mercredi, 28 décembre 2011
La Vitesse du passé
C'est un court-métrage de Dominique Rocher, primé par la fondation Audi (qui décerne chaque année les "Audi Talents Awards")... et que l'on peut visionner gratuitement sur le site dédié, jusqu'au 2 janvier 2012 (mais il y aura peut-être une deuxième prolongation, si le bouche-à-oreille confirme le succès du film).
Ces quelque 15 minutes, prenantes, tournent autour d'un mystérieux accident, qui n'en finit pas de s'achever. Un couple s'installe dans sa maison de campagne. Ils sont jeunes, ils sont beaux (surtout la femme, incarnée par Mélanie Thierry), ils s'aiment, ils ont la vie devant eux.
Mais, ce jour-là, pendant que chacun vaque à ses occupations, une sorte de tremblement survient, provoquant la chute inachevée de nombreux objets... et celle de l'homme, monté sur le toit. A l'image des cartons, tasses et tuiles, il est figé dans une posture dangereuse, au-dessus du vide.
Se pose alors à la femme aimante la question suivante : que doit-elle faire ? Elle repousse rapidement les propositions d'une équipe de scientifiques venue analyser la phénomène et installe sous son homme figé dans les airs un matelas pour amortir sa chute qui, bien que très ralentie, n'en est pas moins inéluctable. (Ce dispositif fait écho à une scène du tout début du film.) Chaque jour, elle continue à aménager la maison. Elle vient lui parler.
Elle n'est cependant pas seule : l'un des scientifiques venus peu après l'incident s'est incrusté. Il est très gentil et, visiblement, en "pince" pour la dame. Doit-elle répondre à ses avances ? Doit-elle vivre dans le souvenir de cet amour qui semble perdu ?
Je vous laisse découvrir le reste sur le site internet.
C'est bien filmé, avec des trucages numériques pertinents... et une musique captivante, signée Etienne Forget (auteur aussi de la bande originale de la série Hero Corp).
PS.
Pour tout dire, ce film a un petit côté Donnie Darko !
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mardi, 27 décembre 2011
Le Miroir
Ce film date de 1997, mais c'est seulement cette année qu'il est sorti en France, à peu près en même temps que Ceci n'est pas un film, du même réalisateur iranien Jafar Panahi, qui a quelques soucis avec le gouvernement de la république islamique.
Il nous propose une tranche de vie, à travers le regard d'une gamine de 6-7 ans, que sa mère tarde à venir chercher à l'école. Gonflée, la petite Mina décidé de tenter de retourner chez elle par ses propres moyens, alors qu'elle ne connaît pas bien le chemin. Elle va évidemment se perdre, et c'est l'occasion pour le réalisateur de nous montrer différentes catégories d'habitants de Téhéran.
Ainsi, on voit (mal) fonctionner la circulation aux carrefours, avec ce papy qui n'arrive pas à traverser. Dans le bus, on entend ces femmes discuter de leurs problèmes personnels ; on voit de futurs jeunes mariés. On observe le rôle de ces gardiens de la vertu, qui, tout en contrôlant les billets des passagers, veillent soigneusement à la séparation des sexes. (J'ajoute que même les gamines sont voilées...)
Et puis, au milieu du film, il se passe un truc étrange...
Attention ! Ne lisez pas la suite si vous n'avez pas encore vu le film.
Je "déflore" un peu l'intrigue...
Ne venez pas vous plaindre, après !
Donc, au beau milieu du film, on voit la gamine piquer une crise dans le bus, ôter le plâtre de son bras et quitter le lieu du tournage. On bascule dans la mise en abyme... et l'on se demande dans quelle mesure tout cela est bien réel.
La suite du film suit le schéma suivant : la jeune actrice refuse de continuer à jouer et veut rentrer chez elle par ses propres moyens. L'équipe de tournage fait semblant d'accéder à ses vœux... mais ne lui retire pas le petit micro mobile placé sur elle... et la filme, de loin.
L'histoire prend donc un tour étrange, où l'on voit une équipe de cinéma filmer une gamine censée agir de manière authentique... tout comme les vrais gens qu'elle rencontre. Le son et l'image sont découplés, ce qui accroît la tension dramatique... et l'on peut se demander si cette nouvelle histoire est plus ou moins vraisemblable que la précédente.
Les esprits forts prétendront que la supercherie est à double détente : cette révolte de l'actrice n'est-elle pas tout aussi simulée que les séquences précédentes ?
On passe donc la seconde moitié du film à la fois à suivre les pérégrinations de la gamine... et à se demander jusqu'où va la fiction et où commence la réalité, le tout avec pour arrière-plan la société téhéranaise.
C'est expérimental, parfois déroutant ou répétitif, mais passionnant à suivre.
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dimanche, 25 décembre 2011
Welcome in Vienna
Sous ce titre viennent d'être reprogrammés (certains pour la première fois en France) trois films, le dernier donnant le titre à l'ensemble, initialement nommé Wohin und zurück (que l'on pourrait traduire par "Vers où et de retour"... on a eu raison de changer, même si le titre d'origine explique bien le parcours global de certains personnages). L'auteur est un Autrichien, Axel Corti.
Le premier volet est Dieu ne croit plus en nous. Il commence par les conséquences de la Nuit de Cristal, principalement les destructions subies par les commerces tenus par des juifs, la mort de certains d'entre eux (dont le père du personnage principal) et l'emprisonnement de survivants. On y voit la lâcheté de nombre de Viennois chrétiens (qui ont accueilli l'Anschluss avec enthousiasme, rappelons-le). L'un d'entre eux est particulièrement mis en lumière : une sorte de policier municipal, qui met la main sur une partie des biens de la famille expropriée, qui va aider le jeune héros à fuir le pays... tout en servant ses intérêts. Ferry Tobler rencontre quelques figures charismatiques, comme Alena et celui que l'on surnomme Gandhi, farouchement antinazi.
La suite se déroule en France (on y entend donc parler notre langue, parfois maladroitement). Les réfugiés autrichiens tentent de se débrouiller, dans un pays lui-même pas en très grande forme sur le plan économique. Le début de la guerre complique leur situation : de nationalité allemande, ils sont enfermés dans des camps d'internement. Autant le dire : cette partie n'est pas à la gloire de la France. Même si certains habitants portent assistance aux réfugiés juifs, force est de constater que beaucoup les perçoivent comme un problème. Les séquences montrant la vie dans le camp d'internement sont vraiment remarquables. On notera que les auteurs du film semblent avoir été frappés par la présence de policiers et gendarmes noirs (antillais sans doute). En 1940, les héros décident de gagner la zone non occupée, puis de partir pour les Etats-Unis.
C'est donc dans ce pays que se déroule le deuxième volet, Santa Fe. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, l'action ne se déroule pas au Nouveau Mexique (où le personnage principal de ce film, Freddy Wolff, rêve de refaire sa vie), mais à New York. On y voit cette communauté juive tenter de survivre, tant bien que mal, entre la nostalgie du pays d'origine, la peur du nazisme (on a souvent encore de la famille en Europe) et les nécessités de la vie quotidienne. L'Amérique n'est pas encore totalement sortie de la crise des années 1930... et le pays est dur à ceux qui ont peu. La plupart (comme le vieux médecin, qui pousse quasiment son épouse à mendier) connaissent le déclassement social. Le cinéaste réussit à restituer la complexité du tissu social, montrant le décalage entre ce que chacun veut montrer et sa situation réelle. J'ai particulièrement apprécié le personnage de Popper, vieil homme qui se place volontiers au centre du cercle de débrouillardise, cachant sa propre détresse. Une histoire d'amour se noue entre la fille de l'épicier-poète et le héros, très tourmenté. Celui-ci ne voit finalement son avenir que dans le retour au pays natal.
Cela nous mène donc au troisième volet, Welcome in Vienna. Le titre est bien entendu ironique. Le film va illustrer l'écart entre le bon accueil reçu par les soldats américains (parmi lesquels on retrouve Freddy) et le fond antisémite qui persiste. L'histoire commence avec la progression des troupes alliées, en Alsace d'abord. C'est l'occasion pour les deux héros de rencontrer un personnage trouble, le Viennois Treschensky (brillamment interprété), d'abord leur prisonnier, puis en fuite, qu'ils retrouvent dans un café-concert de la capitale autrichienne, en incontournable homme à tout faire, aux relations troubles. Une romance se noue entre Freddy et la fille d'un hiérarque nazi qui a su se vendre aux nouveaux vainqueurs (les cinéphiles se rendront compte à ce moment-là que The Good German a puisé à bonne source). Entre la fin du conflit mondial et le début de la Guerre froide, la morale a peu de place dans cette ville à moitié détruite. En gros, c'est chacun pour soi. On sort de là pas très optimiste à propos du genre humain.
De manière générale, on voit que l'auteur a une formation théâtrale. Il a d'ailleurs dû puiser dans ce vivier pour distribuer les rôles. Cela se sent parfois. Il faut dire que les films ont 25-30 ans. La manière de jouer a un peu changé depuis. Mais ce n'est gênant qu'à la marge. La grande force de cette trilogie (rééditée grâce à un Français, Jean Labadie, et à sa société Le Pacte) est l'aspect quotidien qu'elle donne ce pan de l'histoire contemporaine, le mariant avec des histoires d'amour, de jalousies et d'ambition. C'est très fort.
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jeudi, 22 décembre 2011
Time Out
Andrew Niccol a un parcours un peu à part. C'est d'abord un scénariste (de The Truman Show, Le Terminal), passé à la réalisation, mais qui se fait rare. On lui doit les excellents Bienvenue à Gattaca, S1mone et Lord of War. Ici, il explore un univers proche du premier : c'est un film d'anticipation.
Les inégalités de richesse ont été remplacées par les inégalités de temps de vie. Le héros (bien joué par Justin Timberlake, qui confirme le bien qu'on pensait de lui après The Social Network), issu des "basses classes", va se transformer en Robin des Bois du temps de vie, épaulé par une drôle de Marianne, issue de la nouvelle aristocratie (Amanda Seyfried... pas terrible... mais elle mérite un prix spécial pour sa capacité à courir chaussée de machins importables). Signalons, dans le rôle de l'indécrochable méchant, Cillian Murphy, qui introduit un petit côté Matrix dans cet univers torturé. On notera aussi que certaines scènes semblent puiser dans la "mythologie" de James Bond.
Mais, finalement, c'est du côté de Bonnie and Clyde qu'il faut regarder : le duo amoureux se transforme en couple flingueur, et les poursuites en voiture constituent des moments forts de l'intrigue. Au-delà des références cinéphiliques (qui occupent les quelques vieux cons qui se sont glissés dans la salle), on a visiblement surtout pensé à introduire de quoi appâter le djeunse. Du coup, c'est souvent tape-à-l’œil, avec les bagnoles et les flingues donc, mais aussi (surtout ! me glisse mon voisin post-pubère proche de l'extase) avec ces personnages féminins qui semblent quasiment tous sortir d'une soirée VIP pour blaireaux et pétasses.
On a donc ménagé la chèvre et le chou dans ce film. L'histoire est prenante, palpitante parfois. Les acteurs ne sont pas tous très bons, mais globalement, ça passe. Le spectateur exigeant supportera moins quelques facilités, notamment ce côté "à la dernière minute" de certaines actions, qui jouent sur le compte à rebours qui s'affiche sur l'avant-bras des personnages. Et je ne vous parle pas de deux scènes, qui voient le héros et une femme (différente à chaque fois) courir l'un vers l'autre.
C'est donc un film inabouti, mais pas inintéressant, notamment sur le fond. On passe un assez bon moment, sans plus.
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dimanche, 18 décembre 2011
Carnage
Je n'ai pas vu (ni lu) la pièce de théâtre (de Yasmina Reza) qui a inspiré ce film. C'est d'abord la distribution qui m'a alléché, mais j'ai été rebuté par la bande-annonce en français : honnêtement, ce n'est pas très bien doublé. Par chance, je l'ai aussi vue en version originale sous-titrée : c'est plus saignant. Du coup, j'ai essayé de voir le film en VO.
Nous sommes donc face à deux couples bourgeois, un plutôt de gauche, l'autre sans doute "libéral" au sens français du terme.
A ma gauche donc, la "bobo attitude" incarnée par Jodie Foster, quadragénaire féministe, philanthrope, cultivée... et un peu névrosée. L'actrice excelle à faire ressortir les contradictions du personnage, qui paraît dominer les débats au début, avant de s'effondrer plus tard. (A travers elle, je pense que Roman Polanski règle quelques comptes personnels...)
Son mari est une sorte de gros nounours, content d'avoir une telle compagne, mais qui suffoque un peu sous le harnais. (On semble vouloir nous faire comprendre qu'à travers son mariage, il reproduit son état de dépendance affective vis-à-vis de sa mère.) Il aurait pu être joué par Sydney Pollack. C'est le mari attentionné, pas super fûté mais gentil... tant qu'on ne lui casse pas les pieds.
Face à cette gauche bien-pensante, on nous a placé une droite -supposée- moderne, incarnée par un avocat véreux, rivé à son BlackBerry, et une gestionnaire de biens immobiliers d'apparence très classe. Christopher Waltz a pris visiblement beaucoup de plaisir à jouer cet enfoiré qui s'assume. Derrière le cynisme affiché, on finit par découvrir qu'il a peut-être moins d'oeillères qu'il n'y paraît. Mais c'est quand même une belle enflure !
Son épouse est l'un de ses trophées (visiblement déboulonnée de la première place dans le coeur de son mari par le nouveau smartphone). Kate Winslet (récemment vue dans un tout autre rôle dans Contagion) est gé-niale. Son personnage est construit par contraste avec celui interprété par J. Foster : la sensuelle face à l'intellectuelle, la classieuse face à la rustique (au niveau des vêtements et du maquillage), la dominée face à la dominatrice... même si tout cela évolue au cours de la rencontre, supposée ne pas durer longtemps, mais qui s'éternise un peu.
Les dialogues sont excellents. Cela fourmille de bons mots, de vacheries. J'ai très souvent éclaté de rire. A cela s'ajoute un comique de situation maîtrisé. Cela commence avec la présentation visuelle des personnages : on nous fait bien comprendre au premier coup d'oeil que les deux couples n'ont pas tout à fait les mêmes "valeurs" (même s'ils affichent -au départ- un attachement identique à la "civilisation").
Cela continue avec la séquence du vomi (ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh... j'adore !!!!). Je vous laisse découvrir le lien avec l'oeuvre du peintre Kokoschka. Il y a bien sûr le fil rouge du téléphone portable envahissant, qui vibre toujours fort à propos. (Faites attention au contenu des conversations téléphoniques... un lien finit par s'établir entre celles du portable et celles du fixe.) Il y a aussi le sèche-cheveux (outil qui joue un rôle presque aussi important dans l'histoire) et la bouteille de scotch, qui fait rebondir l'intrigue et libère les dernières pulsions refoulées.
La réalisation n'est guère inventive, mais efficace. De près, Polanski a eu tendance à filmer ses personnages en légère contreplongée, l'un des trois autres se retrouvant à l'arrière-plan. Cela accentue le grotesque des situations. De manière générale, il a construit ses plans de manière à véhiculer au moins deux informations par image. C'est bien fichu et cela renforce le comique des dialogues.
Bref, cela dure 1h20 (scènes d'extérieur introductive et conclusive incluses), c'est à la fois pétillant et graveleux... on passe vraiment un bon moment !
15:10 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
samedi, 17 décembre 2011
L'Ordre et la Morale
Mathieu Kassovitz nous livre sa vision de l'affaire d'Ouvéa (en Nouvelle-Calédonie... mais le film a été tourné en Polynésie), qui a surgi en pleine campagne présidentielle de 1988. Le titre est extrait d'un dialogue du film. Cette expression est mise dans la bouche de Bernard Pons (très bien interprété par Daniel Martin), ministre des DOM-TOM à l'époque. On pourrait aussi l'analyser comme le résumé du conflit intérieur qui mine le personnage principal, le capitaine Legorjus : doit-il faire passer sa mission militaire avant ce qu'il estime être l'intérêt général ?
Le problème est que Mathieu Kassovitz, qui incarne le chef du GIGN, semble n'avoir pas pris (suffisamment) de recul vis-à-vis de qu'a pu dire et écrire Philippe Legorjus. Du coup, sur le plan factuel, le film oscille entre le respect d'une version "tiers-mondiste", qui vise à prendre le contrepied de ce qui a été affirmé par les autorités françaises à l'époque, et un regard plus distancié, qui conduit le cinéaste à dresser un portrait plus nuancé des protagonistes.
Ainsi, il a souvent tendance à faire de son héros (qu'il n'interprète pas très bien, à mon humble avis) un type au-dessus du lot, quitte à lui donner un rôle (dans les négociations, dans l'assaut) qu'il n'a pas eu. (Il ne cache toutefois pas ses faiblesses.) A l'inverse, les militaires de l'armée de terre sont quasi systématiquement dépeints de manière négative, alors que les défauts des preneurs d'otages kanaks sont présentés comme véniels, bien qu'ils aient tué. On peut malgré tout reconnaître au réalisateur la volonté de donner la parole à tous les protagonistes, même si c'est à travers une version réécrite de l'histoire.
C'est à propos de l'assassinat des quatre gendarmes que les choix de Kassovitz sont particulièrement perceptibles. Alors que les médias, à l'époque (ainsi qu'on peut le voir et l'entendre sur le site dédié au film), ont systématiquement parlé de "massacre à l'arme blanche" (ou à la machette), le cinéaste choisit de ne mettre en scène que des morts par arme à feu, même si l'on peut voir que certains assaillants sont munis du fameux tamioc. Or, le fils de l'une des victimes a semble-t-il apporté la preuve qu'au moins un gendarme a été achevé à coups de machette :
La vérité est donc dans un entre-deux indéterminé, entre la version polémique du gouvernement français de l'époque (et de certains militaires aujourd'hui) et la version engagée des défenseurs des Kanaks. On pourrait appliquer la même démarche à propos de la fin de l'assaut de la grotte et des exécutions : il n'est pas possible de nier, comme le font encore (maladroitement) quelques militaires, que plusieurs des Kanaks ont été exécutés (ou peut-être achevés d'une balle dans la tête). Cependant, il est excessif d'affirmer que l'assaut a été mené comme une entreprise de massacre systématique. On pourrait continuer longtemps ce petit jeu, en s'intéressant à d'autres aspects du film, mais on est quand même là pour causer de cinéma.
Alors, ce long-métrage est-il une "bouse" infâme ? Non ! D'abord parce qu'il ne manque pas de souffle. On sent que Kassovitz a vu et revu de grands classiques, comme Apocalypse now, Voyage au bout de l'enfer ou La Ligne rouge. S'il n'a pas le talent de Coppola, Cimino ou Malick, il sait néanmoins mettre en scène des groupes en action. Il réussit à planter le décor et créer un climat de tension, même si l'on peut regretter le côté "gros sabots" du compte à rebours qui nous rapproche inexorablement de l'assaut final.
C'est en général correctement joué. Les militaires sont assez convaincants et, côté kanak, il faut signaler la performance d'Iabe Lacapas, impressionnant en Alphonse Dianou (le chef des preneurs d'otages). On peut aussi apprécier le film pour la vision nuancée et approfondie qu'il offre du peuple kanak, à travers les personnages des anciens, très dignes, pacifiques, bien joués. On sera néanmoins agacé par le parti-pris du réalisateur, qui ne montre les "jeunes" quasiment que sous un jour favorable, et qui sous-estime leur violence. Il commet d'ailleurs sans doute une erreur à propos d'une conséquence de l'affaire d'Ouvéa : le film sous-entend que Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné ont été tués parce que le FLNKS a lâché les preneurs d'otages, alors qu'il semble plutôt qu'ils ont été abattus par un extrémiste de leur camp qui leur reprochait d'avoir finalement négocié avec le gouvernement français.
Le film se veut aussi un brûlot politique. Il donne un aperçu des arcanes de la première cohabitation finissante, de la rivalité Chirac-Mitterrand, tous deux en course pour la présidentielle. Cela nous vaut une série de bonnes petites scènes (où s'illustre notamment Philippe Torreton, bien remis du tournage de Présumé coupable). On n'en sort pas avec une bonne image de la chose publique, et c'est dommage, parce que juste après la présidentielle de 1988, les événements ont pris une autre tournure, plus apaisée (grâce aux Accords de Matignon), propre au contraire à faire croire en la politique.
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mardi, 13 décembre 2011
Toutes nos envies
Le réalisateur de Welcome (Philippe Lioret) revient avec un film sur un autre sujet casse-gueule... en fait deux. Il fait se télescoper un mélo qui traite de la mort annoncée d'une jeune magistrate (mariée, mère de deux enfants) et un quasi-polar social sur le surendettement, à la sauce judiciaire. J'ai donc attendu avant d'y aller, sans enthousiasme.
Deux acteurs illuminent ce film. On commence par le monsieur, Vincent Lindon. A la base, je ne suis pas fan, mais, depuis une dizaine d'années, il m'a convaincu par la qualité de ses prestations, notamment dans Je crois que je l'aime, Pour elle, Welcome, bien sûr, et surtout Ceux qui restent, qui n'est pas sans liens avec Toutes nos envies. Vincent Lindon excelle a faire passer les sentiments par autre chose que les dialogues, ici comme ailleurs.
Mais c'est pour moi surtout sur les (ravissantes) épaules de Marie Gillain que repose ce film. Bon, d'accord, on nous fait bien comprendre que cette quasi-quadragénaire est encore super-bien gaulée, avec ces jambes qui me fascinent depuis une vingtaine d'années. (De surcroît, on la voit plutôt portant des chaussures plates, ce qui nous change... et pis ça lui va très bien !) N'allez cependant pas croire que l'on a tout misé sur son physique. C'est juste un agrément supplémentaire pour le spectateur masculin hétéro.
Je pense qu'une partie de la critique a été dérangée par le fait que Marie Gillain n'en fait pas trop et qu'elle incarne un personnage qui a une riche vie intérieure. Pour bien apprécier toute la saveur du film, il faut se mettre dans la tête de ce personnage d'une grande intégrité, entier dans ses choix professionnels comme dans sa vie privée. Elle pense à (presque) tout et peut justifier chacun de ses actes. Oui, d'accord, c'est un peu hagiographique.
L'histoire rappelle furieusement Ma Vie sans moi, un bijou d'émotion dans lequel une mère se retrouve à peu près dans la même situation. (Un argument scénaristique est même identique : le choix d'une future compagne pour le mari et les enfants.) J'ai encore en mémoire l'enregistrement (sur cassettes audio) des messages pour les futurs anniversaires de ses enfants, auxquels elle savait qu'elle ne pourrait assister. C'était prenant.
Ici, l'action se situe dans un milieu plus bourgeois, mais c'est finalement complètement anecdotique. Claire - Marie Gillain, dès qu'elle apprend qu'elle a une tumeur au cerveau, décide deux choses : préparer la vie future de sa petite famille et mener à bien un combat en faveur d'une victime du surendettement, qui va s'intégrer à sa vie de tous les jours. Stéphane - Vincent Lindon est un collègue dont elle fait la connaissance à l'occasion de l'affaire de surendettement, mais il va surtout l'aider (inconsciemment puis consciemment) à supporter le secret de sa maladie puis le développement de celle-ci.
Le film mérite le détour pour ceux qui ont envie de voir fonctionner un aspect de la justice française et ceux qui ont envie d'en apprendre un peu plus sur l'arnaque du surendettement. J'ai aussi aimé les quelques moments où Claire suit des chemins de traverse, où elle réalise quelques-unes de ses envies, elle qui déclare qu'elle n'a pas fait la moitié des choses qu'elle s'est promis de réaliser. Ces moments-là sont pleins de fraîcheur et d'émotion.
Et puis, il y a la naissance d'une relation particulière, qui ne dit pas son nom. C'est ténu, c'est fait de petits gestes, d'attentions. C'est de moins en moins discret, alors que les héros semblent chacun se détacher de leur foyer respectif, tout doucement, insensiblement. Bref, ce film est beau... et j'emmerde les grands esprits qui ont fait la fine bouche !
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samedi, 10 décembre 2011
Polisse
C'est donc le film de Maïwenn (la soeur d'Isild Le Besco), consacré à la Brigade de Protection des Mineurs (la BPM pour les intimes), qui dépend de la préfecture de police de Paris. On a évidemment cherché à le comparer à d'illustres prédécesseurs, comme le Police de Maurice Pialat (qui ne raconte pas le même genre d'histoire) et L627 de Bertrand Tavernier (axé sur le trafic de drogue).
Ici, aucun héros ne se détache vraiment. On nous offre un portrait de groupe (de policiers) et des tranches de vies de citoyens de tout milieu, des immigrés roumains (séquence poignante de "rafle" à la clé) à la grande bourgeoisie parisienne (où se distingue Sandrine Kiberlain, peu présente mais impressionnante à chaque fois), en passant par les jeunes des "quartiers difficiles".
Avant d'aller voir ce film, j'ai entendu dire qu'il se rapprochait (trop ?) du documentaire. C'est parce qu'il joue sur le réalisme des situations. Le scénario s'est inspiré de faits réels et les dialogues comme le jeu des acteurs ont sans doute été influencés par ce qu'ils ont observé et ressenti au contact des vrais flics.
Du coup, c'est très cru, trop même parfois (et pourtant, je ne pense pas être particulièrement bégueule). On comprend vite que les flics ne pratiquent pas la langue de bois entre eux. Quant aux rapports avec les justiciables, s'ils ne sont pas nécessairement marqués par la violence physique, ils sont souvent émaillés de violence verbale. On nous met dans le bain dès le début avec cette ado insultante embarquée dans la voiture, confrontée à Naidra Ayadi et Joey Starr (excellents tout au long du film).
Mais la pire violence n'est pas dans les actes qui sont montrés à l'écran, ni dans les insultes ou grossièretés qui pleuvent parfois. Elle est dans certaines situations, souvent ignobles, dont l'accumulation a pour certains spectateurs franchi la limite du supportable. On passe ainsi deux heures plongé dans les affaires de viol, pédophilie, inceste, prostitution, le tout assaisonné de violences diverses, de perte de logement, de divorces.
Certains cas sont tellement énormes qu'ils suscitent le rire. Il y a cette mère qui masturbe son enfant en bas âge "pour le calmer", cette adolescente prête à tout pour récupérer le téléphone mobile qu'on lui a volé... "parce que c'est quand même un très beau portable" ! C'est le moment de signaler la qualité du jeu de la pléiade de figurants qui peuple ce film, en particulier celui des enfants, toujours vraisemblables. Le casting a été soigné et la direction d'acteurs est sans faille.
Il reste cette équipe de flics, qui encaisse tous les chocs et doit, par dessus le marché, gérer une vie privée souvent chaotique. C'est pour moi la plus belle partie du film, autour de Karin Viard et Marina Foïs, épatantes (je recommande en particulier le "pétage de plombs" de K. Viard).
De son côté, Maïwenn ne s'est pas attribué un rôle particulièrement facile. Elle est la photographe qui suit l'équipe de la BPM. Elle vient des beaux quartiers (c'est visiblement une "bobo") et a bénéficié d'un gros piston. Elle est donc bousculée par cette équipe de flics, peut-être un peu à l'image de ce qu'a vécu la réalisatrice quand elle a suivi des fonctionnaires de la brigade en préparant ce film.
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dimanche, 04 décembre 2011
Le Chat Potté
Depuis le temps que l'on nous annonçait ce produit dérivé de l'univers de Shrek, je ne l'attendais plus ! Voici donc cette animation entièrement dédiée à ce brillant second rôle, cet adorable et insupportable sac à puces dont le regard apitoyant avait fait craquer des millions de spectateurs.
On commence par une remarque : c'est presque un vieux matou (encore bien en jambes, rassurez-vous) qui est le héros de ce film ; il me semble qu'on a un peu vieilli le personnage par rapport à ses aventures "shrékiennes"... mais on nous offre le récit de sa jeunesse tourmentée, l'une des plus belles séquences étant celle de son arrivée au refuge, une sorte d'orphelinat où l'on retrouve quantité d'enfants tarés ou rejetons de déviants. Très vite, le chaton timide se révèle audacieux.
L'un des ressorts de l'intrigue est donc son amitié à rebondissements avec l'œuf, un gars très inventif... pour le meilleur et pour le pire. J'ai moyennement apprécié cet aspect-là. J'ai beaucoup plus goûté la relation acrobatique avec une insaisissable chatte ("Kitty pattes de velours", doublée par Virginie Efira dans la version française), qui n'est pas sans évoquer (du moins au début) la Catwoman de Tim Burton. (Quel mâle hétérosexuel n'a pas fantasmé des nuits entières sur Michelle Pfeiffer en combinaison de cuir ?.........)
Le film regorge donc de clins d'œil, à des films de Disney, aux westerns-spaghetti, aux contes (Le Chat Botté, cela va sans dire, mais aussi Jack et le haricot magique et Alice au pays des merveilles, Humpty étant visiblement -au moins en partie- inspiré du Gros Coco). C'est un divertissement plutôt réservé à des enfants déjà un peu âgés : dans la salle où je me trouvais, une gamine de 4-5 ans a vite décroché, alors que les garçons de 8-10 ans ont bien suivi. Le (très) grand garçon que je suis a beaucoup ri.
Ceci dit, les petits seront quand même emballés par l'une des premières séquences, une effraction chez un couple d'horribles géants (l'une des nombreuses réussites de ce film ; tendez l'oreille lorsqu'ils parlent... les dialogues sont savoureux !) qui se continue en trépidante course-poursuite pour se finir en battle-dance sur musique entraînante.
C'est l'occasion de découvrir l'un des lieux mythiques de ce film : l'antre des chats, qui n'est pas sans évoquer l'univers des Aristochats. On y joue de la musique, on y danse... au milieu de dizaines de boules de poils ! (C'est peut-être le moment de préciser que, si vous n'aimez pas ces animaux, mieux vaut passer votre chemin...)
Un autre lieu-clé est le royaume de l'oie qui pond des œufs d'or. Là, on est en plein conte... avec une morale, donc : le film se veut une dénonciation de l'appât du gain, aussi bien chez certains personnages principaux que chez les humains.
Tout ce beau monde finit par se retrouver dans le village où le Chat Potté (qui n'était pas encore botté) et l'oeuf se sont connus. On y règle ses comptes, on y dévoile ses sentiments profonds. Ce n'est pas la partie que j'ai préférée, mais, bon, on nous ménage une fin à rebondissements, pas déplaisante du tout.
P.S.
Le site internet dédié est sympa. On peut y jouer au "chat boosté", aux "dancing boots" et accéder aux traditionnels bonus.
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jeudi, 01 décembre 2011
Tous au Larzac
Voilà donc ce documentaire consacré à la lutte des paysans des Causses contre l'agrandissement du camp militaire de La Cavalerie. Il est attendu depuis plus de deux ans : il était déjà en gestation au moment de la sortie de Les Brebis font de la résistance, en avril 2009.
Ce film a été pour moi source de deux agréables surprises. Tout d'abord, même si les auteurs éprouvent une évidente sympathie pour les révoltés larzaciens, leur film se veut d'abord une histoire rigoureuse de la lutte et de son contexte. Ensuite, bien que cela dure presque deux heures, on ressent peu la longueur, ce qui est assez rare pour un documentaire. Je pense qu'un gros travail pédagogique a été fait au moment du montage, qui alterne différents entretiens, images d'archives et paysages magnifiques.
Que les allergiques à José Bové se rassurent : il n'apparaît qu'au bout de 40 minutes et il n'est pas particulièrement mis en avant par rapport aux "historiques" du combat que sont par exemple Léon Maillé, Guy et Marisette Tarlier, Pierre et Christiane Burguière. Le rôle des femmes est mis en valeur, sans que cela soit ostentatoire.
Ces deux heures se justifient tant la lutte (10 ans, au sens strict) fut, contrairement à ce qu'une lecture rapide des événements laisserait croire, longue, difficile, à l'issue incertaine. Les relations avec les commerçants de La Cavalerie et certains militaires furent très tendues. Une des bergeries fut même plastiquée. Vers la fin du film on comprend que, sans l'élection de François Mitterrand (dont la venue sur le Larzac fut peut-être le théâtre d'un complot policier) à la présidence de la République, les rebelles auraient sans doute fini par céder.
Et pourtant, ils furent aussi pacifiques qu'inventifs (et drôles, parfois). Je reste épaté par la ténacité dont ces personnes ont fait preuve pour organiser les actions non violentes qui ont tant marqué leur époque. Pour que le film soit complet, il manque peut-être le point de vue des enfants de ces militants, dont la jeunesse a dû être marquée à la fois par l'enthousiasme de la lutte mais aussi les difficultés d'une vie quotidienne perturbée par un combat dont on avait du mal à voir la conclusion.
Le film fait aussi le lien entre les luttes du passé et celles du présent. Ce n'est pas forcément la partie la plus convaincante, mais bon, l'ensemble mérite quand même le détour.
P.S.
Signe que les temps ont changé, le sénateur du Sud Aveyron (élu en 2008), Alain Fauconnier, un socialiste plutôt proche de la gauche de la gauche, s'est inquiété, dans une question posée au ministre de la Défense et des Anciens combattants (Alain Juppé, à l'époque), du devenir du camp militaire qui, quoi qu'on en dise, est pourvoyeur d'emplois dans la région...
22:49 Publié dans Cinéma, Histoire, Politique aveyronnaise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, cinéma, film, histoire
dimanche, 27 novembre 2011
Jeanne captive
On va dire : encore un film sur Jeanne d'Arc ! Cette fois-ci, en dépit du peu d'informations dont on dispose sur l'épopée johannique, le réalisateur, Philippe Ramos, a choisi de concentrer son attention sur trois moments seulement : le début de la captivité de Jeanne, alors aux mains des hommes de Jean de Luxembourg, le passage aux mains des Anglais, avant le procès, puis la dernière période, de l'après-procès au bûcher.
La première période est fondée sur un postulat sans doute faux : une supposée tentative de suicide de Jeanne, prise pour une nouvelle tentative d'évasion. Cette hypothèse était (et reste) la plus vraisemblable : la Pucelle avait déjà essayé de s'enfuir de son premier lieu de détention, le château de Beaulieu. Dans le film, elle se trouve, sauf erreur de ma part, dans le second lieu de détention, le château de Beaurevoir, dont il ne reste plus qu'une tour (Jeanne fut enfermée dans le donjon, aujourd'hui disparu). D'ailleurs, dans l'évocation de la tentative se suicide/évasion, le réalisateur se garde de faire figurer un élément : une corde bricolée à partir de draps et tapisseries, qui aurait cédé au cours de la tentative.
Cette réserve faite, force est de constater que le film "fonctionne" très bien. Il est centré sur l'attitude de Jeanne, souvent incompréhensible à ses geôliers ainsi qu'aux autres visiteurs... et peut-être aux spectateurs contemporains. P. Ramos nous trace le portrait d'une croyante fervente, et même d'une sainte.
Le choix de l'actrice était donc crucial. Ce fut un bon choix. Clémence Poésy (la Fleur Delacour de Harry Potter, aussi remarquée dans Bons Baisers de Bruges) nous fait totalement croire à la foi qui anime cette jeune femme et, cerise sur le gâteau, elle est absolument ravissante (les vicelards esthètes raffinés peuvent même profiter de certaines séquences pour se rincer l’œil) .
Dans la première partie, c'est sa relation avec le guérisseur (Thierry Frémont, excellent) qui est mise en scène... sous la forme d'un drôle de dialogue, puisqu'elle ne lui adresse (presque) jamais la parole. C'est un joli tour de force au niveau de la réalisation... portée par de brillants interprètes, jusque dans les seconds rôles.
La deuxième partie voit intervenir les Anglais, plus ou moins respectueux de la demoiselle. La confrontation est plus dure, mais la jeune femme sort renforcée de sa précédente détention. Elle a décidé de parler désormais. On ne comprend toutefois pas bien comment elle a été amenée à se renier, avant de vite récupérer ses esprits. Par contre, on saisit parfaitement la volonté des Anglais de brûler la "sorcière" ou la "putain". Le réalisateur n'est cependant pas allé jusqu'à mettre en scène des tentatives de viol. Il se contente d'une version édulcorée du processus qui conduit Jeanne à être relapse, mais il la tourne bien.
J'ai aussi aimé la manière dont est montré le doute que la Pucelle réussit à instiller dans l'esprit de nombre de ses adversaires. Il y a aussi la peur que la présumée sorcière inspire aux esprits faibles, qui la croient capable de moult maléfices.
Reste la mise à mort, qui est l'occasion de découvrir l'entourage, la population. Le réalisateur met à l'image quelques habitants de Rouen, mais surtout les Anglais dans leur diversité, auxquels il oppose deux religieux : un moine (Jean-François Stévenin, correct) et un prédicateur illuminé (Mathieu Amalric, supportable). La toute fin m'a moyennement plu, avec ce jeune couple (qu'on a découvert peu auparavant) qui s'ébat. On a visiblement voulu contrebalancer la mort de la sainte par la naissance d'un amour. Mouais...
P.S.
Le réalisateur et l'actrice principale ont participé, en compagnie d'un historien, à l'émission Les femmes, toute une histoire, le 13 novembre, sur France Inter.
14:00 Publié dans Cinéma, Histoire, Jeanne d'Arc | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéùa, cinema, film, histoire
dimanche, 20 novembre 2011
Colorful
C'est un manga, adapté d'un roman japonais. Il est "plein de couleurs" parce qu'il est souvent question de peinture, à travers l'atelier artistique d'un collège, où se rejoignent certains élèves de 3e. C'est aussi une allusion au tempérament des personnages principaux, à plusieurs facettes.
Au départ, l'histoire ne semble pas alléchante : on ne voit pas le personnage principal, que l'on ne fait qu'entendre. Il croit qu'il est mort. Pas de chance ! Il va devoir intégrer le corps d'un autre garçon, qui vient de se suicider. Voilà qui n'est guère réjouissant. Mais je vous assure que la séquence du "purgatoire" est brillante, souvent drôle. Et l'on se demande qui peut être ce curieux "employé du Ciel", ce garçon en costume-cravate...
La suite est la découverte de la seconde existence de celui qu'on appelle Makoto Kobayashi. Le réalisateur a tenu à nous montrer la vie quotidienne d'une famille de "Japonais moyens". La façade est jolie (ils ont une maison, un intérieur coquet à défaut d'être luxueux, deux garçons propres sur eux), mais le fond est moins joyeux : le père est un gentil ringard, un brin alcoolique, très pris par son boulot minable ; la mère, qui a eu des faiblesses pour son professeur de danse, est d'une insupportable soumission à la maison ; le frère aîné semble être un jeune homme égoïste et le rescapé Makoto est un enfant gâté.
Il est surtout décalé par rapport à ceux qui croient le connaître. Il n'a que quelques semaines pour mener à bien sa "mission"... qu'il ne connaît pas, en fait. On sent qu'il doit "réparer" certaines choses. Pour cela, il doit découvrir pourquoi le garçon qu'il remplace s'est suicidé. Il mène donc une petite enquête. Ce qu'il découvre n'est pas toujours joli joli.
Mais l'âme réincarnée se rebelle parfois. Il veut n'en faire qu'à sa tête. (N'oublions pas que c'est un gamin.) Comme celui qu'il remplace n'avait visiblement pas d'ami, il tente de s'en faire. Il va aussi découvrir sa "famille", les voir sous un autre jour. Une des belles séquences le voit partir à la pêche avec son "père". On peut relever aussi les scènes de repas, vraiment réussies... et qui donnent faim !
Les Occidentaux seront stupéfaits de découvrir un collège où les garçons portent l'uniforme et les filles la jupe et de grandes socquettes. Mmmm... Les Occidentaux seront peut-être aussi surpris par le respect de certaines convenances, la politesse des protagonistes. Heureux Japon... Du point de vue scolaire, on apprend que les lycées prestigieux sont publics, alors que les bahuts privés semblent appartenir à deux catégories : ceux qui acceptent tous les collégiens, quels que soient leurs résultats, et ceux qui offrent une formation très spécialisée (en arts plastiques, par exemple).
Le dessin est agréable à regarder. Ce n'est pas du niveau d'un film de Miyazaki, mais cela a été fait avec soin, surtout au niveau des décors. C'est un peu plus limite quand les mouvements se font rapides.
La fin nous propose un petit retournement... auquel on peut s'attendre si l'on a été attentif. (C'est pas pour me vanter, mais j'avais "intuité" depuis le début !) Je trouve toutefois le film un peu complexe pour des petits. Dans la salle où je l'ai vu, quelques parents n'avaient visiblement pas lu grand chose à son sujet avant d'y emmener leurs bambins. En dépit de la qualité de l'image et de l'intérêt porté aux relations entre ados, certains ont assez vite décroché... et ils n'ont pas dû comprendre certains traits d'humour.
On peut glaner plus d'informations sur le site dédié.
14:01 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 19 novembre 2011
Tintin et le secret de la Licorne
Cette adaptation est construite à partir de deux albums, Le Crabe aux pinces d'or (qui voit la rencontre entre Tintin et le capitaine Haddock) et Le Secret de la Licorne. On comprend la logique qu'il y a derrière : cela constitue une sorte de matrice, dont vont découler les autres films (le prochain fera sans doute intervenir le professeur Tournesol). Mais l'attelage est un peu bancal : je considère Le Secret de la Licorne nettement supérieur au Crabe aux pinces d'or.
Après, que les scénaristes aient réécrit une partie de l'histoire ne me choque pas. Leurs choix ne sont pas forcément mauvais. On notera tout de même que le récit (par Haddock) de la vie de son ancêtre intervient, dans le film, dans une phase de sevrage d'alcool, alors que dans la bande dessinée, il nourrit son récit de fréquentes gorgées de boisson fermentée...
Mon principal regret est le traitement subi par le second album, dont l'intrigue est quelque peu rognée pour que l'ensemble rentre dans le format d'un film d'environ deux heures. Exit donc les frères Loiseau (ce qui évitera au film de susciter l'ire des antiquaires), remplacés par une habile histoire de vengeance à plusieurs générations de distance. L'épisode du voleur de portefeuilles est aussi un peu bâclé : dans l'album, il est traité avec un grand soin graphique... et beaucoup plus d'humour.
J'ai par contre apprécié l'introduction précoce de la Castafiore dans l'univers de Tintin. Sa présence se justifie d'une manière que je ne peux raconter ici sous peine de déflorer un peu trop l'intrigue. C'est bien trouvé.
Les séquences d'action sont particulièrement réussies. On a l'abordage de la Licorne par le bateau-pirate, un grand moment en 3D. On se laisse aussi volontiers porter par l'incroyable poursuite marocaine, à pieds, en moto, en voiture, en char, dans les airs... jusque dans l'eau. On retrouve le souffle d'Indiana Jones... mais ce n'est pas du Tintin.
Le film commence pourtant très bien, avec un générique virevoltant, puis un hommage à Hergé dans la première séquence. (Regardez bien qui fait le portrait de Tintin.)
Mon gros problème est que je n'ai pas trop aimé les voix françaises des deux personnages principaux (Tintin et Haddock), qui me sont apparus moins sympathiques et fantaisistes que dans la BD. Par contre, j'ai adoré Milou, qui se comporte comme un mélange d'Idéfix et de l'adorable cabot de The Artist.
23:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, film, cinéma
vendredi, 18 novembre 2011
Contagion
Pour se mettre dans l'ambiance de ce film, il faut imaginer une suite virtuelle à L'Armée des douze singes : le scientifique fou a réussi à mettre en oeuvre son projet de dissémination des germes, et le monde va subir une terrible épidémie... sauf qu'ici la cause est accidentelle.
C'est d'ailleurs l'un des intérêts du film : découvrir, au fur et à mesure que l'enquête épidémiologique progresse, le chemin pris par la contamination, jusqu'à parvenir à remonter au "moment zéro". Je trouve néanmoins que le scénariste n'a pas assez exploité cet aspect de l'histoire.
C'est d'abord une tranche de vies (pas du niveau de Short Cuts toutefois), un film sur l'humain de base confronté à une catastrophe sanitaire. Certains se révèlent être médiocres, d'autres des salauds, d'autres encore des héros. Le paradoxe est que ces humains ordinaires sont incarnés par une brochette de vedettes : Matt Damon (au poil en Américain moyen), Kate Winslet (mon kiff perso), Laurence Fishburne (très bon), Gouinette Patrop (qui joue juste, dans un rôle difficile), Jude Law, en internaute justicier à la noix et Marion Cotillard, un peu transparente en technocrate de la médecine au grand coeur.
Si le déroulé de l'intrigue n'a rien de transcendant, le traitement est rigoureux, soigné, efficace (didactique même, pensent certains spécialistes), sans recherche d'effet catastrophe. C'est très bien joué... et, face aux stars, c'est une actrice méconnue qui remporte le ponpon, avec le rôle-clé.
Le soir, après un bon repas, cela permet de digérer agréablement. Sans plus.
00:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
lundi, 14 novembre 2011
Un mythe s'effondre
J'ai apris la nouvelle (renversante) en écoutant le "portrait chrono" que Tanguy Pastureau lui a consacré ce week-end. George Clooney... oui, le George Clooney, le beau gosse qui les fait tomber comme des mouches, l'acteur drôle et subtil, le réalisateur pas manchot, le producteur engagé, ce George Clooney-là est... un mec normal !
L'information a été puisée à bonne source : le magazine Rolling Stone, réputé pour la rigueur de ses enquêtes approfondies. Le 9 novembre est paru un article dans lequel on apprenait notamment que le chéri de ces dames a eu son premier orgasme en montant à la corde. Voilà qui n'a rien de surprenant : Clooney ado était bien dans la norme, c'est-à-dire excité comme une puce !
Mais le plus incroyable est à venir dans la suite de l'article. Le VRP du café-express des bobos (dont une publicité a fait l'objet d'un détournement "équitable"...) avoue raffoler... des pets, qui le font mourir de rire, à tel point qu'il a téléchargé une application flatulente sur son téléphone portable (qu'on imagine très chic). Il a même acheté des coussins-péteurs déclenchables à distance...
06:50 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, médias, cinéma
samedi, 12 novembre 2011
Une Vie avec Oradour
Ce documentaire est consacré, comme son titre l'indique, au massacre d'Oradour-sur-Glane. Il n'est pas le premier (et sans doute pas le dernier). Le réalisateur a donc adopté une démarche originale, comme il l'explique dans le passionnant dossier de presse publié à l'occasion de la sortie du film : il suit l'un des deux derniers rescapés encore en vie, Robert Hébras (auquel Libération a récemment consacré un joli portrait). Celui-ci raconte donc cette journée comme il l'a vécue.
D'autres témoins ont été sollicités. Au final, le film réussit le tour de force de raconter de manière objective un événement, à partir de visions subjectives.
Ceux qui se sont déjà rendus dans le village en ruines (dont une reconstitution en images de synthèse a été réalisée) reconnaîtront certaines rues et certains bâtiments. A travers les descriptions du rescapé, on suit à la fois le déroulement du massacre et son parcours de survie.
La deuxième partie du film est consacrée à l'après-guerre. Le village est reconstruit à côté, laissant les ruines en place. Il faut vivre avec la douleur, l'absence des êtres aimés. Les survivants se font passeurs de mémoire. On suit l'évolution de Robert Hébras, dont on comprend qu'il fut sans doute longtemps germanophobe, avant de pouvoir faire la distinction entre les criminels de l'époque et les Allemands d'aujourd'hui. A ce sujet, une séquence émouvante le montre en compagnie d'un groupe d'élèves venus d'Allemagne avec leurs enseignants. C'est l'un des très beaux moments du film.
On peut aussi y dénicher quelques "perles", comme ces extraits d'un documentaire allemand (eh oui !) tourné il y a plus de vingt ans. On y voit un Robert Hébras plus jeune présenter une partie des ruines devant des journalistes venus d'outre-Rhin. On y voit aussi l'un des responsables du massacre, Heinz Barth, aujourd'hui décédé. Il se déclarait très surpris d'apprendre qu'il y avait eu des survivants...
Cela nous amène au procès de 1953, qui a vu s'opposer deux mémoires des victimes : celle des habitants d'Oradour et celle des "Malgré-nous", Alsaciens et Mosellans engagés de force dans l'armée allemande (voire les SS) : 13 d'entre eux (dont un engagé volontaire) étaient membres de la troupe qui a perpétré le massacre.
Pour complexifier le tout, ajoutons que, parmi les 642 victimes, figurent des réfugiés originaires d'Alsace-Moselle (n'oublions pas que ces deux territoires ont subi, en 1940, une nouvelle annexion allemande), notamment du village de Charly, situé à proximité de Metz. A sa demande, il obtint de changer son nom en Charly-Oradour.
Même si le film est bien fichu, je pense que rien ne remplace la visite des lieux. L'accès aux ruines est gratuit. Sur certains bâtiments, des plaques apportent des éléments d'explication. Mais peut-être vaut-il mieux commencer par la visite du Centre de la mémoire, qui explique le contexte du massacre et élargit à toute la Seconde guerre mondiale (et au-delà).
15:06 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema, histoire
vendredi, 11 novembre 2011
Ici on noie les Algériens
C'est un documentaire consacré au massacre du 17 octobre 1961, à Paris. Ce n'est toutefois pas une enquéte exhaustive sur les tenants et les aboutissants de l'événement. Le film prend la forme d'un déroulé chronologique, qui s'appuie sur des documents d'époque et les témoignages de rescapés et de proches des victimes.
Premier constat : c'est fou ce que l'on peut retrouver comme images d'archives ! Si, en France, le bilan de ce massacre a été longtemps occulté, force est de constater que la manifestation comme la répression, même atténuée, sont présentes dans les médias de l'époque.
On pourra regretter que la réalisatrice (qui s'est auparavant intéressée aux massacres de Sétif) n'ait pas choisi de consacrer davantage de temps au contexte de la manifestation : la guerre d'Algérie finissante. Cela aurait permis de mieux cerner les motivations des autorités de l'époque. On se place tout de même dans une séquence hyperviolente, commencée le 8 mai 1945 (et à la Toussaint 1954 pour la guerre en tant que telle). N'oublions pas non plus que, pour l'Etat français, "l'affaire algérienne" est officiellement une série d'opérations de maintien de l'ordre, pas une guerre (dont l'existence n'a été reconnue qu'en 1999...).
Les moments que j'ai trouvés les plus intéressants sont cependant les témoignages (contemporains) des femmes, sur le déroulement de la manifestation, la répression, leur vie sans leur mari, leurs démarches pour le retrouver. Certaines font même parfois preuve d'un humour étonnant. (On peut en lire d'autres sur un site dédié au 17 octobre 1961.)
Reste que le film m'est apparu long. Il ne dure pourtant qu'1h30, mais je dois avouer que, durant la première partie, il m'est arrivé de piquer du nez ! C'est, je pense, une des limites du documentaire cinématographique. Un format de 45-50 minutes est plus adapté. Sauf exception, la télévision se prête donc mieux à sa diffusion. Pour maintenir l'intérêt sur une plus longue durée, il faut que le documentaire soit porté par une verve polémique talentueuse, ou qu'il soit d'une exceptionnelle qualité. Ce n'est pas le cas ici. C'est un travail intéressant, sans plus.
14:35 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
dimanche, 06 novembre 2011
La Couleur des sentiments
Ce n'est pas le titre d'origine, qui est The Help ("La Domestique" ou "La Femme de ménage"), directement inspiré du livre écrit par Kathryn Stockett, dont la biographie n'est pas sans ressembler à celle du personnage de Skeeter.
Je pense qu'on a changé le titre pour que les spectateurs français adultes fassent le rapprochement avec le film de Steven Spielberg La Couleur pourpre (lui aussi adapté d'un roman). Dans les deux cas, l'action se passe dans le sud des Etats-Unis. Dans les deux cas, les Noirs sont confrontés à la ségrégation. Dans les deux cas, ce sont d'abord des histoires de femmes. La grande différence est l'époque : le début du XXe siècle pour La Couleur pourpre, les années 1960 pour The Help.
C'est donc d'abord un film d'actrices, où les personnages masculins, fait exceptionnel, sont au second plan. Ma préférée est sans conteste Octavia Spencer, qui joue Minny Jackson, une employée à fort caractère, dont les pâtisseries sont renommées. Son gâteau au chocolat va occuper une place particulière dans l'intrigue...
Du côté des Blanches, j'ai apprécié Jessica Chastain, dont le rôle de fofolle contraste fortement avec celui qu'elle a interpété dans L'Affaire Rachel Singer. Bryce Dallas Howard est aussi très bien en insupportable pétasse. Dans un rôle plus difficile (celui d'une mère non raciste, mais qui n'assume pas devant ses fréquentations très traditionnalistes), on peut noter la performance d'Allison Janney, récemment remarquée dans Life during wartime. Enfin, les plus âgés (ou cinéphiles) seront heureux de retrouver Sissy Spacek, qui n'est plus la jeune femme révélée par Carrie au bal du diable, mais une grand-mère caractérielle qui déteste sa fille.
L'histoire tourne autour des relations entre les nounous noires et les enfants dont elles ont (eu) la charge. Ce sont finalement elles qui les élèvent, et non les mères biologiques, accaparées par l'organisation de goûters, de réunions ou de soirées... où toutes les tâches ingrates sont exécutées par les domestiques.
C'est un aspect "quotidien", trivial, de la ségrégation qui joue le rôle de détonateur. En effet, alors que dans presque toutes les circonstances, les législateurs ont prévu de séparer les Blancs des autres, dans les maisons où travaillent les domestiques se pose la question de l'usage des toilettes (et même du papier hygiénique). Au départ anecdotique, le sujet va prendre des proportions inattendues... et franchement cocasses !
C'est le passage par l'écrit qui met le feu aux poudres. L'étudiante blanche anticonformiste, de retour dans sa ville natale, constate qu'elle tranche sur l'opinion moyenne des gens de son milieu. Elle décide de donner la parole aux employées noires... avec les risques que cela comporte. Ce film est donc aussi un hommage à l'écriture, qu'elle soit sous forme journalistique ou romancée.
Et l'amour dans tout cela ? Il est difficile à trouver aussi bien pour les Blanches que pour les Noires. Les hommes noirs sont singulièrement absents de cette histoire (à une exception près). Les rares fois où il en est question, les maris sont dépeints comme violents. Du côté des Blancs, le tableau n'est pas meilleur. S'ils ne frappent pas leurs épouses, les maris imposent quand même leur loi et, quand ils sont gênés, ils ont tendance à se défiler. Quelques (rares) figures viennent heureusement nuancer ce tableau peu réjouissant. (Signalons que le film a été réalisé par un homme !)
14:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, histoire
samedi, 05 novembre 2011
L'Exercice de l'Etat
Ce titre étrange, sur lequel butent nombre de spectateurs, est (à mon avis) le résultat du téléscopage de deux expressions : "l'exercice du pouvoir" et "le service de l'Etat".
A priori, on assimile l'exercice du pouvoir aux postes ministériels et le service de l'Etat aux hauts fonctionnaires. Mais, un bon ministre ne doit-il pas avoir le sens de l'Etat ? Un haut fonctionnaire n'exerce-t-il pas une partie du pouvoir ? D'où le mélange.
Le film tourne autour de deux personnages principaux, le ministre, auquel Olivier Gourmet donne son corps et son tempérament, et le directeur de cabinet, incarné par un Michel Blanc d'une éblouissante sobriété.
Le ministre est membre d'un gouvernement "PR". Il ne s'agit bien évidemment pas de feu le Parti républicain, devenu Démocratie libérale, qui s'est fondu dans l'UMP. Le PR est donc un avatar du parti présidentiel. Mais le héros n'en est apparemment pas membre... ou à moitié. On lui prête une sensibilité plus centriste. On pourrait le rapprocher du Parti radical valoisien ou, à la rigueur, du Nouveau centre.
Le directeur de cabinet est sans aucun doute un ancien membre de l'ENA. (Jean-François Carenco a-t-il servi de modèle ?) Il en a la componction et les réseaux. C'est aussi incontestablement un gaulliste. L'une des plus belles scènes du film nous montre Michel Blanc en train de s'habiller au son du (superbe) discours prononcé par André Malraux lors de la panthéonisation de Jean Moulin.
Gilles-Michel Blanc agit dans l'ombre. Il connaît presque tout le monde, dans le gouvernement et en dehors. Mais il n'utilise pas ces réseaux pour servir ses intérêts (contrairement à l'un de ses camarades de promotion, une fripouille que Didier Bezace est chargé de rendre sympathique). Il nous est présenté comme un quasi-moine-soldat républicain. L'opinion commune aurait pu conduire les scénaristes à faire de ce personnage quelqu'un de plus malfaisant. C'est au contraire, à mon avis, des puissants qui nous sont montrés, le plus honnête et le plus noble. Toute la haute fonction publique n'est hélas pas faite du même métal...
Face à lui s'agite Bertrand Saint-Jean, un type sympathique, aux idées généreuses, bosseur, pas frimeur... mais quand même ambitieux et un peu hypocrite... "qualités" indispensables à qui veut aujourd'hui faire carrière en politique, semble nous dire le réalisateur... On n'est pas obligé d'adhérer au propos.
Autour d'eux gravitent les huiles, les sous-fifres et les gens "normaux".
On entraperçoit les "huiles" à plusieurs reprises. On retiendra tout particulièrement Stéphane Wojtowicz, très bon en président de la République. On nous a épargné le portrait d'un agité bling bling. On nous propose la vision d'un politique manipulateur... tout de même obsédé par la consultation de son téléphone portable.
Voilà un objet dont le réalisateur a su faire un argument cinématographique. Presque tous les personnages sont équipés d'un "smartphone", qu'ils consultent le plus souvent possible (au point qu'au cours d'une réunion confidentielle, le Premier ministre prenne la peine d'interdire aux participants de le maintenir allumé). A intervalles réguliers s'affichent sur l'écran les textos reçus ou envoyés et les dépêches AFP. Ils contribuent à relancer l'action ou lui donnent une profondeur inattendue.
Une remarque sur le style : c'est du cinéma de bonne facture, soigné, qui privilégie le réalisme... à quelques exceptions près : quelques moment oniriques (qui ont beaucoup excité la critique...) ont été intercalés. Ils ne sont pas inintéressants, mais n'apportent pas grand chose au film, selon moi.
Pas très loin des dirigeants, on rencontre les sous-fifres, les intrigants. Le film ne met en lumière que certains d'entre eux, pas de manière très flatteuse. On doit distinguer l'entourage du président de la République et du Premier ministre, plus distant, de celui du ministre (plutôt hétéroclite), avec lequel on nous familiarise. (On peut s'amuser à essayer de trouver des correspondances avec l'ancien cabinet de Jean-Louis Borloo.)
Enfin, à l'arrière-plan, se profilent les "gens du peuple" (90 % de la population tout de même !). Ils sont incarnés par des manifestants hargneux et un couple, dont l'homme devient chauffeur du ministre. La séquence la plus marquante est celle de la soirée durant laquelle le ministre, esseulé, partage le repas de ce couple et engage, à moitié ivre, un débat avec son hôtesse, qui lui "rentre dans le lard".
Si cette séquence est formellement réussie, sur le fond, elle ne m'a pas beaucoup plu. Elle est construite sur un postulat favorable au ministre : le pauvre gars est tout seul, il n'a pas d'ami, mais voyons c'est un type bien qui veut servir son pays. On ne donne pas assez la parole aux vraies gens dans ce film. Il aurait pourtant été possible de tracer un parallèle entre la vie sans paillettes des Français moyens et celle de ceux qui évoluent dans le tumulte politico-médiatique.
On perçoit clairement le parti-pris de la réalisation lorsque le ministre se trouve confronté à des manifestants (de la CGT principalement : on prend soin à ce que les drapeaux rouges soient visibles à l'écran), qui menacent de le bloquer. On ne saura pas vraiment pourquoi ces hommes et ces femmes se comportent ainsi, mais on est vraiment content que le ministre s'en sorte !
C'est au second degré qu'une critique est émise. On peut ainsi analyser l'accident de voiture de manière métaphorique : de la même manière que le choix, par le ministre, d'un itinéraire non sécurisé conduit à la mort d'un personnage, la politique menée par le gouvernement détruit les vies de citoyens qui en subissent les conséquences. Mais faut vraiment aller chercher loin !
Si l'on fait abstraction de ces limites, cela reste un très bon film, servi par une pléiade d'acteurs excellents.
16:13 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film
mercredi, 02 novembre 2011
De bon matin
Jean-Pierre Darroussin incarne un cadre bancaire, la cinquantaine. Il gagne bien sa vie. Il vit dans une grande maison (dont on pense qu'il est propriétaire), dans une banlieue calme et verdoyante. Sa femme est belle, son fils lycéen a des projets.
Sauf que... ce matin-là, Pierre Wertret s'est levé très tôt. Il laisse sa 407 (rutilante) au garage et se rend au travail à pieds, puis en bus. En arrivant, il sort un pistolet de son sac et abat deux de ses collègues. Il s'enferme ensuite dans un bureau (dont on va apprendre qu'il s'agit de son bureau, enfin de son dernier bureau).
La suite est une série de retours en arrière, par touches impressionnistes. On comprend que l'ambiance au boulot s'était dégradée. Pierre est en conflit avec son supérieur hiérarchique (Xavier Beauvois, qui excelle à incarner cette petite enflure). Il regrette le départ de son précédent patron, qu'on a semble-t-il poussé vers la sortie... et dont il aurait bien aimé récupérer le poste.
Les scènes de bureau sont vraiment très bonnes. On nous y montre ces petites rivalités, ces hypocrisies et ces signes plus ou moins perceptibles qui permettent de comprendre qu'untel est bien en cour, ou au contraire mis au rancart. On perçoit de l'intérieur le drame de ces employés bosseurs, fidèles, qui, une fois passée la cinquantaine, sont perçus comme des poids, des ringards.
Même dans son couple le héros souffre. Sa femme, bibliothécaire investie dans l'humanitaire, n'a pas du tout le même vécu professionnel. Elle finit par le quitter. Reste son fils, adolescent finalement moyen, pas méchant mais plutôt velléitaire, loin donc de son opiniâtre père qui a dû se battre pour avoir tout ce dont lui profite.
La réalisation est classique. C'est le montage qui est brillant. La succession des moments est porteuse de sens. C'est parfois proche de la virtuosité, comme lorsque le héros raconte ses débuts professionnels à un nouveau collègue et que, superposée à la voix de Darroussin qui raconte, s'affiche une scène dans laquelle on le voit plus jeune, moustachu, déambulant timidement entre les rayons d'une bibliothèque où travaille une femme à laquelle il veut se lier. Le procédé nécessite néanmoins un effort d'attention de la part du spectateur : c'est lui qui doit faire le lien entre ces morceaux qui, petit à petit, s'assemblent.
On s'approche ainsi de la fin. Sentant son monde basculer, le héros tente de relancer sa carrière et sa vie personnelle. Il fait des démarches pour changer de travail, revoit son ancien patron, tente de se réconcilier avec un vieil ami avec qui il aimerait organiser un voyage en bateau. L'une de ces solutions finit-elle par s'imposer ? Je vous laisse le découvrir à la toute fin du film.
P.S.
Le réalisateur, Jean-Marc Moutout, nous avait déjà offert un film un peu dans la même veine : Violence des échanges en milieu tempéré. Depuis les années 1990, en France, on a pu voir dans les salles plusieurs (bons) longs métrages traitant du monde de l'entreprise, comme Ressources humaines (de Laurent Cantet), Extension du domaine de la lutte (de Philippe Harel) et Le Couperet (de Costa Gavras).
20:11 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
lundi, 31 octobre 2011
Another silence
Les Français ne sont pas nombreux à le savoir, mais Marie-Josée Croze est canadienne (québécoise, pour être plus précis). Il n'est donc pas si étonnant que cela de la retrouver à l'affiche de cette coproduction internationale, tournée en anglais et en espagnol, et dont l'action se déroule au Canada puis aux confins de l'Argentine et du Chili.
Cette fois-ci, l'abonnée aux seconds rôles occupe la tête d'affiche... pour mon plus grand plaisir, tant j'ai apprécié ses compositions dans des films aussi divers que Ne le dis à personne, Jacquou le Croquant, Le Scaphandre et le papillon ou encore Liberté.
Signalons que le réalisateur, Santiago Amigorena, a auparavant écrit pour Cédric Klapisch : Le Péril jeune, Peut-être et Ni pour ni contre, bien au contraire.
L'affiche (construite autour d'une image extraite de la dernière partie du film) pourrait tromper son monde. En effet, à la base, il s'agit de l'histoire d'une policière dont le mari et le fils sont assassinés, et qui décide de se venger.
On pourrait donc imaginer que cette femme va être une sorte de décalque de l'inspecteur Harry ou de l'agent du NCIS Gibbs voulant liquider l'assassin de son épouse et de sa fille. Ce n'est pas tout à fait cela.
Le début laisse beaucoup de questions en suspension. On ne sait tout d'abord pas quel est le mobile du double meurtre. Est-ce lié aux fréquentations du gamin ? Est-ce parce que la mère est policière ? Est-ce à cause de la profession du mari, que l'on ne découvre que plus tard dans le film ? Mystère. Même le passé de la jeune femme recèle des zones d'ombre.
Tout est construit autour du personnage de Marie, une femme non pas furieuse, mais froide et déterminée. Il faut avoir perdu quelqu'un de cher ou avoir eu au moins une fois dans sa vie envie de vraiment tuer pour comprendre ce qu'elle peut ressentir. C'est d'ailleurs l'une des limites du film. Si l'interprétation de M-J Croze est irréprochable, le scénario et la mise en scène ne permettent pas tout à fait à quelqu'un d'extérieur d'entrer dans le personnage. Ceci dit, c'est peut-être voulu. Elle garde cet aspect irréductible, cette part d'étrangeté qui la rend si particulière.
Du coup, ce qu'on prend parfois pour du courage n'est qu'une fuite en avant sans émotion. Bon, d'accord, la dame a les ovaires bien arrimées, n'hésitant pas à s'attaquer à tout type de truand. Mais on finit par comprendre qu'elle n'a plus peur de la mort, ayant perdu ses raisons de vivre.
Elle part à la recherche de l'assassin et du commanditaire en Amérique du Sud. Cela nous vaut des scènes magnifiques tournées en Argentine et au Chili, dans des régions où les habitants sont majoritairement des Indiens. L'héroïne y fait des rencontres surprenantes et les paysages sont splendides. Dans une belle salle, sur un grand écran, c'est chouette !
(Je mets un bémol à cause de la fin que, comme d'autres spectateurs, je n'ai pas appréciée, même si elle se comprend. Cela n'enlève rien à la qualité du reste du film.)
23:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
Les Marches du pouvoir
Le titre originel, The Ides of March ("Les Ides de mars") est à mon avis plus explicite : il fait allusion à l'assassinat de Jules César, notamment par Brutus, le fils de sa maîtresse. Cela invite le public cultivé à faire le parallèle entre le gouverneur Mike Morris (George Clooney lui-même, impeccable), favori des primaires démocrates (et considéré donc comme le futur président) et le général romain. Reste à savoir qui va trahir le candidat... ou s'il n'a pas un fils (adoptif).
Comme le film a été conçu à la fin du second mandat de George W. Bush, l'intrigue prévoit un basculement électoral en faveur des démocrates. Le gouverneur est un vrai progressiste : il croit en la parole donnée, n'aime pas les tripatouillages, est un fervent promoteur des énergies renouvelables et s'oppose à l'aventurisme guerrier de l'administration sortante. Cerise sur le gâteau : il est beau gosse et semble très amoureux de sa femme, qui, bien entendu, est intelligente et compréhensive (très belle scène dans la voiture à la clé).
La victoire semble lui tendre les bras. Il est soutenu par un conseiller en com' redoutable (et fidèle), incarné avec brio par Philip Seymour Hoffman (dont on a déjà pu admirer le jeu à maintes reprises, comme dans Good Morning England, La Guerre selon Charlie Wilson, 7h58 ce samedi-là...), épaulé par un jeune et brillant assistant aux dents longues (Ryan Gosling, l'étoile montante).
Du côté de la distribution, il faut signaler la composition de deux autres acteurs : la jeune Evan Rachel Wood (révélée dans Whatever works) en fausse ingénue, fragile au fond, et Paul Giamatti, sorte d'homme à tout faire des seconds rôles hollywoodiens, excellent en adversaire retors.
Le véritable personnage principal est le jeune conseiller, qui se retrouve au carrefour des intrigues, tantôt manipulateur, tantôt manipulé. C'est donc un bon thriller politique qui nous est offert. On vit de l'intérieur une campagne de primaires, avec ses enjeux sous-jacents.
Sur le fond, le propos est assez cynique (à l'image de ce qu'on a pu voir, dans un contexte différent, dans Jeux de pouvoir), mais pas forcément désabusé. En cela, il s'accorde bien avec le titre français. Jusqu'où peut-on (doit-on ?) pousser les compromissions pour accéder au pouvoir ? Sur qui est-on prêt à "marcher" ? à s'appuyer ? Même si on trouvait déjà ce questionnement dans Bulworth (de et avec Warren Beatty) et Primary Colors, il est ici particulièrement bien maîtrisé, corseté par un scénario qui se concentre sur les enjeux politiques globaux et les choix individuels.
Au niveau de la mise en scène, il n'y a rien à dire. C'est propre et maîtrisé, au service du propos. De temps à autre, Clooney se permet quelques effets. Cela m'a rappelé Good Night and good luck, sa deuxième réalisation. C'est peut-être un peu moins "léché", mais le fond du film est plus dense. A voir, donc.
12:18 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinema, film, cinéma
dimanche, 30 octobre 2011
Les Hommes libres
Le titre pourrait faire référence aux "Français libres" qui se sont battus contre l'occupation allemande. Dans ce film il est question des Maghrébins vivant en métropole, certains s'étant engagés dans la Résistance, allant jusqu'à sauver des juifs.
On voit qu'au-delà de la reconstitution historique (sur laquelle on peut émettre quelques réserves) et du film d'action, il va être question d'œcuménisme : face aux grands méchants nazis (et à leurs infâmes collaborateurs), des hommes de bonne volonté et de toutes origines ont su se rapprocher.
Le centre névralgique du système (et du film) est la mosquée de Paris, dirigée par un recteur (son fondateur Kaddour Benghabrit) incarné avec bonhomie par l'incroyable Michael Lonsdale (dont on a récemment encore pu admirer le talent dans dans Des Hommes et des Dieux), qui donne son rythme au film.
Le personnage moteur est le jeune Younes, d'abord trafiquant, qui manque de peu de basculer dans la collaboration, puis amoureux et résistant, de plus en plus engagé. L'un des intérêts du film est de montrer son évolution. Cet aspect est hélas gâché par l'interprétation. Je trouve l'acteur (Tahar Rahim) vraiment peu expressif, quasiment toujours dans le même registre. C'est peut-être voulu mais alors c'est un choix maladroit.
Les seconds rôles sont brillamment interprétés. Il aurait peut-être fallu que l'officier allemand ait un accent plus prononcé : il parle un peu trop bien français.
Le film mérite le détour aussi par la musique qu'on y entend, une musique "orientale", élaborée mais sans fioritures. Un tambourin, à demi extorqué puis revendu, joue un rôle dans l'intrigue.
Restent ces Nord-Africains, authentiques résistants (le grand public sait, depuis Indigènes, qu'ils ont permis de refonder l'armée française dans les années 1941-1945), futurs combattants indépendantistes (algériens, mais aussi marocains...). Je pense que ce film, mieux que Hors-la-loi, fait comprendre que, pour un Maghrébin anticolonialiste, la lutte pour l'indépendance a été perçue comme la continuation du combat contre l'occupant nazi. A court terme, leur courage a été bien mal récompensé. Ce film apporte donc des éléments permettant de mieux comprendre une époque complexe... et il est plutôt bien fichu.
23:59 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma
mardi, 25 octobre 2011
The Artist
Voilà un film ambigu. C'est une production française, tournée par un réalisateur français (Michel Hazanavicius, déjà remarqué pour OSS 117, Rio ne répond plus), avec pour acteurs principaux deux Français... mais tout le reste est américain : les seconds rôles (notamment le valet, dont le visage a traversé nombre de films et séries télés depuis une quarantaine d'années), les figurants (très bons), les références cinématographiques (du muet comme du parlant), les lieux de tournage, le distributeur (Warner Bros)... ainsi que la langue dans laquelle s'expriment tous les acteurs (ce qui est facilement observable, tant le nombre de gros plans est important).
Cela nuit-il à la qualité du film ? Non. C'est d'abord un somptueux noir et blanc. Un gros travail a été fait sur l'ombre et la lumière... encore plus sur les reflets. Un grand nombre de scènes voit débouler dans le cadre un ou plusieurs miroirs, avec lesquels le réalisateur s'amuse à instiller de l'humour, de la tension ou tout simplement de la profondeur. Ce travail atteint un sommet visuel dans une scène où le héros renverse le contenu de son verre sur une table... superbe ! On appréciera aussi l'effet de superposition du reflet de George Valentin / Dujardin dans la vitrine d'un prêteur sur gage.
L'intérêt du film réside aussi dans l'histoire, comique, romantique et tragique, qu'il raconte. On commence par une suite de séquences à la gloire de la vedette du muet, où Jean Dujardin cabotine pour jouer un acteur cabot ! Il est comme de bien entendu accompagné d'un véritable cabot... le chien Uggy. Ce Russel Terrier est absolument adorable. Il sauve plusieurs fois la mise à son maître, imprudent et orgueilleux à l'excès. Pour sa performance, le canidé a même reçu la Palm Dog au dernier festival de Cannes !
Vient ensuite la descente aux enfers de l'acteur-vedette, pendant que la petite nouvelle, à qui il a mis le pied à l'étrier, devient une star du parlant. Le chassé-croisé entre les deux trajectoires, s'il n'est pas nouveau, n'en est pas moins réussi.
Enfin, comme le film se veut une illustration de ce à quoi il rend hommage, il s'agit d'une histoire d'amour naissant, contrarié par le passage du muet au parlant et la crise des années 1930. C'est classique et émouvant. Le fait que ce soit la femme qui connaisse le succès donne un côté "moderne" à l'histoire.
13:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : film, cinéma, cinema
samedi, 22 octobre 2011
Un Monstre à Paris
Cette nouvelle production d'Europa Corp nous ramène dans le Paris du début du XXe siècle (un peu à l'image de ce que l'on a pu voir dans Les Aventures d'Adèle Blanc-Sec), plus précisément en 1910, l'année de la grande inondation qui a frappé la capitale. (On voit à plusieurs reprises un morceau d'un célèbre Zouave...)
Le film commence par une introduction assez longue... et c'est tant mieux. Au lieu de nous jeter immédiatement dans l'action, on prend le temps de nous présenter les personnages qui vont jouer un rôle dans cette histoire. Il y a ce projectionniste de petite taille, timide, amoureux de la caissière, qui elle-même en pince secrètement pour lui. Il y a Raoul la grande gueule inventive... secrètement amoureux de la chanteuse Lucille, que sa mère tente de pousser dans les bras du préfet arriviste et arrogant. Ajoutez à cela un babouin qui a des airs de Jacques Balutin (incontestablement mon personnage préféré, très drôle), et le tableau sera presque complet.
Presque... parce qu'il manque le personnage principal, né d'une drôle de réaction chimique, à la fois monstre et merveille. -M- lui prête sa voix et son talent musical, censé se marier à celui de Lucille - Vanessa Paradis. Du coup, si l'on croit se trouver face à un dessin animé classique, on imagine que la belle chanteuse et le monstre vont, à l'issue de péripéties rocambolesques, former un couple harmonieux.
Eh bien... pas tout à fait. Le film ne suit pas la ligne traditionnelle du conte de fées. Le "monstre" Francoeur est une sorte de révélateur. Son arrivée va bousculer la vie des personnages principaux et les obliger à faire des choix, à se déclarer. Les masques vont tomber. (Au passage, j'ai apprécié que le méchant très méchant soit incarné par un type qui présente bien, qui a du succès... et qui s'avère être une belle ordure.)
L'animation est réussie, que ce soient les décors du Paris 1910 (le film, soutenu par la mairie de Paris, joue sur le côté "carte postale") ou les mouvements des personnages. Sur un grand écran (en deux dimensions), c'était joli à voir. Attendez-vous aussi à ce qu'une séquence (très enlevée) ait pour cadre le plus célèbre monument de la "Ville lumière".
Je mets toutefois un bémol à mon enthousiasme. La chanteuse Lucille se produit dans un théâtre, sans micro... et c'est le filet de voix de Vanessa Paradis qui sort de sa bouche. Vu le contexte, ce n'est pas très crédible, quand on est un adulte limite vieux con râleur dans mon genre. Mais, bon, il fallait bien reconstituer le couple -M- / Paradis... alors qu'une chanteuse à voix aurait été plus adaptée au rôle. Ceci dit, la bande son n'est pas désagréable à écouter.
J'ai aussi remarqué quelque chose au niveau du mouvement des lèvres des personnages. Il faudrait que je revoie le film pour vérifier si c'est systématique, mais il me semble que l'animation est adaptée à l'anglais. Ainsi, lorsque l'héroïne dit "d'accord", j'ai eu l'impression que ses lèvres formait plutôt "all right", de même "earth" quand elle a dit "terre". Bon, je n'ai pas trop creusé, parce que j'avais envie de bien profiter du film, mais cela me turlupine tout de même. (On pourrait s'amuser à imaginer quels artistes vont donner leur voix dans la version anglophone... à moins que l'on ne juge le couple français suffisamment "bankable" ?)
Cela reste un divertissement réussi, visible par tous (et ne partez pas trop vite... le générique de fin réserve une ou deux surprises). Le site internet est lui aussi très sympa.
22:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film
samedi, 15 octobre 2011
La Grotte des rêves perdus
J'ai fait un peu de route pour voir cet étonnant documentaire, consacré à l'un des lieux emblématiques de l'art préhistorique en France, la grotte Chauvet (du nom de l'un de ses découvreurs). Le paradoxe est que, même si Arte et le ministère de Culture français ont contribué au financement, c'est un film anglo-saxon, dans lequel les intervenants français s'expriment le plus souvent dans la langue de Shakespeare.
Le déroulement suit une trame chronologique. Le début n'est pas en 3D, parce qu'il s'agit de la première prise de contact avec la grotte, caméra amateur en main. Puis, on entre dans le vif du sujet : l'équipe cinématographique a été autorisée à suivre la mission scientifique (seule autorisée à pénétrer dans la grotte). A la fin, elle a même eu droit à une semaine de rab', sans la présence des experts, mais accompagnée d'un guide.
Sur grand écran, en trois dimensions, c'est absolument magnifique. La technologie choisie permet de restituer les effets provoqués par l'utilisation de la forme et des aspérités des parois. La musique d'accompagnement est jouée principalement au violoncelle et à la flûte. Elle alterne avec des parties chantées, d'inspiration religieuse... parce que nous nous retrouvons dans une sorte de cathédrale.
Après nous avoir expliqué les circonstances de la découverte de la grotte, la voix-off (celle de Volker Schlöndorff dans la version que j'ai vue) nous emmène, en compagnie du réalisateur Werner Herzog, à la découverte de ses principales oeuvres artistiques. Les explications des scientifiques (notamment celles de Jean Clottes) complètent utilement l'approche sensitive que l'image transmet.
Ainsi, on est d'abord face à ces mains positives, dont on finit par apprendre qu'elles appartiennent au même homme, qui a le petit doigt cassé... ce qui va permettre d'identifier son apport aux autres créations situées dans la grotte.
L'un des endroits les plus montrés est cette paroi sur laquelle ont été dessinés des taureaux, des chevaux (magnifiques, aux détails très travaillés... ce qui est d'autant plus remarquable que ces oeuvres, situées dans la partie sombre, ont été réalisées à la lumière de torches rudimentaires !) et des mammouths.
Plus loin se trouve la représentation de félins, des lions des cavernes, dont on déduit que, contrairement à leurs cousins de la savane africaine, ils ne portaient pas de crinière.
Intriguante est cette représentation d'un pubis féminin en présence d'un être mi-taureau mi-homme. Elle est dessinée sur une stalactite isolée, rendue inaccessible aux visiteurs pour protéger le sol qui l'entoure, riche en restes divers. On finit par en avoir une vue plus détaillée dans le dernier tiers du film, grâce à une petite caméra.
On aurait aussi aimé en savoir plus sur les ours des cavernes, dont on aperçoit les crânes ou les mâchoires. L'un de ces crânes faisait visiblement l'objet d'un culte. Plus étonnantes sont ces marques de griffures, sur lesquelles les hommes préhistoriques ont dessiné... ou qui parfois, au contraire, recouvrent des oeuvres humaines plus anciennes.
C'est l'une des leçons de ce film : dans cette grotte le temps ne s'est pas écoulé de la même manière que nous le percevons aujourd'hui. Les humains ont pu l'occuper à des époques diverses, parfois séparées de milliers d'années. Le miracle est que les dessins aient pu être conservés, sans doute grâce à l'effondrement d'une paroi rocheuse, qui a obstrué l'entrée.
22:12 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinema, cinéma, histoire
mercredi, 12 octobre 2011
Vent de folie à la ferme
Sous ce titre sont regroupés trois courts-métrages d'animation très différents les uns des autres. Leur seul point commun est de mettre en scène des paysans. Signalons aussi qu'il s'agit d'une création iranienne.
Le premier s'intitule Le Canard et le fermier. La technique employée est la pâte à modeler, à l'image de ce que l'on a déjà pu voir en Occident avec les aventures de Wallace et Gromit. Comme toute fable, il comporte une morale. L'histoire oppose le paysan entretenu et le canard travailleur, le tout sous l'oeil des autres animaux, qui vont peut-être finir par intervenir...
Le deuxième film est, à mon avis, le moins réussi des trois. C'est Le Trésor. C'est un dessin animé, dont la qualité n'est pas sans rappeler le premier long-métrage tiré des aventures d'Astérix. C'est donc rudimentaire et assez répétitif. Là aussi il y a une morale claire, mais l'histoire n'est à mon avis pas aboutie.
On nous a gardé le meilleur pour la fin. Le Robot et le fermier a été construit avec des techniques modernes. Le résultat est très réussi sur la forme. L'intrigue est aussi plus travaillée, toujours avec une morale derrière... et c'est très souvent drôle ! J'ai beaucoup aimé ce film.
17:24 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 10 octobre 2011
Le cochon de Gaza
C'est une coproduction internationale (occidentale dans son financement), tournée en hébreu, arabe et anglais. Le ton balance entre la comédie drôlatique (qui penche tantôt vers Jacques Tati, tantôt vers Woody Allen) et la fable politique... jamais très loin du drame.
Le principal ressort comique est la présence bruyante et obsédante d'un sympathique cochon vietnamien, intrusion ô combien dérangeante dans un territoire dont la population (qu'elle soit musulmane ou juive) ne mange pas de porc !
Le personnage principal (interprété avec talent par Sasson Gabai, déjà remarqué dans La visite de la fanfare) est une victime : son domicile est "squatté" par des soldats israéliens (à l'image de son pays), son travail (la pêche) pâtit du conflit (qui lui interdit de s'éloigner des côtes pour trouver de quoi remplir ses filets), sa vie quotidienne est fortement dépendante des élites locales, bourgeois du Fatah ou du Hamas à qui il doit le respect.
Deux femmes adoucissent le tableau : son épouse, ménagère vigilante, et une Israélienne qui tente d'élever des cochons, assez ouverte d'esprit. Toutes deux sont interprétées avec beaucoup de justesse.
Paradoxalement, son salut financier va peut-être venir de ce cochon qu'il n'ose pas tuer (la tentative, pitoyable, donne lieu à une séquence mémorable, qui commence dans l'arrière-boutique d'un coiffeur)... et des juifs installés à proximité (l'action se situe juste avant l'évacuation de la bande de Gaza). C'est un double paradoxe, volontairement mis en scène. Derrière cela, on sent le propos œcuménique : les gens "normaux" sont prêts à s'entendre, ce sont les fanatiques et les crétins des deux camps qui empêchent la solution d'émerger. Ainsi, le soldat israélien et la ménagère palestinienne communient dans la même passion pour une telenovela brésilienne... mais ont des points de vue très différents sur les personnages !
Le plus scabreux survient quand le héros se décide à mettre en œuvre le seul moyen capable de renflouer ses finances (je me garderai bien de dire lequel... sachez qu'il est question d'un liquide... qu'un soldat israélien se risque à boire !). Cette comédie un peu déjantée est (à mon avis) ce qu'il y a de plus réussi dans le film.
Mais le drame n'est pas loin. La représentation du poids des fanatiques n'est pas sans rappeler ce qui se passe dans Paradise now. Un événement survient aux deux tiers du film, qui en change le ton. La dernière demi-heure sort un peu de la réalité. On appréciera ou pas cette fin originale.
P.S.
On profitera de cette fin en extérieur, qui permet de voir un peu plus à l'écran la fameux cochon, pour constater qu'il s'agit... d'une femelle ! (On voit ses tétines.) Elle s'appellerait Charlotte et a parfaitement assumé le rôle d'un mâle !
00:59 Publié dans Cinéma, Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
samedi, 08 octobre 2011
Présumé coupable
Voici donc le film consacré à l'affaire d'Outreau. Il ne nous en donne qu'une vision partielle, à travers le cas de l'un des accusés (et condamnés, ce qui est pire) à tort, Alain Marécaux (qui a écrit un livre sur ce qui lui est arrivé). C'est filmé en caméra objective, même si, à quelques reprises, le réalisateur passe en caméra subjective.
Le titre retourne l'un des principes fondamentaux de la justice, la présomption d'innocence, qui a été dans cette affaire singulièrement bafouée. On suit le calvaire d'Alain Marécaux alors que la procédure judiciaire est déjà bien en route. On ne nous montre pas ce qui a précédé, notamment le processus qui a conduit policiers et juges à se persuader de la culpabilité de cet huissier de justice.
C'est l'une des forces du film : montrer que la machine judiciaire peut broyer n'importe qui, même quelqu'un de bien introduit dans le système. A cet égard, l'évolution des relations entre le héros et l'un des procureurs est particulièrement éclairante. J'ai encore en mémoire une scène, au cours de laquelle Philippe Torreton (absolument fantastique dans ce rôle... futur César) regarde avec intensité celui qui fut quasiment son collègue... et qui ne le connaît plus désormais. D'un autre côté, on peut comprendre que la justice veille à faire preuve de la même sévérité avec tous... à condition qu'ils soient coupables.
Je ne connaissais pas le réalisateur, Vincent Garenq, mais je trouve qu'il fait preuve d'une grande habileté. Fait rare dans le cinéma français, les scènes de famille, notamment avec les enfants, sont bien tournées, les acteurs bien dirigés.
Le film se veut aussi pédagogique : on découvre le travail de la Police judiciaire et du juge d'instruction, le traitement infligé aux "présumés coupables" qui, s'ils ne sont pas battus, sont méprisés et victimes de harcèlement moral. Le but est de faire craquer les suspects : en France, on garde encore une forte culture de l'aveu.
Vient ensuite la phase de prison. Je pense qu'on ne nous montre pas tout... mais on en voit suffisamment : une cellule surpeuplée, avec la promiscuité, la saleté... et la peur de prendre un mauvais coup.
L'étape suivante est la grève de la faim menée par Marécaux-Torreton. L'engagement de l'acteur (qui a perdu 27 kilos... moins toutefois que le vrai Marécaux) y est perceptible. On touche à quelque chose qui dépasse cette affaire et qui dépasse le film. J'ai repensé à Hunger.
Ne croyez cependant pas que tout repose sur les épaules de l'acteur principal. Tous les autres sont brillants, de Noémie Lvovsky (l'épouse qui perd pied) à Wladimir Yordanoff (l'avocat), en passant par l'étonnant Raphaël Ferret en juge Burgaud. (On l'avait découvert en geek de la police dans la série Profilage.) Les seconds rôles, qui ne sont pas forcément tenus par des professionnels, sont aussi très bons.
Bref, en ce moment, c'est le film français à voir.
17:26 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema
vendredi, 23 septembre 2011
La dernière piste
Le titre originel est Meek's Cutoff, "Le raccourci de Meek", du nom de ce mystérieux pisteur censé guider trois familles à travers l'Oregon, au milieu du XIXe siècle. Le guide (interprété par Bruce Greenwood, qu'on pourrait prendre pour Jeff Bridges) a convaincu les occupants de trois chariots de quitter le convoi principal et de s'aventurer dans ces terres inconnues, histoire de devancer tout le monde à l'arrivée (et d'ainsi pouvoir mettre la main sur de meilleures terres).
Le problème est que ce pisteur a un fort penchant pour l'alcool, qu'il ne semble pas d'une grande subtilité dans ses jugements sur les êtres humains... et qu'il se perd ! Là-dessus se greffe l'arrivée d'un Indien, dont personne ne comprend le langage.
C'est donc un film "de frontière", inquiétant (le jour bien sûr, mais aussi la nuit, théâtre de scènes très inspirées), qui prend son temps (notamment celui de nous montrer les paysages, magnifiques), qui détaille la vie quotidienne des colons et pose de bonnes questions sur "la conquête de l'Ouest". Pour vous donner une idée du style, c'est un peu comme si Terrence Malick (celui de La Ligne rouge et du Nouveau Monde) avait posé sa caméra dans l'Ouest profond.
Tous les acteurs sont impeccables, mais une interprète semble toutefois sortir du lot : Michelle Williams (déjà vue -comme B. Greenwood- dans I'm Not There, plus récemment dans Shutter Island). Je pense que l'on reparlera d'elle.
18:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, cinema