalités de richesse) succède un quasi film d'espionnage, qui fait parfois sourire, mais au cours duquel on sent tout de même progressivement monter la tension. De coups de téléphone discrets en rendez-vous secrets, la bourgeoise prend de plus en plus de risques...
C'est passionnant. Dans la salle, la ribambelle de vieillard(e)s pipelet(te)s a fermé son clapet dès le début, pour ne le rouvrir qu'au générique de fin. C'est dire.
A signaler le rôle de la musique d'accompagnement. Elle n'est heureusement pas omniprésente, plutôt savamment dosée... et ce n'est pas une musique d'époque, mais contemporaine, qui se marie bien avec l'intrigue.
P.S.
La Peugeot 404 que l'on voit l'héroïne conduire était, à l'époque, passée de mode en France... mais sa production continuait dans plusieurs pays étrangers, en particulier en Argentine, d'où devait venir le modèle acheté par le mari de Carmen.
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Les Mystères de Barcelone
Intitulé La Vampira de Barcelona dans sa langue d'origine (le catalan), ce film évoque une affaire criminelle célèbre outre-Pyrénées... mais pas de ce côté-ci. Voilà pourquoi sans doute le distributeur français a choisi un titre qui, aux oreilles des cinéphiles locaux, évoquera soit un film de Raoul Ruiz, soit un roman-feuilleton d'Eugène Sue.
Ce n'est pourtant pas tant sur le fond que sur la forme que ce long-métrage est remarquable. Peut-être parce que son action se situe au début du XXe siècle, souvent dans les bas-fonds, le réalisateur a choisi de tourner majoritairement en noir et blanc. Le résultat est fort joli... et incite les spectateurs à se montrer attentifs quand on passe à la couleur, ou quand un détail coloré apparaît à l'écran.
J'ai bien aimé aussi le travail sur la construction de l'image, constituée de plusieurs plans qui peuvent se détacher les uns des autres. (Merci, le numérique !) Ce n'est pas une coquetterie esthétisante. Quand deux personnages d'une scène en sont comme extraits, c'est parce que leur discussion revêt une grande importance. Quand l'arrière-plan change, c'est en liaison avec ce qui se dit et se passe au premier.
De la même manière, le recours aux ombres chinoises se justifie pleinement. Le cinéaste veut montrer que l'univers officiel dans lequel évoluent les personnages est, pour lui, un théâtre d'ombres et que les déterminants de l'action se trouvent ailleurs.
C'est précisément à ce niveau que surgissent les problèmes. Je crois avoir rarement (jamais ?) vu une histoire aussi manichéenne. Si l'on excepte la monarchie et le gouvernement catalan (absents de l'intrigue), toutes les "élites" sont corrompues : les juges, les avocats, les policiers, les médecins, les journalistes... sauf un, bien entendu, le héros. En face, les gens modestes sont presque tous présentés comme des victimes. Ce n'est que dans la dernière partie qu'un poil de nuance est introduit, à travers quelques révélations de dernière minute et un petit coup de théâtre.
A part cela, de mystère il n'y a guère. Dès le début on nous offre en pâture la conclusion officielle de l'enquête, à laquelle la suite du film (un long retour en arrière) nous amène inexorablement. Ce n'est pas vraiment palpitant et c'est de surcroît surligné par une musique d'accompagnement digne d'un mélo télévisuel. C'est dommage, parce qu'il y a avait de la matière et, derrière la caméra, une personne de talent.
16:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Les Mystères de Barcelone
Intitulé La Vampira de Barcelona dans sa langue d'origine (le catalan), ce film évoque une affaire criminelle célèbre outre-Pyrénées... mais pas de ce côté-ci. Voilà pourquoi sans doute le distributeur français a choisi un titre qui, aux oreilles des cinéphiles locaux, évoquera soit un film de Raoul Ruiz, soit un roman-feuilleton d'Eugène Sue.
Ce n'est pourtant pas tant sur le fond que sur la forme que ce long-métrage est remarquable. Peut-être parce que son action se situe au début du XXe siècle, souvent dans les bas-fonds, le réalisateur a choisi de tourner majoritairement en noir et blanc. Le résultat est fort joli... et incite les spectateurs à se montrer attentifs quand on passe à la couleur, ou quand un détail coloré apparaît à l'écran.
J'ai bien aimé aussi le travail sur la construction de l'image, constituée de plusieurs plans qui peuvent se détacher les uns des autres. (Merci, le numérique !) Ce n'est pas une coquetterie esthétisante. Quand deux personnages d'une scène en sont comme extraits, c'est parce que leur discussion revêt une grande importance. Quand l'arrière-plan change, c'est en liaison avec ce qui se dit et se passe au premier.
De la même manière, le recours aux ombres chinoises se justifie pleinement. Le cinéaste veut montrer que l'univers officiel dans lequel évoluent les personnages est, pour lui, un théâtre d'ombres et que les déterminants de l'action se trouvent ailleurs.
C'est précisément à ce niveau que surgissent les problèmes. Je crois avoir rarement (jamais ?) vu une histoire aussi manichéenne. Si l'on excepte la monarchie et le gouvernement catalan (absents de l'intrigue), toutes les "élites" sont corrompues : les juges, les avocats, les policiers, les médecins, les journalistes... sauf un, bien entendu, le héros. En face, les gens modestes sont presque tous présentés comme des victimes. Ce n'est que dans la dernière partie qu'un poil de nuance est introduit, à travers quelques révélations de dernière minute et un petit coup de théâtre.
A part cela, de mystère il n'y a guère. Dès le début on nous offre en pâture la conclusion officielle de l'enquête, à laquelle la suite du film (un long retour en arrière) nous amène inexorablement. Ce n'est pas vraiment palpitant et c'est de surcroît surligné par une musique d'accompagnement digne d'un mélo télévisuel. C'est dommage, parce qu'il y a avait de la matière et, derrière la caméra, une personne de talent.
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vendredi, 14 avril 2023
Mon Chat et moi
Inspiré d'un roman de Maurice Genevoix, ce film est destiné à toute la famille. Pour qui s'attend à une œuvre hyper-classique, sans aspérité, le début est un peu déroutant, puisqu'il est tourné... à hauteur de chat. On découvre une portée de chatons et leur maman vigilante, dans le grenier d'un appartement urbain. C'est mignon et drôle (et bien meilleur que beaucoup de ce qui suit). Une autre qualité est à relever : le désir de ne pas masquer les drames de la vie, dans cette ville comme, plus tard, dans la montagne vosgienne.
La suite est malheureusement moins captivante, alors qu'elle devrait évoquer un tas de souvenirs (plus ou moins) plaisants chez les (anciens) possesseurs de matou. J'ai trouvé très convenue la mise en scène l'arrivée de Rroû dans la famille et ses débuts de chat domestique.
Cela devient plus intéressant lorsque le couple et sa fille se rendent en vacances dans une maison de campagne. Camille et Rroû vont croiser la route de la "sorcière" locale, Madeleine, une vieille solitaire bourrue, qui (bien entendu) cache un cœur gros comme ça. Son seul compagnon est son chien Rambo (une sorte de dogue). Dans le rôle, Corinne Masiero passe bien (et -surtout- elle ne fait pas trop sa capitaine Marleau).
Dans cette partie de l'intrigue, le plus intéressant est la découverte du milieu sauvage par le chat domestique, qui croise des congénères plus ou moins bien disposés à son égard, mais aussi un lynx, une chouette... C'est joliment filmé, même si le réalisateur Guillaume Maïdatchevsky m'avait plus impressionné dans Aïlo.
La morale de l'histoire rejoint ce qu'on a pu voir dans d'autres récents films animaliers, que la vedette soit un loup ou une jeune tigresse : la place de l'animal est plus dans le monde sauvage qu'aux côtés des humains, quand bien même il y risque sa vie. Concernant un chat domestique, on appréciera plus ou moins la pertinence du propos.
19:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Mon Chat et moi
Inspiré d'un roman de Maurice Genevoix, ce film est destiné à toute la famille. Pour qui s'attend à une œuvre hyper-classique, sans aspérité, le début est un peu déroutant, puisqu'il est tourné... à hauteur de chat. On découvre une portée de chatons et leur maman vigilante, dans le grenier d'un appartement urbain. C'est mignon et drôle (et bien meilleur que beaucoup de ce qui suit). Une autre qualité est à relever : le désir de ne pas masquer les drames de la vie, dans cette ville comme, plus tard, dans la montagne vosgienne.
La suite est malheureusement moins captivante, alors qu'elle devrait évoquer un tas de souvenirs (plus ou moins) plaisants chez les (anciens) possesseurs de matou. J'ai trouvé très convenue la mise en scène l'arrivée de Rroû dans la famille et ses débuts de chat domestique.
Cela devient plus intéressant lorsque le couple et sa fille se rendent en vacances dans une maison de campagne. Camille et Rroû vont croiser la route de la "sorcière" locale, Madeleine, une vieille solitaire bourrue, qui (bien entendu) cache un cœur gros comme ça. Son seul compagnon est son chien Rambo (une sorte de dogue). Dans le rôle, Corinne Masiero passe bien (et -surtout- elle ne fait pas trop sa capitaine Marleau).
Dans cette partie de l'intrigue, le plus intéressant est la découverte du milieu sauvage par le chat domestique, qui croise des congénères plus ou moins bien disposés à son égard, mais aussi un lynx, une chouette... C'est joliment filmé, même si le réalisateur Guillaume Maïdatchevsky m'avait plus impressionné dans Aïlo.
La morale de l'histoire rejoint ce qu'on a pu voir dans d'autres récents films animaliers, que la vedette soit un loup ou une jeune tigresse : la place de l'animal est plus dans le monde sauvage qu'aux côtés des humains, quand bien même il y risque sa vie. Concernant un chat domestique, on appréciera plus ou moins la pertinence du propos.
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mercredi, 12 avril 2023
10 jours encore sans maman
On prend (presque) les mêmes et l'on recommence... à ceci près que, désormais, c'est l'épouse qui porte la culotte dans le ménage, tandis qu'Antoine, au chômage, est homme au foyer, prétendûment en télétravail.
La situation de départ est intéressante, parce qu'Aure Atika est convaincante en avocate de retour sur le marché du travail (et elle a un charme fou) et parce que le scénario fait d'Antoine un symbole de père dévirilisé. Il n'est plus le pourvoyeur d'argent du ménage, il n'arrive pas à se faire respecter de ses enfants, fait des gaffes en public, voire se couvre de ridicule. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes de ce film : Franck Dubosc, retombé dans ses travers, en fait des tonnes (Mais où est passé l'acteur de Rumba la vie ?) et l'intrigue lui fait accumuler les humiliations, de manière de moins en moins vraisemblable. Ce n'est même plus drôle.
Pour être honnête, je dois reconnaître qu'il y a bien quelques moments réussis, comme la course pour arriver à temps à l'aéroport (au début), ou encore l'humour pipi-caca faisant intervenir des quiproquos.
Les meilleures surprises viennent des seconds rôles. On retrouve un Alexis Michalik percutant en connard arrogant. On découvre avec plaisir Xavier Robic et Romain Lancry en larbins de l'hôtel de luxe. Juliette Aver est aussi très bien en jeune monitrice de ski.
En revanche, les enfants du couple de héros sont encore plus insupportables que dans le premier film. (Si, c'est possible !) Clairement, les comédiens qui les incarnent ont été dirigés de manière à jouer dans l'excès. C'est vite saoulant.
Le film est oubliable, très au-dessous des Bronzés font du ski, vers lequel il louche portant ostensiblement.
21:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
10 jours encore sans maman
On prend (presque) les mêmes et l'on recommence... à ceci près que, désormais, c'est l'épouse qui porte la culotte dans le ménage, tandis qu'Antoine, au chômage, est homme au foyer, prétendûment en télétravail.
La situation de départ est intéressante, parce qu'Aure Atika est convaincante en avocate de retour sur le marché du travail (et elle a un charme fou) et parce que le scénario fait d'Antoine un symbole de père dévirilisé. Il n'est plus le pourvoyeur d'argent du ménage, il n'arrive pas à se faire respecter de ses enfants, fait des gaffes en public, voire se couvre de ridicule. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes de ce film : Franck Dubosc, retombé dans ses travers, en fait des tonnes (Mais où est passé l'acteur de Rumba la vie ?) et l'intrigue lui fait accumuler les humiliations, de manière de moins en moins vraisemblable. Ce n'est même plus drôle.
Pour être honnête, je dois reconnaître qu'il y a bien quelques moments réussis, comme la course pour arriver à temps à l'aéroport (au début), ou encore l'humour pipi-caca faisant intervenir des quiproquos.
Les meilleures surprises viennent des seconds rôles. On retrouve un Alexis Michalik percutant en connard arrogant. On découvre avec plaisir Xavier Robic et Romain Lancry en larbins de l'hôtel de luxe. Juliette Aver est aussi très bien en jeune monitrice de ski.
En revanche, les enfants du couple de héros sont encore plus insupportables que dans le premier film. (Si, c'est possible !) Clairement, les comédiens qui les incarnent ont été dirigés de manière à jouer dans l'excès. C'est vite saoulant.
Le film est oubliable, très au-dessous des Bronzés font du ski, vers lequel il louche portant ostensiblement.
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dimanche, 09 avril 2023
Le Capitaine Volkonogov s'est échappé
Moins de trois ans après L'Ombre de Staline, centré sur la famine en Ukraine, la répression stalinienne est de nouveau à l'écran, dans cette fiction à caractère historique, une coproduction internationale tournée en russe... mais qui n'a pas été diffusée en Russie.
La première partie nous fait découvrir le capitaine Volkonogov : c'est un cadre du NKVD (ancêtre du KGB) de Leningrad, athlétique, plein d'avenir. Il est plutôt beau gosse, fier dans son uniforme... et il sait se faire craindre. Le problème est qu'en cette époque de Grande Terreur stalinienne, les purges touchent aussi le Parti communiste et ses satellites. Le jour même, Volkogonov voit son supérieur se suicider et ses collègues de la brigade subir un entretien inquisitorial. Il décide de s'enfuir avant que ne vienne son tour.
C'est d'abord un polar historique, avec pour toile de fond un régime totalitaire parmi les plus horribles que la Terre ait connus. Au NKVD, on sait tuer vite et pas cher, on n'a pas besoin de moyens hyper-sophistiqués pour faire avouer un suspect coupable... et l'on est devenu expert en disparition de cadavres.
(Je trouve intéressant que, dans une fiction destinée a priori à un public non spécialiste, on ait intégré à ce point les résultats de la recherche historique.)
Mais ce n'est là qu'un arrière-plan. La deuxième partie (plus longue) met en scène, de manière parfois virtuose, la quête de Volkogonov (qui cherche à se faire pardonner ses crimes pour ne pas finir en enfer) et la traque dont il est l'objet de la part d'un commandant cancéreux. Sa quête débute à l'issue de l'enterrement de cadavres, pour lequel le NKVD a réquisitionné des vagabonds et des passagers des transports en commun. Sans le savoir (au départ), Volkogonov (dont l'identité est inconnue des autres) participe à l'enfouissement de ses anciens camarades ! La séquence est saisissante, tout comme le surgissement d'un rescapé.
C'est à l'occasion de la rencontre des proches de ses anciennes victimes que Volkonogov se rappelle ses "exploits" et nous permet de toucher du doigt l'abjection du régime qu'il a servi. Ces séquences sont particulièrement marquantes, qu'il s'agisse de l'ouvrier plaisantin, du bureaucrate soupçonneux, de l'enfant questionneuse ou de l'épouse statufiée. On prend une sacrée claque !
C'est de surcroît brillamment mis en scène. En deux plans trois mouvements, le duo de réalisateurs nous fait comprendre ce que sont l'oppression, la crainte, le désespoir, le sentiment d'injustice. Les décors sont particulièrement réussis.
Même s'il y a quelques longueurs, même si certaines scènes sont à la limite du soutenable, je recommande vivement ce film, une véritable œuvre d'art au service d'une vérité historique pas suffisamment enseignée.
20:44 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, russie
Le Capitaine Volkonogov s'est échappé
Moins de trois ans après L'Ombre de Staline, centré sur la famine en Ukraine, la répression stalinienne est de nouveau à l'écran, dans cette fiction à caractère historique, une coproduction internationale tournée en russe... mais qui n'a pas été diffusée en Russie.
La première partie nous fait découvrir le capitaine Volkonogov : c'est un cadre du NKVD (ancêtre du KGB) de Leningrad, athlétique, plein d'avenir. Il est plutôt beau gosse, fier dans son uniforme... et il sait se faire craindre. Le problème est qu'en cette époque de Grande Terreur stalinienne, les purges touchent aussi le Parti communiste et ses satellites. Le jour même, Volkogonov voit son supérieur se suicider et ses collègues de la brigade subir un entretien inquisitorial. Il décide de s'enfuir avant que ne vienne son tour.
C'est d'abord un polar historique, avec pour toile de fond un régime totalitaire parmi les plus horribles que la Terre ait connus. Au NKVD, on sait tuer vite et pas cher, on n'a pas besoin de moyens hyper-sophistiqués pour faire avouer un suspect coupable... et l'on est devenu expert en disparition de cadavres.
(Je trouve intéressant que, dans une fiction destinée a priori à un public non spécialiste, on ait intégré à ce point les résultats de la recherche historique.)
Mais ce n'est là qu'un arrière-plan. La deuxième partie (plus longue) met en scène, de manière parfois virtuose, la quête de Volkogonov (qui cherche à se faire pardonner ses crimes pour ne pas finir en enfer) et la traque dont il est l'objet de la part d'un commandant cancéreux. Sa quête débute à l'issue de l'enterrement de cadavres, pour lequel le NKVD a réquisitionné des vagabonds et des passagers des transports en commun. Sans le savoir (au départ), Volkogonov (dont l'identité est inconnue des autres) participe à l'enfouissement de ses anciens camarades ! La séquence est saisissante, tout comme le surgissement d'un rescapé.
C'est à l'occasion de la rencontre des proches de ses anciennes victimes que Volkonogov se rappelle ses "exploits" et nous permet de toucher du doigt l'abjection du régime qu'il a servi. Ces séquences sont particulièrement marquantes, qu'il s'agisse de l'ouvrier plaisantin, du bureaucrate soupçonneux, de l'enfant questionneuse ou de l'épouse statufiée. On prend une sacrée claque !
C'est de surcroît brillamment mis en scène. En deux plans trois mouvements, le duo de réalisateurs nous fait comprendre ce que sont l'oppression, la crainte, le désespoir, le sentiment d'injustice. Les décors sont particulièrement réussis.
Même s'il y a quelques longueurs, même si certaines scènes sont à la limite du soutenable, je recommande vivement ce film, une véritable œuvre d'art au service d'une vérité historique pas suffisamment enseignée.
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samedi, 08 avril 2023
Les Petites Victoires
Plutôt réticent au départ, j'ai fini par me décider à voir ce film, en raison de très nombreux retours positifs dans mon entourage. Il faut dire que la distribution est alléchante : outre les têtes d'affiche Julia Piaton et Michel Blanc (dans un rôle proche de celui qu'il interprétait dans Je vous trouve très beau), on croise India Hair, Lionel Abelanski, Marie Bunel et... Marie-Pierre Casey ! Elle interprète Jeannine, une retraitée souffrant de la hanche, qui, aujourd'hui, aurait bien du mal à dépoussiérer une grande table de salon.
Derrière la caméra se trouve Mélanie Auffret, dont j'avais déjà aimé Roxane. Elle a ce talent pour, d'une part, créer une comédie propre à favoriser la sécrétion de dopamine et d'endorphine, d'autre part, évoquer ce monde rural qui souffre, mais qui, souvent, n'obtient l'attention des médias dominants qu'en cas de drame ou pour véhiculer une image de carte postale.
Les petites victoires en question ne sont ni d'ordre militaire (on est loin d'Austerlitz), ni d'ordre sportif, politique ou économique. Le village breton (des Côtes-d'Armor) n'héberge ni artiste célèbre, ni richissime startupper, ni recordman du monde... mais on y admire quand même Kylian Mbappé. Le scénario fait l'éloge des exploits du quotidien, comme réapprendre à lire, rouvrir un commerce local, oser exprimer ses sentiments... L'intrigue est peuplée de "gens normaux"... mais pas trop.
Émile est un retraité illettré (ancien carreleur), célibataire malgré lui... et caractériel. J'ai bien aimé la manière dont la réalisatrice fait émerger le problème dont il souffre, avec les implications que cela a. Petit à petit, on découvre les stratégies qu'il avait mises en place (pour passer le permis de conduire, livrer des journaux, faire les courses...). Cela sonne juste... et cela permettra peut-être à une partie du public de découvrir la situation d'une frange méconnue de la population française.
A cette intrigue principale se greffe un contexte particulier, celui d'une commune en déclin (peuplée de moins de 500 habitants), sans boulanger, ni médecin... ni bar ! Ne reste que l'école primaire, à classe unique, à son tour menacée de fermeture.
La lutte de ces Indiens des temps modernes en rappelle d'autres, mais elle est mise en scène avec un certain dynamisme et un sens indéniable de la cocasserie. Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées, comme celle de l'utilisation d'une application de rencontre... et celle au cours de laquelle la maire découvre ce qu'il se passe réellement dans la boulangerie-épicerie récemment rouverte. Cela prend une tournure âpre... avant qu'une chute inattendue ne détende l'atmosphère. (La réputation des forces de l'ordre ne sort pas grandie de cet épisode...)
J'ai aussi apprécié que ce nouveau feel good movie ne prenne pas trop l'allure d'un conte de fées. On a évité de faire de l'héroïne trentenaire célibattante une jeune femme en quête éperdue du grand amour qui va changer sa vie. S'ajoute à cela une conclusion plus subtile que prévue concernant le devenir de l'école.
Au final, même si le film est farci de "politiquement correct" (la classe métissée au fin fond de la Bretagne, l'exposé "thunbergien" sur le climat à l'école, la réconciliation générale autour de boissons alcoolisées...), j'ai passé un très bon moment.
21:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
Les Petites Victoires
Plutôt réticent au départ, j'ai fini par me décider à voir ce film, en raison de très nombreux retours positifs dans mon entourage. Il faut dire que la distribution est alléchante : outre les têtes d'affiche Julia Piaton et Michel Blanc (dans un rôle proche de celui qu'il interprétait dans Je vous trouve très beau), on croise India Hair, Lionel Abelanski, Marie Bunel et... Marie-Pierre Casey ! Elle interprète Jeannine, une retraitée souffrant de la hanche, qui, aujourd'hui, aurait bien du mal à dépoussiérer une grande table de salon.
Derrière la caméra se trouve Mélanie Auffret, dont j'avais déjà aimé Roxane. Elle a ce talent pour, d'une part, créer une comédie propre à favoriser la sécrétion de dopamine et d'endorphine, d'autre part, évoquer ce monde rural qui souffre, mais qui, souvent, n'obtient l'attention des médias dominants qu'en cas de drame ou pour véhiculer une image de carte postale.
Les petites victoires en question ne sont ni d'ordre militaire (on est loin d'Austerlitz), ni d'ordre sportif, politique ou économique. Le village breton (des Côtes-d'Armor) n'héberge ni artiste célèbre, ni richissime startupper, ni recordman du monde... mais on y admire quand même Kylian Mbappé. Le scénario fait l'éloge des exploits du quotidien, comme réapprendre à lire, rouvrir un commerce local, oser exprimer ses sentiments... L'intrigue est peuplée de "gens normaux"... mais pas trop.
Émile est un retraité illettré (ancien carreleur), célibataire malgré lui... et caractériel. J'ai bien aimé la manière dont la réalisatrice fait émerger le problème dont il souffre, avec les implications que cela a. Petit à petit, on découvre les stratégies qu'il avait mises en place (pour passer le permis de conduire, livrer des journaux, faire les courses...). Cela sonne juste... et cela permettra peut-être à une partie du public de découvrir la situation d'une frange méconnue de la population française.
A cette intrigue principale se greffe un contexte particulier, celui d'une commune en déclin (peuplée de moins de 500 habitants), sans boulanger, ni médecin... ni bar ! Ne reste que l'école primaire, à classe unique, à son tour menacée de fermeture.
La lutte de ces Indiens des temps modernes en rappelle d'autres, mais elle est mise en scène avec un certain dynamisme et un sens indéniable de la cocasserie. Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées, comme celle de l'utilisation d'une application de rencontre... et celle au cours de laquelle la maire découvre ce qu'il se passe réellement dans la boulangerie-épicerie récemment rouverte. Cela prend une tournure âpre... avant qu'une chute inattendue ne détende l'atmosphère. (La réputation des forces de l'ordre ne sort pas grandie de cet épisode...)
J'ai aussi apprécié que ce nouveau feel good movie ne prenne pas trop l'allure d'un conte de fées. On a évité de faire de l'héroïne trentenaire célibattante une jeune femme en quête éperdue du grand amour qui va changer sa vie. S'ajoute à cela une conclusion plus subtile que prévue concernant le devenir de l'école.
Au final, même si le film est farci de "politiquement correct" (la classe métissée au fin fond de la Bretagne, l'exposé "thunbergien" sur le climat à l'école, la réconciliation générale autour de boissons alcoolisées...), j'ai passé un très bon moment.
21:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
jeudi, 06 avril 2023
Bonne conduite
Il est difficile de résumer ce qu'est cet improbable film de Jonathan (bien) Barré. Cela commence comme un thriller vengeur, empreint de bretonnitude. Il manque sans doute une case ou deux à la serial killeuse (on comprend plus tard pourquoi), de surcroît assez maladroite. C'est qu'on ne s'improvise pas tueuse en série du jour au lendemain ! Dans le rôle de cette moderne Némésis, Laure Calamy n'était peut-être pas le meilleur choix (une actrice plus athlétique aurait sans doute mieux convenu), mais elle ne manque pas d'allant. Elle s'est de plus pleinement investie dans un personnage tragicomique auquel elle évite de sombrer dans le ridicule.
Elle bénéficie aussi d'un entourage masculin très bien choisi. Le duo d'antagonistes qu'elle forme avec Tchéky Karyo m'a bien plu, tout comme l'intervention du binôme d'enquêteurs (les compères Marsais et Ludig), suffisamment professionnel pour s'approcher régulièrement de la conclusion de l'enquête... et suffisamment crétin pour à chaque fois passer à côté de l'évidence (voir la scène au cours de laquelle on découvre le nom d'un bateau).
L'intrigue surprend parce qu'à la soif de vengeance s'ajoutent un trafic de drogue, une croisade antiradars... et une peinture peu reluisante de la délinquance routière. Même s'il est évident qu'on est là d'abord pour rigoler (fût-ce de manière macabre), on sent à plusieurs reprises poindre la volonté de faire toucher du doigt ce que représentent chaque année tant de drames routiers. A cet égard, la plus belle scène se trouve à la fin, quand l'héroïne est sur le point d'accomplir sa vengeance suprême... mais une surprise est au-rendez-vous, qui donne une belle profondeur à l'histoire. (Joli caméo d'Olivier Marchal, soit dit en passant.)
D'un point de vue technique, outre la réutilisation des codes des films de genre, on peut noter aussi la volonté de mettre en scène les "moments inutiles" d'une intrigue de film à suspens, ces espaces intermédiaires au cours desquels les protagonistes accomplissent des gestes anodins, réputés ralentir l'action, voire casser son rythme. Ici, au contraire, le réalisateur se délecte de ces moments cocasses, parfois gênants, qui font de son film une œuvre inclassable, source de délassement.
22:58 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
Bonne conduite
Il est difficile de résumer ce qu'est cet improbable film de Jonathan (bien) Barré. Cela commence comme un thriller vengeur, empreint de bretonnitude. Il manque sans doute une case ou deux à la serial killeuse (on comprend plus tard pourquoi), de surcroît assez maladroite. C'est qu'on ne s'improvise pas tueuse en série du jour au lendemain ! Dans le rôle de cette moderne Némésis, Laure Calamy n'était peut-être pas le meilleur choix (une actrice plus athlétique aurait sans doute mieux convenu), mais elle ne manque pas d'allant. Elle s'est de plus pleinement investie dans un personnage tragicomique auquel elle évite de sombrer dans le ridicule.
Elle bénéficie aussi d'un entourage masculin très bien choisi. Le duo d'antagonistes qu'elle forme avec Tchéky Karyo m'a bien plu, tout comme l'intervention du binôme d'enquêteurs (les compères Marsais et Ludig), suffisamment professionnel pour s'approcher régulièrement de la conclusion de l'enquête... et suffisamment crétin pour à chaque fois passer à côté de l'évidence (voir la scène au cours de laquelle on découvre le nom d'un bateau).
L'intrigue surprend parce qu'à la soif de vengeance s'ajoutent un trafic de drogue, une croisade antiradars... et une peinture peu reluisante de la délinquance routière. Même s'il est évident qu'on est là d'abord pour rigoler (fût-ce de manière macabre), on sent à plusieurs reprises poindre la volonté de faire toucher du doigt ce que représentent chaque année tant de drames routiers. A cet égard, la plus belle scène se trouve à la fin, quand l'héroïne est sur le point d'accomplir sa vengeance suprême... mais une surprise est au-rendez-vous, qui donne une belle profondeur à l'histoire. (Joli caméo d'Olivier Marchal, soit dit en passant.)
D'un point de vue technique, outre la réutilisation des codes des films de genre, on peut noter aussi la volonté de mettre en scène les "moments inutiles" d'une intrigue de film à suspens, ces espaces intermédiaires au cours desquels les protagonistes accomplissent des gestes anodins, réputés ralentir l'action, voire casser son rythme. Ici, au contraire, le réalisateur se délecte de ces moments cocasses, parfois gênants, qui font de son film une œuvre inclassable, source de délassement.
22:58 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
samedi, 01 avril 2023
The Lost King
Ce « roi perdu » est Richard III, le dernier souverain Plantagenêt (d'origine française) de l'Angleterre. Outre-Manche, dans la mémoire collective, il est resté comme un imposteur et le personnage principal d'une pièce de théâtre de William Shakespeare, durant laquelle il s'exclame « Mon royaume pour un cheval ! »
C'est d'ailleurs à l'issue d'une représentation de cette pièce que l'héroïne, Philippa Langley, décide d'approfondir le sujet, agacée par la légende noire qui colle au personnage, avec lequel elle semble se trouver des points communs.
Le problème (au regard des autres) est qu'elle n'a rien d'une historienne. C'est juste une passionnée, qu'une forme de désamour vis-à-vis de son métier conduit à se lancer dans une improbable entreprise : la localisation de la tombe de Richard III, réputée perdue. Ses recherches la font évoluer entre Édimbourg (en Écosse) et Leicester.
Dans le rôle principal, Sally Hawkins (déjà excellente dans La Forme de l'eau) est épatante. Elle réussit à incarner cette femme entre deux âges, ni laide ni vraiment belle, plutôt effacée et souffrant du syndrome de fatigue chronique... ce qui ne va pas arranger ses affaires.
Avec John (Steve Cogan, coscénariste du film, d'un flegme irrésistible), elle forme un couple/duo au fonctionnement atypique, l'ex-mari jouant parfois davantage le rôle d'un grand frère.
Cela nous vaut quelques échanges savoureux, l'un d'entre eux survenant après que Philippa a appris qu'en dépit de son engagement au travail, elle ne bénéficierait pas d'une promotion :
- De quoi as-tu besoin ?
- D'un pénis !
- Tu peux prendre le mien, il ne m'est guère utile ces temps-ci.
(C'est évidemment à déguster en version originale sous-titrée, pour profiter du talent de Cogan à exprimer l'équanimité de John, que rien ne semble déconcerter et qui, sur un ton égal, peut parler du repas du soir comme de son prochain rendez-vous galant.)
La situation se gâte lorsque Philippa commence à avoir des visions, celles de Richard III, en costume médiéval, avec lequel elle finit par engager la conversation ! C'est totalement improbable, mais Stephen Frears (ici celui de Philomena plus que du Confident royal) réussit à caser cela dans son intrigue, qui évolue entre deux dimensions, celle d'un réalisme extrême (jusque dans les recherches archéologiques) et celle d'un (doux) délire éveillé, grâce auquel l'héroïne retrouve goût à la vie.
Dans sa croisade historique, elle rencontre une galerie de personnages hauts en couleur, notamment les membres de la Richard III Society, avec lesquels les échanges ne manquent pas de saveur. Au détour d'une scène, on croise quelques figures connues, comme celle d'Amanda Abbington (vue récemment dans Safe et remarquée il y a quelques années en tant que Mary Watson, dans la série Sherlock).
J'ai adoré ce film, à la fois enquête archéologique, histoire de couple à rebondissements et hommage aux personnes ordinaires, passionnées par un sujet, qui, parfois, font plus pour la connaissance historique (et sa diffusion dans le grand public) qu'un universitaire pontifiant.
P.S.
Aussi étonnant cela puisse-t-il paraître, il s'agit d'une histoire vraie, dont les développements archéologiques ont fait l'objet d'un passionnant documentaire, diffusé il y a quelques années sur France 5.
A l'époque, les médias avaient peu (voire pas) évoqué le rôle joué par Philippa dans la découverte du squelette. Le film a pour objectif de lui rendre hommage... sans épargner les autorités académiques (en particulier l'université de Leicester), qui ont traité la découvreuse comme quantité négligeable. Outre-Manche, cela a d'ailleurs suscité une petite polémique lors de la sortie du film, certains estimant que la contribution de la « chercheuse intuitive » était excessivement grandie par la fiction.
11:22 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire