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mercredi, 26 décembre 2012

Les Hauts de Hurlevent

   C'est une nouvelle adaptation du roman d'Emily Brontë. Dans mon esprit, le titre faisait allusion à une chanson de Kate Bush et à un film, ancien (très noir), avec Laurence Olivier, que ma mère avait adoré.

   La première heure nous plonge dans cette lande brumeuse du nord de l'Angleterre, très peu peuplée, où les prés sont séparés par de petits murs de pierre, où souffle un vent à écorner les bœufs (même si, là-bas, on voit surtout des moutons et des chevaux)... un Aveyronnais peut y retrouver un peu d'Aubrac (en plus humide et moins enneigé). On y est attentif aux plantes, aux animaux ; on n'est pas rebuté par la boue.

   La réalisatrice, Andrea Arnold, économise les dialogues. Elle veut nous faire sentir le paysage et les sentiments qui traversent les protagonistes. C'est à mon avis parfaitement réussi : qu'y a-t-il de plus sensuel qu'un bas dévoilé par inadvertance, une épaule dénudée ou une mèche de cheveux échappée d'une coiffure (trop) ordonnée ? La caméra est près des corps : on voit bien les cicatrices du jeune homme, on suit la main de Catherine s'enfoncer dans ses cheveux crépus.

   Cette première heure est épatante parce qu'elle nous fait comprendre les frustrations et les aspirations des différents personnages : celles du jeune Africain Heathcliff (ramené à la ferme par le père à la fois autoritaire et chrétien convaincu), celles de Hindley, le fils limite abruti et celles de Catherine, la jeune fille au départ hostile, puis intriguée par l'étrange individu, un peu initiatrice, enfin amoureuse.

   Le film est tourné de manière objective, mais, de temps à autre, la vision qui nous est donnée subit l'influence de l'un des personnages, principalement Heathcliff et Catherine.

   La deuxième heure voit le retour d'Heathcliff, enrichi, et la décadence de la ferme familiale, reprise par Hindley, de plus en plus dépendant de son ancien souffre-douleur. Catherine en a épousé un autre, ce dont Heathcliff ne se remet pas. Le film ne suit pas exactement le roman et ne met pas en scène une implacable vengeance. On a plutôt l'impression que la fatalité est à l'œuvre. L'histoire s'arrête de plus au niveau de la première génération, alors que l'œuvre de Brontë poursuit avec les enfants (la fille de Catherine et son mari, le fils qu'Heathcliff va avoir avec la sœur de l'époux de Catherine... et le fils de Hindley, que l'on voit dans ce film).

   L'interprétation est de qualité. J'ai préféré les acteurs incarnant les amoureux jeunes (Solomon Glave et surtout Shannon Beer, plus convaincante de Kaya Scodelario, qui joue la Catherine adulte). Mais James Howson est aussi très bien. Parmi les seconds rôles, j'ai particulièrement apprécié les employés de la ferme et le père.

   Un film fort, sur la naissance d'un amour et la noirceur de la vie.

19:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 23 décembre 2012

Héritage

   Ce film israélien, mêlant comédiens parlant arabe, hébreu et/ou anglais, est l'œuvre de Hiam Abbas (présente dans la distribution), une comédienne remarquée dans de multiples rôles, dans des films comme La Fiancée syrienne, Paradise now ou encore Amerrika.

   L'histoire se noue autour d'un mariage, celui de la fille d'un entrepreneur palestinien au bord de la faillite, en Galilée. Au sens strict, les protagonistes sont donc plutôt des Arabes israéliens, même si l'on sent que l'histoire pourrait s'appliquer plutôt à des Palestiniens de Cisjordanie occupée.

   L'entrepreneur est lui-même le fils d'un notable local, très malade. L'un des frères a des ambitions politiques (à concilier avec l'occupant israélien...), un autre, marié à une chrétienne, n'est toujours pas père et l'une des sœurs, la petite dernière, a décidé de mener se vie de femme à sa guise.

   On voit que la réalisatrice a eu l'habileté d'entremêler la politique avec des considérations économiques et la dénonciation du patriarcat. Et pourtant... aucune des nombreuses (et ravissantes) femmes que l'on voit à l'écran n'est voilée. Nous sommes dans la bourgeoisie proche du Fatah. Ce n'est donc pas un portrait fidèle de la société palestinienne que l'on nous propose, mais une tranche de vie des catégories aisées, elles aussi confrontées à des choix douloureux.

   Le contexte de la domination israélienne n'est que sous-jacent. On voit (et entend) régulièrement les avions de Tsahal parcourir le ciel. On voit parfois le résultat de bombardements. Les personnages tentent de vivre malgré tout. Au quotidien, ils sont amenés à croiser des Israéliens. S'ils veulent faire de la politique, ils vont être mis sous surveillance par la police.

   Mais le cœur de l'histoire est constitué de ces vies de femmes. Il n'y a pas de matriarche, l'épouse du chef de famille étant décédée, sans doute en mettant au monde la petite dernière. Du coup, ce sont les deux grandes sœurs qui incarnent les figures dominantes. Bien que modernes d'apparence et traitées d'égal à égal par leurs époux, elles poussent au maintien des traditions. Le film tente d'explorer ce paradoxe. Une seule des jeunes femmes adhère à ce schéma, la future mariée. Sa sœur est plus coquine, plus libertaire... un peu comme sa (jeune) tante, qui suit des études et s'est entichée d'un Anglais.

   C'est (très) bien joué, correctement filmé. Il ne faut pas s'attendre toutefois à un grand film à thèse sur le conflit proche-oriental. Mais cette fiction mérite le détour.

samedi, 22 décembre 2012

Le Voyage de Monsieur Crulic

   Ce voyage est (entre autres) celui réalisé par le corps du héros, ramené dans son pays d'origine (la Roumanie) par deux membres de sa famille. Dès le début, donc, on sait que cela finit mal. C'est une histoire (malheureusement) vraie, celle d'une erreur judiciaire. Mais elle est racontée sous forme animée, l'auteure (Anca Damian) mêlant les styles.

   Ce Roumain n'a pas eu la vie facile. Il a arrêté tôt l'école, n'a pratiquement pas connu sa mère (à cause de la séparation précoce de ses parents) et a perdu son seul enfant à la naissance de celui-ci. Comme beaucoup de Roumains arrivés à l'âge adulte dans les années 1990-2000, il a tenté sa chance à l'étranger. Une partie de sa famille a migré en Italie, lui s'est tourné vers la Pologne. C'est là qu'il va être accusé à tort, deux fois. Désespérant de faire valoir ses droits, il se lance dans une grève de la faim. J'ai retrouvé un peu de l'ambiance de l'excellent Présumé coupable. (Certains ont vu une parenté avec Hunger.)

   Ce film est aussi l'occasion de tracer un portrait sans complaisance de deux anciennes "démocraties populaires", à l'heure post-communiste. C'est particulièrement accablant pour les services publics : police, justice, hôpitaux, ambassade...

   Ah, oui, j'oubliais : l'histoire nous est contée à deux voix. La plupart du temps, on entend celle du narrateur, le héros (du moins l'acteur qui l'incarne). Le ton est rocailleux (à la slave), mélancolique. C'est de manière presque neutre que sont racontés des drames. L'autre voix est féminine ; elle donne un peu de perspective à l'histoire de Crulic.

   De prime abord, l'animation peut paraître rudimentaire, voire bâclée : cela ressemble à de la gouache. Mais l'auteure a mélangé les styles et les plans. Elle a inséré des photographies (surtout dans la première partie) et des effets numériques élaborés (comme cette soeur qui pleure, résumée à un oeil sur jupe qui finit par disparaître, sous l'effet de la douleur).

   La dernière séquence est un montage d'extraits de journaux télévisés traitant de l'affaire. On replonge dans le réel mais, finalement, c'est la fiction animée qui m'a paru la plus cruelle.

23:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

vendredi, 21 décembre 2012

Le Hobbit : un voyage inattendu

   On prend (presque) les mêmes et l'on recommence ! Peter Jackson remet le couvert pour ce qui semble être le premier épisode d'une nouvelle trilogie, dont l'action est antérieure à celle du Seigneur des anneaux. On retrouve donc Bilbon, Frodon (brièvement), Gandalf et certains elfes. Les véritables héros sont une troupe de nains (plus grands que les hobbits mais plus petits que les humains et les elfes) : je vous garantis qu'on a soigné les trognes !

   Mais 2h45, c'est long... d'autant plus que l'histoire peine à démarrer. (Il paraît qu'il existe une version longue d'environ 3h30...) C'est qu'il faut concilier plusieurs types de public : les fans des romans, qui connaissent déjà l'histoire, ceux qui, comme moi, n'ont pas lu les livres mais apprécié la première trilogie et le nouveau public, qui n'a peut-être même pas vu ces films à la télévision ou en DVD.

   Cela commence sur le registre comique. L'interprète de Bilbon jeune, Martin Freeman (remarqué dans le rôle du docteur Watson dans la mini-série Sherlock), adopte avec une aisance déconcertante la posture de la victime consentante, bonne pâte qui se fait manger la laine sur le dos... la laine, et le reste, puisqu'il doit accueillir une belle bande de pique-assiettes ! Merci, Gandalf ! Dit comme cela, cela donne l'impression que la séquence est hilarante, mais, franchement, c'est très convenu.

   L'intrigue suit le même schéma que celle de la précédente trilogie. Ce premier volet pourrait être appelé "La Communauté des nains". La petite troupe se constitue, se chamaille, se bagarre et marche dans la campagne néo-zélandaise, à l'image de ce que l'on a vu naguère.

   Visuellement, c'est réussi, mais je ne vois pas ce que la 3D apporte. De plus, par moments, l'image m'est apparue surchargée d'éléments. On ne distingue pas tout nettement, d'autant plus que les scènes d'action sont menées tambour-battant. On est à la limite du jeu vidéo (ce n'est pas un compliment).

   Sur le fond, on sent que Tolkien avait puisé dans l'Ancien Testament. Ce peuple autrefois puissant, avide de richesses, qui a été vaincu et qui est désormais condamné à l'errance n'est pas sans rappeler les Hébreux. (Les références sont plus nauséabondes dans la trilogie déjà adaptée au cinéma.)

   L'histoire est malgré tout prenante. J'ai aimé la présentation de la puissance puis du déclin du royaume des nains. J'ai surtout apprécié de retrouver Gollum, que Bilbon rencontre et auquel il va dérober son "précieux". Les scènes confrontant les deux hommes font partie des meilleures du film. Petit plaisir perso : l'introduction (parcimonieuse, hélas) de Cate Blanchett, sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise.

22:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 20 décembre 2012

L'Odyssée de Pi

   Ce nouvel Ulysse est un adolescent indien, dont le prénom a été choisi en référence à la piscine Molitor, à Paris. La première demi-heure est longuette, pas super bien jouée (ni doublée). Elle nous permet néanmoins de découvrir comment le garçon de l'ancien comptoir français de Pondichéry (où l'on enseigne encore la langue de Molière) a réussi à faire triompher le diminutif mathématique (Pi) sur les quolibets du genre "Pisseux".

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   Marquante est l'une des premières séquences à le mettre en contact avec le tigre. C'est l'occasion pour le père de donner une "leçon de vie" à ses fils. C'est aussi l'occasion pour le spectateur un brin attentif de se rendre compte que la réalisation manque parfois de rigueur : il est évident que le tigre n'a pas pu faire passer entre les barreaux le cadavre de sa proie, qu'il n'a pas encore dépecé.

   On retrouve cette négligence dans la séquence du naufrage. Il est vrai que, depuis le Titanic de James Cameron, la barre a été mise haut. Mais on se fout un peu de nous quand on laisse de côté la grande majorité des occupants du navire qui sombre et quand on évite de donner la cause de la catastrophe, quitte à ce que des enquêteurs japonais tentent de la découvrir plus tard. (C'est un procédé scénaristique - le lampshade hanging - récemment décrit dans une petite vidéo bien fichue mise en ligne sur le site du Monde.)

   La séquence nous met en contact avec un drôle de cuistot, sorte de beauf raciste incarné avec conviction par Gérard Depardieu. Dans la scène du repas, j'ai eu l'impression qu'il ne s'adressait pas au père du héros, mais à Jean-Marc Ayrault. Et pourtant, le cargo n'était pas en partance pour la Belgique...

   Arrive donc le naufrage. Moyen. Parfois invraisemblable, comme ce moment durant lequel le garçon est en suspension sous l'eau, face au navire qui coule, les lumières encore allumées.

   A partir du moment où il se retrouve dans le canot, en compagnie du tigre, le film devient presque bon. La relation ambiguë qui se noue entre le félin arrogant (très joli matou numérique) et l'ado maladroit est fouillée, intéressante. (J'ai bien ri quand il a été question de la délimitation du territoire de chacun. Le tigre - ici sans doute une tigresse - lui joue un petit tour façon Zarafa...) Les péripéties s'enchaînent, notamment en raison de la présence d'autres animaux. On sent la volonté de glorifier la nature, à travers ces scènes montrant l'océan, vu du dessus ou par en-dessous, de jour ou de nuit. Cependant, cela sent trop le montage numérique. J'ai pourtant vu le film en 2D, mais c'était parfois vraiment artificiel. Dommage.

   Bien que totalement invraisemblable, la séquence sur l'île végétale, peuplée de suricates, m'a beaucoup plu. Elle est formellement magnifique et riche de sens, sur le fond.

   Il reste que l'ensemble donne l'impression d'être un collage mal assemblé. Si j'étais mauvaise langue, je dirais que des producteurs en panne d'inspiration ont voulu réaliser un coup en puisant dans différents films à succès (Seul au monde, Slumdog Millionaire, Madagascar, Deux Frères, entre autres). Le résultat n'est pas très convaincant. Le mélange des civilisations et des mondes est un peu trop appuyé.

   Il n'aurait pourtant pas fallu grand chose pour que ce soit un grand film. Une demi-heure avant la fin, le héros adulte, qui raconte l'histoire, reprend son récit et en donne une autre version. Du coup, on se demande si tout ce que l'on a vu depuis le naufrage n'était pas mensonge ou fantasme. Malheureusement, ce filon n'est que trop peu exploité.

23:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

dimanche, 02 décembre 2012

Les Lignes de Wellington

   La compagne et collaboratrice de feu Raoul Ruiz (elle a procédé au montage des Mystères de Lisbonne) a repris son dernier projet de film. Cela donne une ambitieuse coproduction franco-portugaise, dont l'intrigue se situe pendant l'invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes, déjà présentes à l'époque en Espagne.

   Le fil rouge de l'histoire est la migration des civils portugais, qui fuient l'avancée des troupes françaises et les destructions opérées par les armées portugaises et britanniques, qui ont choisi de pratiquer la politique de terre brûlée, pour affaiblir l'envahisseur. L'objectif est de l'attirer au pied de fortifications réputées imprenables, construites dans le plus grand secret, au sud du pays, à l'initiative du général Wellington.

   On suit donc ces improbables colonnes de fuyards, mêlant aristocrates, bourgeois et gens du peuple, Portugais et Britanniques. Il y a ce mari épris de culture, qui recherche son épouse disparue. Il y a cette veuve anglaise, à laquelle un sous-officier portugais va s'attacher. Il y a les hommes de troupe (les personnages les mieux campés, à mon avis), qui entrent parfois en relation avec les infirmières (l'une d'entre elles interprétée -avec talent- par Elsa Zylberstein). Il y a cette jeune Anglaise volage. On n'a pas oublié les prostituées, ni les marchands. Certains saynètes sont croquignolesques, mais, globalement, l'accumulation lasse.

   Du coup, de temps à autre, on se réjouit de suivre un peu les Français. Hélas ! Ils sont systématiquement présentés sous un jour négatif. Et quand on se retrouve face à un trio d'acteurs bien de chez nous (Isabelle Huppert, Catherine Deneuve et Michel Piccoli), on apprend qu'ils incarnent des Suisses !

   Cete séquence est d'ailleurs à l'image du film : riche en promesses, s'appuyant sur une distribution prestigieuse, mal employée, et au final décevante. Le film pêche par la faiblesse de la direction d'acteurs. On a l'impression que la réalisatrice n'a pas osé se montrer trop directive avec ses comédiens... Le "métier" ne fait pas tout ! Et puis il y a ces scènes qui sont jouées comme du vieux théâtre filmé...

   Bref, en dépit de la présence de plusieurs moments savoureux, c'est dans l'ensemble assez maladroit et ennuyeux.

dimanche, 25 novembre 2012

Royal Affair

   Le titre aurait pu être traduit par "Liaison royale", mais cela aurait sans doute trop souvent évoqué le film d'Adrian Lyne (avec Michael Douglas et Glenn Close), pour le public francophone. L'intrigue s'inspire de l'histoire, méconnue, du médecin roturier allemand Struensee, qui devint le favori du roi du Danemark Christian VII (au XVIIIe siècle)... et l'amant de la reine Caroline. Le médecin n'était pas qu'un jouisseur : il tenta de moderniser le royaume.

   Ce film réussit l'exploit de tout aborder sans jamais paraître pesant. On a donc droit à une belle reconstitution historique, les messieurs bien cintrés dans leurs costumes et les dames à la poitrine impeccablement mise en valeur par leurs robes. On nous fait toucher du doigt les grandes inégalités sociales dont souffre le royaume. On sent le poids du puritanisme protestant.

   Les spectateurs français découvriront peut-être l'aura dont jouissaient les philosophes des Lumières jusqu'en Europe du Nord... chez les esprits éclairés. C'est un livre de Jean-Jacques Rousseau qui va enclencher la liaison entre la reine et le médecin... et celui-ci, devenu régent du royaume, recevra une lettre de Voltaire, ravi de la nouvelle politique suivie par le gouvernement.

   Mais c'est d'abord une histoire d'amour. La jeune Anglaise, encore adolescente, cultivée, croit que son royal époux sera le prince charmant qu'elle attend depuis toujours. Très dur est le retour sur terre, avec un époux à moitié dingue, jaloux de l'envergure intellectuelle de sa nouvelle jeune femme (qu'il va finir par appeler "maman" !), qui doit se soumettre aux aspects les moins reluisants de l'étiquette royale. Une fois la transmission de la couronne assurée, le souverain va d'ailleurs rapidement retourner dans les bras des prostituées (un monde dont le film trace hélas un portrait quasi enchanteur...).

   Le deuxième choc dans la vie de Caroline d'Angleterre est la rencontre de Struensee, qui la fascine de plus en plus. De son côté, le libertin contestataire, auteur de pamphlets contre la monarchie absolue et les privilèges, opposé au mariage, se rend compte qu'un sentiment inconnu est en train de naître en lui.

   Les acteurs sont excellents. La jeune Alicia Vikander est à la fois délicieuse et touchante en femme amoureuse et attachée au progrès. Mads Mikkelsen, que j'avais découvert dans Les Bouchers verts, a fait du chemin depuis. Il faut aussi signaler la performance de Mikkel Boe Folsgaard, dans le rôle du roi fantoche. Les autres acteurs sont tout aussi épatants.

   On regrettera toutefois que le réalisateur ne se concentre que sur les "élites" (et leur rivalité), le peuple étant montré comme une masse informe, manipulable, dont on sent néanmoins la réprobation à travers le silence qui accueille une exécution.

22:21 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film

samedi, 24 novembre 2012

Beautiful Valley

   Ce film israélien (connu aussi sous le titre Le Jardin d'Hanna) fait se percuter deux mondes : celui dans lequel ont grandi des personnes âgées, des pionniers de l'Etat juif, et celui dans lequel la population vit aujourd'hui, furieusement néo-libéral, consumériste et hyperindividualiste.

   On l'a peut-être oublié, mais parmi les fondateurs de l'Etat d'Israël, nombre de personnes avaient des convictions marxistes. Les kibboutzim ont été la traduction agricole de l'utopie sioniste de gauche. On en perçoit seulement l'écho dans le restaurant communautaire et les témoignages filmés que visionne l'héroïne, Hanna.

   Celle-ci, très âgée (80 ans environ), est veuve. Elle vit seule, même si sa fille habite le même kibboutz, qu'elle dirige d'ailleurs. Bien qu'à la retraite, Hanna ne peut s'empêcher de travailler. Comme on essaie de l'en dissuader, c'est de nuit qu'elle retourne sur l'exploitation agricole. Elle persiste aussi à s'investir dans les oeuvres collectives, qui n'intéressent plus grand monde. Du coup, sa vie tourne en rond ; elle ne fréquente pratiquement plus que d'autres vieillards. Seule une jeune femme, en passe d'effectuer son (rude) service militaire, semble trouver grâce aux yeux d'Hanna. La patriarche lui offre l'expérience, la douceur et le réconfort que la société moderne ne lui apporte pas.

   Attention toutefois avant de vous décider à aller voir ce film. Si les paysages sont magnifiques, c'est souvent montré en plan fixe et le rythme est à l'image du déplacement de la majorité des personnages : très lent. Si l'on supporte cela, on appréciera.

vendredi, 23 novembre 2012

Augustine

   Même si la (talentueuse) réalisatrice, Alice Winocour, cite plutôt Lynch et Cronenberg comme références, après avoir vu le film, il est évident que son œuvre est apparentée à L'Enfant sauvage (de Truffaut) et à Vénus noire (de Kechiche).

   Tirée de faits réels, l'histoire met en scène une lutte des classes (des femmes pauvres exploitées par la grande bourgeoisie française de la fin du XIXe siècle) et une lutte des sexes (des femmes malades traitées comme des objets par des médecins hommes).

   Il faut voir comment, dans la première partie du film, la servante est considérée par les participants au repas : c'est un être qu'on ne regarde (quasiment) pas, tant qu'il exerce ses fonctions. On est bien obligé de le regarder, de le considérer quand la crise d'hystérie se déclenche... mais l'on sent que les convives ont l'impression de se trouver au zoo.

   Les médecins de La Salpétrière sont un peu plus respectueux, mais Augustine est d'abord un sujet d'étude parmi tant d'autres. Dans le rôle titre, Stéphanie Sokolinski (alias Soko) est formidable. Les autres femmes (certaines de réelles malades de notre époque) sont aussi très bien campées. Face à elles se trouvent deux principaux médecins, incarnés avec talent par Olivier Rabourdin et Vincent Lindon (pourtant pas le premier choix pour le rôle de Jean-Martin Charcot).

   C'est ce dernier qui remarque Augustine. Se noue alors une drôle de relation, marquée par l'ambiguïté. Augustine considère Charcot comme son sauveur et transfère sur lui son énergie sexuelle inemployée. Charcot se montre plus humain que d'autres, mais reste globalement distant. Il veut se servir de cette patiente peu ordinaire pour faire progresser ses recherches... et sa carrière. Petit à petit, il se rend compte que les choses sont plus compliquées que prévu.

   Le film restitue les arcanes du monde médical et rend palpable la tension sexuelle refoulée. Soko est impressionnante lors des scènes de crise. La réalisatrice a su choisir les moments où le gros plan s'imposait (dans l'examen du corps) et ceux où il fallait élargir le regard. Certains mouvements de caméra (comme au début, lors de l'entrée d'Augustine en cuisine, peu avant la première crise) témoignent d'une habileté déjà grande. Voilà une réalisatrice à suivre.

19:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 22 novembre 2012

Stars 80

   J'ai longtemps hésité avant d'aller voir ce film. Je m'étais dit que cela devait être une nouvelle comédie lourdingue à la française, jouant outrageusement sur le voyeurisme ("Regarde comme ils ont vieilli !" ou "Elle a raté son lifting, celle-là !"). Ou bien, cela risquait de se limiter à une suite de reprises de vieux tubes...

   ... Eh bien j'avais tort !

   C'est d'abord un vrai film, qui commence par une séquence très réussie, en prison, avec un générique plutôt malin. On se demande vraiment ce que viennent faire ces deux gueules cassées là-dedans. Ces deux quinquas blancs, mal rasés, grands cernes sous les yeux, sont accueillis par un gardien Black (joli retournement de cliché). On finit par s'apercevoir qu'ils sont là pour une tout autre raison... et on finit par comprendre qu'ils n'auraient même jamais dû venir !

   Le duo Anconina-Timsit fonctionne très bien. Le premier en fait peut-être un peu trop. Il est à l'image des chanteurs qu'il tente de faire remonter sur scène : c'est une sorte de has been, un ancien jeune, qui a connu son heure de gloire, mais dont le talent a brûlé comme une chandelle.

   La séquence chez le producteur, qui les éconduit ironiquement, est aussi un petit bijou. Vient donc le moment de constituer l'équipe qui va tourner dans toute la France. Il faut retrouver les anciennes vedettes. Certaines ont totalement disparu de la circulation. D'autres vivotent, sans plus. Quelques-unes ont gardé un peu de leur aura passée... mais rien qu'un peu. Ces chanteurs font souvent preuve d'auto-dérision. J'ai adoré la séquence "mafieuse", dans le club de Jean-Luc Lahaye (en excellente forme physique, pour le plus grand bonheur de ces dames).

   Le tournant du film est le repas qui suit le premier concert, raté. Loin du strass et des paillettes, la chanson populaire française revit autour d'une table où des amitiés se nouent. C'est touchant et on prend plaisir à réentendre certains refrains.

   La suite est une sorte de success story. Dans le groupe de départ, on trouve Jean-Pierre Mader, qui assure, avec simplicité, le groupe Images et les Début de Soirée, que le duo de producteurs est allé chercher au fin fond d'un sordide kébab. Mais voilà que les deux producteurs se fâchent, alors que le triomphe est à portée de mains.

   Pendant ce temps-là, les artistes redécouvrent la grande vie. Le public afflue. Les salles sont plus grandes, les hôtels plus luxueux... et les cachets plus élevés. Une nuit, la libido de ces quinquas et sexagénaires se réveille. Et voilà le chanteur de Cookie Dingler qui nous la joue Kim Basinger (dans 9 semaines et demi)... un moment d'anthologie. Dans le même temps, Peter et Sloane, que la vie avait séparés, se rabibochent. Jean-Luc Lahaye, qui a fini par rejoindre le groupe, s'adonne à de drôles de jeux avec ses groupies... Mais la question qui taraude les insomniaques pas occupés à copuler est la suivante : qui peut faire jouir aussi bruyamment la pulpeuse Sabrina (toujours aussi bien gaulée, mamma miaaa !) ?

   L'apothéose se produit au Stade de France, avec le retour de Jeanne Mas, aussi fragile qu'auparavant... et d'un Gilbert Montagné débarqué des États-Unis, où Anconina et Timsit l'avaient retrouvé des mois auparavant, pianiste expressif dans un temple protestant, dans une séquence digne des Blues Brothers !

   Bref, c'est drôle, entraînant et fort agréable à suivre, en dépit d'effets un peu trop appuyés.

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mercredi, 21 novembre 2012

Looper

   Ce polar de science-fiction louche sur Terminator et surtout L'Armée des douze singes (et donc aussi La Jetée, de Chris Marker). Le scénario en est clairement inspiré (parfois un peu trop). Bruce Willis fait le lien au niveau de la distribution et certaines scènes contiennent comme des clins d'oeil.

   Dans un futur proche, aux Etats-Unis (évidemment !), de jeunes tueurs à gages liquident les types qu'on leur envoie d'un futur encore plus éloigné (dans lequel il n'est plus possible de se débarrasser discrètement des gêneurs). Ils se paient en récupérant les lingots d'argent fixés au dos des victimes. Ils savent que leur contrat est terminé quand ils découvrent un max de lingots en or au dos de la dernière victime, leur alter ego du futur. Voilà qui boucle la boucle (loop). Ils peuvent profiter de la vie pendant 30 ans, sachant qu'on viendra un jour les chercher pour éliminer toute trace des exécutions.

   Comme Joe, le héros (du futur lointain), est incarné par Bruce Willis, on se dit qu'il ne risque pas de se faire zigouiller dans le premier quart d'heure... et l'on a raison ! Mais cela perturbe toute l'organisation, celle de 2044 et celle de 2074. L'espace-temps se tord, les souvenirs se modifient. On peut s'amuser à réfléchir aux changements qu'implique chaque acte nouveau de l'un des personnages principaux.

   On peut aussi se laisser aller à apprécier un bon film d'action, où les tueurs à gages manient le tromblon et les hommes de main du chef de gang des révolvers dotés d'un canon imposant... La réalisation est nerveuse, très au point au niveau des poursuites et des combats. Certaines scènes sont même impressionnantes, comme celle qui voit un échappé du futur subir les conséquences immédiates des tortures infligées à son alter ego plus jeune de 30 ans. D'un point de vue technique, c'est du niveau d'un bon Photoshop... mais c'est puissant cinématographiquement parlant !

   Les femmes jouent un rôle secondaire dans l'histoire... jusqu'à ce que le jeune Joe rencontre cette mère de famille, seule avec son fils (mais s'agit-il de son fils ?) au fin fond de la campagne. Emily Blunt (entrevue dans La Guerre selon Charlie Wilson) est épatante dans ce rôle ambigu de fausse femme forte et mère-courage, qui semble connaître beaucoup de choses pour une paysanne du Kansas... (Elle a un petit quelque chose d'Uma Thurman.) Notons aussi la performance du gamin, Pierce Gagnon, un acteur (en herbe) à suivre.

   Le rythme s'accélère à nouveau dans la dernière partie du film... et cela se termine par une boucle dans la boucle, une astuce scénaristique qui a perturbé beaucoup de monde. Si les élucubrations de fans plus ou moins inspirés vous intéressent, vous pouvez vous rendre sur un site spécialisé. (Cela part vraiment dans tous les sens !) De manière plus rationnelle, le réalisateur Rian Johnson a donné quelques clés pour mieux comprendre le film... A ne lire qu'après l'avoir vu !

   P.S.

  En France, certains critiques ont glosé au sujet d'un détail : dans la version originale, le héros apprend le français, alors que les "vieux" lui recommandent de se mettre au mandarin et de se rendre à Shanghaï, plutôt que dans la "vieille Europe". Dans la version doublée en français, le jeune Joe apprend... l'italien et envisage de se rendre à Florence (ville dont le nom a l'immense avantage de faire bouger les lèvres d'une manière assez proche de celles qui prononcent "France")...

18:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film

lundi, 19 novembre 2012

Une Famille respectable

  Un prof entre deux âges, parti jadis faire ses études à l'étranger, revient donner des cours dans une fac iranienne, celle de Chiraz, située assez loin de Téhéran :

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  On sent qu'il n'est pas un chaud partisan du régime des mollahs... mais il doit prendre des précautions. Son père, qui a jadis répudié sa mère pour se mettre en ménage avec une autre femme, dont il a eu un autre fils, cherche à le voir.

   Le héros évolue entre son demi-frère (avec lequel il était fâché), son neveu (si serviable, et dont la mère... est l'ancienne amoureuse du héros !), ses étudiants et sa mère. Celle-ci, recluse mais apaisée, ne veut plus entendre parler du passé, et surtout pas toucher le moindre argent du mari indélicat, même par héritage interposé. Et pourtant... une véritable fortune est en jeu. Du coup, dans ce régime hyper-moralisateur, l'art de la dissimulation est poussé à un haut degré.

   Des retours en arrière sont chargés de nous rappeler les contentieux du passé. Mais, comme le pays, les gens ont changé depuis. Le héros ne le comprend pas... et réalise trop tard qu'il est tombé dans un traquenard.

   Faites très attention à la séquence du début, tournée en partie en caméra subjective. Elle est située dans le troisième quart de l'histoire. La suite est en fait l'explication des circonstances qui ont abouti à un enlèvement.  On savoure la complexité de l'intrigue, digne d'un polar occidental.

   La réalisation est sobre. C'est au niveau du montage qu'un gros travail a été fait. On sent qu'il a fallu déployer beaucoup d'habileté pour contourner la censure iranienne. Le spectateur attentif y lira une critique acerbe du régime des mollahs, à travers notamment le cas des jeunes hommes envoyés à une mort certaine lors de la guerre contre l'Irak. On pourrait dire aussi beaucoup de choses de cette gamine ravissante devenue une mère complexée, obsédée par la pureté.

   Si vous avez aimé Une Séparation ou encore Les Chats persans (réalisés par d'autres talentueux cinéastes), vous pouvez vous laisser tenter par ce film au titre en forme d'antiphrase.

samedi, 17 novembre 2012

Le Jour des corneilles

   C'est un (superbe) dessin animé français, qui puise à la fois dans la tradition du conte à l'européenne et dans l'imaginaire de créateurs comme Hayao Miyazaki. L'animation est le résultat du travail d'une équipe franco-belbo-luxembourgo-canadienne.

   L'histoire commence un soir d'orage. Un géant porte un enfant, qu'il se dépêche de cacher dans la forêt. (Cela nous vaut une première scène virtuose, dans un terrier, avec le bébé qui tente de téter une sorte de grosse belette ou de femelle castor.) L'enfant est ensuite récupéré par le géant, qui va l'élever à la dure... lui interdisant de sortir de la forêt, sous peine de disparaître pour toujours.

   Mais... le gamin est curieux... et son père va avoir un accident. A partir de là, l'histoire s'emballe.

   Le titre n'est peut-être pas très bien choisi : les corneilles n'interviennent que dans la deuxième partie du film. Mais elles vont jouer un rôle dans la relation entre le garçon et Manon, la fille du médecin (à qui Claude Chabrol a prêté sa voix, peu de temps avant de mourir).

   Pour moi, ce sont les deux morceaux du film qui se déroulent dans la forêt qui sont les plus réussis. Un grand soin a été apporté au paysage végétal, ainsi qu'aux mouvements des personnages, notamment des animaux. Il y a donc le début, avec la vie autarcique du géant et du garçon. La scène de chasse est brillante. Moins clinquantes, mais magnifiques visuellement, sont les scènes qui voient le garçon dialoguer avec d'étranges personnages, à corps humain tête d'animal. Il rencontre un chat forestier, une biche, un crapaud... Le mystère ne sera expliqué que dans le dernier quart du film.

   Le passage par le village est l'occasion de stigmatiser la bêtise d'une partie des habitants. On en apprend un peu plus sur le passé du géant. C'est surtout le lieu de la rencontre entre le garçon et Manon. Tout ce petit monde va se retrouver dans la maison du médecin, l'hôpital n'étant pas adapté au séjour d'un géant récalcitrant !

   Le retour dans la forêt va donner la clé de l'énigme aux spectateurs qui n'auraient pas encore deviné. On aboutit à une séquence magnifique, dans un recoin secret, avec ce superbe personnage muet de la femme-biche. Mais l'orage approche. Une dernière transformation va faire rebondir l'histoire...

   P.S.

   Le site internet mérite vraiment le détour.

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jeudi, 08 novembre 2012

Skyfall

   Il faut attendre un petit moment avant de comprendre ce que désigne le titre : le manoir familial des Bond, censé se trouver en Ecosse (petit clin d'œil à Sean Connery). On en a une prévision dans le générique de début, un bon clip vidéo (sur la chanson d'Adele) qui brasse fantasmes du héros, événements passés et projections dans le futur de l'histoire.

   Et c'est parti pour 2h25 d'action et de glamour, avec quelques pincées d'humour. La première séquence, tournée en Turquie (notamment à Istanbul) est un pur moment de bonheur. J'ai trouvé la poursuite en moto encore meilleure que celle mise en scène par Spielberg dans Tintin et le secret de la Licorne. Plus loin dans le film lui répondent les péripéties dans les sous-sols de Londres. Entre les deux, j'ai été marqué par l'assassinat du notable chinois (et les retrouvailles de Bond et du tueur à gages), dans cet immeuble aux parois vitrées. C'est moins spectaculaire que les deux séquences dont je viens de parler, mais on sent qu'il y a eu un gros travail de mise en scène et de gestion des reflets.

   Au niveau du casting, c'est tip-top. Daniel Craig est une version moderne de Sean Connery très convaincante. Face à lui, Javier Bardem est épatant en méchant blond à la sexualité interlope... ce qui interroge d'ailleurs celle de son adversaire ! Maiiiiiiiiiiiiiiiiis noooooooooon, James est un hétéro sévèrement burné, inconsolable de la perte de son aimée dans Casino Royale (incarnée il est vrai par la superbe Eva Green).

   Que les fans tradis se rassurent : les scénaristes ont mis dans les pattes de James une brochette de dames bien gaulées et pas farouches, de la compagne cachée du héros dans sa retraite asiatique à sa collègue du MI6 (incarnée par Naomie Harris, la nouvelle Halle Berry ?) en passant par la sulfureuse Frenchie Bérénice Marlohe, qui, lors de la séquence se déroulant dans un casino de Macao, porte une robe de chez robe :

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   Côté gonzesses, Judi Dench ("M") est aussi épatante, même si elle a plus de rides.

   Les autres personnages masculins sont un peu étouffés par le duo Craig-Bardem. Signalons toutefois l'apparition d'un nouveau "Q", un geek un peu trop sûr de lui (Ben Whishaw) et l'introduction d'un parlementaire (incarné par Ralph Fiennes) destiné à un grand avenir.

   L'accumulation des qualités rend le spectateur indulgent pour les quelques défauts. On nous ment quand on nous fait croire que le bateau emporte Bond et sa nouvelle conquête de Macao vers une île chinoise : en réalité, la séquence suivante a été (en partie) tournée au Japon, à proximité de Nagasaki, sur l'île d'Hashima :

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   De plus, le méchant est un peu trop machiavélique, il a tout prévu et organisé des mois à l'avance. Comme lorsque Bond évite (presque) toutes les balles, on est au bord de la vraisemblance. Mais ne boudons pas notre plaisir et, calé dans un bon fauteuil, dans une grande salle, profitons du spectacle.

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lundi, 05 novembre 2012

La Pirogue

   C'est un film sénégalais, dont l'intrigue tourne autour de l'émigration vers l'Europe. Francophonie oblige, il est question de la France comme destination, même si une partie des passagers vise l'Espagne. Leur objectif est d'ailleurs d'atteindre d'abord les Canaries, dépendance espagnole située dans l'océan Atlantique :

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   On est cueilli dès le départ par un combat de lutteurs, de sa préparation à ses conséquences, en passant par l'affrontement, très bref finalement.

   Le réalisateur brosse un portrait bigarré des Africains, ici Sénégalais et Guinéens, appartenant à diverses ethnies. Les tensions naissent plutôt entre les générations, ou entre les "traditionnels" (plutôt enclins à rester au pays) et les "modernes" (fascinés par l'Occident, qui pensent que l'herbe sera plus verte pour eux "là-bas", en Europe). On mesure l'écart entre le mode de vie traditionnel et ce que les gens perçoivent de la société de consommation. On remarque la place inférieure qui est en général laissée aux femmes (mais l'une d'entre elles va bousculer les certitudes trop bien ancrées).

   Mais pour atteindre les Canaries vivants, les passeurs (et leurs passagers) ont besoin d'un bon pilote. Un pêcheur, réticent au départ, va jouer ce rôle, plutôt dans l'objectif de veiller sur deux jeunes qui sont du voyage.

   La deuxième partie du film décrit le périple de l'équipage, ses rencontres, ses tensions, avec notamment le cas de cet homme (très attaché à sa poule) qui n'avait jamais vu la mer et qui empêche tout le monde de dormir. La réussite, au niveau de la mise en scène, est d'avoir transformé ce bateau en théâtre d'un formidable huis-clos.

   Vont-ils arriver à bon port ? Combien vont rester en vie ? Je vous laisse le soin de le découvrir.

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vendredi, 02 novembre 2012

Frankenweenie

   Tim Burton revient à ses premières amours, un court-métrage sorti en 1984 (et déjà produit par Disney), revu et corrigé en film d'animation, dont le style et l'ambiance ne sont pas sans rappeler d'autres œuvres du maître : L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Les Noces Funèbres, mais aussi Beetlejuice, Edward aux mains d'argent et Sleepy Hollow. Comme certains critiques l'ont relevé, Tim Burton pratique l'autocitation. Il rend aussi hommage aux films d'épouvante qui ont marqué sa jeunesse, comme Frankenstein ou Godzilla. (Il fait aussi référence à des œuvres plus récentes, comme Critters par exemple.)

   C'est un (nouveau) superbe noir et blanc, dont les personnages principaux (des enfants) évoquent le style "gothique" auquel on a eu un peu trop tendance à résumer Tim Burton. On est surtout loin des Blancs blonds et bronzés, emblèmes des WASP.

   C'est visible par les grands, les ados pas cons... et les (pas trop) petits qui ont déjà vu (et apprécié) du Burton. (Dans la salle où je me trouvais, un papa avait emmené son fils de 5-6 ans. Le gamin a suivi tout le film sans pratiquement jamais broncher.)

   Le héros est un chien, Sparky, une sorte de bull terrier. Vivant comme ressuscité, il est moche, mais il a un je-ne-sais-quoi qui le rend très attachant. C'est l'une des réussites de ce film que d'avoir donné vie ce personnage. Son maître est un garçon introverti (double de Burton), qui va jouer à l'apprenti-sorcier. On goûtera le tableau familial, très années 1950, avec femme au foyer.

   La petite ville est peuplée d'adultes perçus comme plutôt menaçants (alors que ce sont tous des "gens biens", selon les critères de la morale dominante). Se distingue le maire, maniaque de son jardin (des fleurs surtout). Sa fille est une amie de Victor... et son caniche femelle va s'enticher de Sparky.

   Au portrait d'une banlieue aisée se superpose une tranche de vie scolaire. Les gamins ont l'air de s'ennuyer ferme, en général, et ils sont très durs les uns envers les autres. Seul le professeur de sciences sort de l'ordinaire. Le concours de projets va mettre le feu aux poudres.

    Cela se conclut lors de la fête de la Hollande. Les monstres ressuscités par les enfants (sauf Sparky) se déchaînent et il faudra bien des efforts à nos héros pour en venir à bout. Notons que la toute fin est optimiste.

   A ceux qui trouveraient que l'ambiance risque d'être lugubre, je répondrais que le réalisateur a parsemé son film de pointes d'humour potache, comme la scène qui voit un bébé hurleur se faire enfourner par sa maman la tétine (tombée par terre) que vient de lécher Sparky. J'ai aussi aimé les cacas alphabétiques du chat de l'une des gamines, ainsi que l'explosion des singes fouteurs de merde.

19:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

jeudi, 01 novembre 2012

Sous la ville

   "Encore un film sur l'extermination des juifs !" vont dire certains. Et pourtant... cette histoire-là n'a encore jamais été mise en scène... et elle est vraie ! Plus de 60 ans après, on continue à découvrir des choses sur cette période tragique.

   Ce superbe noir et blanc se déroule essentiellement dans les égouts de la ville de Lvov (ou Lwow ou Lviv selon la langue de la personne qui s'exprime). Cet endroit repoussant va servir de refuge à un groupe de juifs qui ont échappé à la liquidation du ghetto. Tous ne vont pas survivre.

Ghettos.jpg

   Les éclairagistes et le chef opérateur ont fait du bon boulot : ils ont installé l'ambiance obscure à l'écran tout en permettant au spectateur de tout distinguer. Ceci dit, je me demande ce que cela peut donner sur un écran de télévision... (ALLEZ VOIR LES FILMS EN SALLE !)

   Toujours dans un souci de réalisme, on a fait s'exprimer les acteurs dans les langues parlées à l'époque : polonais, ukrainien, allemand, yiddish, russe. Cette cacophonie des sonorités peut déconcerter de prime abord, mais on s'habitue vite.

   On peut penser que ce long-métrage n'a pas été réalisé que pour témoigner d'événements extraordinaires. Il a aussi pour but de réconcilier juifs et catholiques polonais, dont les relations ont été marquées au mieux par l'incompréhension, au pire par l'hostilité. C'est bien que ce film ne cache ni n'atténue ces tensions-là.

   L'histoire est aussi attachante parce que celui qui va devenir un héros est d'abord un salaud : l'égoutier Leopold Socha cambriole ici ou là puis, lorsqu'il décide d'aider les fugitifs, se fait payer. La guerre qui a déshumanisé tant de personnes va le grandir. Il devient presque un saint. En 1978, il sera reconnu "Juste parmi les Nations".

   Face à lui, le groupe de juifs n'est pas présenté comme une masse informe de victimes innocentes. Ce sont des êtres humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Chacun tente de mener sa vie. On s'aime, on se déchire, on se trompe. (Il arrive d'ailleurs à une femme et sa fille une histoire semblable à ce qui est évoqué dans Un Secret.) Des couples font l'amour. On assiste même à un accouchement (sordide). Je regrette toutefois une tendance au mélodrame... à laquelle il est peut-être difficile d'échapper, vu le contexte.

   Au passage, la réalisatrice souligne le rôle des collaborateurs ukrainiens (on en avait aperçu aussi dans le film de Roman Polanski, Le Pianiste)... et ne cache pas qu'à la mort de l'égoutier (après la guerre), il s'est trouvé des personnes pour affirmer qu'il avait été puni pour avoir aidé les juifs.

   Reste que ces 2h25 sont assez éprouvantes. C'est long, peut-être parfois un peu répétitif. Ce n'est donc pas pour moi un grand film, mais une oeuvre à découvrir.

   P.S.

   Invitée de l'émission Cosmopolitaine (le 14 octobre dernier), la réalisatrice Agniezka Holland évoque la Pologne de l'époque. (On notera toutefois que, dans ses propos, elle distingue les juifs des "Polonais" et des "Allemands"...)

Traviata et nous

   C'est un documentaire, étrange, qui narre la genèse d'un opéra, La Traviata (de Verdi), tel qu'il a été représenté à Aix-en-Provence, en 2011.

   Je précise tout de suite que je ne suis pas un fan d'art lyrique. Je n'ai même jamais assisté à une représentation. Je n'en ai jamais vu qu'à la télévision... et j'imagine combien les effets étaient atténués.

   Les non-initiés seront d'abord surpris de voir répéter les artistes "en civil", en blue jeans, baskets voire nus-pieds. Une fois que les codes de base sont maîtrisés, que la mise en scène est fixée, on les retrouve en costumes (avec plusieurs versions).

   Le metteur en scène est justement l'un des "personnages" du film. Jean-François Sivadier (que l'on voit avec deux paires de lunettes différentes... aurait-il cassé les premières ?) fait rire par sa maîtrise approximative de l'anglais ; il étonne par ses choix mais, quand on les voit appliqués, on se rend compte de leur pertinence. Et, comme l'on a eu l'obligeance de sous-titrer (y compris les parties chantées), le non-initié comprend tout ! L'opéra n'est plus uniquement cette performance de voix exceptionnelles. C'est aussi du théâtre.

   On découvre donc les voix, au travail. Comme cela se passe lors des répétitions, les artistes ne se donnent pas à fond... Ils sont pourtant impressionnants. Le film se concentre bien entendu sur Natalie Dessay, la célèbre soprano (qui possède un site internet). Cela ne se justifie pas uniquement en raison de son talent (dont un aperçu est visible ici). Elle a une forte personnalité, de l'humour, ce qui transparaît dans le film. (Pour la découvrir, je recommande l'émission Eclectik, dont elle fut invitée le 21 octobre dernier.) Le contraste est même saisissant entre la chanteuse, plutôt expansive, et le metteur en scène, plutôt dans la retenue. Mais le courant passe.

   Concernant les autres chanteurs, j'ai remarqué qu'en plus d'avoir une belle voix, ceux qui incarnent les personnages principaux sont d'un physique agréable. Un spectateur attentif remarquera que les choeurs sont composés de personnes au physique plus disgracieux ou de jeunes chanteurs. En tout cas, il ressort des scènes où ils interviennent qu'ils ont du talent. On peut faire la même remarque à propos des musiciens, capables de s'adapter rapidement aux exigences du chef d'orchestre, Louis Langrée. Ce Français, dont l'anglais est plus sûr que celui du metteur en scène, a vraiment le physique de l'emploi ! ;)

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   J'ai aussi aimé le passage qui met en valeur la pianiste (qui chante très bien). De manière générale, le film ne laisse pas à l'écart les "petites mains" du spectacle. La première scène leur est même consacrée.

   Concernant le jeu, j'ai trouvé que c'est avec celui qui incarne Giorgio Germont (le père) que Natalie Dessay "fonctionne" le mieux (pour le peu qu'on en voit). Il semble qu'il ait fallu davantage travailler la relation amoureuse entre Violetta et Alfredo.

   Résultat ? Le documentaire donne envie de voir l'opéra.

   Mission accomplie ?

mercredi, 31 octobre 2012

César doit mourir

   Deux papys du cinéma italien, les frères Taviani, ont choisi de se renouveler en passant au documentaire carcéral. Les voici donc dans une prison italienne de haute sécurité, située près de Rome. Y sont incarcérés des durs de durs, des assassins, certains de la Mafia ou de la Camorra. Un dramaturge tente d'y promouvoir le théâtre. Les cinéastes proposent d'adapter une pièce de Shakespeare, Jules César.

   Le film commence par la scène finale, où un oeil exercé aura bien du mal à deviner que la représentation a lieu en prison. Puis, l'on passe au noir et blanc et au récit de l'aventure qui a conduit à ce petit exploit.

   Cela commence par la sélection des comédiens, des détenus, qui vont se révéler en général très bons acteurs. Le film ne rend malheureusement que partiellement compte du travail qu'ils ont dû fournir pour en arriver là.

   L'essentiel de l'action est composée des répétitions, qui ont lieu en différents endroits de la prison, à cause des travaux dans la salle de spectacle. Ces hommes jouent avec leurs tripes et se rendent compte que l'auteur élisabethain avait bien saisi l'âme humaine, celle du XVIIe siècle, bien sûr, mais aussi celle du XXIe. Le noir et blanc renforce l'impression d'interpénétration des époques. A certains moments, on ne sait plus si les détenus jouent la pièce ou leur vie.

   Notons que c'est parfois assez drôle. Certains des acteurs ont de fortes personnalités ; ce sont de "bons clients" pour une caméra. La situation peut être cocasse, comme lorsque le metteur en scène demande à chacun de s'exprimer dans son dialecte et que l'un des détenus prend la peine de préciser que tel mot est le même qu'en italien ! (Un autre demande si ce n'est pas trop grave s'il ne parle aucun dialecte !)

   Pour les besoins du film, certaines scènes ont été rejouées, comme la dispute (qui a vraiment eu lieu) ou les réflexions des gardiens, subitement passionnés par la pièce (en particulier l'attitude de Marc-Antoine, qui semble bien vite s'accommoder de l'assassinat de son mentor César). C'est plus évident à la toute fin, quand l'un des prisonniers en vient à reprocher aux cinéastes de lui avoir trop ouvert l'esprit. Tout est vrai, mais on a préféré (on a dû ?) en passer par la réécriture.

   Cela n'enlève qu'un peu de mérite à un film passionnant et vibrant.

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mardi, 30 octobre 2012

God Bless America

   Non, non, non, je ne suis pas tombé dans l'américanophilie béate, à l'image de certains de nos hommes politiques et de leurs alliés commentateurs patentés. Je suis tout simplement allé voir l'un des films les plus jouissifs de l'année.

   Le héros est un antihéros. On vient de lui diagnostiquer un cancer. Sa femme (qu'il semble aimer encore) l'a quitté et il voit petit à petit sa fille s'éloigner de lui... et devenir une petite garce capricieuse. Au boulot, ça se dégrade, d'autant plus qu'il ne supporte pas les conversations de ses collègues, dont le temps de cerveau disponible est consacré à écouter des radios populistes et à regarder des émissions débiles à la télévision. Si vous ajoutez à cela des voisins franchement crétins, qui lui pourrissent la vie, vous comprendrez que le gars, au bout d'un moment "pète les plombs".

   Le réalisateur nous dresse donc le portrait uniquement à charge d'une Amérique décadente, où l'intelligence est ringardisée par le clinquant, où le civisme est étouffé par l'égocentrisme et la volonté d'humilier. (La petite futée du fond qui dit que la France a furieusement tendance à se rapprocher de cette image idyllique a toute ma considération.)

   Au départ, Frank (incarné avec talent par Joel Murray... oui, le frère de Bill) n'ose pas passer à l'acte. Cela nous vaut deux belles scènes fantasmées, l'une d'entre elle étant la plus "gore" du film... et celle qui respecte le moins de tabous. (Il est question d'un enfant... gémissements indignés dans la salle !)

   Un événement se produit qui lui fait franchir le pas. Et, à partir de là, ça va chier ! Ah oui, j'avais oublié de préciser : une scène de boîte à chaussures nous fait comprendre que Frank a un passé militaire (il a même été décoré) ; je penche pour la Guerre du Golfe (celle de 1990-1991). Figurez-vous que le gars est un excellent tireur.

   Après, c'est du pur bonheur. Notre justicier va s'en prendre aux "vedettes" de la télé-réalité (et aux parents putassiers de l'une d'entre elles), aux intégristes chrétiens, aux ultralibéraux... bref à une brochette de gens éminemment sympathiques. Il va être aidé en cela par une adolescente en rupture (Tara Lynnne Barr, excellente). Un lien très spécial se noue entre les deux inadaptés, mais chacun cache quelque chose à l'autre.

   L'humour est évidemment présent dans les scènes de "dézingage"... pas forcément à la gloire du tueur, qui n'arrive pas à faire exploser la voiture de la greluche de télé-réalité et dont l'arme s'enraye un peu plus tard... Heureusement que son "assistante" veille au grain !

   Pour le cinéphile que je suis, l'un des meilleurs moments voit le duo régler son compte à un groupe de djeunses arrogants et mal élevés, dans un cinéma qui projette un documentaire sur la guerre du Vietnam. Aaaaaaaaaaaaaaaah, que c'est bon de voir s'écrouler ces triples cons qu'on rencontre parfois en salle, ces abrutis qui imposent leurs commentaires pendant le film, quand ils ne bouffent pas bruyamment (et salement : il suffit de voir l'état de la rangée après leur passage...), ces décérébrés incapables de passer deux heures sans allumer leur téléphone portable !

   Bref, j'ai kiffé à donf', même si je suis conscient des limites du film. Le héros ne voit pas d'autre solution que le meurtre (mais uniquement de personnes "qui méritent de mourir", dit-il). Il est de plus opposé au contrôle des armes. Mais on passe un sacré bon moment !

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lundi, 29 octobre 2012

Insensibles

   Ce film espagnol, signé Juan Carlos Medina (associé à Luis Berdejo, l'un des créateurs de [Rec], pour le scénario), confronte deux époques, la nôtre, qui voit un brillant chirurgien quinquagénaire découvrir sa maladie à l'occasion d'un accident de la route, et la période franquiste (de la guerre d'Espagne aux années 1960), durant laquelle on suit principalement des enfants.

   On ne peut pas s'empêcher de penser à d'autres (très) bons films de genre, dont l'intrigue puise dans cette époque tragique : Le Labyrinthe de Pan (moins réussi que celui-ci au niveau du scénario), Balada triste (apparenté aussi par la réflexion sur la violence et la déshumanisation) et Pain noir (qui témoigne du même souci de tracer un portrait social nuancé de l'époque). Sans en dire trop à propos de l'intrigue, je peux ajouter que l'histoire n'est pas sans rappeler l'excellent Incendies. Le film espagnol est toutefois plus optimiste que le libanais, peut-être parce que dans l'un des cas, le lourd passé est en passe d'être digéré, alors qu'au Liban, les blessures sont encore vives et le conflit pas enterré.

   Mais revenons à Insensibles.

   La partie contemporaine de l'histoire est à la fois un polar (une enquête) et un mélo. Le héros cherche à découvrir qui sont ses parents biologiques... et va aussi apprendre qui était jadis celui qui est son père officiel. C'est maîtrisé, émouvant parfois.

   La partie "ancienne" est la plus belle à voir. Les couleurs sont magnifiques et le site de l'orphelinat-prison est à couper le souffle. S'ajoute à cela l'espèce de malédiction qui pèse sur ces enfants, dont on suit le parcours. Adultes comme jeunes jouent très bien. Les effets spéciaux sont dosés et pertinemment utilisés. L'histoire est vraiment très travaillée. (Cela mériterait l'oscar du scénario, à mon avis.) Les intrigues s'entremêlent. (On a même réussi à insérer de petites histoires dans l'histoire, comme celle du  chiot malade qui va être un facteur d'accélération de l'action.)

   On s'attache à certains personnages. On les voit évoluer et l'on se demande qui peut être le père et qui peut être la mère. On notera la volonté de ne pas bâtir des personnages d'une seule pièce. Attention aussi aux âmes sensibles : certaines scènes (brèves) sont sanglantes.

   On nous ménage des surprises jusqu'à la séquence finale, de toute beauté.

   Je suis sorti de là assez remué... et ravi d'avoir vu un tel chef-d'oeuvre !

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samedi, 27 octobre 2012

Tell me lies

   C'est le titre du film tourné en 1967 par le dramaturge Peter Brook, sur la guerre du Vietnam vue de Londres. Il devait être présenté au festival de Cannes en 1968. Les "événements" (et le contexte politique international) ont empêché que le festival se déroule comme d'habitude. Sorti de manière confidentielle, le film a rapidement disparu de la circulation. Il ressort dans une copie restaurée.

   Le titre du film est emprunté à une chanson, diffusée au tout début (on en entend d'autres au cours du film). Ne vous attendez pas à entendre le dernier "tube" de Britney Spears ou Mika. C'est de la chanson engagée. Les morceaux sont assez inégaux, l'inventivité poétique côtoyant le militantisme lourdingue.

   Arrivent ensuite deux séquences passionnantes, qui se déroulent au cours d'une soirée mondaine. La première voit le héros (sorte de double du réalisateur) se confronter à des représentants de l'establishment britannique (parlementaires, permanents du parti travailliste -alors au pouvoir-, hauts fonctionnaires). La discussion, au cours de laquelle les arguments sont confrontés, est stimulante, d'autant plus que le réalisateur ne cherche pas à faire pencher la balance en faveur de la position de son personnage principal.

   La deuxième séquence met en scène des militants des droits civiques noirs américains (et une Vietnamienne). Le ton est policé, mais les idées avancées sont parfois d'une grande violence. On adhèrera ou pas aux propos tenus, mais ils ne sont pas sans écho dans notre monde post-septembre 2001.

   Par la suite, le héros se pose des questions à propos de l'immolation par le feu. Le spectaculaire suicide d'un moine bouddhiste l'interpelle. Il en vient à rencontrer un maître à penser de cette religion. Il finit par s'intéresser plus particulièrement au cas de Norman Morrison, un quaker engagé (aujourd'hui curieusement oublié), dont le geste surprit le monde.

   Indirectement, le film traite du pouvoir des images. Photographies de presse, cinéma et déjà un peu télévision influencent l'opinion publique. L'un des fils rouges du film est d'ailleurs une image horrible, celle d'un enfant qui a été brûlé au napalm et dont le corps est presque totalement enveloppé dans des bandages. On en voit d'autres du même genre plus loin. Cela n'est pas sans rappeler (pour nous) la célèbre photographie de Kim Phuc, cette jeune fille victime elle aussi d'un bombardement incendiaire, au Sud Vietnam... mais en 1972. Ici, Peter Brook se fait visionnaire.

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   Même le monde politique est contaminé. Lors de la soirée mondaine, l'un des parlementaires affirme de son collègue qu'il passe plus souvent à la télévision parce qu'il est plus jeune que lui... et plus séduisant !

   Sur la forme, ne vous attendez pas à du grand art. C'est assez classique et daté. Mais le contenu est bigrement intéressant. Il faut toutefois fournir quelques efforts d'attention.

vendredi, 26 octobre 2012

Pauline détective

   Cette comédie de mœurs, vaguement policière, repose entièrement sur les épaules de Sandrine Kiberlain. Force est de constater qu'elle rayonne. Comme l'interaction a particulièrement bien fonctionné avec Audrey Lamy (pétulante à souhaits) et le bellâtre Claudio Santamaria, on passe un moment pas désagréable.

   Cependant, les seconds rôles ne sont pas tous étincelants, notamment Antoine Chappey, qui n'a certes pas la tâche facile, mais qui manque de naturel. C'est dû aussi à la faiblesse de certains dialogues et, à mon avis, à une mauvaise direction d'acteurs. Le réalisateur Marc Fitoussi (dont on nous dit qu'il a fait ses classes aux States) a voulu tout faire tout seul. Résultat : certaines scènes sonnent faux et trop de répliques sentent le dialogue écrit, pas le langage oral (cela commence dès la séance de l'héroïne chez son psy, au début).

   Il reste des trouvailles, comme ces incrustations de "unes" (fictives) de presse à scandale, qu'imagine l'héroïne, elle-même directrice d'un torchon à grand tirage. J'ai aussi apprécié les scènes de Tarentelle, limites surréalistes... et bien chorégraphiées.

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samedi, 06 octobre 2012

Le Magasin des suicides

   Patrice Leconte se lance dans l'animation, avec une équipe internationale (française notamment). Attention, attention : il ne s'agit pas d'un dessin animé pour enfants. C'est fait pour des adultes et des ados pas coincés du bulbe. (Dans la salle où je me trouvais, un papa a fini par sortir avec le garçon qu'il avait imprudemment emmené voir ce film.)

   On pourrait le comparer à Mary et Max. La presse y a vu un décalque de certaines œuvres de Tim Burton. Les références sont plutôt à rechercher du côté de la Famille Adams.

   Je recommande tout particulièrement la séquence introductive et le générique de fin. La première donne le ton du film, qui baigne dans l'humour macabre. En même temps, elle est conçue de manière assez virevoltante : un pigeon dépressif survole une ville polluée, croisant en route plusieurs humains qui mettent fin à leurs jours... Quant au générique de fin, je l'ai trouvé gé-nial. C'est... comment dire... conceptuel ! Je vous laisse le plaisir de le découvrir.

   Entre ces deux moments marquants, on a deux films. Les trois premiers quarts d'heure sont dominés par le glauque et le saugrenu. Il faut aimer le genre. J'ai ri, souvent. Les situations sont renversées (le père -prénommé Mishima... devinez pourquoi- pousse son dernier fils à fumer... espérant hâter sa mort) et les dialogues fourmillent de jeux de mots (du genre "Vous n'en reviendrez pas !", de la part de la vendeuse à un client suicidaire). Je trouve excellente la trouvaille du commerce de la mort (que l'on doit à Jean Teulé, auteur du roman dont est adapté le film).

   Le dernier tiers du film est moins convaincant. Il est plus mièvre, mais aussi porteur d'espoir. Je pense qu'on a voulu éviter de conclure de manière trop sombre.

   L'ensemble est servi par une animation de qualité, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là. Certes, on n'atteint pas la virtuosité des productions Pixar, mais on reste dans un style très "français", comme dans Les Triplettes de Belleville ou L'Illusionniste. La 3D apporte de la profondeur de champ. Certaines scènes sont particulièrement réussies, comme celle qui voit un couple quitter le magasin tard le soir, la grille se refermant derrière eux... et même sur eux, à cause du reflet de l'éclairage. J'ai aussi en mémoire une scène de bulles, à la fois marrante et onirique, et un enchaînement de très bon goût entre une démonstration de maniement de sabre et un couteau s'attaquant à une motte de beurre.

   Ce film mérite vraiment le détour.

   P.S.

   Le site internet est sympa (mais le son pas terrible).

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dimanche, 30 septembre 2012

Camille redouble

   Noémie Lvovsky fait partie du paysage cinématographique français... à l'arrière-plan. Pas assez canon pour la plupart des rôles-vedettes, pas assez intello pour susciter l'enthousiasme des critiques, elle a surtout officié comme scénariste (pour Arnaud Desplechin et Valeria Bruni Tedeschi, notamment). De l'autre côté de la caméra, elle s'est fait remarquer dans plusieurs seconds rôles, par exemple Edith Marécaux (aux côtés de Philippe Torreton) dans Présumé coupable, ou Madame Campan dans Les Adieux à la reine.

   Du coup, il y a une part autobiographique dans ce film. L'héroïne, Camille (incarnée par la réalisatrice), est une actrice qui n'arrive pas à percer ; elle sort d'une histoire d'amour douloureuse, elle fume... et qu'est-ce qu'elle picole ! Mon Dieu mon dieu mon dieu mon dieu ! Bien mal lui en prend, puisqu'à l'issue d'une soirée très arrosée, elle se retrouve dans la peau de la Camille de 16 ans, il y a plus de 25 ans !

   Dans ce passé, la plupart des personnages sont joués par des comédiens qui ont (à peu près) l'âge du rôle. Pas Camille, toujours incarnée par Noémie Lvovsky, mais habillée à la mode de l'époque. Et ça marche ! C'est évidemment très drôle. On sent aussi une certaine gourmandise à faire revivre cette adolescence du début des années 1980. Entre marivaudages et questionnements intérieurs, on suit un groupe de filles très tentées par les garçons.

   L'autre aspect du film est la transformation du passé. Camille voudrait éviter de revivre la douloureuse histoire qui était née à l'époque et, surtout, elle va essayer d'empêcher le décès de sa mère, interprétée avec talent par Yolande Moreau (le papa ayant les traits Michel Vuillermoz).

   Parmi les autres acteurs, il faut distinguer Samir Guesmi, un autre habitué des seconds rôles (récemment vu dans Hors-la-loi et Adieu Berthe) qui se révèle excellent en incontournable amour de l'héroïne. Denys Podalydès est très bon en prof de physique (mieux qu'Amalric en prof de français... mais cela n'étonnera personne). Se distingue aussi Judith Chemla, pétulante à deux âges.

   J'aurais peut-être préféré que les implications fantastiques du retour dans le temps soient davantage développées, alors que c'est sur l'émotion que joue essentiellement le film. Mais cela reste un excellent divertissement.

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dimanche, 23 septembre 2012

The Secret

   Curieusement, le diffuseur n'a pas traduit le titre. A-t-on jugé que le public français comprendrait sans problème ? A-t-on voulu faire des économies d'affiches ? Un problème de droits s'est-il posé pour la traduction Le Secret ? C'est d'autant plus troublant qu'un autre titre nous est montré : The Tall Man (L'Homme grand).

   Celui-ci évoque un personnage quasi-mythique, qui enlèverait les enfants d'une petite ville du nord-ouest des Etat-Unis (du côté de Seattle). Comme tout bon film d'épouvante, il s'appuie sur une réalité sociale (la crise économique et la disparition de l'activité minière).

   Le réalisateur et scénariste, le Frenchie Pascal Laugier, sacrifie au procédé du retournement... un peu trop d'ailleurs.

   Cela commence avec la séquence initiale, qui anticipe sur le déroulement de l'action. On la revoit une heure plus tard... mais on ne perçoit plus les protagonistes de la même manière.

   A la base, on suit la courageuse infirmière Julia Denning (Jessica Biel, très photogénique, qu'elle soit sale, propre, gentille ou méchante), veuve et mère d'un petit garçon. Elle tente de soulager un peu les malheurs de cette population qui vit à l'écart du "Rêve américain". Elle est victime d'une agression... et l'on se demande si une bonne partie de la population n'est pas impliquée dans un complot.

   Mais voilà que tout se complique. Ce qu'on nous a montré à l'écran n'est peut-être que mensonge (ou vision subjective). N'est-ce pas l'infirmière qui est un monstre ?

   Pendant que l'on se pose ces questions, le film prend le temps de brosser un tableau accablant de cette province gangrénée par le chômage, l'alcool et la violence. Quand on compare cet univers aux scènes de la dernière partie du film, on peut se demander s'il n'y a pas un peu de racisme social dans ce film... ou une volonté maladroite de transgresser une forme de "politiquement correct".

   Là où le réalisateur en fait trop, c'est quand il oriente les vingt dernières minutes vers un nouveau retournement. Alors, oui, il a réussi à construire son film de manière à rendre vraisemblables les versions successives. Mais, à trop vouloir faire le malin, il dilue un peu l'intérêt.

   P.S.

   Au niveau de la distribution, on peut signaler la composition de la jeune Jodelle Ferland en ado artiste limite autiste.

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samedi, 22 septembre 2012

Robot and Frank

   Cette étrange comédie allie tradition et modernité. Pour la tradition, on a le vieux grincheux et la lecture de livres. Pour la modernité, on a les visiophones, les voitures futuristes... et des robots, l'un d'entre eux devenant l'auxiliaire de vie du héros.

   Evidemment, le retraité, qui est frappé par un début d'Alzheimer, va vite s'accommoder du tas de ferraille qu'il rejette au début. C'est la manière dont va s'effectuer le rapprochement qui est originale : alors que le robot est censé apprendre au vieil homme à mener sa vie quotidienne plus sainement (bien se nourrir, entretenir un jardin, avoir des projets), c'est le "malade" qui va faire de la machine son apprenti, ainsi qu'il aurait aimé le faire avec son fils, qu'il a peu connu enfant.

   Que va-t-il bien pouvoir lui enseigner ? Il faut être attentif à la première scène, étrange quand on ne connaît pas encore la suite. Sachez simplement que le vieil homme a fait de la prison...

   Le plus cocasse dans cette affaire est que le robot est programmé pour privilégier l'amélioration de l'état de santé de son patient... quitte à commettre quelques "entorses" à la légalité. Cela nous vaut plusieurs moments savoureux. La relation qui se noue entre les deux êtres, faite de complicité et de non-dits, est touchante.

   Les relations de Frank avec les humains sont finalement plus compliquées. Il y a ses enfants (un beau gosse, James Marsden, alias Cyclope dans X-Men, et une bimbo humanitaire, Liv Tyler, lèvre supérieure refaite), qui l'aiment mais ne le comprennent pas. Il y a cette charmante bibliothécaire (Susan Sarandon, elle aussi passée sous le bistouri), avec laquelle il serait prêt à faire un bout de chemin... et il y a ces jeunes (nouveaux) riches, arrogants. Ah, j'ai failli oublier : la police va s'en mêler, avec le shérif, incarné avec talent par Jeremy Sisto, remarqué dans les récentes saisons de New York Police Judiciaire.

   Le dernier quart d'heure m'a ému. Une révélation donne encore plus de profondeur à un aspect de l'histoire : la maladie de Frank. Cela se termine par une dernière pirouette, mais je n'aime globalement pas la fin.

 

   P.S.

   Les histoires de robot sont à la mode. Cet été, en première partie de Journal de France (de Depardon), j'ai vu un excellent court-métrage, Blinky, moins optimiste sur le sujet...

22:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film

mercredi, 19 septembre 2012

Dark Horse

   C'est à Todd Solondz (génial auteur de Bienvenue dans l'âge ingrat, Happiness et du décevant Life during wartime) que l'on doit ce "cheval noir" (cet outsider, devrait-on dire). Il n'est pas tombé dans la caricature, puisque cet exemple de loser est un fils de la classe moyenne juive, à qui ses parents ont sans doute passé trop de choses. Il est devenu un trentenaire célibataire, un peu obèse et dépressif.

   La première partie présente le milieu familial (avec papa Walken et maman Farrow, très bons dans des rôles ingrats) et le contexte de la PME immobilière du père. C'est savoureux sans être excessif... de quoi décevoir les amateurs du côté trash de Solondz. On apprécie quand même de voir ce grand enfant gâté faire mu-muse avec son hummer digne des Experts Miami. Par contre, je trouve que Selma Blair n'est pas très crédible en brunette tantôt suicidaire tantôt cynique.

   Cela devient intéressant quand surviennent des scènes oniriques, rêvées, fantasmées... ou comateuses. Certains personnages sortent du carcan que l'histoire leur avait imposé. Mais, globalement, c'est quand même moins réussi que les précédents films de Solondz.

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mardi, 18 septembre 2012

La Vierge, les Coptes et moi...

   ... et ma mère, aurait pu poursuivre l'auteur du film ! Il règne un double esprit sur ce curieux documentaire, enfant de Woody Allen et de Pierre Carles. La famille du réalisateur, Namir Abdel Messeeh, pourrait être juive. Elle est composée de Français et d'Egyptiens coptes. Les relations familiales, qui oscillent entre tradition et modernité, sont l'un des sujets de ce film. L'auteur y fait preuve d'un incontestable narcissisme, tempéré par un sens assez prononcé de l'autodérision.

   L'autre sujet est celui de la religion, celle de la minorité chrétienne d'Egypte, pas très bien traitée par ses concitoyens musulmans. Messeeh se filme en train de construire son film, d'entretiens téléphoniques en repérages sur le terrain, à la manière d'un Pierre Carles.

   On sent que l'auteur est au mieux agnostique, au pire athée. Il a pris de la distance avec son milieu d'origine. L'affaire des apparitions de la Vierge est l'occasion de renouer les liens. Evidemment, tout ne se passe pas comme prévu... et c'est tant mieux !

   Les 40 dernières minutes, qui voient la mère (une ancienne comptable au Qatar... pays qui  a participé au financement du film) prendre les choses en mains et débarquer de France en Egypte, sont souvent hilarantes. Au choc des cultures se superpose le cocasse des situations : il s'agit de trouver une jeune fille qui accepte d'incarner la Vierge... et de convaincre ses parents !

   On atteint un sommet lorsque la participation des villageois est mise en scène. J'ai aussi trouvé très belle la séquence de la projection. A l'animation du public, ravi de se voir (ou de voir les voisins) à l'écran succède un silence éloquent, au moment de l'apparition.

   La presse a eu amplement raison de chanter les louanges de ce petit bijou cinématographique.

dimanche, 16 septembre 2012

Les Enfants Loups

   C'est le dernier film de celui que l'on commence à présenter comme le nouveau Miyazaki, Mamoru Hosoda. Les amateurs de mangas le connaissent par ses précédentes oeuvres, La Traversée du temps et Summer Wars. A ma grande joie, j'ai pu voir le film en version originale sous-titrée.

   Autant le dire tout de suite : c'est long (deux heures). Le réalisateur a pris le temps de développer son histoire, ses ramifications. Il est très attentif aux émotions des personnages.

   La première partie traite de la rencontre entre une étudiante et un jeune homme mystérieux. Leur amour va donner naissance aux deux enfants-loups, Yuki l'aînée et Amé le cadet.

   La deuxième partie du film est consacrée à l'enfance des bambins, qui finissent par s'installer avec leur "mère-courage" en pleine campagne, dans une baraque en ruine que maman va retaper, avant de mettre en culture les terres avoisinantes. Au départ dubitatifs, les voisins vont se rapprocher d'elle, notamment un vieil homme bourru, sorte de Clint Eastwood rural japonais qui, sous des dehors agressifs, cache un coeur d'or. Cette partie est la plus truculente, notamment par le biais de Yuki, véritable feu follet qui peine à maîtriser ses transformations.

   La troisième partie traite du début de l'adolescence des enfants. Leurs tempéraments évoluent, tout comme leurs corps et la relation semble s'inverser entre le frère et la soeur (qui est la narratrice de l'histoire).

   L'animation est de qualité. Au départ, certaines scènes anodines pouvaient laisser croire qu'à l'image du ton, on risquait de subir un truc assez mièvre. Très vite, quelques détails nous laissent entrevoir le talent des dessinateurs, notamment lorsque la ville se trouve à l'écran, de nuit, ou encore lorsque l'on nous montre ces bocaux où sont disposées des fleurs.

   La partie qui se déroule à la campagne subit l'influence de Hayao Miyazaki. Il est question de communion avec la nature, mais il n'y a pas de propos écologiste ici. Signalons un moment de toute beauté, qui voit la mère, partie à la recherche du fils disparu en forêt, faire la rencontre d'une ourse et de ses petits. Au même moment, à l'école du village où Yuki se retrouve enfermée avec un ami qu'elle a peu auparavant blessé par mégarde, une scène fabuleuse la voit révéler son secret, devant une fenêtre ouverte dont les rideaux oscillent au gré du vent, (dé)voilant tel ou tel aspect de sa personnalité.

   Même si les dix dernières minutes m'ont un peu cassé les pieds, je recommande chaudement ce film.

22:38 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film