samedi, 29 avril 2023
L'Etabli
Adapté du livre éponyme du philosophe Robert Linhart, ce film militant nous replonge dans les Trente Glorieuses, juste après les "événements" de Mai 68. L'essentiel de l'action se déroule au sein d'une usine secondaire du groupe Citroën (en plein Paris). Quelques scènes "de respiration" ont pour cadre un appartement bourgeois et un café.
Ce film engagé suscitant des réactions contrastées, j'ai choisi d'en rédiger deux critiques, une de gauche et une de droite.
LA CRITIQUE DE GAUCHE
Mathias Gokalp, brillant cinéaste au talent mésestimé (remarqué jadis pour Rien de personnel), réussit le pari de l'adaptation d'un livre réputé inadaptable. Sa mise en scène habile et percutante ressuscite l'ambiance d'une chaîne de montage et des différents ateliers de l'usine Citroën. S'appuyant sur des comédiens (connus ou inconnus) investis dans leur rôle, il nous embarque dans cette palpitante aventure ouvrière, qui est une aventure humaine, en révolte contre le capitalisme arrogant.
L'intrigue nous fait découvrir de manière assez fouillée le travail manuel en usine, à cette époque. Elle détaille aussi les tensions et les contradictions au sein de la classe ouvrière, entre Français et étrangers, entre immigrés anciens et ceux de fraîche date, entre hommes et femmes, entre jeunes et vieux. Face à eux, le patronat apparaît dans toute sa vulgarité et sa misogynie, exploitant sans vergogne les classes populaires, mettant en œuvre un racisme systémique dans le monde du travail.
Les scènes de famille (absentes du livre) apportent un utile contrepoint aux péripéties de l'usine. Le réalisateur n'esquive pas le problème du statut de « l'infiltré », évitant de surcroît de faire du héros un homme parfait. Ses doutes et ses faiblesses nous sont présentés sans détour, parfois avec humour. La solidarité dont font preuve certains ouvriers leur permet de contester le joug capitaliste, sans que cela débouche toutefois sur une victoire totale. Mais l'essentiel était bien d'initier le mouvement.
C'est un grand film de société, à projeter dans toutes les écoles pour transmettre à notre jeunesse une vision objective du monde du travail qui les attend.
Comme ce qui est écrit ci-dessus ne correspond que partiellement à ce que j'ai vu sur l'écran, je me dois de compléter ce billet. Voici donc...
LA CRITIQUE DE DROITE
Mathias Gokalp, cinéaste médiocre qui n'est pas parvenu à percer, s'est jeté sur un livre culte de la gauche intellectuelle française pour tenter de relancer sa carrière. De L’Établi, il a modifié la structure et certains éléments clés pour servir un propos outrancier, dont on sent bien qu'il se rapporte plus à la France de 2022 qu'à celle de 1968 ou 1978.
Tout d'abord, parmi la série d'ateliers auxquels le héros a été affecté (d'après le livre), il en est un où l'on ne voit jamais Robert évoluer dans le film : la soudure. En revanche, il travaille au boulonnage/rivetage, à la sellerie et aux balancelles. Cela pourrait se justifier par la volonté d'écourter le film (qui dure déjà deux bonnes heures...) et, peut-être, par la difficulté de filmer un atelier de soudure, surtout avec des comédiens novices en la matière. D'un autre côté, cela conduit le cinéaste à nous présenter l'usine d'abord sous l'aspect du travail à la chaîne, le boulonnage évoquant immanquablement (chez le public cultivé) Les Temps modernes de Chaplin (où le rythme était cependant beaucoup plus élevé que chez Citroën).
Dans tous les cas, il est un détail d'importance qui a été modifié dans le film : la présence de gants. Dans le livre, à presque chaque poste l'ouvrier en bénéficie, alors que, dans le film, leur absence est un motif de revendication... et l'occasion de faire de belles images de « la momie », surnom donné à Robert à partir du moment où on le voit travailler les mains enveloppées dans des bandelettes de tissu.
D'autres éléments ont été tordus quasi systématiquement pour dénigrer un "camp" ou pour en survaloriser un autre. Ainsi, avant de tenter de revenir sur les concessions faites aux syndicats en mai 1968 (en faisant travailler les ouvriers trois quarts d'heure de plus chaque jour, sans augmentation de salaire), la direction de l'usine avait commencé par... réduire le temps de travail, la durée quotidienne passant de 10h à 9h15. (Mais de cela les spectateurs ne sont pas informés.)
La manière dont sont traités les immigrés, certes injuste, est bien plus dégueulasse dans le long-métrage. Le personnage d'un collègue noir de Robert (à la sellerie) est développé pour le film, uniquement pour pour mettre en scène le racisme (supposé) des cadres de l'usine. (Ceux-ci sont d'ailleurs présentés de manière plus nuancée dans le bouquin, même si certains d'entre eux ont droit à des qualificatifs injurieux.) La même tactique est utilisée pour décrire le renvoi de certains de ces immigrés des foyers où ils logeaient, pour briser leur participation à la grève. Dans le livre, ces ouvriers découvrent leurs valises faites à l'entrée, lorsqu'ils retournent au foyer, alors que, dans le film, leurs affaires sont balancées sans ménagement sur le sol, à la sortie de l'usine.
On pourrait aussi discuter de la nécessité de transformer un trio d'ouvriers masculins (yougoslaves) en trio féminin. Certes, cela permet d'introduire des questions intéressantes, mais celles-ci sont presque absentes du livre. (Le réalisateur aurait cependant pu introduire une scène concernant une ouvrière mère de famille, qui se fait bien voir de l'un des cadres. Dans le livre, Robert se montre compréhensif, à l'inverse de certains ouvriers.) Plus grave : pour éviter de nuire à l'image de certains ouvriers africains, le livre passe sous silence l'épisode au cours duquel l'un d'entre eux fait étalage de ses préjugés antisémites devant le héros.
Au final, l'adaptation du livre se rapproche plus d'une fiction de propagande que de la fidèle représentation d'une époque révolue.
vendredi, 28 avril 2023
Désordres
Une vallée située dans le canton de Berne semble être, dans les années 1870-1880, un centre de développement de l'idéologie anarchiste (à travers la Fédération jurassienne). On y croise des Russes, des Français, des Italiens, des Allemands... et, bien sûr, des Suisses, qui travaillent soit dans l'agriculture soit dans l'horlogerie, dominée par une grande entreprise familiale, qui semble quasi omnipotente dans le canton.
Les revendications politiques sont fortes, les tensions sociales intenses... mais tout cela s'exprime de manière feutrée. Ainsi, c'est courtoisement que le policier municipal demande à des militants au drapeau rouge de s'éloigner. C'est avec courtoisie qu'un duo de promeneurs désobéit à un autre policier. C'est tout aussi courtoisement qu'un groupe de militantes chante sa détestation du capitalisme et des patrons âpres au gain. La courtoisie n'est pas moindre quand un chef du personnel annonce leur licenciement à quatre ouvrières en horlogerie... et c'est sans faire de grabuge qu'elles quittent les lieux, après avoir reçu leurs indemnités.
Cela donne un tour quasi surréaliste à certaines scènes, d'une indéniable violence symbolique, mais très policées dans la forme.
... du moins c'est ainsi que je l'ai perçu. Une autre personne présente dans la salle a trouvé que les acteurs jouaient mal, toujours sur le même ton, avec un inconvénient supplémentaire : les scènes de groupe étant filmées en plan large, il faut en général un petit moment pour distinguer parmi les personnages présents quels sont ceux dont on est en train d'entendre le dialogue. Cela a le mérite de forcer les spectateurs à être attentifs à chaque plan. C'est donc un film qui se mérite.
Au centre de l'intrigue se trouvent les montres. La fabrication et la fixation de leurs rouages font l'objet de plans passionnants, tandis que le maintien de la "bonne" heure est l'obsession d'une partie de la population... d'autant que, dans la vallée, selon l'endroit où l'on se trouve, on est soit à l'heure de la gare (et du télégraphe), soit à celle de la fabrique (d'horlogerie), soit à celle de l'église... Il y a plusieurs minutes d'écart entre ces repères, ce qui n'est pas sans conséquence sur le temps de travail des ouvrières... et leur paie !
A l'arrière-plan se trouve le progrès technologique : la mesure du temps se précise et prend une place grandissante dans la vie quotidienne des Suisses, tout comme la photographie, le chemin de fer... et la cartographie. C'est l'activité qu'exerce Pierre Kropotkine, futur idéologue de l'anarchisme, qui découvre la région.
Le film est à la fois passionnant et déroutant, ressemblant parfois à du théâtre filmé.
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Donjons et dragons
Il y a longtemps, très longtemps, lorsque j'étais plus jeune (et vaillant) qu'aujourd'hui, je me suis risqué dans une salle obscure pour voir la première adaptation cinématographique du célèbre jeu vidéo. J'en suis ressorti fort marri. Porté par un bouche-à-oreille très favorable, j'ai retenté l'expérience, avec une séance en version originale sous-titrée.
Dès le début, j'ai été emballé. Il s'agit de l'arrivée d'un détenu ultra-dangereux dans une prison forteresse. J'ai bien entendu apprécié l'ambiance faite de mélange de Moyen-Age et de science-fiction. J'ai de surcroît été agréablement surpris par le souci du détail, par exemple au niveau de l'emboîtement de la cellule roulante et de la porte d'entrée. A plusieurs reprises, plus loin dans le film, on retrouve ce travail méticuleux au niveau des décors, mais je crois que c'est au tout début que c'est le plus impressionnant.
La suite n'est pas mal non plus, grâce notamment à des effets spéciaux bluffants. On s'y attend à propos des pouvoirs magiques de plusieurs personnages (la sorcière rouge, le jeune magicien et la fée polymorphe) et des animaux fantastiques (dont un dragon obèse, aussi pathétique que redoutable...)... mais ça ne se limite pas à cela.
Les amateurs d'heroic fantasy sont en terrain connu. On ne peut pas ne pas penser au Seigneur des anneaux, mais aussi à Hunger Games, voire à Harry Potter. Au niveau de l'intrigue, on ne s'ennuie pas. Entre les complots, les trahisons, les stratagèmes, les coups de théâtre et les retournements de situation, il y a de quoi occuper l'esprit.
Les acteurs sont plutôt bons, mais le casting est tout de même inégal. Chris Bite Pine cabotine un peu trop à mon goût, tout comme Hugh Grant, mais ils sont bien dans leurs rôles. Quelques autres se prennent trop au sérieux, ou doivent s'adapter à un personnage taillé à la hache. C'est du côté féminin que viennent les bonnes surprises : Michelle Rodriguez, entre deux Fast & Furious, vient jouer la walkyrie de contrebande, Daisy Head est parfaite en sorcière maléfique et la jeune Sophia Lillis est adorable en fée mutante.
Une autre qualité est l'humour dont regorge l'histoire. Quasiment chaque scène est marquée par un trait d'esprit, ou un gag, ou une chute. J'aime que cette grosse meringue numérique ne se prenne pas trop au sérieux. Mention spéciale à la séquence du cimetière.
Notons qu'on a soigné la diversité ethnique de la distribution : la moitié des protagonistes ne sont pas blancs. Ajoutons que l'intrigue regorge de femmes fortes (et mignonnes, faut pas déconner non plus)... avec un peu trop d'hommes faiblards à mon goût. Mon petit doigt me dit que c'est pour complaire au public masculin visé...
Au final, c'est divertissant. J'ai passé un très bon moment.
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mardi, 25 avril 2023
Les Complices
Le titre de cette comédie macabre franco-belge fait penser aux Compères, de Francis Veber, qui mettait en scène le duo Gérard Depardieu - Pierre Richard. En voyant évoluer François Damiens et William Lebghil (tous deux très bons), on ne peut pas ne pas penser à d'autres associations entre un dominant, plutôt violent (outre Depardieu, il faudrait citer Lino Ventura et Gérard Lanvin) et un dominé, plutôt peureux ou inconscient (comme Jacques Brel, Francis Perrin, Benoît Poelvoorde...).
La nouveauté consiste en la présence d'un troisième élément, une femme, Stéphanie, la compagne de Karim, incarnée avec fougue par Laura Felpin (une découverte pour moi). Ce couple travaille dans une société de télémarketing en immobilier, sous la houlette d'une patronne acariâtre et de cadres méprisants.
De son côté Max (F. Damiens) ne peut plus exercer sa lucrative activité comme auparavant : il est tueur à gages, mais devient allergique à... la vue du sang. A la source de cette pathologie (d'après son médecin) se trouve un événement traumatique... mais pas l'un des assassinats qu'il a perpétrés, non : le fait que son épouse le quitte.
Cela donne le ton de cette comédie sans filtre, bien interprétée. D'un côté, Max doit échapper aux sicaires de la Loutre, l'organisation qu'il veut quitter. De l'autre, les employés téléconseilleurs ont une revanche à prendre sur la société et sont prêts à donner un coup de main au tueur, pour lequel ils se prennent de sympathie... et c'est réciproque.
Nous voilà embarqués dans un drôle de périple, au cours duquel on croise quelques invités, comme Vanessa Paradis (l'épouse) et Bruno Podalydès (l'homme à tout faire de la Loutre, qui réserve quelques surprises).
Cela dure à peine plus d'1h30 et l'on sort de là assez content, d'autant que la scénariste-réalisatrice (Cécilia Rouaud) conclut sur un clin d’œil sympathique.
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lundi, 24 avril 2023
La Conférence
Le titre de ce film allemand fait évidemment allusion à la Conférence de Wannsee, qui s'est tenue le 20 janvier 1942. Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, dans la banlieue chic de Berlin, une brochette de cadres nazis discute de la déportation et de l'extermination des juifs, prudemment désignées par l'expression « Solution finale ».
Tous les participants sont des nazis convaincus, et ce depuis des années. Mais le film s'attache à montrer que deux profils se détachent : les SS (au premier rang desquels l'organisateur de la conférence, Reinhard Heydrich) et les "secrétaires", membres du gouvernement (et du NSDAP, le parti nazi), qui représentent un ministère, dont ils sont en général le numéro 2. Au contraire de certains SS et des gouverneurs des territoires envahis par le IIIe Reich, ces hauts fonctionnaires sont très diplômés : ils sont allés jusqu'à la thèse, ce qui fait qu'on se donne fréquemment du "Doktor" (ce qui équivaudrait à "Professeur", en français). Il est toutefois nécessaire de préciser que tout ce petit monde a achevé ses études secondaires et que presque tous ces hommes possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur, sans être forcément allés jusqu'à la thèse. De ce fait, ils appartiennent à une "élite" (moins de 5% de la population), et une élite plutôt jeune, qui témoigne de l'adhésion massive des (anciens) étudiants allemands des années 1920-1930 aux idées nazies.
Les dialogues comme les interprètes excellent à nous faire sentir la morgue de ces nazis issus de l'université, à la fois arc-boutés sur les prérogatives de leur ministère et peu désireux de passer sous le commandement de ces brutes de SS, fût-ce pour se débarrasser des juifs. Par rapport au film, j'apporterai toutefois une nuance. Peut-être pour éviter de trop plomber l'ambiance, les scénaristes ont choisi de faire émerger un ou deux profils un peu plus « humanistes » (tout est relatif) que les autres. Je pense au contraire que tous les participants à cette réunion étaient des antisémites forcenés (plus ou moins policés dans leur manière de s'exprimer), que le sort des juifs n'émouvait aucunement.
Cette réunion a donc un fort enjeu de pouvoir. A qui revient de gérer « l'évacuation » et le « traitement spécial » des juifs ? (On notera l'utilisation d'euphémismes quasiment tout au long de la conférence.) L'ambitieux Heydrich (dont il est légitime de penser qu'il espérait succéder un jour à Hitler) veut que la SS (plus précisément le RSHA, l'Office central de la sûreté du Reich) soit maître d’œuvre dans cette opération. Il faut qu'il en convainque les autres participants, en maniant l'efficacité, la flatterie et, éventuellement, la menace. Ce n'est pas pour rien qu'il a à ses côtés son principal adjoint, le chef de la Gestapo, Heinrich Müller (très bien interprété par Jakob Diehl).
Au niveau des arguments "techniques", c'est un autre subordonné d'Heydrich, Adolf Eichmann (dont le rôle a été réévalué par les historiens) qui intervient. Je trouve que le comédien Johannes Allmayer réussit parfaitement à faire ressortir le mélange de technocratie et d'inhumanité qui caractérisait le personnage :
En face, du côté des "secrétaires", c'est le représentant du ministère de l'Intérieur qui se révèle le plus coriace. Ce n'est pas n'importe qui. Wilhelm Stuckart (Godehard Giese, excellent) est l'un des rédacteurs des lois de Nuremberg et, à l'époque du film, il est un peu considéré comme un ministre-bis, que Heydrich ne peut pas se permettre de traiter comme du menu fretin.
Il me reste à dire deux mots de l'interprète principal. Philipp Hochmair est chargé d'incarner le principal protagoniste (Heydrich), à une époque où il devient très puissant, mais quelques mois à peine avant qu'il ne se fasse assassiner. (Merci la résistance tchèque !)
Le film nous montre un manager du nazisme. Le régime, bien que pyramidal (avec Hitler à sa tête) et dictatorial, mettait en concurrence différents centres du pouvoir. Pour mener à bien son projet (l'extermination des juifs d'Europe), Heydrich a besoin de coordonner leur action. Pour assouvir son ambition, il doit les convaincre de le laisser diriger cette entreprise. L'acteur est convaincant dans le rôle du manager charismatique, mais il rend presque son personnage sympathique. Il n'apparaît pas assez impitoyable à mon goût. Bien que s'exprimant dans une autre langue que l'allemand, Jason Clarke m'a semblé plus percutant dans HHhH.
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dimanche, 23 avril 2023
Earwig
Ambiance sombre et crasseuse pour ce nouveau film de Lucile Hadzihalilovic. Quelques indications nous permettent de comprendre que l'action se déroule dans les années 1950, mais les vêtements comme le mobilier pourraient situer l'intrigue dans l'Entre-deux-guerres. Il y a une part d'intemporel dans cette histoire, qui ressemble parfois à un conte.
Il met en scène un homme entre deux âges et une petite fille (Mia), qui pourrait être la sienne, ou une orpheline qu'il a recueillie... ou bien un otage qu'il détient. En tout cas, Albert en prend grand soin, la nourrit convenablement et change régulièrement son étrange appareil dentaire, fixé autour du visage : Mia n'a pas de dents, ou plutôt l'appareil lui permet d'en avoir, en glace.
Les deux personnages échangent peu de mots. Leurs relations sont faites de rituels, plus ou moins bien acceptés. Le moindre petit changement prend la forme d'un événement. La réalisatrice est donc soucieuse du moindre détail, au niveau des vêtements comme du décor. Un grand soin a été apporté aux petits bruits du quotidien, à l'éclairage et aux jeux de lumière (avec les verres de l'armoire d'Albert, avec les nouvelles dents de Mia...).
Albert reçoit des ordres par téléphone. Il doit préparer Mia à un voyage. Il commence donc à l'habituer au monde extérieur. Attention toutefois : les scènes ne nous sont pas montrées dans un ordre strictement chronologique. Cela conduit d'ailleurs à se demander s'il n'y a pas eu deux enfants enfermés dans la maison.
Cela donne une œuvre parfois déroutante, mais qui (dans mon cas) captive. On cherche des réponses aux nombreuses questions qui se posent, tout en savourant la construction de certains plans. La fin ne répond pas à tout, mais on aura passé un moment hors du temps dans un univers particulier.
11:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
jeudi, 20 avril 2023
C'est mon homme
J'ai longtemps hésité avoir d'aller voir ce film. Pourtant, le sujet (celui d'un poilu revenu amnésique de la Première Guerre mondiale) m'intéressait, mais je ne lisais et n'entendais que des critiques mitigées.
J'ai fini par tenter ma chance... et je ne le regrette pas.
Le film nous prend dès le début par une scène en apparence anodine (un couple qui vient se faire photographier chez une professionnelle), mais dont le sel n'apparaît que lorsque les amoureux se déplacent. Le dialogue précédent prend alors une autre saveur.
J'aime l'ambiguïté créée autour du passé du "héros". Le réalisateur nous fait d'abord suivre l'épouse photographe (Leïla Bekhti, très bien), avant que ne débarque l'épouse danseuse de cabaret (Louise Bourgoin, tout aussi convaincante dans un autre registre). On penche tour à tour pour telle ou telle... tout comme l'amnésique, un peu timide au départ, mais qui se laisse ensuite volontiers séduire par les deux !
Je sais que certains spectateurs sont sortis de la salle sans avoir tranché entre les deux épouses, alors qu'à mon avis, la mise en scène et le montage font pencher la balance d'un côté. L'ambiguïté persiste peut-être en raison du jeu de Karim Leklou, sobre, qui paraît presque étranger à sa propre vie.
J'ai aussi apprécié que l'intrigue joue avec les "valeurs" de l'époque. On s'attend à ce que le soldat, recouvrant peu à peu la mémoire, choisisse forcément de retourner auprès de sa légitime épouse. Mais la raison de son choix peut être tout autre : l'intérêt personnel (Quelle vie lui semble la plus intéressante : celle avec la photographe ou celle avec la danseuse ?)... ou l'amour inattendu, celui qui naît entre deux étrangers qui, sans la guerre, ne se seraient pas rencontrés.
J'ai été pris par cette histoire, pas flamboyante certes, mais qui, par petites touches, dit beaucoup de choses de l'humanité.
23:50 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
samedi, 15 avril 2023
Chili 1976
Avant de passer derrière la caméra, Manuela Martelli a été actrice, notamment dans Mon Ami Machuca, dont l'action se déroule en 1973, au tout début de la dictature d'Augusto Pinochet.
Elle a choisi de planter son intrigue trois ans plus tard, alors que le régime est installé, la surveillance de la population bien en place... et la répression aussi discrète qu'efficace.
Pourtant, le début de l'histoire semble loin de ces préoccupations politiques. On suit une famille de la grande bourgeoisie, l'épouse du médecin chef d'un hôpital de Santiago supervisant les travaux d'embellissement de leur résidence secondaire, sur la côte Pacifique. La maîtresse de maison voudrait que tout soit prêt pour l'anniversaire de l'une de ses petites-filles. Tout cela ne nous est pas dit frontalement, mais suggéré au fur et à mesure des scènes, par petites touches. C'est l'un des grands mérites de ce film que de ne pas sombrer dans un didactisme pesant, tout en étant très engagé.
L'autre grand atout de cette histoire est la comédienne Aline Küppenheim, présente -je crois- dans toutes les scènes, à travers son personnage de Carmen. L'épouse distinguée a du temps libre, qu'elle consacre à sa maison, ses petits-enfants... et aux nobles causes que lui suggère le prêtre progressiste du coin. Bien que d'apparence assez épanouie, elle n'est pas fondamentalement heureuse : elle a jadis renoncé à ses études de médecine pour devenir mère au foyer et elle suit depuis plusieurs années un traitement contre la dépression. Un jour, le service particulier que lui demande le prêtre va donner un sens à sa vie.
A la chronique sociale du début (mettant discrètement en scène certaines inégalités de richesse) succède un quasi film d'espionnage, qui fait parfois sourire, mais au cours duquel on sent tout de même progressivement monter la tension. De coups de téléphone discrets en rendez-vous secrets, la bourgeoise prend de plus en plus de risques...
C'est passionnant. Dans la salle, la ribambelle de vieillard(e)s pipelet(te)s a fermé son clapet dès le début, pour ne le rouvrir qu'au générique de fin. C'est dire.
A signaler le rôle de la musique d'accompagnement. Elle n'est heureusement pas omniprésente, plutôt savamment dosée... et ce n'est pas une musique d'époque, mais contemporaine, qui se marie bien avec l'intrigue.
P.S.
La Peugeot 404 que l'on voit l'héroïne conduire était, à l'époque, passée de mode en France... mais sa production continuait dans plusieurs pays étrangers, en particulier en Argentine, d'où devait venir le modèle acheté par le mari de Carmen.
23:34 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
Les Mystères de Barcelone
Intitulé La Vampira de Barcelona dans sa langue d'origine (le catalan), ce film évoque une affaire criminelle célèbre outre-Pyrénées... mais pas de ce côté-ci. Voilà pourquoi sans doute le distributeur français a choisi un titre qui, aux oreilles des cinéphiles locaux, évoquera soit un film de Raoul Ruiz, soit un roman-feuilleton d'Eugène Sue.
Ce n'est pourtant pas tant sur le fond que sur la forme que ce long-métrage est remarquable. Peut-être parce que son action se situe au début du XXe siècle, souvent dans les bas-fonds, le réalisateur a choisi de tourner majoritairement en noir et blanc. Le résultat est fort joli... et incite les spectateurs à se montrer attentifs quand on passe à la couleur, ou quand un détail coloré apparaît à l'écran.
J'ai bien aimé aussi le travail sur la construction de l'image, constituée de plusieurs plans qui peuvent se détacher les uns des autres. (Merci, le numérique !) Ce n'est pas une coquetterie esthétisante. Quand deux personnages d'une scène en sont comme extraits, c'est parce que leur discussion revêt une grande importance. Quand l'arrière-plan change, c'est en liaison avec ce qui se dit et se passe au premier.
De la même manière, le recours aux ombres chinoises se justifie pleinement. Le cinéaste veut montrer que l'univers officiel dans lequel évoluent les personnages est, pour lui, un théâtre d'ombres et que les déterminants de l'action se trouvent ailleurs.
C'est précisément à ce niveau que surgissent les problèmes. Je crois avoir rarement (jamais ?) vu une histoire aussi manichéenne. Si l'on excepte la monarchie et le gouvernement catalan (absents de l'intrigue), toutes les "élites" sont corrompues : les juges, les avocats, les policiers, les médecins, les journalistes... sauf un, bien entendu, le héros. En face, les gens modestes sont presque tous présentés comme des victimes. Ce n'est que dans la dernière partie qu'un poil de nuance est introduit, à travers quelques révélations de dernière minute et un petit coup de théâtre.
A part cela, de mystère il n'y a guère. Dès le début on nous offre en pâture la conclusion officielle de l'enquête, à laquelle la suite du film (un long retour en arrière) nous amène inexorablement. Ce n'est pas vraiment palpitant et c'est de surcroît surligné par une musique d'accompagnement digne d'un mélo télévisuel. C'est dommage, parce qu'il y a avait de la matière et, derrière la caméra, une personne de talent.
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vendredi, 14 avril 2023
Mon Chat et moi
Inspiré d'un roman de Maurice Genevoix, ce film est destiné à toute la famille. Pour qui s'attend à une œuvre hyper-classique, sans aspérité, le début est un peu déroutant, puisqu'il est tourné... à hauteur de chat. On découvre une portée de chatons et leur maman vigilante, dans le grenier d'un appartement urbain. C'est mignon et drôle (et bien meilleur que beaucoup de ce qui suit). Une autre qualité est à relever : le désir de ne pas masquer les drames de la vie, dans cette ville comme, plus tard, dans la montagne vosgienne.
La suite est malheureusement moins captivante, alors qu'elle devrait évoquer un tas de souvenirs (plus ou moins) plaisants chez les (anciens) possesseurs de matou. J'ai trouvé très convenue la mise en scène l'arrivée de Rroû dans la famille et ses débuts de chat domestique.
Cela devient plus intéressant lorsque le couple et sa fille se rendent en vacances dans une maison de campagne. Camille et Rroû vont croiser la route de la "sorcière" locale, Madeleine, une vieille solitaire bourrue, qui (bien entendu) cache un cœur gros comme ça. Son seul compagnon est son chien Rambo (une sorte de dogue). Dans le rôle, Corinne Masiero passe bien (et -surtout- elle ne fait pas trop sa capitaine Marleau).
Dans cette partie de l'intrigue, le plus intéressant est la découverte du milieu sauvage par le chat domestique, qui croise des congénères plus ou moins bien disposés à son égard, mais aussi un lynx, une chouette... C'est joliment filmé, même si le réalisateur Guillaume Maïdatchevsky m'avait plus impressionné dans Aïlo.
La morale de l'histoire rejoint ce qu'on a pu voir dans d'autres récents films animaliers, que la vedette soit un loup ou une jeune tigresse : la place de l'animal est plus dans le monde sauvage qu'aux côtés des humains, quand bien même il y risque sa vie. Concernant un chat domestique, on appréciera plus ou moins la pertinence du propos.
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mercredi, 12 avril 2023
10 jours encore sans maman
On prend (presque) les mêmes et l'on recommence... à ceci près que, désormais, c'est l'épouse qui porte la culotte dans le ménage, tandis qu'Antoine, au chômage, est homme au foyer, prétendûment en télétravail.
La situation de départ est intéressante, parce qu'Aure Atika est convaincante en avocate de retour sur le marché du travail (et elle a un charme fou) et parce que le scénario fait d'Antoine un symbole de père dévirilisé. Il n'est plus le pourvoyeur d'argent du ménage, il n'arrive pas à se faire respecter de ses enfants, fait des gaffes en public, voire se couvre de ridicule. C'est d'ailleurs l'un des gros problèmes de ce film : Franck Dubosc, retombé dans ses travers, en fait des tonnes (Mais où est passé l'acteur de Rumba la vie ?) et l'intrigue lui fait accumuler les humiliations, de manière de moins en moins vraisemblable. Ce n'est même plus drôle.
Pour être honnête, je dois reconnaître qu'il y a bien quelques moments réussis, comme la course pour arriver à temps à l'aéroport (au début), ou encore l'humour pipi-caca faisant intervenir des quiproquos.
Les meilleures surprises viennent des seconds rôles. On retrouve un Alexis Michalik percutant en connard arrogant. On découvre avec plaisir Xavier Robic et Romain Lancry en larbins de l'hôtel de luxe. Juliette Aver est aussi très bien en jeune monitrice de ski.
En revanche, les enfants du couple de héros sont encore plus insupportables que dans le premier film. (Si, c'est possible !) Clairement, les comédiens qui les incarnent ont été dirigés de manière à jouer dans l'excès. C'est vite saoulant.
Le film est oubliable, très au-dessous des Bronzés font du ski, vers lequel il louche portant ostensiblement.
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dimanche, 09 avril 2023
Le Capitaine Volkonogov s'est échappé
Moins de trois ans après L'Ombre de Staline, centré sur la famine en Ukraine, la répression stalinienne est de nouveau à l'écran, dans cette fiction à caractère historique, une coproduction internationale tournée en russe... mais qui n'a pas été diffusée en Russie.
La première partie nous fait découvrir le capitaine Volkonogov : c'est un cadre du NKVD (ancêtre du KGB) de Leningrad, athlétique, plein d'avenir. Il est plutôt beau gosse, fier dans son uniforme... et il sait se faire craindre. Le problème est qu'en cette époque de Grande Terreur stalinienne, les purges touchent aussi le Parti communiste et ses satellites. Le jour même, Volkogonov voit son supérieur se suicider et ses collègues de la brigade subir un entretien inquisitorial. Il décide de s'enfuir avant que ne vienne son tour.
C'est d'abord un polar historique, avec pour toile de fond un régime totalitaire parmi les plus horribles que la Terre ait connus. Au NKVD, on sait tuer vite et pas cher, on n'a pas besoin de moyens hyper-sophistiqués pour faire avouer un suspect coupable... et l'on est devenu expert en disparition de cadavres.
(Je trouve intéressant que, dans une fiction destinée a priori à un public non spécialiste, on ait intégré à ce point les résultats de la recherche historique.)
Mais ce n'est là qu'un arrière-plan. La deuxième partie (plus longue) met en scène, de manière parfois virtuose, la quête de Volkogonov (qui cherche à se faire pardonner ses crimes pour ne pas finir en enfer) et la traque dont il est l'objet de la part d'un commandant cancéreux. Sa quête débute à l'issue de l'enterrement de cadavres, pour lequel le NKVD a réquisitionné des vagabonds et des passagers des transports en commun. Sans le savoir (au départ), Volkogonov (dont l'identité est inconnue des autres) participe à l'enfouissement de ses anciens camarades ! La séquence est saisissante, tout comme le surgissement d'un rescapé.
C'est à l'occasion de la rencontre des proches de ses anciennes victimes que Volkonogov se rappelle ses "exploits" et nous permet de toucher du doigt l'abjection du régime qu'il a servi. Ces séquences sont particulièrement marquantes, qu'il s'agisse de l'ouvrier plaisantin, du bureaucrate soupçonneux, de l'enfant questionneuse ou de l'épouse statufiée. On prend une sacrée claque !
C'est de surcroît brillamment mis en scène. En deux plans trois mouvements, le duo de réalisateurs nous fait comprendre ce que sont l'oppression, la crainte, le désespoir, le sentiment d'injustice. Les décors sont particulièrement réussis.
Même s'il y a quelques longueurs, même si certaines scènes sont à la limite du soutenable, je recommande vivement ce film, une véritable œuvre d'art au service d'une vérité historique pas suffisamment enseignée.
20:44 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire, russie
samedi, 08 avril 2023
Les Petites Victoires
Plutôt réticent au départ, j'ai fini par me décider à voir ce film, en raison de très nombreux retours positifs dans mon entourage. Il faut dire que la distribution est alléchante : outre les têtes d'affiche Julia Piaton et Michel Blanc (dans un rôle proche de celui qu'il interprétait dans Je vous trouve très beau), on croise India Hair, Lionel Abelanski, Marie Bunel et... Marie-Pierre Casey ! Elle interprète Jeannine, une retraitée souffrant de la hanche, qui, aujourd'hui, aurait bien du mal à dépoussiérer une grande table de salon.
Derrière la caméra se trouve Mélanie Auffret, dont j'avais déjà aimé Roxane. Elle a ce talent pour, d'une part, créer une comédie propre à favoriser la sécrétion de dopamine et d'endorphine, d'autre part, évoquer ce monde rural qui souffre, mais qui, souvent, n'obtient l'attention des médias dominants qu'en cas de drame ou pour véhiculer une image de carte postale.
Les petites victoires en question ne sont ni d'ordre militaire (on est loin d'Austerlitz), ni d'ordre sportif, politique ou économique. Le village breton (des Côtes-d'Armor) n'héberge ni artiste célèbre, ni richissime startupper, ni recordman du monde... mais on y admire quand même Kylian Mbappé. Le scénario fait l'éloge des exploits du quotidien, comme réapprendre à lire, rouvrir un commerce local, oser exprimer ses sentiments... L'intrigue est peuplée de "gens normaux"... mais pas trop.
Émile est un retraité illettré (ancien carreleur), célibataire malgré lui... et caractériel. J'ai bien aimé la manière dont la réalisatrice fait émerger le problème dont il souffre, avec les implications que cela a. Petit à petit, on découvre les stratégies qu'il avait mises en place (pour passer le permis de conduire, livrer des journaux, faire les courses...). Cela sonne juste... et cela permettra peut-être à une partie du public de découvrir la situation d'une frange méconnue de la population française.
A cette intrigue principale se greffe un contexte particulier, celui d'une commune en déclin (peuplée de moins de 500 habitants), sans boulanger, ni médecin... ni bar ! Ne reste que l'école primaire, à classe unique, à son tour menacée de fermeture.
La lutte de ces Indiens des temps modernes en rappelle d'autres, mais elle est mise en scène avec un certain dynamisme et un sens indéniable de la cocasserie. Plusieurs scènes sont particulièrement bien troussées, comme celle de l'utilisation d'une application de rencontre... et celle au cours de laquelle la maire découvre ce qu'il se passe réellement dans la boulangerie-épicerie récemment rouverte. Cela prend une tournure âpre... avant qu'une chute inattendue ne détende l'atmosphère. (La réputation des forces de l'ordre ne sort pas grandie de cet épisode...)
J'ai aussi apprécié que ce nouveau feel good movie ne prenne pas trop l'allure d'un conte de fées. On a évité de faire de l'héroïne trentenaire célibattante une jeune femme en quête éperdue du grand amour qui va changer sa vie. S'ajoute à cela une conclusion plus subtile que prévue concernant le devenir de l'école.
Au final, même si le film est farci de "politiquement correct" (la classe métissée au fin fond de la Bretagne, l'exposé "thunbergien" sur le climat à l'école, la réconciliation générale autour de boissons alcoolisées...), j'ai passé un très bon moment.
21:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
jeudi, 06 avril 2023
Bonne conduite
Il est difficile de résumer ce qu'est cet improbable film de Jonathan (bien) Barré. Cela commence comme un thriller vengeur, empreint de bretonnitude. Il manque sans doute une case ou deux à la serial killeuse (on comprend plus tard pourquoi), de surcroît assez maladroite. C'est qu'on ne s'improvise pas tueuse en série du jour au lendemain ! Dans le rôle de cette moderne Némésis, Laure Calamy n'était peut-être pas le meilleur choix (une actrice plus athlétique aurait sans doute mieux convenu), mais elle ne manque pas d'allant. Elle s'est de plus pleinement investie dans un personnage tragicomique auquel elle évite de sombrer dans le ridicule.
Elle bénéficie aussi d'un entourage masculin très bien choisi. Le duo d'antagonistes qu'elle forme avec Tchéky Karyo m'a bien plu, tout comme l'intervention du binôme d'enquêteurs (les compères Marsais et Ludig), suffisamment professionnel pour s'approcher régulièrement de la conclusion de l'enquête... et suffisamment crétin pour à chaque fois passer à côté de l'évidence (voir la scène au cours de laquelle on découvre le nom d'un bateau).
L'intrigue surprend parce qu'à la soif de vengeance s'ajoutent un trafic de drogue, une croisade antiradars... et une peinture peu reluisante de la délinquance routière. Même s'il est évident qu'on est là d'abord pour rigoler (fût-ce de manière macabre), on sent à plusieurs reprises poindre la volonté de faire toucher du doigt ce que représentent chaque année tant de drames routiers. A cet égard, la plus belle scène se trouve à la fin, quand l'héroïne est sur le point d'accomplir sa vengeance suprême... mais une surprise est au-rendez-vous, qui donne une belle profondeur à l'histoire. (Joli caméo d'Olivier Marchal, soit dit en passant.)
D'un point de vue technique, outre la réutilisation des codes des films de genre, on peut noter aussi la volonté de mettre en scène les "moments inutiles" d'une intrigue de film à suspens, ces espaces intermédiaires au cours desquels les protagonistes accomplissent des gestes anodins, réputés ralentir l'action, voire casser son rythme. Ici, au contraire, le réalisateur se délecte de ces moments cocasses, parfois gênants, qui font de son film une œuvre inclassable, source de délassement.
22:58 Publié dans Cinéma, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, société
samedi, 01 avril 2023
The Lost King
Ce « roi perdu » est Richard III, le dernier souverain Plantagenêt (d'origine française) de l'Angleterre. Outre-Manche, dans la mémoire collective, il est resté comme un imposteur et le personnage principal d'une pièce de théâtre de William Shakespeare, durant laquelle il s'exclame « Mon royaume pour un cheval ! »
C'est d'ailleurs à l'issue d'une représentation de cette pièce que l'héroïne, Philippa Langley, décide d'approfondir le sujet, agacée par la légende noire qui colle au personnage, avec lequel elle semble se trouver des points communs.
Le problème (au regard des autres) est qu'elle n'a rien d'une historienne. C'est juste une passionnée, qu'une forme de désamour vis-à-vis de son métier conduit à se lancer dans une improbable entreprise : la localisation de la tombe de Richard III, réputée perdue. Ses recherches la font évoluer entre Édimbourg (en Écosse) et Leicester.
Dans le rôle principal, Sally Hawkins (déjà excellente dans La Forme de l'eau) est épatante. Elle réussit à incarner cette femme entre deux âges, ni laide ni vraiment belle, plutôt effacée et souffrant du syndrome de fatigue chronique... ce qui ne va pas arranger ses affaires.
Avec John (Steve Cogan, coscénariste du film, d'un flegme irrésistible), elle forme un couple/duo au fonctionnement atypique, l'ex-mari jouant parfois davantage le rôle d'un grand frère.
Cela nous vaut quelques échanges savoureux, l'un d'entre eux survenant après que Philippa a appris qu'en dépit de son engagement au travail, elle ne bénéficierait pas d'une promotion :
- De quoi as-tu besoin ?
- D'un pénis !
- Tu peux prendre le mien, il ne m'est guère utile ces temps-ci.
(C'est évidemment à déguster en version originale sous-titrée, pour profiter du talent de Cogan à exprimer l'équanimité de John, que rien ne semble déconcerter et qui, sur un ton égal, peut parler du repas du soir comme de son prochain rendez-vous galant.)
La situation se gâte lorsque Philippa commence à avoir des visions, celles de Richard III, en costume médiéval, avec lequel elle finit par engager la conversation ! C'est totalement improbable, mais Stephen Frears (ici celui de Philomena plus que du Confident royal) réussit à caser cela dans son intrigue, qui évolue entre deux dimensions, celle d'un réalisme extrême (jusque dans les recherches archéologiques) et celle d'un (doux) délire éveillé, grâce auquel l'héroïne retrouve goût à la vie.
Dans sa croisade historique, elle rencontre une galerie de personnages hauts en couleur, notamment les membres de la Richard III Society, avec lesquels les échanges ne manquent pas de saveur. Au détour d'une scène, on croise quelques figures connues, comme celle d'Amanda Abbington (vue récemment dans Safe et remarquée il y a quelques années en tant que Mary Watson, dans la série Sherlock).
J'ai adoré ce film, à la fois enquête archéologique, histoire de couple à rebondissements et hommage aux personnes ordinaires, passionnées par un sujet, qui, parfois, font plus pour la connaissance historique (et sa diffusion dans le grand public) qu'un universitaire pontifiant.
P.S.
Aussi étonnant cela puisse-t-il paraître, il s'agit d'une histoire vraie, dont les développements archéologiques ont fait l'objet d'un passionnant documentaire, diffusé il y a quelques années sur France 5.
A l'époque, les médias avaient peu (voire pas) évoqué le rôle joué par Philippa dans la découverte du squelette. Le film a pour objectif de lui rendre hommage... sans épargner les autorités académiques (en particulier l'université de Leicester), qui ont traité la découvreuse comme quantité négligeable. Outre-Manche, cela a d'ailleurs suscité une petite polémique lors de la sortie du film, certains estimant que la contribution de la « chercheuse intuitive » était excessivement grandie par la fiction.
11:22 Publié dans Cinéma, Histoire | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, cinema, film, films, histoire
jeudi, 30 mars 2023
Shazam ! La Rage des dieux
Dans une grande salle, avec un bon son, on est cueilli dès le début par deux très bonnes séquences : celle du musée, qui se conclut de manière inattendue, et celle du pont (Benjamin-Franklin, à Philadelphie) sur le point de s'effondrer, très spectaculaire. Dans les deux cas, les effets spéciaux sont bluffants... et c'est joli à voir.
C'est le principal intérêt de ce film, pour peu qu'on ne goûte pas l'humour puéril attaché aux personnages principaux. Avec eux, les scénaristes font coup double : ils touchent les (pré)adolescents et les jeunes adultes au comportement immature, sur lesquels sont calquées les versions super-héros des ados. Dans cet épisode-ci, toutefois, la maturité semble gagner certains d'entre eux.
Rappelons que ces lycéens ont récupéré des pouvoirs divins, qu'ils peuvent mettre en œuvre en prononçant le mot magique « Shazam » (qui est un acronyme). C'est là que le bât blesse, puisqu'on sent clairement qu'ils évoluent devant des fonds verts... et qu'ils sont loin d'avoir le charisme de certains héros Marvel ou DC. (La rencontre avec Wonder Woman, en fin d'histoire, nous fait immédiatement sentir que les personnages n'évoluent pas au même niveau.)
Néanmoins, tout cela m'a bien fait rigoler, en particulier quand débarquent les trois filles d'Atlas, qu'on serait tenté de prendre de prime abord pour trois générations de déesses :
Helen Mirren incarne avec un certain allant la sœur aînée, la "patronne", qui prend un malin plaisir à administrer une correction à ses jeunes contradicteurs. Lucy Liu interprète la cadette, la plus vindicative, pas toujours à l'aise quand il s'agit de chevaucher un dragon. La petite jeune (âgée de 6000 ans tout de même !) est la plus empathique. Elle en pince pour l'un de ses supposés ennemis... Voilà pour la touche romantique de l'histoire.
Au niveau de la distribution, je crois qu'on coche presque toutes les cases du "politiquement correct" : hommes, femmes, jeunes, vieux, gros, maigres, homos, hétéros, blancs, noirs, latinos, asiatiques... on a même un handicapé !
Ma préférée est la petite Darla, incarnée par Faithe Herman. J'aime son improbable coiffure et la manière dont elle fait vivre son personnage, avec son regard malicieux.
Au niveau du scénario, on fermera les yeux (ou pas) sur les invraisemblances. Le pire est atteint dans la construction de certaines scènes. A plusieurs reprises, il est évident que les "méchantes" auraient pu se débarrasser facilement des héros... tout comme l'inverse, ceux-ci se montrant trop insouciants ou malhabiles, quand il s'agit de saisir les occasions qui se présentent.
C'est un peu long mais, franchement, les scènes du début comme celles de baston (dès que le dragon apparaît) sont bien foutues. Ce fut un agréable moment de digestion... qui sera sans doute vite oublié.
P.S.
Bien entendu, il ne faut pas immédiatement quitter la salle. Une première scène interrompt le générique de fin... et elle est assez drôle. J'y vois un peu d'autodérision... et une pique à destination de Marvel (Avengers Society). Les spectateurs attentifs auront d'ailleurs remarqué qu'à une reprise, dans le film, le héros Shazam est appelé « Captain Marvel » (son nom d'origine, dans le comic book) par un habitant de Philadelphie.
La seconde scène arrive en toute fin de générique. On y retrouve un personnage du premier film... et un second, tout petit, mais pas le moins dangereux.
23:56 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 25 mars 2023
De Grandes Espérances
Doté d'un titre évoquant un roman de Charles Dickens avec lequel l'intrigue a (à mon avis) peu de points communs, ce film est présenté comme un thriller politique servi par une brillante distribution.
Le début n'est pourtant pas très engageant. On nage en pleine boboïtude : des candidats à l'ENA aux préoccupations sociales (ne visant ni l'Inspection des Finances ni le Conseil d'Etat), des vacances en Corse dans une très chic villa... et un dîner de famille où les deux "jeunes" font montre de leur fibre sociale, à grand renfort d'anticapitalisme bourgeois.
J'ai de plus un problème avec le personnage d'Antoine (Benjamin Lavernhe, dont le jeu ressemble un peu trop à ce qu'il a déjà produit dans d'autres films, comme Antoinette dans les Cévennes). Il a au moins dix ans de plus que sa compagne Madeleine. Or, ils préparent tous les deux le concours externe de l'ENA. On ne nous dit rien quant à d'éventuelles précédentes (longues) études d'Antoine... de surcroît fort antipathique. Il est hypocrite, suffisant, lâche... et assez égoïste. Né une cuillère en argent dans la bouche, il n'a jamais eu besoin de beaucoup forcer dans la vie... sauf peut-être pour conquérir (et tenter de garder) la belle Madeleine. Dans ce rôle-ci, Rebecca Marder est assez convaincante, davantage dans les deuxième et troisième parties que dans le premier tiers. Au repas, sa déclamation est très scolaire et, dans la voiture, avant et pendant « l'événement », son jeu manque de naturel. (Elle était bien meilleure dans Simone, le voyage du siècle.)
Heureusement, il finit par se passer quelque chose en Corse... et sur l'écran. On sent la montée de tension, avec des dialogues mieux écrits et des acteurs plus percutants.
Toutefois, la deuxième partie manque de rythme. L'ascension politique de Madeleine n'est pas inintéressante, mais surtout en raison de la personnalité de Gabrielle (Emmanuelle Bercot, formidable). La comédienne excelle à transmettre un tas de choses avec un minimum de jeu (Rebecca a encore des progrès à faire...). J'ai aussi beaucoup aimé le personnage du père, que l'on voit moins. Il est interprété par une autre pointure, Marc Barbé. Tout ce qui se passe aussi autour de l'usine suscite l'intérêt... et nous sort du huis-clos entre CSP+ progressistes.
Clairement, c'est la troisième partie qui emporte le morceau... et, du coup, je suis peut-être moins sévère que prévu avec ce film. Là, on est vraiment dans le thriller politique. Les rebondissements sont mieux maîtrisés et l'on sent même un poil de subtilité. Pour moi, cela culmine dans la visite du père à la prison, où, à l'aide d'un simple morceau de tissu, il fait comprendre à sa fille le geste extraordinaire qu'il a accompli pour elle. (Les spectateurs les moins stupides comprendront qu'il a fait un petit séjour en Corse...)
Du coup, ce n'est pas si mal que cela. Le film bien-pensant du début s'est transformé en quelque chose de moins politiquement correct, mais de plus authentiquement humain.
21:52 Publié dans Cinéma, Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, cinema, film, films, politique, france
vendredi, 24 mars 2023
John Wick IV
A désormais 58 ans, Keanu Reeves John Wick aimerait bien profiter de son régime spécial de retraite. Hélas, la caisse des truands est en déficit, en raison d'une pyramide des âges déséquilibrée... en partie à cause de notre tueur classieux. En effet, durant sa carrière, il a refroidi des milliers de (plus ou moins) jeunes délinquants, autant de cotisants qui manquent au moment de payer les (généreuses) pensions des anciens criminels en déambulateur.
Celles et ceux qui mènent le monde en secret s'appuient sur un nouveau dirigeant, un jeune marquis venu de France, qui conquiert le pouvoir alors qu'il n'a pas quarante ans. Il est élégant, orgueilleux et disruptif. Il veut forcer John Wick à bosser jusqu'à la mort, n'hésitant pas pour cela à prolonger la durée de cotisation d'un de ses (anciens) potes, lui-même âgé de 59 ans. Celui-ci, d'origine chinoise, est une nouvelle incarnation de l'exploitation du Tiers Monde par l'ignoble capitalisme occidental.
Autant le dire tout de suite, John Wick ne va pas se laisser faire. C'est qu'il y tient, à sa retraite anticipée ! Mais ne vous attendez pas à ce qu'il occupe des ronds-points ou défile bruyamment dans un centre-ville en plein après-midi. Pour arriver à ses fins, il va faire ce pour quoi il est le plus doué : tuer.
Au passage, ce quasi-documentaire sociologique dépeint sans fard les difficultés du métier d'assassin. Le marquis français est décidément sans pitié, lui qui ne tient compte d'aucun critère de pénibilité. Et pourtant, notre John se prend quantité de coups, chute de plusieurs étages (sans une égratignure), se fait renverser par une demi-douzaine de voitures... et asperger de plusieurs milliers de balles, beaucoup finissant incrustées dans son costume blindé (très stylé).
Dans une grande salle, dotée de la technologie THX-EDF-CGT, avec un son haut de gamme (7.1/49.3), on se régale : les chorégraphies sont soignées, la photographie est splendide... même si tout cela est totalement irréaliste.
00:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 19 mars 2023
La Syndicaliste
Ce week-end, double dose d'Isabelle Huppert ! Outre Mon Crime (où elle ne joue qu'un rôle secondaire, mais marquant), j'ai donc vu ce thriller politique à la française, dont elle occupe la tête d'affiche, interprétant Maureen Kearney, la déléguée syndicale d'Areva victime d'une sordide agression, voire d'un complot.
Derrière la caméra se trouve Jean-Paul Salomé, auteur, entre autres, des Femmes de l'ombre, de Je fais le mort et de La Daronne (où il a déjà dirigé Isabelle Huppert)... autant de films sympathiques, pas mauvais du tout, mais pas transcendants non plus (le troisième étant selon moi le meilleur).
On retrouve cette "moyenneté" (médiocrité me semblant trop négativement connoté) au début, dans la description du travail de l'héroïne avant l'agression. Le quasi-copinage avec la future ex-pédégère Anne Lauvergeon (Marian Foïs, à l'aise dans les rôles ambigus) est mis en scène de manière trop démonstrative, avec ce côté "femmes de pouvoir dans un univers de machos". La tension monte avec les premières révélations, qui orientent le film du côté de Costa-Gavras. C'est prenant, tout comme le début de l'enquête policière.
C'est à ce moment que le film prend une épaisseur supplémentaire. Je crois qu'à travers le cas de Maureen Kearney, on a voulu clairement nous montrer que la parole des femmes victimes de violences sexuelles n'était pas assez écoutée. L'héroïne avait déjà subi une agression et, très tard au cours de l'enquête, on apprend qu'une autre personne a connu un sort approchant, sans qu'on ait accordé beaucoup d'attention à son cas.
La mise en scène conforte cette impression, le personnage incarné par Isabelle Huppert se retrouvant à nouveau presque exclusivement entouré d'hommes, en général peu compatissants. Les seuls à sauver sont son époux (interprété par un Grégory Gadebois qui doit recevoir des demandes en mariage chaque semaine) et, à la rigueur, le ministre Montebourg et un collègue de la CFDT. Au passage, il faut souligner la bonne prestation d'Yvan Attal, dans le rôle du nouveau patron d'Areva... une vision conforme à ce qu'en disent certains des cadres et journalistes qui l'ont côtoyé... mais contredite par la famille du défunt PDG.
C'est l'occasion de préciser que, si le film s'inspire de faits réels, l'histoire a été un peu romancée, avec, par exemple, l'insertion d'une conversation téléphonique (imaginaire) entre l'héroïne et Henri Proglio (à l'époque patron d'EDF).
Le film gagne encore en intérêt quand la parole de la victime est remise en question. Je n'en dirai pas plus, mais aussi bien Huppert que le réalisateur parviennent à communiquer aux spectateurs ce sentiment d'incertitude. La syndicaliste n'aurait-elle pas un peu (beaucoup ?) déformé la réalité ?
La dernière partie reprend le chemin du "film de dossier". C'est bien fichu, prenant, parfois émouvant.
P.S.
Pour en savoir plus, on peut (ré)écouter un documentaire en deux parties, diffusé pour la première fois en octobre 2021, sur France Culture, dans le cadre de l'émission Les Pieds sur terre.
20:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
samedi, 18 mars 2023
Mon Crime
Revoilà François Ozon dans un genre qui lui convient à merveille : la comédie-pastiche, s'appuyant sur une floppée d'acteurs qu'il sait si bien utiliser.
Le mélange des genres (film d'époque, enquête policière, comédie de mœurs, le tout saupoudré de militantisme) fonctionne très bien. Si j'ai été gêné au début, c'est en raison de l'impression de théâtre filmé que m'ont donnée certaines scènes, avec des dialogues parfois trop littéraires. Cela passe parce qu'au niveau de la mise en scène c'est impeccable. Les clins d’œil aux (très) vieux films muets, ainsi qu'à ceux des années 1930-1940, sont savoureux et l'on sent que les comédiens se sont prêtés au jeu avec un plaisir incontestable (et communicatif).
Pour moi, le film décolle vraiment quand apparaît à l'écran le juge d'instruction, en la personne de Fabrice Luchini. Avec une autre comédienne d'exception (dont je parlerai plus loin), il est l'une des deux perles de cette histoire. Dans son bureau défilent le greffier gaffeur (Olivier Broche), le policier pas finaud (Régis Laspalès, aussi glabre que sobre), l'architecte marseillais (Dany Boon étonnant, sans doute bien meilleur que dans son prochain film), puis l'accusée et son avocate, donnant lieu à quelques moments de délices, riches en joutes verbales. En dépit de certains dialogues trop écrits, c'est l'un des points forts de ce film, qui regorge de bons mots, comme lorsque la jeune et belle comédienne demande à son aînée si elle n'a pas le trac avant de monter en scène, celle-ci (un peu jalouse de son succès) lui répond de ne pas s'inquiéter, que cela viendra avec le talent !
Je trouve qu'ensuite l'intérêt baisse un peu. La partie procès ne m'a pas emballé, à l'exception de la dernière intervention de l'accusée, un plaidoyer féministe très bien écrit (et déclamé), qui aurait encore toute sa place au XXIe siècle.
La troisième partie risquait à nouveau de ronronner. Heureusement, c'est le moment où débarque un ouragan, la dénommée Odette Chaumette, actrice sur le retour, incarnée par une Isabelle Huppert étonnante. (Quand on vient de la voir dans La Syndicaliste, on ne peut que s'émerveiller de ses aptitudes de caméléon, capable d'interpréter tant de personnages différents avec le même talent.) Odette/Isabelle dynamite la fin du film. En comparaison, les deux jeunes vedettes féminines (Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder), pourtant pas déméritantes, semblent un ton au-dessous.
Cela se conclut par un générique malicieux, sous forme de Unes de presse évoquant les personnages principaux... et leur devenir.
Je suis sorti de là de fort bonne humeur.
22:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
Scream VI
SÉANCE GARANTIE SANS COLLÉGIEN(NE) NI LYCÉEN(NE) MAL ÉLEVÉ(E)
Au vu de la composition de l'audience, je peux affirmer que ce dernier volet attire trois types de public différents. Une minorité est constituée de personnes qui, comme moi, sont assez vieilles pour avoir vu les premiers films (ceux de 1996-2000) en salle. La majorité (lors de ma séance) était composée d'adultes, plutôt jeunes, qui ont peut-être vu les précédents (ceux de 2011-2022) sur grand écran, mais à l'évidence pas les premiers. Enfin, complétaient le public quelques adolescents (sages ceux-là), qui ne connaissaient sans doute la franchise qu'à travers le petit écran (ayant vu à la rigueur le quasi-reboot de 2022 en salle obscure).
Tout ce joli monde a été cueilli par une première demi-heure de bonne facture, avec son lot de violence, de second degré et de surprises. De manière traditionnelle, la première séquence montre le triste sort que va subir une charmante jeune femme, qui porte une robe hyper-moulante (et guère opaque) ne laissant pas ignorer à quel point elle est bien gaulée. En plus, c'est une prof de fac. Tout le public sait qu'elle va se faire dézinguer... et ce personnage devrait aussi s'en douter, vu qu'elle est spécialiste des films d'horreur.
Il y a donc à la fois du clin d’œil, du schéma traditionnel... et une trouble ambiguïté quant au statut de ce qu'on voit sur l'écran. Au premier degré, il s'agit d'une femme blanche, cadre supérieure, indépendante, qui cherche une rencontre d'un soir et va se faire "punir" par un jeune mâle pas très évolué... et issu d'une minorité ethnique. Au second degré, on sait depuis des décennies que les tueurs masculins à l'arme blanche sont sexuellement perturbés (impuissants, éjaculateurs précoces ou homosexuels refoulés). Percer le ventre d'une femme à coups de couteau est un substitut à l'acte sexuel... Au troisième degré, je pense qu'il s'agit aussi (pour les auteurs) d'un moyen de contourner la censure, qui (heureusement) n'admet pas qu'on représente d'une manière qui puisse paraître jouissive l'abus du corps d'une femme. En revanche, la filmer en train de se faire dépecer, ça passe...
Le film est donc un peu putassier sur les bords. Je suis impressionné par le nombre de coups de couteaux et (de tentatives) d'égorgements qu'il contient, le tout souligné par la musique et mis en scène de manière à constituer un spectacle. (Ce n'est pas aux moins de douze, mais de quinze-seize ans qu'il aurait dû être interdit.) L'histoire n'est pas une condamnation de l'acte de tuer de manière cruelle... puisque la réponse à ces meurtres est elle même une série de meurtres (plus ou moins en légitime défense).
C'est aussi une suite qui vise la compatibilité avec l'esprit woke. Alors que les œuvres de Wes Craven étaient des "films de Blancs" (seuls quelques personnages secondaires étant noirs), ici l'intrigue prend place dans un monde majoritairement latino, celui d'un quartier de New York. La meilleure surprise de ce renouvellement de protagonistes (qui remonte à Scream V) est Melissa Barrera, une ravissante Mexicaine qui incarne une potentielle victime qui refuse de jouer les oies blanches. Elle se révèle aussi redoutable que les tueurs.
Il y a donc aussi un petit fond féministe dans ce slasher, un genre pourtant marqué pendant des années par une vision très caricaturale des femmes. Plusieurs personnages féminins jouent un rôle actif dans l'intrigue... à un point même qu'on ne découvre qu'à la toute fin. (Je rassure toutefois mes lecteurs marqués par la Tradition : la production n'a recruté que des jolies filles.)
Les relations garçons-filles sont au cœur de la séquence de la fiesta nocturne, la consommation d'alcool pouvant conduire des demoiselles imprudentes à finir la nuit en compagnie douteuse... Plusieurs scènes sont construites en intégrant le questionnement du consentement. Peut-on toucher ? Prendre la main ? Embrasser ?... Je trouve cela plutôt bien venu, surtout compte tenu public qui va voir ce film.
Pour le reste, cette resucée n'a pas grand chose d'emballant. La séquence d'agression dans l'appartement est du déjà-vu, paresseusement mis en scène. Idem pour celle du métro, où tout est prévisible. Le combat final, dans l'ancien cinéma, ne vaut guère mieux, si on laisse de côté les petits coups de théâtre. C'est terrible à dire, mais ce film d'horreur ne fait pas peur. Il fait rire (un peu), réfléchir (un peu plus)... et parfois pitié. C'est de surcroît beaucoup trop bavard, sans doute pour masquer certaines faiblesses scénaristiques et de mise en scène.
Cela m'amène tout naturellement à l'énigme du tueur. Depuis les précédents films, tout spectateur un tant soit peu conscient de ce qu'il va voir sait que, pour nous empêcher d'identifier trop vite Ghostface, au moins deux tueurs œuvrent en équipe... et pas forcément des garçons. J'ai identifié sans peine l'un d'entre eux, mais je dois dire qu'à la fin, mes soupçons se dispersaient encore trop... parce que (comme les autres spectateurs) j'ignorais ce qui lie certains personnages. Avec le recul, il me semble toutefois que cette association ne permet pas d'expliquer tous les meurtres auxquels nous avons assisté précédemment de manière crédible. Il y a quelques incohérences, mais dont, après tout, on se fiche un peu.
Je ne sais pas si Wes Craven aurait apprécié ce que ses successeurs ont fait de sa franchise.
14:44 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 17 mars 2023
65 - La Terre d'avant
Avis aux lecteurs français habitant les Hautes-Pyrénées (département n°65) : ce film n'a aucun lien avec votre région... mais plutôt avec l'extinction des dinosaures.
Il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, s'épanouissait une civilisation particulièrement évoluée. Curieusement, les représentants de cette civilisation ressemblent bigrement aux futurs Terriens... et certains d'entre eux parlent anglais !
Une douzaine se retrouve à bord d'un puissant vaisseau spatial, contraint d'atterrir en catastrophe sur la troisième planète la plus proche d'une étoile inconnue. Très peu vont survivre... sans parler des dangers qui les attendent sur place.
Voilà donc Adam Driver en papounet coupé de son adorable épouse et de sa fille malade. Il a toutefois l'occasion de jouer au père de substitution, avec une autre rescapée. Au départ, celle-ci est plutôt rétive, limite boulet. Sans surprise, les deux individus vont mutuellement s'apprivoiser, s'entraider, se sauver.
Je crois pouvoir affirmer qu'au-delà de quelques péripéties plus ou moins inventives (ce film-ci faisant davantage frissonner que Scream VI), il n'y aucune véritable surprise dans le scénario. C'est ce qu'on appelle chez Oncle Sam un survival, à la sauce familiale, mâtiné d'épouvante façon dinosaures. Ceux-ci sont très bien faits, mais les spectateurs des Jurassic World auront comme une impression de déjà-vu.
La photographie comme les décors sont de qualité, mais l'histoire manque de vraisemblance (sans même parler de tout ce qui touche à l'extinction des dinos). Il est impossible que ce duo mal assorti échappe (souvent de justesse) à autant de redoutables prédateurs. Le pire est atteint au moment où la gamine parvient à tuer ce qui me semble être un allosaure...
La production a dû sentir que l'intrigue ne tenait pas bien la route : il me semble qu'on a procédé à des coupes (notamment concernant les relations entre le pilote et sa famille, après son départ). Il est aussi possible qu'on ait un peu estropié la fin, la ramenant à un extrait sec, évitant peut-être de faire le lien entre le séjour de ces extra-terrestres sur notre planète et l'apparition de l'espèce humaine (à la Prometheus). Je suis prêt à parier qu'à l'origine, les dessins réalisés par la gamine au fond d'une grotte devaient faire leur réapparition en conclusion de l'histoire.
Le film n'est pas déshonorant (et il a le mérite de ne durer qu'1h30), mais j'attendais mieux.
22:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films
En plein feu
De Quentin Reynaud, j'avais aimé 5ème set (en 2021), déjà avec Alex Lutz. Vu la présence d'André Dussolier, je me suis dit que cela valait peut-être le coup et j'ai tenté l'expérience de ce thriller climatico-familial, qui dure un peu moins d'1h30.
Le début présente, à petites touches, deux relations père-fils compliquées. La plus présente est celle entre Joseph et Simon (Dussolier et Lutz, impeccables), qui habitent sous le même toit, le premier, retraité de la Marine, peinant à accomplir les gestes de la vie quotidienne, le second, divorcé, vivant dans le souvenir d'un enfant disparu. Une seconde relation se juxtapose à la première, entre Simon et son propre fils Samuel, qu'il ne parvient pas à joindre.
Nous sommes dans les Landes, pas très loin de la Gironde, au cours d'un été caniculaire qui voit se déclencher un terrible incendie. (Notons que le film, prémonitoire, a été tourné dans une région qui fut l'année d'après particulièrement touchée par des feux gigantesques.)
Une fois l'alerte donnée sur les radios, la voiture devient le vase (presque) clos où le duo de héros tente de survivre, entouré d'une nature où les éléments vont petit à petit se déchaîner. La montée en tension est très bien gérée, avec quelques petits rebondissements (notamment un mettant en scène un sanglier).
On attend évidemment les scènes d'incendie, qui ne vont pas décevoir. Sans faire du feu son personnage principal, le réalisateur l'utilise comme intervenant clé de son intrigue, insistant davantage sur les conséquences de sa présence. C'est visuellement très réussi.
Pour moi, le film prend un intérêt supplémentaire parce que Reynaud s'écarte un peu de la trame prévisible du film-catastrophe pour traiter des tourments de Simon. On sait depuis le début qu'il est sujet à des cauchemars qui, à l'écran, se confondent avec la réalité. C'était une manière de nous mettre en garde contre ce que nous allions voir plus tard, certaines scènes étant plus fantasmées que réelles (ce qui a, je crois, désarçonné le public venu essentiellement assister à du grand spectacle).
Du coup, j'ai beaucoup aimé ce "petit" film bien fichu, porté par l'interprétation exceptionnelle d'Alex Lutz.
11:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mercredi, 15 mars 2023
Crazy Bear
Cet "ours cinglé" vit dans un parc naturel états-unien, dans le Tennessee. Son comportement a drastiquement changé le jour où il a goûté à une cargaison de cocaïne, jetée d'un avion sur le point de s'écraser par un trafiquant lui-même à moitié timbré. C'est d'ailleurs l'objet de la première scène de ce film, un peu surjouée, mais qui s'achève sur une belle chute... pas celle qu'on attend !
C'est à l'image de ce long-métrage signé Elizabeth Banks, à la fois très premier degré (voire brut de décoffrage) et émaillé de clins d’œil qui lui donnent une saveur particulière. Le scénario s'inspire d'une histoire vraie (survenue en 1985)... même si, dans la réalité, l'ours drogué a sans doute vécu beaucoup moins longtemps que celui du film.
Je rassure tout de suite les amis des bêtes : aucun animal n'a été forcé d'ingurgiter quoi que ce soit d'illégal pour le tournage de ce film. Le plantigrade est une créature numérique (assez réussie, ma fois). Son comportement est un mélange de ceux d'un tueur en série et du requin des Dents de la mer. (Le film est évidemment nourri de références à de prestigieux anciens, notamment King Kong et Pulp Fiction.)
Plusieurs catégories de personnages vont converger vers la forêt : des touristes (notamment scandinaves... attention aux clichés !), des policiers, des trafiquants, des habitants du coin, ainsi que quelques petites frappes locales. Sans surprise, une partie d'entre eux ne va pas sortir de là indemne... Il vaut mieux ne pas se trouver sur le chemin qui mène l'ours à un paquet de coke !
Au passage, il s'agit d'UNE ourse, détail qui a son importance (je laisse à chacun le plaisir de découvrir pourquoi)... et dont les spectateurs prennent connaissance grâce à l'un des principaux personnages masculins, dans des circonstances que la décence m'interdit de raconter ici.
Cela démarre doucement, presque gentiment. On ne voit guère l'ourse et les dégâts qu'elle provoque. On se demande même si la réalisatrice ne se foutrait pas un peu de notre gueule, avec un film trop cheap. Tout change avec la séquence du QG des gardes-forestiers, avec d'abord la scène du chalet, puis celle, délicieusement abracadabrantesque, de l'ambulance. Dans la salle, le public est horrifié tétanisé consterné conquis.
La séquence du kiosque est du même tonneau : un excellent moment de dérision, tournant en ridicule certains comportements humains... et marqué par l'irruption d'une violence (presque) irrationnelle.
La conclusion intervient à proximité de l'antre de la bête et d'une cascade, où l'on voit de charmants oursons (un poil cocaïnomanes) découvrir les joies de la dégustation d'entrailles humaines.
P.S.
Je conseille de ne pas quitter la salle au démarrage du générique de fin. Vous rateriez l'occasion de découvrir deux petits bonus, le premier rappelant (étrangement) une scène culte de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu !
P.S. II
J'attends avec impatience qu'un réalisateur français s'inspire de ce qui s'est récemment passé sur les côtes normandes pour nous pondre un film de genre complètement barré !
23:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, cinema, film, films
mardi, 14 mars 2023
Jeux de pouvoir
C'est le titre d'une "vieille" série télévisée (datant de 2003) de la BBC... que je ne connaissais pas. Je l'ai découverte par l'entremise du site d'Arte, une véritable caverne d'Ali Baba du cinéphile, où j'ai récemment déniché White Wall.
Le même jour, à Londres, se produisent deux décès qui, en apparence, n'ont rien avoir l'un avec l'autre. Dans un quartier populaire, un "jeune de cité" se fait descendre par un pro, tandis qu'à quelques kilomètre de là, une femme meurt sous une rame de métro. Accident ? Suicide ? Meurtre ? On ne sait. Toujours est-il que cette jeune femme était l'assistante d'un important député de la majorité travailliste, qui préside une commission d'enquête sur l'énergie. Le jour de sa mort, elle a reçu un appel... du jeune de cité assassiné peu de temps après.
En six épisodes, nous suivons l'enquête menée par une équipe de journalistes pugnaces, sous la tutelle d'un rédac' chef au flegme incommensurablement britannique, incarné par le formidable Bill Nighy (vu il y a peu dans Vivre) :
Sous son apparence policée, cet homme tiré à quatre épingles, maniant volontiers la litote (à savourer en version originale sous-titrée, of course !), cache une furieuse envie de faire éclater la vérité. Sur l'image ci-dessus, on le voit en conversation avec l'un de ses meilleurs enquêteurs de terrain, interprété par John Simm, qu'on a pu voir plus tard dans Le Code du tueur. Autour de lui se constitue une équipe de journalistes qui "ont les crocs" :
Il y a du beau monde. A gauche se trouve le jeune James McAvoy (vu en 2019 dans Glass). Le futur professeur Charles Xavier est accompagné de la charmante Kelly MacDonald (accent écossais pur malt !), découverte jadis dans Trainspotting (souvenir ému...), vue ensuite dans Gosford Park, No Country for old men, Dans la brume électrique, Line of duty et La Ruse. Au centre se trouve Benedict Wong, qui tient désormais un rôle récurrent dans les films du Marvel Universe. Ferme la marche, à droite, Amelia Bullmore, que les téléspectateurs connaissent pour ses rôles dans Scott & Bailey, Happy Valley et Les Carnets de Max Liebermann. Avec le recul, c'est fou de constater le nombre de comédiens auxquels cette série a servi de tremplin.
D'autres visages connus apparaissent au détour d'un second rôle, comme celui de Marc Warren, l'actuel commissaire Van der Valk (sur France 3), vu aussi récemment sur TF1 dans Safe.
La qualité des interprètes s'ajoute à l'habileté du scénario. Parfois, on est dans une ambiance qui rappelle celle des Hommes du président, d'Alan Pakula. J'ai avalé les six épisodes d'une traite.
22:53 Publié dans Politique, Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : télévision, télé, médias, presse, journalisme, cinéma, cinema, film, films
samedi, 11 mars 2023
Projet Wolf Hunting
De nos jours, aux Philippines, un porte-conteneurs est sur le point d'embarquer pour la Corée du Sud, avec à son bord une cargaison spéciale : une brochette de redoutables criminels coréens, en fuite depuis des années. Ils sont encadrés par des policiers peu commodes et un médecin accompagné d'une infirmière. Celui-ci semble avoir une autre mission, qui le conduit à se rendre discrètement dans la cale du navire, où se trouve un autre "chargement". Lui comme les policiers ignorent que des "passagers clandestins" sont présents à bord, avec une mission bien précise...
Ce film gore sud-coréen est particulièrement violent... et très riche en "sauce tomate" : on aurait employé 2500 litres de faux sang pour les effets spéciaux ! A la vue du spectacle, on ne peut pas dire que ce soit une surprise : quand les personnages s'entretuent, ils utilisent majoritairement l'arme blanche et visent la carotide. Je pense qu'il vaut mieux que les membres des professions médicales s'abstiennent de voir ce film : alors qu'eux savent qu'un corps humain contient entre quatre et six litres de sang, ici, il semble s'en échapper de quoi remplir une cuve à mazout !
Une fois qu'on a mis sa rationalité aux vestiaires, on peut profiter du spectacle, très correctement chorégraphié. Dans un premier temps, ce sont les truands qui vont prendre le pouvoir à bord du navire... avant que le "chargement spécial" ne se réveille et ne mette tout le monde d'accord, policiers comme délinquants !... Mais les spectateurs ne sont pas au bout de leurs surprises, puisque deux autres personnages semblent dotés de qualités extraordinaires...
C'est ici que la fiction rejoint (en partie) l'histoire, celle des expérimentations réalisées par les Japonais, durant la guerre menée en Chine et dans le Pacifique, dans les années 1930-1940. C'était l’œuvre de la sinistre unité 731, dont les membres n'avaient rien à envier à l'ignoble Joseph Mengele.
En dépit de toutes ces qualités, le film n'est qu'une œuvre regardable, un soir d'ennui. Hors scènes de combat, c'est mal joué, avec des dialogues écrits à la serpillère. (En réalité, je ne sais pas ce que peuvent donner des textes écrits avec une serpillère, mais je trouvais que l'expression avait du style.) De plus, la caractérisation de certains personnages, en particulier féminins, est déplorable (un brin misogyne). J'ai l'impression que les auteurs de ce truc se sont inspirés d'anciens films d'épouvante états-uniens, adaptés au goût asiatique, mais avec peu d'inventivité.
P.S.
Comme ce film est interdit aux moins de seize ans, les spectateurs adultes ne verront pas leur séance perturbée par des collégiens mal élevés, comme c'est arrivé très récemment dans ma bonne ville de Rodez, lors de la projection de Scream VI...
23:24 Publié dans Cinéma, Japon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
vendredi, 10 mars 2023
Safe
TF1 vient d'achever la rediffusion d'une mini-série qui n'avait pas retenu l'attention quand elle était passée pour la première fois sur le petit écran français, en 2018. Les cinq derniers épisodes (sur huit) son disponibles sur le site MyTF1.
Et pourtant, il y a du "lourd". La série a été créée par Harlan Coben et l'on a recruté une brochette de très bons acteurs pour en incarner les personnages principaux : Michael C Hall (eh oui : Dexter !), Armanda Abbington (vue notamment dans Jackson Brodie et Sherlock), Marc Warren (le commissaire Van der Valk), Karen Bryson (que je viens de voir dans White Wall)... et une petite Frenchie, Audrey Fleurot, qui incarne... une prof de français sexy. (Fort heureusement, son personnage se révèle plus complexe que ce qu'on pouvait craindre, de prime abord.)
L'histoire a pour cadre une gated community britannique, un de ces quartiers fermés réservé aux familles qui en ont les moyens... et le désir de se préserver de la violence du monde moderne. Un soir, une adolescente profite du week-end amoureux de ses parents pour organiser une teuf d'enfer à son domicile. Drogue et alcool circulent à flot... jusqu'à ce qu'un corps inerte soit retrouvé dans la piscine.
A partir de là, l'intrigue est complètement éclatée. Les réalisateurs ne nous offrent que des visions partielles de cette nuit et des jours qui l'ont suivie. Ces "tranches de vie" correspondent aux récits qui sont faits aux enquêteurs ou au père de Jenny, un chirurgien veuf qui recherche désespérément sa fille, qu'il n'a pas revue depuis qu'elle est partie à cette soirée.
Sans pathos (sauf un peu dans le dernier épisode), la mise en scène nous fait petit à petit découvrir l'envers du décor, la vie privée pas toujours reluisante d'une bourgeoisie en apparence lisse et bien-pensante. Dans le même temps, on progresse dans la connaissance des faits... mais d'autres mystères surgissent. Il s'avère peu à peu que le meurtre du jeune homme et la disparition de sa petite amie sont liés à un drame survenu des années plus tôt. Je n'en dis pas plus, mais sachez que c'est prenant de bout en bout.
Le dernier épisode constitue un véritable tour de force. Alors que, dans certaines mini-séries, il est parfois bâclé (quand les scénaristes ne savent pas trop comment conclure leur histoire), il est ici particulièrement élaboré. On nous y livre la version des faits de deux des principaux personnages (qu'ils ne pouvaient révéler plus tôt pour des raisons parfaitement logiques, liées au scénario). Cela nous invite à revoir certaines des scènes des quatre premiers épisodes. C'est très bien fichu, avec des rebondissements quasiment jusqu'à la fin.
Je recommande vivement.
23:32 Publié dans Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, télé, médias, cinéma, cinema, film, films, actu, actualité, actualités, actualite, actualites
White Wall
Ce "mur blanc" est découvert au fin fond d'une ancienne mine, qu'un grand groupe privé est en train de transformer en site de stockage de déchets nucléaires à longue vie. Nous sommes dans le Grand Nord, en Suède, là où les épaisses couches de neige étouffent les cris et cachent de douloureux secrets...
J'ai récemment découvert cette mini-série scandinave, une nouvelle pépite que nous devons à Arte. Les huit épisodes sont disponibles en ligne, pendant un an (en version originale sous-titrée).
Ces dernières années, on a déjà pu profiter de Meurtres à Sandhamn, de 30 degrés en hiver et d'Enfer blanc, qui n'est pas sans parenté avec White Wall. Aux productions suédoises il faut ajouter celles des voisins danois, comme Bron et Le Tueur de l'ombre.
Qu'est-ce qui relie ces séries ? Tout d'abord la qualité d'écriture, qui accouche d'une histoire qui tient en haleine pendant six, huit ou dix épisodes, sans qu'on ait l'impression qu'il y ait du gras superflu. Les acteurs sont bons et la photographie soignée, une qualité de plus en plus souvent observée dans les séries. C'est le cas ici aussi.
Je laisse à chacun le plaisir de découvrir comment ces deux personnages se sont retrouvés à discuter dans une barque, en hauteur, quelque part en pleine forêt !
A gauche se trouve Lars, le directeur de l'usine d'enfouissement des déchets, un gros bosseur, méthodique, presque obsessionnel, bon chef d'équipe... et qui mène une double vie. Son épouse et sa fille habitent Stockholm, tandis que lui passe la majorité de l'année dans le Grand Nord... où il s'est lié avec l'une des cadres de son entreprise (à droite ci-dessus), une femme indépendante, plus jeune et mère d'un enfant un peu autiste sur les bords.
Dit comme cela, cela pourrait sembler caricatural. Or, rien ne l'est dans cette série, qui, en parallèle à l'intrigue politico-fantastique, aborde des thèmes sociétaux comme l'adultère, l'intégration sociale, l'ambition, la quête du savoir, la conscience professionnelle et la course au profit. C'est filmé avec rigueur et subtilité : on comprend beaucoup de choses par la mise en scène et la suggestion (grâce aussi au talent des comédiens), sans qu'il y ait forcément besoin de dialogues.
Cela tient la route en raison du soin avec lequel les personnages ont été travaillés. Les cadres et ouvriers de l'usine sont amenés à croiser des habitants du coin, des scientifiques venus de Stockholm, des militants écologistes plus ou moins radicaux, des politiques... Aucun n'est caricatural et chacun (ou presque) a droit à son histoire, en marge de l'évolution de l'intrigue principale.
Celle-ci décrit la tension qui monte entre deux exigences : l'achèvement de la construction du site d'enfouissement et les recherches effectuées pour comprendre l'origine du fameux "mur". Dans le même temps, un complot semble à l’œuvre, qui pourrait tout faire déraper.
Juste un peu curieux au début, j'ai été happé par l'intrigue... sans être déçu par la conclusion, à la fois spectaculaire et maline.
22:55 Publié dans Télévision, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, télé, médias, cinéma, cinema, film, films
lundi, 27 février 2023
Missing : disparition inquiétante
Ce petit thriller numérique se place dans la continuité de Searching, sorti en 2018, et qui avait rencontré un succès inattendu. Le nouvel opus reprend un peu les mêmes recettes : une famille déjà endeuillée va connaître une séparation brutale. Ses membres sont hyper-connectés, ce qui fait que presque toute leur vie se trouve en ligne, ou est accessible grâce à des applications numériques, que la personne qui se lance dans la recherche va utiliser.
C'est aussi bien foutu que le précédent film, auquel une scène du début fait allusion, sous la forme d'un clin d’œil... auquel répond d'ailleurs un autre clin d’œil, en toute fin d'histoire.
Sur le plan visuel, je note que, comme dans Searching, la version française a bénéficié d'un soin tout particulier, au niveau de l'habillage visuel. Même les publicités électroniques et les liens hypertexte ont été traduits. C'est ainsi très agréable à suivre.
Le scénario est élaboré, vraiment retors. Sans trop en dire, je peux affirmer que, derrière l'inquiétante disparition se cache une manipulation et que, de manière globale, l'intrigue illustre un fait de société. On nous a ménagé pas mal de rebondissements.
Plusieurs éléments montrent l'habileté des auteurs et prouvent que ce film en apparence modeste a bénéficié d'un soin particulier. Le début est très important. Dans la dernière partie de l'histoire, on revoit l'une des scènes initiales, sous un angle totalement différent. C'est malin. Plus forte encore est la mise en abyme des écrans. La mise en scène nous révèle, par la prise de recul, que ce qu'on croit voir n'est pas forcément toute la réalité. C'est donc une approche assez civique de l'usage du numérique... tout en étant une publicité vivante pour certains outils des GAFAM !
09:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinema, film, films
dimanche, 26 février 2023
Le Nid du Tigre
Cette coproduction italo-népalaise est sortie en France de manière confidentielle. Pourtant, elle s'adresse à un large public et suit des recettes éprouvées : une dose de superbes paysages, deux-trois louches de bons sentiments... et des tigres.
C'est ce dernier ingrédient de la sauce qui m'a fait craquer. Dans cette fiction, ce sont de vrais tigres que l'on voit (contrairement à L'Odyssée de Pi, qui semble pourtant avoir inspiré ce film), des grands... et des (très) petits. Le plus présent à l'écran est, au commencement de l'histoire, un bébé que le héros (Balmani) va baptiser Mukti... et c'est une femelle, au tempérament joueur.
Dès le début, les spectateurs les plus attentifs comprendront que cette supposée tigresse sauvage est sans doute un animal né en captivité et dressé dès son plus jeune âge. Elle est d'une surprenante docilité... et très câline. On ne peut pas ne pas faire le rapprochement avec les chats, d'autant que, peu de temps auparavant, la tigresse nous a été montrée en compagnie de sa mère, qui se faisait les griffes sur un tronc d'arbre... un comportement ô combien familier pour tout possesseur de félidé !
Les interactions de "Mukti" avec Balmani sont bien mises en scène, du moins au niveau de la gestuelle, parce que, sinon, les dialogues sont faiblards, le gamin s'adressant à la tigresse comme à une personne. Je sais bien que, souvent, les propriétaires de chat ont l'impression "qu'il ne lui manque que la parole", mais, là, on est au niveau de Belle et Sébastien.
L'action se déroule au Népal. Balmani (Sunny Pawar, déjà vu dans Lion) est un orphelin des rues, qui a perdu ses parents lors du séisme de 2015. Il vient d'être recueilli par un orphelinat rural (géré par une Occidentale), où il a du mal à s'adapter. Il disparaît, à la fois pour fuir l'ambiance de l'institution et pour sauver le bébé-tigresse de la cupidité des trafiquants.
On peut noter que le scénario n'élude pas les difficultés qui règnent dans ce pays en développement : la grande pauvreté (visible notamment dans les villes), la corruption ou l'envie d'argent facile (qui permet d'acheter les services ou la complaisance des locaux), la mort (d'un parent notamment)...
C'est aussi une plongée dans la vie quotidienne d'un pays méconnu. Dans leur périple, Balmani et Mukti vont croiser des nomades des forêts, des gamins des rues de Katmandou, des ruraux "chasseurs de miel" (au cours d'une séquence étonnante), des montagnards éleveurs de yacks et, enfin, des moines bouddhistes.
Si les personnages principaux s'expriment tous en anglais (et sont donc -pas très bien- doublés en français), j'ai remarqué qu'on a laissé (y compris dans la VF) les peuples vivant à l'écart du monde moderne s'exprimer dans leur langue, notamment les nomades rautes et les éleveurs de l'ancien royaume de Mustang).
Dans la salle, les enfants sont captivés, parfois amusés. Les adultes doivent faire preuve d'indulgence : au début, le gamin arrive un peu trop facilement à échapper aux trafiquants tout en portant le bébé-tigre ; un peu plus tard, en pleine cambrousse, il croise un routard occidental, qui va le prendre sur son side-car ; dans la seconde partie de l'histoire, il rencontre (en ville) un autre garçon, sur le point de partir pour la région qui héberge le "Nid du Tigre", avec son oncle. Il y a beaucoup d'heureuses coïncidences, mais les scénaristes ont veillé à ce que l'intrigue ne soit pas trop linéaire : l'enfant rencontre de nombreuses difficultés, qu'il parvient, avec de l'aide, à surmonter.
La conclusion est très belle, dans l'esprit de récents films (avec personnages réels ou animés) destinés aux enfants : la place d'un animal sauvage est dans la nature, de préférence avec ses congénères, pas en compagnie des humains.
16:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinema, film, films, nature, biodiversité