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dimanche, 23 octobre 2022

Dédales

   Ce n'est que très tardivement que j'ai pu voir ce polar sociétal roumain, qui circule encore dans quelques salles françaises. Il est divisé en deux grandes parties, la première centrée sur le personnage que l'on va appeler "la nonne", la seconde sur "le policier".

   Bien que très différentes sur le fond, les deux morceaux sont construits de manière quasi identique. A chaque fois, le personnage principal (nonne, policier) y apparaît d'abord d'une certaine manière, avant qu'on le voie évoluer... ou se dévoiler. Chaque partie est construite sur un malaise/une tension grandissants, débouchant sur une scène clé. Enfin, chaque partie est un assemblage de plans-séquences, parfois virtuoses, souvent un peu scolaires, construits à peu près de la même manière, incluant presque toujours une vision rotative.

   Je trouve que le film porte assez mal son titre. Il n'y a pas grand chose de labyrinthique dans son intrigue. On comprend très vite pourquoi "la nonne" se rend à l'hôpital et l'on n'a pas de mal à deviner pourquoi elle s'était installée au couvent. De même, plus tard, on comprend très très vite quel est le lien entre le policier et l'affaire sur laquelle il enquête.

   Néanmoins, à l'intérieur de ces schémas faciles à décrypter, un peu de mystère subsiste. Un porte sur le devenir de la nonne, un autre sur la fonction de tel médecin à l'hôpital, un troisième sur l'identité du suspect arrêté, l'incertitude venant ici de débris de phare de voiture. L'atout majeur du film reste sa mise en scène, capable de suggérer beaucoup de choses sans avoir besoin de faire déclamer des pages de dialogues aux personnages. C'est donc assez agréable à suivre, bien qu'un peu lent et parfois trop souligné. J'ai aussi apprécié le petit coup de théâtre final (au niveau de la perception de la réalité), bien amené.

   Sur le fond, on ne peut pas ne pas y voir une parabole sur la situation des femmes. La "nonne" est confrontée à des hommes qui tous la traitent avec paternalisme. Certains sont prêts à lui rendre service, d'autres se contrefichent d'elle et au moins un est un prédateur potentiel. La mise en scène suggère que, finalement, d'une certaine manière, tous se comportent mal avec elle. Le film égratigne aussi quelques institutions, notamment l’Église orthodoxe et la police.

23:02 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 22 octobre 2022

Samouraï Academy

   Sous ce titre (un peu) trompeur (réservé au public français) se cache une animation déjantée, mettant en scène des chats (plein de chats !) et... un chien. L'amoureux des félins que je suis a enfin pu savourer un film où ces adorables boules de poils ne sont pas cantonnées dans des rôles de méchants ou de pervers. Bien évidemment, la différence entre chiens et chats (ainsi qu'entre les catégories de chats) est une métaphore des différences chez les humains. Cette histoire très balisée nous cause aussi de gros et de maigres, de riches et de pauvres, de petits et de grands, de femmes et d'hommes.

   Je déconseille d'arriver en retard : le générique de début est très réussi, nourri de clins d’œil, à l'image du reste du film, dans lequel on semble d'ailleurs davantage s'adresser aux adultes qu'aux enfants. Ainsi, au détour d'une scène, on peut percevoir des allusions aux Sept Mercenaires, au Seigneur des anneaux, à L'Empire contre-attaque, aux westerns de Sergio Leone...

   Je recommande la version française, très réussie, bourrée de jeux de mots faisant intervenir les chats et les chiens, allant du "chat-mouraï" à "une vie de moi", le héros (seul canidé de l'histoire) tentant, dans un premier temps, d'échapper à des villageois en furie, qui ont le projet de le transformer en "pâtée pour lui"... Parmi les acteurs de doublage, on reconnaît Thierry Desroses (alias Samuel L. Jackson), Patrick Préjean... et Sophie Forte, qui incarne avec talent une grand-mère pugnace.

   C'est virevoltant, bien fichu au niveau de l'animation. Les petits (mais pas que) apprécient les allusions scatologiques, du village "Kakamucho" aux rafales de pets produites par une meute de ninjas nourrie de flageolets... Mais, attention : les tout-petits se lassent vite, ils ne comprennent pas tout... et s'agitent dans la salle, bordel de merde de connards de parents qui ne tiennent pas leur progéniture !

   Fait à signaler : la fin est réussie avec, dans un premier temps, un épisode homérique, suivi d'une harmonie retrouvée, dans le respect et la bonne humeur.

17:17 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 17 octobre 2022

L'Origine du mal

   Sébastien Marnier est un réalisateur français discret, qui suit son bonhomme de chemin... un chemin qu'on a aussi envie d'emprunter, surtout si l'on a vu ses précédents films, Irréprochable et L'Heure de la sortie.

   Le première partie nous présente l'arrivée d'une prolétaire dans une famille bourgeoise. Stéphane (Laure Calamy, formidable) est ouvrière dans une poissonnerie et se découvre un père millionnaire, incarné avec un plaisir évident par Jacques Weber. L'épouse légitime de celui-ci, un peu allumée, est interprétée par l'excellente Dominique Blanc (dont je conseille de voir la prestation dans la mini-série Syndrome E, récemment diffusée sur TF1). Complète le tableau la demi-sœur connasse (Doria Tillier, plus vraie que nature), la petite-fille "en recherche" et la bonne très très attachée à la famille. L'ambiance, empreinte d'hypocrisie glaciale, est assez savoureuse... mais cela dure quand même une bonne heure. C'est trop long.

   A partir du moment où un retournement survient, l'action s'accélère. Les rebondissements s'enchaînent, prenant un tour macabre. C'est cruel, vachard, malveillant... le pied, quoi ! Chaque personnage (ou presque) a une face cachée, qui se dévoile petit à petit. A signaler aussi la composition de Suzanne Clément (remarquée dans la mini-série La Forêt), qui incarne une taularde homosexuelle, dont on finit par comprendre comment elle est liée aux autres personnages.

   C'est un bon thriller, même s'il met du temps à démarrer. Je regrette qu'à la fin, les auteurs accumulent les rebondissements, ne sachant visiblement pas comment conclure leur histoire. Mais j'ai passé un bon moment.

22:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 15 octobre 2022

Meurtres à Nancy

   Cet épisode inédit de la collection Meurtres à... (déjà disponible sur france.tv) est diffusé ce soir sur France 3. Il a pour écrin la ville de Nancy, où je me suis déjà rendu... et qui mérite vraiment le détour.

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   Le côté carte postale est souvent l'aspect le plus intéressant de ces fictions policières pas très bien fagotées, parfois mal jouées. Sans surprise, le début et la fin de l'histoire se déroulent place Stanislas (légèrement décalée du centre, sur le plan ci-dessus). A l'image, on reconnaît les superbes grilles dorées (certaines donnant accès au Parc de la Pépinière, lui aussi très joli) :

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   Ici, les enquêteurs sortent du lieu où un cadavre a été découvert, supposé être une salle de vente, en fait le bâtiment de l'opéra (situé à proximité de la mairie et en face du musée des Beaux-Arts). Les scènes d'intérieur ont en réalité été tournées plus loin, en périphérie, dans l'ancienne faculté de pharmacie, située à côté d'un hôpital (voir la flèche sur le plan du début). Le même bâtiment a été utilisé pour tourner les scènes de squat et il a fait office de cité administrative, où est localisé le commissariat :

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   Le même procédé était à l’œuvre dans un précédent épisode, Meurtres à Albi, où l'ancien siège de la CPAM était devenu l'hôtel de police.

   Au niveau culturel, c'est la Villa Majorelle, symbole de l'architecture Art nouveau, qui est mise en valeur. La production a obtenu de pouvoir y tourner plusieurs scènes... sous certaines conditions :

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   Les captures d'écran de deux scènes consécutives permettent de mettre en évidence un faux raccord. Le personnage féminin ci-dessus est l'administratrice de la Villa. On la voit entrer dans la bâtisse, ses bottines aux pieds. Un peu plus tard, on la retrouve téléphonant, à l'intérieur, dans les escaliers... les pieds recouverts de sur-chaussures. Les téléspectateurs attentifs remarqueront que, dans une autre scène, la guide et les visiteurs de la Villa sont eux aussi munis de ces accessoires, désormais obligatoires (mais qui ne l'étaient pas à l'époque où j'ai visité les lieux, bien avant le covid).

   Une autre construction emblématique est proposée aux yeux des téléspectateurs : la Porte de la Craffe, jadis lieu d'emprisonnement des sorcières... et qui joue un rôle dans la résolution de l'intrigue policière.

   Celle-ci est au départ bien construite. Les meurtres semblent liés au monde des antiquaires et font référence à la sorcellerie, puisant dans l'histoire locale. En revanche, la résolution de l'affaire est abracadabrantesque. Il faut aussi se montrer très indulgent quant au fonctionnement de la police et de la justice. Ce n'est clairement pas une fiction réaliste.

   L'interprétation est inégale. En général, c'est assez caricatural. Je sauverais deux comédiennes, : Selma Kouchy (qui a fait les beaux jours de Magellan) et Nelly Lawson (connue pour sa participation à la série Tandem). Par contre, Cristiana Réali...

   La caractérisation des personnages est vraiment peu subtile, tout comme la volonté de bâtir un arrière-plan sociétal "inclusif". La police y est multiculturelle, très féminisée... mais en réalité ? D'après un bilan établi fin 2020 par la Direction centrale de la police nationale, les femmes représentent moins d'un tiers des effectifs (29 %). C'est au sein du RAID (8 %) et des CRS (11 %) qu'elles sont les moins présentes. En revanche, elles sont ultra-dominantes dans le corps administratif (78 %) et chez les scientifiques (autour de 60 % selon les services). Eh, oui ! Les fameux « cotons-tiges » (comme les surnomment parfois des collègues facétieux) sont le plus souvent des femmes (ce qui n'apparaît guère dans les séries policières). On peut ajouter que le médecin-légiste (surtout s'il a moins de cinquante ans) est de plus en plus souvent une doctoresse.

   Chez les gradés, l'épisode diffusé ce soir sur France 3 met en scène une parité (deux femmes -dont la commissaire- et deux hommes). De manière générale, ces dernières années, dans les fictions policières françaises, on constate une inflation de capitaines, de commandantes et de femmes commissaires. La réalité est plus nuancée, surtout dans les catégories d'âges élevés. La commissaire incarnée par Cristina Réali, qui a sans doute environ 55 ans, est sortie de formation une trentaine d'années auparavant. Je pense qu'à cette époque, les femmes étaient minoritaires dans les promotions. En ce qui concerne l'échelon inférieur, celui des officiers (commandant, capitaine, lieutenant), la féminisation est forte, comme en témoigne la liste des reçus au concours de 2022 : 60 % de la promotion est composée de jeunes femmes.

   En revanche, la lecture des noms et prénoms semble indiquer (même s'il convient de rester prudent en ce domaine), que la diversité ethno-culturelle est assez faible. Cela contredit quelque peu la vision transmise par l'épisode de ce soir qui, au sein de la brigade d'enquête, met en valeur deux jeunes lieutenants (un homme et une femme) « issus de la diversité ». Mais l'insertion du personnage de Chloé Guérin a un autre avantage, celui de faire découvrir (très ponctuellement) un autre quartier de Nancy, moins glamour que les précédents : le Haut-du-Lièvre, où se trouverait la plus longue barre de HLM de France.

samedi, 08 octobre 2022

Novembre

   La sortie du film de Cédric Jimenez, consacré aux premiers jours de l'enquête judiciaire consécutive aux attentats du 13 novembre 2015, est l'événement de la semaine. Ces dernières années, du côté français, la fiction s'est plutôt intéressée aux terroristes, par exemple avec La Désintégration (de Philippe Faucon) et Made in France (de Nicolas Boukhrief). Du côté des forces de l'ordre, on n'a guère que L'Assaut à se mettre sous la dent.

   C'est la première originalité de film de Jimenez : il suit pas à pas l'évolution d'une galerie de policiers, de grades différents, de fonctions différentes, appartenant à des services et des unités différents. Par sa diversité (et grâce à un montage nerveux), ce patchwork n'est pas sans rappeler le Short Cuts de Robert Altman.

   L'histoire commence pourtant de tout autre manière. L'action se déroule en Grèce. Plusieurs forces antiterroristes (grecques, françaises, américaines...) interviennent conjointement pour "serrer" les membres d'une cellule... surtout un, en fait. La conclusion de cette intervention a eu des répercussions, jusqu'en France...

   C'est aussi l'occasion de découvrir le "héros" de l'histoire, un commissaire pugnace, habité par son travail, formidablement incarné par Jean Dujardin. (Dans le jeu de l'acteur, quel contraste avec le dernier OSS 117 !)

   Une ellipse nous conduit à Paris, quelques mois plus tard. la tension est retombée. La population, qu'elle soit au travail ou sortie pour se détendre, suit plus ou moins attentivement le match de football qui se déroule ce soir-là au Stade de France. Parmi les anonymes, des policiers sortis du boulot, qui vont vite être rappelés.

   Commence alors une course contre-le-montre. Une fois les attentats commis, il s'agit de mettre la main sur les terroristes encore vivants, en fuite. Les policiers en viennent rapidement à penser que les tueurs ont une dernière cible en tête. La mise en scène, survitaminée, nous met dans les pas des policiers, entre filatures, écoutes téléphoniques, interrogatoires, consultation des bases de données, échanges d'informations entre services... C'est passionnant. Les scénaristes ont visiblement consulté le rapport parlementaire de juillet 2016 (en particulier le tome 1, pages 42-53 et 61-69). Ils semblent avoir aussi puisé dans des sources annexes. Bref, c'est documenté, mais ne vise pas à l'exhaustivité : on a fait des choix (pertinents), pour tenir la ligne dramatique du sujet.

   Le film a l'élégance de ne pas sombrer dans le pathos. Des rescapés nous sont montrés, à l'hôpital, interrogés par des policiers. C'est digne sans être appuyé. Ces moments touchants constituent presque des pauses de douceur dans la course frénétique pour tenter d'attraper les suspects.

   J'ai aussi apprécié que les personnages des tueurs ne soient pas développés. Ce sont des ombres, qui parviennent longtemps à filer entre les doigts de la police. Les deux femmes musulmanes sont des exceptions. L'une est la cousine de l'un des terroristes, l'autre une amie qui l'héberge. Ce sont d'ailleurs, selon moi, les deux personnages féminins les mieux incarnés. Ils sont plus convaincants que ceux des policières, que j'ai trouvé un peu caricaturaux (ou pas suffisamment crédible : Anaïs Demoustier en Inès... bof).

   Viennent alors les questionnements autour du personnage de Samia, la logeuse qui informe la police (très bien interprétée par Lyna Khoudri). En contradiction avec la réalité, les scénaristes ont choisi d'en faire une musulmane intégriste (voilée)... mais qui ne soutient pas le terrorisme. Certains y verront un prêchi-prêcha gauchisant, tendant à faire accepter à la masse de la population française que les femmes voilées sont tout à fait respectables. D'autres y verront plutôt une forme de propagande à destination de nos concitoyens musulmans, tentant de leur faire admettre l'idée qu'un musulman, même très pieux, ne peut pas soutenir des terroristes. Choisissez votre version !

   Cette tension converge vers l'apogée que tout le monde attend : l'assaut du dernier repaire des terroristes. Cette séquence tonitruante, filmée dans une semi-obscurité, est particulièrement impressionnante, dans une grande salle. (J'ai un peu pensé à la fin de Zero Dark Thirty.) Elle conclut de manière magistrale un très bon film d'action, qui ne juge pas ses personnages, mais qui met l'accent sur ceux qui ont choisi de défendre la vie.

mercredi, 05 octobre 2022

Sans filtre

   Cinq ans après le brillant et étonnant The Square, Ruben Östlund nous revient, à nouveau palmé, encore avec œuvre sociétale satirique, dans laquelle les scènes trash voisinent avec un certain raffinement.

   La première partie nous plonge dans un monde de paillettes, celui de la mode, aussi bien masculine que féminine. On comprend bien vite que les apparences glamour masquent une réalité peu ragoûtante. Le couple de héros en est une sorte de mise en abyme (un procédé que semble affectionner le réalisateur). La relation entre l'influenceuse et l'apprenti-mannequin semble toute belle à première vue : ils sont jeunes, bien roulés, pleins d'espoirs et ils profitent de la life... à donf ! La séquence qui commence avec le dîner dans le restaurant chic et s'achève par une conservation intime dans une chambre d'hôtel est bigrement bien construite. Cela démarre comme sur du papier glacé, avant que ne s'installe un malaise... la résolution de la crise révélant, une fois n'est pas coutume, le fond de la pensée de l'une des protagonistes.

   Toutefois, si l'on excepte ce moment-clé, je trouve que cela manque un peu de rythme. Cela devient beaucoup plus intéressant dans la deuxième partie, consacrée à la croisière pour super-riches et/ou célébrités. Le voisinage du personnel du paquebot et des prestigieux passagers est souvent cocasse... et met en scène une considérable différence de classes. Et voilà Karl Marx qui surgit au détour d'une beuverie, entre un capitaine dépressif (Woody Harrelson, pas très subtil) et un milliardaire russe adepte du néolibéralisme.

   Mais c'est la séquence du repas qui est la plus réjouissante. Amateurs de flux corporels, soyez les bienvenus ! C'est franchement jouissif. On sent que le réalisateur s'en est donné à cœur joie... au point d'en faire peut-être un peu trop. Mais je pense que l'excès fait partie de la conception de la situation.

   Quoi qu'il en soit, cette séquence constitue le point de bascule de l'histoire (et du film). Jusque-là, la forme était bien léchée et la domination des puissants solide (en apparence). La suite va nous montrer que tout est remis en question. Sur la forme, cela devient aussi plus cru... et c'est bien !

   La troisième partie ne met en scène que quelques-uns des personnages vus auparavant, sur une île. Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment on en arrive là. Il convient juste de savoir que, dans ce lieu isolé, les rapports de classe et de genre s'inversent. C'est excellent, au niveau du principe de base comme de la manière dont c'est amené, avec une incontestable rouerie.

   Je suis sorti de là d'autant plus satisfait que, contrairement à ce qu'il a fait dans The Square, Östlund n'a pas cherché à conclure de manière morale. Un petit coup de théâtre survient, bien dans le ton de l'intrigue. Même si chacun(e) est laissé(e) libre d'imaginer comment va se conclure le dernier plan, la fin ultime ne fait aucun doute...

15:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 30 septembre 2022

Les Secrets de mon père

   1959, en Belgique. Dans une famille juive de la classe moyenne, deux frères vivent une préadolescence mêlée d'insouciance et d'incompréhension. L'insouciance est celle d'enfants suivant une scolarité normale, dans un pays qui connaît croissance économique et plein-emploi. L'incompréhension est ressentie vis-à-vis du père, peu communicatif, en particulier sur sa jeunesse pendant la guerre. Il s'enferme régulièrement dans son bureau, pour se consacrer à une tâche mystérieuse.

   A partir du récit autobiographique du caricaturiste Michel Kichka, Véra Belmont (Rouge Baiser, avec Charlotte Valandrey, mais aussi Survivre avec les loups) a construit un film d'animation drôle et émouvant, bénéficiant au doublage de voix francophones connues : celles de Michèle Bernier, Jacques Gamblin et Arthur Dupont.

   C'est dans la première partie que l'humour est le plus présent. On nous propose la vision des enfants, qui s'étonnent des silences des adultes... en particulier à propos du « numéro de téléphone » tatoué sur leur avant-bras. La séquence chez la commerçante est à cet égard particulièrement réussie. Les deux gamins font des bêtises, grimpent par où il ne faudrait pas grimper, entrent là où il leur a été interdit d'entrer... et commencent à découvrir ce passé pas si vieux, dont on parle peu.

   C'est un autre mérite de ce film : rappeler à un public qui s'estime parfois saturé d'informations que, dans les années d'après-guerre, on évoquait peu l'extermination des juifs (et son aspect particulier). Les rescapés eux-mêmes n'étaient en général pas très loquaces, préférant se consacrer au présent. Je trouve que le fossé de générations est très bien rendu dans l'histoire.

   Il s'accentue dans la deuxième partie (plus sombre), en raison d'un événement traumatique que je me garderai bien de révéler. L'un des fils rompt franchement avec son père, alors pourtant que celui-ci s'est mis à parler de son passé. (La publicité faite autour du procès Eichmann a contribué à délier les langues, jusque dans les familles.)

   La troisième partie voit renaître un peu l'espoir. Le fils aîné s'installe en Israël, plus par envie de s'éloigner de sa famille que par adhésion au sionisme. (On note d'ailleurs qu'il refuse d'hébraïser son identité, en dépit des pressions exercées sur lui.) Il vit l'expérience du kibboutz (peut-être le seul exemple de communisme démocratique qui ait réellement existé), rencontre l'amour et se lance dans le dessin de presse. Il aura finalement l'occasion de renouer avec son père.

   C'est vraiment une belle (et authentique) histoire, mise en images sobrement, sans effet de manche, même si certaines scènes sont dures. C'est visible par tous les publics. Cela ne dure qu'1h15.

mercredi, 28 septembre 2022

Poulet frites

   L'équipe de l'émission Strip-tease est de retour dans les salles obscures avec un documentaire qui se regarde à la fois comme un grand reportage en immersion et comme un polar dont on tente d'élucider l'énigme.

   C'est filmé en noir et blanc, souvent caméra à l'épaule, mais sans agitation frénétique. Les spectateurs de 2022 seront surpris de découvrir les enquêteurs d'une brigade criminelle bruxelloise en train de travailler sur des ordinateurs dotés d'un moniteur à tube cathodique : on est en 2003, comme nous l'apprend indirectement un calendrier punaisé au mur. Pas de smartphone à l'époque, rien que des fixes et des portables rudimentaires, les fameux « GSM ».

   Pendant 1h40, on suit une seule enquête, sur le meurtre d'une jeune femme, sauvagement égorgée en pleine nuit. On commence par découvrir, filmé de dos, le premier suspect qui se présente aux yeux des policiers : un ex-taulard, drogué, compagnon occasionnel de la victime. Sans voir les traits du visage du gars, on sent le malaise qui pèse dans la salle d'interrogatoire, face à des policiers partagés entre une certaine compréhension et la conviction que le type a des choses à cacher. Simule-t-il ses pertes de mémoire ou bien n'est-il qu'un pauvre type pris dans un engrenage ? Seule une enquête approfondie le déterminera.

   Celle-ci est menée par le commissaire Lemoine, dont l'équipe fournit un véritable travail de bénédictin, pour tenter de découvrir le fond de l'affaire et de réunir les preuves permettant de confondre le coupable. Une de ces preuves pourrait être une portion de frites, dont l'origine puis le devenir suscitent des interrogations. On voit aussi les policiers se flinguer les yeux à éplucher des relevés téléphoniques, dont l'analyse, recoupée avec des éléments de terrain, pourrait les mener à la solution.

   Ils sont épaulés par une juge de caractère, que les fans de l'émission connaissent : il s'agit d'Anne Gruwez, vue dans Ni juge ni soumise, mais plus jeune ici. Elle passe au second plan, l'accent étant mis sur les policiers et les suspects.

   Certains d'entre eux sont issus de l'immigration indo-pakistanaise. La Belgique est une étape sur le chemin qui mène de l'Asie du Sud au Royaume-Uni. On constate aussi que les réseaux et les communautés s'étendent jusqu'à l'Italie et même les États-Unis. Cela complique encore plus le travail des policiers.

   L'ensemble est émaillé d'humour, mais pas tant que cela. Le choix de brosser un portrait social et de présenter de manière assez minutieuse les progrès de l'enquête policière l'emportent. Cela n'exclut pas les moments cocasses, comme la séquence qui montre les efforts patients du commissaire bruxellois pour obtenir de collègues de banlieue le détachement de renforts en uniforme pour mener une perquisition jugée capitale. La succession des coups de téléphone, rebondissant de correspondant en correspondant, évoque un univers quasi kafkaïen.

   On note ainsi quelques effets de mise en scène. Ils sont particulièrement visibles concernant l'un des suspects. Son changement de statut au cours de l'enquête coïncide avec une modification dans la manière dont il est filmé.

   Bref, même si c'est un peu long, c'est passionnant.

   P.S.

   A propos d'Anne Gruwez, je ne saurais trop conseiller de binger la mini-série Marianne, récemment diffusée sur France 2, dont les six épisodes sont accessibles sur le site de France TV jusqu'en janvier prochain.

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   Marilou Berry y incarne une pétulante juge d'instruction, dotée d'un accent belge redoutable (et inspirée d'A. Gruwez). Elle mène ses enquêtes tambour battant, aux côtés d'un capitaine de police taciturne mais pugnace, interprété efficacement par Alexandre Steiger. Leur duo fait des étincelles, d'autant que les dialogues, très bien écrits, sont souvent truculents. (C'est bien plus drôle que toutes les comédies françaises sorties au cinéma ces derniers mois.)

   Chaque épisode est construit autour de trois schémas narratifs. L'une des trames, en général légère (mais souvent graveleuse), montre la juge en train de traiter une affaire "secondaire", dans son bureau, face à l'accusé et à son avocat. Se succèdent devant elle un veuf éploré (qui a enlevé une guenon, pour en faire sa compagne), un époux violent (dans le déni), un taxidermiste (qui a déterré le cadavre d'un chien), la maîtresse dominatrice d'un mari infidèle, de jeunes voleurs de homards et un ex-taulard qui a pénétré par effraction dans un commerce pour y montrer son cul à une caméra de surveillance...

   Ces moments saugrenus alternent avec la principale enquête de chaque épisode, beaucoup moins marrante, en général. Complète le tout une affaire fil rouge, celle du meurtre non résolu d'une prostituée, Marianne ayant décidé de prendre le fils de celle-ci sous son aile.

   J'ai a-do-ré !

samedi, 24 septembre 2022

Don't worry darling

   Il était une fois, quelque part aux États-Unis, à la limite du désert, une communauté vivant en autarcie dans ce qui ressemble furieusement à une banlieue WASP des années 1950. Tout le monde habite dans une belle maison, avec jardin. Le matin, les époux quittent tous leur domicile en même temps, chacun dans une belle voiture américaine, après avoir savouré le délicieux breakfast préparé (avec amour) par son épouse légitime. Durant la journée, celle-ci s'adonne avec joie à diverses activités comme le ménage, la lessive, la gymnastique, le shopping... et la préparation du repas du soir, ce dernier étant le (possible) prélude d'une nuit coquine. Tout ceci se déroule dans le cadre restreint de cette petite ville de rêve, où l'on peut circuler en bus, mais jamais quitter le territoire, encore moins explorer le désert proche, où se rendent les époux, tous travaillant sur le mystérieux Victory Project.

   Alice Chambers est l'une de ces épouses pas désespérées. Elle kiffe faire la cuisine pour son chéri d'amour, adore nettoyer les carreaux en écoutant la propagande du gourou de la cité, sculpter son corps de déesse lors du cours de gym donné par l'épouse du gourou... et se pomponner pour le retour de Jack, fatigué par une journée de travail... mais toujours partant pour une bonne partie de jambes en l'air. Le couple est ardent, n'a pas d'enfant, contrairement à la plupart des voisins.

   Mais voilà que l'une des résidentes commence à poser des questions. Elle dit avoir des visions et prétend qu'on ment aux habitants. C'est une amie d'Alice. Jusqu'à présent, celle-ci n'avait pas fait attention à ses propres rêves. Mais, après avoir entendu son amie, elle commence à remarquer deux-trois trucs bizarres dans la ville idéale...

   ... A partir de là, les spectateurs se demandent si on ne les embarque pas dans la folie de l'un des personnages... ou s'il y a complot. Choisis ton camp, camarade ! Au bout d'une heure, une heure et quart, on se doute de quoi il retourne, même si l'on n'est pas au bout de nos surprises.

   C'est, avec l'étonnant Everything Everywhere All at Once, l'excellente nouvelle de ce mois de septembre. La première partie est une pure beauté de reconstitution des années 1950, avec de superbes couleurs et des décors très bien conçus. C'est aussi brillamment mis en scène, la réalisatrice réussissant à susciter le trouble avec de simples petits décalages dans la description d'un monde "normal". (Je connaissais Olivia Wilde comme actrice, notamment dans Le Cas Richard Jewell et Dr House, mais la voici qui s'affirme comme une réalisatrice de talent.)

   J'aurais bien quelques reproches à formuler concernant le dernier quart d'heure (une poursuite assez prévisible, jouant sur de grosses ficelles) mais, au final, c'est à la fois un bel exercice de style et une réflexion sur la place de la femme (et de l'homme) dans la société. Dans le rôle principal, Florence Pugh (The Young Lady plus que Black Widow) confirme tout le bien que je pensais d'elle. Les autres comédiens sont aussi très bons.

   P.S.

   J'ai lu et entendu ici ou là que ce film s'inspirerait d'une œuvre de Peter Weir. Je pense qu'il faut plutôt chercher du côté de M. Night Shyamalan, au début des années 2000... mais je ne dirai pas quel film, pour ne pas déflorer l'intrigue. De plus savants que moi pourront aussi dénicher la série policière (américaine ?) dont l'un des épisodes évoque une situation proche de ce qui se passe dans Don't worry darling (la technologie en moins).

23:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Le Tigre et le Président

   Il est difficile de définir ce film : c'est une sorte de comédie historique... à ceci près qu'elle n'est guère drôle et qu'elle véhicule des mensonges ou des vérités déformées.

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   J'y suis allé entre autres en raison de la distribution. Le « Tigre » (à droite ci-dessus) est Georges Clemenceau, interprété par André Dussolier. Clairement, celui-ci cachetonne. On ne lui a visiblement pas donné pour consigne de jouer la subtilité. A gauche se trouve le « Président », Paul Deschanel, incarné (avec talent) par Jacques Gamblin. Sa dénomination est paradoxale puisque, dans l'esprit de la majorité de la population française de l'époque, le vrai président est Clemenceau, qui a dirigé le gouvernement de 1917 à 1920 (en tant que président du Conseil). De son côté, Deschanel présidait la Chambre des députés (ancêtre de notre Assemblée nationale)... et il est parvenu à se faire élire président de la République, damnant le pion à Clemenceau.

   Cette rivalité est l'objet de la première partie du film, avant que l'intrigue ne bifurque vers « l'incident du train », qui a valu à Deschanel de sombrer dans le ridicule. L'Histoire ne fut guère indulgente pour Deschanel, dont la carrière a été réduite à sa fin de vie dépressive, tandis que son rival, « le Père la Victoire » a été placé sur un piédestal, donnant même son nom à l'un de nos porte-avions. Au départ, je ne voyais pas d'un mauvais œil qu'on déboulonne la statue du commandeur et qu'on réévalue le bilan politique de Deschanel, un authentique républicain modéré.

   Je pense que, pour écrire le scénario, on s'est inspiré d'un ouvrage (récemment réédité) paru il y a une trentaine d'années (et que j'ai lu) :

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   Le problème est que, de cet ouvrage, les scénaristes n'ont retenu que ce qui pouvait embellir le personnage de Deschanel, négligeant presque tous les éléments critiques (pourtant pas très nombreux, dans cette biographie très empathique, pas très bien accueillie par la profession lors de sa sortie).

   Pour revenir au film, j'ai trouvé la prestation de Gamblin bien meilleure que celle de son comparse. Il incarne très bien cet authentique dandy, coureur de jupons, vieux célibataire marié sur le tard. Incontestablement républicain, il a su évoluer de manière adroite dans les institutions de la IIIe République. C'était, selon les témoins, un habile discoureur, dont la voix était écoutée à la Chambre des députés. Il était aussi très sensible à la critique. Le jeu de Gamblin nous permet de comprendre que le fait de ne pas se sentir à la hauteur de ses aspirations politiques a contribué à faire déraper le président élu.

   Là s'arrête l'Histoire et commencent les mensonges ou déformations. Certains d'entre eux sont pointés sur le site du musée Clemenceau.

   De mon côté, j'ai été agacé que, dès le début, on présente Deschanel comme le seul orateur habile, laissant un Clemenceau vieillissant sans voix. A presque quatre-vingts ans, le vieux tigre avait encore de la répartie. Ainsi, à un adversaire qui se plaignait que la France soit gouvernée, à la fin de la guerre, par un homme qui avait un pied dans la tombe, le Vendéen moustachu aurait rétorqué : "Quand bien même j'aurais un pied dans la tombe, l'autre serait sur ton cul !" Évidemment, si l'on veut que Deschanel prenne le dessus sur Clemenceau dans le film, il ne faut surtout pas que le second soit présenté en train de prononcer une des saillies dont il avait le secret.

   Un autre problème se pose au niveau de la présentation de Deschanel. Celui qui va barrer la route de l’Élysée à Clemenceau n'est pas un perdreau de l'année. C'est un cacique de la IIIe République, d'ailleurs pas très éloigné politiquement du Clemenceau de 1919-1920 (situé plus à droite qu'à ses débuts). A deux reprises, Deschanel a présidé la Chambre des députés : entre 1898 et 1902 (il y a une erreur sur le site de l’Élysée) et, surtout, entre 1912 et 1920. Cela fait des années qu'il espère devenir président de la République. Il a déjà échoué deux fois. Toute sa carrière politique a été tendue vers cet objectif, qui pourrait apparaître dérisoire, puisque le locataire de l’Élysée n'a que très peu de pouvoir à l'époque.

   C'est un autre défaut du film, qui (effet du XXIe siècle ?) survalorise la fonction présidentielle, alors qu'elle est essentiellement symbolique. Certes, Deschanel avait pour ambition de lui donner plus d'ampleur, mais il s'est très vite aperçu qu'il n'en avait pas les moyens constitutionnels. Cela explique sans doute sa phase dépressive, mais le film ne présente pas bien tous ces enjeux. Dans des scènes d'un inintérêt total, on nous montre un président passant un temps fou à tenter de rédiger un discours dont presque tout le monde se fiche... et pour cause : ce n'est pas ce qui s'est passé à l'époque ! C'est après sa démission de l’Élysée (et une cure dans un établissement de santé...) que Deschanel s'est lancé dans ce qui est apparu, par la suite, comme son testament politique.

   Pour terminer, il convient de dire quelques mots de « l'incident du train ». Le président est bien tombé de son compartiment (mais de la fenêtre, pas de la porte), en pleine nuit, en tenue pyjamesque... Cependant, il n'a pas passé plusieurs jours chez l'employé des chemins de fer... et ce n'est pas dans la foulée que la polémique concernant sa capacité à exercer ses fonctions a enflé. Dès le lendemain, il était retrouvé par le sous-préfet local et il était ramené à Paris par son épouse, en voiture. Il a pu très vite participer au Conseil des ministres. Cette aventure aurait été oubliée si, durant les semaines ultérieures, Deschanel n'était pas apparu comme de plus en plus perturbé, avec notamment le deuxième « incident » (dans la fontaine) qui, là encore, ne s'est pas du tout déroulé comme montré dans le film. (Ce n'était pas au cours d'une cérémonie officielle.)

   Pour enfoncer le clou, je dirais que le film est malhonnête jusqu'au bout. Le générique de fin est précédé d'un "carton" nous informant que son fils Louis-Paul fut l'un des premiers soldats français tués au combat, en 1939. C'est exact, mais les spectateurs ne sauront pas que l'autre fils Deschanel, Emile-Jean, celui qui  a pris la suite de son père en politique (et récupéré son siège de député), a été frappé d'inéligibilité à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour avoir, en juillet 1940, voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

vendredi, 23 septembre 2022

Astrid et Raphaëlle, fin (provisoire)

   Ce soir, France 2 diffuse le dernier épisode de la saison 3 de cette passionnante série. Intitulé « En souterrain », il plonge le duo d'enquêtrices dans une affaire particulièrement déstabilisante.

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   Le meurtre d'un SDF va en effet les conduire à interroger le passé d'Astrid, plus précisément celui de son père, un commandant de police mort dans des circonstances mystérieuses, événement qui, à l'époque, avait traumatisé la jeune autiste.

   Celle-ci travaillait déjà à la documentation criminelle. C'est le seul dossier enregistré depuis son arrivée dont elle ne s'était pas chargée de scanner les pages, ce qui explique qu'elle n'en ait pas acquis une connaissance approfondie. Pour mener cette pénible enquête à son terme, elle va devoir surmonter certaines de ses hantises, soutenue par la bienveillante et remuante Raphaëlle (Lola Dewaere, toujours bien dans son rôle, et qui semble avoir compris que la vraie vedette de la série est Sara Mortensen). La complicité entre les deux femmes est plus évidente que jamais.

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   Dans cet épisode un peu plus long que d'habitude (60 minutes, au lieu de 49 à 54 les semaines précédentes), le personnage interprété par Valérie Kapriski prend une épaisseur supplémentaire. (On devrait le retrouver dans la saison 4, déjà en tournage.) A signaler aussi, parmi les invités, Olivier Rabourdin, un des meilleurs acteurs de second rôle du cinéma français, vu récemment dans Benedetta et Boîte noire.

   On sera indulgent avec le fait que l'épisode se conclue d'une manière plutôt invraisemblable concernant la vie d'Astrid. Mais, peu de temps avant la fin, à travers les barreaux d'une cellule, surgit un coup de théâtre, qui promet des rebondissements à venir...

   Vivement la saison 4 !

Avatar, le retour

   En attendant l'arrivée de l'opus n°2 (prévue le 14 décembre prochain), certaines salles obscures ressortent le film emblématique de James Cameron, en version "remasterisée". A Rodez, on a le choix entre la 2D et la 3D, la version originale et la version doublée... dans une très grande salle. Je n'avais pas revu le film depuis sa sortie, en 2009. Pour garder intact le plaisir de la redécouverte, je m'y suis rendu sans avoir relu la critique que j'avais écrite à l'époque.

   C'est toujours aussi beau. La profusion de couleurs, avec, en dominantes, les teintes bleutées, est un régal pour les yeux. On est aussi marqué par l'inventivité au niveau des décors, des animaux et des végétaux... et cela a sans doute inspiré quelques œuvres ultérieures.

   Les 2h40 passent sans problème. L'intrigue est nourrie de rebondissements et de scènes d'action. On est aussi pris par l'histoire d'amour, certes prévisible, mais plutôt bien jouée, en particulier par Zoe Saldana (Neytiri), que l'on revue depuis dans Les Gardiens de la galaxie.

   Je suis moins emballé par le personnage du héros, Jake Sully. Sam Worthington se démène, mais l'histoire de ce frère bourrin et handicapé qui va devenir le héros d'un peuple est « un peu trop ». Dans la réalité, les individus qui accomplissent des exploits ont déjà une certaine envergure avant de se faire connaître. Mais il faut bien fédérer le plus large public possible...

   Si, dans le détail, j'avais oublié une grosse partie de l'intrigue, j'avais gardé en mémoire le propos militant, écologiste et anticolonial, retrouvé tel quel, avec force... et, parfois, peu de subtilité : le méchant militaire (très bien joué, soit dit en passant) est caricatural au possible et le personnage de Trudy (version féminine du "vieux briscard") porte un peu trop bien le haut moulant et le sourire de dentifrice... mais ça passe, parce que Michelle Rodriguez, tout droit sortie de Fast & Furious, est vraiment badass !

   La vision de ce type de film reste une bonne raison de se rendre dans une salle obscure.

   P.S.

   En guise d'apéritif à la séance, on nous a servi la bande-annonce de l'opus 2. Pour avoir droit au dessert, il ne faut pas quitter la salle trop vite, puisque le générique de fin est interrompu par quelques minutes d'une scène extraite de « La Voie de l'eau ».

10:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

dimanche, 18 septembre 2022

Docteur Vera & Mam Stanhope

   Ce dimanche soir, France 3 diffuse l'avant-dernier épisode de la onzième saison des Enquêtes de Vera, intitulé "Urgence médicale" (déjà disponible en ligne).

   L'action se déroule entre la ville portuaire (fictive) de Cornmouth et celle de Durham (au sud de Newcastle, dans le comté voisin du Northumberland). Un matin, le cadavre d'un médecin est retrouvé dans une voiture incendiée, au fond d'une carrière.

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   Comme à son habitude, le scénario multiplie les pistes : du mari jaloux aux collègues de travail, en passant par la famille d'une patiente décédée et l'existence d'un trafic local, on ne manque pas de suspects ni de sujets d'interrogation.

   Cet épisode a la particularité de mettre en scène une étonnante diversité ethnique au sein de cette province reculée. Aux "Anglais de souche" (certains avec sans doute des ancêtres scandinaves) s'ajoutent des personnes d'origine chinoise, caribéenne et moyen-orientale. Le monde médical (au sens large) est particulièrement multiculturel, signe peut-être qu'ici comme ailleurs, à la campagne, on peine à recruter.

   Le fond de l'histoire est un peu sordide. L'intrigue est retorse. Pour y croire pleinement, il faut partir du principe que plusieurs personnes parviennent à mentir avec conviction à la police, et ce le lendemain ou le surlendemain du meurtre.

   Ce n'est pas le meilleur épisode de la saison, mais il est prenant.

vendredi, 16 septembre 2022

Astrid et Raphaëlle sur les roses

   Ce vendredi soir, France 2 diffuse un seul épisode inédit de la série policière (suivi de rediffusions de la saison 2). Sans être aussi emballant que ceux programmés le 2 septembre dernier, « Les Fleurs du mal » (déjà disponible en ligne) est très intéressant à suivre, à plusieurs niveaux.

   Il y a bien sûr l'enquête, autour du décès mystérieux d'une biologiste versée en botanique, avec une histoire de poison à double (voire triple) détente, assez palpitante à suivre.

   Il y a aussi les péripéties de la vie privée des deux jeunes femmes, l'une ébauchant une relation intime, l'autre se demandant comment récupérer l'homme qu'elle a laissé s'éloigner.

   Comme d'habitude, certaines scènes sont particulièrement cocasses, avec des comédiens qui ne se prennent pas trop au sérieux, ainsi lorsqu'on voit la commandante de police dialoguer avec Paco, un... mimosa très spécial, qu'elle va finir par utiliser comme détecteur de mensonges...

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   A signaler parmi les invités la présence désormais régulière de Valérie Kapriski (dont le personnage a pris une autre tournure) et celle, occasionnelle, de Philippe Duquesne (ex-Deschiens), dans le rôle du frère de la victime.

   P.S.

   Le succès de la série se confirme de semaine en semaine. Vendredi dernier, Astrid et Raphaëlle a réuni environ 5,5 millions de téléspectateurs, terrassant le début de la nouvelle saison de Danse avec les stars.

dimanche, 11 septembre 2022

Les enquêtes de Vera

   Il s'agit de Vera Stanhope, inspectrice-chef (DCI dans la V.O.) dans le Northumberland, cette région anglaise limitrophe de l’Écosse, très humide, partagée entre villes pas franchement gaies et campagnes austères, tantôt superbes, tantôt lugubres...

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   Ses enquêtes occupent la case du dimanche soir de France 3 (réservée aux séries britanniques, allemandes ou scandinaves). La policière est un mélange de Columbo et du capitaine Marleau (cette dernière ayant peut-être été un copiée sur elle, l'exubérance de Corinne Masiero en plus). Brenda Blethyn incarne avec bonhomie cette policière célibataire âgée, parfois très empathique, mais qui sait diriger avec poigne une équipe d'enquêteurs majoritairement masculine.

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   Les cinéphiles se souviennent de la comédienne, remarquée jadis dans Secrets et mensonges (de Mike Leigh), Orgueil et préjugés et Saving Grace.

   Après une interruption de plusieurs mois, France 3 a repris la diffusion de la onzième saison la semaine dernière. Il est encore possible de voir en replay l'épisode 3 ("De Mère en fils"), qui se passe dans l'univers des dockers et de la délinquance urbaine. (Le port concerné est celui de Blyth, au nord-est de Newcastle.)

   Ce dimanche soir, l'ambiance est nettement plus rurale dans "A vol d'oiseau". Il est question d'une professeure des écoles retrouvée morte au bas d'une falaise. Elle était mariée à un éleveur, vétéran d'Afghanistan. Comme d'habitude, l'intrigue est fouillée, nous plongeant dans la sociabilité particulière de cette zone à la fois maritime et agricole. On met du temps à dénouer tous les fils, la liste des suspects ne cessant de s'allonger. (Une fois qu'on connaît la solution, on a très envie de revoir le début de l'histoire, tourné et monté de manière à rester énigmatique.)

   Accessoirement, on peut suivre les épisodes aussi bien en version originale (pour profiter de la diversité des accents, ceux des natifs de la région étant assez prononcés) qu'en version française, le doublage étant de bonne qualité.

   En deuxième partie de soirée, la chaîne rediffuse "Morts sur la lande", l'un des premiers épisodes de la série, assez âpre lui aussi.

vendredi, 09 septembre 2022

Le Visiteur du futur

   Adaptée d'une web-série, cette comédie SF (ou ce film de science-fiction humoristique) française tente de marier les genres, sur fond d'apocalypse nucléaire. A ce sujet, je recommande tout particulièrement la première séquence, dont l'action se déroule dans une centrale. On y croise McFly et Carlito... en périlleuse situation.

   Il y a quelques autres moments de grâce au cours de la première heure, comme cette discussion dans un bar miteux du futur. La question "Est-ce que tu veux un enfant ?" déclenche une série de répliques sur fond d'humour noir... J'aime.

   A un autre niveau, j'aime aussi l'étrange dialogue qui se déroule entre deux personnages très très liés (mais qui se rencontrent pour la première fois), dans une pièce qui semble tout droit sortie d'un vaisseau spatial. Mais, entre ces moments savoureux, cela bande un peu mou. Le pari de mêler une authentique intrigue SF à des éléments de dérision (mélangés à un poil de critique sociale et à une pincée d'émotion) n'est pas toujours tenu. On ne s'ennuie pas, mais je trouve que l'interprétation (ou la direction d'acteurs) n'est pas toujours impeccable.

   Mon intérêt a rebondi dans les trente-quarante dernières minutes. On y baigne dans le paradoxe temporel, avec les tentatives du futur pour modifier le présent. C'est rythmé, parfois drôle, avec juste ce qu'il faut d'émotion... et une fin, qui, une fois n'est pas coutume ces temps derniers, ne me déçoit pas.

   Du coup, je recommande. Les décors et les costumes sont bien foutus, les dialogues en général assez percutants.

   P.S.

   Enya Baroux, qui interprète la fille de Gilbert (Arnaud Ducret), a pour véritable père Olivier Baroux (ex-acolyte de Kad Merad et réalisateur d'impérissables chefs-d’œuvre comme Les Tuche et Menteur). Le monde cinématographique français est décidément petit.

21:49 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Everything Everywhere All at Once

   Un titre long, alambiqué, non traduit... voilà qui a priori n'augure pas une brillante carrière en salles. Et pourtant... on aurait tort de passer à côté de ce film frappadingue, qui démarre de manière assez conventionnelle.

   On découvre une famille sino-américaine, les parents gérant (difficilement) une laverie, à la veille du nouvel an chinois. Les emmerdes semblent s'accumuler : le grand-père commence à perdre la tête, la petite-fille est en pleine rébellion (et peine à assumer son homosexualité)... et le couple de parents bat de l'aile. C'est la mère Evelyn (Michelle Yeoh, épatante) qui "porte la culotte". Un rendez-vous capital est pris avec une contrôleuse fiscale, interprétée (avec gourmandise) par Jamie Lee Curtis.

   C'est là que tout dérape. Soit vous adoptez la posture rationnelle, et vous estimez qu'Evelyn a une sorte d'AVC et que la suite se passe principalement dans sa tête, soit vous entrez dans le jeu des auteurs et vous acceptez l'intrusion du multivers, Evelyn étant conduite (entre autres) à dialoguer avec d'autres versions de son père, de son mari et de sa fille.

   ... et c'est jouissif ! Pour sauver le(s) monde(s), la commerçante ennuyeuse va devoir se transformer en super agent secret, habile dans les arts martiaux... et ça tombe bien, puisque Michelle Yeoh est une experte en la matière ! Le problème est de faire en sorte que l'Evelyn de notre monde acquière les capacités des Evelyn des autres univers. La technique est simple : il faut commettre un acte totalement inattendu. C'est aussi le cas pour les personnages secondaires qui voyagent d'un univers à un autre (d'une version d'eux-mêmes à une autre), soit pour aider Evelyn, soit pour l'affronter.

   Découvrir la manière dont chaque personnage tente d'acquérir des pouvoirs spéciaux est l'un des grands plaisirs de ce film. Evelyn ne manque pas d'imagination, entre embrasser un inconnu, se pisser dessus en public, se casser un bras... mais certains de ses adversaires sont eux aussi très doués, comme ce duo de mecs qui réalise un spectaculaire saut périlleux pour... s'empaler sur un plug anal !

   Eh oui... ce n'est pas tout public. Dans la salle où j'ai vu le film, l'assistance était partagée, entre les spectateurs interloqués par ce qu'ils voyaient (et entendaient) et ceux qui étaient à la limite de se rouler par terre, tant certaines scènes sont hilarantes. J'ai encore en mémoire une baston au cours de laquelle l'un des adversaires est battu à coups de godemichés, mais aussi la scène qui voit l'un des protagonistes, endormi, se faire réveiller par un homme qui place sous son nez une chaussure qu'on suppose malodorante !

   Les réalisateurs osent beaucoup, frôlant parfois le bon goût sans (heureusement) tomber dedans. Je recommande aussi toutes les scènes faisant intervenir deux pierres, seules dans un monde sans humain. Les dialogues sont vraiment tordants.

   Cela fonctionne bien parce que les auteurs ont réussi à faire se percuter les conflits familiaux avec le fantastique, sans (visiblement) se poser de limites (autres que financières, pour les effets spéciaux, très bien foutus soit dit en passant). Les acteurs se sont prêtés au jeu, sans crainte du ridicule. Outre celle de Michelle Yeoh, je recommande la prestation de la jeune Stephanie Hsu (qui incarne la fille d'Evelyn).

   Pour les cinéphiles, c'est l'occasion de réviser ses classiques, de 2001, L'Odyssée de l'espace à Ratatouille, en passant par Tigre et dragon (clin d’œil à la carrière de Michelle Yeoh), In the mood for love... Pour les spectateurs asiatiques (et certains Occidentaux), c'est farci de références à de vieux films de kung-fu (parfois parodiques), jadis produits à la chaîne du côté de Hong Kong. J'ai aussi senti l'influence des (ex) frères Wachowski, dont Cloud Atlas et les Matrix semblent avoir nourri l'imaginaire des réalisateurs, tant pour l'aspect fantastique que pour les questions de genre.

   Même si c'est un peu long, même si la fin est trop sirupeuse à mon goût, je recommande vivement cet ovni cinématographique.

09:28 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 03 septembre 2022

Les Cinq Diables

   Ce petit thriller français entremêle les thématiques. Au fantastique se superposent des questions sociétales : racisme, homophobie, harcèlement scolaire... Intersectionnalité quand tu nous tiens ! Intéressons-nous plutôt à ce qui est d'ordre cinématographique.

   La première partie de l'intrigue est dominée par le sentiment d'étrangeté. C'est d'abord l'histoire d'un couple qui bat de l'aile. Le désir semble avoir quitté le foyer, à tel point que l'épouse (Adèle Exarchopoulos, crédible en maître-nageuse) soupçonne son conjoint d'aller voir ailleurs. C'est du moins ce que suggèrent la mise en scène et le jeu de la comédienne. C'est peut-être trompeur...

   L'étrangeté réside dans la composition du couple : une fille du pays (Joanne) et un immigré d'origine sénégalaise (Jimmy). Leur fille, Vicky, suscite étonnement et moqueries chez les gamines de la région, un coin de l'Isère où semble régner un certain entre-soi.

   Un autre élément d'étrangeté est l'irruption de l'homosexualité (féminine), dans une petite ville où la conception du couple est très traditionnelle.

   Cette étrangeté prend un tour fantastique avec Vicky, une gamine mûre pour son âge... et à l'odorat hyper-développé. Elle repère les gens à leur(s) odeur(s), qu'elle essaie de "capturer". Elle tente aussi des expériences sensorielles. L'une d'entre elles la projette dans le passé, à plusieurs reprises.

   La mise en scène soutient les choix scénaristiques, en particulier dans la première demi-heure. A plusieurs reprises, on comprend que la manière dont la caméra a été placée n'est pas due au hasard ni à une quelconque coquetterie. Soit le point de vue est décentré, soit on invite les spectateurs à chercher ce qui, dans le plan, sort de l'ordinaire.

   Ce sont les principaux atouts du film. Globalement, l'interprétation est très inégale. Les comédiennes sont toutes bonnes, chacune dans son rôle. Je suis beaucoup moins convaincu par l'acteur qui incarne le mari pompier, déjà vu dans Amin. Côté masculin toujours, j'ai apprécié de revoir Patrick Bouchitey, qui joue le père de Joanne... et donc le grand-père de Vicky.

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   Sally Dramé est la révélation de ce film, qu'elle porte sur ses frêles épaules. La relation forte qu'entretient son personnage avec celui de sa mère est très bien rendue... et on ne doute pas une seconde qu'elle possède des pouvoirs spéciaux.

   Sur le plan scénaristique, on est confronté à une boucle temporelle. Au cours de certaines expériences olfactives, Vicky découvre le passé familial, dans toute sa complexité... mais sa seule irruption dans ce passé contribue à façonner celui-ci. Je n'en dirai pas plus, afin de laisser à chacun le plaisir de la découverte... plaisir qui dure jusqu'à la toute fin, en forme de clin d’œil, mais qui pourrait ouvrir la voie à une suite.

vendredi, 02 septembre 2022

Astrid et Raphaëlle, saison 3

   Depuis la semaine dernière, France 2 diffuse les épisodes inédits de la série réunissant le plus improbable des duos d'enquêtrices. Je les avais découvertes en 2019 et j'avais été enchanté par la saison 1. Ce soir ont été programmées deux nouvelles histoires particulièrement bien troussées.

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   Dans « Natifs » (troisième épisode de la saison), il est question d'Amérindiens venus du Canada en France une vingtaine d'années auparavant, des Atikamekw ("avec un double-vé", comme se plaît à le préciser Astrid). On découvre un cadavre, mais l'on se doute qu'il en existe un deuxième, caché quelque part... Le plus difficile sera de déterminer qui est le véritable assassin. (Notons que la tribu mentionnée dans l'intrigue existe réellement.)

   Parallèlement aux enquêtes se développe un autre fil narratif : Astrid a été admise à l’École de Police... mais sa formation promet de ne pas être de tout repos. Ce versant de l'intrigue voit l'introduction d'un nouveau personnage, incarné par Valérie Kapriski.

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   L'épisode suivant, intitulé « La Chambre ouverte » a pour cadre principal un institut psychiatrique, plus précisément le secteur 13, réservé aux patients les plus dangereux. Une mort en apparence accidentelle s'y produit, mais la sagacité des enquêtrices va leur permettre de dénouer les fils d'une énigme particulièrement tortueuse. Pour ce faire, elles vont recevoir l'aide  d'un homme qu'elles ont naguère contribué à faire arrêter : un écrivain criminel, vu dans la saison 1 et interprété par Stéphane Guillon.

   Les deux premiers épisodes de cette nouvelle saison sont toujours accessibles sur le site de France Télévisions. « Plan global » se moque gentiment des complotistes. « Memento Mori », tourné dans un monastère, est plus captivant.

   Toujours sur le site de France Télévisions (et gratuitement), on peut revoir l'intégralité de la saison 2.

   Le duo formé par Lola Dewaere et Sara Mortensen fonctionne toujours aussi bien. Je suis épaté par l'interprétation de la seconde... et j'apprécie la manière dont les scénaristes font évoluer le personnage. Apparemment, on ne s'oriente pas vers une "normalisation" de la documentaliste autiste. Grâce à sa partenaire, elle parvient à mieux se mouvoir dans le monde des "neurotypiques"... mais elle conserve sa personnalité déroutante.

   A signaler aussi la bonne prestation de Sylvie Filloux en jeune autiste (Astrid adolescente). Si l'on ajoute à ces qualités un réel effort de recherche au niveau de la mise en scène (notamment de l'autisme de l'héroïne), on obtient ce qui est sans doute l'une des meilleures séries actuellement diffusées par la télévision française.

   P.S.

   Vendredi dernier, les deux premiers épisodes de la saison 3 ont réalisé un carton d'audience, avec cinq millions de téléspectateurs.

dimanche, 28 août 2022

Decision to leave

   J'ai enfin pu voir ce long-métrage sud-coréen, primé cette année à Cannes (pour la mise en scène). Comme il est en fin de carrière (en salles), je m'attendais à une petite séance tranquille, avec de la place pour étendre mes jambes... eh bien, pas du tout ! La salle était comble, avec un public d'adultes, majoritairement féminin, âgé de 18 à 80 ans environ.

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   Ce polar sentimental met aux prises un officier de police chevronné, méticuleux, accro au boulot et à l'hygiène (Jan Hae-joon, qui a tourné avec presque tous les grands cinéastes sud-coréens vivants) et une veuve pas très éplorée, d'origine chinoise et très intelligente (Tang Wei, for-mi-dable).

   Dans un premier temps, on se demande si le policier va parvenir à dénouer les fils de ce qui pourrait être un accident, un suicide ou un meurtre. Il tombe sous le charme de la veuve, qui peut-être le manipule... ou bien a tout simplement le béguin pour lui. Les acteurs sont suffisamment bons pour que, plus tard, on se demande si le policier n'a pas succombé au charme pour mieux percer la veuve à jour.

   L'intrigue, sinueuse, et l'interprétation, impeccable, sont servies par une mise en scène brillante. Que ce soit au début, avec l'enquête autour de l'escarpement rocheux, lors des scènes de "planque", la nuit, ou plus tard, lorsque le policier tente de visualiser la manière dont le meurtre pourrait avoir été commis, les plans regorgent d'idées. J'ai aussi été marqué par la séquence des obsèques, en montagne, sous la neige, un moment de bascule dans le film. Enfin, même si je n'aime pas la conclusion de l'histoire (trop mélo), je ne peux qu'admirer la manière dont la séquence de la plage a été construite. Le réalisateur n'est pas un inconnu : on doit à Park Chan-Wook des œuvres marquantes comme Old Boy, Je suis un cyborg et Mademoiselle.

   C'est toutefois un peu trop long. J'ai préféré la première partie du film, centrée sur la première enquête. Au bout 1h10-1h15, une ellipse intervient, avant qu'on retrouve les protagonistes, environ un an plus tard. C'est toujours aussi brillant, mais moins palpitant, le scénario tirant sur le côté sombre.

   Cela reste évidemment un film à voir.

17:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Memories

   Je crois que c'est la première fois que ce film d'animation japonais sort dans les salles françaises, et pourtant, il date des années 1990. Il est composé de trois récits, en apparence distincts.

 

MAGNETIC ROSE

   Le premier moyen-métrage est à mon avis le plus virtuose. On le doit à Koji Morimoto, dont le public français connaît parfois le manga Amer Béton, qui a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2007.

   Dans un futur lointain (les années 2090), on suit une équipe d'éboueurs de l'espace, composée de fortes personnalités (exclusivement masculines). Ils sont amenés à répondre à un appel à l'aide, ce qui les conduit dans une zone réputée être une gigantesque décharge. La source de l'appel est un étrange astéroïde, sur lequel débarquent deux membres de l'équipe. Ils vont aller de surprise en surprise, tout comme les spectateurs.

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   Je ne peux pas expliquer le titre, sous peine de déflorer l'intrigue. Je me contenterai de dire qu'au cœur de l'histoire se trouve le souvenir d'une soprano, qui a arrêté de se produire en public plus de soixante ans auparavant. Son souvenir hante l'astéroïde... C'est un scénario particulièrement travaillé, servi par une animation splendide.

 

STINK BOMB

   On doit cette « bombe puante » à Tensei Okamura, un inconnu pour moi. (Il a un peu travaillé sur Naruto.)

   Avec cette deuxième histoire, on a clairement voulu jouer sur la rupture de ton. C'est sur le registre comique qu'on suit les pérégrinations d'un employé d'un centre de recherches en biotechnologies, à l'époque contemporaine. Involontairement, le jeune homme se retrouve vecteur d'une pandémie.

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   Certaines scènes auront une saveur particulière pour les spectateurs du XXIe siècle : on peut voir la population locale victime d'une sorte de « gros rhume », plus ou moins encline à se faire vacciner, certains habitants portant un masque chirurgical.

   Sur le fond, l'auteur dénonce le complexe militaro-industriel... et l'influence des États-Unis au Japon. Le film est vraiment marqué par un fort anti-américanisme, tellement caricatural qu'il en devient contreproductif.

   Mais le principal défaut de cette histoire est son invraisemblance et la lourdeur de son humour. Son « héros » involontaire est stupide et maladroit... ce qui ne l'empêche pas de déjouer toutes les tentatives des militaires pour l'arrêter, bénéficiant d'une chance insolente. Cela se termine par un petit coup de théâtre que, lorsqu'on a bien compris quel était le propos de l'histoire, on voit facilement venir.

 

CANNON FODDER

      Katsuhiro Otomo, l'auteur du troisième film, est peut-être le plus connu du public français. On lui doit, entre autres, Akira et Steamboy, cette dernière œuvre ayant une parenté avec ce qui nous est montré ici.

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   C'est une sorte d'uchronie, que l'on peut toutefois situer dans le passé. De puissantes cités militarisées s'affrontent. Dans l'une d'entre elles, organisée de manière prussienne, on suit la journée d'un garçon, le fils d'un « chargeur de canon », dont le rêve est de diriger un jour l'une de ces imposantes batteries, dont l'importance patriotique est soulignée chaque joue par la propagande télévisuelle.

   Dans le contexte japonais, il faut comprendre cette histoire comme une dénonciation de la dictature militaire des années 1930-1940, qui a conduit le pays au bord du gouffre. C'est aussi une habile mise en scène de l'embrigadement de la jeunesse.

 

   D'une durée totale d'un peu moins de deux heures, cet ensemble inégal mérite le détour surtout pour le premier film (le plus ambitieux sur le plan cinématographique). La structure globale illustre le titre (Memories), puisque l'on part d'une situation futuriste, pour se plonger dans un présent fictif, avant de terminer dans le passé.

10:50 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 27 août 2022

Trois mille ans à t'attendre

   Un peu moins de trois mille jours après la sortie de Mad Max : Fury Road, voici donc le nouveau film de George Miller, dans un style très différent... en fait, dans deux styles très différents. Ce dernier long-métrage croise deux types de séquences : celles du présent, entre la "narratologue" et le djinn, et celles du passé (ou du conte), évoquant les précédentes "sorties de bouteille" du génie, de l'époque de la reine de Saba jusqu'à celle de la jeune et brillante épouse d'un vieux marchand.

   Les scènes contemporaines ne sont pas d'un grand intérêt filmique. Heureusement, il y a les interprètes: : Tilda Swinton en "bas-bleu" plutôt terne et Idris Elba en être surnaturel qui a visiblement passé du temps sur le banc de musculation pendant qu'il était prisonnier du flacon. Dans la première partie de l'histoire, c'est souvent drôle, avant que la mièvrerie ne l'emporte par la suite.

   En revanche, les séquences de conte, ostensiblement inspirées des Mille et une nuits (les références fourmillent dans le film), ne manquent pas de souffle. C'est certes un peu ampoulé, l'image parfois chargée, mais il y a du romanesque, des sentiments forts et du merveilleux. On se laisse volontiers emporter par la féérie, si on laisse un peu sa rationalité au vestiaire.

   C'est d'ailleurs ce qui finit aussi par arriver au principal personnage féminin... mais cela ne rend pas le film plus intéressant. Il reste les petits contes, bien ficelés. Ce n'est pas trop long et cela dépayse.

17:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

vendredi, 26 août 2022

Wild Men

   Dans une forêt enneigée, en zone montagneuse, un homme d'âge moyen, vêtu de peaux de bêtes et armé d'un arc et de flèches, suit la piste d'un animal dont il voudrait faire son repas du jour. Est-on en plein film préhistorique ? Pas vraiment, puisque, quelques instants après qu'il a visé l'animal, le chasseur se jette avidement sur un petit objet brillant qu'il a aperçu au sol : l'emballage (en papier glacé) d'une confiserie bien contemporaine !

   Le ton de cette comédie « à froid » est donné. Au cours de l'histoire, nous allons croiser plusieurs de ces hommes sauvages. Certains, comme Martin (le "héros"), sont en quête d'authenticité, cherchent à se ressourcer... ou sont tout simplement largués. D'autres, munis de pistolets du XXIe siècle, mènent une quête bien plus matérialiste... quand bien même un imposant cervidé se mettrait en travers de leur route ! On note aussi la présence d'un chef de police placide, un veuf qui ne s'étonne plus de rien... sauf, peut-être, de la bêtise de ses deux sous-fifres, deux incompétents en uniforme dont on ne peut pas dire qu'ils risquent l'excès de zèle.

   Certains d'entre vous ont sans doute déjà fait le rapprochement avec un film culte : le Fargo des frères Coen. Ici, la Norvège proche du Danemark remplace le Nord des États-Unis, mais on croise bien des bras cassés, des truands, des idiots, une femme enceinte et des policiers plus ou moins futés.

   Même si l'on n'atteint pas la qualité du film américain, certaines scènes sont particulièrement bien troussées. Outre celle du début, je pense à celle de la supérette, celle de l'accident, puis de l'opération ou encore l'intervention (involontaire) d'un couple de citadins dans une histoire qui, a priori, ne les concerne nullement... et je me garderai de révéler la surprise qui attend un binôme en vadrouille, quand il débarque dans un authentique village viking...

   On rit, on se moque de ces hommes modernes qui cherchent le salut dans un retour à de pseudo-traditions. (En Allemagne, on est en quête de Germains ou de Teutoniques, en France, on cherche les Gaulois...) Indirectement, le film s'interroge aussi sur la masculinité et la virilité contemporaines. N'oublions pas que nous sommes en Scandinavie, région du monde où l'on est peut-être le plus proche d'une véritable égalité des sexes.

   C'est enfin la naissance d'une improbable amitié, entre un employé modèle qui sent sa vie lui échapper et un petit malfrat conscient d'avoir déjà beaucoup perdu et qui aimerait bien bénéficier d'une seconde chance.

   Ajoutez à cela l'ambiance rafraîchissante de ces montagnes enneigées et vous obtenez l'une des plus belles surprises de cet été, qui a été un peu sous-estimée par la critique.

   P.S.

   L'épouse (à forte personnalité) de Martin est interprétée par Sofie Gråbøl, qui s'est naguère fait connaître dans le rôle de Sara Lund, dans la série The Killing, dont les trois saisons sont actuellement disponibles sur le site d'Arte.

22:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

Rumba la vie

   Quatre ans après sa première réalisation (Tout le monde debout, assez réussi), Franck Dubosc revient derrière la caméra avec une comédie sentimentale douce-amère, dans laquelle il incarne Tony, un conducteur de bus scolaire dont l'apparente jovialité cache les blessures intérieures. Quinquagénaire solitaire qui n'a pas réalisé le rêve de sa jeunesse (partir aux États-Unis et - peut-être - y faire carrière dans la musique), il se met soudainement en tête (pour une raison que je ne révèlerai pas) de retrouver le grand amour de sa vie... et la fille qu'il a eue avec elle, avant qu'il ne les abandonne toutes les deux, vingt ans auparavant.

   Cela m'amène à deux qualités du film : l'humour tendre émaillant les scènes de bus (en particulier au début) et la composition de Franck Dubosc, qui a pris l'apparence d'un prolo qui se veut viril... mais qui n'a pas réussi grand chose dans sa vie. C'est un pauvre type, que le comédien rend parfois touchant.

   Ayant retrouvé sa fille, Maria, Tony choisit de ne pas se présenter à elle comme son géniteur. Il s'inscrit à son cours de danse, au club Rumba la vida (d'où le titre du film). Je suis partagé sur les scènes s'y déroulant. Quand la fille traite sans ménagement ce nouveau client, pas particulièrement doué et pas très au fait des codes du monde de la danse de salon, c'est bon. La jeune comédienne, Louna Espinosa, tient son rôle et elle est mignonne comme tout. Mais, quand les deux acteurs sont dans le registre de l'émotion, c'est moins convaincant.

   Heureusement, il y a de l'humour, avec les autres adhérents du club de danse... et avec l'entourage de Tony, du copain mécano (Darroussin, au poil) à la voisine du dessus, une présumée Congolaise qui réserve bien des surprises au héros. Dans le rôle, Marie-Philomène Nga est excellente. C'est l'occasion de signaler l'une des meilleures scènes du film, lorsque Tony monte chez sa voisine pour lui demander de lui apprendre à danser la rumba. La manière dont les préjugés du "petit Blanc" sont mis en scène est piquante. Ce n'est pas l'essentiel du film, mais, de la part de Dubosc, c'est bien d'avoir inséré ce moment dans l'intrigue.

   Celle-ci pourrait sembler de prime bord cousue de fil blanc. On se demande quand Maria va comprendre que celui qui se fait appeler Kevin Sardou n'est autre que son père biologique. Bien que très scolaire, la mise en scène est suffisamment habile pour laisser chaque spectateur déterminer le moment à partir duquel la jeune danseuse n'est plus dupe.

   J'ai aussi apprécié que le film s'écarte du happy end prévisible au bout d'1h30. L'histoire se prolonge un peu, vers une autre fin, ma fois très réussie.

   Ce n'est pas une très bonne comédie, mais un film sociétal, familial, où l'humour est mêlé d'émotion.

14:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 24 août 2022

Dans la ligne de mire

   A l'occasion du récent décès de Wolfgang Petersen, les nécrologies ont plutôt rappelé son œuvre la plus reconnue (Das Boot) et ses réalisations hollywoodiennes "grand public" (Air Force One, Troie, Poséidon). Par un curieux effet du hasard, quelques jours auparavant, le site MyTF1 avait mis en ligne gratuitement (en V.O. et V.F.) le thriller confrontant Clint Eastwood et John Malkovich.

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   Le premier incarne Frank Horrigan, un flic proche de la retraite, membre des services secrets... et ancien garde du corps de John Fitzgerald Kennedy, dont il n'a jadis pas pu empêcher l'assassinat. Trente ans plus tard, l'occasion lui est donnée de se racheter, des indices concordants indiquant qu'une tentative se prépare contre le président sortant.

   John Malkovich interprète Mitch Leary, un personnage au passé trouble, que l'on met du temps à découvrir. Il semble savoir beaucoup de choses à propos de Horrigan, avec lequel il engage un mano a mano à distance, par l'intermédiaire de téléphones fixes ou de cabines publiques... parce que ce thriller haletant se déroule à une ère où les téléphones portables sont très peu répandus, internet étant balbutiant.

   A cette époque, Eastwood n'est plus tout à fait l'inspecteur Harry. Il est aussi reconnu comme cinéaste (il vient de réaliser Impitoyable). Du coup, son personnage de flic, même s'il a un côté franc-tireur rentre-dedans, est aussi un passionné de jazz, pianiste à ses heures... plus progressiste que l'ancien inspecteur à la gâchette facile.

   La confrontation avec Leary/Malkovich est passionnante à suivre, les comédiens nous livrant une belle prestation. Ils sont épaulés par de bons seconds rôles, parmi lesquels je distingue Rene Russo (qui fait un peu plus que jouer les utilités), Fred D. Thompson (futur procureur de Law and Order) et Gary Cole (vu dans de nombreuses séries télévisées).

   La mise en scène est efficace, la musique entraînante. On sera indulgent pour quelques invraisemblances, notamment une scène de poursuite sur les toits, globalement bien foutue, mais qui voit un policier quasi sexagénaire ne pas se faire distancier par un type entraîné qui a vingt ans de moins que lui...

   De manière plus anecdotique, ce film témoigne d'une étape dans l'évolution des personnages féminins. Rene Russo incarne une femme forte, qui joue un rôle important dans l'organisation de la sécurité du "voyageur" (nom de code du président). Mais elle est plutôt une exception. Cette femme très indépendante finit évidemment par succomber au charme du héros, pourtant beaucoup plus âgé qu'elle et un brin macho. Je pense qu'aujourd'hui on ne mettrait plus en scène une relation comme ça... et peut-être même que c'est le personnage féminin qui sauverait le président !

   Le film n'en mérite pas moins le détour, pour son énergie et le duel psychologique sur lequel il s'appuie.

12:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 22 août 2022

Vesper Chronicles

   Tournée en anglais, cette coproduction franco-belgo-polono-lituanienne est un film d'anticipation post-apocalyptique. Toutefois, le scénario nous a épargné le tableau d'une Terre ravagée par le réchauffement climatique ou les conséquences d'une guerre nucléaire. Peut-être parce que l'histoire a été écrite en Europe du Nord-Est, on nous présente une région boisée, humide, boueuse, où les animaux sont absents et où les humains se font rares.

   Les végétaux sauvages, issus de modifications génétiques, sont omniprésents. Les plantes cultivées nourricières ont presque totalement disparu. Leur réintroduction est l'une des clés de l'histoire, dans un monde dominé par de puissantes cités, technologiquement avancées, où se sont réfugiées les élites, tandis que ce qui subsiste des populations modestes survit en zone boisée, entretenant d'étranges relations commerciales avec les cités.

   L'intrigue est bien foutue et elle est servie par une photographie superbe. J'ai particulièrement apprécié tout ce qui concerne les "végétanimaux", ces drôles d'espèces vivantes capables de s'alimenter à partir du corps humain.

   L'équipe d'acteurs est correcte, pour incarner l'héroïne Vesper, ses proches comme ses adversaires. Cette adolescente abandonnée par sa mère veille au chevet de son père, un ancien soldat cloué sur son lit, dont il s'évade grâce à un drone relié à son esprit. Cela donne des scènes bigrement bien foutues, parfois cocasses, parfois tendues.

   Car la vie n'est pas facile pour Vesper et ses proches. Tout pourrait changer grâce à une nouvelle venue, rescapée de l'accident d'une navette transportant des habitants d'une cité... mais le chemin de l'espoir est semé d'embûches.

   C'est une bonne surprise de cette fin d'été, avec une fin maline, qui peut s'interpréter comme une conclusion définitive ou une ouverture sur un épisode ultérieur.

17:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films

samedi, 20 août 2022

Menteur

   J'ai beaucoup hésité avant de me décider à voir cette « comédie française populaire ». Aux manettes se trouve le réalisateur des Tuche, les critiques sont mauvaises... mais la distribution comporte des comédiens que j'apprécie et le sujet m'intéressait.

   Le début nous présente un cadre dynamique et agaçant, gros baratineur, sûr de lui et... menteur comme c'est pas permis. On a tous déjà rencontré quelqu'un de ce genre, dans la vie quotidienne ou au boulot. En général, ce ne sont pas des gens sympathiques, surtout s'ils mentent par intérêt, de manière cynique et calculée. Ici, tel n'est pas le cas. Jérôme est plutôt un menteur pathologique. Ce n'est que tard dans l'histoire que l'on découvre la source de ce trouble du comportement.

   Cela devient intéressant à partir du moment où les mensonges éhontés du héros se mettent à se réaliser : il subit vraiment un dégât des eaux, les pneus de sa voiture sont dégonflés, il n'a plus de batterie à son téléphone, une grand-mère quitte son EHPAD pour venir se faire toiletter chez lui... et les femmes qu'il prétendait avoir séduites sont toutes folles de lui. C'est savoureux, parce que cela lui complique singulièrement la vie... ainsi que celle de son frère Thibault, devenu un indécrottable malchanceux. Tous ces situations rocambolesques fonctionnent en raison de l'allant du duo d'acteurs, Tarek Boudali (de la bande à Lacheau) et Artus (déjà vu cette année dans J'adore ce que vous faites).

   J'ajoute que le scénario pousse très loin la réalisation des bobards de Jérôme, à tel point que cela frôle parfois le drame... parce qu'il y a une morale dans cette histoire. La dernière partie voit le héros tenter de se guérir et de résoudre les problèmes qu'il a causés aux autres à cause de ses mensonges. Là aussi cela fonctionne, grâce aux acteurs... et aux actrices. Deux sortent du lot : Pauline Clément (qui incarne une traductrice, un personnage à double facette) et Louise Coldefy, la belle-sœur de Jérôme, qui nous réserve une belle surprise au cours d'un déjeuner familial.

   Voilà. Ça ne va pas changer le monde, ni même le cinéma, mais cela m'a fait passer un agréable moment.

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vendredi, 19 août 2022

De l'autre côté du ciel

   Cette animation japonaise baigne dans une ambiance post-apocalyptique : les habitants d'une cité-État industrielle sont confinés dans un territoire marqué par la verticalité. Le ciel est bouché par d'épaisses fumées. La ville s'arrête au bord d'une mer où vit, selon la rumeur, une redoutable créature, qui aurait dévoré Bruno, un couturier un peu trop curieux, qui racontait qu'au-dessus des nuages se trouvent des étoiles et qu'il existe d'autres mondes, par-delà les mers.

   Bruno a pour fils Lubicchi, le jeune héros, qui cumule les difficultés. Orphelin de père, il risque de perdre aussi sa mère, gravement malade. Pour subvenir à leurs besoins, il travaille dans l'équipe de ramoneurs des énormes cheminées qui parsèment la ville. Presque toujours en compagnie d'adultes, le gamin n'a pas vraiment d'amis... jusqu'au jour où il croise un drôle d'individu.

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   Ce personnage, Poupelle, l'homme-poubelle, est l'une des réussites de ce film. Formé de bric et de broc, il passe au départ pour un déguisement d'Halloween, avant que la population ne constate qu'il s'agit d'un être vivant très particulier, que certains n'hésitent pas à qualifier de monstre. Mais les apparences sont trompeuses...

   L'amitié qui se noue entre le gamin et Poupelle est touchante, parfois drôle dans les péripéties qu'ils affrontent. Derrière, on sent le message de tolérance, un de ceux que le film est chargé de véhiculer.

   On l'a cependant un peu trop vite raccroché à certaines de nos préoccupations. En dépit de l'omniprésence des fumées obscures, il ne s'agit pas d'une dénonciation de la pollution. Ces fumées, produites par les cheminées contrôlées par la famille régnante, ont pour fonction de masquer la réalité. C'est donc plutôt le repli sur soi, le refus de l'ouverture au monde que pointe le film. On y trouvera aussi le harcèlement entre enfants et la crédulité des adultes, prêts à croire à n'importe quel bobard. L'histoire dénonce l'intolérance dont sont victimes les personnes différentes et la mise en place d'un régime dictatorial, supposé défendre le bien commun.

   Sur le plan visuel, c'est brillant, aussi bien dans les scènes hyper colorées que dans celles, plus sombres, qui font intervenir les fumées. Certains plans sont construits avec un souci du détail impressionnant. Je conseille notamment d'observer tout ce qui a trait au corps de Poupelle.

   En dépit de ces qualités, j'ai quelques réserves à émettre. La première est la présence de chansons, qui n'apportent rien au film. La seconde est une trop grande insistance sur les difficultés que rencontre le garçon. J'ai préféré quand l'histoire s'emballait, au début dans la séquence de rencontre et à la fin lors de l'expédition en bateau. C'est clairement (sur le fond) une animation plutôt destinée aux enfants, mais réalisée avec un incontestable brio.

   P.S.

   Je pense que l'intrigue de ce film se comprend différemment au Japon et en Occident. Il est fort possible que la confrérie des ramoneurs, ainsi que le personnage de Poupelle, soient des allusions aux burakumin, une catégorie de population jugée impure.

   Enfin, la représentation d'un pouvoir autoritaire, s'appuyant sur une milice (les "inquisiteurs"), est sans doute une référence au retour en force des mouvements nationalistes, en partie à cause de la montée en puissance de la Chine.

13:12 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films

mercredi, 17 août 2022

Un Jour sans fin

   C'est l'une des ressorties de l'été, à voir en version originale sous-titrée (notamment dans les cinémas CGR). C'est sans doute le meilleur film d'Harold Ramis (auquel on doit aussi Mafia Blues), surtout connu pour avoir coécrit le scénario de S.O.S. Fantômes, dans lequel il interprétait Egon, l'un des « chasseurs de fantômes ».

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   On ne s'étonnera donc pas de retrouver Bill Murray au générique. A l'époque, celui-ci est surtout identifié comme acteur de comédie. Sa carrière n'avait pas encore pris un tour décisif. Il partage l'affiche avec Andie MacDowell, qui était à la veille de tourner Quatre mariages et un enterrement, mais dont la carrière décollait déjà depuis Sexes, mensonges et vidéo (de Soderbergh), Green Card (avec Depardieu) et Les Imposteurs (avec John Malkovich).

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   Phil Connors est ce qu'on pourrait appeler un sale con. Narcissique et méprisant, il se prend pour une vedette, alors qu'il présente la météo sur une chaîne de télévision locale. Il fait la gueule parce que, pour la quatrième année consécutive, il est envoyé en reportage dans un bled paumé de la Pennsylvanie, à l'occasion du « Jour de la marmotte » (Groundhog Day, titre d'origine du film). Cette fête populaire attire beaucoup de monde, notamment parce qu'à cette occasion, l'animal, par son comportement, est réputé annoncer la possible fin de l'hiver.

   Pour Phil, cette journée passée chez ceux qu'il appelle « les bouseux » est un calvaire... qui ne va cesser de se répéter. Le soir même, il est bloqué sur place par un blizzard qu'il n'avait pas prévu dans ses prévisions météorologiques. Le lendemain, au réveil, il revit ce 2 février, encore et encore...

   C'est d'abord une comédie. On s'amuse de la stupéfaction du "héros"... et de ses tentatives pour sortir du cercle infernal. Revoir les mêmes scènes, tournées/jouées de manière légèrement différente, est un pur bonheur de cinéphile, d'autant que les acteurs sont très bons.

   Sans surprise, découvrant qu'il est bloqué dans cette boucle temporelle, Phil va d'abord chercher à en profiter (financièrement, sexuellement...), sachant que tout cela n'est que provisoire, la même journée recommençant (de zéro) le lendemain. J'ai bien aimé voir ses (pitoyables) manœuvres pour tenter de mettre dans son lit la douce mais pas naïve Rita, qui va lui donner bien du fil à retordre. Le scénario est assez riche pour faire passer Phil par différentes phases (égoïste, suicidaire, philanthropique). Je laisse découvrir à celles à ceux qui n'auraient jamais vu le film ce qui permet de briser le cercle.

   C'est une belle comédie romantique, avec une morale qui résonne curieusement une trentaine d'années plus tard : au lieu de rechercher la célébrité et la satisfaction compulsive du moindre de ses désirs, l'être humain devrait d'abord s'efforcer d'être une bonne personne.

   P.S.

   Comme un bonheur n'arrive jamais seul, je signale aux amateurs que, sur le site MyTF1, on peut (re)voir gratuitement (en V.F. ou V.O. sous-titrée) le premier S.O.S. Fantômes, avec notamment Sigourney Weaver.

   P.S. II

   Il n'aura pas échappé aux cinéphiles que l'argument d'Un Jour sans fin a servi de base à l'écriture du scénario d'un autre film : Edge of tomorrow.

12:32 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films

lundi, 15 août 2022

Nope

   Découvert avec Get Out, le cinéaste Jordan Peele récidive avec ce film de genre, où il joue sur les codes pour faire passer quelques messages, parfois avec humour.

   Le titre est une manière familière de dire "non", un peu l'équivalent de notre "naan" en français. On l'entend à plusieurs reprises dans le film : dans la bouche de la sœur du héros, quand elle présente l'activité de dressage de chevaux à l'équipe de cinéma, dans la bouche du héros lui-même, quand il se refuse (à raison...) de sortir d'un véhicule en pleine intervention surnaturelle... et dans une scène marquante, riche en symboles, quand un personnage s'adresse à un singe devenu violent.

   Cette fameuse scène du début, qui intrigue tant certains spectateurs (et dont une version tronquée nous est d'abord proposée, sans la moindre explication), va revenir deux fois dans la suite du film. Il s'agit du tournage d'une sitcom (dans les années 1990), auquel participe un enfant d'origine asiatique que l'on retrouve dans d'autres scènes, à l'âge adulte. Au premier degré, on est incité à penser que la furie qui s'empare du singe s'apparente au déchaînement de violence provoqué par l'entité mystérieuse qui se cache dans un nuage immobile, à proximité du ranch du héros. Au second degré, la révolte du singe (auparavant soumis) contre les adultes blancs du studio de tournage pourrait évoquer la condition noire aux États-Unis.

   Car il y a un sous-texte "racial" à l'histoire. Sur un plan général, le cinéaste avait la volonté de bâtir une intrigue dont les héros seraient des Afro-américains, mais où leur condition de "Noirs" ne serait pas un élément-clé de l'histoire. Leurs personnages se trouvent simplement là où se produit quelque chose d'extraordinaire, à l'image de tant de Wasp dans les productions hollywoodiennes.

   Mais il a ajouté plusieurs éléments que l'on pourrait qualifier de revendicatifs. Tout d'abord, il y a cette famille afro-américaine qui gère un ranch où sont élevés des chevaux pour le cinéma. On y voit des cowboys noirs, une allusion à un fait historique longtemps passé sous silence. (Sur le sujet, voir un passionnant reportage diffusé sur Arte en 2020.) Plus pointue est la référence à un proto-film datant de la fin du XIXe siècle. Intitulé ici « Horse in motion », il s'agit en réalité de « Sallie Gardner at a Gallop », la Sallie en question n'étant pas la cavalière... mais la jument :

Nope 1.jpg

   Dans Nope, Emerald Haywood (l'irritante sœur du héros), affirme que le cavalier est noir et qu'il est l'un de ses ancêtres, ainsi que ne cessait de le répéter son propre père, décédé au début de l'histoire. Il est possible qu'elle ait raison... tout comme il est possible que le visage en apparence sombre du cavalier soit en réalité le résultat d'un contrejour ou de la mauvaise qualité des photographies prises pour réaliser le montage.

   Mais là n'est pas (à mon avis) l'essentiel du film. Il s'agit d'abord d'une œuvre à mi-chemin entre le fantastique et l'épouvante. Le réalisateur joue avec les codes, utilisant notamment la musique et le hors-champ pour suggérer... et parfois nous tromper. Le premier tiers du film, parfois volontairement allusif ou obscur, est émaillé d'humour. Il risque de désarçonner les blaireaux qui se glisseraient dans la salle en espérant voir l'une de ces productions industrielles qu'on balance aux ados en mal de sensations. (Je note toutefois que, lors de ma séance, le film a captivé son audience très diverse.) Il y a du (bon) Shyamalan dans cette manière de traiter l'intrigue, forçant le spectateur à faire fonctionner ses neurones.

   On peut aussi se contenter de jouir du spectacle. C'est bien mis en scène, avec quelques moments particulièrement inspirés. Je pense notamment à la scène de "digestion", en plein orage (je n'en dis pas plus) ou encore au dévoilement final de l'entité extraterrestre. Dans le détail, on s'intéressera à certains plans nocturnes, vraiment bien foutus, en particulier un où l'on voit le blanc des yeux du héros se détacher dans l'obscurité.

   Il y a bien quelques passages irritants, souvent liés au respect des codes du genre : plusieurs personnages font ce qu'ils ne devraient pas faire. J'ai aussi été un peu agacé (surtout au début) par le personnage de la sœur, une caricature de citadine, évidemment opposée au mutique frère de la campagne. L'un des objectifs de l'intrigue est de ressouder les liens familiaux, dans la défense du ranch et la lutte contre l'entité extraterrestre.

   Cela donne un film plutôt original, qui tranche sur le tout-venant de la production hollywoodienne.

   P.S.

   M. Night Shyamalan n'est pas le seul réalisateur à avoir inspiré Jordan Peele. On peut ajouter Steven Spielberg, pas tant pour La Guerre des Mondes que pour Les Dents de la mer.

 

ATTENTION : LA SUITE

RÉVÈLE DES ÉLÉMENTS

DE L'INTRIGUE QU'IL

VAUT MIEUX NE PAS

CONNAÎTRE AVANT DE

VOIR LE FILM.

 

   L'entité extraterrestre (dont la carapace est prise par erreur pour une soucoupe volante) s'apparente au requin des premiers films de la série. Au début de l'histoire, on ne voit pas l'animal, mais les dégâts qu'il fait. On s'aperçoit que les requins, comme l'extraterrestre, avalent un peu tout et n'importe quoi... et qu'il leur arrive de "jouer" avec leurs proies. Quant aux héros, dans leur volonté de lutter contre le super-prédateur, il reçoivent une aide extérieure, de la part de personnes qui vont connaître un destin tragique. Enfin, la traque puis la mort de la bestiole suivent des schémas semblables, avec des leurres et une explosion finale.

10:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films