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samedi, 30 novembre 2019

Adults in the room

   Le titre reprend une formule utilisée par le personnage de Christine Lagarde. Dans l'histoire, celle qui est à l'époque directrice du FMI (aujourd'hui présidente de la BCE) fait office de Madame Loyale, autorité bienveillante qui tente de concilier les contraires... tout en restant du côté du manche. La formule fait allusion au manque présumé de maturité des hommes qui s'affrontent au cours des réunions ayant pour but de résoudre la crise grecque (en réalité les conséquences de la crise financière de 2007-2008 sur l'Union européenne).

   Costa-Gavras nous livre une oeuvre engagée, sous forme de théâtre politique. La musique, omniprésente, souligne les moments dramatiques, cocasses... et a peut-être aussi pour mission de pallier le manque d'action à l'écran. Bien que le film soit long (il dure plus de deux heures), je trouve que le résultat est globalement réussi, sur la forme.

   C'est dû à la qualité de l'interprétation, en particulier celle de Christos Loulis, incroyable de charisme en Yanis Varoufakis (le ministre des Finances grec). Le réalisateur fait la part belle à ce personnage, ce qui d'ailleurs fait perdre à son histoire une partie de sa crédibilité. Face à lui, il faut souligner la performance d'Ulrich Tukur en Wolfgang Schäuble, l'omnipotent ministre allemand, ancien rival d'Angela Merkel qui, bien que cloué sur un fauteuil roulant, terrorise la moitié de l'Eurogroupe. Si l'acteur est excellent dans le rôle, je trouve que la représentation du ministre allemand est plutôt caricaturale. On peut faire la même remarque à propos du président (de l'époque) de la BCE, Mario Draghi, un ex de Goldman Sachs qui, à l'usage, s'est révélé beaucoup plus subtil qu'on ne l'avait craint (et qui a sans doute grandement contribué à sauver l'euro... mais c'est peut-être justement là que le bât blesse pour certains abrutis de base).

   C'est pire encore concernant d'autres personnages majeurs : le Premier ministre grec lui-même, Alexis Tsipras, est dépeint en type mou et influençable. Costa-Gavras est trop dépendant de sa principale source (le bouquin de Varoufakis, qui a rompu avec son ancien partenaire de Syriza). Concernant les représentants français, les spectateurs hexagonaux qui ne sont pas nostalgiques de la présidence Hollande apprécieront de voir Michel Sapin (le ministre des Finances) caricaturé en hypocrite veule et Pierre Moscovici présenté en notable suiviste (avec une bonne composition d'Aurélien Recoing). Des flèches encore plus acérées sont destinées au président de l'Eurogroupe de l'époque, le ministre néerlandais des Finances (travailliste) Jeroen Dijsselbloem, présenté comme un type suffisant... et un véritable laquais de l'Allemagne. C'est là que l'on mesure (quand on connaît un peu le contexte) la partialité du film (et aussi du livre, je présume). Rien ne nous est dit des difficultés avec lesquelles se débat le gouvernement néerlandais, à l'époque, difficultés qui peuvent (en partie) expliquer l'attitude du ministre dans les réunions européennes.

   De manière générale, je trouve que le film porte d'énormes oeillères, se contentant de véhiculer le point de vue de Varoufakis, en passant très vite sur les errements des précédents gouvernements grecs (dont les élus de Syriza, qu'ils le veuillent ou non, doivent gérer l'héritage). Je trouve que les enjeux européens ne sont pas suffisamment expliqués. Ils auraient permis de comprendre l'attitude de certains des acteurs majeurs de ces négociations... mais cela aurait peut-être quelque peu diminué l'éclat de l'auréole varoufakienne.

   Au final, on se retrouve avec un film à la dramaturgie élaborée, mais très orienté.

   P.S.

   La séquence conclusive, qui comprend un ballet métaphorique, est complètement ratée.

vendredi, 29 novembre 2019

Joyeuse retraite !

   On ne va pas se mentir. C'est de la comédie française hyper-balisée, avec des clichés, des facilités, de la "gauloiserie"... et une fin prévisible, consensuelle. Néanmoins, le film n'est pas inintéressant, pour plusieurs raisons.

   La première tient à une actrice, qui vole la vedette aux deux têtes d'affiche (Thierry Lhermitte et Michèle Laroque, qui cachetonnent comme c'est pas permis). Je veux parler de Nicole Ferroni, plus connue comme chroniqueuse sur France Inter. Ici, elle incarne la fille des héros, une directrice d'EHPAD en pleine crise de couple, une battante qui tente de tout gérer au mieux.

   Au départ, on la découvre dans le personnage de Cécile, plutôt à contre-emploi. Plus loin, le scénario lui réserve un véritable moment de bravoure, dans une scène savoureuse avec la directrice d'école. Elle est un peu moins convaincante en épouse séparée qui se cherche, mais sa présence contribue grandement à l'intérêt du film.

   J'ai aussi apprécié quelques-unes des scènes centrées sur les grands-parents, notamment la période couvrant l'accueil de leur gendre (jusqu'à ce qu'ils croient en être débarrassés) et, surtout, la visite de la maison par une famille de potentiels acheteurs. Même si certaines scènes sont quelconques, même si les dialogues sont souvent poussifs, j'ai éclaté de rire à plusieurs reprises tant certains moments sont cocasses.

   C'est parfois joliment tendre, quand il est question de l'arrière-grand-mère, censée être mourante (Judith Magre, d'une revigorante énergie), ou quand les enfants sont à l'écran. Il y a même un soupçon de subtilité à propos du "départ" des personnes âgées, certains des protagonistes comprenant systématiquement ce terme au sens figuré (celui du décès), alors que deux des personnages ne pensent qu'à une chose : filer au Portugal !

   Voilà. Cela ne mange pas de pain. Au niveau de la réalisation, c'est très scolaire, avec une tendance à étirer inutilement certaines scènes. Mais on sort de là détendu.

dimanche, 24 novembre 2019

Tropiques criminels

   Quelques semaines après la poussive OPJ Pacifique Sud, France Télévisions lance une nouvelle série ayant pour cadre l'outremer (plus précisément la Martinique) et cette fois-ci destinée au prime time, la case phare de la programmation. Autant le dire tout de suite, ce sont d'abord les clichés qui sautent aux yeux : le commissaire est une caricature de fonctionnaire "domien" (pas méchant bougre, mais assez lâche), la commandante est un mannequin, la capitaine une pochtronne gouailleuse et le lieutenant un beau gosse empathique.

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   Le premier épisode (L'Anse d'Arlet) montre l'arrivée en Martinique de la (rigide) commandante métropolitaine d'origine antillaise et ses premières confrontations avec sa subordonnée un brin bordélique. En dépit des clichés, j'ai aimé, parce que chacune des actrices (Sonia Rolland et Béatrice de la Boulaye) s'est parfaitement coulée dans son rôle. Les dialogues sont plutôt bien écrits et certaines situations assez cocasses.

   Cette première enquête met les policières au contact d'adolescentes qui font des bêtises, certaines petites, d'autres énormes. L'insertion de thèmes sociétaux dans les intrigues n'est pas trop maladroite. Le deuxième épisode (La Cherry) aborde la question du harcèlement sexuel (et de la jalousie). Le duo (qui devient un quatuor avec les partenaires masculins) fonctionne de mieux en mieux. On voit aussi un autre thème prendre de l'importance, celui de la famille martiniquaise de la commandante.

   Comme c'est bien filmé et que la musique est entraînante, j'ai trouvé l'ensemble distrayant, sans plus (mais meilleur que les aventures de l'équipe néo-calédonienne).

samedi, 23 novembre 2019

Les spectateurs du RAF

   Alors que l'homologation du stade Paul-Lignon serait imminente (ce qui permettrait au RAF d'enfin pouvoir jouer ses matchs "à domicile" en Aveyron), il est temps d'établir un bilan de la fréquentation du Stadium toulousain les soirs où le club ruthénois a accueilli ses adversaires :

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   D'après le site officiel de la Ligue de football professionnel français, le RAF se classe avant-dernier club accueillant, avec une moyenne de 2 323 spectateurs par match. Il ne devance que le Paris FC (2 050), se retrouvant précédé par un autre promu, Chambly (2 874), loin, très loin du Mans (7 915 spectateurs en moyenne). Lens caracole en tête, avec 26 912 spectateurs ! (Même en Ligue 1, seules quatre enceintes sont régulièrement mieux remplies que le stade Bollaert : celles de l'OM, de l'OL, du PSG et du LOSC.)

   Mais revenons au RAF. Il a démarré avec 2 756 spectateurs, lors de la première journée, contre Auxerre. Ce nombre n'a cessé de diminuer, pour tomber à 1 616, lors de la septième journée, contre Le Mans. Le modeste regain de la neuvième journée (1 840 spectateurs contre Sochaux) n'a pas empêché la dégringolade : seulement 1 096 spectateurs ont assisté au match contre Chambly, lors de la douzième journée.

   Quant à l'explosion de l'affluence, lors de la quatorzième journée, elle s'explique par la venue du RC Lens, le désormais leader, qui, comme on l'a vu plus haut, déplace les foules, et, selon les spécialistes, produit l'un des plus beaux jeux de la Ligue.

   En théorie, c'est lors de la prochaine journée, contre Le Havre, que le stade Paul-Lignon rénové devrait être étrenné. On peut penser que l'affluence sera plus copieuse. C'est un soutien dont le club, actuellement privé de son meilleur buteur (Ugo Bonnet), pourrait avoir fortement besoin.

Le Code du tueur

   Je ne connaissais pas cette mini-série britannique, créée en 2015, dont France 3 vient de rediffuser les trois épisodes, visibles pendant encore quelques jours en replay. D'une façon légèrement romancée, elle raconte l'émergence de la police scientifique moderne, à travers l'utilisation de la preuve ADN.

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   Le premier épisode met en parallèle le début d'une enquête sur le viol et le meurtre d'une adolescente (aux environs de Leicester, en 1983) et les recherches d'Alec Jeffreys. Dans son petit laboratoire, cet universitaire tente de séquencer l'ADN, au départ plutôt dans le but de retracer les filiations. La mise en scène montre bien à quel point ce travail pionnier fut ardu. Dans le même temps, à quelques kilomètres de là, le commissaire David Baker (un flic besogneux et compatissant, à l'ancienne) piétine dans son enquête, en dépit des moyens déployés. Dans le rôle, David Threlfall est excellent.

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   L'épisode s'achève alors que le scientifique est sollicité dans une affaire d'immigration. Les spectateurs comprennent aussi qu'on a affaire à un tueur en série, dont on ne nous montre quasiment rien, principalement l'ornement intérieur de sa voiture :

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   Le deuxième épisode est celui où l'action progresse le plus. D'un côté, la police pense avoir mis la main sur un suspect crédible, mais pour un seul des deux meurtres. C'est le moment où le commissaire et le scientifique entrent en contact. L'analyse ADN semble capable d'innocenter un accusé comme de dénicher le vrai coupable dans une foule de suspects. Le suspens est bien entretenu à propos de l'identité du tueur.

   Le troisième épisode est celui du dénouement. Au départ, les policiers pensent que le test ADN pratiqué à grande échelle va leur donner la clé de l'énigme... mais l'on nous ménage quelques rebondissements. Celles et ceux qui sont familiers des enquêtes criminelles ne seront pas surpris de découvrir le stratagème utilisé par le coupable pour tenter d'échapper à la police. J'ai aussi apprécié que l'on ne s'attarde pas sur la personnalité du violeur. Le film s'attache surtout aux familles des victimes et au quotidien des héros. Ajoutons que les seconds rôles sont campés avec beaucoup de réalisme et que l'ambiance des années 1980 est parfaitement restituée.

   L'ensemble est une belle réussite.

lundi, 18 novembre 2019

Koko-di koko-da

   Ne rigolez pas, c'est bien le titre d'un film suédois sorti cette semaine sur nos écrans... et disponible en version originale sous-titrée au CGR de Rodez ! Saperlipopette ! C'est ce qu'on pourrait appeler un objet cinématographique non identifié. Le titre fait référence à une comptine, dont la récurrence coïncide avec les drames qui scandent l'histoire. Les "vieux" cinéphiles penseront au Singing in the rain d'Orange Mecanique. Le film est aussi nourri d'allusions à l'univers lynchien, à Un Jour sans fin... et au Projet Blair Witch.

   Le début montre un moment de bonheur, un anniversaire fêté en famille... qui se termine mal. Ce n'est pas très bien joué, mais c'est indispensable pour comprendre la suite. On retrouve deux des personnages trois ans plus tard, dans une voiture, en partance pour du camping sauvage. On voit vite que le couple est en capilotade. Mais le pire est à venir.

   A plusieurs reprises, les campeurs vont vivre quasiment la même scène. Seul le début ou la fin varie. Parfois l'action démarre un peu en amont. Parfois, elle se poursuit plus en aval. Le principal protagoniste change aussi : tantôt l'époux, tantôt l'épouse (vraiment pas gâtée par le scénario). Là-dessus intervient un trio infernal, constitué d'un vieillard faussement distingué, d'une jeune gothique complètement barrée et d'un grand balèze attardé mental. Quand je vous aurais dit que ce sont les personnages de la fameuse comptine, vous aurez une idée du merdier dans lequel les spectateurs se trouvent plongés... et ne croyez pas que la conclusion de l'histoire apporte des éclaircissements ! (Il faut plutôt chercher du côté des scènes de théâtre d'ombres.) Je vais donc me lancer. Attention, divulgâchage(s) !

PREMIÈRE TENTATIVE D'EXPLICATION : LA PSYCHOLOGISANTE

   C'est celle vers laquelle semble tendre l'intrigue : les deux époux ne se sont pas remis de la perte de leur fille. Incapables de communiquer, ils sont tenaillés par la culpabilité, qui se traduit par des cauchemars, les premiers étant ceux de l'homme, les suivants ceux de la femme.

DEUXIÈME TENTATIVE D'EXPLICATION : LA DIABOLIQUE

   Le couple est mort (ou pas) et se retrouve dans l'un des cercles de l'Enfer, matérialisé par la clairière où la tente est dressée. Les tortures physiques symbolisent les tortures morales qui les taraudent. Le trio qui vient systématiquement (tenter de) les dézinguer est un groupe de démons.

TROISIÈME TENTATIVE D'EXPLICATION : L'HORREUR FANTASTIQUE

   Les campeurs sont tombés dans un bois hanté par un trio de tueurs en série maléfiques. Tant qu'ils ne trouvent pas la solution à leurs problèmes, ils subissent le sort prévu.

QUATRIÈME TENTATIVE D'EXPLICATION : LA RATIONNELLE HORRIFIQUE

   Le trio cherche à se venger des occupants de la voiture, parce que, sans même s'en rendre compte, ils ont renversé l'un de leurs animaux de compagnie (celui que le grand costaud tient dans ses bras dans chaque épisode). En y repensant, il me semble qu'au début du trajet en voiture menant le duo dans la forêt, on perçoit comme un petit choc, auquel personne ne prête attention, mais qui qui nous est peut-être présenté de manière plus explicite à la fin.

FAITES VOTRE CHOIX !

22:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 17 novembre 2019

Midway

   Trois ans après Independence Day - Résurgence, Roland Emmerich est de retour avec un nouveau blockbuster, consacré aux débuts de la guerre du Pacifique, entre le Japon et les États-Unis.

   Les origines du conflit entre ces deux pays sont à peine effleurées. Si l'on souligne la dépendance de l'Empire du soleil levant aux matières premières américaines, si l'on évoque la montée en puissance de l'armée japonaise (sans expliquer l'étendue de l'impérialisme nippon, plus ancien que ce qui est dit et qui s'étendait bien au-delà de la Chine), on a quand même du mal à comprendre pourquoi une attaque aussi secrète que brutale a été déclenchée sur Pearl Harbor.

   Ne boudons pas notre plaisir. La séquence consacrée à cet événement traumatique (pour les Américains) est très spectaculaire. Elle permet de surcroît de mettre en scène certains des principaux personnages (qui ont bel et bien existé) et qui ont par la suite joué un rôle important dans la bataille de Midway.

   Cependant, si les moments d'action sont parfaitement maîtrisés (en particulier les plans aériens), les scènes de dialogues sont médiocres, pour ne pas dire mauvaises. Certains acteurs, comme Woody Harrelson et Dennis Quaid, s'en sortent mieux que d'autres, confinés dans un rôle caricatural. (Et voir Ed Skrein mâcher des chewing-gums pendant plus de la moitié du film m'a particulièrement insupporté.) Ne parlons pas des personnages féminins, réduits à de jolies potiches, se lamentant pour leur chéri parti au combat. (Cet aspect des intrigues n'a jamais été le fort d'Emmerich.)

   Au niveau de la représentation des Asiatiques, on a fait preuve d'un peu de subtilité. Une main est tendue aux alliés chinois (à l'époque). Mais, surtout, l'ennemi japonais est décrit comme puissant et divers dans ses opinions et comportements. (Clint Eastwood est -fort heureusement- passé par là...) Toutefois, dans l'esprit des auteurs, si les Japonais sont aussi redoutables, c'est parce qu'ils ont beaucoup appris... des Américains ! (On oublie de préciser que, depuis l'ère Meiji, les Japonais se sont inspirés des Occidentaux en général, des Allemands en particulier.)

   J'ai aussi aimé que l'on ne présente pas les opérations de l'armée américaine comme des promenades de santé menées par des héros infaillibles. Leurs offensives peuvent foirer et les bombes ne touchent pas systématiquement leur cible. Cela renforce le suspens et donne du crédit à l'intrigue.

   Le déroulement proprement dit de la bataille de Midway est un véritable feu d'artifice. Les amateurs de film de guerre risquent l'éjaculation précoce. Les autres spectateurs se contenteront de profiter d'un bon spectacle, mais souvent caricatural dans le traitement des personnages.

samedi, 16 novembre 2019

Le Mans 66

   James Mangold (réalisateur, il y a deux ans, de l'étonnant Logan) s'est lancé dans l'audacieuse entreprise de reconstitution des 24 heures du Mans de 1966, théâtre de la rivalité entre Ford et Ferrari. La course (spectaculaire) et ses à-côtés occupent les trois derniers quarts d'heure du film.

   Auparavant, on aura fait connaissance avec les deux héros, Carroll Shelby, l'ancienne gloire des circuits reconvertie en vendeur de voitures (Matt Damon, très bien, comme d'hab') et Ken Miles, mécanicien de talent, pilote inspiré... et vraie tête de lard (Christian Bale, oscarisable).

   Le début nous plonge dans une édition antérieure des "24 heures", celle remportée par Shelby, en 1959. Comme dans le reste du film, Mangold a voulu mettre en scène la reconstitution la plus réaliste possible, s'appuyant davantage sur les cascades que sur les effets numériques. Sur un très grand écran, le résultat "en jette". Les spectateurs avisés remarqueront la qualité du montage.

   Fort heureusement, il n'est pas nécessaire d'être expert en mécanique automobile pour suivre les développements de l'intrigue. On n'impose pas aux spectateurs néophytes trop de débats d'experts, même si je pense que, dans certaines scènes, la connaissance d'un minimum de vocabulaire technique n'est pas inutile.

   Sur le fond, le scénario raconte une victoire à l'américaine, avec sa part d'ombre. Le succès est lié à l'association du Big Business (le PDG de Ford et ses cadres horripilants) et des p'tits gars d'en-bas, entrepreneurs modestes qui n'ont pas fait d'études supérieures... mais qui ont les compétences et les tripes pour mener à bien un fabuleux projet : mettre au point une voiture de course capable de battre les bolides de Ferrari.

   Au niveau des personnages, j'ai une nette préférence pour Ken Miles, dont Bale nous livre une interprétation vraiment exceptionnelle. Vivant aux Etats-Unis, le pilote-mécano d'origine britannique était resté accro au thé... et il méprisait les voitures Ford ! Toutes les scènes qui font intervenir Christian Bale sont réussies. Je ne pense pas qu'aux séquences de course. Une fois n'est pas coutume, dans ce genre de film, la représentation de la vie familiale fait montre d'un peu de subtilité. L'épouse de Miles n'est pas une potiche. Elle aussi s'y connaît en mécanique et, quand elle veut tirer les vers du nez de son mutique époux, elle sait faire un usage peu conventionnel du break familial ! J'ai aussi aimé les moments père-fils, assez touchants. J'ai encore en mémoire une très belle scène de nuit, sur une piste d'entraînement.

   En comparaison, Damon (qui fait globalement bien le job) m'a parfois énervé avec son chapeau de cowboy (Shelby était texan), ses lunettes teintées et sa manie de mâcher du chewing-gum. Néanmoins, les interactions avec Bale/Miles fonctionnent bien, avec, en particulier, une bagarre de potes qui s'achève sur une pelouse, au milieu des restes de courses et du contenu d'une poubelle...

   Les seconds rôles sont tous réussis, qu'ils soient américains ou italiens. On peut signaler Tracy Letts en Henry Ford II et Josh Lucas, qui incarne l'enfoiré de vice-président de la firme automobile.

   En 2h30, on passe par un peu tous les états, entre l'ombre et la gloire, la joie et la tristesse, l'amour et la haine, la force et la faiblesse. Je ne peux pas en dire trop mais c'est quand même un bel hommage qui, sur la fin, m'a ému.

14:57 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 13 novembre 2019

J'accuse

   Epaulé par l'écrivain Robert Harris, Roman Polanski nous livre donc sa vision de l'affaire Dreyfus, dans un film centré non pas sur la principale victime de l'injustice, mais sur l'officier Georges Picquart, qui, bien que convaincu au départ de la culpabilité du capitaine juif, a mené, au péril de sa carrière, une contre-enquête qui a contribué à faire éclater la vérité.

   Sur un tel sujet, le risque était de se retrouver face à un film lénifiant, "qualité France", au cours duquel une pléiade d'acteurs connus viendrait faire son petit numéro devant la caméra, avant de s'en aller. Polanski (qui s'est offert un caméo dans une scène de concert de musique de chambre) a tiré profit de l'angle d'attaque original du roman d'Harris, qui nous fait suivre l'histoire dans les pas de Picquart.

   L'action démarre dans la cour de l'Ecole militaire, au moment de la cérémonie de dégradation de Dreyfus. Le réalisateur y fait preuve de sa maîtrise habituelle des espaces et du champ/contrechamp. C'est surtout l'occasion de camper le personnage de Picquart (Jean Dujardin, comme on l'a très rarement vu), qui avait de solides préjugés antisémites. (C'est d'ailleurs la principale limite que l'on pourrait trouver à l'histoire, qui semble montrer que ces préjugés ont progressivement disparu, ce qui n'était peut-être pas le cas chez le véritable Picquart.)

   La suite nous met en contact avec un univers d'hommes, celui de l'armée et de son service de renseignement, peuplé à la fois d'individus pétris de rectitude et de quasi-racailles. Considéré comme fiable, l'antisémite (modéré) Picquart se retrouve à la tête d'une unité de contre-espionnage, où il envisage très vite de mettre un peu d'ordre. Il ne s'y fait pas que des amis. Par dessus le marché, certaines de ses certitudes vont vaciller.

   C'est la grande réussite à la fois du scénario et du montage que de faire découvrir progressivement au public les dessous de la machination dont est victime Dreyfus, par le biais notamment de retours en arrière, véritables plongées dans la mémoire de Picquart. Le film devient un véritable polar. Picquart enquête, en s'appuyant sur des policiers parisiens. La surveillance qu'il met en place pour piéger le véritable coupable (Esterhazy) est très bien mise en scène. (Les spectateurs technophiles du XXIe siècle souriront peut-être devant la rusticité des moyens dont disposaient les espions de l'époque.)

   Quasiment tous les acteurs (dont une floppée provenant de la Comédie française) sont formidables. La musique d'Alexandre Desplat colle parfaitement à l'intrigue. Il reste la question du pourquoi. Pourquoi retourner un film sur cette célèbre affaire ? D'abord, parce qu'il n'est pas inutile de raviver quelque peu la mémoire des Français. Du côté de Polanski, on sent qu'a joué la crainte provoquée par le retour d'un certain antisémitisme. On en perçoit l'écho dans une scène de rue, un autodafé qui prend le tour d'une petite "nuit de cristal". Les spectateurs instruits de l'histoire de la IIIe République ne s'étonneront pas de l'apparition de ce "moment antisémite". Les autres feront le lien plutôt avec la période nazie. (Contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre ici et là, Polanski n'a absolument pas orienté le film dans le sens d'un plaidoyer pro domo. Ce genre de considérations est ici totalement hors-sujet.)

lundi, 11 novembre 2019

OPJ Pacifique Sud

   C'est le titre de la nouvelle série quotidienne de France Télévisions, dont la diffusion est programmée à partir de ce lundi 11 novembre sur France Ô... une chaîne dont la disparition est prévue dès 2020. Je pense qu'à terme, on envisage de faire basculer cette série sur une autre chaîne, par exemple France 3. En effet, cet été, France Télévisions a signé un "pacte pour la visibilité des Outre-mer", dans lequel il est prévu (entre autres) la diffusion, sur une "grande" chaîne, d'un feuilleton mettant en valeur le monde ultramarin.

   Celui-ci a pour cadre la Nouvelle-Calédonie, mais l'équipe (paritaire) de héros est multiculturelle :

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   La commandante (n°1 ci-dessus) est d'origine réunionnaise, Jackson (n°2) le nouveau lieutenant est un Antillais de Paris, Kelly (n°3) est une authentique Kanak, tandis que Gaspard le capitaine (n°4) est sans doute un Caldoche, qui a dû passer un peu de temps en métropole. Le but est visiblement de fédérer le public le plus large possible, quitte à sous-représenter les Blancs.

   Le premier épisode, d'une durée de 27 minutes, met en place le schéma narratif et présente les principaux personnages. Si les paysages calédoniens sont magnifiques et la musique plutôt bonne (une rareté à signaler au niveau des séries françaises), on n'évite pas les clichés : la commandante est une mère célibataire (ceci dit veuve et pas divorcée) confrontée à une ado tête-à-claques, le capitaine est un quasi-baba-cool en tongs et le nouveau lieutenant est à la fois tourmenté et psycho-rigide. (Il est évident que sa mutation sur le Caillou cache un douloureux secret.)

   On peut ajouter à cela quelques invraisemblances. Je passe rapidement sur la principale : il me semble qu'en Nouvelle-Calédonie, c'est la gendarmerie qui est chargée des enquêtes criminelles. Mais, compte tenu des événements du passé, il a sans doute paru judicieux aux scénaristes de choisir un autre contexte pour ses héros. Les vrais problèmes viennent du déroulement de plusieurs scènes. Que le nouveau, Jackson, soit taciturne et cassant est vraisemblable, mais certaines de ses répliques (et ses refus de répondre) ne passeraient pas aussi facilement dans la réalité. Il en est de même de l'altercation qui oppose la fille de la commandante à une autre lycéenne. Il n'y a visiblement aucune suite au niveau de l'établissement scolaire et la mère lâche l'affaire trop vite.

   Bref, ce n'est pas super-bien joué, mais cette histoire de meurtre dans l'usine de nickel recèle sa part de mystère. Pour l'instant, on n'est clairement pas au niveau de Meurtres au paradis.

samedi, 09 novembre 2019

Retour à Zombieland

   Je n'ai pas vu le film d'origine (Bienvenue à Zombieland), mais, compte tenu de ce qui est montré dans sa bande-annonce, je pense pouvoir affirmer que cette suite recycle les mêmes recettes. Alors pourquoi "refaire le match", dix ans plus tard ? Pour la thune, bien entendu (le premier volet a été hyper rentable), un objectif d'autant plus accessible que deux des acteurs principaux (Emma Stone et Jesse Eisenberg) sont, depuis dix ans, devenus des vedettes d'Hollywood.

   Le début est encourageant, avec, dès le générique, la mise en action de l'emblème de la Columbia... (Je ne vous dirai pas comment !) Cela se poursuit avec une bien belle baston, avec effets numériques et tout et tout. (Le réal, Ruben Fleischer, était déjà aux manettes sur Venom.) Nos héros semblent particulièrement doués pour dézinguer d'horribles zombies, principalement avec des armes à feu. Ceux-ci ont l'obligeance de venir mourir à leurs pieds, parfois en croquant, au passage, un personnage secondaire.

   Le problème est, qu'après cette intro tonitruante, ça bande mou. On se mange des tunnels de dialogue sans intérêt. Visiblement, les scénaristes ont été chargés de creuser l'aspect "famille dysfonctionnelle" en construction... mais cela ne prend pas. Entre le père de substitution (Woody Harrelson, qui s'en sort plutôt bien) fan d'Elvis, le vrai/faux couple formé par Stone et Eisenberg et l'ado qui fait sa crise, on aligne les clichés. (De surcroît, j'ai trouvé Eisenberg étonnamment mauvais.)  Le pire est atteint quand débarque une blondasse idiote qui, bien entendu, va se révéler un (tout petit) peu moins conne qu'au départ, et qui a un grand cœur. Rendons quand même hommage à Zoey Deutch, qui fait ce qu'elle peut pour incarner ce personnage éculé.

   J'ai repris espoir quand est apparue Nevada, interprétée par Rosario Dawson, qui redonne du tonus à l'intrigue. On la retrouve d'ailleurs avec plaisir dans la séquence finale, très réussie. Le film s'achève donc sur une bonne note. Mais, franchement, une grosse moitié est à jeter.

15:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 02 novembre 2019

Le Roman des Goscinny

   La récente sortie de La Fille de Vercingétorix (par le duo Conrad-Ferri) est une invitation à se replonger dans les aventures plus anciennes d'Astérix et Obélix, en particulier celles scénarisées par René Goscinny (1926-1977), auquel un roman graphique a été consacré. Il est paru cet été. Je viens d'en achever la lecture.

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   La couverture annonce parfaitement le contenu du livre. On y voit, de profil, René Goscinny et sa fille Anne, qui ne s'est jamais remise complètement de la mort précoce de son père, qu'elle a de surcroît assez peu connu : elle avait neuf ans quand il est décédé.

   Elle en a d'ailleurs beaucoup voulu au cardiologue qui avait fait pratiquer un test d'effort sur son père, au coeur fragile. Cela permet de comprendre les rares séquences dessinées sur fond rose, qui montrent une Anne Goscinny plus jeune, avide de vengeance.

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   Mais la majorité de cette bande dessinée nous est présentée soit sur fond jaune, soit sur fond bleu. Les chapitres dessinés sur fond jaune montrent l'oeuvre en construction, notamment les discussions entre Anne Goscinny et l'auteure Catel, à laquelle on doit, entre autres, une biographie en images d'Olympe de Gouges. L'artiste est face à un dilemme : soit elle continue à privilégier les projets concernant les femmes, soit elle se lance dans ce travail sur René Goscinny qui, quoiqu'homme, a bercé sa jeunesse et inspiré son travail. Elle a fini par dire oui à la fille du scénariste et a eu accès aux archives familiales.

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   Cela lui a permis de construire les séquences sur fond bleu, dans lesquelles on voit René Goscinny s'exprimer à la première personne et raconter l'histoire de sa vie.

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   Ceux qui l'ignoreraient apprendront que la famille de Goscinny est composée majoritairement de juifs ayant fui l'Europe de l'Est antisémite. Les parents de René n'ont d'ailleurs échappé au génocide que parce que, dans l'Entre-deux-guerres, ils sont partis s'installer en Argentine, un pays alors riche en opportunités, en particulier pour un ingénieur comme Stanislas (le père).

   Très tôt, le jeune René se révèle un boute-en-train, plutôt bon élève. Mais il est assez vite atteint par le virus du cinéma (notamment Laurel et Hardy) puis de la bande-dessinée. Il se fait la main en reproduisant des planches déjà publiées ou en caricaturant des personnages célèbres.

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   Ce n'est pas l'un des moindres intérêts de ce livre que d'y trouver des reproductions de documents authentiques, la plupart de la main de Goscinny. Ce n'était pas un dessinateur maladroit, l'un de là.

   Après le décès de son père, c'est aux Etats-Unis que René tente de percer dans son hobby. Fort heureusement pour nous, il n'a pas réussi. Mais il a côtoyé les fondateurs de Mad. A la fois dessinateur et scénariste à ses débuts (et même souvent homme à tout faire), René va petit à petit se spécialiser dans l'écriture de scenarii, où son imagination fertile et son humour ravageur vont faire merveille.

   Le succès n'est venu qu'en Europe, une fois qu'il s'est associé à plusieurs dessinateurs très talentueux, comme Sempé, Morris et Uderzo. Le livre ne nous raconte que les tout débuts, à savoir la rencontre entre Goscinny et tel ou tel acteur de l'histoire de la bande-dessinée francophone (souvent belge, rappelons-le), ainsi que les premières productions.

   Pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'histoire en général et celle de la bande dessinée "française" en particulier, c'est un ouvrage indispensable.

mercredi, 30 octobre 2019

Abominable

   C'est l'un des films d'animation proposés aux spectateurs adultes et enfants en cette période de congés scolaires. Même s'il comporte des scènes comiques, il joue moins sur l'humour qu'Angry Birds 2 et La Ferme contre-attaque.

   L'intrigue mêle le merveilleux à l'admiration pour la nature. Cela peut paraître paradoxal pour une production DreamWorks, mais je pense que les auteurs ont été influencés par des longs-métrages de chez Disney-Pixar... plutôt pour le meilleur. (La réalisatrice Jill Culton a d'ailleurs débuté chez Pixar.)

   J'ai vu le film dans une grande salle et je reconnais que l'image est, en général, jolie. Concernant la musique, je suis plus partagé : les morceaux interprétés au violon sont assez chouettes, mais la musique d'accompagnement est très moyenne. Je profite de l'occasion pour signaler une bourde relevée dans la rubrique "secrets de tournage", sur Allociné :

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   C'est évidemment d'un instrument datant de plus de 300 ans (et non 3 000) que les musiciens ont pu jouer...

   L'intrigue est classique. L'héroïne est une enfant unique de Shanghaï, dont le papa est décédé, et qui rêve d'accomplir un périple, en hommage à son père. Elle fait la rencontre d'un drôle de Yéti, dont on finit par comprendre que c'est un jeune mâle : il aime se goinfrer, rote de manière effroyable... et fait des bêtises. Le début nous présente d'autres jeunes citadins chinois du XXIe siècle : un petit gros attiré par la malbouffe et une bande d'abruti.e.s fasciné.e.s par leurs ordiphones...

   Les aventures que vont vivre l'héroïne, le petit gros et le bogosse superficiel vont les faire mûrir... et nous faire découvrir une partie de la Chine, à tel point que l'on pourrait considérer le film comme un très long spot publicitaire pour le "pays du milieu". C'est de plus idéologiquement orienté, puisqu'il n'est dit nulle part que l'Everest se trouve à la frontière du Népal et du Tibet. Seule la Chine est mentionnée... Mais les protestations les plus vives ont été émises en Asie du Sud-Est, en raison de la présence (sur la carte murale située dans l'abri de l'héroïne) de la fameuse "ligne en neuf traits", expression de l'impérialisme chinois, dont les revendications maritimes empiètent considérablement sur les zones économiques exclusives de ses voisins.

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   Ci-dessus, on remarque que les tirets (que j'ai surlignés en rouge) incluent l'île (indépendante) de Taïwan dans le territoire chinois, sans même parler des espaces maritimes des Philippines, du Vietnam, de l'Indonésie et de la Malaisie...

   Si l'on fait abstraction de ces considérations géopolitiques, on peut profiter du spectacle entraînant et d'une histoire sympathique. Notons qu'il est affirmé à plusieurs reprises qu'une espèce sauvage (comme le Yéti) a vocation à vivre dans son environnement naturel (donc loin des humains).

   J'ai quand même tiqué devant un autre biais idéologique : les personnages positifs sont tous des Chinois et les méchants ont quasiment tous une tête d'Occidental. Moralité ? Le soft power chinois est en marche, et DreamWorks lui sert de cheval de Troie !

mardi, 29 octobre 2019

Fahim

   Ce film, que certaines mauvaises langues qualifient d' "immigrationniste", est inspiré d'une histoire vraie, celle de Fahim Mohammad, jeune sans-papiers bangladais... et joueur d'échecs prodige. Réalisé par Pierre-François Martin-Laval, il bénéficie de la présence au générique d'Isabelle Nanty et Gérard Depardieu.

   La première partie de l'histoire plante le décor au Bangladesh. On n'est pas du tout dans un film français. Les scènes ont été tournées en langue locale. C'est assez bon dans la manière de décrire un pays en développement. La famille de Fahim n'est ni riche ni miséreuse... mais son père milite dans les rangs de l'opposition. Le départ est vécu comme un déchirement et, hélas, mis en en scène avec beaucoup de pathos.

   La filière suivie pour arriver en France métropolitaine n'est pas décrite dans le détail. On saura juste que le père et le fils sont d'abord passés en Inde (en graissant quelques pattes).

   Le ton de la comédie l'emporte quand le gamin entre au contact d'un prof d'échecs aussi obèse que grande gueule. Dans le rôle, Depardieu est vraiment bon (meilleur encore que dans Thalasso). Les camarades de jeu de Fahim sont aussi bien campés. Le gros point faible est le personnage d'Isabelle Nanty, qui incarne une sorte de Mère Teresa laïque... et qui en fait des tonnes.

   Entre deux séances de cours (ou de parties) d'échecs, on découvre à travers les pérégrinations du duo les difficultés rencontrées par les migrants en France. La plus surprenante est liée au comportement étrange du traducteur employé par la préfecture ! (Précisons tout de même qu'on nous présente des migrants pétris de qualités : le fils est une sorte de surdoué, le père un modèle de pudeur, travailleur de surcroît et la mère restée au pays est une musulmane non voilée.)

   Bref, même si l'on ne partage pas tous les a priori qui ont guidé la création de ce film, on peut quand même savourer ce quasi-conte de fées.

   P.S.

   Il y a un mois et demi, Le Parisien a publié (sous la plume d'Agnès Vives) un excellent article (incluant un podcast très complet) revenant sur l'ensemble du parcours de Fahim, avant et après le film.

   P.S. II

   Il faut savoir "rendre à César, ce qui appartient à César". A sa toute fin, le film évoque l'action d'un ancien Premier ministre, celui qui était en poste en 2011, mais sans le nommer. A ceux qui ne maîtriseraient pas l'histoire récente de la Ve République, je conseille d'aller jeter un œil à un article du Figaro.

lundi, 28 octobre 2019

Terminator - Dark Fate

   Quelques semaines après l'ultime (?) prestation de Sylvester Stallone en John Rambo, c'est au tour d'Arnold Schwarzenegger de refaire un tour de piste sur nos écrans, dans l'un de ses rôles emblématiques. Mais les spectateurs doivent faire preuve de patience avant de voir débarquer le vétéran à l'écran.

   La première demi-heure est trépidante à souhait. Elle associe cascades spectaculaires et effets spéciaux numériques bluffants, pour un grand spectacle... ultraviolent. La (demi) nouveauté est que, dans cet opus, ce sont les femmes qui sont aux manettes. Linda Hamilton (brute de décoffrage... j'adore) revient incarner Sarah Connor, épaulée cette fois-ci par une humaine "augmentée", venue du futur (Mackenzie Davis, excellente). Toutes deux doivent protéger la jeune Dani Ramos (Natalia Reyes, une révélation) des griffes du nouveau méchant envoyé du futur, un Terminator ultime dernière génération, aussi redoutable que peu émotif (Gabriel Luna).

   Ne nous voilons pas la face. Il s'agit d'abord d'un divertissement pour ados et adultes. On y remarque donc quelques grosses ficelles. Il n'est pas vraisemblable que ces trois femmes réussissent à échapper à leur insubmersible poursuivant aussi longtemps. Qui plus est, le scénario abuse du "juste à temps". Enfin, j'ai trouvé trop schématiques certaines oppositions. Au début, la blonde Grace (l'humaine augmentée) paraît impitoyable et forte, en comparaison de la faible et pleurnicharde Dani. Évidemment, celle-ci va prendre du poil de la bête, tandis que sa gardienne va laisser entrevoir quelques faiblesses. (Mais les retours en arrière sont dans l'ensemble bien fichus.)

   De la même manière, la haine que Sarah Connor éprouve pour le "vieux" Terminator va petit à petit se transformer en respect. Il faut dire que l'ancien modèle a acquis un vernis d'humanité (un aspect déjà développé dans Terminator Genisys). On a réservé à Schwarzy quelques belles répliques et des scènes parfois assez cocasses. Aux fans de la première heure, je signale qu'on lui fait dire (dans la version originale) "I won't be back", LA phrase d'anthologie étant prononcée par un autre personnage, féminin.

   Cela m'amène aux retouches apportées au schéma d'origine. L'intrigue est clairement plus féministe... et favorable aux minorités hispaniques. Le grave danger qui guette les États-Unis le monde développé ne vient pas des migrants, mais de la fuite en avant technologique associée à un esprit belliqueux. (Non, mais, franchement, Hollywood est un véritable repaire de gauchistes !)

   L'ensemble constitue donc un très bon spectacle, non dénué de sens.

23:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 26 octobre 2019

La voix d'Alfred Dreyfus

   On peut l'écouter sur le site de la BNF, dans le thème "Archives de la parole". L'extrait, qui dure environ deux minutes, a été enregistré en 1912. On peut y entendre le plus célèbre condamné à tort de l'histoire lire un extrait de ses mémoires. Il y évoque l'année 1906, en particulier la remise de sa légion d'honneur, qui bénéficia d'un cadre officiel (une bien modeste compensation aux souffrances qu'il avait endurées). Il fait un petit bilan de l'Affaire qui l'a concerné au premier chef.

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   J'ai trouvé cette référence dans un passionnant petit livre d'Alain Pagès, L'Affaire Dreyfus, Vérités et légendes, aux éditions Perrin :

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vendredi, 25 octobre 2019

La Fille de Vercingétorix

   C'est l'événement éditorial de la fin du mois d'octobre : la sortie du 38e album des aventures des plus célèbres Gaulois de fiction du monde. Deux ans après Astérix et la Transitalique, on retrouve nos héros au contact de la fille du plus célèbre Gaulois ayant existé. Certaines vignettes aux teintes brunes évoquent les souvenirs d'anciens combattants de certains membres du village... ou de leurs invités-surprises :

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   La scène est digne des batailles napoléoniennes. Je recommande d'être particulièrement attentif aux visages. Les expressions de certains combattants sont assez cocasses... et l'on remarque la jolie frimousse de la future héroïne de l'histoire.

   Ce début est marqué par l'introduction de personnages arvernes, dont l'accent chuintant n'est pas chans rappeler chelui d'un anchien président de la République... On ne s'étonnera donc pas de la présence de nombreux anachronismes (comme l'histoire abracadabrantesque de l'invention de la casquette !), ou de simples clins d'oeil à l'époque contemporaine. L'un de ces clins d'oeil concerne un chanteur décédé l'an dernier, dont le visage semble avoir inspiré celui de l'un des membres de  l'équipe de pirates :

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   Les lecteurs attentifs repèreront au moins deux autres occurrences de ce personnage, à chaque fois en liaison avec l'une de ses chansons.

   Fort logiquement, on retrouve aussi une brassée de jeux de mots, en général réussis, comme lorsque le fils du poissonnier, surchargé de travail, déclare : "Mais, papa, j'ai déjà beaucoup de bulots !" Certains sont surprenants, d'autres attendus, comme l'évidente "montée d'Adrénaline" (quand la fille de Vercingétorix grimpe au mat d'un bateau).

   Parlons donc de cette héroïne. Fille du célèbre chef de guerre arverne, elle ne manque pas de tempérament... et elle est rousse ! Le scénariste en fait une sorte de djeunse, mais pas une caricature de pétasse qui serait éminemment antipathique. Adrénaline est juste une ado orpheline de père (en fait pas encore, si l'intrigue se déroule avant -46), qui voudrait vivre sa vie en s'émancipant de la lourdeur des contraintes imposées par les adultes. Je trouve que ce personnage féminin est une réussite. De surcroît, elle permettra à de nombreux lecteurs de découvrir le nom que l'on donnait aux chaussures gauloises.

   Cela m'amène à une limite historique (parmi d'autres). Outre le fait que l'existence d'une descendance de Vercingétorix ne soit pas prouvée, je relève une erreur concernant la localisation de la capitale des Arvernes, appelée Nemessos. Dans une vignette du début, une note l'assimile à Clermont-Ferrand, alors que la fouille d'un oppidum, à Corent (à une vingtaine de kilomètres de là, dans le département du Puy-de-Dôme) a récemment rebattu les cartes.

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   P.S.

   Je signale l'existence d'une "planche fantôme", absente de l'album, mais qui a été parfois utilisée (totalement ou partiellement) pour faire sa promotion :

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   P.S. II

   Paradoxe du monde de l'édition : ce volume de la bande-dessinée "franchouillarde" par excellence, qui met en avant (indirectement) l'un des personnages historiques figurant au Panthéon national, a été imprimé (en partie)... en Roumanie. Il n'est pas inutile de préciser que les éditions Albert-René sont désormais contrôlées par le groupe Hachette...

mardi, 22 octobre 2019

Alice et le maire

   Je me suis finalement décidé à aller voir cette fiction politique, qui a pour cadre Lyon, mais dont certains éléments de l'intrigue (concernant le passé du maire ou la personne à laquelle il pourrait laisser les rênes) renvoient à la commune de Paris sous Bertrand Delanoë.

   J'ai été attiré par le duo d'acteurs principaux qui, globalement, ne m'a pas déçu. Lucchini est très bon en politicien chevronné, qui se pose des questions existentielles. Anaïs Demoustier a plus de mal à exister face à lui, un peu comme son personnage, très effacé au départ, puis qui peu à peu prend de l'ampleur, aussi bien au sein de l'équipe du maire qu'à l'écran.

   Sur le fond, je trouve le film intéressant parce qu'il ne tombe ni dans la flagornerie, ni dans le poujadisme antiparlementaire, si répandu de nos jours. Cela reste néanmoins bourgeois, sur les "élites". On ne voit quasiment pas les catégories populaires, ni même la petite classe moyenne. Les politiques croisent des journalistes, des communicants et des "cultureux", certains assez gratinés. On rit donc de temps à autre.

   Il reste la relation entre la Béotienne et le Patriarche. Le scénario évite de tomber dans le graveleux, genre la petite nouvelle toute fraîche qui redonne vigueur (dans tous les sens du terme) au chef vieillissant. L'écriture du film est elle-même révélatrice du désarroi de ce qu'on appelle la "gauche de gouvernement", écartelée entre un libéralisme modernisé (genre Macron) et un militantisme gauchisant certes sincère, mais très éloigné de la gestion d'une municipalité au quotidien. Hélas, ce questionnement n'est pour moi qu'effleuré. Ce n'est ni aussi profond que L'Exercice de l’État, ni aussi virevoltant que Quai d'Orsay. Mais cela se regarde sans déplaisir.

Le Regard de Charles

   Ce regard est celui de Charles Aznavour. On connaissait l'acteur convenable et le chanteur talentueux. On découvre le vidéaste amateur, à qui Edith Piaf avait offert une caméra portative. L'auteur-compositeur-interprète a tourné des dizaines d'heures de petits films, pendant ses moments de loisir (notamment en famille), mais aussi à l'occasion de ses tournées, qui constituent le principal matériau de ce film.

   Ce documentaire d'1h20 est le résultat du montage d'images qui s'étalent des années 1950 au tout début des années 1970. En fond sonore, on entend la musique, parfois les chansons d'Aznavour. Un commentaire a été créé à parti de déclarations de l'artiste. Il est lu par Romain Duris, dont la voix grave et posée se révèle un excellent substitut à la parole d'Aznavour. C'est fou ce que les déclarations d'Aznavour se marient bien avec les images qu'il a tournées !

   Il y en a pour tous les goûts. Les fans du chanteur le réécouteront avec plaisir, aussi bien avec des titres célèbres qu'avec des chansons méconnues du grand public. Les adeptes d'anecdotes "pipoles" en apprendront peut-être sur sa vie privée, assez chaotique : l'artiste a d'abord donné la priorité à sa carrière même si, sur le tard (après 40 ans), il a accordé davantage de temps et d'attention au cocon familial. La mort de son fils, à l'âge de 24 ans, a peut-être pesé. A contrario, le jeune artiste paraît totalement détaché des responsabilités familiales quand il s'embarque pour le Canada, où son contrat d'une semaine va se prolonger un mois, une année... On découvre aussi des images rares, celles d'un Aznavour en "jam session". On sent l'amoureux de la musique et du rythme.

   Quand il ne se faisait pas filmer, Aznavour prenait la caméra pour montrer son entourage, ses épouses, ses enfants (en particulier l'une de ses filles, qu'il filme de manière attendrissante). On le voit aussi aux côtés de vedettes de l'époque, françaises comme étrangères.

   Pour moi, les images les plus intéressantes sont celles qui montrent un pays où il s'est produit, il y a 50-60 ans. Hong Kong et Macao ont bien changé depuis ! Que dire aussi des prises de vue d'Afrique du Nord ou des Etats-Unis (New York et Las Vegas en particulier) ! Elles ont une authentique valeur historique, si bien qu'au bout d'1h20, on regrette que le film s'achève déjà.

lundi, 21 octobre 2019

Angry Birds 2 - Copains comme cochons

   Il y a un peu plus de trois ans, j'avais bien aimé le premier volet des aventures des facétieux oiseaux issus d'un jeu vidéo. Ici, dès le début, on nous remet dans le bain avec une séquence assez enlevée de bisbilles entre les habitants des deux îles, celle des cochons et celle des oiseaux. On est dans la surenchère comique, sans guère souci de vraisemblance... mais on s'en fiche !

   La situation se complique quand interviennent les habitants d'une troisième île, gelée, inexplicablement (assez) proche des deux précédentes qui connaissent pourtant un climat tropical. Cette troisième île est peuplée de farouches rapaces, dirigés d'une patte de fer par une aigle à la fois terriblement aigrie et diablement inventive.

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   Face à la terrible menace qui se profile, les oiseaux et les cochons choisissent d'unir leurs forces pour partir à l'assaut (discret) du repaire des aigles. En parallèle, on suit les pérégrinations d'un trio d'oisillons mignons comme tout, des choupinets dont le visage est mangé par des yeux immenses... mais, attention, une fois en colère, ils peuvent "mettre sa race" à un redoutable reptile ! Ce trio assez cocasse se met en route pour récupérer trois oeufs, les futurs frères et soeurs de l'un d'entre eux. La succession de contretemps qu'ils rencontrent dans l'accomplissement de leur mission n'est pas sans rappeler le triste destin de Scrat, dans L'Age de glace.

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   Notons que leurs aventures ne sont pas que d'agréables intermèdes venant interrompre la marche de l'intrigue principale. Les deux arcs narratifs vont finir par se rejoindre... pour notre plus grand plaisir.

   Le rythme de l'action est soutenu. En environ 1h30, on n'a pas le temps de s'ennuyer, même si les péripéties ne sont pas toujours très drôles. Certaines scènes sont quand même tordantes, comme celles qui concernent l'oiseau ultra-rapide, ou celles montrant une étrange substance verte (produite par les cochons, je vous laisse découvrir comment...). Le film est particulièrement réussi quand il met en scène l'arrivée des héros sur l'île des aigles. La "battle dance" recueille tous les suffrages... et que dire de la scène des toilettes masculines !

   On n'oubliera pas de préciser que, comme dans le premier opus, il y a une morale à cette histoire, qui traite d'amour déçu, d'amitié et de solitude. Le propos se veut aussi féministe, avec quelques répliques bien senties (comme celles balancées par l'aigle femelle) mais, surtout, le rôle prépondérant tenu par un nouveau personnage, croisé une première fois par le héros lors d'un speed-dating aviaire... Du coup, même si ce film est un peu moins drôle que le précédent, il n'en constitue pas moins un divertissement agréable et éducatif.

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dimanche, 20 octobre 2019

Martin Eden

   Ce film italien est une adaptation du roman éponyme de Jack London, transposé dans l'Italie post-Seconde Guerre mondiale, plus précisément celle des années 1970-1980. (On n'y voit ni ordinateur ni téléphone portable, mais la télévision -d'abord en noir et blanc- a fait son entrée dans les foyers modestes.)

   Le héros Martin est un orphelin devenu marin, qui se découvre une passion pour la lecture (puis l'écriture) en même temps que pour la ravissante héritière de la richissime famille Orsini (Jessica Cressy, très bien). Au départ, on ne sait pas si les sentiments du héros sont authentiques. Certes, il ne pouvait pas savoir que le jeune homme qu'il allait sauver d'une agression était le frère de la délicieuse Elena, mais il est suffisamment intelligent pour avoir compris que cette femme-là n'est pas une Marie-couche-toi-là et que, pour la conquérir, le play-boy des bas-quartiers allait devoir fournir des efforts inédits.

   Si l'écriture des scènes intimes et la direction d'acteurs sont d'une évidente maladresse, le propos qui sous-tend l'intrigue est plus intéressant. Il y a d'abord la question amoureuse : peut-elle transcender les classes sociales ? D'autre part, est-il possible de concilier une carrière d'écrivain avec un amour partagé et équilibré ? Enfin, un écrivain authentiquement progressiste ne doit-il pas se méfier des idéologies qui prétendent apporter le progrès aux masses populaires ? N'est-ce pas plutôt l'individu qu'il convient d'émanciper (et non une supposée "classe") ? On sent que le réalisateur hésite entre la posture adoptée par le personnage principal (qui est peut-être son double) et la stricte défense des classes populaires, auxquelles des vignettes en noir et blanc (insérées dans l'intrigue) rendent hommage.

   J'ai donc été plus intéressé par la lecture socio-politique de l'histoire que par le cadre sentimental, de surcroît assez mal planté. Le début est d'ailleurs plutôt mauvais, avec une scène qui montre le héros en train de pontifier, précédant une séquence qui se conclut par une coucherie mise en scène avec une consternante maladresse.

   Cela devient intéressant quand le héros rencontre Elena et se met à dévorer des livres. J'ai aussi beaucoup apprécié son "exil" en périphérie urbaine, chez une veuve matrone fort bien interprétée. Les relations qui se nouent entre le jeune homme et les enfants de celle-ci sont assez touchantes. On sent aussi que le réalisateur est plus à l'aise dans les scènes de propagande, avec les militants communistes.

   Bref, même si l'acteur principal Luca Marinelli (déjà vu dans le médiocre Una Questiona Privata) ne manque pas de charisme, même si le casting féminin est bon, même si le fond de l'histoire est intéressant, le résultat global n'est pas très emballant.

   P.S.

   A la dernière Mostra de Venise, Marinelli a coiffé au poteau Joaquin Phoenix pour le prix d'interprétation masculine. Certains commentateurs crient quasiment au génie... en oubliant que la distribution des prix a obéi à des règles sous-jacentes. La première est, me semble-t-il, de n'accorder qu'une seule récompense par film. Or, si le prix d'interprétation était revenu à Joaquin Phoenix (dont la performance est bien supérieure à celle de Luca Marinelli), cela aurait exclu le Joker du Lion d'or... qui risquait d'être attribué au film de Polanski, ce dont les ayatollahs de la bien-pensance contemporaine ne voulaient pas entendre parler. Il fallait donc que Joker décroche le Lion d'or, un prix moins prestigieux étant attribué à J'accuse. Cela présentait en outre l'immense avantage d'écarter un autre concurrent de Marinelli pour le prix d'interprétation : Jean Dujardin.

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samedi, 19 octobre 2019

La Ferme contre-attaque

   Trois ans et demi après le premier long-métrage (hilarant) qui lui était consacré, Shaun le mouton est de retour, dans un film mêlant animations traditionnelle et numérique, cette dernière semblant prendre désormais une place déterminante.

   Dès le début, nous sommes plongés dans le bain de cette mythique ferme britannique, où les animaux d'élevage vivent une vie autonome, sous le nez d'un fermier toujours aussi excentrique. (Mais quel beau slip rouge !...) Les moutons sont les personnages auxquels sont censés s'identifier les enfants. Ils sont un peu puérils, préfèrent la pizza aux rations végétales, font plein de bêtises, pour la réalisation desquelles il leur est indispensable d'échapper à la vigilance du chien fidèle, un garde-chiourme substitut d'un surveillant d'établissement secondaire...

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   Pendant environ 1h20, on ne va pas s'ennuyer, d'autant que débarque un être étrange, venu d'une autre galaxie. Il/Elle s'appelle Lu-La... mais n'a rien à voir avec l'ancien président du Brésil ! Ce serait une allusion au cinquantième anniversaire du premier alunissage d'astronautes. Les cinéphiles seront aussi tentés d'y voir une référence à Leeloo, l'héroïne du Cinquième Elément (de Luc Besson) et ce d'autant plus que l'histoire est nourrie d'allusions (notamment visuelles et sonores) à des oeuvres de science-fiction.

   C'est d'ailleurs l'un des plaisirs réservés aux adultes que de décrypter ces allusions. Pêle-mêle, on retrouve (liste non-exhaustive) le E.T. de Spielberg, 2001 L'Odyssée de l'espace (de Kubrick), Signes (de Shyamalan), Rencontres du troisième type (Spielberg again), X-Files (dressez l'oreille), Armageddon (de Michael Bay), La Guerre des mondes (encore Spielberg !)... On note plusieurs clins d'oeil à "l'homme de Roswell".

   Les enfants, eux, sont plus attentifs aux gags qui échelonnent l'histoire. C'est du comique de situation, visiblement plutôt destiné au jeune public. Cela fait assez souvent sourire les adultes, plus rarement rire. Mais c'est sympatoche. J'ai particulièrement aimé les cerbères de la méchante de l'histoire, pas très futés.

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   Quant à l'extra-terrestre, elle a des points communs avec les moutons/enfants : elle adore les frites, les pizzas, les bonbons et les boissons sucrées... ce qui nous mène tout naturellement à ce qui a tendance à devenir une figure imposée des films d'animation "familiaux" : le rot gargantuesque. C'est le principal acte de transgression visible à l'écran, les personnages étant le reste du temps du genre bien élevés.

   En résumé, c'est bien fichu, cela détend sans prise de tête, mais ça ne restera pas dans les annales.

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vendredi, 18 octobre 2019

Décès du "Grand Endetteur"

   Aujourd'hui, les médias aveyronnais ont fait grand cas de la mort de Pierre Riom, qui fut (entre autres) maire de la commune de Conques de 1983 à 2001 et conseiller général de l'Aveyron pendant plus de trente ans (de 1970 à 2001 !), exerçant la vice-présidence de l'assemblée départementale de 1982 à 2001, sous le règne de l'inamovible Jean Puech.

   C'est à cet élu local aux multiples casquettes que l'on doit la construction du Centre européen de Conques... et la terrible dégradation de la situation financière de la commune, dont l'ampleur ne fut réellement découverte qu'avec l'entrée en fonction du successeur de Pierre Riom à la mairie, Philippe Varsi, en 2001.

   La nécrologie publiée aujourd'hui dans Centre Presse ne fait pas l'impasse sur les aspects les moins glorieux de la longue carrière de l'élu local. Il convient cependant d'éclairer l'une des déclarations du défunt, datant de six ans : "Un peu plus d'un milliard de francs, c'est vrai que c'était un peu cher". Pour les jeunes qui liraient cette note, il faut préciser qu'une double conversion monétaire est nécessaire. D'abord, il est question de francs, puisque Pierre Riom officia avant que l'euro ne soit disponible dans nos poches. Mais, comme il était né en 1927, il avait vécu plus de trente avec l'ancien franc en poche. Le "milliard" dont il est question correspond donc à dix millions de "nos" francs (je parle aux adultes nés sous la Ve République), soit environ 1,5 million d'euros. La somme peut paraître anecdotique au regard de tant de scandales financiers, mais il faut savoir qu'elle a pesé sur les reins d'une commune peuplée de moins de 400 habitants ! Conques fut à la fin du XXe siècle l'une des communes les plus endettées de France (LA plus, affirment certains), si l'on calcule par habitant.

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   Ce graphique permet de constater que, sous les mandats de P. Varsi (le successeur de P. Riom), l'endettement est passé de plus de 30 000 francs à moins de 1 500 francs par habitant. De très supérieur à la moyenne des communes de la même strate, il est devenu inférieur, signe de bonne gestion.

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   En volume total, la dette a été divisée par presque cinq sous les mandats de P. Varsi. Rétrospectivement, on se dit que la mise en place d'un stationnement payant jugé souvent assez onéreux avait aussi pour objectif de contribuer à faire dégonfler la dette.

   Pour la petite histoire, je signale que la brusque remontée de l'endettement global (suite à la création de la commune nouvelle, par fusion avec Grand-Vabre, Noailhac et Saint-Cyprien-sur-Dourdou, en 2016) ne doit pas (trop) inquiéter. En la rapportant au nombre total d'habitants de la commune nouvelle, la dette reste supportable.

   La gestion de Pierre Riom a fait couler beaucoup d'encre (et de hertz). C'est d'abord la défiguration du village qui a été dénoncée dès 1992 dans un article de L'Express. Un an plus tard, la même journaliste (Anne Pons) remettait le couvert dans un long article à charge, uniquement consacré à la commune aveyronnaise cette fois-ci. A l'époque, les débats avaient eu un retentissement international, des échos atteignant même The Herald Tribune.

   Mais les coups les plus rudes furent sans conteste portés par la Chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées. Son rapport de mars 2001, bien que rédigé dans un langage administratif propre à atténuer les critiques, était cinglant.

   Que pouvait-on y lire ? Tout d'abord que le budget de la commune manquait de sincérité (comme on dit aujourd'hui), c'est-à-dire qu'il était particulièrement difficile de savoir comment étaient affectées les sommes dont disposait la municipalité dans les années 1990. Les magistrats toulousains s'étaient étonnés du manque de précision quant à l'utilisation des subventions reçues par la commune, certains fonds destinés à l'investissement ayant même été affectés aux dépenses de fonctionnement... Cerise sur le gâteau : la mairie aurait perdu les documents faisant état des heures de travail effectuées par les agents communaux, en particulier sur des chantiers bénéficiant de subventions... Quand on lit entre les lignes, on croit comprendre qu'une (grande ?) partie des subventions d'investissement (de provenances diverses : régionale, départementale - sans fourniture de justificatifs en retour...) pourrait avoir servi à combler le gouffre creusé par la création du Centre européen. Il semble que ce soit l'ex-Conseil général (présidé alors par Jean Puech, un allié de Pierre Riom) qui ait porté la commune à bouts de bras. En clair : les contribuables aveyronnais ont été ponctionnés de plusieurs millions de francs pour éviter la faillite d'une commune surendettée. C'est autant d'argent qui n'est pas allé aux politiques publiques dont le Conseil général avait la charge...

   Bref, le bilan de 18 ans de gestion municipale semble très négatif... quoique. J'ai connu le Conques du temps de P. Riom et de son successeur P. Varsi. Je pense que tous deux ont contribué au dynamisme et à l'embellissement du village. Et j'aime ce Centre européen, avec son bel amphithéâtre, écrin de tant de conférences passionnantes. Alors, oui, feu M. le maire fut sans (à l'image de bien des hommes de la droite locale) un contempteur de la dépense publique (au niveau national) ET un grand bénéficiaire de subventions (au niveau local), subventions dont il fit un usage semble-t-il parfois peu académique. Mais, concernant la commune en tant que telle, je ne jetterai pas le bébé avec l'eau du bain.

dimanche, 13 octobre 2019

Tout est possible

   Ce documentaire militant s'intitule à l'origine The Biggest Little Farm, que l'on pourrait traduire par "La plus grande petite ferme". Le terme "petite" renvoie au mode d'exploitation, "à l'ancienne", en utilisant des méthodes fondées sur les rythmes naturels. Cela veut dire : pas de produits phytosanitaires et pas de hors-sol au niveau de l'élevage. (On ne voit que quelques abris construits pour les poules -dont on récupère les oeufs, les canards et les cochons.) Les animaux sont élevés en plein air. Dans l'espace d'un ancien enclos équestre est implanté un jardin potager.

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   C'est aussi une "grande" ferme parce que sa surface agricole utile s'étend sur environ 80 hectares. (La moyenne en France est d'environ 55.) Elle fonctionne avec une main-d'oeuvre abondante : les deux exploitants, deux ouvriers agricoles... et pas loin d'une dizaine de stagiaires et volontaires de toutes origines, venus participer à cette aventure agricole, ou se former à un autre mode de production.

   A l'origine, il s'agit bien d'une aventure. John et Molly sont ce qu'on appellerait en France des "hors cadre familiaux". Lui a une formation de caméraman et réalise notamment des court-métrages animaliers (ce qui va lui être d'une grande utilité quand il se décidera à filmer au jour le jour l'évolution de leur projet agricole). Elle est une cheffe cuisinière, qui tient un blog très suivi. En 2010, un peu pour changer de vie, un peu sur un coup de tête (et pour continuer à vivre avec le chien Todd qu'ils ont adopté), ils montent un projet agricole, au nord de Los Angeles. L'un des manques de ce film est de ne pas nous en dire plus sur le chiffrage et le financement. On comprend qu'ils ont sollicité l'ensemble de leurs amis, mais on n'en saura pas plus sur les "investisseurs" qui ont contribué au bouclage du projet. Enfin bref, combien ça coûte ? Parce qu'il en a fallu de l'argent pour financer les travaux de remise en état d'une ancienne exploitation fruitière intensive, ainsi que les revenus d'au moins quatre personnes pendant un an. J'aurais aussi aimé en savoir plus sur le parcours et l'engagement des deux néo-ruraux.

   Si les images les plus anciennes ont été filmées avec des moyens ordinaires, par contre, dès que les animaux sont installés sur l'exploitation, on remarque la qualité de la photographie, avec de superbes gros plans et ralentis. On sent l'amour de la nature éprouvé par les deux aventuriers agricoles. Pour se lancer, ils sont épaulés par un conseiller en biodynamie, qui a un peu l'allure d'un gourou new age, et qui leur donne de multiples conseils pour mettre en route leur exploitation. Cela commence par la régénération des sols, à l'aide de compost.

   De superbes vues aériennes (sans doute filmées à partir d'un drone) permettent de constater les progrès réalisés. On plante des arbres fruitiers (pêchers, citronniers, abricotiers...) et l'on commence à faire venir le bétail. Une grande place est accordée à la truie (une Red Wattle), dont le nom d'origine "Betty la moche" est changé en Emma. Arrivée malade et un peu maigre, elle va donner naissance à d'impressionnantes portées de porcelets. On sent que John s'est particulièrement attaché à la truie, qui développe des relations empathiques avec d'autres animaux, comme le coq poilu et grassouillet, avec lequel elle finit par cohabiter.

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   Sur l'exploitation (appelée Apricot Lane Farms), on peut aussi croiser des bovins (des Highland), des moutons (de race Dorper), des poules, des canards, des abeilles, des chevaux, des chiens, des chats... et de multiples animaux sauvages, oiseaux, insectes, chouettes, parfois cigognes et, hélas, coyotes.

   C'est l'un des paris des fermiers : faire cohabiter de nombreuses espèces (et des races différentes), partant du principe que c'est la diversité biologique (animale et végétale) qui permettra de prévenir et résoudre les crises qui ne manqueront pas de survenir sur l'exploitation. Ainsi, quand le couvert végétal (et une certaine humidité) est rétabli sur les terres, les escargots surgissent en masse. La solution va venir... des canards, qui raffolent des bestioles à coquille. De la même manière, les poules se gavent de larves de mouches. Les chiens vont être dressés à protéger le bétail des incursions des coyotes. Des rapaces, derniers venus sur l'exploitation, boulottent les rats à poche.

   Cela pourrait ressembler à un conte de fées. Fort heureusement, le réalisateur ne cache pas les difficultés rencontrées. Dès le début, il montre les ravages qu'un gigantesque incendie pourrait provoquer. Sur la ferme, chaque progrès est montré comme étant issu de la résolution d'un problème. Même si John n'insiste pas beaucoup là-dessus, on devine que l'exploitation est totalement dépendante de la ressource en eau, celle de la nappe phréatique... et d'une main-d'oeuvre nombreuse, en partie bénévole me semble-t-il.

   C'est la limite de cette expérience enthousiasmante, qui montre qu'avec un capital, des connaissances, beaucoup de travail et de la créativité, on peut faire revivre un paradis. Mais ce n'est sans doute pas un modèle réplicable partout. Le film n'en est pas moins passionnant, réalisé avec beaucoup de soin.

samedi, 12 octobre 2019

Joker

   Très attendu, ce film est une nouvelle preuve (après Logan) qu'on peut adapter des personnages de comics au cinéma sans se contenter de faire jouer les acteurs en tenues moulantes devant des fonds verts. Cela annonce (peut-être) un reboot de la série Batman... mais, pour en être sûr, il faudra attendre 2021.

   D'ici là, on peut admirer la performance de Joaquin Phoenix, acteur protéiforme qui nous propose une nouvelle interprétation du plus terrible ennemi de l'homme chauve-souris. C'était un sacré défi : pas facile par exemple de faire oublier celui-ci.

   Phoenix y réussit parce que les scénaristes (notamment Scott Silver, qui a travaillé sur 8 Mile) ont donné un tour sociologique à l'histoire, s'inspirant sans doute de l'oeuvre d'Alan Moore. C'est un peu paradoxal à écrire, mais les multinationales Warner et DC nous offrent un film populiste de gauche (les "minorités visibles" y sont bien traitées). L'intrigue, bien que située dans le passé (on ne voit ni ordinateur ni téléphone portable), entre en résonance avec notre époque.

   Dès le début, la talent de Phoenix transparaît dans le personnage d'Arthur Fleck. Celui-ci est une sorte d'intermittent du spectacle (sans le système d'indemnisation : nous sommes aux States !), artiste raté chargé d'animer la liquidation d'un commerce, un anniversaire ou une journée de patients cancéreux. Un plan m'a particulièrement marqué, celui où l'on voit Arthur/Joaquin s'essayer au fameux sourire écarté, passant de la joie à la tristesse avec le même maquillage. La seule petite limite que je pointerais est que le rire exacerbé, nerveux, de l'antihéros n'est pas totalement réussi. On comprend bien en quoi il constitue parfois une défense ainsi que pourquoi il donne de lui une image ridicule, mais il manque un petit quelque chose pour que ce soit totalement réussi. Peut-être est-ce dû aux nombreuses coupes pratiquées au cours du montage final.

   Dans la première partie de l'histoire, rien n'est joué. Arthur a un travail relativement régulier, habite avec une mère aimante (quoiqu'un peu détraquée), a l'espoir de percer un jour dans le seul-en-scène... et il semble possible d'envisager une relation avec une locataire du même étage de l'immeuble miteux qu'il habite.

   La suite va faire tomber petit à petit toutes ces illusions, au propre comme au figuré, puisqu'il faut éviter d'accorder trop de crédit à ce que l'on voit parfois à l'écran. (Sans en dire trop, je peux quand même révéler qu'un des événements de la première partie fait tache dans la caractérisation du personnage principal, au point que ça en est gênant. Quand la vérité apparaît, nue, tout devient plus cohérent.) Indirectement, le réalisateur nous invite d'ailleurs à nous méfier de ce qui passe sur les écrans, par exemple dans le "night show" animé par Murray Franklin (Robert de Niro, bien meilleur que dans nombre de ses dernières prestations), où seul un extrait tronqué de la performance de Fleck est diffusé.

   L'intrigue a été construite de manière à montrer comment une société injuste (ultralibérale, utilisons les gros mots) fabrique un criminel, certes déjà un peu dérangé à la base. Au niveau personnel, celui-ci découvre par hasard qu'il se réalise pleinement non pas en clown de service, ni en "stand-upeur", mais en tueur, voire en chef d'une bande de tueurs. Si je trouve le propos intéressant, et la conclusion logique, je n'en désapprouve pas moins cette quasi-apologie de la violence, d'autant qu'à la fin, les dégénérés qui dévastent les rues de Gotham City s'en prennent à tout ce qui leur tombe sous la main, détruisant au passage les biens de leurs concitoyens modestes.

   Même si je n'en partage pas tous les a priori, je reconnais que cette oeuvre est particulièrement forte, servie de surcroît par une musique parfaitement adaptée aux circonstances.

13:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 11 octobre 2019

Mjolk, La guerre du lait

   J'ai enfin réussi à voir ce film islandais de Grimur Hákonarson, un cinéaste dont j'avais remarqué il y a trois ans Béliers, une comédie à froid, manifestant un réel savoir-faire au niveau de la mise en scène.

   Le début de ce film-ci présente le quotidien de paysans islandais, des éleveurs de bovins-lait endettés jusqu'au cou. C'est l'épouse qui est l'héroïne de l'histoire. Inga est dotée d'un caractère bien trempé, ce qui lui permet de procéder à un vêlage toute seule, dans une scène impressionnante qui n'est pas sans rappeler Une Hirondelle a fait le printemps.

   Assez vite, le mari va disparaître du paysage, laissant Inga (presque) seule face à la puissante coopérative laitière locale. Celle-ci est la seule cliente des éleveurs laitiers du coin, auxquels elle impose de se fournir uniquement auprès d'elle, y compris pour les produits de grande consommation, puisqu'elle contrôle les supérettes rurales où la majorité des habitants va faire ses courses. Il suffit de quelques plans au réalisateur pour suggérer l'opulence de cette coopérative autrefois au service des éleveurs : on aperçoit la maison spacieuse de son président et les voitures luxueuses des cadres.

   La suite est un combat du pot de terre contre le pot de fer. Inga se révolte, à l'étonnement de ceux qui ne comprennent pas qu'elle s'obstine sur cette exploitation. Dans la région, une lutte d'influence s'engage entre une poignée de paysans rebelles et la coopérative. C'est quasi documentaire, parfois drôle, comme quand l'héroïne dit "merde" (à sa manière) au gros bras venu faire pression sur elle, ou quand elle se rend au siège de la coopé pour délivrer un "message lactique"... Signalons que le réalisateur a eu l'obligeance de laisser le personnage du directeur de la coopérative développer ses arguments. Le propos n'est pas unilatéral, même s'il est en empathie avec le combat d'Inga.

   Le tout a pour cadre la campagne islandaise, magnifiée par des plans d'ensemble à savourer sur grand écran. Je suis sorti de là ravi, le film étant davantage porteur d'espoir qu'Au nom de la terre.

19:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 05 octobre 2019

Les Lois de l'hospitalité

   L'année 2019 voit la ressortie en salles (en version restaurée) de ce moyen-métrage de Buster Keaton. Celui-ci, un peu oublié aujourd'hui, fut, à l'époque du cinéma muet, le grand rival de Charlie Chaplin, sans doute le meilleur spécialiste du slapstick, un genre comique fondé sur des cascades (Keaton les réalisant lui-même).

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   Keaton y incarne Willie McKay, un jeune New-Yorkais qui, dans la première moitié du XIXe siècle, se risque dans l'arrière-pays pour y récupérer ce qu'il pense être un héritage magnifique. Une double déception l'attend : l'héritage en question se limite à une bicoque brinquebalante et, sur place, résident encore les membres d'une famille (les Canfield) qui vouent une haine mortelle à la sienne. Or, dans le train qui l'amène depuis New York, le héros fait la connaissance d'une ravissante passagère (avec laquelle il sympathise), Virginia Canfield...

   L'intrigue générale est simple (même si elle va suivre quelques détours sinueux). On sent l'influence du Roméo et Juliette de Shakespeare. Et pourtant, à la base, c'est une histoire vraie, celle de la vendetta (feud en anglais) entre les familles McCoy et Hatfield, qui défraya la chronique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. (Des années plus tard, elle a inspiré Morris et Goscinny, auteurs de l'album Les Rivaux de Painful Gulch.)

   La première séquence présente le contexte, au tout début du XIXe siècle. Les réalisateurs (John Blystone et Buster Keaton) campent avec force une opposition de classe entre une famille pauvre (avec un seul enfant), les McKay, et une famille aisée (dont on va découvrir au cours de l'histoire qu'elle se compose d'au moins quatre enfants), les Canfield. Le drame qui se déroule cette nuit de 1810 va relancer la querelle qui oppose les deux camps depuis des lustres, et qui semblait s'être atténuée.

   Plus de vingt ans passent et nous voilà projetés dans un New York trépidant, avec quelques clins d'oeil comiques de Keaton : sur la circulation hippomobile qui devient infernale, sur l'urbanisation galopante dans le quartier de Broadway (dont pourtant l'aspect contraste fortement avec celui qu'il a acquis par la suite)... et sur les dangers qu'il y a à quitter la métropole pour l' "Ouest sauvage", situé au-delà de Trenton... à moins de cent kilomètres de là.

   Le transport en train (en calèche ferroviaire, devrait-on dire) est source de multiples gags. Du personnel vieillissant à la fumée qui asperge les passagers, en passant par le tracer de la voie, acrobatique (et... modulable), on ne s'ennuie pas. Dans le même temps, Keaton/McKay fait montre de son savoir-faire dans le comique de situation.

   L'intrigue prend un tour plus dramatique à l'arrivée dans les Appalaches. Au départ, le jeune McKay ne risque rien, puisqu'il n'est pas attendu et que personne ne connaît son identité. Mais il est du genre très poli, se présentant volontiers à des inconnus. De surcroît, la ravissante passagère, tombée sous son charme, l'a invité dans la demeure familiale des Canfield (sans lui avoir révélé son nom).

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   On attend donc avec impatience la séquence du dîner, qu'un détail sociologique va contribuer à épicer : les lois de l'hospitalité interdisent de s'en prendre à un invité dans l'enceinte de la maison (mais pas dans le jardin ni devant l'entrée). La tension monte et le héros déploie des trésors d'inventivité pour échapper aux griffes pistolets du père et des frères de sa dulcinée. Cela devient de plus en plus rocambolesque. C'est absolument délicieux.

   J'ajoute que l'image restaurée (en noir et blanc) est superbe et qu'on a réenregistré la musique d'accompagnement. C'est un film à ne pas manquer s'il passe près de chez vous !

jeudi, 03 octobre 2019

Docteur Starsky

   J'aime regarder les épisodes de la série Good Doctor, diffusée en France sur TF1. Le héros est un interne puis chirurgien autiste d'un grand hôpital nord-américain. Souffrant du syndrome d'Asperger, le jeune Shaun Murphy est doté d'une prodigieuse mémoire photographique, mais il peine à communiquer avec ses contemporains et passe souvent pour quelqu'un de ridicule ou d'attardé, ce qu'il n'est pas.

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   Dans le neuvième épisode de la saison 2, on le découvre au volant d'un véhicule mythique, une Ford Gran Torino, celle de David Starsky, l'un des deux héros de la série (américaine) Starsky et Hutch, qui fit les beaux jours de la télévision française dans les années 1970-1980.

   Cette voiture ne lui appartient pas. C'est celle de son amie Lea, qui veut le pousser à sortir de sa zone de confort... ou, si l'on formule la chose autrement, qui veut petit à petit l'inciter à adopter un mode de vie "normal"... A la fin de l'épisode, on nous dit clairement qu'il n'a pas le permis. Mais on a compris un peu plus tôt qu'il avait été reçu au code. C'est donc une sorte de conduite accompagnée qu'il suit.

   Shaun a accepté cet exercice pour plusieurs raisons. La première est que c'est un moyen pour lui d'approfondir sa relation (amicale) avec Lea. Celle-ci ne le considère que comme un ami, mais il est évident que le jeune chirurgien en pince pour sa ravissante colocataire. La seconde raison est que parvenir à conduire une voiture pourrait permettre à Shaun de rendre service au professeur Glassman, qui fut comme un second père pour lui et qui est désormais gravement malade. (Shaun a de surcroît insisté pour qu'il ne conduise plus, compte tenu de la gravité de son état.)

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   Néanmoins, dans l'épisode 10 (pour une raison que je ne révèlerai pas ici), c'est son amie Lea que l'on voit venir chercher le professeur, pour l'emmener chercher les résultats d'un examen.

   J'ai trouvé curieux que ce soit dans une série médicale (dont la version américaine est due au créateur de Dr House) que l'on trouve cette référence, et pas dans une série policière, comme ce fut le cas l'an dernier en France, dans un épisode de la cinquième saison de Cherif.

dimanche, 29 septembre 2019

Un Jour de pluie à New York

   Un an et demi après Wonder Wheel, ce film constitue une sorte de retour aux sources pour Woody Allen. D'abord parce qu'il tourne de nouveau à New York. Ensuite, parce que c'est une comédie sentimentale verbeuse, comprenant ces fameuses scènes de dialogue où l'humour surgit au détour d'un torrent verbal.

   Aller voir le dernier Woody (en V.O. sous-titrée, of course !), c'est un peu comme lire le dernier polar de son auteur préféré ou déboucher une bouteille du dernier cru de son vin de prédilection. On s'enferme bien au chaud, on met sa bonne vieille robe de chambre (celle qui a gardé les odeurs de tant de soirées mémorables), on s'installe dans un bon fauteuil, on pète un coup et puis... on savoure.

   Hélas, on ne peut pas respecter ce rituel à la lettre dans une salle de cinéma. Mais ça le fait quand même. Les dialogues, très bien écrits, parfois incisifs comme je les aime, sont servis par de très bons interprètes. Entre les mains de Woody Allen, même le fadasse Timothée Chalamet est crédible en nouvel avatar du réalisateur. De leur côté, Liev Schreiber et Diego Luna font le job en réalisateur dépressif et acteur vedette coureur de jupons. Le meilleur est pour moi Jude Law, qui se fond dans le personnage du scénariste dépassé par les événements (professionnels et personnels).

   C'est du côté féminin qu'il faut chercher les perles de ce film. Elle Fanning (How to talk to girls at parties, Les Proies, Mary Shelley) confirme tout le bien que je pensais d'elle. J'ai lu et entendu des commentaires désobligeants à son sujet mais, franchement, je crois que certaines personnes confondent le personnage d'Ashleigh avec l'actrice qui l'incarne. Il n'est pas facile d'interpréter une gourdasse. Ici, elle le fait très bien, avec, en bonus, une scène assez virtuose au restaurant (avec l'acteur bellâtre), durant laquelle elle est censée être un peu pompette. Du grand art.

   A ses côtés figurent d'autres jeunes femmes à la fois belles et talentueuses. (Dieu que le travail de la directrice de casting a dû être épuisant !) Clairement, Selena Gomez sort du lot, dans le rôle de la sœur d'une ex-copine du héros, une brune piquante qui en pince pour Gatsby-le-pas-vraiment-magnifique. C'est d'ailleurs la seule faiblesse de l'histoire, qui nous laisse entrevoir très tôt comment tout cela risque fort de se conclure. A noter aussi les prestations d'Annaleigh Ashford (au rire tonitruant) et de Cherry Jones, qui incarne la mère de Gatsby, dont la conversation avec son fils débouche sur une révélation des plus surprenantes.

   C'est donc (plutôt) bien écrit, très bien joué, bien filmé, bien éclairé et décoré avec, en sus, une ambiance musicale toujours aussi "cosy". Woody a même trouvé le moyen de faire ironiquement allusion à ses ennuis personnels. Pour parvenir à mettre Ashleigh dans son lit, le bellâtre Francisco Vega ne compte pas que sur son charme (surestimé) et sa renommée (abusive) : il fait boire la jeune femme, qui se retrouve aussi avec un joint en bouche. La manière dont cet épisode se conclut est croquignolesque... Mais ce bon Woody n'a pas pu s'empêcher de rappeler que lui (qu'on accuse de bien des maux) ne s'adonne pas à ce genre de comportement douteux, apparemment assez répandu à Hollywood. Qui sait quelles vedettes du grand écran ont échappé à la vindicte de MeToo ?

00:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 28 septembre 2019

Kersten, médecin d'Himmler

   C'est le titre d'une bande dessinée en deux tomes, que l'on doit à Patrice Perna et Fabien Bedouel. Elle est parue il y a environ quatre ans et elle a pour objectif de rendre justice à l'un des héros méconnus de la Seconde Guerre mondiale, Félix Kersten.

   Jusqu'à la lecture de cette bande dessinée, le nom de Kersten n'était pour moi qu'une courte apparition (ou une note de bas de page) dans des livres consacrés au nazisme, à la guerre ou à Himmler. Il était connu que le chef de la SS avait un médecin particulier, parfois qualifié de masseur, limite rebouteux... le plus étonnant étant l'hostilité de ce médecin au nazisme.

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   Le premier tome met en scène la rencontre (en 1939) entre le Reichsführer et le médecin finlandais évoluant entre les Pays-Bas et l'Allemagne. En alternance, une autre trame chronologique nous est proposée, après guerre, quand il est question de faire reconnaître les mérites de Kersten.

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   Le dessin est de facture classique, sans être particulièrement réaliste. On remarque toutefois que, dès que le héros est au contact des nazis, l'ambiance se fait plus sombre. Le petit monde des maîtres du IIIe Reich est un panier de crabes pourris d'ambitions. A son corps défendant, Kersten va se retrouver au milieu.

   Il bénéficie d'une assez grande liberté de mouvement, grâce à la protection d'Himmler, particulièrement reconnaissant des soins qu'il lui procure. Entre les deux hommes naît une relation de dépendance mutuelle, faite de confiance, d'hypocrisie et d'intérêts bien compris. Kersten est même approché par des espions alliés.

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   Le tome 2 démarre sur l'assassinat d'Heydrich (relaté dans le film HHhH) C'est un coup de chance pour Kersten, qui voit disparaître l'un de ses adversaires les plus acharnés (et l'un des chefs nazis les plus redoutables). Himmler étant devenu extrêmement dépendant de ses soins, il s'enhardit à exiger de plus en plus de faveurs en échange. Ces faveurs sont essentiellement la libération de prisonniers, d'abord civils (des otages), puis résistants... et même juifs (des milliers !). En alternance, la quête pour la reconnaissance des mérites de Kersten se heurte à des oppositions aussi inattendues qu'obstinées. L'histoire s'achève sur le plus extraordinaire des sauvetages, Kersten réussissant à faire plier Himmler, qui en même temps pense jouer une carte personnelle, à la fin de la guerre.

   Cette bande dessinée est absolument passionnante.